Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et

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Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et
Dossier d’information
Mobiliser les hommes et les garçons pour
réduire et prévenir la violence sexiste
Rédigé par : La Campagne du ruban blanc, http://www.whiteribbon.ca
Pour : Condition féminine Canada et l’Agence de la santé publique du Canada
La Campagne du ruban blanc est un effort d’une portée sans précédent déployé par des hommes et des garçons, à l’échelle
mondiale, pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles. Elle a été lancée au Canada en 1991, par suite du
massacre survenu le 6 décembre 1989 à l’École polytechnique de Montréal, où 14 jeunes femmes ont perdu la vie. Le ruban
blanc représente le serment d’un homme, qui a juré de ne jamais commettre ou tolérer d’acte de violence à l’endroit des
femmes et de ne jamais passer sous silence la violence faite aux femmes. La Campagne du ruban blanc est maintenant
active dans plus de 60 pays, avec la collaboration des Nations Unies, des gouvernements et de la société civile aux quatre
coins du monde. Pour en savoir davantage, visiter www.whiteribbon.ca
Remerciements :
Les auteurs tiennent à exprimer leur reconnaissance pour le soutien et la confiance de Condition féminine Canada, qui a
choisi la Campagne du ruban blanc pour la rédaction de ce dossier d’information. Nous espérons sincèrement que ce document contribuera à faire connaître notre vision commune de l’élimination de la violence sexiste au Canada. La production
de ce document n’aurait pas été possible sans la passion, la détermination et le travail acharné de l’équipe, petite mais non
moins extraordinaire, de la Campagne du ruban blanc : Humberto Carolo, Tuval Dinner, Clay Jones et Nick Rodrigue. Dans
tous nos efforts, nous saluons le courage et la conviction de chacune des femmes qui ont lutté pour l’égalité entre les sexes
et l’élimination de la violence faite aux femmes et aux filles. Vous avez joué un rôle de premier plan dans cette lutte pendant
des décennies. Nous sommes touchés et inspirés par votre travail. Enfin, nous tenons à souligner que nos contributions dans
ce domaine ont été richement éclairées par celles de nombreux hommes avant nous, notamment Michael Kaufman, Michael
Flood, Gary Barker, Michael Kimmel, Alan Berkowitz et Rus Funk, qui ont été particulièrement utiles pour la production du
présent document.
En attendant que cesse la violence,
Todd Minerson, directeur général
Campagne du ruban blanc
Les idées et opinions exprimées dans ce document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de
vue du gouvernement du Canada.
Titre :
Dossier d’information — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
Avril 2011
Rédigé pour :
Condition féminine Canada et l’Agence de la santé publique du Canada
Par :
La Campagne du ruban blanc — Canada
www.whiteribbon.ca
Auteurs :
Todd Minerson, Humberto Carolo, Tuval Dinner, Clay Jones
Traduction :
Christiane Ryan
Révision de la traduction :
Marie-Josée Martin
Référence suggérée :
MINERSON, Todd, H. CAROLO, T. DINNER et C. JONES. Dossier d’information — Mobiliser les hommes et les garçons pour
réduire et prévenir la violence sexiste, Condition féminine Canada, 2011.
2 Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc —
Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
TABLE DES MATIÈRES
1.0
Introduction
2
2.0
Mise en contexte
4
3.0
Le genre masculin et les définitions de la masculinité
9
4.0
Enjeux et dimensions de la violence sexiste
12
5.0
Effets sur différentes communautés
21
6.0
Cadres, stratégies et rôles positifs pour les hommes et les garçons
24
7.0
Considérations, limites, lacunes et évaluation des risques
32
8.0
Glossaire
36
9.0
Bibliographie 38
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
1
1.0 INTRODUCTION
Ce dossier d’information a été commandé par Condition
féminine Canada, de concert avec l’Agence de la santé
publique du Canada, afin d’offrir une vue d’ensemble des
efforts faits pour mobiliser les hommes de tous âges dans le
but de réduire et de prévenir la violence sexiste.
Nous commencerons par examiner les efforts déployés par
le passé au Canada et l’évolution des interventions auprès
des hommes et des garçons pour mettre fin à la violence
sexiste dans le monde. Nous passerons également en
revue l’expression de ces efforts dans divers engagements
onusiens depuis la Quatrième Conférence mondiale sur les
femmes, tenue à Beijing en 1995. Suivra un bref examen
des statistiques canadiennes concernant la violence contre les femmes et les quelques recherches qui existent sur
les attitudes masculines à l’égard de la violence sexiste au
Canada et dans le monde.
Ensuite, pour cerner les rôles que peuvent jouer les hommes de tous âges dans la prévention et la réduction de la
violence sexiste, nous examinerons les causes profondes
de cette violence, la socialisation des hommes, le pouvoir à
l’intérieur du patriarcat, la masculinité, ainsi que les inégalités entre les sexes et leurs liens avec toutes les formes de
violence à l’endroit des femmes. Nous présenterons plus
en détail les enjeux complexes et les dimensions multiples
entourant la violence sexiste, particulièrement en ce qui a
trait aux hommes, et ferons une brève mise en contexte de
la pertinence pour plusieurs communautés d’intérêts.
Enfin, nous nous attarderons aux stratégies prometteuses
de mobilisation des hommes et des garçons, ainsi qu’aux
pratiques exemplaires et aux cadres qui peuvent effectivement contribuer à réduire et à prévenir la violence sexiste.
Nous recenserons également les lacunes et soulignerons les
considérations, les limites et les risques en cause.
La production de ce document a été commandée à la Campagne du ruban blanc, organisme sans but lucratif enregistré
au Canada qui compte plus de 20 ans d’expérience dans
le domaine. La Campagne du ruban blanc a vu le jour au
Canada en 1991, par suite du meurtre tragique de 14 jeunes
femmes, le 6 décembre 1989, à l’École polytechnique de
Montréal. Un petit groupe d’hommes est arrivé à la conclusion que les hommes avaient un rôle à jouer et des responsabilités à assumer dans l’élimination de la violence faite aux
femmes. Ce qui a d’abord été un effort de la base pour faire
de la sensibilisation auprès des hommes et des garçons a
évolué pour devenir un mouvement reconnu internationalement, actif dans plus de 60 pays.
2
Pourquoi travailler auprès des hommes et des
garçons pour réduire et prévenir la violence
sexiste?
La violence contre les femmes est l’une des formes les plus
flagrantes de discrimination et de violation des droits de la
personne. Elle se produit dans tous les pays du monde,
dans toutes les couches sociales et économiques, et le
Canada ne fait pas exception à la règle. Malgré des décennies d’efforts, particulièrement de la part des femmes et des
groupes de femmes, encore aujourd’hui, les femmes et les
filles sont victimes de violence à un taux scandaleusement
élevé. Cette forme de violence occasionne des préjudices et
de la souffrance pour les femmes, les enfants, les familles,
les communautés et les nations. En fait, l’élimination de
la violence faite aux femmes serait profitable pour tout le
monde.
En 1993, l’Assemblée générale des Nations Unies (ONU)
a donné la définition suivante à la violence à l’égard des
femmes : « tout acte de violence fondé sur l’appartenance
au sexe féminin, causant ou susceptible de causer aux
femmes des préjudices ou des souffrances physiques,
sexuelles ou psychologiques ». Concrètement, cela
comprend: la violence familiale et la violence dans les relations interpersonnelles; de nombreuses formes de violence
sexuelle, notamment le viol et l’agression sexuelle; les
formes de violence systémiques, institutionnelles et culturelles (le viol dans les situations de conflit, l’interdiction aux
filles de fréquenter l’école sous la menace de violence ainsi
que les crimes perpétrés au nom de l’honneur); tout comme
les nouvelles formes de harcèlement et de harcèlement
criminel faisant appel aux technologies modernes.
La grande majorité de cette violence est perpétrée par des
hommes, expressément contre des femmes et des filles.
Si la plupart des hommes n’utilisent ou ne tolèrent peutêtre jamais la violence, le fait est que la violence sexiste
est commise principalement par des hommes. Les causes
profondes de cette violence peuvent presque exclusivement
se résumer à deux éléments : l’inégalité fondamentale entre
les femmes et les hommes à l’intérieur du patriarcat, ainsi
que les aspects violents, préjudiciables et contrôlants de la
masculinité qui sont dus au déséquilibre des pouvoirs en
résultant.
Ce dossier d’information est axé sur trois volets :
1. Le travail auprès des hommes et des garçons est
nécessaire. Pour réduire et prévenir la violence, il est
essentiel de mobiliser les hommes, qui commettent la
majorité de cette violence, sont la cible des efforts de
prévention primaire, déterminent les normes sociales
et ont la capacité d’exercer une influence sur d’autres
hommes.
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
2. Le travail auprès des hommes et des garçons peut
donner des résultats. L’accumulation d’éléments
de preuves, la parution de nouvelles données
d’évaluation, les leçons tirées à ce jour et les pratiques exemplaires échangées nous montrent qu’il
s’agit peut-être de l’élément manquant au travail effectué au cours des décennies précédentes.
3. Le travail auprès des hommes et des garçons
peut avoir un effet transformateur sur la vie des
femmes et des filles, de même que sur celle des
hommes et des garçons. La gamme de rôles constructifs que peuvent jouer les hommes et les garçons
est beaucoup plus vaste que celle offerte aux auteurs
ou auteurs potentiels d’actes de violence sexiste.
Non seulement ces rôles constructifs préviennent et
réduisent la violence contre les femmes, mais ils améliorent également la vie des hommes et des garçons
en les libérant des aspects préjudiciables et limitatifs
de la masculinité. Nous pouvons donc éliminer les
inégalités qui entravent l’évolution de nos collectivités
et de notre nation, et faire en sorte que les femmes et
les filles qui sont chères aux hommes ne vivent pas
dans la peur de la violence.
les politiques publiques pour mobiliser les hommes et les
garçons dans la réduction et la prévention de la violence
sexiste déborde le cadre du présent dossier.
Le dossier présente cependant un examen limité de
l’incidence des interventions du système de justice pénale
sur la prévention et la dissuasion, examen qui ne s’étend
toutefois pas aux interventions policières. S’ajoute une brève
analyse des programmes d’intervention et des options pour
les agresseurs, étant donné que les programmes destinés
aux hommes violents présentent naturellement un intérêt
important pour la compréhension de la gamme des attitudes
et des comportements masculins à l’égard de la violence
sexiste.
Enfin, le présent dossier n’examine pas non plus expressément les interventions dans le domaine de la santé ou de la
promotion de la santé chez les hommes, bien que les liens
avec ces domaines soient importants.
Limites de ce dossier
lusions and limitations of this paper.
Il importe d’emblée de comprendre les limites de ce document.
L’examen des questions entourant les hommes et les
expressions de la masculinité ainsi que leurs liens avec la
violence sexiste fait inévitablement ressortir de nombreuses
questions qui ont une incidence négative sur la vie des
hommes et des garçons et méritent d’être abordées plus en
profondeur. Il s’agit notamment des « coûts » qu’entraînent
pour les hommes le patriarcat, la violence des hommes
envers d’autres hommes, l’insécurité économique, les pressions qui les poussent à assumer des rôles de pourvoyeurs
et protecteurs, la récession, la criminalité et la guerre, de
même que les coûts émotionnels et psychologiques de la
masculinité. L’examen et la modification de ces conditions,
qui dénotent une « crise de la masculinité », n’entrent pas
dans le cadre du présent dossier.
Ce dossier d’information porte expressément sur les questions liées à la mobilisation des hommes et des garçons
dans la prévention et la réduction de la violence sexiste,
ainsi que sur le caractère restreint de cette mobilisation, qui
ne s’étend pas à la gamme des questions liées à l’égalité
entres les sexes (par exemple, l’équité des revenus, la
représentation politique, la santé sexuelle et les droits
génésiques).
L’analyse des mesures législatives et la possibilité d’utiliser
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
3
2.0 MISE EN CONTEXTE
Comprendre l’histoire du travail effectué à
l’échelle mondiale et au Canada
Avant les années 1990, le gros des efforts déployés par les
hommes pour mobiliser leurs pairs dans la lutte contre la
violence à l’égard des femmes et promouvoir l’équité entre
les sexes étaient morcelés et se résumaient essentiellement
à des initiatives locales, dépourvues de visée à long terme.
Au Canada, les premiers groupes communautaires, comme
Men’s Network for Change et Les Hommes pour le choix des
Femmes, étaient des regroupements hétérogènes d’hommes
partageant la même attitude à l’endroit de la violence faite
aux femmes et de l’inégalité entre les sexes. Les premiers
efforts étaient axés sur la sensibilisation, et faisaient appel
à des bulletins et à des campagnes épistolaires (Michael
Kaufman, 2011).
La North America National Organization for Men Against
Sexism (NOMAS), mouvement social spontané et plus ou
moins structuré qui a vu le jour au début des années 1970,
est encore aujourd’hui un organisme qui œuvre pour
changer les hommes et qui appuie fortement la lutte constante des femmes pour la pleine égalité (NOMAS, 2008).
C’est seulement dans la première moitié des années 1990
qu’on a vu apparaître des organisations professionnalisées
d’hommes œuvrant pour mettre fin à la violence contre les
femmes autour de la planète, et plus particulièrement au
Canada. Leur création découle dans une large mesure des
événements tragiques du 6 décembre 1989, à l’École polytechnique de Montréal. La Campagne du ruban blanc, mise
sur pied en 1991 et reconnue en 1993 comme organisme de
bienfaisance enregistré, a été un pionnier de la mobilisation
des hommes contre la violence faite aux femmes au Canada
et dans le monde.
Dans le cadre de l’Initiative de lutte contre la violence
familiale, en 1992, le gouvernement du Canada a financé
cinq centres de recherche sur la violence familiale et la violence contre les femmes dans des universités à l’échelle du
pays, soit : RESOLVE (Research and Education Solutions to
Violence and Abuse), le centre Freda (à l’Université SimonFraser et à l’Université de la Colombie-Britannique), le
Centre Muriel McQueen Fergusson de recherche sur la violence familiale (Université du Nouveau-Brunswick), le Centre
de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et
la violence faite aux femmes (Université de Montréal et
Université Laval) et le Center for Research & Education
(Université de l’Ouest de l’Ontario). Cet investissement, l’un
des nombreux qu’a fait le gouvernement fédéral pour mettre
fin à la violence sexiste, a permis la réalisation d’importants
travaux dans le domaine.
Depuis le milieu des années 1990, les mouvements œuvrant
pour l’équité entre les sexes et l’élimination de la violence
à l’endroit des femmes se sont solidement implantés dans
4
les collèges et universités partout au Canada. De nombreux
centres de santé et de ressources sur les campus commandent chaque année du matériel de sensibilisation et
des rubans blancs de la Campagne du ruban blanc pour
affichage et distribution parmi la population étudiante. Des
associations étudiantes organisent des groupes d’hommes
pour susciter entre pairs des échanges sur la masculinité,
l’équité entre les sexes et les relations saines.
Sur certains campus, par exemple à l’Université Ryerson et
à l’Université de l’Ouest de l’Ontario, on a mis sur pied des
campagnes du ruban blanc durables qui débordent du campus. Ces campagnes incluent des ateliers d’une journée, des
messages d’intérêt public, des sites Web et une présence
dans les médias sociaux au moyen de fils Twitter et des
pages Facebook.
Le mouvement a débordé des campus universitaires et collégiaux au Canada. Par exemple, Kizhaay Anishinaabe Niin
(« I Am a Kind Man » [Je suis un homme bon]) est un outil en
ligne pour les hommes autochtones en Ontario qui englobe
les « sept enseignements du grand-père », un mode de
vie fondé sur la « sagesse, l’amour, le respect, le courage,
l’honnêteté, l’humilité et la vérité ». Créé en partenariat
avec l’Ontario Federation of Indian Friendship Centers, la
Campagne du ruban blanc et le gouvernement de l’Ontario,
« I Am a Kind Man » a le mandat d’inciter les collectivités
autochtones à dénoncer toutes les formes de violence contre
les femmes (Kizhaay Anishnaabe Niin, 2011).
Les groupes nationaux et locaux de femmes, comme la
Fondation canadienne des femmes, la YWCA du Canada (et
ses diverses sections locales), l’Alberta Council of Women’s
Shelters, METRAC (Metropolitain Action Committee on
Violence Against Women and Children) et de nombreux orga­
nismes offrant des refuges et des logements de transition aux
femmes battues, ont soutenu et lancé des initiatives visant à
travailler avec les hommes et les garçons pour contribuer à
mettre fin à la violence faite aux femmes. En outre, plusieurs
gouvernements provinciaux, notamment l’Ontario, TerreNeuve-et-Labrador et l’Alberta, ont réalisé différents projets
et programmes visant à mobiliser les hommes pour prévenir
la violence sexiste.
Pendant la première moitié des années 2000, on a cons­
taté une augmentation marquée du nombre d’organismes
travaillant avec les hommes et les femmes à repenser les
rôles associés à chacun des sexes et les définitions de la
masculinité. Par exemple, le Fourth R1 est un programme
d’enseignement des relations humaines offert en milieu
scolaire, qui cible simultanément les jeunes, leurs pairs, leur
personnel enseignant, leurs parents et la communauté
élargie (The Fourth R, 2008).
1 NDT : The Fourth R signifie littéralement « le quatrième R » ; les trois premiers « R » sont les fondements traditionnels de l’enseignement primaire,
soit : la lecture (reading), l’écriture (writing) et l’arithmétique (arithmetic).
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
We Can End All Violence Against Women (We Can) est une
coalition internationale présente en Colombie-Britannique.
Elle est axée sur la mobilisation des hommes, des femmes,
des garçons et des filles, dans leur foyer et dans leur communauté, et utilise les médias sociaux (Facebook, Twitter et
Youtube) comme outils de sensibilisation de grande portée.
Cette campagne encourage la dénonciation des attitudes et
croyances qui entretiennent la violence pour atteindre son
objectif principal, à savoir : l’élimination de la violence faite
aux femmes (We Can, 2011).
tées sur le « rôle des hommes et des garçons dans l’atteinte
de l’égalité entre les sexes » qui comprennent une série de
recommandations pour inclure les hommes dans les efforts
d’avancement des femmes et de promotion de l’égalité entre
les sexes :
Mobiliser les hommes et les garçons :
perspective onusienne
• Encourager les hommes à participer à des programmes
conçus pour prévenir et traiter toutes les formes de transmission du VIH/sida et d’autres infections transmissibles
sexuellement;
L’égalité entre les femmes et les hommes est un principe
fondamental de droit international établi par la Charte des
Nations Unies. L’atteinte de l’égalité entre les sexes est une
responsabilité sociétale qui doit mobiliser tant les hommes
que les femmes. Toutefois, c’est seulement depuis 15 ans
que l’on accorde une attention significative au rôle des hommes et des garçons dans la promotion et la matérialisation
de l’égalité entre les sexes.
Le Programme d’action du Caire (1994) et l’examen qui a
suivi (1999) ont fait ressortir la nécessité d’encourager les
hommes à assumer une part des responsabilités liées à
l’éducation des enfants, à l’entretien ménager, à la vie fami­
liale et aux comportements sexuels, y compris la procréation.
Le Programme d’action de Beijing (1995) a réitéré le principe du partage des pouvoirs et des responsabilités et fait
valoir que les préoccupations des femmes ne pouvaient
être réglées qu’en partenariat avec les hommes. Il a également établi des domaines d’action prioritaires, à savoir :
l’éducation et la socialisation des enfants, la santé sexuelle
et génésique, l’élimination de la violence sexiste ainsi que
l’équilibre entre le travail et les responsabilités familiales
(Déclaration et Programme d’action de Beijing, Nations
Unies, 1995).
Les résultats de la 23e session extraordinaire de
l’Assemblée générale des Nations Unies (2000) ont confirmé
les engagements précédents et signalé des obstacles à la
mise en œuvre dans des domaines critiques. Par exemple,
la persistance des stéréotypes sexuels, les rapports de
pouvoir inégaux entre les femmes et les hommes (lesquels
entravent la capacité des femmes d’insister pour l’adoption
de pratiques sexuelles sûres et responsables), ainsi que le
manque de communication et de compréhension entre les
femmes et les hommes quant aux besoins des femmes en
matière de santé, sont des enjeux autour desquels il faudra
mobiliser les hommes pour réussir à changer les choses.
Lors de sa 48e session, en 2009, la Commission de la condition de la femme de l’ONU a adopté des conclusions concer-
• Promouvoir la conciliation des responsabilités professionnelles et familiales;
• Encourager la participation active des hommes et des
garçons à l’élimination des stéréotypes sexuels;
• Concevoir et mettre en œuvre des programmes visant
à permettre aux hommes d’adopter un comportement
sécuritaire et responsable en matière de sexualité et de
reproduction;
• Soutenir les hommes et les garçons pour qu’ils participent activement à la prévention et à l’élimination de
la violence sexiste;
• Mettre en œuvre des programmes destinés à accélérer
les changements socioculturels requis pour réaliser
l’égalité entre les sexes, particulièrement dans l’éducation
et la scolarisation (Commission de la condition de la
femme des Nations Unies, 2009).
En 2009, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Kimoon, a lancé sa campagne « Tous unis pour mettre fin à la
violence à l’égard des femmes », qui représente un engagement historique des plus hautes instances onusiennes. Une
caractéristique clé de la campagne « Tous unis » était la
reconnaissance du devoir des hommes dans la prévention,
ainsi que de leur rôle comme agents de changement. La
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
5
campagne reconnaissait que, de par le monde, les femmes
portent depuis des années le flambeau de la prévention et
de l’élimination de la violence et, qu’aujourd’hui, de plus en
plus d’hommes secondent leurs efforts. Les hommes ont
un rôle crucial à jouer, en tant que pères, amis, décideurs,
dirigeants communautaires et influenceurs, c’est-à-dire qu’ils
doivent dénoncer la violence contre les femmes et faire en
sorte que l’on s’y attaque en priorité. Surtout, les hommes
peuvent proposer aux jeunes hommes et aux garçons des
modèles de rôles positifs reposant sur dune masculinité
saine (Campagne « Tous unis pour mettre fin à la violence à
l’égard des femmes, 2009).
Dans le cadre de la campagne « Tous unis » M. Ban Kimoon a institué le Réseau des dirigeants masculins afin
d’amener les hommes à participer à la recherche de solutions pour éliminer la violence faite aux femmes. Ce réseau
appuie le travail de femmes du monde entier qui s’opposent
aux stéréotypes destructeurs, revendiquent l’égalité et
incitent les hommes et les garçons à dénoncer partout la
violence.
Un mouvement mondial en croissance
En 2004, l’alliance internationale de MenEngage a vu
le jour. Formée d’organismes non gouvernementaux et
d’organismes onusiens, cette alliance cherche à mobiliser
les garçons et les hommes dans le but de réaliser l’égalité
entre les sexes. Parmi les membres du comité directeur
international figurent Sonke Gender Justice (Afrique du Sud),
Promundo (Brésil), EngenderHealth (États-Unis), le Family Violence Prevention Fund (États-Unis), l’International
Center for Research on Women (États-Unis), l’International
Planned Parenthood Federation (Royaume-Uni), Save the
Children—Suède, Sahoyog (Inde) et la Campagne du ruban
blanc (Canada). Les membres de MenEngage travaillent
collectivement et individuellement à l’atteinte des objectifs du
Millénaire pour le développement, plus particulièrement ceux
qui ont un lien avec l’égalité entre les sexes. Les activités de
l’alliance comprennent l’échange d’information, des activités
de formation conjointes ainsi que la promotion nationale,
régionale et internationale.
En 2009, MenEngage a organisé à Rio de Janeiro (Brésil) le
premier Symposium mondial sur la mobilisation des hommes et des garçons dans le but de réaliser l’égalité entre
les sexes. Ce symposium a réuni plus de 400 personnes
— membres du milieu militant, universitaires et chefs de gouvernement de plus de 80 pays. Il a culminé avec la Déclaration de Rio, qui lançait aux hommes et aux garçons un appel
à l’action dans une gamme de domaines liés à la poursuite
de l’égalité entre les sexes, y compris l’élimination de la violence sexiste (Alliance MenEngage, 2009).
6
Étapes suivantes pour le Canada
Les groupes de femmes, au Canada et dans le monde, les
organismes non gouvernementaux (ONG) internationaux (p.
ex., Save the Children et Plan International), les organisations multilatérales (Union européenne, Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe, Organisation panaméricaine de la santé) et l’ONU acceptent de plus en plus
que la mobilisation des hommes, et plus particulièrement des
jeunes hommes et des garçons, est essentielle à l’atteinte de
la pleine égalité entre les sexes. De plus, on a constaté une
augmentation importante du nombre d’organismes communautaires dirigés par des hommes qui œuvrent auprès des
hommes et des garçons pour leur faire comprendre leur rôle
dans l’élimination de la violence sexiste et la promotion de
l’égalité entre les sexes.
Malgré toutes ces avancées et initiatives, la croissance des
organismes et la reconnaissance des institutions et gouvernements, des défis demeurent. Au Canada, il n’existe aucun
réseau national, à un niveau stratégique, pour regrouper
les organismes aux vues similaires qui s’intéressent à la
violence faite aux femmes et œuvrent pour l’égalité entre
les sexes. La plupart des efforts sont locaux, ont une portée
limitée, manquent de ressources et ne sont pas durables. En
dépit des bonnes intentions, ces initiatives ne sont peut-être
pas ancrées dans des pratiques exemplaires fondées sur
des données probantes. À cet égard, le Canada accuse du
retard par rapport à de nombreux autres pays, dont le Brésil,
l’Inde, la Suède et l’Afrique du Sud. Il s’agit toutefois d’un
domaine très prometteur où il y a beaucoup à faire.
En ce qui a trait au renforcement des capacités et à
l’acquisition de compétences, les médias sociaux, auxquels il est possible de puiser, les outils et méthodes
d’apprentissage en ligne, ainsi que l’augmentation du corpus
international de travaux, permettent des progrès rapides.
Cependant, il faut d’abord effectuer une cartographie exhaustive des projets, programmes et interventions réalisés
au pays. De là, il sera possible de mieux faire valoir les
besoins réels en matière de renforcement des capacités, de
développement des compétences et de réseautage. Tous
ces efforts contribueraient à faire en sorte que le travail
repose sur des données probantes qu’il mette à profit les
approches les plus efficaces connues et que les succès
canadiens puissent être démultipliés afin de maximiser l’effet
produit.
Plus particulièrement, on sait qu’il existe des lacunes importantes au Canada :
• Il nous manque une connaissance poussée des croyan­
ces et des attitudes des Canadiens à l’égard de la
violence sexiste et de l’égalité entre les sexes, deux éléments clés dans l’élaboration de programmes efficaces;
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
La question fondamentale
n’est plus de savoir « pourquoi » nous devrions travailler
avec les hommes et les
garçons, mais de déterminer
« comment » procéder.
• L’élaboration et l’évaluation des programmes, ainsi que
la formation des animatrices et animateurs, souffrent d’un
manque de cohérence et ne s’appuient pas sur des données probantes;
• Il n’existe pas de réseau ou de forum national réunissant
les prestataires de services aux vues similaires;
• On n’a pas encore intégré les considérations de genre et
d’égalité entre les sexes aux approches d’éducation de la
petite enfance et de développement moral en bas âge.
Grâce aux avancées actuelles dans les technologies, les
communications, les médias sociaux et le téléapprentissage,
il devient envisageable de combler ces lacunes en quelques
années seulement, et non en quelques décennies. Aux
États-Unis, l’organisme PreventConnect.org (www.preventconnect.org) remplit son mandat — promouvoir la prévention primaire de la violence sexiste — par une gamme de
cyberoutils et d’initiatives d’apprentissage en ligne, incluant
des webinaires, des téléconférences, un centre d’échange
de ressources et des entrevues. Il serait intéressant de voir
comment son approche pourrait s’appliquer dans le contexte
canadien.
Depuis cinq à sept ans, on assiste à un changement de
paradigme dans le discours entourant le travail auprès des
hommes et des garçons dans une optique de promotion de
l’égalité entre les sexes, ainsi que de prévention et réduction de la violence sexiste. La question fondamentale n’est
plus de savoir « pourquoi » nous devrions travailler avec les
hommes et les garçons, mais de déterminer « comment »
procéder. Les discussions portent maintenant sur les données existantes, les stratégies ayant fait leurs preuves, les
pratiques prometteuses, les leçons tirées d’autres domaines
et disciplines, l’expansion des programmes et la constitution
de réseaux et de partenariats.
Profil statistique de la situation au Canada
La violence à l’endroit des femmes est un problème grave et
courant au Canada; néanmoins, exception faite des gouvernements et des groupes communautaires qui œuvrent pour y
mettre fin, elle reçoit relativement peu d’attention, que ce soit
comme question de justice ou comme élément de la politique
gouvernementale en matière d’égalité des sexes, de santé
publique et de sécurité.
• La moitié des Canadiennes (51 %) ont subi au moins une
agression physique ou sexuelle après leur seizième anniversaire (Statistique Canada, 1993).
• Chaque minute, une femme ou un enfant canadien est
victime d’agression sexuelle (Institut canadien de recherches sur les femmes, 1998).
• En 2009, les victimes de violence conjugale étaient moins
susceptibles de signaler l’incident à la police qu’en 2004.
Un peu moins du quart (22 %) des victimes de violence
conjugale ont indiqué que l’incident avait été porté à
l’attention de la police (Statistique Canada, 2011).
• Les taux de violence conjugale autodéclarée sont demeurés relativement stables depuis 2004, tandis que les taux
d’homicides continuent leur recul graduel. Les femmes
restent toutefois trois fois plus susceptibles d’être assassinées (Statistique Canada, 2010).
Les statistiques canadiennes sur la violence faite aux
femmes confirment que les agresseurs sont des hommes
dans plus de 90 % des cas de violence conjugale. Cela englobe une vaste gamme d’infractions, notamment les agressions sexuelles, les voies de fait graves, les menaces et le
harcèlement criminel (Statistique Canada, 2006).
Récemment, beaucoup ont tenté d’alléguer que les taux de
perpétration et la prévalence de la violence dans les relations amoureuses sont symétriques, c’est-à-dire, les mêmes
indépendamment du sexe. Une analyse plus poussée de
ces données conclut que les femmes sont plus souvent
victimisées et que les actes de violence perpétrés contre
elles sont plus préjudiciables et plus susceptibles de causer
leur mort; ils sont moins souvent des moyens d’autodéfense
et, au contraire, constituent plus souvent un outil de pouvoir et de contrôle utilisé de manière constante, plutôt que
d’être épisodiques (Kimmel, 2002, Dobash, 2004). Si les
hommes peuvent être victimes de violence, et le sont de
fait, l’utilisation sélective des statistiques, des failles méthodologiques et des preuves contradictoires réfutent le
mythe de la symétrie entre les sexes (Flood 2007, 1999).
Lorsqu’un homme est victime de violence dans une relation amoureuse, cette violence est loin d’égaler l’expérience
féminine de la violence sondée sur le sexe, surtout lorsque
l’on va au-delà de la violence dans les relations amoureuses
pour inclure la violence sexuelle, le harcèlement, le harcèlement sexuel et la violence en milieu de travail, entre autres.
Des recherches ont montré que le fait d’être victime ou
témoin de violence en bas âge peut augmenter les probabili-
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
7
tés, chez les hommes comme chez les femmes, de victimisation ou de perpétration d’actes de violence conjugale.
L’Enquête sur la violence envers les femmes a révélé que
« les femmes ayant un conjoint violent étaient deux fois plus
susceptibles d’avoir été témoins d’actes de violence commis par leur propre père contre leur mère, et trois fois plus
susceptibles que les femmes qui ne vivaient pas avec un
conjoint violent de déclarer que leur conjoint avait été témoin
d’actes violents pendant son enfance » (Statistique Canada,
1994). De plus, les jeunes femmes et les filles ayant été exposées très tôt à des relations violentes risquent davantage
d’être victimisées plus tard dans la vie (Statistique Canada,
2006).
D’autres recherches ont également révélé que les hommes
qui ont vu leur père agresser leur mère ou qui ont euxmêmes été victimes de mauvais traitements étaient plus susceptibles d’être violents envers leur conjointe plus tard dans
la vie, et que les hommes exposés à la violence durant leur
enfance étaient également plus susceptibles d’infliger des
voies de fait graves et répétées à leur femme que ceux n’y
ayant pas été exposés à un jeune âge (Valerie Pottie Bunge
et Andrea Levett, 1998).
Il est clair que l’exposition précoce à la violence a un effet
significatif sur la probabilité de subir ou de commettre des
actes de violence envers autrui dans l’âge adulte.
Attitudes et croyances des hommes entourant
la violence sexiste
Relativement parlant, on en sait très peu sur les attitudes
et croyances des Canadiens en ce qui a trait à la violence
sexiste. En 2005, la Campagne du ruban blanc a effectué un
sondage auprès des hommes à travers le Canada afin de
mieux comprendre les perceptions et les attitudes à l’égard
de la violence masculine contre les femmes. Ce sondage a
révélé que la majorité (75 %) des Canadiens sont d’avis qu’il
est très important de dénoncer la violence à l’endroit des
femmes, et les deux tiers (63 %) estimaient qu’ils pourraient
personnellement en faire davantage. Parmi ces derniers,
moins de 50 % étaient disposés à intervenir en présence de
propos ou de comportements sexistes chez un pair; mais,
plus de la moitié interviendraient si le comportement devenait violent (Pollara, 2005).
8
La plupart des hommes semblent pris entre leur conscience
qui leur commande de dénoncer la violence faite aux
femmes, et leur réticence ou leur sentiment de n’avoir pas
les connaissances ou compétences pour intervenir si le
problème se présentait. Qui plus est, lorsque les hommes
interviennent, leurs interventions sont, comparativement à
celles des femmes, plus susceptibles d’être caractérisées
par la colère, l’esprit de vengeance, la prestation excessive de conseils, la banalisation et le blâme à l’endroit des
victimes (Michael Flood, 2010).
L’engagement des hommes à l’égard de l’élimination de la
violence faite aux femmes et de l’égalité entre les sexes
varie et prend la forme de diverses interventions au sein
d’un spectre. Le spectre de l’engagement des hommes
proposé par Rus Ervin Funk décrit les différents stades de
l’engagement des hommes (Funk, 2006). Les interventions
et les programmes les plus judicieux sont ceux qui prennent
en considération où se situe leur public cible dans ce spectre
et qui choisissent en conséquence les moyens utilisés pour
l’amener vers une position plus active et coopérative.
Dans le cadre d’une étude auprès de 1 000 hommes parrainée par le Family Violence Prevention Fund, aux ÉtatsUnis, on a constaté qu’un homme sur cinq n’appuyait pas
les efforts visant à mettre fin à la violence contre les femmes
tout simplement parce qu’on ne lui avait pas demandé de
s’engager. De plus, 13 % des hommes estimaient qu’ils
n’intervenaient pas parce qu’ils étaient perçus comme faisant
partie du problème plutôt que de la solution (Garin, 2000).
Cela indique clairement que les messages axés sur la force
et les campagnes insistant sur les rôles positifs que peuvent
jouer les hommes peuvent encourager grandement ceux-ci
à s’engager davantage dans l’élimination de la violence faite
aux femmes et à se voir comme partie intégrante de la solution.
Une recherche plus récente effectuée par le Family Violence
Prevention Fund (Peter D. Hart Research Associates Inc.,
2007) a fourni des renseignements très encourageants. Non
seulement elle confirme que les hommes peuvent contribuer
de manière significative à la promotion de l’égalité entre les
sexes, mais elle révèle également de leur part une grande
volonté de le faire. L’étude a révélé ce qui suit :
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
TABLEAU 1 : Le spectre masculin
Non
intéressé
Intéressé
mais
non engagé
Circonspect
Opposé
Exagérément hostile
Intéressé,
hésitant
Engagé,
excessivement engagé
Engagé,
prêt à suivre
Chef de file
D’après Reaching Men: Strategies for Preventing Sexist Attitudes, Behaviours and Violence, de Rus Ervine Funk, 2006.
• cinquante-sept pour cent (57 %) des hommes croient
qu’ils peuvent personnellement contribuer, au moins
jusqu’à un certain point, à prévenir la violence conjugale
et les agressions sexuelles;
• soixante-treize pour cent (73 %) des hommes croient
qu’ils peuvent contribuer, au moins jusqu’à un certain
point, à promouvoir des relations saines, respectueuses
et non violentes chez les jeunes;
• soixante-dix pour cent (70 %) sont disposés à prendre le
temps de parler aux enfants des relations saines et sans
violence (augmentation par rapport à 55 % en 2000);
• davantage d’hommes âgés de 35 à 49 ans (81 %) et
moins (78 %), comparativement aux hommes plus âgés,
ont foi dans leur capacité à promouvoir des relations
saines chez les jeunes;
• la volonté des hommes de parler de cette question avec
les enfants a augmenté de façon notable depuis 2000,
année où 55 % affirmaient qu’ils seraient disposés à
prendre le temps de le faire. Non seulement 82 % des
pères d’enfants de moins de 18 ans se disent disposés
à prendre du temps, mais également 63 % des hommes
sans enfants sont du même avis.
En dépit de l’absence de recherches à jour, la Campagne du
ruban blanc formule donc l’hypothèse suivante en se fondant
sur son travail et sur son expérience des 20 dernières années, soit : un tel engagement des hommes dans la promotion de l’égalité entre les sexes présente le bénéfice secondaire des efforts déployés en vue de les encourager, de les
responsabiliser et de les outiller pour qu’ils puissent à leur
tour intervenir auprès de leurs pairs et de leur communauté.
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
9
3.0 LE GENRE MASCULIN ET LES DÉFINITIONS DE LA MASCULINITÉ
La violence sexiste est un enjeu complexe, qui a des incidences multiples et met en cause une multitude de facteurs
inscrits dans la culture, l’économie, le droit et très profondément ancrés dans nos conceptions culturelles de la
masculinité. Pendant trop longtemps, les hommes ont été
principalement considérés comme les auteurs ou les auteurs
potentiels d’actes de violence contre les femmes, mais on a
relativement peu fait pour comprendre les causes profondes
de cette violence, compréhension qui peut servir elle-même
de stratégie de prévention primaire.
Nous sommes sur le point de rattacher notre compréhension
des hommes et de la masculinité au travail de prévention,
ce qui inclut élargir les rôles positifs que peuvent jouer les
hommes afin de recruter de nouveaux alliés pour notre lutte
contre la violence faite aux femmes, ainsi que d’y apporter
de nouvelles approches et de nouveaux paradigmes.
Les messages négatifs
transmis aux garçons et les
normes culturelles problématiques que l’on tâche de leur
inculquer donnent également
lieu d’espérer. Car, malgré ce
qui est véhiculé, il y a encore
bien des hommes qui rejettent
la violence et refusent d’y
recourir dans leurs relations.
Contrairement à ce que prétendent certains membres évolutionnistes du milieu de la recherche, les hommes ne sont
pas biologiquement prédisposés à la violence ou « programmés » pour être violents à l’endroit des femmes. S’il en était
ainsi, tous les hommes agiraient de façon violente envers
les femmes, mais la plupart ne le font pas. La violence des
hommes ne se produit pas en vase clos. L’éducation donnée
aux hommes et leur environnement culturel leur enseignent
un très grand nombre de gestes, de valeurs et de croyances.
Ces valeurs et croyances sont l’expression de forces sociales plus vastes qui, au Canada, sont trop souvent patriarcales (Walter DeKeseredy, 2011).
1) Obstacles liés à la responsabilisation
Les commentaires comme « Je ne bats pas ma femme;
allez parler à ceux qui le font » constituent peut-être la
manifestation la plus courante de ces obstacles. Ces affirmations révèlent plusieurs choses. Premièrement, celui qui les
prononce dit « Je n’ai rien à voir avec ce problème. ». Deu­
xièmement, il dit « Moi, je ne fais pas partie du problème,
alors je ne vois pas pourquoi je m’en occuperais. ». Et enfin,
il dit « Le fait que je n’ai pas recours à la violence ne suffit
donc pas à faire de moi un bon gars? ».
Dans de nombreuses études et dans notre propre travail, on
constate que les jeunes hommes et les garçons apprennent
toujours que l’homme idéal, le « vrai », est dur, fort, dominant et intransigeant, garde le contrôle et n’exprime pas ses
émotions (Cordelia Fine, 2010). Cette définition de la masculinité est non seulement limitative et désuète, elle est aussi
dangereuse.
De telles réponses indiquent que les hommes et les garçons
ne considèrent pas la violence contre les femmes comme
un enjeu qui les concerne, qu’il est difficile pour les hommes
d’examiner leurs propres rôles dans le système patriarcal et
que la barre est placée assez bas pour ce qui est d’établir
qui est un « bon gars » relativement au problème de la violence faite aux femmes.
Les messages négatifs transmis aux garçons et les normes
culturelles problématiques que l’on tâche de leur inculquer
donnent également lieu d’espérer. Car, malgré ce qui est
véhiculé, il y a encore bien des hommes qui rejettent la
violence et refusent d’y recourir dans leurs relations. Si nous
pouvons exploiter ces aspects de notre culture et les attitudes des hommes qui appuient l’égalité entre les sexes et
les relations saines, nous commencerons peut-être à observer des changements importants dans la vie des femmes.
Certaines de ces difficultés peuvent être résolues par la
sensibilisation, mais elles nécessitent fondamentalement,
de la part des hommes, un auto-examen critique de leur rôle
dans une société inéquitable, de leurs actes, de leur discours
et de leurs croyances — bref, des approches plus raffinées
sont nécessaires. Il faut des approches multifacettes pour
relever la barre et changer les normes sociales qui dictent
les attitudes et les comportements des hommes à l’égard de
la violence faite aux femmes.
Obstacles à la mobilisation des hommes
Notre expérience collective à la Campagne du ruban blanc
nous a amenés à cerner plusieurs catégories d’obstacles
à la mobilisation des hommes pour prévenir et réduire la
violence faite aux femmes
10
2) Obstacles liés à la sensibilisation
En fait, beaucoup d’hommes ne pensent pas que la violence
contre les femmes soit un problème grave dans notre société. Et beaucoup ne sont pas conscients des conditions et
des expériences liées à la violence qui font partie du quotidien des femmes. L’une des tactiques les plus puissantes des
systèmes de pouvoirs et de privilèges consiste à se rendre
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
eux-mêmes invisibles. Par conséquent, une des stratégies
clés à employer consiste à attirer l’attention dessus, à rattacher directement l’enjeu au vécu individuel des hommes
et à promouvoir une représentation claire, juste et améliorée
des problèmes liés à la violence faite aux femmes dans le
paysage culturel et médiatique.
3) Obstacles liés aux privilèges
Même lorsque les hommes sont prêts à reconnaître qu’ils
ont un rôle à jouer dans les questions entourant la violence
sexiste, ils disent souvent que le vrai problème, c’est les
« autres » hommes : les hommes qui ont des problèmes de
santé mentale, qui ont des dépendances ou qui consomment
de l’alcool ou d’autres drogues, les hommes à faible revenu,
les hommes peu instruits ou les hommes issus de communautés immigrantes ou moins « progressistes ».
Il s’agit, là encore, d’un système de pouvoirs et de privilèges
qui se soustrait à l’analyse critique, mais d’autres dimensions
interviennent. Premièrement, c’est un exemple parfait des
multiples formes de la masculinité, certains bénéficiant de
pouvoirs et de privilèges encore plus grands que d’autres et
utilisant ce pouvoir pour protéger leurs intérêts personnels.
De plus, pour bien des hommes, il est difficile et étrange
d’examiner son rôle au sein d’un système patriarcal où
presque tout ce qu’apprennent les hommes au sujet de la
masculinité, c’est comment s’en accommoder, comment y
survivre et comment l’exploiter à leur avantage — et non de
poser sur elle un regard critique, allant jusqu’à sa remise en
question.
4) Le silence des hommes
Compte tenu des obstacles que nous venons d’aborder, le
silence est généralement la réaction par défaut des hommes.
Un examen plus approfondi révèle bon nombre de raisons
qui poussent même les « bons gars » à garder le silence :
• Bien des hommes nous disent qu’ils ne savent pas comment faire, qu’ils n’ont pas les bons outils ou qu’ils n’ont
jamais eu d’exemple de ce genre de comportement;
• Ils ont le sentiment de devoir être « parfaits », bien ferrés
ou, à tout le moins, bien renseignés;
• Ils peuvent avoir vécu des expériences personnelles (actions ou omissions) difficiles à concilier avec la dénonciation active;
• On ne leur a jamais demandé de parler ou on ne les a
jamais mis au défi de le faire;
• Ils ne croient pas qu’ils peuvent contribuer à changer les
choses;
• Ils peuvent, en se taisant, vouloir protéger d’autres hommes enclins à la violence dans leur vie;
• Ils se remémorent leur propre expérience de la violence
ou de l’agression sexuelle;
• Ils s’inquiètent de ce que penseront d’eux d’autres hommes et craignent de paraître « moins virils ».
Si on envisage l’élimination de la violence sexiste sous
l’angle de la justice sociale, on peut alors assimiler le silence
à la tolérance, et l’inaction à l’impunité, c’est-à-dire l’absence
de conséquences réelles pour les hommes qui commettent
des actes de violence envers les femmes ou les tolèrent,
et la perpétuation des conditions qui appuient et banalisent
cette violence.
Lorsque les hommes passent outre leur peur du jugement
des autres et rompent le silence, les résultats sont souvent
étonnants. En effet, ils constatent souvent que d’autres
hommes partagent leur point de vue, mais qu’ils avaient,
eux aussi, peur de l’exprimer. Plutôt que de paraître faibles
ou moins virils, ils sont vus comme intègres et considérés
comme courageux parce qu’ils ont osé prendre la parole. On
entend également des hommes raconter qu’en dépit de leurs
craintes, ils ont les outils pour faire ce travail, qu’ils l’ont fait
autrement et que, ayant établi ces liens, ils sont encore plus
résolus à le faire.
Transformer la masculinité
Paul Collier s’intéresse à la façon d’améliorer la vie du
« milliard du bas », des plus pauvres parmi les pauvres de la
planète. Il a proposé une thèse intéressante sur les changements sociaux de fond qui, selon lui, se produisent lorsqu’on
conjugue la compassion et « l’intérêt personnel éclairé »
(Paul Collier, 2008).
Si nous appliquons ce concept au travail auprès des hommes et des garçons, nous mettons en lumière un des éléments manquants les plus cruciaux de nos efforts en vue
d’éliminer la violence faite aux femmes. La compassion est
clairement justifiée : les femmes et les filles ont le droit de
mener une vie exempte de violence, la violence atteint des
proportions pandémiques, et ses effets se répercutent sur
tout le monde. Cependant, où se trouve l’intérêt personnel
éclairé comme moteur de changement, la question fondamentale de savoir ce que les hommes ont à gagner de
l’élimination de la violence faite aux femmes?
Partout sur la planète, ça crève les yeux : les pays les plus
performants, selon presque tous les indicateurs, sont ceux
où les femmes jouissent d’un meilleur sort, ont un accès
égal à l’éducation et à l’emploi, ont de meilleurs résultats en
matière de santé et vivent moins de violence. Il existe un
« dividende de l’égalité entre les sexes »; cependant, le discours a toujours davantage porté (comme il se devait) sur les
droits fondamentaux des femmes et des filles et leur accès à
l’égalité, plutôt que sur les avantages économiques, sociaux
et politiques qui en découlent pour la population en général.
Le travail auprès des hommes et des garçons doit également
faire ressortir les coûts plus personnels du patriarcat pour les
hommes, de même que les avantages qu’ils peuvent retirer
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
11
de leur travail pour l’égalité entre les sexes et l’élimination de
la violence faite aux femmes.
Les approches de travail auprès des hommes et des garçons
doivent non seulement remettre en question les aspects
préjudiciables de nos masculinités, mais également promouvoir les motivations liées à l’intérêt personnel éclairé. Une
approche mixte facilitera un changement vraiment transformateur et la création d’un nouveau paradigme de la masculinité; en d’autres mots, de redéfinir ce que cela signifie
vraiment d’être homme dans notre société.
La violence sexiste n’est pas un enjeu exclusif aux femmes,
ni un enjeu masculin, mais un enjeu sociétal.
Il s’agit autant d’autonomiser les femmes et de réclamer un
lieu sûr que de déconstruire la masculinité et d’abolir les
privilèges, d’offrir du soutien et d’intervenir en faveur des
femmes, ainsi que de faire de l’éducation, de la sensibilisation et de la prévention auprès des hommes.
Coûts du patriarcat pour les hommes sur quatre plans :
• Santé physique : vie abrégée, taux de suicide plus élevé,
surincidence des maladies liées au stress (cardiopathie,
accident vasculaire cérébral), accoutumances, risque
beaucoup plus élevé de mort par accident ou par homicide, probabilités d’incarcération plus élevées.
• Santé émotionnelle : aliénation de soi et des autres,
dépression, dissociation et autres maladies mentales, enfermement dans les stéréotypes masculins traditionnels.
• Santé économique : temps de travail plus long, prospérité
moindre pour la société en général, poids de la responsabilité de pourvoyeur.
• Santé sociétale : guerre, violence, criminalité, peur des
autres hommes.
Les hommes doivent être traités comme faisant partie
intégrante de la solution, pas seulement du problème. Il
faut les amener à entreprendre une réflexion critique sur le
patriarcat : les pouvoirs et les privilèges qu’il confère aux
hommes, ainsi que ses coûts pour les femmes et les filles,
mais aussi pour les hommes et les garçons. Enfin, il faut
également montrer aux hommes et aux garçons ce que
rapporte l’égalité entre les sexes aux femmes, aux filles et à
l’humanité entière.
Avantages de l’égalité entre les sexes pour les hommes :
• Relations saines, fondées sur la confiance, et meilleur
état de santé;
• Affranchissement des stéréotypes masculins et des aspects négatifs de la masculinité;
• Plus grande liberté de se livrer à toute activité qui les intéresse;
• les personnes qui leur sont chères (mère, sœurs, amoureuse, tantes, etc.) risquent moins de souffrir à cause de
la violence et d’autres inégalités entre les sexes;
• Possibilité de sortir du cadre de l’identité sexuelle « normale » sans risque d’intimidation par d’autres hommes;
• Possibilité de partager la responsabilité pourvoyeur et
de protecteur, conduisant à une plus grande prospérité
économique pour tout le monde;
• Plus d’occasions d’être proches de leurs enfants.
12
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4.0 ENJEUX ET DIMENSIONS DE LA VIOLENCE SEXISTE
4.1
Violence conjugale et interpersonnelle
Formes, fréquence et complexités
Entre 1997 et 2002, les cas de violence conjugale ont porté
à un sommet le nombre de condamnations mettant en cause
des infractions avec violence. Quatre-vingt-dix pour cent
(90 %) de ces infractions ont été commises par des hommes
(Statistique Canada, 2006). La violence conjugale entraîne
des coûts élevés, évalués à quatre milliards par année
lorsque l’on tient compte des dépenses liées aux services
sociaux, à la justice pénale, aux pertes d’emploi et aux soins
de santé (Greaves et coll., 1995).
Si les femmes comme les hommes peuvent être victimes de
violence interpersonnelle, celle-ci est largement sexospécifique. Les femmes sont en effet trois fois plus susceptibles
que les hommes de subir des blessures physiques par suite
de la violence conjugale, cinq fois plus susceptibles de
nécessiter des soins médicaux (Statistique Canada, 2005)
et cinq fois plus susceptibles de craindre pour leur vie. De
fait, la gravité de cette violence ou des menaces faites aux
femmes était telle que 38 % d’entre elles ont craint pour
leur vie, comparativement à 7 % des hommes (Statistique
Canada, 2000).
Entre 2000 et 2009, 738 homicides conjugaux ont été
signalés au Canada, et les femmes ont continué d’être trois
fois plus susceptibles que les hommes de subir cette forme
de violence. Le taux d’homicides conjugaux est demeuré
stable pour une troisième année consécutive, à la suite de
près de trois décennies de diminution graduelle. Cela laisse
donc une lueur d’espoir (Statistique Canada, 2011).
Selon la Fondation canadienne des femmes, les femmes
de tous âges et de toutes les couches socioéconomiques
peuvent être victimes de violence, et ce, quelle que soit
leur appartenance ethnique, raciale ou religieuse. Toutefois, le risque et la vulnérabilité sont plus élevés chez les
jeunes femmes, les femmes handicapées, les femmes
géographiquement isolées et les femmes autochtones.
La violence à l’endroit des
femmes, qui comprend la
violence familiale, le viol, les
mariages d’enfants et la circoncision féminine, compte
parmi les plus graves violations des droits de la personne au monde selon l’ONU.
Canada, 2 000). Au cours de la seule année 2003 (période
comprise entre le 1er avril 2003 et le 31 mars 2004), 36 840
enfants et 58 486 femmes ont cherché refuge dans une maison d’hébergement pour femmes battues au Canada (Statistique Canada, 2005). Cela donne une idée de la fréquence
de cette violence et de ses répercussions sur les enfants.
La violence à l’endroit des femmes, qui comprend la violence
familiale, le viol, les mariages d’enfants et la circoncision
féminine, compte parmi les plus graves violations des droits
de la personne au monde. Les autres formes de violence
faite aux femmes incluent la sélection du sexe pendant la
grossesse, l’infanticide, la violence commercialisée (notamment la traite des femmes et des filles), l’exploitation de
la main-d’œuvre féminine, l’inceste et l’utilisation du viol
comme arme de guerre. La Déclaration sur l’élimination de la
violence contre les femmes recense et catégorise la violence
selon qu’elle est commise dans la famille, dans la communauté en général ou, encore, par l’État ou avec son accord
tacite (Département de l’information des Nations Unies).
La violence dans les couples homosexuels
La violence conjugale peut également prendre de nombreu­
ses formes et servir d’outil d’intimidation, de contrôle et de
pouvoir. Outre la violence physique, il y a la violence psychologique, la violence aux fondements religieux, la violence
économique et la violence émotionnelle.
Il s’est produit d’importantes avancées dans la reconnaissance des droits fondamentaux des gais et des lesbiennes
au cours des 20 dernières années au Canada. Par exemple,
le gouvernement fédéral reconnaît maintenant le mariage
entre personnes de même sexe. En dépit de ces progrès
et de la visibilité accrue des relations homosexuelles dans
la société, la violence entre les conjointes ou conjoints de
même sexe reste mal comprise et peu documentée.
La violence familiale a d’importantes incidences sur les
enfants. On estime que 360 000 enfants sont exposés à la
violence familiale au Canada (UNICEF et coll., 2006). Le
fait d’être témoin ou victime de violence au foyer peut avoir
des conséquences à long terme pour les enfants, notamment des traumatismes psychologiques, la dépression et
d’autres problèmes psychologiques et comportementaux qui
se prolongent à l’adolescence et à l’âge adulte (Statistique
Les spécialistes croient que les taux de violence dans les
couples homosexuels sont similaires aux taux de violence
dans les couples hétérosexuels. Cette hypothèse est difficile à confirmer en raison du peu de recherches menées
sur la question. Seulement un petit pourcentage de ces cas
de violence sont signalés, cela à cause d’une combinaison de facteurs : pénurie de services adaptés à la culture
allosexuelle (c’est-à-dire des personnes gaies, lesbiennes,
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
13
bisexuelles et transgenres), des mauvaises relations entre la
communauté allosexuelle et les prestataires de services (p.
ex. les maisons d’hébergement, les services policiers et les
services d’aide à l’enfance), ainsi que la réticence de la communauté allosexuelle à reconnaître l’existence d’une telle
violence (Pat Durish, 2007).
Les cadres élaborés pour comprendre la violence dans les
relations hétérosexuelles ne permettent pas de comprendre
celle des couples homosexuels. De plus, la violence conjugale s’exprime et se vit différemment selon qu’on est gai, lesbienne ou transgenre. Il existe plusieurs idées fausses, par
exemple on tend à minimiser la violence dans les couples
gais en disant qu’entre hommes, « ça joue dur »; et on nie
qu’une femme puisse s’attaquer à une femme dans une
relation amoureuse. Les personnes qui ont connu la violence
dans une relation homosexuelle ont souvent vu leur plainte
écartée par la police sous prétexte que ce n’était que du
« crêpage de chignons » ou un das « d’agression mutuelle »
(Pat Durish, 2007).
Il faudra effectuer d’autres recherches pour comprendre
entièrement les complexités de la violence dans les couples
homosexuels. Les services aux victimes, les services policiers et les prestataires de services doivent tenir compte
des besoins de la communauté allosexuelle. La formation,
le renforcement des capacités, la mobilisation de la communauté et la mise en valeur des ressources pourraient
être des moyens efficaces de prévenir la violence dans les
couples homosexuels et d’y offrir une réponse systémique.
Les organismes qui servent la population générale, notamment ceux qui offrent des programmes de prévention et
d’éducation, doivent prendre en considération le vécu et
les besoins des hommes et des femmes dans une relation
homosexuelle, tant du point de vue de la prévention que de
celui du soutien. Des campagnes de sensibilisation de la
communauté pourraient aider à déstigmatiser la violence
dans les relations homosexuelles.
Lacunes dans la compréhension des hommes
En l’absence de recherches pertinentes, il est difficile
d’évaluer avec certitude ce que les Canadiens savent et
comprennent de la violence familiale. Ce que disent souvent
les hommes, c’est que, n’étant pas eux-mêmes violents, ils
n’ont pas la responsabilité d’agir. Les hommes nous disent
aussi que, lorsqu’il est question de violence à l’endroit des
femmes, ils ont l’impression d’être blâmés et perçus comme
un élément du problème.
Les hommes sont beaucoup plus enclins à amorcer un
dialogue et à s’engager lorsqu’ils sont considérés et présentés comme un élément de la solution. Le Family Violence
Prevention Fund, aux États-Unis, la Campagne du ruban
blanc, en Australie, et l’International Centre for Research on
Women (The MAGES Survey) ont mené des études pour
14
bien cerner leurs attitudes. Il s’agissait en l’occurrence de
déterminer avec précision les secteurs de risque, les points
d’entrée et les stratégies de mobilisation qui fonctionnent
avec les hommes, et les résultats de ces études ont déjà
éclairé des programmes et des interventions qui ont connu
un grand succès. La Campagne du ruban blanc a effectué
des recherches préliminaires, mais il faut de plus amples
détails pour concevoir des interventions et des programmes
pertinents, adaptés aux spécificités de la société canadienne.
Liens avec les attitudes entourant l’égalité des sexes
La plupart des hommes croient que la violence faite aux
femmes est inacceptable et rejettent les mythes courants
au sujet de la violence familiale. Cependant, une importante
minorité (plus du tiers) croit en des idées dangereuses, par
exemple, que le viol est causé par l’incapacité des hommes
à contrôler leurs pulsions sexuelles. De nombreux hommes
demeurent trop enclins à croire que les femmes mentent et
portent de fausses accusations de violence.
Il existe un lien étroit entre la violence faite aux femmes et le
sexisme. Des travaux de recherche révèlent que les hommes ayant les pires attitudes — les attitudes les plus favorables à la violence — sont ceux aussi ceux qui se montrent
les plus sexistes à l’égard des femmes et ont la vision la
plus rigide du rôle de chaque sexe dans la société (Michael
Flood, 2010). Par ailleurs, les hommes qui affichent les comportements et les attitudes les plus paritaristes sont plus susceptibles de pouvoir désigner un modèle masculin qui a eu
sur eux une influence positive. À l’échelle internationale, les
pays qui ont un classement élevé selon l’indice de la parité
entre les sexes (Global Gender Gap Index) connaissent tous
des taux inférieurs de violence contre les femmes. Comme
nous le signalerons dans la section portant sur les stratégies
et les cadres, il s’agit du principal élément qui confirme la
nécessité d’inclure l’équité entre les sexes et une démarche
de déconstruction-reconstruction des genres dans le travail
auprès des hommes et des garçons.
4.2
Violence sexuelle
La violence sexuelle contre les femmes est presque exclusivement commise par des hommes; pourtant, il s’est fait
relativement peu de travail de prévention primaire auprès
des hommes et des garçons. Le gouvernement de l’Ontario
a récemment adopté un plan de prévention de la violence
sexuelle comportant une solide composante de prévention
primaire auprès des hommes et des garçons, ce qui nous
porte à croire, avec un certain optimisme, que cette approche commence à gagner du terrain.
La violence sexuelle est un enjeu complexe en raison
de la variété des formes qu’elle prend, des liens avec
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
La présente section aborde ces complexités de façon plus
détaillée.
garçons et 27 % des filles ont admis avoir subi des pressions
pour avoir une activité sexuelle qu’elles ou ils ne désiraient
pas. Sans surprise, les données révèlent que les filles ressentent davantage cette pression que les garçons, et 15%
ont déclaré avoir eu des rapports bucco-génitaux seulement pour éviter la pénétration (David Wolf et Debbie Chiod,
2008).
Viol et agression sexuelle
Viol dans le mariage
Le viol et l’agression sexuelle demeurent scandaleusement
courants au Canada. Les chiffres sont très révélateurs et
font état de femmes adultes, de jeunes et d’enfants violés,
survivant à la violence sexuelle dans leur foyer, sur les campus, dans leur vie amoureuse et ailleurs. Statistique Canada
a révélé qu’une fille sur quatre et un garçon sur huit (Isely
et Hehrenbech-Shim, 1997; Scarce, 1997) ont été agressés
sexuellement avant l’âge de 18 ans. La majorité des agressions sont commises par des hommes hétérosexuels.
Bien que certaines personnes puissent continuer de penser
que le viol n’est pas possible dans une relation maritale, il
est illégal au Canada depuis 1983. Malgré la légifération
de cette infraction, des études ont révélé que 29 % des
femmes qui avaient déjà été mariées ou avaient vécu en
concubinage avaient été agressées sexuellement par un
conjoint durant la relation et que 21 % avaient été agressées
sexuellement pendant la grossesse (Karen Rodgers, 1994).
l’objectivation sexuelle et la chosification des femmes, de
l’inégalité inhérente entre les sexes et des privilèges dont les
hommes ont joui par le passé en ce qui a trait à la sexualité
humaine.
Les filles et les jeunes femmes de 15 à 24 ans risquent
davantage d’être agressées sexuellement (Justice Institute
of British Columbia). En dépit d’un mythe tenace selon lequel
les femmes sont très souvent agressées par un inconnu,
la plupart des survivantes (69 %) connaissaient déjà leur
agresseur — membre de la famille, conjoint, amoureux,
galante compagnie, ami ou voisin (J. Brickman et J. Briere,
1984).
La plupart des efforts de prévention du viol et de l’agression
sexuelle auprès des hommes ont reposé sur la peur et
les sanctions pénales comme moyens dissuasifs, sans
s’attaquer à nombre des causes profondes de la violence,
comme nous le verrons ci-après.
Viol dans les fréquentations
L’une des réalités profondément dérangeantes de la violence
sexuelle est sa prévalence chez les jeunes qui commencent
leur vie romantique et sexuelle. Les statistiques des universités et collèges canadiens sont inquiétantes. En effet, lors
d’une enquête sur les campus universitaires canadiens, quatre étudiantes du premier cycle sur cinq ont déclaré avoir été
victimes de violence dans le cadre de fréquentations amoureuses. Vingt-neuf pour cent (29 %) ont signalé des incidents
d’agression sexuelle (W. DeKeseredy et K. Kelly, 1993).
Le Centre scientifique de prévention du Centre de toxicomanie et de santé mentale a sondé 1 819 élèves de 9e et de
11e année dans des écoles situées en région urbaine et en
région rurale entre 2004 et 2007 afin de mesurer la victimisation et la perpétration en ce qui a trait au harcèlement et à
l’intimidation, ainsi que la sécurité globale dans les écoles.
Interrogés sur les pressions sexuelles, 4 % des garçons de
11e année ont admis avoir tenté de forcer une personne à
avoir des relations sexuelles avec eux, tandis que 10 % des
Viol ou agression sexuelle facilitée par la drogue
Depuis le milieu des années 1990, on signale de plus en
plus de cas d’agresseurs qui utilisent subrepticement des
médicaments vendus sur ordonnance ou sans ordonnance
pour induire la désinhibition, la sédation et l’amnésie et ainsi
faciliter le viol. Ce type de victimisation est très couramment
appelé « agression sexuelle facilitée par la drogue ». Bien
que le Rohypnol, en particulier, ait été surnommé la « drogue
du viol », de nombreuses autres substances facilement
accessibles auraient été utilisées pour faciliter l’agression
sexuelle, l’alcool étant la plus courante (M.J. McGregor, M.
Lipowska, S. Shah, 2003).
Par le passé, la prévention a surtout ciblé les femmes, qu’on
a tâché de conscientiser aux risques et aux précautions à
prendre pour prévenir ce genre d’agression.
Récemment, l’Ontario a apporté un aménagement
législatif à sa Loi sur l’alcool et le Manitoba, à sa Loi sur
la réglementation des alcools, afin d’autoriser les femmes
à apporter leur consommation dans les toilettes d’un bar
pour éviter d’être compromises (Commission des alcools et
des jeux de l’Ontario, 2007). Il s’est fait très peu de travail
pour sensibiliser les hommes au problème et les inciter
à intervenir lorsqu’ils l’observent. Un exemple des efforts
faits pour amener les hommes à dénoncer ce geste vient
de l’Université Carleton. Il s’agit du projet Male Ally, qui fait
appel aux médias sociaux pour encourager les hommes à
dénoncer la pratique et inciter leurs pairs à faire de même
(http://www.youtube.com/watch?v=lklp3FS-HaM).
Objectivation sexuelle, chosification et sexualisation des
femmes
La sexualité féminine a traditionnellement été réprimée,
contrôlée et utilisée pour commercialiser des biens de con-
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
15
L’approche du consentement
enthousiaste encourage les
deux partenaires à parler de
leurs désirs, de même qu’à
communiquer ouvertement
ensemble avant et pendant
l’expérience sexuelle.
sommation et des services, alimenter les médias populaires
et offrir aux hommes une forme « acceptable » de gratification sexuelle. Cette appropriation toxique de la sexualité des
femmes joue un rôle important dans la violence sexuelle des
hommes envers les femmes. En effet, elle amène (certains
hommes) à croire que le corps des femmes existe pour le
plaisir des hommes, ce qui leur donne le droit de l’admirer et
de le consommer. À peu près tout ce que les hommes et les
garçons voient perpétue cette croyance.
Cette appropriation fait également ressortir une profonde inégalité dans nos normes sociales entourant la sexualité des
hommes et des femmes. Par exemple, certains hommes,
et surtout les jeunes hommes, continuent d’être félicités et
encouragés pour leurs prouesses sexuelles, leurs rapports
avec des partenaires multiples et d’autres activités sexuelles
masculines préjudiciables. Au contraire, les jeunes femmes
qui ont des partenaires multiples ne sont pas louangées,
mais jugées en des termes très peu flatteurs. La violence et
l’exploitation sexuelles s’inscrivent dans le droit fil des dogmes d’une masculinité fondée sur l’iniquité et la violence.
Réfuter les mythes entourant la violence sexuelle
Tout effort de mobilisation des hommes et des garçons doit
s’attaquer aux mythes répandus au sujet de la violence
sexuelle. Certains hommes, pour excuser leur comportement, invoquent ces mythes qui justifient ou minimisent
d’une certaine façon la violence sexuelle et qui contribuent à
détourner des stratégies de prévention bien intentionnées.
Voici les principaux mythes à débouter :
• La violence et le désir sexuel des hommes sont impulsifs
et incontrôlables.
• Il faut se méfier des inconnus; les prédateurs sexuels
inconnus qui se cachent dans les coins sombres sont le
principal danger qui guette les femmes.
• « Un garçon, ça joue dur » ou, en d’autres mots, la violence sexuelle est en quelque sorte un aspect « normal »
de l’épanouissement sexuel des hommes.
• La violence sexuelle est, d’une certaine façon, « causée »
par la sexualité des femmes, c’est-à-dire que la façon
16
dont une femme s’habille peut provoquer une agression
sexuelle, et toute forme d’avances venant d’une femme
constitue, en quelque sorte, une invitation à avoir des
rapports sexuels.
Le travail auprès des hommes et des garçons doit remettre
en question les normes sociales selon lesquelles les hommes sont dominants et les femmes, soumises; encourager
une vision équitable de la sexualité féminine et rétablir les
faits relativement aux agressions sexuelles.
Consentement enthousiaste
Les méthodes de prévention de la violence sexuelle ont varié
au fil du temps et couvrent un large spectre. À un bout du
spectre, il y a les méthodes axées sur l’éducation des hommes et des garçons pour mettre fin à la violence se­xuelle;
à l’autre, les initiatives visant à informer les victimes poten­
tielles des signaux d’alarme à surveiller pour éviter les agressions sexuelles. Les campagnes comme « Non, c’est non
» sont bien connues partout au Canada et dans le monde,
mais une nouvelle approche axée sur le principe du consentement enthousiaste a vu le jour.
Cette nouvelle approche présente le consentement comme
bien plus que l’absence de « non » et suggère plutôt de rechercher un « oui » enthousiaste des deux partenaires avant
toute relation intime. Le modèle est axé sur les aspects positifs du consentement et encourage les partenaires à négocier équitablement les plaisirs au préalable. Elle encourage
la personne qui amorce le contact physique à assumer la
responsabilité de demander et de comprendre le consentement de l’autre, quel que soit son sexe. Le modèle l’invite
à tenir compte de l’état d’ivresse de son ou sa partenaire,
de la dynamique du pouvoir et de la pression des pairs, et
à s’assurer que cela ne donnera pas lieu à une situation
d’exploitation.
L’approche du consentement enthousiaste encourage les
deux partenaires à parler de leurs désirs, de même qu’à
communiquer ouvertement ensemble avant et pendant
l’expérience sexuelle. Cela peut réduire considérablement
les risques de malentendu, d’attentes déraisonnables ou
de contact sexuel non désiré, en particulier le viol dans les
fréquentations ou l’agression sexuelle (Jaclyn Friedman et
Jessica Valenti, 2008).
Ce modèle pourrait se révéler efficace pour aborder avec
les hommes la question du consentement et de la violence
se­xuelle, car il déstigmatise les réponses négatives de façon
à ce que les personnes en cause risquent moins d’être
embarrassées ou humiliées lorsqu’une offre d’attention est
rejetée.
Harcèlement sexuel
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
Le harcèlement sexuel est l’une des formes de violence
sexuelle les plus courantes, et pourtant les moins reconnues, faite aux femmes. Quatre-vingt-sept pour cent (87 %)
des Canadiennes disent avoir été victimes de harcèlement
sexuel (Statistique Canada, 1993), ce qui donne une idée de
l’ampleur de ce phénomène.
Le harcèlement sexuel, qui comprend les blagues, les commentaires, les gestes ou les menaces à caractère sexuel,
est omniprésent dans nos écoles et nos milieux de travail.
Une étude auprès de 4 200 filles de 9 à 19 ans a révélé que
80 % avaient été victimes d’une forme ou l’autre de harcèlement sexuel, et la moitié on dit qu’elles en étaient victimes
tous les jours (Y. Jiwani et coll., 1999). Parce que le harcèlement sexuel ne suppose pas nécessairement un acte de
violence physique ou sexuelle, les préjudices qu’il cause
aux femmes et aux filles sont souvent minimisés. Dans les
écoles et les milieux de travail, il peut faire grimper les taux
de décrochage et de pertes d’emploi, et priver les femmes
de chances égales de tirer pleinement parti des possibilités
d’études et d’emploi.
On a principalement eu recours à des politiques et à des
mesures législatives pour contrer le harcèlement sexuel. La
partie III du Code canadien du travail confirme le droit des
travailleuses et des travailleurs à un environnement exempt
de harcèlement sexuel et oblige les employeurs à prendre
des mesures de prévention. Le Code définit le harcèlement
sexuel comme étant « tout comportement, propos, geste ou
contact qui, sur le plan sexuel : soit est de nature à offenser
ou humilier un employé1 , ou soit peut, pour des motifs raisonnables, être interprété par celui-ci comme subordonnant
son emploi ou une possibilité de formation ou d’avancement
à des conditions à caractère sexuel » (ministère du Travail). De même, les conseils scolaires ont reçu le mandat
d’instituer des politiques de tolérance zéro à l’égard du
harcèlement sexuel. Cependant, il manque à ces deux approches une composante complémentaire d’éducation et de
sensibilisation des hommes et des garçons qui insiste sur
l’égalité entre les sexes.
4.3 Traite de personnes, exploitation
sexuelle à des fins commerciales et
pornographie
La traite aux fins du commerce du sexe est l’une des formes
de violence les plus scandaleuses et les plus horribles faites
aux femmes. En effet, elle enfreint de maintes façons les
droits fondamentaux de la personne (coercition, enlèvement,
séquestration, violence et exploitation sexuelles, viol, agressions sexuelles contre des personnes mineures, servitude
pour dettes, etc.).
1 NDT : Dans les lois du Canada, le masculin est utilisé avec valeur de
neutre. Par conséquent, « employé » doit ici être interprété comme incluant
les employées.
De plus, la traite cible souvent des personnes mineures.
La traite de personnes touche également les jeunes hommes
et les garçons. Les victimes masculines sont destinées au
commerce du sexe, à la guerre (ou à d’autres types de conflits), au travail forcé ou à d’autres formes de travail (ateliers
clandestins, travail agricole). La racaille qui pratique la traite
et en tire profit peut être de l’un ou l’autre sexe.
Certains aspects sont des violations incontestables et
scandaleuses des droits de la personne — exploitation
sexuelle des enfants par la prostitution, violence et exploitation sexuelles, esclavage forcé, enlèvement. Ces violations exigent des interventions immédiates, rapides et sans
ambages, essentiellement de nature pénale et judiciaire.
Pour d’autres aspects, toutefois, il n’existe pas de consensus
définitif, même au sein du mouvement des femmes (consommation de pornographie, commerce du sexe comme choix
économique viable), ce qui complique la compréhension du
rôle et de la responsabilité des hommes.
L’environnement politique, économique et social vient compliquer davantage ces enjeux. En effet, la mondialisation,
la pauvreté, le crime organisé, la guerre et les conflits, les
médias, le colonialisme ainsi que le racisme sont tous des
facteurs qui influent sur notre compréhension de la traite de
personnes et de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Le débat sur la sexualité humaine est polarisé entre
moralistes et libertaires. Cela laisse peu de place aux discussions saines qui tiennent compte des différences et de la
diversité, tout en remettant en cause les dogmes patriarcaux
qui contribuent à perpétuer la violence sexiste. Par exemple,
une expression plus évoluée et plus saine de la sexualité
masculine pourrait éliminer les préjudices qu’occasionne
pour les hommes l’accès à la pornographie, de même que
les préjudices que celle-ci cause aux femmes (objectivation, chosification, traite, exploitation, etc.), et ainsi réduire la
demande et l’attrait de cette option pour les femmes.
Un certain nombre d’orientations se dégagent clairement
pour l’avenir. Il faut relier ces discussions à une réflexion de
fond sur nos définitions de la masculinité, en tâchant à la fois
de transformer les aspects préjudiciables de l’identité masculine et d’enrichir celle-ci de nouvelles dimensions saines.
Les hommes pourraient être de précieux alliés et agents
de changement dans la lutte contre la prostitution juvénile,
la violence envers les enfants, l’exploitation des enfants et
d’autres enjeux limpides, qui font l’unanimité. Il y a là un
potentiel transformateur qui reste pour l’instant inexploité.
Les hommes ont un rôle à jouer dans la déconstruction
et la reconstruction des normes sociales. Le soutien que
reçoivent les efforts actuels de mobilisation des hommes et
des garçons pourrait avoir une incidence formidable sur la
résolution de ces enjeux.
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
17
Le crime commis au nom de
l’honneur se distingue des
autres homicides sur des
femmes par son caractère
généralement prémédité et
par le fait qu’il met en
cause plusieurs membres
de la famille
Enfin, il faut étudier plus à fond les différents rôles des hommes dans la « demande ».
Comprendre la « demande »
Les hommes influent sur la demande de services sexuels
et de produits pornographiques, tant à titre de clients, de
consommateurs et de travailleurs du sexe que de gérants
(proxénètes et trafiquants); la traite de personnes est mue
par cette demande. Toutes sortes de raisons poussent les
hommes à acheter et à consommer des services sexuels,
par exemple : un sentiment d’hostilité envers les femmes
ou un besoin de les dominer, la sexomanie, le désir de se
livrer à des activités sexuelles spécifiques ou à des activités sexuelles sans engagement affectif, voire de faire des
rencontres risquées, ainsi que le besoin de compagnie,
la commodité ou le besoin de combler un vide émotionnel
(Flood, 2011).
Une nouvelle avenue de prévention se dessine actuellement,
à savoir de s’attacher à éliminer la violence et l’exploitation
dans l’industrie du sexe, plutôt que de décourager l’achat de
services sexuels. Bien sûr, il s’agit d’un enjeu complexe; par
conséquent, il n’y a pas encore consensus sur les principes qui devraient guider le travail. Nous pourrions tirer des
leçons des méthodes utilisées à ce jour auprès des hommes
en lien avec d’autres facettes du travail de promotion de
l’égalité et de prévention de la violence sexiste. Une bonne
part de ce travail devra en outre être coordonnée avec
d’autres efforts de promotion des droits de la personne et de
la justice sociale.
En fin de compte, il s’agit de responsabiliser les hommes
en tant que consommateurs de pornographie et de services
sexuels, c’est-à-dire les amener à porter la responsabilité de
la « demande », et donc des conséquences préjudiciables,
tout en travaillant à l’adoption d’un nouveau paradigme de
la sexualité masculine, qui admet une plus grande diversité
dans ce qui est considéré comme « sain ».
18
4.4
Violence assistée par la technologie
Les progrès technologiques nous ont donné de nombreux
nouveaux outils pour combattre la violence faite aux femmes
et recruter de nouveaux alliés pour la promotion d’attitudes
saines et équitables dans les relations humaines. Malheureusement, nombre de ces progrès ont également engendré
de nouvelles façons de menacer, d’agresser et de dégrader
les femmes et les filles. Les technologies de communication et les médias sociaux offrent ainsi de toutes nouvelles
façons de porter préjudice à autrui. Comme beaucoup de
jeunes utilisent ces médias, les victimes sont souvent des
enfants, des adolescentes ou des adolescents.
D’après des recherches récentes, la cyberintimidation, le
harcèlement en ligne et d’autres formes de violence assistée
par la technologie sont monnaie courante. Une étude britannique effectuée en 2002 a révélé que le quart des jeunes
de 11 à 19 ans avaient subi des menaces — dans certains
cas, des menaces de mort même — en ligne ou par téléphone cellulaire (NCH-National Children’s Home). Dans une
étude réalisée par l’Université de Toronto auprès d’élèves de
niveau intermédiaire et secondaire, 21 % des répondantes
et répondants ont dit avoir été victimes d’intimidation et 35 %
ont déclaré avoir fait de l’intimidation en ligne au cours des
trois mois précédant la recherche (Mishna, 2008).
Comme pour bien d’autres formes de violence, les efforts de
prévention ont surtout eu pour objet d’enseigner comment
éviter de se faire agresser (p. ex., supervision parentale et
apprentissage de la cybersécurité). Il faut concevoir et mettre
en œuvre des stratégies pour prévenir la cyberviolence. Ces
stratégies pourraient comprendre : adopter des politiques
préventives dans les écoles, offrir de l’enseignement individualisé, ajouter cette forme de harcèlement au curriculum
et instaurer un code de conduite des internautes, que les
élèves et leurs parents devraient signer.
Le recours à ces technologies pour porter préjudice à
d’autres personnes rejoint les autres formes de violence
contre les femmes recensées dans le présent dossier. Il faut
placer dans le contexte plus vaste des droits de la personne
et de l’égalité entre les sexes les discussions et les mesures
visant à éliminer ces formes modernes de violence.
4.5
Pratiques traditionnelles préjudiciables
Nombre de nos attitudes, croyances, comportements et
pratiques sont profondément ancrés dans les normes, les
valeurs et les traditions culturelles de notre communauté
d’appartenance. La majorité de ces valeurs et normes favorisent l’apparition de traits de caractère positifs, par exemple
la compassion, la bienveillance, le respect, l’égalitarisme
et le partage des responsabilités; d’autres peuvent toutefois être dénaturées et utilisées pour entraver la sécurité,
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
la santé, les libertés et le bien-être de certaines personnes
dans notre société. Dans cette section, nous examinerons
quelques pratiques néfastes enracinées dans des normes,
des valeurs et des traditions bien connues pour augmenter
le risque de violence contre les femmes et les filles ou ayant
contribué à de graves violations des droits de la personne au
Canada et dans le monde entier.
Crimes fondés sur des motifs d’honneur
Le spécialiste canadien des crimes d’honneur, Amin A.
Muhammad, professeur de psychiatrie à l’Université Memorial de Terre-Neuve, définit le crime d’honneur comme le
meurtre prémédité d’une personne — généralement une
femme — par son mari, voire par une ou un autre membre
de sa famille, parce qu’on lui reproche d’avoir eu une conduite jugée déshonorante pour les siens, par exemple des
relations sexuelles extraconjugales ou des relations avec
des hommes qui n’ont pas l’approbation de la famille (Amin
Muhammad, 2010). Le crime commis au nom de l’honneur
se distingue des autres homicides sur des femmes par son
caractère généralement prémédité et par le fait qu’il met
en cause plusieurs membres de la famille. Il se peut même
qu’un tel crime n’ait aucun retentissement pour celui ou celle
qui le commet à l’intérieur du cadre de sa famille et de sa
communauté.
Dans le monde, plus de 5 000 femmes meurent chaque
année des suites d’actes de violence commis au nom de
l’honneur (Nations Unies, 2007). Au Canada, environ douze
crimes ont été perpétrés contre des femmes et des filles au
nom de l’honneur au cours des dix dernières années. Parmi
les plus médiatisés, mentionnons : la noyade présumée des
sœurs adolescentes Zainab, Sahar et Geeti Shafia par leurs
parents et leur frère de 18 ans en 2009, à Kingston (Onta­
rio); la strangulation d’Aqsa Parvez en 2007, à Mississauga
(Ontario), qui a donné lieu à des accusations de meurtre au
premier degré contre son père et son frère; l’agression au
couteau contre Amandeep Atwal par son père en ColombieBritannique, en 2003; et, en 1999, à Toronto, le meurtre de
Farah Khan, âgée de cinq ans, par son père devant sa bellemère (CBC, 2009).
Selon la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la
violence contre les femmes, les crimes fondés sur des motifs
d’honneur sont courants au Pakistan, en Turquie, en Jordanie, en Syrie, en Égypte, au Liban, en Iran, au Yémen,
au Maroc ainsi que dans d’autres pays la Méditerranée et
du golfe Persique. Dans le monde occidental, on a également signalé des crimes fondés sur des motifs d’honneur
en Allemagne, en France et au Royaume-Uni au sein des
communautés immigrantes. Il faut souligner que cette forme
de violence n’est pas exclusive aux pays ou aux communautés islamiques. Au Brésil, par exemple, on jugeait autrefois
justifié qu’un mari tue sa femme adultère (Radhika Coomaraswamy, 2002).
L’histoire occidentale fournit d’autres exemples de crimes
commis au nom de l’honneur. Citons entre autres le meurtre de la cinquième femme du roi Henri VIII d’Angleterre,
sous prétexte qu’elle lui aurait été infidèle. Autrefois, dans
le Pérou des Incas, les lois autorisaient les maris à laisser mourir de faim leur femme pour la punir d’avoir commis
l’adultère. Au Mexique, au temps des Aztèques, les femmes
adultères étaient plutôt lapidées ou étranglées. Dans la
Rome antique, l’homme le plus âgé d’un ménage conservait le droit de tuer toute femme de la famille qui avait des
relations avant son mariage ou hors de son mariage (Amin
Muhammad, 2010).
Le discours sur la violence perpétrée au nom de l’honneur
n’est pas homogène. Certaines personnes croient qu’il faut
la considérer comme une forme distincte de violence sexiste,
cautionnée par la culture; tandis que d’autres affirment qu’il
faut la traiter de la même façon que les autres formes de
violence faite aux femmes, sans égard aux influences culturelles. Du point de vue de la prévention et de l’éducation,
il importe de se pencher sur des enjeux comme l’honneur
familial et la honte, ainsi que sur leurs manifestations sociales et culturelles. Car, ceux-ci influent sur la construction des
genres et, partant, notre capacité de susciter une compréhension et une acceptation élargies des droits et libertés
des femmes, ainsi que d’amener les hommes à rejeter les
aspects préjudiciables de la masculinité qui sont profondément ancrés.
Mariage précoce et forcé
La pratique du mariage précoce et forcé est une forme
d’exploitation des enfants et de violence sexuelle qui force
les filles à contracter un mariage et à avoir des relations
sexuelles, met leur santé en danger et limite leur capacité
de s’instruire. Dans de nombreuses régions du monde,
notamment en Afrique et en Asie du Sud-Est, les familles
choisissent de marier tôt leurs enfants parce que cela assure
une stabilité économique et une sécurité pour elles-mêmes
et pour leurs filles, en particulier en période de crise ou de
conflit, lorsque les jeunes filles risquent d’être enlevées
(UNIFEM, 2007). Dans d’autres régions du monde, comme
en Amérique du Nord, le mariage précoce des filles est associé à la polygamie et à certaines pratiques et croyances
religieuses intégristes.
En Afghanistan, on estime que 57 % des filles sont mariées
avant l’âge de 16 ans. Ce fort taux de mariage précoce est à
rattacher à la pratique de la dot et à la situation économique
difficile. En effet, la pauvreté et l’endettement des familles
contribuent à faire en sorte que les filles sont considérées
par leurs parents comme des biens pouvant être vendus ou
échangés contre d’autres biens. Des fillettes de six ou sept
ans sont échangées par leur famille contre d’importantes
sommes d’argent et la promesse que le mariage ne sera
consommé qu’à la puberté de l’enfant. Des rapports in-
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
19
diquent toutefois que, dans les faits, les fillettes échangées
peuvent être agressées sexuellement, non seulement par
leur mari, mais également par des membres plus âgés de la
famille, surtout si le mari est lui aussi un enfant (Yakin Ertürk,
2006).
Le mariage précoce en Amérique du Nord a fait l’objet de
controverses constantes. On en a signalé des cas au sein
de groupes intégristes chrétiens, où il a été pratiqué comme
forme de mariage spirituel dans la tradition polygame (Eve
D’Onofrio, 2005). Au nombre des cas très médiatisés aux
États-Unis, mentionnons la condamnation du chef religieux
Warren Jeff pour avoir arrangé un mariage entre une jeune
fille de 14 ans et un jeune homme de 19 ans en 2007 (Jennifer Dobner, 2007) et le retrait de 468 enfants du ranch Yearning for Zion au Texas, en 2008, par suite d’allégations d’abus
et de mariages d’enfants avec des adultes. Les enfants ont
par la suite été rendus à la secte après le jugement de la
Cour suprême de l’État décrétant qu’ils avaient été injustement retirés (Ralph Blumenthal, 2008).
Au Canada, des allégations de violence et d’exploitation
sexuelles ont été soulevées en 2007 contre la communauté
Bountiful, en Colombie-Britannique, mais aucune accusation n’a été portée parce que les victimes refusaient de
témoigner, invoquant la « liberté religieuse » (La Presse
canadienne, 2007). Au moment où le présent dossier a été
rédigé, la Cour suprême de la Colombie-Britannique étudiait
la légalité des lois canadiennes interdisant la polygamie. Les
avocats du gouvernement dans cette affaire soutiennent que
la polygamie mène à la violence, à la traite de personnes et
à la victimisation des femmes, des hommes et des enfants.
Mutilation génitale des femmes
La mutilation génitale des femmes, également désignée par
le terme « excision », est reconnue dans le monde entier
comme une grave violation des droits des femmes et des
filles. Elle fait appel à des méthodes servant à modifier ou
à blesser les organes génitaux féminins pour des raisons
non médicales. On sait que cette pratique n’est nullement
bénéfique pour la santé des femmes et des filles. En fait, elle
peut causer d’importantes hémorragies, des problèmes urinaires et des complications à l’accouchement à l’âge adulte,
complications qui peuvent causer la mort du nouveau-né
(Organisation mondiale de la santé, 2010).
De 100 à 400 millions de femmes et de filles vivent actuellement avec les effets d’une mutilation génitale, survenue
généralement après leur dixième anniversaire (Organisation mondiale de la santé, 2010). Au Canada, la mutilation
génitale est interdite en vertu des articles 267 (voies de fait
causant des lésions corporelles) et 268 (voies de fait graves,
y compris le fait de blesser, de mutiler et de défigurer une
personne) du Code criminel, et elle est considérée comme
une forme de violence envers les enfants (Groupe de travail
20
fédéral interministériel sur la mutilation génitale des femmes,
1999).
À l’instar d’autres pratiques traditionnelles néfastes, la
mutilation génitale des femmes est profondément enracinée
dans des valeurs, des traditions et des normes culturelles.
On s’intéresse beaucoup à son incidence sur la vie des
femmes et des filles à travers le monde, mais peu de programmes cherchent à impliquer directement les hommes et
les garçons dans la modification des normes et des traditions
culturelles associées à la pratique. Aux niveaux local et mondial, les hommes et les garçons pourraient pourtant être mobilisés avec succès si on rectifiait les idées reçues à ce sujet
et si on les renseignait sur les conséquences de la mutilation
génitale pour la santé, de même que sur ses retentissements
judiciaires. Les hommes et les garçons pourraient s’insurger
contre les pressions sociales qui perpétuent la pratique dans
certaines collectivités et contribuer à faire comprendre à
d’autres hommes et garçons pourquoi il faut la bannir.
La maltraitance des personnes âgées, une forme de
violence sexiste
Les attitudes envers les personnes âgées sont complexes et
multidimensionnelles, et elles comportent du bon et du moins
bon. Si, de façon générale, on encourage les gens à respecter et à vénérer les personnes âgées dans nos sociétés, cela
n’empêche pas les plus vulnérables d’entre elles de subir
beaucoup de discrimination et de violence dans leur famille
et la collectivité. Les préjugés et les stéréotypes fondés sur
l’âge font habituellement en sorte que les personnes âgées
sont prises en pitié, traitées avec condescendance, marginalisées et maltraitées.
Les mauvais traitements envers les personnes âgées
vulnérables peuvent être motivés par une hostilité ou une
peur inconscientes ou, dans les familles, par l’impatience et
l’incompréhension. L’Organisation mondiale de la santé définit ainsi les mauvais traitements et la négligence envers les
personnes âgées : « un acte simple ou répété, ou le manque
d’action appropriée dans une relation en principe fondée sur
la confiance, qui provoque un préjudice ou une souffrance
à une personne âgée » (Organisation mondiale de la santé,
2002). Cette définition englobe les mauvais traitements
d’ordre physique, sexuel, émotionnel, psychologique ou financier, ainsi que le défaut de pourvoir aux besoins de base,
comme l’alimentation, les soins de santé et le logement.
L’isolement, l’abandon, le manque de respect, la violation
des droits légaux et la violation de l’intimité sont des formes
courantes de négligence envers les personnes âgées, tout
comme la dépossession de leurs choix personnels, de leur
pouvoir de décider et de leur statut.
La maltraitance peut survenir à l’intérieur du couple ou
d’autres relations au sein de la famille, entre personnes
unies par des liens d’amitié ou dans le contexte d’une rela-
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
Lorsque l’on travaille avec
les hommes et les garçons à
prévenir la violence sexiste,
l’un des moyens les plus efficaces de susciter l’empathie
et la compréhension, c’est
de demander aux hommes
s’ils ont été victimes de
violence et comment ils se
sont alors sentis.
tion professionnelle (p. ex., relation avec une ou un comptable ou toute autre personne qui leur dispense des services).
Au Canada, en 2007, on a déclaré beaucoup moins de
violence familiale contre des personnes âgées qu’à l’égard
de personnes plus jeunes (48 contre 104 pour 100 000
personnes). Il existe toutefois d’importantes différences
entre les sexes. Les femmes âgées connaissent des taux de
violence huit fois plus élevés que les hommes âgés dans un
contexte familial; mais dans l’ensemble, le taux de violence
envers les hommes âgés est plus important. Les actes de
violence contre les femmes âgées étaient le plus souvent
commis par leur conjoint ou des enfants adultes; tandis que
chez les hommes âgés, les enfants adultes étaient plus
souvent en faute.
Pour ce qui des homicides, les femmes âgées assassinées
par un membre de leur famille l’ont été le plus souvent par
leur conjoint (40 %) ou par un fils adulte (36 %); pour les
hommes âgés, c’était deux fois sur trois un fils adulte. Le
problème comporterait donc une dimension genrée. Cependant, les homicides de personnes âgées par des membres
de leur famille semblent le plus souvent être motivés par la
frustration, la colère ou le désespoir. L’intérêt pécuniaire était
la cause la plus souvent recensée des homicides sur des
personnes âgées commis par des individues ou des individus sans lien de parenté avec elles (Statistique Canada,
2009).
effet, les hommes et les garçons ont dans ce domaine un
rôle similaire à jouer qu’à l’égard de la prévention de la violence sexiste. Et là aussi, il faut examiner les normes et les
traditions culturelles pour les outils de sensibilisation qu’elles
peuvent fournir, ainsi que pour cerner les attitudes, pratiques
et comportements profondément ancrés dans ces normes
et traditions qui augmentent possiblement les facteurs de
risque des personnes âgées vulnérables.
4.6
Homophobie
L’homophobie est un préjugé à l’endroit des personnes
lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres, ainsi que
de leurs alliées et alliés. Elle s’exprime par une gamme
d’attitudes personnelles, d’expressions et de comportements
offensants, dont l’évitement, la discrimination, la violence
physique et des menaces envers les personnes concernées.
Il s’agit essentiellement d’une forme de violence sexiste, car
elle cible des personnes en fonction de leur sexe et de leur
identité ou orientation sexuelle. L’impact de l’homophobie au
Canada est considérable et a été documenté dans diverses
études.
Au Canada, les gais et les lesbiennes sont trois fois plus
susceptibles d’être victimes de violence que les personnes
hétérosexuelles (Statistique Canada, 2005). Comme le
montre le tableau ci-dessous, un sondage national sur
l’homophobie dans les écoles canadiennes a révélé que
75 % des élèves lesbiennes, gais et bisexuels et 95 % des
élèves transgenres ne se sentent pas en sécurité à l’école,
comparativement à 20 % de leurs pairs hétérosexuels.
Quatre-vingt-dix pour cent (90 %) des élèves transgenres,
60 % des élèves lesbiennes, gais et bisexuels et 30 % des
élèves hétérosexuels ont été victimes de violence verbale à
cause de la manière dont elles et ils expriment leur genre.
Plus du quart des élèves qui ont répondu ont déclaré avoir
été victimes de violence physique en raison de leur orientation sexuelle et 41 % ont dit avoir été victimes de harcèlement sexuel à l’école, comparativement à 19 % de leurs
pairs hétérosexuels. Enfin, la moitié des élèves hétérosexuels interrogés estimaient que leur école n’était pas sécuritaire pour les élèves allosexuels (Égale Canada, 2009)
Bien sûr, il faut des stratégies visant à coordonner les
services de soutien communautaire et à former le personnel de première ligne, de sorte qu’il puisse reconnaître la
maltraitance et l’arrêter. Il faut aussi des initiatives de sensibilisation du public qui mettent l’accent sur la responsabilité
des hommes et des enfants adultes dans la dénonciation et
l’élimination de la violence contre les personnes âgées; en
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
21
TABLEAU 2 : Le vécu homophobe des jeunes dans les
écoles canadiennes
Expérience
Ne se sentaient pas en
sécurité à l’école
Élèves
Élèves hétéallosexuels rosexuels (%)
66
20
33
12,5
41
19
47,5
19
Dépriment à cause de
leur vécu à l’école
62
36
Ont tenu des propos
homophobes
19
40
Estiment que les
membres du personnel
enseignant s’attaquent
de façon efficace à
l’homophobie
33
60
N’ont pas reçu
d’enseignement sur les
allosexualités à l’école
61
54
70
49
Ont fait l’école
buissonnière parce
qu’elles ou ils ne se
sentaient pas en sécurité
Ont été victimes de
harcèlement sexuel
Ont le sentiment qu’on ne
les accepte pas
Estiment qu’au moins un
secteur de l’école n’est
pas sécuritaire pour les
personnes allosexuelles
Statistiques tirées des résultats de la phase I de la première étude nationale
d’Égale Canada sur l’homophobie dans les écoles canadiennes, 2008.
Il existe une corrélation entre la violence faite aux femmes
et le harcèlement homophobe des hommes et des garçons.
Comme les hommes et les jeunes hommes ont peur de
ne pas être de « vrais hommes », certains ont recours à la
violence verbale, voire physique, contre des filles ou des garçons pour prouver leur valeur. Non seulement cette provocation est préjudiciable pour les garçons et les jeunes hommes,
mais elle alimente également le sexisme. Une bonne part
du problème est attribuable à la croyance selon laquelle tout
ce qu’un homme fait de moindrement « féminin » est un trait
négatif.
22
Les hommes qui ont suivi une formation ou un atelier offert
par le personnel de la Campagne du ruban blanc ont souvent avoué que l’homophobie les empêchait de participer
aux efforts de promotion de l’égalité entre les sexes et
d’élimination de la violence faite aux femmes.
En bref, certains hommes s’abstiennent de défendre les
droits des femmes parce qu’ils craignent d’être perçus
comme n’étant pas des vrais hommes ou de passer pour des
gais. De plus, l’homophobie peut interférer avec les expressions saines, bienveillantes et compatissantes de la masculinité : étant donné que ces traits de caractère ont été traditionnellement associés aux femmes, l’orientation sexuelle
des hommes qui les affichent peut être mise en doute. De
nombreux hommes pratiquent l’homophobie comme forme
de « police du genre » dans leurs rapports avec d’autres
hommes, comme moyen de leur imposer des traits hypermasculins, strictement définis. Ces traits incluent le recours
à la force, au contrôle et même à la violence pour résoudre
les conflits ou garder les femmes et d’autres hommes sous
leur contrôle.
Les programmes de prévention de la violence contre les
femmes qui sont conçus pour les hommes et les garçons
doivent s’attaquer aux aspects préjudiciables de la masculinité, à l’homophobie, au sexisme et aux autres formes
de violence fondée sur le sexe. Il faut aussi encourager
les femmes et les filles à rejeter les comportements qui
encouragent l’homophobie et les expressions misogynes
de la masculinité, et ce, chez les hommes autant que chez
les filles. Les organismes de prévention de la violence ga­
gneraient peut-être à collaborer avec les groupes et orga­
nismes communautaires allosexuels pour lutter à la fois
contre l’homophobie, la violence dans les milieux allosexuels
et la violence des hommes contre les femmes. Il faut encourager les hommes et les garçons à dénoncer l’homophobie,
eux aussi, et les organismes qui œuvrent à l’élimination de la
violence faite aux femmes pourraient récolter des dividendes
en se faisant les alliés de la lutte contre l’homophobie.
4.7
La violence vécue par les hommes
Le présent dossier d’information, ainsi que les recommandations qu’il contient, s’intéresse principalement à mobilisation
des hommes comme moyen de réduire et de prévenir la violence faite aux femmes. Mais il ne serait pas complet sans y
inclure une étude du vécu des hommes en tant que victimes
et survivants de la violence. Cela est important du point de
vue des droits de la personne (chaque personne — femme,
homme ou enfant — a le droit de mener une vie sans violence) et du cycle de la violence : en effet, nous savons que
les personnes qui vivent dans la violence risquent davantage
de commettre elles-mêmes des actes de violence (Valerie
Pottie Bunge et Andrea Levett, 1998).
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
Les hommes vivent beaucoup de violence dans leur vie.
Selon Statistique Canada, depuis 1979, environ 90 % des
victimes d’homicide au Canada sont de sexe masculin
(Statistique Canada, 2009). La population carcérale canadienne détenue pour avoir commis des actes de violence
et des actes criminels est à 94,5 % de sexe masculin (Sécurité publique Canada, 2008). Nous savons également
que les taux de violence sexuelle contre des garçons et des
jeunes hommes sont très élevés, mais cet acte criminel n’est
pratiquement jamais déclaré. Malheureusement, un garçon
sur six a été victime d’agression sexuelle (Rapport Badgley,
1984).
Les garçons témoins ou victimes de violence dans leur
famille risquent davantage d’utiliser eux-mêmes la violence
contre les femmes plus tard dans leur vie; leur vécu les
prédispose à la violence. D’autres expériences courantes de
la violence (intimidation, homophobie, violence criminelle,
violence dans les sports) ne font que normaliser et maintenir, chez les hommes et les garçons, les stéréotypes selon
lesquels la violence est un trait inhérent des vrais hommes et
constitue un moyen acceptable de résoudre les conflits.
De plus, lorsque l’on travaille avec les hommes et les garçons à prévenir la violence sexiste, l’un des moyens les plus
efficaces de susciter l’empathie et la compréhension, c’est
de demander aux hommes s’ils ont eux-mêmes été victimes
de violence et comment ils se sont alors sentis. Pour bien
des hommes, cet incident pourrait bien être la seule fois
qu’ils ont été confrontés à la peur et à l’impuissance dans
notre société patriarcale. Pour ces raisons, nous devons
comprendre à fond l’exposition des hommes à la violence et
être disposés à nous attaquer aux problèmes qui en découlent en parallèle à notre objectif principal, soit l’élimination de
la violence faite aux femmes.
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
23
5.0 EFFETS SUR DIFFÉRENTES COMMUNAUTÉS
Bien que le recours à la violence contre les femmes soit
courant dans tous les groupes d’âge, toutes les tranches
socioculturelles et toutes les régions, il importe d’examiner
les différences dans la manière dont elle touche diverses
communautés au Canada. En cernant ces différences, nous
pourrons peut-être trouver des possibilités d’intervention
ciblées, qui tiennent adéquatement compte de l’âge ainsi
que des spécificités régionales et culturelles. Il faut toutefois
souligner la nécessité d’une étroite consultation des communautés concernées pour comprendre pleinement comment la
problématique de la violence s’y pose et pour concevoir des
stratégies efficaces.
• Offrir aux hommes et aux jeunes hommes autochtones
un lieu sûr où faire l’apprentissage de leurs rôles et
responsabilités dans l’élimination de la violence faite aux
jeunes filles et aux femmes autochtones;
• Reconnaître les difficultés vécues par les jeunes hommes
et les hommes, et leur offrir la possibilité de renouer avec
leurs rôles traditionnels au sein des familles et des collectivités;
• Offrir un modèle psychosocial de guérison communautaire pouvant être facilement adapté à chaque communauté (www.iamakindman.ca).
Communautés autochtones
Au Canada, la colonisation, la violence institutionnalisée,
le racisme individuel et systémique et la marginalisation
constante ont laissé des cicatrices dans de nombreuses
communautés autochtones. Ils ont contribué à créer une
réalité dans laquelle les femmes autochtones de 25 à 44
ans risquent cinq fois plus que les autres femmes du même
âge de mourir par suite de violence (Affaires indiennes et du
Nord Canada, 1996).
Lors de la Conférence mondiale sur la prévention de la
violence familiale tenue à Banff (Alberta) en 2005, Irene
Khan, secrétaire générale du secrétariat d’Amnistie Internationale, à Londres (Angleterre), a déclaré que la violence
faite aux femmes autochtones au Canada était une violation
extrême des droits de la personne. Il n’existe pas de statistiques nationales précises, mais l’Association des femmes
autochtones du Canada a travaillé avec les familles et les
communautés pour recenser les femmes autochtones ayant
été assassinées ou portées disparues au cours des trois
dernières décennies, et leur nombre se chiffre à 582 (Amnistie Internationale, 2010).
En dépit de ces obstacles et tragédies aux causes profondes, on trouve dans ces communautés d’innombrables
exemples d’efforts fructueux de lutte contre la violence à
l’endroit des femmes, des efforts qui dénotent de la rési­
lience et favorisent l’autonomisation. Nombre de ces efforts
reposent sur une approche communautaire qui mobilise les
femmes, les hommes, les jeunes et les enfants.
L’un des meilleurs exemples est la campagne ontarienne
Kizhaay Anishinaabe Niin — I am a Kind Man [Je suis un
homme bon]. D’une portée provinciale, cette campagne fait
appel à des stratégies de prévention primaire, secondaire et
tertiaire et vise quatre grands objectifs :
• Offrir aux communautés la possibilité d’aider les hommes
et les jeunes hommes autochtones à comprendre les
causes de la violence faite aux femmes et aux filles, et
les aider à unir leurs forces pour mettre fin à la violence;
24
Il y a actuellement dix emplacements en Ontario qui dispensent divers programmes rattachés à l’initiative. Ces programmes comprennent la distribution d’affiches et des efforts
de sensibilisation du public, des ateliers et programmes de
mentorat pour les jeunes et les adultes, ainsi qu’une trousse
d’outils pour les formateurs et formatrices. Plusieurs sites
offrent également des interventions (counseling et groupes)
pour les hommes à risque ou ceux qui ont eu recours à la
violence (Terry Swan, 2011).
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
Les facteurs qui amènent les
hommes à commettre des
actes de violence contre les
femmes et la nature de ces
actes peuvent varier
selon le milieu.
Il reste encore beaucoup à faire. Les collectivités du Nord
canadien connaissent des niveaux traumatiques de violence,
conjugués à des inégalités économiques — conditions qui ne
font qu’augmenter la difficulté de ce travail et sa nécessité.
Populations néo-canadiennes
Le recours à la violence contre les femmes est courant chez
les hommes de tous les groupes sociaux et ethnoculturels.
Cependant, des facteurs comme le statut de résidence
peuvent augmenter le risque qu’une femme soit victime
de violence (METRAC, 2006) et qu’un homme commette
des actes de violence. Les femmes et les familles qui ont
demandé le statut de réfugié, de même que les femmes et
les enfants sans statut au Canada, risquent davantage de
connaître la violence en raison de la précarité de leur situation. Les femmes réfugiées ou sans statut ont généralement
un accès limité à l’information, au counseling et aux services
communautaires, et elles peuvent hésiter à faire appel aux
services d’urgence (p. ex., les services policiers) de peur
d’être expulsées. De même, les femmes et les familles sans
statut peuvent ne pas avoir accès aux services médicaux, et
toute accusation de voies de fait portées contre un des leurs
peut avoir de graves conséquences pour la famille entière.
Le travail et le revenu font partie intégrante de l’identité masculine dans la plupart des cultures où le rôle de chef du ménage revient à l’homme. Quand l’impuissance économique
empêche les hommes de remplir ce rôle, cela peut entraîner
une augmentation du recours à la violence contre les
femmes; car, la violence devient alors pour ces hommes un
moyen de compenser et de réaffirmer leur identité masculine
et leur virilité. Le sous-emploi et le chômage peuvent avoir
des effets dévastateurs sur l’estime de soi des hommes, et
ils ont été associés à l’utilisation de mesures punitives contre
les enfants, à l’augmentation de l’alcoolisme et au recours
à la violence dans les relations (Demetrios Kyriacou et coll.,
1999). Le chômage, une maîtrise insuffisante de la langue,
la méconnaissance des lois et coutumes canadiennes et
les difficultés à trouver du travail, combinés au processus
d’établissement dans un nouveau pays et une nouvelle
société, peuvent contribuer à créer des tensions familiales
dans les populations néo-canadiennes.
Si de nombreux organismes et groupes communautaires
œuvrent à soutenir les femmes et les enfants nouvellement
arrivés au Canada qui vivent dans la violence, et si certains
dispensent des programmes aux hommes violents, très peu
offrent des initiatives d’éducation et de prévention primaire
ciblant les hommes et les garçons. Tout en maintenant et
en renforçant les programmes de soutien et d’intervention
secondaires et tertiaires pour les victimes et les auteurs
d’actes de violence sexiste, on aurait avantage à multiplier et
à élargir les programmes efficaces d’éducation des garçons,
des jeunes hommes et des hommes adultes nouvellement
arrivés au Canada, afin d’aider ceux-ci à comprendre le rôle
qu’ils ont à jouer dans la prévention de la violence contre les
femmes et dans la promotion de l’égalité entre les sexes.
Dans ce cas, une approche multisectorielle serait à privilégier, c’est-à-dire : les organismes d’aide à l’établissement
travailleraient de concert avec les organismes de prévention
de la violence et les groupes communautaires de différentes communautés culturelles à mobiliser les hommes et les
garçons nouvellement arrivés. Il faudrait aussi envisager
des initiatives pour renforcer la capacité de mobilisation
des organismes qui œuvrent auprès des populations néocanadiennes. Étant donné la complexité des enjeux, il est
crucial de tendre la main aux communautés et de soutenir
leurs efforts, notamment en veillant à ce qu’elles aient les
ressources nécessaires pour faire ce travail.
Communautés culturelles
Bien que des inégalités entre les sexes et le recours à la violence contre les femmes soient présents au sein de tous les
groupes culturels au Canada et dans les sociétés du monde
entier, les facteurs qui amènent les hommes à commettre
des actes de violence contre les femmes et la nature de ces
actes peuvent varier selon le milieu. Aruna Papp, travailleuse
sociale et praticienne en violence familiale dans le secteur
privé à Toronto, préconise une analyse plus approfondie des
valeurs et traditions culturelles particulières qui augmentent
vraisemblablement le risque de violence familiale envers
les femmes et les filles et amènent les hommes et certaines
femmes à commettre des actes de violence sexiste contre
leur conjointe ou conjoint et d’autres membres de leur famille
(Aruna Papp, 2010).
En l’absence d’une analyse plus poussée, les décisionnaires
et les organismes risquent de rater d’importantes occasions
d’intervenir, c’est-à-dire de mettre en place des politiques
ainsi que des programmes d’éducation, de prévention et
de soutien pour les femmes et les hommes qui prennent
en considération les pratiques traditionnelles, les facteurs
et les risques de communautés particulières. Cependant, il
importe de souligner qu’il est bon d’effectuer une évaluation
comparative des valeurs, des normes et des traditions des
deux genres lorsque l’on envisage une politique ou un projet
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
25
visant à mettre fin à la violence contre les femmes, quels que
soient la communauté, le groupe ou la région visés. Autrement dit, il faut, pour chaque population, cerner les possibilités et les occasions pertinentes de lutter contre la violence
à l’endroit des femmes, compte tenu de la culture de cette
population.
Comme pour les populations néo-canadiennes, la majorité des organismes et des programmes de lutte contre
la violence à l’égard des femmes dans les communautés
culturelles au Canada sont axés sur le soutien aux femmes
et aux enfants qui ont connu la violence. Quelques orga­
nismes offrent aussi un programme d’intervention auprès
des partenaires violents, dispensé en diverses langues, pour
réadapter les hommes qui ont été violents à l’endroit de leur
conjointe. Il faudrait cependant ajouter une priorité supplémentaire, à savoir : créer des programmes d’éducation et de
prévention ciblant les hommes et les garçons afin de stopper
la violence contre les femmes avant qu’elle ne se produise.
Le partenariat entre les organismes de prévention de la
violence, les organismes communautaires, les groupes culturels, les organismes religieux, les dirigeantes et diri­geants
communautaires, les organismes à vocation artistique et
sportive, les entreprises locales, les journaux communautaires, la télévision et la radio pourraient aussi aider à mobi­
liser les hommes et les garçons sur une plus grande échelle,
à l’intérieur de communautés culturelles particulières. Les
programmes, les initiatives et les campagnes de sensibilisation multilingues peuvent être efficaces pour répondre aux
besoins d’information et de soutien des personnes dont
la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais. Il faut
toutefois aussi veiller à ce que les initiatives de prévention et
d’éducation respectent les spécificités culturelles et ne soient
pas que de simples traductions des campagnes et ressour­
ces existantes.
d’origine familiale — et inciter les hommes à vouloir
« protéger » leurs confrères ou copains des conséquences
des actes de violence que ceux-ci pourraient avoir commis
contre des femmes.
En milieu rural, les femmes qui ont été victimes de violence
peuvent devoir parcourir de plus grandes distances pour
avoir accès à un refuge. Dans les localités agricoles, il peut
être encore plus difficile pour les femmes de quitter une relation de violence si leur emploi est lié à la ferme. Les femmes
autochtones qui vivent en milieu rural isolé peuvent non
seulement courir un risque encore plus grand d’être victimes
de violence, mais avoir aussi plus de difficulté à accéder aux
services de soutien, du fait de leur isolement géographique
et de l’inadaptation des services existants à leur culture.
Un moyen efficace de mobiliser les hommes et les garçons
dans les collectivités autochtones rurales et éloignées serait
peut être de s’inspirer des stratégies et des efforts existants
pour servir les milieux ruraux du Canada, y compris les collectivités autochtones, et d’y intégrer un volet de prévention
primaire et d’éducation ciblant les hommes et les garçons.
Cela pourrait supposer le renforcement des capacités des
organismes et des prestataires de services en milieu rural
pour qu’ils puissent faire de la prévention primaire auprès
des hommes et des garçons. Les partenariats avec les
écoles, les syndicats de personnel enseignant, les centres
communautaires, les centres d’accueil, les associations rurales et agricoles, les initiatives de santé publique, les festivals
et les rassemblements culturels ainsi que le secteur privé
pourraient aussi aider à la recherche et à l’essai de modèles
de mobilisation pour les hommes et les garçons.
Population canadienne en milieu rural
En milieu rural, l’isolement géographique, familial ou autoimposé peut accentuer le risque que les femmes soient
victimes de violence et aggraver les répercussions de cette
violence. L’éloignement des voisins, des réseaux de soutien
et des programmes sociaux peut renforcer l’isolement des
femmes et des familles qui ont connu la violence. L’accès
aux services, notamment aux soins de santé et aux programmes de soutien, peut être plus difficile à cause des
distances à parcourir pour entrer en contact avec les prestataires de services ou des obstacles aux déplacements.
Les membres des générations plus jeunes sont nombreux à
quitter le milieu rural, ce qui laisse moins de personnes sur
qui compter. La perception que « tout le monde se connaît »
dans les petites collectivités isolées peut également jouer
et rendre les femmes mal à l’aise de parler de la violence
qu’elles ont vécue — en particulier quand la violence est
26
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
6.0 CADRES, STRATÉGIES ET RÔLES POSITIFS POUR LES HOMMES ET LES
GARÇONS DANS LA PRÉVENTION ET LA RÉDUCTION DE LA VIOLENCE SEXISTE
La question est maintenant de déterminer « comment » intervenir de façon efficace auprès des hommes et des garçons
pour prévenir et réduire la violence sexiste. On commence à
y voir clair; un consensus commence à se dégager dans le
milieu de la recherche et sur le terrain quant aux stratégies
et aux cadres les plus efficaces.
Pour comprendre où s’inscrit ce travail dans la prévention de
la violence sexiste, il faut connaître les grandes approches
de prévention de la violence généralement reconnues. Il y en
a trois.
• Prévention primaire : avant l’irruption du problème.
• Prévention secondaire : lorsque le problème survient.
• Prévention tertiaire : intervention après le fait.
La prévention primaire vise à réduire le risque que les
hommes et les garçons recourent à la violence et que les
femmes et les filles en soient victimes (Michael Food, 2008).
Elle comprend les initiatives d’éducation, les campagnes de
sensibilisation, la mobilisation des communautés ainsi que la
remise en question et la modification des normes sociales.
Les méthodes de prévention secondaire incluent les services
de soutien et de transition pour les femmes et les familles
qui vivent dans la violence ou, encore, l’intervention auprès
d’hommes à risque élevé de commettre des actes de violence.
La prévention tertiaire peut comprendre le travail avec les
agresseurs, l’entrée en action du système de justice pénale
lorsque la violence s’est déjà produite. Dans ce cas, l’objectif
est souvent l’intervention et la prévention des récidives.
Manifestement, si les efforts de prévention primaire portent
leurs fruits, il sera moins nécessaire de déployer des efforts
secondaires et tertiaires et, surtout, on aura de fait réussi
à prévenir et à réduire la violence sexiste. Cependant, la
prévention primaire fait rarement partie des stratégies déployées pour mettre fin à la violence sexiste dans le monde.
Dans la plupart des cas, cela s’explique par le besoin d’aider
de toute urgence les nombreuses femmes et familles qui
fuient la violence, ainsi que par l’immédiateté du problème
de déterminer ce qu’il faut faire avec les hommes ayant
commis des actes de violence. Aucune de ces approches
ne permettra à elle seule la concrétisation des changements
fondamentaux que nous souhaitons. Seule une action holistique permettra d’apporter des changements concrets.
D’autres conditions doivent être considérées comme « non
négociables » pour le travail de prévention auprès des hommes et la réduction de la violence sexiste.
1. Ce travail doit être abordé sous l’angle des droits de
la personne, et plus précisément des droits fondamentaux des femmes. La violence sexiste est l’expression
la plus nocive des conditions fondamentales qui
sous-tendent l’inégalité des femmes et des filles dans
le monde. La corrélation entre les niveaux de violence
sexiste et les niveaux d’inégalité entre les sexes est
claire. La violence et les menaces de violence perpétuent le pouvoir et les privilèges des hommes. Lorsque
l’on œuvre pour l’élimination de la violence sexiste, il
faut aussi œuvrer pour mettre fin à l’inégalité entre les
sexes.
2. Il faut considérer le genre dans une perspective
relationnelle. Comme les analyses féministes ont
montré que les identités associées au sexe féminin
sont déterminées socialement, il faut accepter que les
identités associées au sexe masculin le sont aussi.
Si l’inégalité entre les sexes est un fondement de la
violence sexiste, les constructions violences, contrôlantes et préjudiciables de la masculinité le sont
au même titre. Il est essentiel de comprendre que le
genre est à la fois masculin et féminin et que, si la
condition féminine n’est pas prédéterminée, la condition masculine ne l’est pas non plus. La déconstruction des aspects préjudiciables de la masculinité est
elle aussi « non négociable ».
3. Ce travail doit être fondé sur des données probantes. Nous disposons maintenant de suffisamment de
données et de résultats de recherche pour prendre
des décisions claires, directes et éclairées quant aux
approches et stratégies à adopter pour mobiliser les
hommes. L’urgence du problème de la violence faite
aux femmes et le risque que des efforts mal éclairés
causent des préjudices sont trop grands pour que l’on
accepte autre chose que des approches solides et
fondées sur des preuves, lorsque cela est possible.
Conditions non négociables du travail avec les
hommes et les garçons
Aborder sous l’angle des droits de la personne et
des droits des femmes
Déconstruire les aspects préjudiciables de la
masculinité
S’appuyer sur des données probantes
Il y a au moins deux autres cadres dont il importe beaucoup
de tenir compte dans le travail auprès des hommes pour
prévenir et réduire la violence sexiste.
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
27
Approche axée sur le cycle de vie
et homophobe (« ne fais pas la fille », « espèce de fif »).
Le pouvoir et les privilèges des hommes n’apparaissent pas
soudainement lorsque les garçons atteignent l’âge adulte.
Dès leur plus jeune âge, et on pourrait même dire dès leur
conception, les garçons et les hommes sont exposés aux
influences, conditions et privilèges du patriarcat. Dans
certaines régions du monde, des générations de filles ont
disparu, et sont donc absentes des profils démographiques
parce que la préférence pour les garçons entraîne des
avortements sélectifs d’embryons féminins et l’infanticide de
filles.
Les représentations stéréotypées et hyperviriles de la masculinité sont omniprésentes dans les médias populaires. La
plupart des catégories de médias populaires exercent une
influence exagérée sur la construction et la perpétuation des
identités masculines, et ce, dans tous les groupes d’âges,
mais surtout chez les garçons et les jeunes hommes .
Les garçons apprennent très tôt ce que signifie être un
homme et ce qui est considéré masculin — ce qui fait un vrai
homme (p. ex., les garçons ne pleurent pas). Ils apprennent
aussi très tôt comment exploiter les privilèges de leur sexe et
comment assurer le maintien de l’ordre sexuel établi parmi
leurs pairs, notamment par le recours à un discours sexiste
Exemples d’interventions auprès des hommes et des
garçons durant le cycle de vie
Garçons en bas âge ou d’âge préscolaire : Participation
d’hommes à la prestation des soins dans la famille et les
milieux de garde, présentation des concepts de santé et de
bien-être émotionnels aux garçons, et efforts de développement du caractère.
École primaire, 6 à 12 ans : Formation du personnel enseignant; garde parascolaire; activités éducatives; introduction à
l’égalité, au respect et à l’empathie.
Adolescence : Promotion de la réflexion critique sur les rôles
sexués des hommes et des femmes; information, campagnes
de sensibilisation, activités éducatives de groupe, promotion
de saines relations, réflexion critique sur les aspects négatifs
de certaines définitions de la masculinité.
Début de l’âge adulte : Promotion de la réflexion critique sur
les rôles sexués des femmes et des hommes; information,
campagnes de sensibilisation, activités éducatives, promotion
de saines relations, éducation sur le consentement et la santé
sexuelle, rôle d’observateurs engagés, remise en question du
comportement des pairs.
Âge adulte : Rôles des hommes et des pères, modèles et
mentors, santé sexuelle et génésique, rôle des hommes dans
la santé des mères et des enfants, stratégies de prévention de
la violence, modelage de relations équitables, éducation des
pairs, observateurs engagés.
Âge avancé : Les hommes en tant que grands-pères, aînés
et conteurs; préparation de la génération suivante.
28
Les garçons commencent aussi très jeunes à avoir avec les
filles et les femmes des interactions genrées, qui se poursuivent tout au long du cycle de vie. À chaque stade, ces interactions diffèrent et le risque qu’elles deviennent violentes
varie. Les approches de prévention de la violence doivent
rendre compte de ces réalités distinctes.
On peut donc, à juste titre, continuer de se demander combien d’interventions il faut, à quelle fréquence elles devraient
avoir lieu et combien de temps elles devraient durer pour
réussir à modifier les habitudes et comportements à long
terme, étant donné l’exposition continue aux représentations
stéréotypées de la masculinité.
Pour ces raisons, les ONG œuvrant dans ce domaine
préconisent une approche axée sur le cycle de vie. Des
interventions pertinentes à tous les âges sont nécessaires et
impératives pour opérer des changements fondamentaux.
Spectre de la prévention
En plus de la nécessité d’interventions pertinentes tout au
long du cycle de vie des hommes et des garçons, il faut tenir
compte du spectre de la prévention.
Bien sûr, il est essentiel de modifier le comportement individuel des hommes et des garçons. Ce sont toutefois les
structures de pouvoir patriarcales qui confèrent un pouvoir
et des privilèges aux membres du sexe masculin — pouvoir
et privilèges qui sont porteurs de violence sexiste — dans
nos relations interpersonnelles, dans nos familles, dans
nos institutions politiques, économiques, religieuses, militaires et quasi militaires, ainsi que dans nos établissements
d’enseignement, nos entreprises, nos collectivités et nos
sociétés en général.
Michael Flood a modifié le spectre de la prévention de la
violence couramment utilisé afin de l’adapter au travail de
mobilisation des hommes et des garçons.
Types d’intervention :
1. Renforcer les connaissances et les compétences
individuelles. Éducation, acquisition de compétences
et sensibilisation au niveau individuel.
2. Promouvoir l’éducation communautaire. Efforts col-
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
lectifs, communication et marketing sociaux, stratégies
médiatiques.
3. Faire l’éducation du personnel professionnel et des
prestataires de services. Formation du personnel
enseignant, des membres des corps policiers, des
entraîneuses et entraîneurs ou des médecins, par
exemple, pour qu’ils participent à la prévention primaire auprès de leurs clientèles respectives.
4. Mobiliser les collectivités. Monter des coalitions et des
réseaux, reconnaître et renforcer les capacités des
hommes qui font figure de chefs de file, activités de
sensibilisation, campagnes du ruban blanc.
5. Changer les pratiques organisationnelles. Remettre en
question et modifier les vieilles pratiques qui tolèrent
la violence sexiste ou l’approuvent.
6. Influer sur les politiques et les mesures législatives.
Réforme judiciaire et politique (Flood, 2008).
Stratégies
Programmes sexotransformateurs
En 2007, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et
l’Institut Promundo, une ONG brésilienne, ont effectué la
première évaluation exhaustive des programmes mobilisant
les hommes et les garçons pour réaliser l’égalité entre les
sexes. Cette étude visait à cerner les raisons de l’efficacité
de ces programmes, à déterminer les types de programmes
les plus efficaces ainsi qu’à établir la perspective de genre à
y appliquer.
sociales envers chacun des sexes.
Plusieurs constatations clés ont été faites :
• Il existe des preuves péremptoires que les programmes
bien conçus pour les hommes modifient les comportements et attitudes.
• Les programmes catégorisés sexotransformateurs
présentaient un taux d’efficacité plus élevé.
• Les programmes utilisant les interventions individuelles
ou le travail en groupe, en conjonction avec des campagnes communautaires et des initiatives médiatiques,
semblent encore plus efficaces.
• Assez peu de programmes destinés aux hommes et aux
garçons dépassent le stade de projet-pilote ou s’étendent
sur une longue période.
• Sur 57 programmes de mobilisation des hommes et des
garçons, 63 % étaient efficaces ou prometteurs (OMSPromundo, 2008).
Les programmes sexotransformateurs offrent un cadre rassurant où engager, avec l’aide d’animateurs, une discussion
constructive et objective (c’est-à-dire, qui ne moralise pas,
mais encourage la remise en question) sur les normes se­
xuées et leurs influences sur le comportement. Ils comprennent des débats publics délibérés, de même qu’une réfle­
xion critique personnelle sur ces normes, et ils cherchent à
mesurer les changements d’attitude à l’égard des normes
sexuées et des comportements qui s’y rattachent.
Tiré de la brochure de la Campagne du ruban blanc,
Ce que chaque homme peut faire
Dans le cadre de cet examen, on a analysé les données
d’évaluation de 58 programmes et projets menés dans différents pays et représentant toute la gamme des pratiques
d’intervention auprès des hommes et des garçons axées
sur l’égalité entre les sexes — depuis la prévention de la
violence sexiste jusqu’aux droits sexuels et génésiques, en
passant par la prévention du VIH/sida.
1. Écouter les femmes et apprendre d’elles.
L’examen a recensé trois types de programmes :
4. Appuyer les programmes locaux pour femmes.
1. Programmes sans distinction de genre :
N’établissent aucune distinction entre les besoins des
hommes et des femmes, ne renforcent ni ne remettent
en question les rôles de chaque sexe.
2. Programmes sensibles au genre : Reconnaissent
les normes sexuées sans vraiment chercher à les
transformer.
2. Contester l’emploi de termes sexistes et les
blagues dégradantes pour les femmes.
3. Appuyer les événements de la Campagne du ruban
banc.
5. Déterminer en quoi son propre comportement peut
contribuer au problème.
6. Comprendre les rôles que l’on peut jouer en tant
que père, mentor et modèle de rôle.
7. Promouvoir le changement.
3. Programmes sexotransformateurs : Visent à promouvoir des relations équitables ainsi qu’à transfor­
mer les normes sexuées, y compris les attentes
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
29
Les hommes, alliés de la promotion de l’égalité
entre les sexes
Tout homme qui prend position et défend une personne
ou un groupe qui est victime de discrimination est un allié.
Il œuvre pour mettre fin à l’oppression en appuyant et en
défendant les personnes stigmatisées, victimes de discrimination ou injustement traitées.
Comme alliés, les hommes peuvent contribuer grandement à
des efforts considérables pour nouer de tels partenariats,
c’est-à-dire pour vaincre le scepticisme qui règne depuis des
années quant à la pertinence d’inclure les hommes dans ce
travail. Ces partenariats sont néanmoins essentiels.
Approche axée sur la force
Les changements de comportement et d’attitude chez les
hommes sont plus susceptibles de se produire lorsque nos
conversations et nos campagnes misent sur les préférences,
les espoirs et les intentions, plutôt que sur la culpabilité,
la honte ou la peur. Lorsque nous pouvons donner des
exemples positifs de comportements équitables et non
violents, nous n’aliénons pas les hommes et les motivons
sans recourir à la peur, à la honte ou à la culpabilité, ce qui
favorise des changements plus significatifs et plus durables.
Les hommes réagissent mieux lorsqu’on leur montre la
« bonne » façon de faire que lorsqu’on les critique pour les
« mauvaises » façons. Souvent, un bon point de départ
consiste à trouver et à valoriser ce que les hommes font déjà
bien, puis de le relier à des résultats positifs qui contribuent
à la réduction et à la prévention de la violence sexiste. Il
importe de souligner qu’il ne s’agit pas d’une excuse ou d’un
substitut à la dénonciation des comportements, stéréotypes
et mythes préjudiciables, mais plutôt d’une approche qui ne
tient pas les hommes personnellement responsables dans
les campagnes ou les outils de sensibilisation.
En 2004, un groupe de spécialistes au National Institute of
Health, aux États-Unis, a déterminé que les programmes
qui font appel aux arguments alarmistes pour décourager
les enfants et les adolescents d’adopter des comportements
violents ne sont pas seulement inefficaces, mais peuvent
en réalité aggraver le problème (communiqué du National
Institute of Health, 2004).
La campagne lancée par Men Can Stop Rape [les hommes
peuvent mettre fin au viol], aux États-Unis, est un exemple
d’approche valorisant la force qui a fait école. Le slogan
« My Strength is not for hurting » [Ma force ne sert pas à
faire mal] est suivi d’exemples de comportements équitables
et non violents. Cette campagne a été adaptée dans plus de
20 pays.
l’élimination de la violence faite aux femmes et à la promotion de l’égalité entre les sexes.
Plus particulièrement, il est très important que les hommes
établissent des partenariats significatifs et efficaces avec les
groupes de femmes qui font ce travail depuis des décennies
et qui ont une connaissance intime des enjeux entourant la
violence faite aux femmes, les relations de pouvoir patriarcales et l’égalité entre les sexes. Toutefois, il faudra peut-être
30
Cadre d’inclusion et d’information des
hommes
Le cadre d’inclusion et d’information des hommes (Address
and Inform Men [AIM] Framework) proposé en 2003 par Michael Kaufman, cofondateur de la Campagne du ruban blanc
pour l’UNICEF, repose sur la prémisse que nous devons
examiner notre interprétation culturelle de la masculinité pour
éliminer la violence faite aux femmes et que la masculinité
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
s’exprime d’une multitude de façons — qu’elle présente une
grande diversité ethnoculturelle, économique, religieuse et
historique.
Bref, il faut prendre en compte les hommes de diverses
communautés et les faire participer à l’élaboration de programmes à l’aide de messages pertinents et pragmatiques
axés sur l’action, ainsi qu’au moyen d’images d’hommes
et de garçons qui leur ressemblent. C’est de l’intérieur que
l’on peut le mieux déconstruire le pouvoir et le patriarcat.
Un auto-examen est essentiel à ce processus, et les hommes doivent y voir le reflet de leurs propres expériences.
La mobilisation des hommes à ce stade et de cette façon permet également de donner à ceux-ci un sentiment
d’investissement personnel dans l’enjeu, le programme ou
l’intervention, le sentiment que celui-ci leur appartient. La
motivation des pairs est aussi une grande force pour les
programmes destinés aux hommes, et les campagnes qui
font participer les hommes sont plus susceptibles d’avoir une
résonance (Kaufman, 2003).
Si nous demandons aux hommes (à titre d’agresseurs ou
d’agresseurs potentiels ou, encore, à titre de participants aux
efforts de prévention) de changer, il faut s’adresser à eux et
les faire participer.
Théorie des normes sociales
Par « normes sociales », on entend l’acceptabilité d’une
action ou d’une croyance. Il s’agit de règles tacites quant à
ce qui est « normal » pour tel groupe ou tel contexte. Les
normes sociales contribuent dans une large part à perpétuer
le pouvoir et les privilèges masculins. L’une des principales
tactiques utilisées par les structures de pouvoir dominantes
consiste à rendre le pouvoir invisible, inévitable et incontes­
table. Les cultures patriarcales sont pleines de normes
sociales conçues pour faire croire aux hommes que leur
pouvoir et leurs privilèges sont normaux.
La perception des normes sociales permet de prédire de
façon assez précise les comportements et les attitudes, ce
que diront et feront les gens. Les normes faisant l’objet d’une
perception erronée ont des effets puissants (et inconscients)
sur le comportement. Deux formes de perception erronée
présentent un intérêt particulier pour les rôles des hommes
en ce qui a trait à la violence sexiste.
• Ignorance pluraliste : croyance erronée selon laquelle
nos propres attitudes, jugements ou comportements diffèrent de ceux des autres.
• Faux consensus : croyance erronée selon laquelle on
représente la majorité, alors qu’on est en fait minoritaire
(Berkowitz, 2003).
La correction de ces perceptions erronées peut offrir aux
hommes un contexte pour :
• dénoncer les comportements qui les rendent mal à l’aise;
• trouver des alliés qui partagent leurs croyances sans les
exprimer;
• miner le soutien aux croyances et comportements qui
contribuent à la perpétration des agressions sexuelles.
Une étude démontre bien le pouvoir que les normes sociales
exercent sur les hommes; en effet, elle révèle que les hommes interviennent plus volontiers afin de prévenir les agressions sexuelles quand ils ont le sentiment que d’autres hommes en feraient autant (Fabiano et coll., 2003). Au contraire,
selon une autre étude, les probabilités de viol augmentent
lorsque les hommes croient les autres hommes susceptibles de souscrire aux mythes véhiculés au sujet du viol (p.
ex., les hommes peuvent perdre le contrôle si les femmes
s’habillent de façon provocante, ou « non » veut dire « oui »).
La corrélation est encore plus importante pour les hommes
qui souscrivent déjà à ces mythes (Bohner et coll., 2006).
Les campagnes, les programmes et les interventions qui
font appel à la théorie des normes sociales ont prouvé leur
capacité de modifier les comportements (p. ex., alcool au
volant, utilisation de la ceinture de sécurité, renoncement au
tabac) et peuvent prévenir et réduire la violence sexiste.
Rôles positifs pour les hommes
Interventions des observateurs
Les interventions efficaces des observateurs constituent
l’un des domaines les plus prometteurs, et les mieux étayés
par la recherche, pour ce qui est des rôles positifs que les
hommes peuvent jouer dans la prévention et la réduction
de la violence sexiste. Dans le contexte de la prévention
des agressions sexuelles, ces interventions visent plusieurs
objectifs :
• prévenir l’agression;
• interrompre les propos sexistes ou ceux qui réduisent la
femme au rang d’objet;
• empêcher qu’on rejette le blâme sur les victimes;
• interrompre les comportements masculins qui sont
propices aux agressions.
Alan Berkowitz a recensé de nombreux obstacles qui, selon
les hommes, les empêchent d’être des témoins actifs :
• présumer que ce n’est pas un problème parce que les
autres n’interviennent pas (influence sociale);
• craindre que cela ne porte atteinte à leur réputation (inhibition en public);
• présumer que quelqu’un d’autre agira (diffusion de la
responsabilité);
• croire que les autres ne sont pas dérangés par cet acte
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
31
(normes sociales);
• craindre les représailles (Berkowitz, 2008).
Les programmes efficaces ciblant les observateurs sont ceux
qui permettent aux hommes et aux garçons d’acquérir les
connaissances, les compétences, les solutions et la con­
fiance nécessaires pour être des intervenants plus efficaces
et, du même coup, remettre en question et changer pour le
mieux les normes relatives aux rôles et aux responsabilités des hommes. Nombre de ces programmes font appel à
des jeux de rôles ou à d’autres formes d’apprentissage par
l’action comme méthodes d’apprentissage et de désinhibition.
Surveillance par les pairs et les quasi-pairs, formation
des formateurs
De nombreux programmes et projets dans le monde visent à
renforcer les capacités d’individus et de communautés pour
en faire des pairs ou des « quasi-pairs » éducateurs, ou à
élargir la portée et l’incidence de leur travail par la formation de formateurs. Cela peut non seulement être un moyen
efficace de favoriser la modification des attitudes et comportements, mais également d’établir de nouvelles normes
sociales (selon lesquelles les hommes s’intéressent à la
prévention de la violence sexiste et ils sont engagés à cet
égard), et il s’agit d’une méthode économique pour avoir un
impact plus important.
Des groupes comme Men’s Action for Stopping Violence
Against Women [action des hommes pour stopper la violence envers les femmes], en Inde, et le projet Men as Partners [les hommes, des partenaires] d’Engender Health, en
Afrique orientale et subsaharienne, ont utilisé avec succès
des approches de formation des formateurs, qui améliorent
les capacités au niveau communautaire tout en légitimant le
travail et en optimisant sa portée.
Men Can Stop Rape a travaillé en collaboration avec le
Center for Disease Control (CDC), aux États-Unis, pour
une évaluation à long terme de ses clubs Men of Strength
(MOST) [clubs des hommes forts]. Compte tenu des premiers signes encourageants de cette évaluation, le CDC a
qualifié le projet du club MOST de « pratique prometteuse »
pour la prévention de la violence sexiste.
Les clubs MOST suivent une approche transformatrice
d’intervention auprès des garçons et des jeunes hommes
dans les écoles secondaires américaines. Pendant un an,
on offre aux participants un cadre où explorer les caracté­
ristiques d’une masculinité saine, afin qu’ils puissent trouver
leur voix comme agents de changement, ce qui inclut tant
la prévention de la violence sexiste que la promotion d’une
société plus civile et moins violente. Ce modèle met l’accent
sur l’éducation par les pairs et on a constaté que l’éducation
par les « quasi-pairs » (des garçons juste un peu plus vieux
que les participants) fonctionne bien.
32
L’étude a révélé que les participants étaient davantage
sensibilisés à la question, qu’ils étaient plus susceptibles
d’intervenir ou de poser publiquement un geste, qu’ils
avaient des idées pratiques sur la façon de prévenir la
violence contre les femmes et qu’ils avaient une vision plus
saine de la masculinité (Stephanie R. Hawkins, Men Can
Stop Rape, 2005).
Modèles paternels
De plus en plus de recherches internationales confirment
que la participation des hommes comme pères et mentors peut avoir un effet positif dans la vie des femmes, des
hommes et des enfants. À l’inverse, l’absence du père ou
sa violence peuvent avoir des répercussions sur plusieurs
générations d’enfants. La plupart des recherches confirment
que la violence des hommes envers les femmes se transmet
d’une génération à l’autre. Diverses études ont révélé que
les personnes ayant été témoins ou victimes de violence au
foyer sont plus susceptibles de recourir à la violence contre
une ou un partenaire intime.
Les hommes consacrent une portion limitée de leur temps
à s’occuper de leurs enfants. Même lorsqu’ils participent au
soin des enfants, ils décrivent habituellement cette activité
comme une « aide », et non comme une tâche à laquelle
ils choisissent de participer ou dont ils sont responsables.
De plus, lorsqu’ils assument des tâches domestiques, les
hommes continuent souvent de considérer qu’ils peuvent se
dégager de certains aspects de ces tâches.
Si les hommes et les femmes partagent le rôle de soutien de
famille et la responsabilité des soins aux enfants, la condition
de la femme (et donc ses droits fondamentaux) s’améliorera
au sein de la famille et de la collectivité. La participation accrue des hommes au développement de l’enfant est un élément important de la promotion de l’égalité entre les sexes et
de l’élimination de la violence faite aux femmes.
Plus les hommes passent du temps à s’occuper d’un enfant,
plus leur bien-être psychologique s’accroît. Lorsque l’on
élargit le rôle des hommes pour inclure le soin des enfants,
on déconstruit les définitions étroites de la masculinité pour
les remplacer par une vision élargie de la capacité humaine
des hommes dans la vie familiale et au sein de la société en
général. La participation au soin des enfants et à la vie des
jeunes augmente la capacité des hommes d’exprimer leurs
émotions et d’éprouver de l’empathie.
Des recherches internationales révèlent également que
la participation accrue du père, dans la mesure où elle
s’accompagne d’une réduction des conflits et de la violence
dans la famille, augmente les chances que les enfants
grandissent dans un environnement émotionnellement et
physiquement sécuritaire. D’autres recherches laissent
entendre, sans que cela ait été confirmé, que les fils de
pères engagés qui assurent un soutien moral sont moins
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
Centre ontarien de prévention des agressions (COPA) — Ça commence avec toi http://commenceavectoi.ca/accueil/
susceptibles d’utiliser ultérieurement la violence contre leurs
conjointes (Gary Barker, 2004).
Selon des données empiriques venant d’Amérique du Nord
et d’Europe de l’Ouest, la participation positive du père
augmente les chances que les fils aient une attitude plus
paritaire et soient des pères plus affectueux, et que les filles
aient également une conception plus souple des genres.
Une étude qualitative auprès des jeunes hommes à faible
revenu au Brésil a révélé que les jeunes hommes plus
paritaristes pouvaient généralement désigner une figure
paternelle ou une autre figure masculine dans leur vie qui
leur avait donné l’exemple de rapports plus égalitaires entre
les hommes et les femmes ou fait la démonstration de rôles
davantage axés sur l’égalité entre les sexes (Gary Barker,
2001).
Il se dégage de cette étude une leçon cruciale, à savoir
qu’il n’est pas toujours possible, ni souhaitable, que le père
biologique soit le seul modèle de rôle paritariste. Comme
nous l’avons souligné, certaines influences paternelles
peuvent avoir des effets néfastes. D’autres hommes influents
dans la vie des jeunes garçons ont tout autant la possibilité
d’influencer pour le mieux leur comportement présent et futur
envers l’autre sexe. Cela est particulièrement important étant
donné la diversité des structures familiales de la société canadienne contemporaine, puisque l’on pourrait ainsi amener
une plus grande diversité d’hommes à s’engager sur cette
voie :
• dirigeants communautaires et gardiens;
• décisionnaires;
• dirigeants d’organisations et d’institutions.
Avec ce fondement solide, l’impact potentiel ressort clairement, puisqu’il ne s’agit pas seulement de mobiliser les
hommes à titre de pères, mais en tant qu’oncles, frères, etc.,
de même qu’en tant que modèles de rôle et prestataires de
soins. Cette forme d’engagement positif réduit directement le
risque de violence au sein des familles et change les normes
sociales en proposant des formes de masculinité plus
bienveillantes et plus affectueuses. Parmi les différentes approches utilisées au Canada, il s’agit de la plus prometteuse,
et elle devrait être jugée prioritaire.
Analyse des interventions auprès des
agresseurs (stratégies d’intervention)
La validité et l’efficacité des programmes d’intervention
auprès des agresseurs, ainsi que la gamme de méthodes
employées dans l’exécution de ces programmes, sont fortement débattues à l’intérieur et à l’extérieur du cercle des
spécialistes de la question. Un nombre limité, mais néanmoins croissant, de recherches tentent d’évaluer l’efficacité
de divers modèles utilisés pour prévenir la récidive chez les
agresseurs. Ces recherches, tout en proposant une critique
utile des programmes existants, ne permettent pas de conclure à la supériorité d’une méthode par rapport aux autres.
La difficulté d’une telle évaluation tient, d’une part, dans le
grand nombre de variables en jeu et, d’autre part, dans les
problèmes méthodologiques qui affligent bon nombre des
recherches effectuées. Les variables en jeu comprennent les
paramètres de la participation (prescrite ou non), la durée
des programmes, les titres de compétence des animatrices
ou animateurs ainsi que les résultats mesurés. Parmi les
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
33
problèmes méthodologiques, mentionnons la faible taille des
échantillons, l’absence d’attribution aléatoire ou de groupes
de contrôle, les taux d’attrition élevés, les curriculums de
programme trop courts ou non représentatifs, les courtes
périodes de suivi ou, encore, les sources des données de
suivi — c’est-à-dire, données qui proviennent tantôt seulement des arrestations, tantôt seulement des participants euxmêmes (données autodéclarées) ou de la victime originale
(Healey, Smith et O’Sullivan, 1998).
Parmi les évaluations jugées solides sur le plan méthodologique, la majorité a révélé des réductions modestes,
mais statistiquement significatives, de la récidive chez les
hommes ayant participé à un programme d’intervention pour
agresseurs. Il convient de signaler une exception notable:
l’évaluation quasi expérimentale et méthodologiquement
rigoureuse d’Adele Harrell, menée en 1991 pour l’Urban Institute à Baltimore. L’étude de Harrell a soulevé l’inquiétude
dans le domaine avec ses constatations inattendues,
révélant un taux de récidive supérieur parmi les participants
des trois groupes d’intervention comparativement au groupe
témoin.
Les résultats préliminaires d’une étude parrainée par le
CDC et menée à quatre emplacements distincts ne sont pas
concluants : après 12 mois, les taux de récidive pour les
participants qui ont complété le programme sont similaires à
ceux des agresseurs qui ont décroché dès le début, et il n’y
a aucune variation significative dans les résultats des agresseurs participant à des programmes de durée et de conception variés. Un programme d’éducation de trois mois avant le
procès a donné des résultats légèrement meilleurs, lorsque
l’on tient compte des facteurs socioéconomiques (Healey,
Smith et O’Sullivan, 1998).
Au Canada, les programmes d’intervention auprès des partenaires violents figurent parmi les programmes d’intervention
les plus largement utilisés. Environ 7 000 hommes ont
participé à ces programmes en Ontario en 2003. Selon le
ministère canadien de la Justice, « peu de résultats indiquent
qu’ils [les programmes d’intervention auprès des hommes
violents] réduisent les comportements violents des hommes
envers leur partenaire. De récents examens de la documentation laissent entendre que, au mieux, ces programmes
entraînent une faible réduction des taux d’agressions
ultérieures. » Cela montre bien qu’il y aurait lieu de faire
plus de recherches pour déterminer comment améliorer ces
programmes. On devrait en particulier s’attarder aux facteurs
les plus susceptibles de modifier les comportements violents
des hommes (Scott et Stewart, 2007).
Le manque de données empiriques ne permettant pas de
conclure à la supériorité d’un programme ou d’une méthode
de traitement, on s’est mis en quête d’une approche qui considère les hommes violents comme un groupe diversifié, nécessitant une diversité d’interventions adaptées. On constate
34
Certaines indications
donnent à penser que tout
examen, pour être vraiment
utile, devrait prendre en
considération les systèmes
qui recoupent ces
programmes, notamment les
institutions du système pénal
et les mécanismes
communautaires de soutien.
un changement d’orientation chez certaines chercheuses
et certains chercheurs, qui tentent à présent de déterminer
quels sous-groupes répondent mieux à quelles interventions
(Healy, Smith et O’Sullivan, 1998).
Des recherches laissent également entendre qu’il est problématique et malavisé de s’intéresser isolément aux programmes d’intervention pour les hommes violents. En effet,
certaines indications donnent à penser que tout examen,
pour être vraiment utile, devrait prendre en considération les
systèmes qui recoupent ces programmes, notamment les
institutions du système pénal et les mécanismes communautaires de soutien. Les services policiers, la détermination
de la peine, les maisons de refuge et les autres mesures de
soutien pour les survivantes de la violence et l’acceptation
de la violence dans notre culture sont parmi la gamme des
facteurs qui influent sur la façon dont les hommes violents
abordent le processus de changement (Healy, Smith et
O’Sullivan, 1998).
Malgré la nécessité d’autres recherches, on a formulé un
certain nombre de recommandations pour les programmes
d’intervention. Voici, selon une table ronde de spécialistes
du domaine, les éléments essentiels à la réussite d’un tel
programme :
1. Un partenariat avec d’autres personnes et organismes
pour améliorer la responsabilité et offrir une gamme
de services;
2. Une collaboration étroite avec les tribunaux et les
services de probation pour superviser les traitements
ordonnés par un tribunal;
3. La création d’une solide infrastructure de programmes
comprenant la formation et la supervision conti­
nues du personnel et la mise en œuvre de politiques
alignées sur les pratiques exemplaires;
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
4. Des interventions communautaires coordonnées, qui
vont au-delà des sanctions imposées par la justice;
5. La conception d’interventions et de programmes intégrant les commentaires d’adultes et d’enfants ayant
survécu à la violence;
6. Le recours à l’évaluation et à la gestion des risques;
7. La mobilisation précoce des hommes dans leurs rôles
de parents et de conjoints (Carter, 2009).
Cette table ronde a également recommandé que l’on conçoive de nouveaux moyens de joindre les hommes violents,
parce que les programmes actuels d’intervention auprès
des agresseurs ne rejoignent qu’un faible pourcentage de
ceux qui ont recours à la violence. Enfin, malgré les critiques
sérieuses et bien fondées qui ont été formulées sur ces programmes, les spécialistes de la table ronde ont recommandé
leur maintien, parce que ces programmes sont pratiquement
la seule tribune où les hommes violents sont soutenus et
incités à changer. Ils demandent cependant la poursuite des
recherches, de même qu’une responsabilisation accrue des
organismes qui dirigent ces programmes et des hommes en
cause (Carter, 2009).
On ne saurait passer sous silence l’important travail qui reste
à faire auprès des hommes qui ont recouru à la violence.
L’intervention du système de justice pénale ne suffit pas à
elle seule. Nous avons enrichi nos connaissances sur la
prévention primaire, les programmes sexotransformateurs
et la nécessité de tenir compte de la multiplicité et de la
complexité des identités masculines, mais nous continuons
à nous interroger sur l’efficacité, la cohérence, la pertinence
et l’effet des programmes d’intervention auprès des agresseurs. Il y a peut-être aussi des leçons à tirer des différents
modèles de prestation des services, comme le modèle de
gestion des cas. Il faudra encore beaucoup plus de travail
afin d’assurer que tout le potentiel de ces programmes est
exploité.
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
35
7.0 CONSIDÉRATIONS, LIMITES, LACUNES ET ÉVALUATION DES RISQUES
Autres considérations concernant la mobilisation des hommes et des garçons pour prévenir
la violence sexiste
Quelque vingt ans de travail, de soutien et de collaboration
avec des groupes du monde entier nous ont amenés à recenser d’autres considérations et défis inhérents à la mobilisation des hommes et des garçons.
Celle qui ressort peut-être le plus est la reconnaissance du
fait que l’on ne peut considérer les hommes et la masculinité comme un sujet homogène. La classe sociale, la race,
l’orientation sexuelle, la religion, la culture et les capacités
jouent toutes un rôle crucial dans la construction de l’identité
masculine et dans le vécu des hommes, et elles entraînent
d’importantes différences dans leur degré de pouvoir et leurs
privilèges. En particulier, les intersections entre le racisme et
l’orientation sexuelle font ressortir la nécessité de prendre en
considération les multiples besoins et réalités des hommes
et des garçons. De là découle le défi de créer des structures
pouvant accueillir tous les hommes. Selon notre expé­
rience et celle d’autres intervenantes et intervenants dans le
monde, le travail de prévention et de réduction de la violence
contre les femmes peut de fait aider à jeter des ponts entre
des hommes qui diffèrent par leur niveau d’instruction, leur
race, leur orientation sexuelle, leur classe économique et
leurs opinions politiques.
La compréhension qu’ont les hommes de l’égalité entre les
sexes est un autre obstacle qui mérite une attention particulière. Beaucoup d’hommes doivent comprendre qu’au contraire des jeux à somme nulle, dans lesquels il y a toujours
des gagnants et des perdants, l’égalité des sexes — et, par
extension, la prévention et la réduction de la violence sexiste
— profite à tout le monde et n’enlève rien aux hommes.
D’où l’importance de ne pas seulement parler du coût de
l’inégalité pour les femmes et les filles — un coût qui prend
notamment la forme de violence —, mais aussi du coût du
patriarcat pour les hommes. La mobilisation des hommes et
des garçons ne peut reposer uniquement sur un appel à la
compassion et au respect des droits de la personne; elle doit
également invoquer l’idéal d’un « intérêt personnel éclairé »,
en faisant ressortir les inconvénients (émotionnels, psychologiques, sociétaux et physiques) associés à la condition
masculine et les avantages pour les hommes, les familles,
les entreprises, les collectivités et les nations de l’atteinte
d’une plus grande égalité entre les sexes.
Une autre considération a trait à la création de lieux sûrs et
confortables pour ce travail, où les points de vue sexistes
et hostiles peuvent être remis en question. D’une part, les
hommes et les garçons n’ont généralement pas l’habitude de
parler de ces questions ou de faire l’analyse critique de leur
pouvoir et de leurs privilèges, et ils ont besoin d’un lieu sûr
pour y arriver. D’autre part, nombre des lieux que fréquentent
les hommes approuvent et perpétuent les comportements
36
La mobilisation des hommes et des garçons ne peut
reposer uniquement sur un
appel à la compassion et au
respect des droits de la personne; elle doit également
invoquer l’idéal d’un « intérêt
personnel éclairé ».
et stéréotypes hypermasculins préjudiciables. Il faut des
animateurs habiles, du temps et de la confiance pour réussir
à créer un cadre où les hommes pourront s’ouvrir tout en acceptant d’être remis en question.
Une autre considération est celle des points d’entrée. On
devrait faire preuve de créativité dans le choix de ces points.
Car, la résistance des hommes à tout effort pour les amener
à prendre une part active à la prévention de la violence faite
aux femmes peut être exacerbée par leur réticence à participer à des programmes structurés dans des institutions offi­
cielles. Pour concevoir des programmes et des interventions,
on devrait visiter les lieux que fréquentent habituellement
les hommes et les garçons (p. ex., barbier et manifestations
sportives), déterminer des points d’entrée culturels (musique,
jeux vidéo) et recenser les questions d’intérêt ou les liens affectifs (paternité et expériences personnelles de la violence).
Pour vaincre le scepticisme quant aux désirs légitimes
des hommes d’œuvrer pour l’égalité entre les sexes et
l’élimination de la violence faite aux femmes, il faut travailler
en partenariat avec les groupes de femmes, et montrer ses
intentions par des expériences positives. De plus, compte
tenu du très petit nombre d’hommes et d’organisations, il
peut être utile de chercher des alliés là où existe déjà une
résistance aux conceptions courantes de la masculinité
(hommes jeunes, mouvements pour la justice sociale, éducateurs).
Enfin, nous devons être réalistes quant aux limites du
changement. Quel changement est possible? Il faudra du
temps pour changer les normes sociales et remettre en
question le pouvoir et les privilèges masculins, enracinés
depuis des siècles dans de nombreuses sociétés. Les
influences négatives et les stéréotypes préjudiciables sont
courants dans les médias, la culture populaire et certaines
interprétations religieuses. Il pourrait s’avérer impossible de
modifier le point de vue de certains hommes sur ces questions. Nous avons constaté une malléabilité, une accepta-
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
tion et une compréhension beaucoup plus grandes chez les
hommes jeunes et les garçons. Toutefois, cela ne signifie
aucunement qu’il faille renoncer à travailler avec les hommes plus âgés et les dégager de toute responsabilité envers
l’élimination de la violence contre les femmes.
Lacunes dans le domaine
Dans l’élaboration du présent dossier et dans le cadre de
notre travail, nous avons relevé de nombreuses lacunes
évidentes. La plupart des efforts auprès des hommes et des
garçons se font sur une petite échelle, prennent la forme de
projets-pilotes et ne sont pas viables ou sont sous-financés.
Voici quelques lacunes structurelles qui en résultent.
• Il n’existe pas d’approche nationale pour définir les buts,
mesurer le succès ou, encore, assurer l’uniformité et
la durabilité dans le travail visant à éliminer la violence
sexiste.
• L’absence de coordination nationale du travail auprès
des hommes et des garçons se traduit par des efforts
isolés et de faibles envergures, qui prennent la forme de
projets-pilotes.
• Il y a un manque criant de données d’évaluation pertinentes, couvrant une période suffisamment longue, sur les
interventions et programmes canadiens axés sur le travail
auprès des hommes et des garçons.
• Les succès qui se traduisent par des changements de
comportement durables ne sont pas mis à profit.
• Les pratiques exemplaires et les stratégies efficaces ne
sont pas recensées et diffusées d’une façon les rendant
accessibles; les compétences et les capacités ne sont
pas à jour.
Par conséquent, malgré leurs bonnes intentions, nombre
de programmes et d’interventions ratent le coche; et certains font même plus de tort que de bien. Quant à ceux qui
sont particulièrement prometteurs ou innovateurs, ils sont
rarement bien évalués et diffusés, et ne disposent presque
jamais de ressources suffisantes pour produire des résultats
optimaux.
Compte tenu de la dispersion des responsabilités et des efforts pour mettre fin à la violence au Canada, ainsi que des
compétences disponibles à différents niveaux de la société
civile, une approche globale de la prévention de la violence
devrait donner des résultats démontrables. Cette approche
pourrait combler les disparités qui existent entre les efforts actuellement déployés d’un bout à l’autre du spectre
d’intervention — des services de soutien et de transition pour
les femmes et les familles aux efforts de prévention auprès
des hommes et des garçons —, assurer une responsabilisation et une direction cohérentes, favoriser la généralisation
des pratiques exemplaires et des stratégies efficaces, éliminer le cloisonnement et promouvoir des approches multidis-
ciplinaires et intersectorielles, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur
du gouvernement, et, enfin, fixer des objectifs mesurables et
préciser les changements attendus.
Cette orientation pourrait également tenir compte des besoins particuliers des différentes communautés d’intérêts,
pour assurer la pertinence et l’efficacité des interventions.
Elle assurerait également une synergie entre la prévention
de la violence, le soutien aux victimes et les préoccupations
d’ordre politique et législatif.
En avril 2009, le gouvernement de l’Australie a diffusé ce
qui est devenu la référence pour les stratégies nationales de
réduction de la violence sexiste dans le monde.
Il existe de graves lacunes au Canada sur le plan de la
recherche :
• Les programmes et les interventions destinés aux garçons de moins de huit ans ne sont pas bien compris. Il
se fait peu de recherches genrées sur les programmes
de développement du caractère pour la petite enfance.
Pourtant, la nécessité de ces efforts est manifeste.
• Il y a un manque d’information fiable, à jour et approfondie en ce qui a trait aux croyances et attitudes des
hommes au sujet de l’égalité entre les sexes et de la
violence sexiste.
• La mise en œuvre de programmes d’intervention auprès
des hommes violents nécessite davantage de recherche,
et la prestation de ces programmes doit être plus cohé­
rente.
ÉVALUATION DES RISQUES
Les organisations et les bailleurs de fonds ont l’habitude
d’évaluer les risques au stade de la conception des politiques, des programmes et des projets. Lorsque l’on envisage des initiatives de mobilisation des hommes et des
garçons afin de prévenir la violence sexiste, il faut tenir
compte de la possibilité d’un mouvement de ressac, de
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
37
réactions défavorables qui pourraient influer sur les résultats
des politiques et des programmes. Les sections qui suivent
présentent plusieurs facteurs importants dont il faut tenir
compte lorsque l’on évalue les risques associés aux politiques et aux programmes concernant les hommes et les
garçons. Il faut discuter à fond de ces facteurs et prévoir un
plan d’atténuation des risques au moment de la planification
des politiques et des programmes.
Mouvement de ressac
Au fil des ans, les initiatives de mobilisation des hommes
et des garçons ont reçu un accueil favorable de personnes,
communautés, organisations, gouvernements et institutions
du monde entier. Dans l’ensemble, on voit d’un bon œil
la mobilisation des hommes et des garçons pour promouvoir l’égalité entre les sexes et mettre fin à la violence faite
aux femmes, et le mouvement a donné lieu à d’importants
changements positifs (Fabiano et coll., 2004). Cependant,
certaines voix remettent en cause ce mouvement, et l’on
constate un ressac par endroits. Bien entendu, les mouvements sociaux provoquent invariablement un ressac, et le
mouvement féministe ne fait pas exception. Il faut examiner
attentivement la possibilité de réactions négatives au niveau
local quand on entreprend de travailler avec les hommes et
les garçons.
Les efforts de mobilisation des hommes et des garçons dans
la promotion de l’égalité entre les sexes continuent d’attirer
les foudres du mouvement masculiniste (Michael Flood,
2009). On a également observé chez les féministes un
certain degré de critique et de scepticisme, tenant à diverses
raisons, notamment :
• le manque de soutien et d’engagement de la part des
hommes par le passé;
• la rareté des ressources financières;
• l’inquiétude devant la possibilité d’un déséquilibre entre
les fonds engagés pour les programmes de soutien à
l’intention des femmes et des enfants par rapport à ceux
consacrés à la prévention et à l’éducation des hommes et
des garçons.
Groupes de défense des « droits » des hommes
Au cours des trente dernières années, on a vu apparaître et
grandir un mouvement masculiniste, constitué de groupes
défendant les « droits » des hommes. Ces groupes se sont
organisés au fil des ans pour :
Les bailleurs de fonds
doivent veiller à ce que
la mobilisation des hommes et des garçons pour
prévenir la violence sexiste
soit une mesure parallèle,
qui s’ajoute aux initiatives
d’éducation, de prévention et
de soutien pour les
femmes et les filles.
De façon générale, on peut dire que la résistance à la progression des droits des femmes a pris naissance en même
temps que le mouvement féministe, mais cette résistance
est aujourd’hui en partie le fait d’un mouvement organisé de
défense des droits des hommes.
Ces groupes, qui s’organisent habituellement autour des
droits des pères et des enjeux liés à la garde, soutiennent
que les hommes sont, au même titre que les femmes, victimes de violence et de discrimination du fait de leur sexe. Ils
militent aussi pour la garde de leurs enfants et leurs droits de
visite, et affirment l’existence d’une discrimination profonde
à l’endroit des hommes dans les décisions rendues par les
tribunaux de la famille (Jordan, 1998). Les groupes masculinistes exploitent l’antipathie générale des hommes envers
le féminisme ainsi que le ressentiment à l’endroit de la justice sociale. Les membres de ces groupes accusent souvent
de trahison les hommes qui œuvrent pour l’élimination de la
violence contre les femmes, prétendant qu’ils sont contre les
hommes et haïssent le masculin.
Les efforts déployés par le mouvement masculiniste peuvent
être considérés comme étant préjudiciables autant pour les
femmes que pour les hommes eux-mêmes, car, fondamentalement, ils font la promotion de définitions strictes de la
masculinité. Certains enjeux soulevés par ces groupes sont
légitimes, comme ceux ayant trait à la violence vécue par
les hommes. Ils sont toutefois soulevés dans un contexte
antiféministe et utilisés de façon sélective. De plus, certains
groupes laissent entendre qu’il faut mettre fin aux programmes destinés aux femmes victimes de violence, comme
les maisons de refuge et les services de counseling, car ils
sont discriminatoires à l’endroit des hommes.
•
•
•
•
résister au féminisme;
discréditer le mouvement féministe;
s’opposer aux nouvelles définitions de la famille;
s’opposer à la progression de l’équité en matière d’emploi
(Michael Flood, 2009).
38
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
La violence sexiste ne trouve pas sa source dans les
femmes, les droits des femmes ou les services pour les
femmes, mais plutôt dans nos constructions sociales de la
masculinité qui amènent des hommes à recourir à la violence contre les femmes, les filles et d’autres hommes (Stith
et coll., 2004). Afin de contrer le ressac masculiniste, il faut
encourager les hommes et les garçons à devenir des alliés
des groupes de femmes, à dénoncer la violence faite aux
femmes et à défendre l’égalité entre les sexes, par la voix
des médias et la participation à des initiatives communautaires, de manière à montrer que les masculinistes ne parlent
pas au nom de tous les hommes.
Il faut prendre en considération la violence vécue par les
hommes (la plupart du temps aux mains d’autres hommes)
et valider la souffrance qu’elle leur cause. Cela comprend
l’intimidation et l’exploitation sexuelle qu’ils ont pu subir dans
leur enfance. Il faut offrir des programmes et des services
aux hommes qui ont connu la violence et l’exploitation
sexuelle, mais non en mettant fin aux services et aux programmes destinés aux femmes et aux filles, comme le suggèrent les groupes masculinistes.
Travailler avec les hommes et le mouvement féministe
Il faut reconnaître les efforts héroïques qu’ont déployés
par le passé les femmes et les groupes de femmes, tant
pour leur travail de promotion des droits que pour les jalons
qu’ils ont posés. Ces efforts rendent aujourd’hui possible
d’intervenir avec succès auprès des hommes et des garçons
pour éliminer la violence faite aux femmes. D’importantes
leçons ont été tirées des débuts de la participation des
hommes et des groupes d’hommes à la lutte contre cette
violence, participation souvent menée sans coordination
véritable avec les groupes de femmes. Une des premières
conséquences fut l’intérêt considérable des médias pour
les efforts des hommes, alors qu’ils avaient montré peu
d’enthousiasme pour les efforts de prévention amorcés des
années plus tôt par les groupes de femmes. On n’avait pas
prévu cela.
Les efforts d’éducation et de mobilisation des hommes et
des garçons doivent être déployés dans une perspective de
promotion des droits de la personne et de l’égalité entre les
sexes. L’élaboration et le renforcement des politiques et des
programmes dans ce domaine doivent, en outre, aller de pair
avec les mesures de prévention, d’éducation et de soutien
pour les femmes et les filles, notamment celles qui ont été
victimes ou témoins de violence.
Les organisations et les programmes qui visent à mobiliser
les hommes et les garçons doivent créer des synergies avec
les groupes de femmes et travailler main dans la main avec
eux pour soutenir les initiatives et programmes existants qui
visent à améliorer la qualité de vie des femmes, des filles,
des hommes et des garçons. Il faut mobiliser les hommes
comme alliés et les encourager à travailler à la promotion du
changement au niveau individuel, familial, communautaire,
institutionnel et systémique.
Rareté des ressources
On craint que les ressources soient redéployées au profit du
travail auprès des hommes et des garçons, et au détriment
d’importants programmes et services pour les femmes et
les filles. Certains groupes de femmes pourraient remettre
en question le financement des programmes de mobilisation
des hommes et des garçons à un moment où le financement
des programmes destinés aux femmes est réduit ou éliminé.
Selon le climat politique, cela pourrait entraver l’élaboration
conjointe de programmes et dissuader la collaboration ou
l’établissement de partenariats efficaces entre les organisations qui œuvrent pour mettre fin à la violence contre les
femmes.
Afin de balayer ces préoccupations, les bailleurs de fonds
doivent veiller à ce que la mobilisation des hommes et des
garçons pour prévenir la violence sexiste soit une mesure
parallèle, qui s’ajoute aux initiatives d’éducation, de prévention et de soutien pour les femmes et les filles. Au niveau
stratégique, ils doivent rechercher des occasions d’élargir
les politiques, les stratégies et les programmes existants
qui sont axés sur la prévention et l’éducation, et y greffer le
travail auprès des hommes et des garçons à titre de stratégie additionnelle et complémentaire. Les stratégies et les
ressources visant les programmes de soutien secondaire et
tertiaire pour les femmes et les enfants doivent être maintenues et renforcées.
Inoculation culturelle : la socialisation des hommes et
des garçons
Au fil du temps, le sujet de la violence faite aux femmes a
été considéré tabou dans diverses sphères de notre société.
Dans certains cas, notamment celui de la violence familiale,
bien des gens considèrent encore qu’il s’agit d’une affaire
privée. Les formes de violence comme l’agression sexuelle
sont une importante source de stigmatisation et de honte
pour les victimes et les membres de leur famille. Souvent,
on dissuade les femmes de signaler les incidents de harcèlement sexuel, de voies de fait ou de violence physique
par crainte de représailles supplémentaires, de manque de
soutien ou, dans les cas de violence et de harcèlement en
milieu de travail, d’entraves à la progression professionnelle.
Ces formes de contrôle social ont de graves incidences sur
la capacité des femmes de chercher du soutien et sur les efforts d’éradication de la violence dans nos collectivités.
Les répercussions de différents comportements ont un
lien étroit avec le genre, selon des normes et des valeurs
sociales profondément ancrées. Souvent, un comportement
particulier, par exemple l’activité sexuelle, est perçu différemment chez l’homme et chez la femme; en d’autres mots, les
jeunes hommes sexuellement actifs ne sont pas perçus de la
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
39
même manière que les jeunes femmes sexuellement actives.
Le degré de honte associé à tel ou tel comportement pour
une personne ou sa famille peut aussi varier en fonction du
sexe.
En ce qui a trait à la mobilisation des hommes et des garçons pour mettre fin à la violence contre les femmes et
promouvoir l’égalité entre les sexes, il importe donc de tenir
compte de l’impact des perceptions de la violence sexiste,
de la masculinité et du rôle des hommes et des garçons
dans notre société. D’après notre expérience à la Campagne
du ruban blanc, il faut des efforts vigoureux afin d’intervenir
dans des sphères particulières. Dans le cadre de notre
travail, nous constatons qu’il existe encore de nombreuses
attitudes et croyances, individuelles et institutionnelles, qui
confinent les hommes et les garçons dans des définitions
étroites et strictement appliquées de la masculinité.
Si nous voulons créer et promouvoir d’autres formes de
masculinité, des formes plus saines qui rejettent la violence
des hommes envers les femmes et d’autres hommes, nous
devons nous pencher sur la façon dont sont construites et
véhiculées nos définitions de la masculinité et de la féminité
par diverses voies, notamment le sport, le milieu scolaire, le
travail, la communauté, la vie familiale, ainsi que les normes
et les valeurs culturelles.
Il est clair que, pour mettre fin à la violence des hommes
contre les femmes et les filles, nous devons d’abord remettre
en question la construction et la normalisation des masculinités violentes au sein de notre société. Toutefois, c’est là
un travail qui se révèle souvent particulièrement difficile, vu
l’enracinement profond de ces constructions dans de nombreux contextes culturels. Les jeunes hommes se surveillent et se sanctionnent les uns les autres par le recours à
l’intimidation, au sarcasme, à l’homophobie, aux menaces et
à la violence, imposant ainsi une vision étroite de la masculinité. Nous entendons souvent des parents et des membres
d’administrations scolaires dire que ces comportements sont
à prévoir et que c’est « naturel » pour les garçons. Lorsque
les images violentes de la masculinité sont remises en question dans le monde des sports, beaucoup de gens soutiennent simplement que cette forme de masculinité fait partie
de la culture sportive et que le hockey, le football, la boxe et
d’autres sports de combat ne seraient pas les mêmes sans
elle. Le débat en cours dans la Ligue nationale de hockey
(LNH), en Amérique du Nord, au sujet des mises en échec
et des commotions cérébrales qu’elles causent en est un
parfait exemple.
L’élimination de la violence faite aux femmes par la promotion de l’égalité entre les sexes nous oblige à remettre en
question les rôles traditionnellement attribués par la société
à chacun des sexes à la maison, dans la collectivité et au
travail. Pour bien des gens, les rôles des hommes et des
femmes dans la vie familiale, dans la direction communautaire et au travail sont profondément enracinés dans les
valeurs sociales et culturelles, et il peut être difficile de les
changer. Cependant, dans l’élaboration de politiques et de
stratégies de lutte contre la violence des hommes à l’endroit
des femmes, il importe de tenir compte de l’influence
exercée par ces normes sociales et de concevoir des incitatifs pour encourager une répartition plus équitable des
responsabilités entre les hommes et les femmes dans ces
diverses sphères.
40
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
41
8.0 GLOSSAIRE
Agression ou violence : Recours intentionnel à la force ou
à la coercition, qui peut être d’ordre physique, émotif, sexuel,
spirituel ou financier. Peut prendre la forme de gestes, de
menaces ou de paroles.
Agression sexuelle : Activité sexuelle sans le consentement
d’une ou un des partenaires.
montre par ses actes et qui suscite l’admiration.
Patriarcat : Système social construit autour des hommes,
au sein duquel ceux-ci sont les principaux détenteurs de
l’autorité et où les pères exercent un pouvoir sur les femmes,
les enfants et les biens.
Allié : Personne ou organisme qui partage des valeurs
semblables et avec qui on peut collaborer pour promouvoir
l’égalité entre les sexes.
Relations saines et égalitaires : Relations fondées sur
le respect, la confiance, la prise de décisions sur un pied
d’égalité, la sécurité, le partage égal des responsabilités, le
consentement, la communication ouverte, etc.
Chosification : Représentation dégradante des femmes, qui
isole certaines de leurs caractéristiques sexuelles ou physiques et nie ce faisant l’existence des femmes en tant que
personnes à part entière.
Sexisme (sexiste) : S’entend des propos, gestes, messages, croyances et attitudes qui relèguent les femmes à
un rang inférieur ou selon lesquels celles-ci ne méritent pas
d’avoir autant de droits que les hommes.
Égalité entre les sexes : Attribution d’une valeur égale aux
personnes, quel que soit leur sexe. La promotion de l’égalité
entre les sexes vise à surmonter les obstacles posés par
les stéréotypes et les préjugés, de manière à ce que les
personnes des deux sexes puissent contribuer également à
l’évolution économique, sociale, culturelle et politique de la
société, et en retirer des bénéfices comparables.
Valeurs : Croyances auxquelles tient une personne ou un
groupe social.
Empathie : Capacité de s’identifier à la situation, aux sentiments et aux motifs d’une autre personne, et de les comprendre.
Exploitation financière : Situation où l’agresseur contrôle l’accès de la victime à toutes les ressources, dont le
temps, le transport, la nourriture, l’habillement, le logement,
l’assurance et l’argent.
Garder le silence : Omettre de dénoncer et de remettre
en question les actes de violence envers les femmes et les
propos sexistes ou homophobes, choisir de les tolérer.
Genre : Se rapporte aux rôles, comportements, activités et
attributs qu’une société juge appropriés pour les membres
d’un sexe donné.
Harcèlement sexuel : Comprend les avances sexuelles non
désirées, la demande de faveurs sexuelles et toute autre
conduite physique ou verbale de nature sexuelle qui crée un
environnement intimidant, hostile ou offensant.
Homophobie : Un préjugé à l’endroit des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres, ainsi que de leurs
alliées et alliés, qui s’exprime par une gamme d’attitudes
personnelles, d’expressions et de comportements offensants, dont l’évitement, la discrimination, la violence physique et des menaces envers les personnes concernées.
Modèle de rôle : Personne bienveillante qui se soucie vraiment de l’égalité entre les hommes et les femmes, qui le
42
Viol : Relations sexuelles non désirées, comprenant la
pénétration vaginale, anale ou orale, imposées par la
force, la menace de force ou la coercition (notamment la
peur de la violence, la contrainte, la détention, l’oppression
psychologique et l’abus de pouvoir à l’endroit de la victime ou d’une personne qui lui est proche), de même que
l’exploitation d’un environnement coercitif; ou, encore, relations sexuelles avec une personne incapable de donner un
consentement véritable.
Violence familiale : Englobe tous les actes de violence dans
le contexte des relations familiales ou amoureuses.
Violence faite aux femmes : Actes de violence sexiste qui
causent ou sont susceptibles de causer des souffrances
ou des préjudices d’ordre physique, sexuel ou mental aux
femmes, y compris les menaces, la coercition ou la privation
arbitraire de liberté.
Violence émotive ou psychologique : Destruction systématique de l’estime de soi ou du sentiment de sécurité
d’une personne, qui se produit souvent dans les relations
où il existe des différences de pouvoir, à l’intérieur desquelles s’exerce un contrôle. Comprend les menaces de
préjudice ou d’abandon, l’humiliation, la privation de contacts, l’isolement et d’autres comportements et tactiques
de violence psychologique. Diverses expressions sont
utilisées de façon interchangeable pour désigner la violence
psychologique, notamment la violence émotive, la violence
verbale, la cruauté mentale, le terrorisme amoureux et
l’agression psychologique.
Violence sexiste : Tout acte de violence fondée sur le sexe
qui cause des souffrances ou des préjudices d’ordre physique, sexuel ou psychologique aux femmes, y compris les
menaces, la coercition ou la privation arbitraire de liberté, en
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
public ou en privé.
Violence physique : Les coups (avec les poings, les pieds,
etc.), les gifles, les morsures et les contacts physiques
causant des ecchymoses ou des fractures sont des formes
avérées de violence physique, tout comme le fait de lancer
des objets et de recourir à une arme. La négation des droits
fondamentaux, comme la nourriture, le sommeil et le logement, est également une forme de violence physique.
Violence sexuelle : Également appelée « abus sexuel » ou
« atteinte aux mœurs », elle consiste à forcer une personne
à avoir un comportement sexuel non désiré. Lorsque cette
force est immédiate, de courte durée ou non fréquente,
on parle d’agression sexuelle. L’homme qui commet un tel
crime est qualifié d’agresseur sexuel, d’« auteur d’attentat
contre les mœurs » ou, péjorativement, de pervers. Le terme
« violence sexuelle » inclut tout comportement d’un adulte
à l’endroit d’un enfant pour stimuler sexuellement l’un ou
l’autre. Lorsque la victime n’a pas l’âge du consentement, on
parle d’exploitation sexuelle d’enfants.
Violence verbale : Recours aux mots (écrits ou prononcés)
pour sexualiser une autre personne ou la blesser.
Dossier d’information de la Campagne du ruban blanc — Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste
43
9.0 BIBLIOGRAHIE
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