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la Revue Médico-Chirurgicale
du CHU de Charleroi
Numéro RMC 2015-4
Contacts : [email protected] - [email protected]
Dans ce numéro :
• Endométriome géant chez une femme ménopausée :
une observation rare.
Charaf G, Ouazzani A, Guérin E, Lemaître P, Pitot D, Lefebvre J-C,
Takieddine M, Dryjski J, Vaneukem P
• Le pied diabétique
Dr Mercedes Heureux
• Protocole d’hypothermie thérapeutique après arrêt
cardiaque actualisé en 2015
Dr Gaëtan Simoens
• Discussion clinique : température, frissons et décès
chez un homme de 35 ans
Dr Jean-Claude Legrand
• Stromae : Ses concerts annulés, les vraies raisons
médicales dévoilées !
Une maladie aurait causé l'annulation de sa tournée.
RMC 2015-4- http://www.chu-charleroi.be/RMC/
Éditorial
Depuis 2009, près de 16 revues ont vu le jour et vous pouvez y accéder via le
portail scientifique du SIM ou bien, simplement sur n’importe quel moteur de recherche avec des mots clés simples comme « RMC, revue, Charleroi et/ou le nom
de l’auteur».
Nos articles dépassent de loin les frontières de notre région de Charleroi. Pour un
simple exemple, celui qui souhaite s’informer sur la procédure « EBUS », échoendoscopie bronchique trouvera un PDF de la RMC dans la première page d’un
moteur de recherche bien connu !
Le monde des médias évolue de façon exponentielle, nous en sommes à ne plus
pouvoir gérer nous même le trop-plein d’information. C’est pourquoi la RMC garde
une place privilégiée : articles abordables, de qualité scientifique, sur des sujets
divers et variés souvent à la pointe de ce qui se fait jour après jour au sein de notre
CHU.
Nous espérons recruter encore de nombreux auteurs, émancipez-vous au sein
de notre revue !
Dr Olivier GILBERT, Rédacteur en Chef de la RMC,
Pneumologue, CHU de Charleroi
Comité de rédaction
2
Rédacteur en Chef
Docteur Olivier Gilbert
Rédacteurs Adjoints
Docteur Guy Bruninx
Docteur Philippe Rondeaux
Responsable Informatique
Docteur André Vandenberghe
Secrétariat
Madame Béatrice Pol
Maquette & mise en page
Monsieur Frédéric Noël
Service communication
Pauline Dehavay
Comité de la Revue
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Docteur Dany Brohee
Docteur Eric Carlier
Docteur Nabil Daoudi
Docteur Didier Dequanter
Docteur Badih El Nakadi
Docteur Eric Guerin
Docteur Benoit Guillaume
Monsieur Lambert Lesoil
Docteur Thibaut Richard
Monsieur Serge Stenuit
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Endométriome géant chez une femme
ménopausée : une observation rare
Charaf G, Ouazzani A, Guérin E, Lemaître P, Pitot D, Lefebvre J-C,
Takieddine M, Dryjski J, Vaneukem P
Résumé
Une femme âgée de 71 ans a été référée à notre unité pour des ulcères de la paroi abdominale siège d’une importante déformation. Un scanner abdominal a été réalisé et a mis
en évidence une structure kystique sans septa, dépendant de l’ovaire droit et mesurant
31x22x36cm. Son volume a été estimé à 13 litres. Le taux sérique de CA-125 était de
453.1UI/ml (≤ 35UI/ml). En raison de l’hypothèse néoplasique de la masse et des ulcérations cutanées, une intervention chirurgicale a été réalisée. Une exérèse du kyste associée
à une omentectomie, hystérectomie, annexectomie droite et exérèse des lésions cutanées
ont été réalisées. Les suites opératoires furent simples. Le kyste contenait un liquide brunchocolat. L’analyse anatomo-pathologique a confirmé le diagnostique d’endométriome
ovarien sans aucun signe de malignité.
Introduction
L’endométriose est définie comme la présence de glandes et de stroma endométrial au
niveau de sites extra-utérins, lesquels sont essentiellement localisés au niveau du pelvis.
Une des hypothèses pathogéniques suggère que les cellules endométriales proviennent
de saignements menstruels rétrogrades à travers les trompes de Fallope, celles-ci s’implantant le plus fréquemment au niveau des ovaires [1]. Les endométriomes se développent ensuite progressivement à partir de cellules implantées au niveau des cortex ovariens.
A l’intérieur de ces kystes, de hautes concentrations en fer peuvent être retrouvées, très
probablement suites à des saignements menstruels chroniques [1]. Le diamètre des endométriomes excède rarement 10-15cm [2]. Un processus tumoral malin doit être suspecté au delà de cette taille [3].
Observation clinique
Une femme âgée de 71 ans, nous a été référée dans le cadre de plaies ulcérées localisées
au niveau de la partie inférieure d’une importante déformation de la paroi abdominale antérieure (figure 1A). La patiente ne présentait aucun antécédent particulier à l’exception
d’une distension et relâchement progressif de la paroi abdominale évoluant depuis 20 ans.
En outre, la patiente ne prenait aucune médication particulière. Un scanner abdominal a
été réalisé et objectivait un volumineux kyste, sans septa, dépendant de l’ovaire droit et
mesurant 31x22x36cm.
Son volume a été estimé à 13 litres (figure 1B).
Par ailleurs, on visualisait de l’ascite, une hypertension portale et une hydronéphrose droite.
Le taux de CA-125 était de 453.1UI/ml (valeur normale : ≤35UI/ml), les plaquettes étaient
à 624x10³/mm³, la C-réactive protéine était de 5.3mg/L. Une indication opératoire a été
posée vu la suspicion de néoplasie ovarienne et les signes de souffrances cutanées (ulcérations).
Une laparotomie médiane a permis la résection des ulcérations cutanées, la kystectomie,
l’omentectomie, l’hystérectomie, l’annexectomie. Le kyste contenait environ 13 litres d’un
liquide brun chocolat (figure 1C et 1D).
L’analyse anatomo-pathologique a retenu le diagnostic de kyste endométriosique, sans
aucun signe de malignité. Celui-ci exprimait de manière importante des récepteurs oestroprogestatifs.
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L’évolution post-opératoire fut favorable. La patiente a pu sortir au 14e jour post opératoire.
Une prise de sang de contrôle a été réalisée et a mis en évidence la chute du taux de
CA-125 à 11.9UI/ml.
Discussion
A notre connaissance, nous rapportons le cas d’une patiente présentant le plus volumineux
endométriome rapporté dans la littérature et le premier cas décrit chez une femme de plus
de 70 ans. En effet, l’endométriose post ménopausique est un fait rare et les endométriomes dépassent rarement 15 cm de diamètre. Levent Y. et al. ont rapporté le plus gros
endométriome de la littérature, en 2009. Ceux-ci avaient décrit une observation clinique
concernant un endométriome de 26x18x17cm, dépendant de l’ovaire droit et contenant
approximativement 3,25 litres. Le taux de CA-125 était de 383.1 UI/ml [4].
En 1997, Hiroshi Ishlkawa et al. ont rapporté le cas d’une patiente de 30 ans, nullipare,
asymptomatique, et ayant un endométriome de l’ovaire droit de 25x18x12cm, et contenant
approximativement 2,5 litres. Le taux de CA-125 était de 370 UI/ml [5].
En général, l’endométriose s’accompagne : de dysménorrhée, subfertilité, saignements
menstruels anormaux, dyspareunie profonde, douleurs pelviennes chroniques, douleurs
dans le bas du dos, symptômes systémiques urinaires ou digestives, lesquels sont souvent
cycliques, fatigue chronique ou encore un effet de masse [6]. Notre patiente avait uniquement des plaintes en rapport avec ses ulcérations signant une souffrance cutanée dans le
cadre de sa volumineuse déformation pariétale.
En pré ménopause, la production d’œstrogènes provient des ovaires essentiellement. Les
lésions d’endométriose régressent à la ménopause, cette pathologie étant œstrogèno-dépendante. Une fois la ménopause, les œstrogènes proviennent des surrénales, de la peau,
du tissus adipeux, du stroma endométrial ou d’un traitement hormonal substitutif.
En effet, l’aromatase permet la synthèse d’œstrogènes (œstradiol) à partir du tissu adipeux.
Une autre anomalie habituellement rencontrée dans l’endométriose est le déficit d’expression de la 17-ß-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2, qui entraîne un défaut d’inactivation de l’œstradiol en estrone [7], accroissant de ce fait la concentration d’œstradiol à
la ménopause.
Le CA-125 est une glycoprotéine de haut poids moléculaire, initialement utilisée comme
marqueur tumoral. L’augmentation de sa concentration sérique peut aussi se rencontrer
dans diverses étiologies malignes et bénignes comme un fibrome utérin et l’endométriose
[8] comme observé chez notre patiente.
Conclusions
L’endométriome est une lésion tumorale bénigne faisant partie du diagnostic différentiel
des lésions annexielles de la femme en âge de reproduction. Il peut atteindre un volume
important et progresser même chez la femme ménopausée.
A notre connaissance, ce cas décrit le plus grand endométriome rapporté dans la littérature
et le premier cas chez une femme âgée de plus de 70 ans.
La genèse des œstrogènes par l’aromatase et le déficit d’expression de la17-ß-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2 pourraient expliquer la progression de cette lésion à la
ménopause.
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Figure 1A
Figure 1B
Figure 1C
Figure 1D
5
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Références
6
1.
Brosens IA, Puttemans PJ, Deprest J. The endoscopic localization of endometrial
implants in the ovarian chocolate cyst. Fertil Steril, 1994, 61:1034.
2.
Kurman RJ. Blaustein’s Pathology of the Female Genital Tract 4th edition. SpringerVerlag, 1994.
3.
Janovski NA, Paramanandhan TL. Ovarian tumors, major problems in obstetrics and
gynecology, vol 4. Saunders, 1973.
4.
Levent Y, A. Süha S, Ali Galip Z, Gezer N, H.Fehmi Y, Gülseven M. Huge ovarian
endometrioma - a case report. Gynecol Surg, 2010, 7:365-367
5.
Hiroshi Ishikawa, Michiyoshi Taga, Atsushi Haruki, Kazuhiro Shirasu, Hiroshi
Minaguchi, Masamichi Hara. Huge ovarian endometrial cyst - a case report. European
Journal of Obstetrics & Gynecology and Reproductive Biology 74, 1997, 215-217.
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Engemise S, Gordon C, Konje JC. Endometriosis. British Medical Journal, 2010,
340 : c2168.
7.
HM Fatemi, HA Al-Turki, EG Papanikolaou, L Kosmas, P De Sutter, P Devroey.
Successful treatment of an aggressive recurrent post-menopausal endometriosis with
an aromatase inhibitor - a case report. Reproductive BioMedicine Volume 11, 2005,
455-457.
8.
Cem Somer A, Murat S, Batu A, Ilkkan D. Extremely elevated CA-125 level due to an
unruptured large endometrioma. European Journal of Obstetrics & Gynecology and
Reproductive Biology 110, 2003, 105-106.
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Le pied diabétique
Dr Mercedes Heureux
1. Introduction
Le pied diabétique est un véritable problème de santé publique de part les conséquences
cliniques et économiques qu’il entraîne. Le risque d’amputation des membres inférieurs
est multiplié par 10 à 30 par rapport à une population non diabétique1. Les coûts directs
et indirects sont considérables principalement dus aux hospitalisations longues et itératives. Une stratégie de soins préventifs associant l’éducation du patient diabétique et de
sa famille, le dépistage du pied à risque et un examen régulier des pieds permettrait d’obtenir le but fixé par la déclaration de Saint Vincent qui vise à réduire de moitié le nombre
d’amputations chez les patients diabétiques.
2. Qu’est ce qu’un « pied diabétique » ?
C’est un terme qui désigne l’ensemble des complications du diabète atteignant le pied où
dominent la neuropathie, l’artériopathie et la raideur articulaire. On estime que 15% de
l’ensemble des diabétiques présenteraient au moins une fois dans leur vie un ulcère plantaire comme complication de leur diabète 2.
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Présente chez environ 80% des individus avec une ulcération plantaire, la neuropathie
est de loin la plus commune des complications du diabète. Son apparition et son développement sont liés à l’ancienneté du diabète, à l’âge du patient et surtout à l’hyperglycémie chronique.
Elle est caractérisée par une atteinte bilatérale et symétrique des membres inférieurs. La
conjonction d’une neuropathie motrice, sensitive et autonome entraîne des pertes de substances en regard des points d’appui appelés « maux perforants plantaires », lésions indolores, atones, entourées d’un halo d’hyperkératose siégeant le plus souvent sur les zones
d’hyperpression ou en regard de déformations osseuses.
L’évolution naturelle de l’ulcération se fait vers la profondeur avec apparition de pertuis
dont la recherche doit être systématique.
Exemples de maux perforants plantaires
Le stade ultime de la neuropathie diabétique est représenté par le pied de Charcot : cette
ostéoarthropathie est une destruction progressive et relativement indolore des articulations
du pied qui se caractérise par un épisode inflammatoire aigu associé à un degré variable
de dislocations, fractures et déformations.
La physiopathologie de cette entité n’est pas parfaitement élucidée ; elle est probablement
secondaire à la combinaison de facteurs mécaniques et vasculaires résultant de la neuropathie périphérique (3).
Durant la phase aiguë, le pied prend un aspect pseudo-inflammatoire correspondant à
l’apparition de fractures et de luxations et pose le problème du diagnostic différentiel avec
une arthropathie inflammatoire (goutte) ou une infection profonde (ostéomyélite, arthrite
septique,…). Cliniquement, le pied de Charcot aigu est le plus souvent chaud (au moins
2° C de plus que le pied controlatéral en absence d’artérite), érythémateux mais indolore.
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La seconde phase est marquée par une consolidation des lésions osseuses et par la disparition des signes inflammatoires qui ne sera obtenue que par une mise en décharge totale pendant plusieurs mois, à l’aide d’une botte plâtrée ou d’une botte de décharge
amovible (Pneumatic Walker, Diabetic System, Aircast®). Le retard d’une mise en décharge
conduit à une aggravation des lésions ostéo-articulaires et à des déformations majeures.
La réduction de la mobilité articulaire liée notamment à une anomalie de glycosylation
du collagène, induit une raideur articulaire et une rigidité du pied qui entrave son déploiement et augmente le risque d’ulcération par un traumatisme mineur (4).
L’atteinte vasculaire se traduit par une micro- et une macro-angiopathie responsables
de l’ischémie. Le risque d’artériopathie des membres inférieurs chez le patient diabétique
est corrélé avec la durée du diabète (5). Elle est non seulement plus fréquente mais plus
diffuse et plus distale que chez les patients non diabétiques. Son évolution est souvent insidieuse en raison d’une neuropathie associée qui supprime le caractère douloureux de
l’artériopathie isolée. La prévalence de l’artériopathie chez les diabétiques européens est
évaluée à 49% (6).
Un diabète bien équilibré (HbA1c < 7%) permet d’éviter l’atteinte la neuropathie et l’artériopathie. Le tabac, l’excès d’alcool, l’hypertension, l’excès de cholestérol et le manque
d’exercice contribuent également à favoriser l’atteinte artérielle et nerveuse.
Bien souvent, il existe un tableau mixte : la neuropathie permet à la lésion de s’installer et
l’artériopathie empêche celle-ci de cicatriser ou peut même l’aggraver. Cependant, l’apparition des lésions n’est pas spontanée : il existe bien souvent des facteurs déclenchants
qui sont dans la plupart des cas liés à un problème de chaussage, à des gestes de pédicurie inadaptés, à des traumatismes thermiques (bains de pieds, bouillottes…) ou à une
mauvaise hygiène.
L’infection est favorisée chez les diabétiques par plusieurs facteurs : altération de la fonction des globules blancs surtout si le contrôle glycémique n’est pas optimal, diagnostic
tardif de la plaie à cause de la neuropathie et enfin, déficit d’oxygénation dû à l’artériopathie. L’infection complique 40 à 80% des ulcérations et est responsable d’environ deux
tiers des amputations distales (7, 8). L’extension du processus infectieux peut être rapide et
nécessite le plus souvent une hospitalisation.
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3. Quel patient diabétique est le plus à risque ?
L’âge et la durée d’évolution du diabète augmentent le risque d’ulcération en raison notamment de l’accroissement de la prévalence de la neuropathie. La présence d’autres
complications comme la rétinopathie et la néphropathie (avec un risque particulièrement
élevé chez les dialysés), l’état psychologique et les conditions sociales sont aussi à prendre
en compte. Un antécédent d’ulcération est le facteur de risque le plus important car la récidive est très fréquente.
4. Comment déterminer le pied à risque ?
Tout patient diabétique devrait bénéficier d’un examen annuel de dépistage pour identifier
le pied à risque. Cet examen inclut l’observation des déformations éventuelles du pied, la
recherche d’une neuropathie (test au mono-filament, diapason ou neurothésiomètre) et
l’évaluation du statut vasculaire (palpation des pouls, mesure de l’Index de Pression Systolique = IPS). Suite à cet examen, il est possible de définir pour chaque patient son niveau
de risque lésionnel.
Calcul du profil de risque
0
Pas d’anomalie
1
Neuropathie isolée
2a
Neuropathie + déformation légère
2b
Neuropathie + déformation sévère
3
Antécédent d’amputation ou d’ulcère
Artériopathie ou pied de Charcot
Dès le groupe à risque 1, il faut renforcer la
surveillance et informer le patient des mesures
préventives à mettre en œuvre tant pour l’hygiène des pieds que pour le chaussage approprié. Il faut également lui conseiller une prise
en charge par un podologue agréé.
5. Que faire en cas de plaie ?
Désinfecter la plaie avec une compresse stérile et un antiseptique non coloré. Ne jamais
utiliser de pommades ni d’antibiotiques locaux. Couvrir la plaie avec une compresse stérile
sèche maintenue par un sparadrap hypoallergénique. Consulter rapidement le médecin
traitant même pour une plaie paraissant minime. Etre en ordre de vaccination antitétanique.
6. Que faire pour cicatriser la plaie ?
Devant toute plaie, il convient d’en évaluer la gravité. L’infection et la présence d’une artériopathie sont 2 facteurs aggravant le pronostic. La base du traitement est de décharger
la plaie du poids du corps, acte indispensable d’une part pour obtenir une cicatrisation et
d’autre part pour réduire le taux d’infections et d’amputations (9, 10). Le type de mise en
décharge dépend de la localisation et de la sévérité de la lésion. Pour des plaies superficielles au niveau des orteils, une orthèse en silicone peut suffire. Au niveau de l’avant pied,
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on utilise un feutre de décharge ou une chaussure de Barouk. En cas de lésions médioplantaires plus sévères ou de pied de Charcot au stade aigu, l’usage de bottes, soit amovibles à décharge pneumatique, soit en plâtre, est indiqué. Le repos au lit, l’utilisation de
béquilles, le fauteuil roulant sont aussi d’autres alternatives. Cependant, la décharge est
plus efficace si le système est inamovible.
Orthèse en silicone
Décharge par feutre
Chaussure de Barouk
Botte pneumatique
Le débridement de la plaie qui sert à mettre à nu le tissu sain, dans le but d’obtenir une
cicatrisation plus rapide, peut être réalisée mécaniquement à l’aide d’un bistouri, être auto
lytique par l’application de certains pansements ou ‘bio zoologique’ par l’utilisation de
larves stériles de mouches (Lucilia sericata) qui ne se nourrissent que de tissus nécrosés,
exercent une action bactéricide et stimulent la granulation. Le soin de la plaie sera axé
sur la prévention d’une surinfection (utilisation d’antiseptiques large spectre halogénés le
plus souvent et éviter l’utilisation de pansements occlusifs). Les pansements modernes
qui se sont développés récemment, malheureusement coûteux, permettent une adaptation
des soins très spécifiques en fonction du type de plaie et du stade de cicatrisation, le but
étant de maintenir un milieu humide pour favoriser la cicatrisation. Malgré leur efficacité,
ils seront inutiles s’ils ne sont pas associés à une décharge optimale.
8. Conclusion
Devant la pandémie annoncée de diabète, il est urgent d’élaborer une collaboration multidisciplinaire impliquant notamment un spécialiste en pathologie vasculaire, un diabétologue, un orthésiste, et un podologue dont la vocation ne serait pas uniquement de
proposer des soins spécifiques à la problématique du pied diabétique mais surtout de
mettre l’accent sur les mesures préventives et de sensibiliser les diabétiques aux complications inhérentes à leur maladie. Un examen régulier des pieds, un dépistage du pied à
risque, l’éducation du patient, de sa famille et des soignants sont les piliers essentiels pour
une prévention efficace. Toute ulcération du pied chez un diabétique doit être considérée
comme une urgence thérapeutique et nécessite une stratégie cohérente et standardisée
: déterminer la cause, estimer la gravité de la lésion, évaluer l’état vasculaire, traiter efficacement l’infection qu’elle soit superficielle ou profonde. La cicatrisation ne sera alors possible que si la plaie est correctement déchargée du poids du corps.
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Références
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2. Boulton AJM, Vileikyte L, Ragnarson-tenvall G, Apelqvist j : The global burden of diabetic
foot disease. Lancet 2005 ; 366 :1719-24
3. Brower AC, Allman RM: Pathogenesis of the neurotrophic joint: neurotraumatic vc
neurovascular. Radiology 1981; 139 : 349-54
4. Fernando DJ, Masson EA, Veves A, Boulton AJM : Relationship of limited joint mobility
to abnormal foot pressures and diabetic foot ulceration. Diabetes Care 1991 ; 14 : 811
5. Al-Delaimy WK, Merchant AT, Rimm EB et al.: Effect of type 2 diabetes and its duration
on the risk of peripheral arterial disease among men. Am J Med 2004 ; 116 : 236-40
6. American Diabetes Association. Peripheral arterial disease in people with diabetes.
Diabetes Care 2003 ; 26 : 3333-41
7. Pecoraro RE: Chronology and determinants of tissue repair in diabetic lower extremity
ulcers. Diabetes 1991 ; 40 : 1305-13
8. Pecoraro RE, Reiber GE and Burgess EM : Pathways to diabetic limb amputation: basis
for prevention. Diabetes Care 1990 ; 13 : 513-21
9. Mueller MJ, Diamond JE, Sinacore DR et al. : Total contact casting in treatment of
diabetic plantar ulcers : controlled clinical trial. Diabetes Care 1989 ; 12 : 384-88
10.Ha Van G, Siney H, Hartemann – Heurtier A, Jacqueminet S, Gréau F, Grimaldi A : Non
removable, windowed, fiberglass cast boot in the treatment of diabetic plantar ulcers
Diabetes Care 2003 ; 26 : 2848-52
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Protocole d’hypothermie thérapeutique
après arrêt cardiaque actualisé en 2015
Dr Gaëtan Simoens
1. Introduction
Depuis 2002, l’hypothermie thérapeutique (HT) modérée (32 à 34 °C) est devenue un traitement incontournable du coma postanoxique résultant de l’arrêt cardiaque. Elle a été démontrée par deux grandes études comme étant meilleure sur le pronostic neurologique et
la survie à 6 mois des patients découverts en rythme choquable que le non contrôle de la
température. La plupart des services de soins intensifs ont mis en place dans les mois et
années qui ont suivi ces deux études un protocole de prise en charge de ces patients et
se sont équipés de matériel ad hoc pour pratiquer cette hypothermie. L’HT a été en pratique élargie à la plupart des patients ayant subi un arrêt cardiaque, indépendamment de
la cause de celui-ci pour autant que ce traitement ne paraisse pas futile et qu’il n’y ait pas
de contrindication majeure au traitement.
De nombreuses questions restaient cependant sans réponse à l’issue de ces deux études
et pour beaucoup, n’ont toujours pas été élucidées. Parmi ces interrogations, on retrouve,
de manière non exhaustive, les questions suivantes :
• Quel est le meilleur moment pour entamer l’HT ?
• Doit-elle être commencée en préhospitalier ou en intrahospitalier ?
• Quelle est la température cible à obtenir ?
• Quel matériel doit être utilisé pour mettre en route l’HT ?
• L’état de choc est-il une contrindication formelle ?
• Faut-il réellement inclure dans l’HT les patients découverts en asystolie ?
• Combien de temps doit durer l’HT ?
• Comment gérer la température des patients à la fin du protocole de l’HT ?
Fin 2013, l’étude TTM (Targeted temperature management after cardiac arrest. N Engl J
Med.2014;370:1360.) a démontré que l’obtention d’une température cible à 36°C serait
aussi efficace qu’une hypothermie à 33°C sur la survie et le devenir neurologique des patients ayant subi un arrêt cardiaque. Ces constatations ont perturbé le monde des soins
intensifs au point de mettre en doute la validité de la prise en charge qu’on appliquait à
ces patients depuis une décennie.
A postériori, il s’avère que l’intérêt essentiel de l’étude TTM est de montrer l’importance
du CONTRÔLE ACTIF de la température pendant les 72 premières heures de la prise en
charge des patients. L’hyperthermie quasi constante remarquée chez ces patients si un
contrôle ne se fait pas est un facteur individuel prouvé de mauvais pronostic.
Par contre, pour toute une série de raisons que je ne détaillerai pas (physiopathologiques,
méthodologiques, effets secondaires, … ), l’HT n’est pas fondamentalement remise en
cause par l’étude TTM. C’est pourquoi, nous continuerons à travers ce protocole actualisé
à l’utiliser au sein du CHU de Charleroi.
Le CHU de Charleroi en 2015 rentre dans un protocole d’étude sur l’instauration de l’HT
en préhospitalier (étude PRINCESS ) par un système de refroidissement intranasal. Certains
patients ayant subi un arrêt cardiaque arrivant à l’hôpital auront donc déjà été refroidis par
le système « Rhinochill ». La durée de refroidissement préhospitalier par ce système ne
pourra pas dépasser 60 minutes.
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2. Prise en charge
Dès cette année 2015, les patients ayant subi un arrêt cardiaque extrahospitalier viendront
aux soins intensifs directement de l’ambulance sans transiter par le service des urgences.
Il y aura très certainement une période d’évaluation pour juger de la pertinence de pérenniser cette attitude.
Aux soins intensifs, le patient sera directement mis sur un matelas réfrigérant et la température initiale sera prise par un thermomètre tympanique. Soit il aura été inclus dans l’étude
PRINCESS, soit il n’y aura pas été inclus selon les différents critères d’inclusion et d’exclusion de cette étude. Il sera monitorisé par le thermomètre rectal du matelas et également
par le thermomètre tympanique en cas d’inclusion dans l’étude « PRINCESS ».
Critères d’inclusion d’HT à l’USI :
a. patients inclus dans l’étude Princess.Il y aura un groupe hypothermie par le « Rhinochill »
et un groupe non traité.
b. patients non inclus dans l’étude Princess mais pour lesquels le réanimateur estime qu’il
peut entrer dans un protocole d’HT soit :
1. Patients de plus de 18 ans ayant subi un arrêt cardiaque découverts en FV, asystolie
ou dissociation EM, à l’hôpital ou hors de l’hôpital, pour lesquels une réanimation a
permis de restaurer une circulation efficace dans un délai « raisonnable » suivant la
perte de connaissance. Celui-ci est laissé à l’appréciation du réanimateur. Le doute,
souvent présent, doit faire appliquer l’hypothermie dans la plupart des cas.
Critères d’exclusion :
Hémorragie active, polytraumatisme, maladie terminale, grossesse. L’état de choc et les
arythmies ne sont pas des critères d’exclusion formels. L’HT pourra être arrêtée à tout
moment selon les effets secondaires délétères attribués à l’HT.
Une évaluation neurologique initiale avec un arrêt temporaire des sédatifs doit idéalement
être réalisée pour éviter de mettre en hypothermie des patients récupérant un état de
conscience avec éveil et mouvements orientés.
Appareillage des patients :
1. KT central.
2. KT artériel.
3. Monitorage hémodynamique par système PICCO.
4. Monitorage continu de la température centrale en rectal et discontinu en tympanique
en cas d’étude PRINCESS.
5. Sondes gastrique et vésicale.
6. Monitoring cérébral NIRS s’il est disponible.
7. Position 30-45°.
Sédation :
1. Utilisation du midazolam associé à un morphinique en IVC.
2. Utilisation de curares en bolus ou en continu si la sédation profonde ne parvient pas à
éviter les frissons ou si la température cible ne parvient pas à être obtenue sans l’aide
de ceux-ci.
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3. Sédation pendant les 24 heures de l’hypothermie plus le temps nécessaire pour arriver
à 36°C lors du réchauffement passif. Arrêt de la sédation à ce moment.
Modalités d’obtention de la température cible (33°C ± 1°C )
1. Si le patient a été inclus dans l’étude Princess et qu’il est dans le bras « refroidissement », il devrait arriver directement à l’USI proche de la température demandée. Dans
ce cas, l’utilisation du matelas seul devrait pouvoir maintenir la température requise.
2. Si la température est d’emblée idéale mais que le matelas n’est pas prêt ou que la température du patient dépasse 34°C et que l’état hémodynamique le permet, instaurer
une perfusion de 1 à 2 L d’un cristalloïde à 4°C sur une heure en ayant à l’esprit les
perfusions déjà reçues auparavant. Ce point est laissé à l’appréciation du réanimateur.
3. Poches de glace dans le cou, sur le torse et les creux inguinaux si la température recherchée n’est pas atteinte rapidement.
4. Récidiver les perfusions à 4°C si nécessaire.
5. « Stimuler » les infirmières pour l’obtention de la température dans la fourchette recommandée par les moyens décrits ci-dessus.
6. Arrêt de l’hypothermie 24 heures après le début de la prise en charge aux soins intensifs.
Réchauffement passif.
7. Durant les 48 heures qui suivent l’arrêt de l’HT, il est essentiel de garder la température
du patient entre 36 et 37°C. Dès que la température devient > 37°C, il faut :
a. reinstaurer une sédation profonde.
b. entamer un traitement antipyrétique par du diclofénac intraveineux (voltaren ) selon
le schéma suivant : 75 mg en IVD suivi d’une perfusion continue de 75mg/24h.
c. si les points a et b ne parviennent pas à restaurer la température cible, il peut être
envisagé de remettre le matelas réfrigérant pour l’obtention d’une température entre
36 et 37°C.
Examens complémentaires durant l’hospitalisation à l’USI
Il ne s’agit pas d’imposer des critères rigides au médecin responsable du patient mais de
donner quelques lignes de conduite généralement admises :
1. Lorsque le patient est atteint d’un STEMI, il est souhaitable dans la plupart des situations
de réaliser une coronarographie rapidement afin de réaliser une angioplastie (culprit
lésion PTCA ). En effet, la persistance de l’occlusion coronaire à la phase aigüe du
STEMI est un facteur indépendant de mauvais pronostic. Dans ce cas, il ira accompagné du médecin et de l’infirmière des soins intensifs à la salle d’angiographie avec une
sédation lourde et le monitoring de température, le monitoring hémodynamique et le
respirateur de transport. Il n’est pas indispensable qu’il soit entièrement appareillé par
les KTs central et artériel si l’angiographie est disponible d’emblée, selon l’adage « time
is muscle ». Ce point est laissé à l’appréciation de l’intensiviste, en fonction de l’état clinique du patient.Un médecin anesthésiste sera présent en salle de coronarographie durant toute la procédure.
2. En cas de NSTEMI ou si la cause de l’arrêt cardiaque n’apparaît pas clairement, la coronarographie sera envisagée ou non selon l’appréciation de l’intensiviste, en bonne
entente avec le cardiologue de garde sur place et l’angioplasticien.
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3. Les examens neurophysiologiques permettent d’affiner le pronostic neurologique. Il
s’agit de l’EEG (électroencéphalogramme ) et des potentiels évoqués surtout somesthésiques. Si l’EEG est disponible dans les 24 premières heures, il sera réalisé dans ce
laps de temps, permettant parfois d’avoir rapidement une idée pronostique. Dans tous
les cas, ces deux examens seront réalisés dès la 72° heure.
4. En principe, un scanner cérébral ne fait pas partie de la routine dans la prise en charge
des comas après arrêt cardiaque. Si la cause de la perte de connaissance semble être
d’origine neurologique ou si la chute a provoqué un traumatisme crânien ou pour toute
autre raison où il y a un doute sur un incident neurologique, un scanner cérébral sera
réalisé.
Conclusion
Malgré les doutes récents sur le bien-fondé de l’hypothermie modérée (33°C) comme traitement dans la prise en charge des comas post anoxiques après arrêt cardiaque, son intérêt dans la diminution des dégâts cérébraux secondaires à l’anoxie reste pertinent .
Sur base des guidelines, nous continuons le protocole de 24 h instauré dans notre service
depuis quelques années. Nous appliquons également un protocole pour éviter durant au
moins 72h après l’arrêt cardiaque l’élévation de la température corporelle au-delà de 37°C.
L’hyperthermie est en effet un facteur de mauvais pronostic neurologique.
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Discussion clinique :
température, frissons et décès
chez un homme de 35 ans
Dr Jean-Claude Legrand
Nous retranscrivons ci-dessous la discussion du cas clinique d'un patient décédé le 5 décembre 91. A part les noms des confrères Klosset, Barisani, Sallaba et Wolf, pour lesquels
nous avons obtenu une dispense, les noms des autres médecins participant à la discussion sont fictifs, le code de déontologie condamnant toute publicité même déguisée.
Il s'agit d'un patient né le 27 janvier 56 et donc âgé de trente-cinq ans. Les premiers symptômes remontent à la mi-septembre 91, date à laquelle le patient se plaint de fatigue intense. A noter un surmenage professionnel manifeste. On note également, dans les années
qui précèdent, d'importants problèmes financiers et sans doute des problèmes familiaux.
On signale de la fièvre à partir de la mi-octobre. Le patient continue toutefois son activité
professionnelle mais bientôt il ne peut plus guère quitter son domicile. Le 15 novembre,
malgré son triste état de santé, il va à une réunion nocturne et en rentre particulièrement
épuisé. Quelques jours plus tard, complètement affaibli, il s'alite et restera grabataire
jusqu'à sa mort. Il présente des périodes d'essoufflement, les pieds et les mains gonflent,
il est sujet à des frissons importants associés à une forte fièvre. Il n'y a pas de trouble manifeste de la conscience, mais on signale un certain degré de parésie voire de paralysie.
Dans la nuit du 4 au 5 décembre 91, il meurt dans un tableau de frissons et de fièvre importante associé à un essoufflement le rendant presque incapable de s'exprimer.
Pr M., chargé de séminaire : Dr Klosset, vous avez vu plusieurs fois le patient lors de
cette maladie.
Dr Klosset : Effectivement, depuis la mort de son médecin habituel, le Dr Barisani, j'étais
devenu le médecin traitant du patient. Je confirme le tableau clinique qui a été donné. Je
voudrais insister sur l'état de bonne santé au préalable du patient et sur le caractère subaigu de la maladie terminale, contrairement à ce qui a été rapporté par certains. Dès le
mois d'octobre, j'avais l'impression que l'on avait à faire à une maladie terminale. Le patient
semblait d'ailleurs parfaitement s'en rendre compte et, à plusieurs reprises, il a parlé de
sa mort prochaine.
Pr M. : Dr Klosset, peut-on parler d'une personnalité dépressive ?
Dr Klosset : Il est bien difficile de se prononcer. C'est vrai que le patient était passé par
pas mal d'épisodes dépressifs, mais depuis 6 mois environ, il était plutôt euphorique, voire
exalté. Il faut dire qu'après une longue période de problèmes de tous ordres, il avait l'impression de « remonter la pente » et avait d'ailleurs reçu pas mal de commandes de travaux
variés. Certaines commandes, d'après ses proches, et en particulier de sa femme, lui tenaient plus à cœur tout en l'inquiétant et en ramenant à son esprit l'idée d'une mort proche.
Mais ceci est contredit par d'autres parmi ses proches.
Pr M. : Nous reviendrons sur ce point. Quel a été votre attitude thérapeutique ?
Dr Klosset : Malheureusement, la situation me paraissait d'emblée dépassée. Fin novembre, j'ai suspecté un début de méningite mais c'est une maladie rénale que j'ai finalement
diagnostiquée, vu notamment les œdèmes. J'ai donc appelé en consultation un spécialiste
hospitalier, le Pr Syllaba, qui n'a pu que me confirmer le pronostic fort sombre. Nous nous
sommes donc contentés d'un traitement purement symptomatique.
Pr M. : Avez-vous vu le patient pendant ses 24 dernières heures ?
Dr Klosset : Oui. A vrai dire, la veille du décès au soir (rappelons qu'il est mort vers
1 heure du matin), la famille est venue me quérir, mais j'étais de garde au théâtre municipal.
Je n'ai pas pu quitter de suite, mais de toute façon, je savais qu'il n'y avait plus rien à faire.
Je suis repassé chez le patient après le spectacle, vers 23 heures. Il était conscient, avait
de forts maux de tête et une fièvre importante. Sa femme était très énervée. J'ai prescrit
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au patient un antipyrétique et un calmant à sa femme. Puis je suis rentré chez moi. Je dois
dire qu'un prêtre avait été également demandé mais que lui, n'est même pas venu !
Pr M. : Je vous remercie. Dr P*** voulez-vous discuter le cas ?
Dr P***, aspirant infectiologue : Nous sommes face au problème d'une maladie rapidement fatale, chez un homme jeune, apparemment en bonne santé au préalable, mais
qui a vécu récemment des problèmes professionnels, financiers et familiaux. A noter, que
pratiquement jusqu'au bout, le patient a fait montre d'une activité importante. Relevons
encore la possibilité d'un syndrome dépressif, évoqué par certains proches. Il nous semble
toutefois que l'hypothèse d'un suicide puisse être exclue, ne cadrant absolument pas avec
le tableau clinique et les circonstances du décès.
Nous retiendrons comme départ à la discussion, la fièvre avec frisson, une paralysie, des
œdèmes aux membres inférieurs et aux membres supérieurs et de la dyspnée.
Une fièvre d'origine indéterminée peut avoir une origine médicamenteuse pour laquelle il
n'y a cependant aucun argument dans ce cas. Elle peut être le signe de maladie cancéreuse au sens large, d'une connectivite et, bien entendu, d'une maladie infectieuse. Le
caractère aigu et rapidement fatal du syndrome fiévreux présenté par le malade est peu
en faveur d'une maladie tumorale. Le diagnostic d'une connectivite est séduisant : problèmes rénaux amenant des œdèmes et une éventuelle insuffisance rénale terminale, dyspnée par bloc alvéolo-capillaire ou dans le cadre de la surcharge hydrique liée à
l'insuffisance rénale, vasculite dans le territoire cérébral amenant des infarcissements multiples. A part la périartérite noueuse et une maladie à immun-complexes circulants, toutefois, il n'y a pas de maladie systémique précise qui ressort des éléments cliniques en notre
possession.
On en revient, à ce qui pouvait paraître le plus logique au départ, c'est-à-dire à une maladie
infectieuse. Parmi les maladies infectieuses fréquentes qui peuvent emporter en quelques
semaines un homme jeune, on peut retenir une tuberculose, une hépatite avec évolution
cirrhogène rapide, un abcès profond ou une infection des voies urinaires amenant des épisodes de bactériémie puis finalement un choc septique, une endocardite bactérienne.
D'autres maladies plus rares peuvent être évoquées, mais vu la multiplicité de ces diagnostics «de seconde probabilité» et la paucité des informations en notre possession, nous
nous contenterons du diagnostic de plus grande probabilité : septicémie, endocardite, tuberculose, «fièvre rénale», abcès profond... Pourrais-je savoir si le patient avait des antécédents familiaux particuliers et un mode de vie inhabituel ?
Dr A., Archiviste : Le père du patient n'avait pas de maladie particulière connue, il est
mort à 68 ans. Sa mère est morte plus jeune, à 58 ans, d'une maladie qui a duré une quinzaine de jours, marquées aussi par de fortes fièvres, des céphalées et une perte de l'ouïe.
Le patient était le benjamin d'une fratrie de 7 enfants, dont 5 moururent en bas âge. La
sœur survivante faisait assez souvent des infections respiratoires. La vie du patient a été
marquée par de nombreux voyages dès le plus jeune âge : il a parcouru pratiquement
toute l'Europe : Belgique, Pays-Bas, France, Angleterre, Allemagne, Autriche-Hongrie et
autres pays d'Europe centrale. Il n'a semble-t-il jamais été plus au sud que Naples et plus
au Nord que La Haye ou Berlin. Au cours des dernières années de sa vie, il a nettement
moins voyagé, renonçant notamment, peut-être pour des raisons de santé ou en raison
d'un excès de travail, à se rendre en Angleterre.
Notons qu'il a eu de nombreux enfants : sept en tout mais que 5 sont morts soit dans la
période périnatale soit dans la petite enfance.
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Dr P*** : a-t-on une idée de la cause du décès des frères et sœurs ainsi que des enfants
du patient ? Est-on au courant des maladies de la sœur ?
Dr A. : La mort des frères et sœurs (et les maladies de la sœur) sont vraisemblement en
rapport avec des conditions d'hygiène pauvres et la malnutrition. On a parlé de peste bubonique chez la sœur mais il s'agissait d'une erreur de lecture d'une lettre du père disant
« Nanner [diminutif du nom de la sœur] ne souffre plus de ses bubons » mais c'est « ne
souffre plus du garçon » qu'il fallait lire : le père faisait allusion au fait que le patient, enfant,
aimait taquiner sa sœur et la faire « souffrir », ce qu'elle ne supportait pas. [La lettre est
écrite en allemand et parle de « der Bub » = le petit garçon et non le bubon !]. Par contre,
on sait qu'en 65, elle fera une infection pulmonaire sévère et, pratiquement en même temps
le patient faisait une infection respiratoire haute.
Dr P*** : Sur le plan sexuel, le patient avait-il une partenaire stable ? Peut-on parler de bisexualité ? A-t-on des arguments en faveur d'utilisation de drogue ?
Dr A. : Le patient fumait la pipe. Il aimait boire du vin mais on ne rapporte pas d'excès de
boisson manifeste. Il n'y a aucun argument pour l'utilisation d'autres drogues. Par contre
sur le plan sexuel, s'il n'y a aucune indication de comportement homosexuel, on peut
constater une hétérosexualité assez prolifique. Il semble avoir connu, au cours de ses
voyages, ses premières aventures amoureuses peu après la puberté, soit dès l’âge de 14
ans. Nous avons en tout cas des indications d'une promiscuité facile lors de sa participation au Carnaval de Munich en 81. Il s'est marié dans l'année qui suit, mais il avait longtemps courtisé la sœur de sa femme avant de faire son choix définitif. Il n'est pas
impossible qu'il ait eu des relations sexuelles avec elle ainsi d'ailleurs qu'avec une autre
sœur de son épouse. Le tout bien entendu avant son mariage. Par la suite, il semble s'être
assagi, mais il est probable qu'il ait eu quelques aventures, principalement avec des comédiennes et chanteuses de théâtre et d'opéra ou tout simplement des filles de rencontre
au cours de ses derniers voyages. Parfois aussi, des liaisons plus longues avec ses élèves
«de la bonne société» comme probablement en 84 et de « folles équipées » dans les milieux d'artistes, comme pendant la dernière année de sa vie. Sa femme n'était d'ailleurs
pas en reste !
Dr P*** : Je retiendrai de tout ceci la possibilité d'une tuberculose et bien entendu d'une
maladie sexuellement transmissible. La tuberculose qu'il aurait contractée dans le jeune
âge et qui se serait réveillée à l'occasion du surmenage de la dernière année et des conditions économiques faibles pouvant amener une dénutrition est une hypothèse intéressante : sous forme d'une miliaire, elle expliquerait le tableau terminal, y compris l'exaltation
des derniers jours.
Parmi les maladies sexuellement transmissibles, nous retiendrons la possibilité d'une syphilis acquise dans le jeune âge pouvant éventuellement expliquer le tableau neurologique
terminal, mais la mort dans un tableau de sepsis est plus difficile à rattacher directement
à cette maladie, à moins d'imaginer une maladie aortique secondairement surinfectée.
Pr M. : Y a-t-il dans la personnalité du patient des traits évoquant une maladie psychiatrique éventuellement liée à une neurosyphillis ? On signale des épisodes dépressifs et
une certaine exaltation. Pr Pshi, pouvez-vous évoquer votre vision du cas ?
Pr Pshi : Bien entendu, Cher Confrère. Il existe dans le vécu du patient pas mal d'éléments
qu'il importe d'entendre. Il nous a laissé une riche correspondance où se transcrivent
moultes émotions. Le patient participe à une personnalité manifestement facilement exaltée, sombrant par moment dans un sombre pessimisme, à l'égo très développé. Un syndrome maniaco-dépressif peut être évoqué, mais je n'ai pas isolé de réelle pensée
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suicidaire même si des traits endoexogènes dépressifs se surimposent à une névrose de
persécution. Un exemple ? « Dans les dix jours que j'habite ici, j'ai davantage travaillé
qu'en deux mois dans mon autre logis ; et, s'il ne me venait pas aussi souvent des idées
noires que je dois repousser avec effort, je me porterais encore mieux, car je suis logé
agréablement. » Il existe par ailleurs une volubilité des propos tout à fait étonnante avec
une tendance monomaniaque ou plutôt bi-maniaque : la passion des chiffres et une tendance scatologique plus que certaine. Des exemples ?
Pr M. : Oui, éventuellement.
Pr Pshi : Les lettres du patient reprennent souvent des suites de chiffres. Probablement
par jeu, parfois pour s'exprimer en langage secret. La formule de politesse d'une lettre à
une cousine nous en donne un bel exemple : «A vos parents, de nous trois, deux garçons
et une fille, 12345678987654321 compliments, et à tous les bons amis de ma part 624,
de la part de mon père 100, et de celle de ma sœur 150, ensemble 1774, et summa summarum, 12345678987656095 compliments.» Notez que le calcul est juste, je l'ai fait vérifier
par le biologiste sur son portable. Un exemple scatologique ?
Pr M.: Si vous le jugez nécessaire.
Pr Pshi. : Le 5 novembre 77, il écrit à une confidente, gardons ce terme qui recouvre
peut-être autre chose : « ...Petit lièvre... Vous m'écrivez encore, oui, vous me témoignez,
vous découvrez, vous signifiez, vous me faites savoir, vous me déclarez, vous mettez en
pleine lumière, vous souhaitez, vous convoitez, vous désirez, vous voulez, vous tenez,
vous commandez, vous m'insinuez, vous m'avertissez, vous me notifiez que j'ai, moi aussi,
à mon tour, à vous envoyer mon portrait. Eh bien, je vais surement vous l'envoyer. Oui,
par ma foi Je te chie sur le nez, ainsi cela tombe sur le « Koi » [?]. Avez-vous aussi fait le
« Spuni Cuni » {?] ? Quoi ? Si vous avez encore quelque amour pour moi, ce que je crois...
Allons tant mieux, tant mieux, allons ! ... Je vous souhaite maintenant une bonne nuit,
chiez dans votre lit à le faire éclater, dormez en bonne santé, tendez votre cul jusqu'à votre
bouche... En attendant, portez-vous bien ! Ah, mon cul me brûle comme du feu ! Qu'estce que cela veut dire ? Peut-être une crotte veut-elle sortir ? Oui, oui, crotte, je te connais,
je te vois, je te sens. Et...
Pr M. : Merci, merci, Cher Confrère Psychiatre pour cet extrait exemplatif. Mais à propos
de la conscience d'une mort prochaine ? Pr Pshi : On en est réduit aux hypothèses. Il est
vrai qu'il a reçu, peu de temps avant sa mort, une commande qui est présentée par ses
proches comme fort curieuse, dont il aurait parlé sans cesse : une messe des morts. Mais
à vrai dire, cette hétéroanamnèse ne résiste pas à la confrontation ni à une simple analyse.
Cette commande est finalement assez banale. Le commanditaire est bien connu et l'intention également : l'anniversaire du décès de l'épouse du commanditaire ! Il est possible
que ceci interpellait quelque peu le patient mais c'était plutôt parce que cette œuvre à réaliser l'empêchait de travailler à ce qui lui tenait réellement à cœur.
Pr M. : Pouvez-vous préciser ?
Pr Pshi : C'est-à-dire que, enfin, il s'agissait de travaux plus particuliers, non en concordance avec les croyances de son entourage, et qui pouvait éventuellement porter ombrage
à cet entourage. Notamment en cas de décès du patient, sa femme et ses amis proches
(je veux dire, les amis de sa femme) risquaient de ne pas obtenir une pension, ou des défraiements. Il s'agissait en fait d'œuvres à caractère initiatique, maçonnique s'il faut le dire.
Ceci l'a occupé jusque sur son lit de mort et explique sans doute le refus du prêtre de
venir l'assister, comme nous l'a rappelé le Dr Klosset. Du côté de la famille, la crainte d'une
éventuelle excommunication ou perte de crédit a peut-être fait que... enfin, aurait pu... du
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moins, le genre de travail en cours n'était pas tout à fait ce qu'il fallait pour... Vous me
comprenez ?
Pr M. : Parfaitement, Pr Pshi, et nous vous remercions pour votre éclairage tout en nuance
dans l'espoir de faire éclater la lumière ! Madame Vouée, quelques mots sur le tableau social ?
Madame D. Vouée, assistante sociale : Bien sûr Monsieur le Professeur. Comme assistante sociale, je dois rapporter que l'assuré ne l'était guère. Il avait connu une période
faste mais avait dilapidé ses avoirs. Sa femme l'avait sans doute bien aidé d'ailleurs. Les
grossesses multiples et les deuils successifs n'ont pas arrangé les choses. Il quémandait
souvent auprès de ses débiteurs, amis et autres, une subsistance. Il devait d'ailleurs, en
plus du travail qu'il affectionnait et qui n'était pas toujours rentable, faire pas mal de choses
alimentaires. Curieusement, les rentrées financières réapparaissaient quand il a été touché
par la maladie fatale. Il s'était disputé avec pas mal de gens qui auraient pu l'aider, s'était
marginalisé quelque peu. II fréquentait surtout les milieux d'artistes à la fin de sa vie.
Pr M. : Dr P***, pouvez-vous maintenant avancer un diagnostic ?
Dr P*** : Si vous le permettez, je voudrais poser quelques questions précises sur les antécédents personnels du patient que nous n'avons pas encore investigués. On nous a dit
qu'il était, du moins à l'âge adulte, en bonne santé apparente. Mais dans l'enfance ?
Dr A. : On nous signale effectivement plusieurs problèmes : il faisait souvent des infections
dans la sphère ORL, apparemment à partir de 62, soit dès l'âge de six ans, mais dont il
guérissait apparemment fort bien sans garder de symptômes entre les épisodes récidivants. Notons une lettre du père à ce sujet, que je vous communique : « Il [le patient] avait
un rhume depuis Linz, et malgré la vie désordonnée, les réveils matinaux, l'irrégularité des
repas, la pluie et le vent, il est maintenant, Dieu merci, bien d'aplomb ». Mais quelques semaines après, nouveau problème de santé rapporté par le père : « ...lorsqu'il se mit au lit,
il se plaignit de crampes, sauf votre respect, aux hanches et au derrière... Je trouvai
quelques taches... qui étaient fort rouges et un peu en relief. Elles lui faisaient mal au toucher. Il y en avait aux deux tibias, aux deux coudes et un peu aussi sur les fesses. Il avait
la fièvre Il avait le sommeil agité. Le vendredi suivant... nous trouvâmes que les taches
s'étaient plus développées. Elles étaient aussi plus grosses... Le dimanche, il transpira
enfin, nous étions soulagés car jusque-là, la fièvre avait été sèche... Le médecin de la comtesse Z. ...déclara qu'il s'agissait d’une… scarlatine. »
Dr P*** : A-t-il eu des troubles neurologiques, notamment dans l'enfance.
Dr A. : Une lettre du père parle d'une incapacité à se mobiliser les jambes, mais il semble
plutôt qu'il s'agissait de douleurs ostéoarticulaires. Ceci est arrivé quelques mois après
l'épisode étiqueté de scarlatine qui vient d'être rapporté. En septembre 65, de nouveau
« un très mauvais rhume » l'immobilise pour quelques jours ou semaines et il doit s'aliter.
Le père parle dans ses lettres de fièvre, de coma durant une huitaine de jours, avec peutêtre des convulsions ou des mouvements anormaux. Il maigrit au point de n'avoir plus
que la peau sur les os. Puis lentement, son état s'améliore et il peut, avec son père et sa
sœur, entreprendre le voyage prévu vers l'Angleterre.
En 66, il présentera de la fièvre avec des douleurs articulaires pendant quelques semaines.
En novembre 67, nouvel épisode de fièvre, de délire, de douleur oculaire, rapportée encore
une fois dans une lettre du père : «Il [le patient] était très enflé du visage et avait un nez
assez énorme». Le Dr Wolf, ami de la famille semble-t-il, le soigne alors et pose le diagnostic de variole !
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On retrouve une incapacité de travail de janvier à mars 70, dont nous n'avons pas le motif.
Par la suite, à part un épisode infectieux, mais peu grave semble-t-il en 83, on ne note
plus de problème de santé jusqu'en août 90 où l'on rapporte de violentes douleurs, sans
en préciser l'endroit, l'empêchant de dormir.
Dr P*** : Nous avons maintenant le choix entre plusieurs hypothèses. L'hypothèse de la
tuberculose miliaire est séduisante. Mais la rapidité de guérison des épisodes de l'enfance
et le fait qu'ils n'aient pas perturbé ses nombreux voyages, l'espace de quinze ans libre et
la rapide évolution de l'épisode terminal me semblent rendre ce diagnostic plus difficile à
défendre. Une abcédation profonde, comme un abcès hépatique, ou une pyélonéphrite
aiguë, est possible mais je n'ai pas d'arguments positifs.
Par contre, la fréquence des infections ORL, le rash d'allure scarlatiniforme, l'épisode neurologique peu clair qui pourrait être une atteinte choréique à minima et les problèmes articulaires suggèrent fortement la présence d'un RAA. L'épisode terminal serait alors une
endocardite bactérienne avec atteinte rénale, décompensation cardiaque et emboles cérébraux expliquant les paralysies. La mort survient classiquement comme l'a décrit Ossler
en quelques semaines, dans un tableau de fièvre importante et de frisson, sans altération
de la conscience. Le patient avait-il eu des problèmes dentaires dans les mois avant sa
mort ?
Dr A. : Aucune idée, mais on signale au-moins une fois qu'il a dû interrompre une tournée
importante pour rage de dents (« J’ai mal aux dents ! » [Lettre du patient datée du 16 décembre 74]). Gageons qu'il n'avait pas une hygiène dentaire irréprochable, surtout s'il fumait la pipe, buvait du vin et avait des problèmes d’argent.
Dr G. (dans la salle) : Je suis généraliste. Le patient m'a consulté il y a trois mois pour
un phlegmon à la main, blessure qu'il s'était faite avec un couteau en refermant brutalement une porte sur sa femme. J'ai dû inciser, mais cela a vraiment guéri difficilement.
Pr M. : Je vous remercie, Cher confrère généraliste, d'apporter ainsi des informations tout
à fait cruciales pour l'avancement de notre réflexion. Dr P***, vos conclusions ?
Dr P*** : Je pense que le patient a présenté un RAA avec valvulopathie rhumatismale.
L'épisode amenant le décès est une endocardite avec emboles septiques cérébraux, des
emboles rénaux ou une glomérulopathie à immun-complexes. Je ne peux exclure une syphilis concomitante associée évidemment à une insuffisance aortique par anévrysme de
l'aorte ascendante mais cela me parait moins probable. Le germe de l'endocardite, serait
du streptocoque viridans provenant de foyers dentaires non éradiqués.
Dr G. (dans la salle) : Ou du staphylocoque venant de l'abcès de la main ?
Pr M. : Ce pourrait, cher confrère, ce pourrait, surtout s'il a été mal traité. Dr Patte, avezvous pu procéder à l'autopsie ?
Dr Anna Patte : Hélas non, Professeur. Le corps a été rapidement emmené par des
proches et jeté, à la nuit tombante, dans une fosse commune en dehors de la ville. C'était
le soir de sa mort, le 5 décembre 1791. On n'a même pas mis une plaque avec son nom :
Wolfgang A. Mozart !
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NB : cet article est republié à la demande du Dr Jean-Claude Legrand. Il est issu du
« Bulletin de l’Hôpital Civil De Charleroi, 1991 N°42, 193-200. A l’époque, Le
Dr Legrand appartenait au Département d'Hématologie-Oncologie et Maladies
Infectieuses à l’Hôpital Civil de Charleroi dont le Chef de Service n’était autre que le
Dr. J. Lardinois
Cet écrit peut se lire comme une nouvelle ou pièce de théâtre. A lui seul il incarne les
différents traits de la personnalité de notre Chef de Service de Médecine Interne qui
arrive en fin de carrière, l’humour n’étant pas le dernier !
Dans ce numéro de la RMC, nous rendons hommage au Dr Jean-Claude Legrand
pour l’ensemble de sa carrière et l’humanité dont il a fait preuve en toutes circonstances.
Dr Gilbert Olivier
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Stromae :
Ses concerts annulés, les vraies raisons médicales
dévoilées !
Humour médical
Une maladie aurait causé l'annulation de sa tournée.
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