Nouveaux indicateurs de suivi climatique pour l`enneigement en

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Nouveaux indicateurs de suivi climatique pour l`enneigement en
International Snow Science Workshop Grenoble – Chamonix Mont-Blanc - 2013
Nouveaux indicateurs de suivi climatique pour l’enneigement en montagne
New snow cover climate monitoring indices
1
2
3
1
Jean-Michel Soubeyroux , Sophie Martinoni-Lapierre , Daniel Goetz , Michel Schneider ,
3
3
Pierre Etchevers , Cécile Coléou
1
2
Météo-France, Direction de la Climatologie, Toulouse, France
Météo-France, Direction InterRégionale Centre Est, Lyon, France
2
Météo-France, CNRM GAME, Toulouse, France
RESUME : La rareté des longues séries climatologiques de hauteur de neige en montagne est longtemps restée un frein au développement d’indicateurs climatiques fiables de l’enneigement, tandis que les
progrès dans la modélisation du manteau neigeux ont d’abord visé à satisfaire les exigences de sécurité
pour la prévision des risques d’avalanche. En 2012, une action spécifique a été lancée à Météo-France
conjointement par les services opérationnels et de recherche, afin d’identifier les meilleures données et
représentations graphiques pour caractériser et qualifier en temps réel l’enneigement dans les différents
massifs montagneux français. L’approche développée a recherché la complémentarité entre les expertises des nivologues, les observations issues du réseau nivométéorologique et les réanalyses climatologiques de modélisation du manteau neigeux. Un premier jeu d’indicateurs originaux a été créé et expérimenté au cours de l’hiver 2012-2013 pour le suivi temporel, la caractérisation mensuelle et la qualification
de l’enneigement par rapport aux années passées. Après consolidation des sources d’information et des
modes de représentation, ces nouveaux indicateurs ont vocation à constituer les outils de référence pour
le suivi climatique de l’enneigement dans les différents massifs français de haute et moyenne montagne.
MOTS-CLEF :. Climatologie, Suivi climatique, Enneigement, Indicateur
ABSTRACT: The scarcity of long climatological series of snow height in mountain broke for a long time
the development of reliable climatic indices of average snow cover in France whereas the progress in
snow modeling aimed at first at satisfying the safety requirements for avalanche risk forecast. In 2012, a
specific action was launched in Météo-France jointly by the operational and research services. The object
was to identify the best data to use (observation or simulation) and to define the adapted graphic representations to characterize and qualify in real time the snow cover in complement of snow expert comments. A first dataset of indices was created and tested during the last winter for snow cover monitoring,
monthly characterization and qualification since the last 20 years. With some improvements in data and
graphics expected for next winter, these new indices will become the reference tools for climate monitoring in French mountains.
KEYWORDS: Climatology, Climate monitoring, Snow cover, Indices.
1
INTRODUCTION
Le suivi climatique qui vise à caractériser et
qualifier en temps réel les évènements remarquables et les bilans établis sur différentes périodes
temporelles (saison, année), est devenu ces dernières années une activité majeure en climatologie
sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Mé___________________________________
Soubeyroux, J.-M., Météopole,
42 av Coriolis, 31057 Toulouse Cédex, France
Tel: +33 561078369; fax: +33 561078309;
email: [email protected]
téorologie : voir le site du Centre Climatique Régional en Europe (http://www.dwd.de/rcc-cm).
Le besoin de synthétiser spatialement et temporellement l’information climatique nécessite la
création d’indicateurs issus des meilleures données représentatives de son évolution.
Ainsi en France, l’indicateur thermique largement
utilisée dans les bilans réguliers et évènementiels
(Schneider et al, 2012) s’appuie sur les séries homogénéisées de température sur le XXème siècle
(Dubuisson et al, 2006). Les données de réanalyse
climatologique constituent aujourd’hui aussi la
base d’indicateurs opérationnels, notamment pour
la ressource en eau et l’évaluation de l’équivalent
en eau du manteau neigeux (Soubeyroux et al,
2010). L’activité de suivi climatique exige de rechercher des modes de représentation spécifiques
selon les types d’évènement à caractériser,
comme par exemple les vagues de froid (Schneider et al, 2012). Dans cette perspective, une action
a été lancée à Météo-France en 2012 pour mettre
au point des indicateurs climatiques sur
l’enneigement en montagne
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En premier lieu, un état des lieux sur les différentes sources d’information climatologique disponibles sur l’enneigement a été réalisé (voir paragraphe 2) et a permis de sélectionner les données
les plus pertinentes . Puis, une réflexion a été menée sur les modes de représentation et de nouveaux indicateurs ont été définies et expérimentées en opérationnel au cours de l’hiver 2012-2013
(voir paragraphe 3). Après un premier retour
d’expérience avec les utilisateurs à l’issu de la
première saison, différentes perspectives de valorisation opérationnelle sont envisagées moyennant
quelques améliorations (paragraphe 4).
2
DONNEES CLIMATOLOGIQUES SUR
L’ENNEIGEMENT
2.1 Etat des lieux
L’analyse climatique en montagne est rendue
difficile par la combinaison de la forte variabilité
spatiale des paramètres atmosphériques et du
nombre réduit de longues séries climatologiques
disponibles (notamment pour le calcul de normales
trentenaires, aujourd’hui sur la période 19812010). Cette situation est particulière sensible dans
les massifs de haute montagne comme les Alpes
ou les Pyrénées (Soubeyroux et al, 2011).
Ce diagnostic habituellement réalisé sur les séries de température et de précipitation est encore
plus vraie pour les mesure des paramètres liées à
la neige. En effet, les mesures denses et quotidiennes de hauteur de neige n’ont été organisées
en France qu’à partir des années 1980 avec le réseau d’observation nivo-météorologique créé pour
la prévision du risque d’avalanche. Les postes
d’observation se situent généralement dans les
stations de ski à des altitudes comprises entre
1500m et 2000m.
A ce jour, 16 postes sur les Alpes et seulement
3 postes pour les Pyrénées ont eu un fonctionneer
ment continu depuis 1981 sur la période du 1 décembre au 30 avril. La mise en place plus tardive
du réseau nivométéorologique dans les Pyrénées
nécessite d’être compensée en récupérant une
dizaine d’autres postes ouverts entre 1981 et
1984. Au delà du nombre limité de postes, un autre
problème se pose en début et fin de saison où les
observations passées sont plus irrégulières en
fonction de l’ouverture des stations de ski. La Figure 1 montre que l’analyse ne pourra s’appuyer
jusqu’au 15 décembre sur un nombre réduit entre
0 et 8 stations, selon les exigences climatologiques
pour le calcul de normales (présence de 90%, 70%
ou 50% des données).
Figure 1. Nombre de séries climatologiques disponibles (1981-2010) selon la date et les exigences requises (trait rouge pour 50% des données,
orange pour 70%, vert pour 90 %)
En complément des observations, la modélisation
du manteau neigeux constitue un apport indispensable dans les zones non couvertes par les stations de ski : massifs isolés, altitudes élevées, expositions peu favorables au ski. En France, la
chaîne de modèle Safran-Crocus (Durand et al,
1993) est utilisée en opérationnel depuis les années 1990 pour la prévision des risques
d’avalanches.
Une réanalyse climatologique étendue depuis
1958 pour les Alpes et les Pyrénées permet aujourd’hui de disposer de données complètes pour
la climatologie nivale et l’analyse des tendances
climatiques tant sur les Alpes (Durand et al, 2009)
que dans les Pyrénées (Maris et al, 2009).
Toutefois, les données de modélisation nivologique
peuvent être délicates à interpréter et l’analyse
nivologique y compris pour le suivi climatique nécessite une expertise humaine s’appuyant sur la
complémentarité entre données d’observation et
de modèle.
2.2 Actions de consolidation
L’état des lieux sur les séries climatologiques
disponibles a montré aussi la nécessité de consolider les chroniques passées en essayant notamment de reconstituer les données manquantes isolées.
Trois approches ont été identifiées et sont en
cours d’évaluation à ce jour :
- expertise humaine classique,
- correction simple du modèle Crocus à partir des observations (méthode des différences),
- assimilation directe de hauteurs de neige
dans le modèle Crocus.
Les deux premières méthodes, testées sur le poste
de La Plagne (Savoie) ont montré des performances proches. La Figure 2 pour la saison 1980-1981
montre la reconstitution des observations (courbe
verte) à partir du modèle Crocus (courbe bleue),
par une méthode automatique d’application de différences entre observation et modèle (violet) ou
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par expertise humaine (orange). Les différences
observées sont difficiles à évaluer car liées à des
écarts d’analyse pour les premiers épisodes neigeux du début de l’automne, souvent mal renseignées.
Figure 2 : Essai de reconstitution de données
du poste de La Plagne (hiver 1980-1981) : observations (vert), modèle Crocus (bleu), méthode des
delta (violet) et expertise (orange)
Figure 3 : Evolution de l’enneigement au poste
de Tignes de décembre à avril : saison 2012-2013
er
en rouge, médiane 1981-2010 en noir continu, 1
et 4e quantiles en noir pointillé, records depuis
1981 en vert pointillé
Cette action de reconstitution des observations
manquantes est prévue d’être généralisée en 2014
à l’ensemble des séries climatologiques de référence pour la hauteur du manteau neigeux des
Alpes et des Pyrénées, voire sur les massifs français de moyenne montagne (Massif Central, Vosges, Jura) où pour lesquels une modélisation du
manteau neigeux sera prochainement disponible.
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MODES DE REPRESENTATION
Pour suivre la démarche du climatologue en
matière de caractérisation et qualification d’un état
de l’enneigement, trois types de graphes ont été
créés.
Le premier graphe concerne le suivi temporel
quotidien du manteau neigeux et s’appuie sur les
longues séries climatologiques de référence. Les
données de la saison en cours sont mises en
perspective avec la distribution statistique des 30
er
e
dernières années : médiane mais aussi 1 et 4
quintile correspondant au pire/meilleur enneigement rencontré tous les 5 ans, ainsi que les minima et maxima trentenaires. La Figure 3 montre le
graphe pour la station de Tignes (Savoie) au cours
de l’hiver 2012-2013 où l’enneigement est resté
d’un très bon niveau (proche du quintile supérieur)
de décembre à avril.
Le deuxième graphe vise à la caractérisation
mensuelle du manteau neigeux selon les altitudes
(bas et haut des stations) et expositions (nord et
sud) et utilisent des données de modèle. L’objectif
est de représenter le pourcentage de journées
pour lequel l’enneigement est déficitaire ou excédentaire au cours du mois passé.
Figure 4 : Caractérisation de l’enneigement du
mois de février 2013 dans le Massif du Mercantour
(modèle Crocus, référence 1981-2010) selon 2
altitudes (1500 et 2400m) et 2 expositions (nord et
sud)
Figure 5 : Qualification de l’enneigement pour
le Massif de Haute Bigorre (modèle Crocus, référence 1981-2010) à 1800m versant nord pour les
20 dernières années (2013 à droite).
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Ainsi la Figure 4 pour un massif des Alpes du
Sud (Mercantour) montre en février 2013 un enneigement excellent pour les deux altitudes
(1500m et 2400m) et expositions (nord et sud)
considérées.
Le troisième graphe concerne la qualification
du manteau neigeux. Le pourcentage de journées
pour lequel l’enneigement a été déficitaire ou excédentaire au cours du mois passé est comparé
avec les mêmes mois passés des vingt dernières
années pour l’altitude et exposition représentative
des stations de ski française (1800m et versant
nord). La Figure 5 pour le mois d’avril 2013 sur le
massif de Haute Bigorre (Hautes Pyrénées) illustre
l’enneigement excédentaire exceptionnel sur ce
massif (palette vert foncé), que l’on avait jamais
rencontré avec une telle intensité au cours des 20
dernières années.
4
VALORISATIONS OPERATIONNELLES
Au cours de la saison hivernale 2012-2013, les
indicateurs climatiques produits ont été mis à disposition du public avec des commentaires associés dans le cadre des publications climatologiques
mensuelles de la région Rhône Alpes (accès depuis les pages Climat du site internet de MétéoFrance : www.meteo.fr).
Cette production doit être étendue l’hiver prochain aux Alpes du Sud (région Provence Alpes
Cote d’Azur) et aux Pyrénées (régions LanguedocRoussillon,
Midi
Pyrénées
et
Aquitaine).
L’extension aux massifs de moyenne montagne
(Massif Central, Jura, Vosges) sera mis en place
par la suite lorsque les données de modélisation
correspondantes seront disponibles.
Un retour d’expérience avec les utilisateurs a
permis
aussi
d’identifier
des
possibilités
d’amélioration des graphiques pour faciliter leur
compréhension et interprétation (couleur des palettes, nombre de classes). Ainsi l’indicateur de caractérisation (Figure 4) utilisera l’année prochaine
en abscisse une référence chronologique situant
l’évolution temporelle de l’enneigement par altitude
et exposition.
Au delà de l’enrichissement de la famille des
indicateurs climatiques vers des domaines nouveaux comme l’enneigement, cette production
marque aussi le renforcement de la prise en
compte de la neige en climatologie pour caractériser les évolutions climatiques majeures attendues
en montagne dans les prochaines décennies.
5
relevant parameters for snow models. Annals of
Glaciology 18 : 65-71.
Durand, Y. ; Giraud, G. ; Laternser, M. ; Etchevers, P. ;
Mérindol, L. & Lesaffre, B. : Reanalysis of 47 Years
of Climate in the French Alps (1958—2005) : Climatology and Trends for Snow Cover. J. Appl. Meteor.
Climat., 2009, 48, 2487-2512
Maris,M.;Giraud,G;Durand,Y;Navarre,J.P;
Merindol,Y
(2009) Results of 50 years of climate reanalysis in
the French Pyrenees (1958-2008) unsing the
SAFRAN and CROCUS models. Proceeding of the
International Snow Science Workshop, 2009, Davos
Schneider, M., et P. Dandin, 2012 : La vague de froid de
février 2012. La Météorologie, 76, 7-8
Soubeyroux J.M., Vidal JP, Baillon M., Blanchard M.,
Céron JP, Franchistéguy L., Regimbeau F., Martin
E., Vincendon JC. Caractérisation et prévision des
sécheresses et étiages en France à partir de la
chaîne hydrométéorologique Safran-Isba-Modcou.
La Houille Blanche, La Houille Blanche, N°5-2010,
pp. 30-39.
Soubeyroux, J.-M., Jourdain, S., Grimal, D., Espejo Gil,
F.,Esteban P., Merz, T., 2011, Approche transfrontalière pour l’inventaire et la valorisation des données climatologiques sur le Massif des Pyrénées,
e
200 Colloque Société Hydrotechnique de France
« L’Eau en montagne », Lyon, 16-17 mars 2011,
pp49-55
REFERENCES
Dubuisson, B., Moisselin, J.-M., Evolution des extrêmes climatiques en France à partir des séries observées, La Houille Blanche, N°6, 4247, 2006.
Durand Y, Brun E, Mérindol L, Guyomarc'h G, Lesaffre
B, Martin E. 1993. A meteorological estimation of
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