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DOCUMENT: les violations de procédures du procès sur le fond LES VIOLATIONS DU DROIT CONDUISANT AU VERDICT DU 15 AOÛT 2015
AFFAIRE DITE « AIR COCAÏNE »
1/ INTRODUCTION
Depuis le début de l’affaire, le comité de soutien à Pascal FAURET et Bruno ODOS a privilégié une
démarche basée sur la confiance de l’application du droit dominicain par les institutions juridiques locales.
Assistés par des avocats à la compétence reconnue (Maria Elena Gratereaux et Fabian Melo – ancien
procureur), le comité de soutien a fourni à la justice dominicaine - via les avocats français - toutes les
pièces attestant de la condition de pilotes de ligne d’un vol commercial de Pascal Fauret et Bruno Odos,
condition qui ne pouvait en aucun cas les assimiler à des acteurs ou complices d’un supposé narcotrafic.
L’instruction menée par le procureur dominicain s’est conclue en septembre 2013 par l’écriture d’un acte
d’accusation qui détaillait les arguments du Ministère Public. La procédure dominicaine prévoyait alors
une audience préliminaire – qui s’est tenue en juin 2014 – pour délimiter précisément les compétences
du tribunal appelé à juger sur le fond. Les 4 français et 10 dominicains ont été renvoyés en procès, avec
un cadre très précis : étudier les responsabilités de chacun lors des événements du 19 mars 2013.
Au cours de cette audience préliminaire de juin 2014, les ¾ de l’acte d’accusation du ministère public
n’ont pas été retenus faute de preuves ; il s’agissait de la partie concernant trois « opérations de contrôle »
menés de septembre 2012 à décembre 2012 par les agents de la lutte anti-drogue (DNCD) vis-à-vis d’une
compagnie charter JET AIRFLY, dont le procureur affirmait qu’elles visaient le même réseau que celui
qui avait opéré sur le Falcon 50 le 19 mars 2013.
Ces trois opérations étant exclues, le tribunal qui jugeait Pascal Fauret, Bruno Odos et les 12 autres
personnes devait donc se prononcer sur les faits du 19 mars 2013 exclusivement, désignés dans l’acte
d’accusation comme « la 4ème opération ».
Au passage, cette décision en audience préliminaire conduisait à innocenter une quarantaine de
prévenus dominicains, accusés de constituer ce fameux réseau.
Nous allons lister ci-dessous quelques unes des très graves violations procédurales qui ont permis, en
dépit de toute logique juridique, de condamner Pascal et Bruno à la peine maximale prévue pour trafic de
drogue au cours du procès sur le fond qui s’est tenu de novembre 2014 à août 2015.
Ces violations concernent les conventions et règlements internationaux dans le domaine du droit aérien,
mais aussi la constitution et le code de procédure pénal dominicains ainsi que certaines lois
exceptionnelles s’appliquant au trafic de drogue. Ce document a été réalisé à partir du mémoire d’appel
déposé début octobre par les avocats dominicains de Pascal Fauret et Bruno Odos.
2/ DÉVELOPPEMENT
Ces violations couvrent essentiellement deux domaines qui interfèrent souvent :
§ Erreur dans la détermination des faits et la valeur de la preuve retenue
§ Violation d’une loi ou norme juridique
Rédaction HNM – 21 octobre 2015 DOCUMENT: les violations de procédures du procès sur le fond Nous prenons dans la suite un ordre à peu près chronologique pour exposer ces violations qui, même
considérées isolément, auraient dû conduire soit à l’annulation complète de la procédure, soit - a minima
- à la prise en compte pour Pascal et Bruno du statut de pilote de ligne opérant sur un vol commercial
avec les droits qui s’y rattachent (en l’occurrence, l’impossibilité de retenir une quelconque responsabilité
des pilotes par rapport au contenu des bagages du ou des passager(s))
2.1 illégalité de l’opération « d’interdiction aérienne » réalisée sur le Falcon
• L’interdiction aérienne consiste en l’arraisonnement d’un aéronef en vol qui n’obéit pas pas aux
ordres du contrôle aérien. Bien que retenu par le tribunal, ce terme n’existe pas en droit
dominicain. De plus, le Falcon était au sol,en contact avec la tour de contrôle, moteurs coupés.
• La DNCD n’avait pas la compétence pour intervenir sur l’aéroport sans la présence d’un
représentant des autorités aéroportuaires ou d’un procureur avec autorisation expresse d’un
juge. De l’aveu même du Général Rosado Mateo lors de son témoignage, ces conditions sont
impératives. Or elles n’étaient pas remplies : seuls des agents de la DNCD ont opéré pendant
plusieurs heures, sans autorisation expresse de la justice et sans respecter l’obligation
d’expliquer aux français leurs droits dans une langue qu’ils comprennent.
• Un avion « portes fermées » est considéré en vol et en espace aérien international. La DNCD
n’avait aucune compétence pour forcer l’ouverture des portes.
• L’avion disposait de toutes les autorisations de l’État dominicain et du contrôle aérien pour se
trouver là.
DÉCRYPTAGE
La DNCD (lutte anti-drogue) tenait à réaliser une opération médiatique destinée à revaloriser son
image mise à mal depuis plus d’un an par des soupçons de détournement de drogue. L’opération
semble avoir été montée de toutes pièces, dans la méconnaissance qu’il s’agissait, non pas d’un
avion privé, mais bien d’un vol commercial dûment autorisé. Cette méconnaissance prouve à elle
seule que l’opération n’était le fait que de la DNCD.
2.2 la non prise en compte du vol commercial par le tribunal
Dès le stade de l’acte d’accusation (septembre 2013), le procureur a écrit qu’il s’agissait d’un vol privé.
• Le plan de vol commercial (reçu avec accusé de réception par tous les organismes de contrôle
aérien concernés par le vol), le Certificat de Transporteur Aérien de SN THS, les contrats de
travail de Pascal et Bruno, le contrat de location de l’avion, les autorisations de l’État dominicain
pour un « vol commercial » avec numéro du vol et nom de l’exploitant (SN THS) ont été portés
au dossier et validés par la justice dominicaine,
• Le témoin de Swissport qui a opéré le handling pour le Falcon, cité par l’accusation, a reconnu
en audience, sur présentation de la facture établie le 19/3/2013, que le vol était bien de nature
commerciale.
• Christophe NAUDIN, (criminologue et expert en sûreté aérienne, auteur d’un audit sur l’aéroport
de Punta Cana en 2012) cité comme témoin de la défense, a détaillé au tribunal les
responsabilités en matière de contrôle des bagages dans le cadre des vols commerciaux. Ce
contrôle étant exclusivement du ressort de l’État, via les autorités aéroportuaires et des
prestataires désignés,
• Philippe HENEMAN (commandant de bord, instructeur), cité comme témoin de la défense, a
exposé au tribunal les critères réglementaires qui permettent de différencier un vol commercial
d’un vol privé.
Rédaction HNM – 21 octobre 2015 DOCUMENT: les violations de procédures du procès sur le fond Oui mais…
• Dans les attendus de son verdict, le tribunal n’a pas retenu en préambule qu’il devait statuer sur
la nature du vol, alors qu’obligation lui en était faite par l’audience préliminaire de juin 2014,
• En publiant dans son verdict l’attestation de l’IDAC (autorité aérienne dominicaine) il a
délibérément omis le dernier paragraphe où l’aviation civile dominicaine certifiait que le vol avait
été accepté en tant que vol commercial charter,
• Le tribunal n’a pas tenu compte du revirement du témoin de swissport sur présentation de la
facture SWISSPORT pour le handling du 19 mars 2013 (et acquittée par Bruno Odos pour le
compte de SNTHS). Le tribunal ne retient pas non plus la facture elle-même, au prétexte que
pour « garantir » les droits des accusés tout document doit être traduit et compréhensible par
ceux-ci. Or la facture est en anglais, et c’est une pièce destinée à la défense.
DÉCRYPTAGE
C’est le cœur du problème. Si le tribunal admet que le vol était commercial, il doit appliquer les
règlements internationaux dont il est signataire (Comme ce fut le cas en mai 2011 dans une
jurisprudence dominicaine concernant 2 pilotes américains, libérés quelques semaines après une
saisie de cocaïne dans les parois du cockpit de leur avion). Ce faisant, l’État dominicain admettrait
son erreur initiale et devrait restituer l’avion qui a été abusivement confisqué et dont le Général
Rosado clamait en septembre 2013 qu’il allait en faire « un avion de guet aérien ». La remise en
état de l’avion - qui a dépassé son échéance de « grande révision » - coûterait alors plusieurs
millions de dollars. Comme le déroulement du procès a permis que tous les doutes se dissipent
quant à la nature effective du vol, le sujet a tout simplement été évacué dans la « justification »
du verdict.
2.3 Les faits ajoutés a posteriori de la rédaction de l’acte d’accusation
Un certain nombre de « faits » sont apparus au cours du procès qui n’existaient pas dans l’acte
d’accusation officiel. Tenir compte de tels éléments est une violation grave du droit dominicain (art. 344.4
du code pénal dominicain). En particulier :
• Une valise se serait ouverte pendant le chargement à l’avion répandant son contenu sur le
parking à la vue de tous (déclaration de l’accusé Santana Nunez – voir plus loin pour ce point),
• Les valises auraient été introduites à travers le grillage d’enceinte découpé.
DÉCRYPTAGE
Ces éléments sont apparus via la déclaration d’un accusé (Santana Nunez) - sur laquelle nous
allons revenir plus loin – et via la déclaration du général ROSADO MATEO, chef de l’opération du
19 mars 2013. Aucune preuve de ces allégations n’a été fournie en audience si ce n’est la simple
photo d’un grillage – intègre par ailleurs - dont la position est indéterminée.
Il était donc nécessaire que l’accusation trouve des moyens supplémentaires d’incriminer les
pilotes car aucun des témoins qu’elle avait cités (agents infiltrés, employée de Swissport) n’avait
mis en cause Pascal et Bruno.
Le problème est qu’en aucun cas, au-delà de l’aspect fantaisiste de l’histoire, ces points n’auraient
dû être retenus par le tribunal : il n’en avait pas la compétence (telle que définie par l’audience
préliminaire, basée sur l’acte d’accusation de septembre 2013).
Rédaction HNM – 21 octobre 2015 DOCUMENT: les violations de procédures du procès sur le fond 2.4 La manœuvre du Procureur – épisode de la récusation du tribunal
Le 9 mars 2015 le Procureur Guzman commence la lecture de l’acte d’accusation sans se cantonner aux
prescriptions de l’audience préliminaire qui stipule de ne s’intéresser qu’aux faits du 19 septembre 2013
(arrestation des occupants du Falcon). Les avocats de la défense font objection et sont écoutés par le
tribunal qui enjoint au Procureur de s’amender. Après plusieurs échanges tendus, le Procureur finit par
demander la récusation du tribunal pour « partialité envers la défense ».
La question est renvoyée en cours d’appel, qui statue en faveur du tribunal : les juges sont confirmés
dans leurs fonctions et le Procureur débouté.
Le 20 avril 2015 l’audience reprend, mais à la surprise générale, deux des trois juges ont changé : seule
la Présidente reste en fonction.
Le procureur reprend alors à l’identique la lecture de l’acte d’accusation, les avocats de la défense
s’insurgent à nouveau, mais cette fois par deux voix contre une (celles des nouveaux assesseurs contre
celle de la présidente) le tribunal autorise le procureur à continuer. Ce faisant, le tribunal contredit sa
propre décision et ignore la portée de la décision de la cour d’appel qui donnait tort au procureur. Ce point
est potentiellement anticonstitutionnel.
DÉCRYPTAGE
Dans le même esprit que le point 2.3 ci-dessus, le procureur ne pouvait se cantonner aux faits
avérés du 19 mars 2013 au risque de rendre par trop évident que l’affaire était montée de A à Z.
D’où le retour des « trois opérations de contrôle » menées de septembre à décembre 2012 : bien
qu’écartées faute de preuves au stade de l’audience préliminaire, ces « opérations » ont le mérite
pour le procureur de pousser l’idée d’un réseau de narcotrafiquants dans lequel il sous-entend
que le Falcon est impliqué.
Pourtant, lors de ces trois opérations, le Falcon n’apparaît jamais (il s’agit de la compagnie belge
JET AIRFLY) ; mais comme il y a effectivement eu un vol SNTHS en décembre 2012 entre Saint
Tropez et Puerto Plata (le premier vol pour le client PISAPIA), le procureur tente de semer la
confusion et le doute et d’agglomérer l’ensemble.
Plus grave, cette décision incompréhensible du tribunal dans sa forme « recomposée » annonce
un parti pris favorable envers l’accusation ; c’est d’ailleurs encore une fois à 2 voix contre 1
(toujours celles des deux nouveaux assesseurs contre celle de la présidente) que la confiscation
de l’avion sera maintenue dans le jugement final.
2.5 La déclaration de Santana NUNEZ
Après la lecture des actes et l’audition des témoins et juste avant les plaidoiries de l’accusation et de la
défense, il est permis aux accusés de faire une déclaration.
L’accusé Santana Nunez prend alors la parole (fin juillet 2015) pour faire une « confession » dans laquelle
il incrimine les français, instaure l’épisode de la valise rompue qui s’ouvre sur le parking et celui du
découpage du grillage.
Cette « confession » fait suite à un accord survenu dans les derniers jours du procès avec le procureur
qui – au final –évitera complètement la prison à Santana Nunez (2 ans et demi de résidence forcée à
domicile).
Le tribunal retiendra la validité de cette confession dans son verdict final alors que :
• La parole d’un accusé envers un autre accusé ne peut être prise en compte en phase de procès
(loi dominicaine et nombreuses jurisprudences dominicaines et internationales),
Rédaction HNM – 21 octobre 2015 DOCUMENT: les violations de procédures du procès sur le fond • Une négociation de réduction de peine est illégale en phase de procès (loi dominicaine),
• La notion de confession avec réduction de peine est strictement encadrée : elle doit concerner
des faits où la responsabilité du prévenu n’est pas directement engagée et punissables de moins
de 5 années de prison. Elle ne peut intervenir que dans la phase d’enquête. Une confession avec
réduction de peine doit faire l’objet d’un contrat devant notaire pour en préciser la portée et les
limites (loi dominicaine),
• Or Santana Nunez est punissable de 20 ans de prison, il est désigné par les enquêteurs comme
l’organisateur du trafic, et sa « confession » intervient aux derniers jours du procès après un
accord avec le procureur (qui ne s’en cache pas),
• La confession de Santana Nunez comprend des incohérences avec les faits normalement
retenus par le tribunal : présence de tous les français au moment du chargement des bagages,
ouverture de la valise sur le parking, passage par le grillage, échange téléphonique avec les
pilotes (alors qu’il est précisé un peu avant qu’il ne les comprend pas car ils ne parlent pas
espagnol). C’est cette déclaration qui instaure les faits et permet au tribunal de dire abusivement
« qu’il n’y a plus de doute possible ».
DÉCRYPTAGE
Cet exemple condense le pire de ce qu’on a pu observer au cours du procès :
Ø Fabrication de preuves et de témoignage (on rappellera qu’une valise soi-disant rompue
a été apportée au procès, mais reconnue parfaitement intacte après vérification par les
avocats qui ont enlevé le scotch qui la recouvrait),
Ø Violation de la loi dominicaine, des jurisprudences locales et internationales causant
préjudice extrême aux accusés : le tribunal sort du rôle qu’il lui a été donné en accueillant
des faits non compris dans l’acte d’accusation, il méconnaît l’illégalité de l’accord
intervenu entre le procureur et Nunez, il méconnaît l’absence de valeur de l’autoincrimination de Nunez et l’assimile à une confession – et ce hors de tout cadre légal, enfin
le tribunal pratique un abus de langage grave lorsqu’il affirme que les dires de Nunez
« confirment » les faits alors qu’aucune preuve n’avait été apportée jusqu’alors (comme
on le voit d’ailleurs dans le détail du verdict).
Pour finir on rappellera aussi que le tribunal a reconnu comme circonstance aggravante la
nationalité française des accusés (en tant que la France réprime sévèrement le trafic de drogue)
et s’est servi de cet argument pour infliger la peine maximale. Les 3 dominicains qui risquent
effectivement la prison ont des peines allant de 10 à 5 ans.
CONCLUSION
Après la gestion calamiteuse de la phase préliminaire (une quinzaine d’audiences, 4 juges, délocalisation
du dossier à Saint Domingue…) qui a valu à Pascal Fauret et Bruno Odos une détention préventive audelà de la durée légale (15 mois iso 12 mois max), la procès sur le fond a donné l’image d’une justice à
géométrie variable, irrespectueuse de ses textes et des textes internationaux, dont la vocation semblait
celle d’entériner coûte que coûte un dossier d’accusation aussi vide de contenu qu’étique dans sa forme
(quelques dizaines de pages).
Il aura fallu une manœuvre illégale de dernière minute du procureur et la bienveillante cécité du tribunal
pour réussir à émettre une sentence unanimement perçue comme un scandale judiciaire.
Rédaction HNM – 21 octobre 2015 

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