Fiche d`oeuvres N°02

Fiche d’œuvre n° 2
Section :
Solennités
et fêtes
carillonnées
Les fêtes religieuses parfois
chômées, qui scandent
encore notre calendrier,
célèbrent tout au long de
l’année liturgique l’œuvre
accomplie par le Christ en
commémorant les principaux
épisodes de sa vie relatés
dans les Évangiles et dans
les Actes des Apôtres. Parmi
les grandes fêtes initiées
par la Contre-Réforme, celle
du Rosaire a bénéficié du
dynamisme de nombreuses
confréries encadrées par les
dominicains.
L
a chapelle du Rosaire occupe le transept nord de la petite église de
Neauphe-sur-Dive. Insérée dans un retable simple à colonnes torses, la
Donation du Rosaire adopte une composition originale, sous la forme
d’un rosier aux branches duquel sont accrochés quinze médaillons circulaires représentant les mystères, tandis que la remise du chapelet à saint
Dominique et sainte Catherine de Sienne occupe un grand médaillon
ovale délimité par les deux ramures principales de l’arbuste. Cette composition est extrêmement proche de celle de la Donation du Rosaire, de
très grandes dimensions1, conservée dans l’église Saint-Gervais de Falaise.
La confrérie du Rosaire de Falaise, sans doute fondée par un dominicain
du couvent d’Argentan – Falaise relevant alors du diocèse de Sées –, remonterait à 16112.
Le peintre de Neauphe a interprété son modèle en l’adaptant
à des dimensions plus restreintes qui l’ont amené à réduire la floraison
du rosier, et en s’inspirant de gravures différentes pour les médaillons des
mystères, avec un goût marqué pour les écoles allemande et flamande.
Si, en raison de la facture sommaire des médaillons, il est difficile de leur
attribuer des modèles incontestables, des rapprochements peuvent toutefois être opérés3. Ainsi l’Annonciation évoque celle de Dürer, la Visitation
celle de Federico Baroccci gravée par Gysbrecht van Veen4, l’Adoration
des bergers celle d’Hendrik Goltzius gravée par Abraham Blooteling5, la
Présentation au Temple celle d’Hans Schaüflein (1480-1538), la Flagellation du Christ celle de Martin van Hemskerck gravée en 1565 par Harmen
Muller6, le Calvaire celui d’Hans von Aachen gravé par Aegidius II Sade-
2 | Beauté Divine Tableaux des églises bas-normandes, 16e - 20e siècles
Neauphe-sur-Dive
(Orne)
Église paroissiale
Saint-Martin
Donation du Rosaire
1627, huile sur toile - h : 178 ; la :
149, à l’ouverture du cadre
Inscriptions : 1627, armoiries,
« O mater dei mementi nostri »
dans les phylactères
Classé au titre objet le 1er avril
1975
ler et l’Assomption s’inspire du Couronnement de la Vierge de Federico
Zuccaro, gravé par Cornelis Cort. Seule l’Agonie du Christ est clairement
empruntée à l’œuvre de Hans von Aachen gravée par Aegidius II Sadeler.
La facture moins raffinée du tableau de Neauphe, en particulier dans le
traitement des étoffes aux drapés simplifiés, et dans la palette plus terne,
ne permet pas d’attribuer l’œuvre à un atelier falaisien, mais pourrait l’être
à l’un des peintres d’Argentan lié au couvent des jacobins de la ville.
Les donateurs se sont fait représenter au pied du rosier. Il s’agit
de Robert Bonnet, écuyer seigneur de Neauphe, gentilhomme ordinaire
de la chambre du roi, et d’Éléonore du Bosc, son épouse, qui firent édifier la chapelle destinée à devenir la sépulture de leur famille. Les inscriptions des phylactères de la Donation du Rosaire et du Calvaire – panneau
peint où figurent les mêmes donateurs et ayant vraisemblablement servi
d’antependium à l’autel –, confirment ce projet d’usage, de même que la
présence de la dalle funéraire de Robert Bonnet, décédé le 15 avril 1637.
La récente restauration du tableau a révélé que les armoiries, celles de la
famille Bonnet à gauche, avaient été peintes tardivement. L’hypothèse la
plus probable est que la famille a fait apposer ses armoiries vers 1680, date
à laquelle elle a dû vendre son fief et quitter Neauphe pour perpétuer le
souvenir de sa présence.
Servanne Desmoulins-Hémery, conservateur des Antiquités
et Objets d’Art de l’Orne
Beauté divine ! Tableaux des églises bas-normandes, 16e-20e siècles
/ sous la direction d’Emmanuel Luis ; ouvrage réalisé par la Région
Basse-Normandie, avec la collaboration des Départements du
Calvados, de la Manche et de l’Orne. Lyon : Lieux Dits, DL 2015.-1 vol.
(408p.) : ill. en noir et en coul., couv. Ill. en coul. ; 27cm.
1 H : 315 ; la : 222.
2 MARTIN, J. Le rosaire et ses confréries dans le diocèse de Bayeux et
Lisieux, XIIIe-XIXe siècle, Caen, 1885, p. 16.
3 Identifications proposées par Renaud Benoît-Cattin.
4 British Museum. Le tableau est conservé à Rome, Chiesa Nuova.
5 British Museum.
6 British Museum.
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