Le s fich e s d e Ju risp ru de n ce d e w w w .e Ju ris.b e
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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Troubles de voisinage Nature de la juste et adéquate compensation n° 70 Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Justice de paix de Tournai (2ème canton), Jugement du 18 novembre 2003 1. La demande fondée sur les articles 1382 et 544 du code civil et tendant à l'allocation de dommages et intérêts d'un montant définitif de 1.500 euros relève de la compétence générale du juge de paix. Une prétendue demande en paiement d'une indemnité de 500 euros par infraction constatée s'assimile à une astreinte et doit, par conséquent, être écartée pour la vérification de la compétence matérielle. 2. Lorsque le propriétaire d'un fonds a, par son comportement antérieur, indiscutablement approuvé l'affectation en terrain de football des parcelles voisines sur lesquelles s'exercent les activités litigieuses, il n'est plus fondé à rechercher la responsabilité de ceux qui contribuèrent à cette affectation en donnant ou prenant en location lesdites parcelles. Seule doit encore être examinée la responsabilité des dirigeants du club sportif sur lesquels repose la garde juridique et matérielle des lieux. L'occupation quasi quotidienne des lieux entrainant circulation, nuisances sonores, encouragements des supporters, égarement des ballons, utilisation de la buvette lors des entraînements et matchs excède la mesure des inconvénients normaux de voisinage. L'auteur du dommage doit à la victime une juste et adéquate compensation, laquelle peut consister en l'arrêt des activités génératrices des dommages excessifs, en l'adoption de mesures adéquates tendant à les supprimer ou encore en la condamnation au paiement d'une indemnité compensatoire (JLMB 2004, p. 1110). Jugement du 18 novembre 2003 (…) Attendu que les faits pertinents de la cause peuvent être résumés comme suit: les défendeurs Marcel D. et Michel B. sont propriétaires de parcelles de terre sises à Laplaigne, cadastrées section B, n° 199 A, 221 B et 221 E; suivant contrat du 31 octobre 1972, ces p 'celles furent données à bail à la S.A. Sucrerie Couplet, qui, par convention du 1 er octobre 1989, en céda le bénéfice à la S.P.R.L. Ferme de Wisempierre; suivant acte reçu le 21 mars 1973 par le notaire G. Quievy, les demandeurs originaires firent l'acquisition d'un terrain à bâtir contigu à ces parcelles, et y érigèrent leur maison d'habitation, qu'ils occupent depuis, Que la présente action, fondée sur les articles 1382 et 544 du code civil, constitue l'aboutissement de ces démarches entreprises par les demandeurs, lesquels poursuivent la condamnation des défendeurs à leur payer la somme de 1.500 euros en indemnisation du préjudice qu'ils affirment encourir du chef de l'exploitation des installations sportives du F.C. Laplaigne; qu'en marge de cette demande, ils postulent également ce qu'i suit: - qu'il soit fait interdiction aux parties d'exercer quelque activité que ce parcelles litigieuses entre vingt-et-un heures, sous peine d'une astreinte de infraction constatée, défenderesses soit sur les heures et huit 500 euros par - condamnation des parties défenderesses à ériger une clôture d'une hauteur de douze mètres conformément «au permis d'urbanisme à eux délivré», dans les trois mois du jugement à intervenir, sous peine d'une astreinte de 10.000 euros; à une époque proche de l'emménagement des requérants dans leur habitation, les infrastructures du Football club Laplaigne - comprenant terrain de football, vestiaires et, ultérieurement, buvette furent installées sur les parcelles alors données en location à la Sucrerie Couplet, - qu'il soit fait injonction aux parties défenderesse d'interdire tous jeux au moyen de balles ou ballons dans l'espace situé entre la clôture du jardin des demandeurs, et le terrain de football du F.C. Laplaigne, sous peine d'une astreinte de 1.000 euros par infraction constatée; à compter du mois de septembre l978, les requérants commencèrent à se plaindre des désagréments liés à l'exploitation par le F.C. Laplaigne de ses installations sportives, et multiplièrent par la suite courriers et plaintes diverses pour que cessent les inconvénients anormaux de voisinage dont ils se disaient victimes; il est à noter que 1es plaintes qu'ils déposèrent de la sorte furent toutes classées sans suite, et qu'aucune de leurs interventions, notamment au niveau de certains responsables politiques, ne mit en évidence de violation par le P.C. Laplaigne ou ses représentants des lois et règlements; - à titre subsidiaire, qu'il soit ordonné aux parties défenderesses de produire le permis d'urbanisme qui leur fut délivré en vue de l'érection de la buvette et des vestiaires attenants au terrain de football; - à titre plus subsidiaire encore, désignation d'un expert chargé de constater les nuisances sonores dont ils se disent victimes; L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Troubles de voisinage Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Nature de la juste et adéquate compensation n° 70 Que ces demandes sont formellement contestées par les défendeurs et les divers intervenants, qui soulèvent in limine litis notre incompétence matérielle à connaître de la présente action; qu'ils affirment à cet égard que la citation introductive d'instance portait sur un montant provisionnel de 1.500 euros _ ce qui impliquait selon eux que le dommage définitif des requérants était nécessairement supérieur aux 1.860 euros constituant la limite supérieure de notre compétence générale - majoré d'une «indemnité» équivalente à 500 euros' en cas d'organisation de manifestations entre vingt-et-un heures et huit heures; ( Qu'au fond, les divers défendeurs et intervenants contestent soit la réalité des troubles dont se plaignent les requérants, soit leur imputabilité; que, selon certains d'entre eux, seuls les auteurs de la faute ou du trouble et/ou ceux qui en sont les initiateurs peuvent encourir une condamnation de ce chef, raison pour laquelle les parties B. et D. dirigent une demande incidente en garantie contre la Sucrerie Couplet, que cette dernière fait de même contre la Ferme de Wisempierre, et que celle-ci agit quant à elle en garantie contre les responsables du F.C. Laplaigne; Attendu que c'est à tort que les parties défenderesses contestent notre compétence matérielle à connaître de la présente action, les condamnations pécuniaires dirigées contre elles ne dépassant pas le seuil de notre compétence générale tel qu'il est fixé par l'article 590 du code judiciaire; que les requérants ont en effet limité leur demande d'allocation de dommage et intérêts à la somme définitive de 1.500 euros, cependant qu'il est évident que «l'indemnité» de 500 euros visée en citation s'assimile à une astreinte, et doit, par conséquent, être écartée pour la vérification de notre compétence matérielle; Que la demande initiale portant en définitive sur un montant inférieur à 1.860· euros, nous sommes donc bien compétent pour connaître du litige dont nous sommes saisi; Attendu, par ailleurs, qu'avant d'examiner les deux fondements légaux de la demande initiale, nous écarterons d'emblée toute responsabilité dans le chef des défendeurs B.D., de la S.A. Sucrerie Couplet et de la S.P.R.L. Ferme de Wisempierre; qu'il est, en effet, évident que les diverses activités développées sur le site litigieux depuis 1973 par le F.C. Laplaigne le sont hors de toute intervention active de ces parties, auxquelles il ne peut être reproché d'en avoir été les initiateurs pour avoir disposé, ou pour disposer encore, à l'égard du bien, de l'un ou l'autre des attributs du droit de propriété; Que, pendant plusieurs années, les demandeurs ne se formalisèrent d'ailleurs pas de l'établissement du F.C. Laplaigne sur les terres appartenant aux défendeurs originaires, puisque ce n'est qu'en septembre 1978, soit cinq ans après l'installation du club, qu'ils formulèrent leurs premières doléances auprès de la Sucrerie Couplet; Qu’il semble, au demeurant, que le requérant fut personnellement un ardent supporter du club, puisque le II avril 1975, il accepta de signer en sa qualité de secrétaire communal de Laplaigne - alors qu'il eût pu, pour l'occasion, se faire substituer par un secrétaire faisant fonction - un «diplôme d'honneur» qui fut remis au club au terme de sa «brillante saison 1974-1975»; Qu'à l'origine, les demandeurs approuvèrent donc indiscutablement l'affectation qui fut attribuée aux terres des défendeurs originaires, de sorte qu'ils ne sont plus fondés à rechercher la responsabilité de ceux qui y contribuèrent, en les donnant ou en les prenant en location; que ne doit, dès lors, être examiné que le seul comportement des responsables du F.C. Laplaigne, sur lequel repose la garde juridique et matérielle des lieux; Qu'au préalable, il s'impose toutefois de rappeler que les demandeurs se plaignent essentiellement du danger et des dommages provoqués par les ballons qui finissent leur course dans leur propriété, de même que des nuisances sonores consécutives tant à l'organisation des entraînements et des matches, que de soirées dans la buvette attenante au stade; Attendu que l'examen de la demande sous l'angle de l'article 1382 du code civil impose que nous vérifiions la matérialité de la faute reprochée aux responsables du FC. Laplaigne, la réalité du do mage allégué par les requérants, et le lien de causalité qui existerait entre cette faute présumée et ce dommage; Attendu qu'en termes de conclusions les requérants précisent que la faute quasi délictuelle des dirigeants du F.C. Laplaigne réside dans le fait de n'avoir pris aucune mesure destinée à leur éviter les inconvénients dont ils se plaignent, et plus particulièrement, de n'avoir pas clôturé le terrain conformément aux prescriptions d'un permis de bâtir qui fut délivré au club le 15 juillet 1983, en vue de la construction de la buvette; Qu'à l'examen des éléments soumis à notre appréciation, force nous est cependant de constater non seulement que les requérants n'apportent pas la preuve de cette faute, mais encore que toutes les dispositions semblent avoir été prises par les dirigeants du club pour éviter, autant que faire se peut, que les intéressés subissent un dommage; Que l'une des photographies produites par les requérants sous la pièce 30 de leur dossier révèle de la sorte la présence, en bordure du terrain de football et parallèlement à leur habitation, d'un grillage dont la hauteur atteint, aux dires mêmes des intéressés, environ six mètres; que ce grillage, installé dans l'axe longitudinal de la surface de jeu, nous paraît être d'une hauteur suffisante et répond, suivant le ministre compétent à l'époque de la délivrance du permis de bâtir du 15 juillet 1983, à ce qui avait été demandé au club; Que les responsables du FC. Laplaigne, qui prirent donc les mesures qui s'imposaient à tout homme normalement prudent et avisé, et se conformèrent aux prescriptions urbanistiques qui leur furent imposées, ne peuvent évidemment se voir reprocher la maladresse de certains des joueurs régulièrement alignés sur leur terrain, lesquels évoluent, il est bon de le noter, non pas en championnat national, mais bien en troisième division provinciale; L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Troubles de voisinage Nature de la juste et adéquate compensation n° 70 Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Qu'à ce propos, l'on relèvera encore utilement que les treize p1aintes déposées par les demandeurs du chef de la chute de ballons dans leur propriété furent toutes classées sans suite; Que, sur le plan quasi délictuel toujours, il ne ressort pas non plus des pièces produites que l'on pourrait reprocher aux dirigeants du club d'assurer une police insuffisante du stade à l'occasion des entraînements ou des matches, aucun incident grave n'ayant apparemment jamais été déploré; Qu'il suit de ce qui précède qu'aucune faute aquilienne imputable aux dirigeants du F.C. Laplaigne n'est démontrée, en manière telle que la demande d'indemnisation manque de fondement en tant: qu'elle s'appuie sur l'article 1382 du code civil; Attendu qu'en tant qu'elle est fondée sur l'article 544 du code civil, la demande exige que nous rappelions que toute personne propriétaire d'un bien immobilier, ou disposant sur celui-ci d'un des attributs du droit de propriété (c. MOSTfN, Les troubles de voisinage, Kluwer, 1998, n° 100), qui, par un fait non fautif, cause à un voisin un trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage, lui doit une juste et adéquate compensation, rétablissant l'égalité rompue (J. HANSSENE, Les biens. Précis, II, n° 822); Que, confronté à une telle demande, le juge doit non seulement constater la réalité du trouble de voisinage, mais également en apprécier l'importance, une compensation ne pouvant être accordée que si la mesure des inconvénients normaux du voisinage est dépassée (Civ. Namur, 26 mars 1992, J.T., 1992, p. 764, et les références citées); que, dans cette perspective, la qualification de troubles de voisinage est donc immanquablement liée à l'appréciation des exigences normales de la vie en société, ainsi qu'à l'inévitable évolution de ces exigences (C. MOSTIN, op. cit., n° 17, renvoyant à Civ. Namur, précité); Attendu qu'en l'espèce, les photographies produites par les demandeurs révèlent que leur propriété est située à une petite dizaine de mètres de l'un des grands côtés du terrain de football, et que la buvette et les vestiaires, situés derrière l'un des buts, en sont éloignés d'une trentaine de mètres; que les relevés particulièrement pointilleux qu'ils effectuèrent tout au long de la saison 2002-2003, et dont l'exactitude ne fut pas contestée par les intervenants volontaires, attestent, par ailleurs, d'une fréquentation soutenue des infrastructures du club, puisque, indépendamment de l'entretien bihebdomadaire du terrain, celui-ci est occupé en moyenne quatre fois par semaine par les diverses équipes du club; Que si la fréquence d'utilisation du terrain litigieux est, certes, la conséquence inéluctable de l'engouement grandissant de la population pour le football lequel constitue de surcroît, en milieu rural, un mode de socialisation' non négligeable - il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce l'occupation quasi quotidienne des lieux, avec le lot de désagréments divers qu'elle génère «circulation, nuisances sonores diverses, encouragements des supporters, égarement de ballons, utilisation de la buvette à l'occasion des entraînements et des matches), excède la mesure des inconvénients normaux de voisinage, et crée un déséquilibre entre l'usage que font les parties des biens qu'elles occupent respectivement; qu'au reste, il est d'expérience commune que, depuis plusieurs années, les rencontres de football suscitent des passions sans cesse croissantes dans le chef des supporters, dont il devient parfois malaisé, même en divisions inférieures, de contenir certains débordements; Que, dans cette mesure, la demande sera accueillie en tant qu'elle est fondée sur l'article 544 du code civil; Attendu que, suivant l'enseignement de la Cour de cassation, l'auteur du dommage causé par des troubles excessifs de voisinage doit à la victime une juste et adéquate compensation, laquelle peut consister en l'arrêt des activités génératrices des dommages excessifs, en l'adoption de mesures adéquates tendant à les supprimer, ou encore en la condamnation au paiement d'une indemnité compensatoire (C. MOSTIN, op. cit., n° 132); Qu'en l'espèce, le trouble subi par les requérants sera adéquatement compensé par l'indemnité forfaitaire de 1.500 euros qu'ils réclament, sans qu'il nous paraisse opportun d'accéder aux autres volets de leur demande; qu'il faut, en effet, veiller, compte tenu notamment des circonstances propresà la cause,à ce que la compensation ordonnée ne crée par un déséquilibre en sens inverse (c. MOSTIN, op. cit., n° 135); Qu'il nous paraîtrait de la sorte excessif d'exiger l'érection d'une clôture d'une hauteur de douze mètres, alors que celle qui existe déjà constitue une mesure suffisante, et fut d'ailleurs jugée telle en 1983 par le ministre ayant l'Aménagement du territoire dans ses attributions; Qu'il serait tout aussi disproportionné d'interdire au F.C. Laplaigne d'encore organiser certaines activités «nocturnes» dans la buvette attenante au terrain, lesquelles l'aident sans doute, par l'apport des bénéfices qu'elles dégagent, à couvrir ses frais de fonctionnement; qu'au demeurant, les demandeurs ne démontrent nullement que ces activités occasionnelles participeraient effectivement du trouble excessif de voisinage dont ils se plaignent; Qu'enfin, il serait déraisonnable, t pratiquement irréalisable, d'interdire l'accès à la parcelle située entre le terrain le football et la clôture de conifères matérialisant la limite séparative entre les fonds voisins, ou encore d'y interdire les jeux de ballons; Attendu qu'il résulte des considérasions qui précèdent que la demande est fondée en tant qu'elle est dirigée contre les représentants du F.C. Laplaigne, à raison de 1.500 euros; qu'aucune solidarité légale ou conventionnelle ne les unissant toutefois, les condamnations prononcées contre eux le seront «l'un à défaut de l'autre». Dispositif conforme aux motifs.1 Siég.: M. D. Chevalier. Greffier .~M. J.-M. Léonard.