26 Picon 327_340_26 Picon 327_340
Transcription
26 Picon 327_340_26 Picon 327_340
26 Picon 327/340:26 Picon 327/340 26/08/09 13:42 Page327 CONCLUSION Les cabanes de l’entre-deux mondes Bernard Picon* Chaque chapitre de ce livre atteste bien que les cabanes, cabanons et campements sont des objets indisciplinés. Ceux qui, comme de mauvais élèves, les édifient et les occupent se jouent des règles, des normes, des catégories, des clivages communément admis dans les sociétés modernes. En ce sens, les cabanes1 peuvent s’interpréter comme des manifestations de résistance passive aux formes sociales contemporaines. Leurs concepteurs piétinent allégrement les limites et passent les bornes des mondes cloisonnés de la modernité. Cette phobie de l’enfermement prend parfois des allures de refus et fleure l’impertinent parfum de la contestation des conventions établies. Au-delà de cette fonction de résistance, les cabanes et leurs activités associées sont souvent porteuses de modèles de vie. Ces modèles malgré leur côté “conservatoires de modes de vie” pré-industriels sont aussi matière à réflexion utile et forces de propositions symboliques pour imaginer un avenir où les pensées classificatoires laisseraient progressivement place à une culture de la globalité. En effet tout ce qui a été dit sur les cabanes montre à l’évidence que ces formes architecturales, les représentations, les valeurs, les rapports à la nature, au temps et à l’espace, les pratiques de sociabilité qui leur sont associées ont un dénominateur commun : la transgression des frontières. La lecture de cet ouvrage permet en effet de repérer quelques clivages, temporels, économiques, sociaux, philosophiques ou juridiques, effacés par les cabanes : Les cabanes et le temps D’abord jeu d’enfant, la cabane est aussi décrite et analysée par Sophie Sauzade comme éphémère refuge contre les interdits et l’autorité parentale. Dans les contes populaires revisités par Josiane *DESMID - CNRS ESA 5023, 1 rue Parmentier, 13200 Arles, France 1 Pour la commodité du discours et la légèreté du style, le mot “cabane” résumera dans cette conclusion, la trilogie “cabane, cabanon, campement”. -327- 26 Picon 327/340:26 Picon 327/340 26/08/09 13:42 Page328 Bru, elle devient l’abri privilégié des rituels de transition entre enfance et majorité. Plus tard encore, cette fonction de trait d’union et de refuge temporaire entre deux normalités persiste quand le jeu d’enfant devient pratique d’adulte : À Djibouti, Amina Saïd Chiré met en évidence qu’entre le passé nomade et un futur urbain, la baraque urbaine assure, sur une génération, une nécessaire “fonction sas” à la socialisation. Paul Pandolfi identifie un phénomène similaire avec les huttes des Touaregs du Hoggar, plus tout à fait tentes, pas encore maisons. Dorothée Dussy montre qu’en installant, depuis les accords de Matignon, des cabanes dans la ville de Nouméa, les Kanaks posent un geste politique et transitoire : entre leur passé pré-colonial et un futur qu’ils espèrent indépendant, ils gomment symboliquement l’autorité et la rationalité de la ville européenne. David Praile étudie un phénomène incongru pour l’urbaniste : l’habitat permanent en camping ! Cette association de mots, camping et permanent, légalement inconcevable, désigne pour l’auteur une réponse alternative aux modes d’habiter contemporains. Elle concerne 8500 résidents permanents en caravanes et chalets recensés en Wallonie en 1999. Dans ce cas, l’habitat temporaire réservé par la normalité aux pratiques de loisirs devient une réponse sociale à la permanence de la précarité ! Les cabanons méditerranéens comme ceux de Beauduc évoqués par Laurence Nicolas effacent une autre opposition temporelle issue de la modernité : le temps de travail et le temps des loisirs. Le cabanon est suffisamment proche dans l’espace pour que l’on échappe aux grandes transhumances vacancières. Ainsi on ne part pas en vacances, on va au cabanon. De plus, bricolé la plupart du temps avec des matériaux récupérés dans le cadre professionnel, entre travail et loisirs le fil n’est pas rompu. Les cabaniers sont de remarquables recycleurs. Pour Nathalie Ortar, une cabane n’est jamais finie. La notion d’inachevé définit un état permanent ! Enfin, Serge Bahuchet et Edmond Dounias, en évoquant les campements de pygmées, confortent l’idée générale qu’entre le permanent, le toujours, le plein-temps et le jamais il y a place, avec le campement ou la cabane, pour l’intermittent, le semi-permanent, l’éphémère. Les cabanes et la société Sur le plan social et économique, Carole Barthélémy, à propos des cabanes des pêcheurs d’aloses des bords du Rhône, évoque le bricolage en réseau, la valorisation de l’auto- production, la fierté de la non consommation. Avec le bricolage, prétexte à convivialité, tout comme -328- 26 Picon 327/340:26 Picon 327/340 26/08/09 13:42 Page329 Campements, cabanes et cabanons 2000 le jardinage collectif urbain, analysé par Anne Luxereau, le réseau social supplante ou côtoie les hiérarchies. La relative autarcie de la saison de pêche fait de l’éphémère réunion en une même personne du producteur et du consommateur, en la personne du pêcheur, une possible utopie. L’ambiance, l’excitation et la convivialité des campements de pêche provisoires des Ntomba du lac Tumba décrits par Hélène Pagezy, indiquent que ces traits sont assez universels parce que non cantonnés aux loisirs européens. Annie Hélène Dufour quant à elle, décortique au plus près les formes de sociabilité masculine dans les cabanons de Provence. La mesure, qu’elle soit langagière ou diététique, y est détrônée par la démesure, les statuts sociaux y sont gommés par un ordre égalitaire généralement entretenu par la dérision, la moquerie, le rire, la facétie qui limitent les possibilités de conflits. Comme l’a bien perçu Laurence Nicolas à propos des cabanons de Beauduc, la notion de “communitas” empruntée à Victor Turner, se substitue à celle de “societas”. À la dichotomie entre vie de travail et vie familiale, les hommes de certaines régions répondent par l’échappatoire du cabanon. Quand ces refuges n’existent pas, on les invente comme les hôtels capsules du Japon, situés sur le trajet domicile-travail et censés permettre d’échapper aux embouteillages. Axel Sowa montre que la convivialité masculine y prime sur la qualité du sommeil, les bars y sont immenses et les capsules où l’on dort, toutes petites. Nul doute qu’aujourd’hui où le travail des femmes est généralisé, celles-ci se “bricolent” à leur tour de modernes échappatoires. La cabane a aussi vocation à combler deux désirs opposés, la convivialité et la solitude : des cénacles de bons vivants aux ascètes des pavillons d’ermitage du Japon décrits par Murielle Hladik, ouverts sur une nature source de recueillement et de détachement, les cabanes balaient tous les possibles de la sociabilité spontanée. Elles sont même copiées pour cela. Dans le Sud Ouest de la France, Marie Dominique Ribereau-Gayon et Jean Claude Loubes montrent que les cabanes de pêche ou les palombières qui sont innombrables et constituent un véritable trait de civilisation sont réappropriées par leurs contraires : par la grande distribution comme argument publicitaire, par les architectes comme recherche conceptuelle. En en faisant un argument de vente, les publicitaires ne se sont pas trompés sur le sens profond de notre désir de cabanes. Les architectes non plus, qui, au bord du bassin d’Arcachon, reprennent le thème architectural de la cabane pour édifier des résidences secondaires “intégrées au paysage” où la nature semble pénétrer à l’intérieur même de l’édifice. Les chasseurspêcheurs, les cueilleurs, édifient leur cabane pour capturer et y faire -329- 26 Picon 327/340:26 Picon 327/340 26/08/09 13:42 Page330 entrer une nature-ressource (poisson, gibier, champignons). La démarche des architectes est identique à ceci près qu’ils capturent une nature-paysage dans d’immenses baies vitrées. À une spontanéité fonctionnelle succède une recherche esthétique. Les cabanes et les rapports nature/culture Les rapports à la nature sont récurrents à tous les types de cabanes et de campements évoqués dans cet ouvrage. Il serait fastidieux de citer l’ensemble de ces rapports dans leur dimension symbolique comme pratique. Deux enseignements importants semblent se dégager de cette richesse de contributions, l’un concernant la problématique environnementale, l’autre les rapports nature-société : tous les campements ou cabanes temporaires de chasse, de pêche, de cueillette, passés ou actuels, présentent la particularité d’être des modèles d’adaptation humaine à la nature et aux cycles de la nature. Entre société et nature, la pratique et la technique cabanière, faite généralement de prélèvements temporaires, est un modèle de durabilité : elle exploite des ressources naturelles tout en veillant à leur renouvellement. Ada Acovitsioti-Hameau démontre que la rotation des cabanes de charbonniers du Var était liée à la repousse de la forêt. Ousmane Maïga avec les cabanes de chasseurs du Djitumu au Mali, Paulette Roulon-Doko avec les campements saisonniers chez les Gbaya de Centrafrique, Yves Brugière avec le système de “l’arbé” en Vanoise, Cécilia Meynet avec les habitations temporaires sur les berges de Mopti au Mali, font tous état de phénomènes d’adaptation sociale très précise aux conditions de variations des milieux naturels (variations climatiques et chasse, niveaux d’eau et pêche, pousse de l’herbe et pastoralisme). Aux catastrophes récentes provoquées par d’abusives transformations des milieux, les campements temporaires répondent par le prélèvement adaptatif. Les auteurs indiquent souvent que ces modèles de durabilité ont disparu ou sont en régression rapide, mais il n’empêche qu’ils sont bons pour penser l’avenir. Ainsi, les exemples africains renvoient à la problématique de l’exploitation directe des ressources naturelles et à la convivialité qui lui est liée. En Europe, les mêmes pratiques dans une préoccupation ludique renverraient plutôt à une commémoration nostalgique, à la mise en scène répétée saison après saison de notre passé de libres chasseurs-cueilleurs… La cabane serait aussi mémoire. Floreal Jimenez, en faisant l’analyse cinématographique du rôle considérable de la cabane dans la formation de la culture Nord -330- 26 Picon 327/340:26 Picon 327/340 26/08/09 13:42 Page331 Campements, cabanes et cabanons 2000 Américaine, pose une question complexe de ce côté-ci de l’Atlantique. Pour l’Américain, la cabane (du trappeur ou du colon) relève tout autant de la symbolique de la “frontière” que de la transition entre le sauvage et le civilisé. La cabane relève aussi de la fusion entre Nature individuelle, intérieure et intime, faite de pulsions naturelles ou de recherche d’innocence originelle (wildness) et Nature extérieure et sauvage (wilderness). Contrairement à cela, en France, la rationalité naturaliste oppose ces deux notions et désigne l’homme et ses pulsions naturelles comme perturbateurs des processus naturels. Cette idéologie du clivage culture-nature est nettement sensible dans l’aménagement du territoire : Cécilia Claeys Mekdade montre à propos des campeurs dits “sauvages” du littoral Camarguais que leurs désirs profonds et naturels de liberté et de rapports conviviaux avec la nature sont contrés par l’idée administrative de préservation de cette même nature. Quoi de plus naturellement humain que de vouloir camper sur une plage et contempler la mer ? Au nom de la protection d’une supposée nature vierge extérieure à l’homme, les autorités tentent de limiter, voire interdire, ces pratiques passionnelles. Le bras de fer continue. Pourtant à la rationalité aménagiste consistant à opposer “espace naturel” et “espace urbain” et qui génère une consommation de nature énergétiquement coûteuse en déplacements, les campeurs apportent une réponse unifiante : spontanément, sans que cela corresponde à la moindre stratégie aménagiste, ils parviennent à concilier en un même lieu, tourisme balnéaire et préservation du littoral. Où ailleurs qu’en ce lieu, connaît-on une ville balnéaire de quelques milliers d’habitants qui s’autoconstruit début juillet et se déconstruit fin août ? Le reste de l’année, “la sauvagerie” des lieux est surprenante. On peut par contre s’interroger sur l’effet que produirait sur ces platitudes l’alternative, souvent proposée de “structures d’accueil en dur intégrées au site” ! Les cabanes et le droit À propos de politique environnementale, Jean Louis Vassalluci et Pierre Marie Bernadet proposent que ces alternatives deviennent de véritables objets de débats au plan des politiques publiques : pour eux, les us et coutumes devraient parfois être confrontés au “sans titre ni droit”. Les cabanes ont des réponses sociales souples à la rigidité de l’univers des règles. Elles s’adaptent à celui ci comme aux conditions naturelles. L’affaire des paillotes “illégales” du littoral Corse est ainsi matière à réflexion : en quoi un littoral naturel ponctué de quelques -331- 26 Picon 327/340:26 Picon 327/340 26/08/09 13:42 Page332 paillotes est-il moins tolérable qu’un littoral légalement bétonné ? En effet, au nom de quelles représentations le fameux “mur de béton” de la côte d’Azur est il mieux accepté que quelques cabanes ? La zone de Beauduc démontre que la précarité de la cabane est souvent la seule réponse possible à l’instabilité et à la mouvance des bancs de sables, des dunes et des marais. Le flou juridique les concernant relève de la même adaptation à l’univers des règles qu’aux caprices de la Nature : “le toléré” rejette dos à dos l’interdit et l’autorisé. “L’occupant” n’est ni locataire ni propriétaire, “l’usage des lieux” n’est ni appropriation privée ni appropriation publique. Les cabanes ignorent ainsi les catégories juridiques du bâti et du non bâti, du dedans et du dehors, du naturel et de l’artificiel. Étant tout à la fois, elles échappent aux grandes juridictions habilitées à légiférer sur les territoires urbains, ruraux et naturels ; elles constituent sur leurs marges des refuges contre ces machines à écarteler. Elles relèvent de l’insupportable univers du flou. Le flou est une dérogation aux catégories. Il est hors normes et donc hors la loi. L’urbanité a ses urbanistes et son ministère, la nature a ses protecteurs et son ministère, les cabanes n’ont aucun gardien et ne peuvent bénéficier que d’une certaine indifférence juridique et sociale. Paradoxalement, leur reconnaissance pourrait être un danger mortel : Les incertitudes naturelles ou normatives concernant leur avenir sont garantes de leur permanence en tant qu’abris temporaires. La certitude de durer serait leur perte, la transformation en résidence permanente étant alors inéluctable. La cabane, un acte critique Ainsi, malgré sa modestie, la survivance au quotidien du monde cabanier possède une puissance métaphorique considérable : elle est à la fois image de résistance aux multiples fractures contemporaines et parabole réunificatrice. L’étonnante variété des exemples développés révèle de surcroît que par sa diversité et sa quantité insoupçonnable, le monde des cabanes est plus qu’un symbole : une part non négligeable de la population, à travers cette pratique discrète, garde un pied en marge de la société dominante. Derrière la légèreté du thème qui en a fait sourire plus d’un lorsqu’il a été proposé de rassembler ces textes, se dissimule un sens plus profond : une “modernité réflexive” (Giddens, 1987)2 qui ne dirait pas son nom parce que s’exprimant à travers des pratiques populaires. Plus que réflexion avouée, la critique de la raison passe ici par un 2 Giddens, A., 1987. La constitution de la société, Éléments de la théorie de la structuration, PUF. Paris. -332- 26 Picon 327/340:26 Picon 327/340 26/08/09 13:42 Page333 Campements, cabanes et cabanons 2000 vécu souvent contestataire et parfois contesté : hormis en Afrique ou au Japon où elle a souvent un sens sacré, la cabane choque les convenances établies parce qu’elle n’est en conformité avec aucun schéma établi, avec aucune esthétique reconnue, avec aucune tentative patrimonialisante. Évoluant avec des matériaux de récupération, elle ne peut être, pour le gestionnaire, ni témoin du passé ni orgueil du présent. On l’a vu, les catégories du passé et du présent n’affectent pas les pratiques cabanières. Quelques aménageurs imprégnés d’idéologies passéistes par l’air du temps ont parfois des idées de classement pour les jolies cabanes “authentiques” d’autrefois et de démolitions pour les “vilaines” cabanes contemporaines. Mais en mutant sans cesse, les cabanes font échec aux pensées classificatoires. Ne relevant ni du passé ni d’un ailleurs lointain, elles sont pourtant présentes au sein d’une société très clivée, très normée, très régulée. Innombrables mais discrètes, leur nombre est en soi un message, message de refus ou invitation à réfléchir à d’autres destins. En effet, les cabanes sont dans les paysages contemporains, omniprésentes : cabanes de travail comme les cabanes de pierre qui ponctuent les vignobles provençaux, cabanes où l’on s’abritait, où l’on cassait la croûte, où l’on remisait les outils dans certaines parcelles trop à l’écart du village ou de la ferme. Cernées de ronces et souvent effondrées, ces intermédiaires entre les maisons et les champs sont dorénavant inutiles. La vigne est accessible en voiture. Contrairement aux cabanes de bergers, de pêcheurs, de chasseurs, de jardiniers, ces cabanes des vignes n’ont pas survécu comme lieux de loisirs. Leur environnement immédiat, les ceps de vigne, n’ont pas l’attrait des montagnes, des rivages, des forêts ou de la verdure péri-urbaine. Ce constat indique déjà que l’objet cabane, que ce soit dans le cadre du travail ou des loisirs, ne peut se concevoir indépendamment de son espace immédiat et du temps. Du travail aux loisirs, son usage n’a de sens que dans le cadre de rapports généralement temporaires avec le milieu environnant (chasse, pêche, cueillette, agriculture, pastoralisme, jardinage, loisirs balnéaires ou d’altitude, pratiques festives). Avec la cabane ou le campement, l’individu met à la portée de sa main les ressources naturelles, agricoles, pastorales ou ludiques qu’il convoite. Comme en témoigne cet ouvrage, cette fonction transitionnelle de la cabane dépasse largement le seul cadre des usages et des pratiques. Elle est présente dans tous les mythes, les contes, les légendes, les romans, les films qui traitent de rites de passage ou de quêtes de toutes sortes. Par exemple, la plupart des romanciers qui ont choisi de situer leur action en Camargue traitent d’une même question. Dans la “La bête -333- 26 Picon 327/340:26 Picon 327/340 26/08/09 13:42 Page334 du Vaccarès” de Joseph d’Arbaud (1924), “Malicroix” d’Henri Bosco (1948), “L’étang Réal” de Joseph Peyré (1949), un héros ou une héroïne généralement assez “civilisé” est en quête d’ensauvagement. Pour parvenir à l’objectif final de fusion complète avec la Nature, il sera initié par un être humain ou non, secret et sauvage, qu’il faudra apprivoiser avec patience, et l’apprentissage bien entendu passe toujours par un séjour plus ou moins prolongé dans une cabane. Entre la ville ou le village d’où l’on vient et l’immersion dans cette nature si convoitée, il existe un intermédiaire cabanier. Enfin, que l’on me pardonne une réappropriation scientifique : cet objet qui ne survit parfois qu’à travers les interdits qui le frappent, est un formidable outil de réflexion : Il est banal d’affirmer que l’approche comparative est indispensable à l’analyse scientifique des faits sociaux mais elle exige souvent de coûteux déplacements dans le temps ou dans l’espace. Avec les cabanes, il s’agit d’un simple voyage dans nos propres marges où s’inscrivent des modèles de vie et de rapports sociaux différents donc utiles à la compréhension de la normalité mais difficilement perceptibles parce que souvent cachés. Les cabanes peuvent s’interpréter comme des modèles “unifiants” opposables aux modèles “classifiants” de la modernité (Degenne, 1986)3. En ce sens elles sont une parabole pour penser la globalité et c’est pourquoi j’ai coutume de qualifier ma démarche de recherche en sciences de l’environnement de démarche cabanonière : convaincu que si l’on ne relie pas ce que la culture moderne nous a appris à séparer, il sera toujours vain de tenter de penser autrement les rapports que les sociétés entretiennent avec leurs ressources naturelles. L’interdisciplinarité sciences de l’Homme - sciences de la Nature, aux marges des grands cloisonnements disciplinaires est une sorte de cabane scientifique. La métaphore cabanière est une de ces ruptures épistémologiques indispensables à la critique des catégories de la modernité. 3 Degenne, A., 1986. Un langage pour l’étude des réseaux sociaux, in : l’esprit des lieux- Localités et changement social en France, Ed. du CNRS. Paris. -334- 26 Picon 327/340:26 Picon 327/340 26/08/09 13:42 Page335 01 Brun 20:01 Brun 20 26/08/09 12:40 Page2 Travaux de la Société d’Écologie Humaine Directeur de la Publication : Nicole Vernazza-Licht Déjà parus : L’homme et le Lac, 1995 Impact de l’homme sur les milieux naturels : Perceptions et mesures, 1996 Villes du Sud et environnement, 1997 L’homme et la lagune. De l’espace naturel à l’espace urbanisé, 1998 L’homme et la forêt tropicale, 1999 Cet ouvrage trouve son origine dans les XIe journées scientifiques de la Société d’Écologie Humaine qui se sont déroulées les 25, 26 et 27 novembre 1999 à Perpignan. Elles ont été organisées avec la collaboration des organismes suivants : • Direction de l’Environnement de la ville de Perpignan • Équipe DESMID (Dynamiques Écologiques et Sociales en Milieu Deltaïque, CNRSUniversité de la Méditerranée, Arles) • IDEMEC (Institut d’Ethnologie Méditerranéenne et Comparative, CNRS-Université de Provence, Aix-en-Provence) • Laboratoire Population Environnement, Université de Provence, Marseille SOCIÉTÉ D’ÉCOLOGIE HUMAINE Case 71, Université Victor-Segalen/Bordeaux 2 146, rue Léo Saignat 33076 Bordeaux Cedex, France Les opinions émises dans le cadre de chaque article n’engagent que leurs auteurs. Ces journées et l’édition de l’ouvrage ont bénéficié du soutien financier de la Ville de Perpignan, de la DRAC Languedoc-Roussillon et du Conseil Régional PACA. Dépôt légal : 4e trimestre 2001 ISBN 2-9516778-1-2 ISSN 1284-5590 Tous droits réservés pour tous pays © Éditions de Bergier 476 chemin de Bergier, 06740 Châteauneuf de Grasse [email protected] 01 Brun 20:01 Brun 20 26/08/09 12:40 Page3 CABANES, CABANONS ET CAMPEMENTS Formes sociales et rapports à la nature en habitat temporaire Éditeurs scientifiques Bernard Brun, Annie-Hélène Dufour, Bernard Picon, Marie-Dominique Ribéreau-Gayon 2000 01 Brun 20:01 Brun 20 26/08/09 12:40 Page4 Contributions photographiques p.15 B.Brun p.34 S.Sauzade p.71à 88 M-D Ribéreau-Gayon p.89 à 108 J-P Loubes p.123 à 132 Y.Brugière p.133 à 144 C.Meynet p.215 à 230 L.Nicolas p.231 à 242 C.Claeys-Mekdade p.257 à 268 Musée des Arts et Traditions Populaires de Moyenne Provence, Draguignan M.Heller, G.Roucaute, Inventaire Général Collection C.E.M. p.269 à 284 J-M.Marconot p.303 B.Chérubini p.337 G.Lestage Les noms des auteurs des photographies couleur apparaissent dans les cahiers séparés : après page 160 : M.Hladik, M-D. Ribéreau-Gayon, E.Dounias après page 192 : H.Pagezy, Y.Poncet après page 256 : A-H.Dufour, L.Nicolas, A.Acovitsióti après page 320 : A.Dervieux Photographie couverture (D.Baudot Laksine) : cabanon à Opio Photographie quatrième de couverture (E.Dounias) : Hutte-grenier tikar en cours de construction à proximité d'un champ de maïs. Les 2 niveaux de la hutte sont bien visibles : lieu de résidence à l'entresol, grenier au second niveau. Cette construction perdure plusieurs années.