Le sevrage et les besoins alimentaires du chaton

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Le sevrage et les besoins alimentaires du chaton
Conférence du Dr Grégory Casseleux : « Le sevrage et les besoins
alimentaires du chaton »
Royal Canin Recherche & Développement, Support Scientifique.
Notes prises lors de la Convention Internationale Féline Royal Canin des 13, 14 & 15 avril
2010
Le sevrage est défini comme le passage de l’alimentation lactée à l’alimentation
solide. C’est une étape indispensable à l’élevage des chatons qui n’est pas toujours facile à
gérer. Souvent appelée « période critique », cette période est charnière dans la vie des
chatons. L’objet de cette conférence est de repositionner le sevrage sous différents points de
vue.
AUGMENTATION DE LA DENSITE DE POPULATION = AUGMENTATION DU RISQUE
INFECTIEUX
Plus d’individus cohabitent, plus le risque infectieux est important. Par exemple, nos enfants
sont souvent contaminés par les maladies infantiles dans les crèches ou les écoles !
Il en est de même pour l’espèce féline. Cette affirmation peut être confirmée par une règle
épidémiologique s’appelant E = n² - n
E représente le nombre de contaminations possibles et n le nombre d’individus cohabitant.
Ainsi, en élevage félin si on a 2 femelles le risque est égal à 2 (car 2²-2=2). Si ces deux
femelles venaient à avoir 4 chatons en même temps tout en maintenant leur cohabitation, le
risque passerait à 90 (10²-10=90). En d’autres termes, le risque serait multiplié par 45.
Le sevrage par l’augmentation de densité de population qu’il génère facilite donc la
transmission des agents infectieux.
LE SEVRAGE DU POINT DE VUE COMPORTEMENTAL
Le développement comportemental est globalement plus court chez le chaton que chez le
chiot. La notion de « période sensible » est souvent associée aux phénomènes se déroulant
autour du sevrage.
Juste avant le sevrage, le chaton commence à se mouvoir en rampant puis en supportant son
corps et en marchant. Les reflexes primaires commencent à disparaître, signe d’une bonne
maturité neurologique.
C’est durant cette période que l’attachement devient réciproque, c’est-à-dire que les chatons
tissent une relation forte d’attachement avec leur mère et leur fratrie : en conséquence,
l’adoption devient impossible ! Ce phénomène d’attachement est lié à la socialisation intraspécifique et à l’imprégnation. En d’autres termes, c’est à ce moment que le chaton «
comprend » qu’il appartient à l’espèce féline. C’est cette acquisition qui va permettre au
chaton d’interagir avec ses congénères. Cette socialisation intra-spécifique est considérée
comme indélébile, c’est-à-dire que le retour en arrière est impossible ! Elle est optimale
lorsque la portée comprend plusieurs chatons.
S’en suit la période de socialisation ou comment le chaton apprends à gérer… Cette période
débute à la fin de la deuxième semaine. Les auteurs n’ont pas tous le même point de vue sur
l’âge auquel elle se termine (7 à 9 semaines) mais ils s’accordent pour dire qu’elle est plus
courte que chez le chien. Durant cette période, le chaton va apprendre à interagir avec ses
congénères, voire avec des êtres appartenant à d’autres espèces (homme, chien…). Il va
également acquérir un comportement lui permettant de mieux appréhender l’environnement
(découverte de la nouveauté…). Jusqu’à 6 semaines en moyenne, le chaton ne craint pas le
nouveau et va « stocker » tout ce qui pourra lui être présenté dans sa « base de donnée ». Cette
socialisation inter-spécifique est réversible, c’est-à-dire qu’il faudra s’attacher à l’entretenir
durant toute la vie du chat si, par exemple, on veut maintenir des liens forts avec ses chats. Si
cette socialisation à l’homme se passe mal, cela se traduira par des agressions soit par peur,
soit territoriale (c’est-à-dire pour faire fuir l’étranger).
Durant la période de socialisation, la mère joue un rôle important notamment dans
l’acquisition des auto-contrôles. Elle doit par exemple interagir avec ses chatons durant les
phases de jeu: régulation en décidant de l’arrêt de la phase de jeu, punitions lors d’agression.
Il est important de laisser faire la mère afin de ne pas transformer les « petites boules de poils
» en « chaton mordeur/griffeur ».
Enfin, c’est à ce moment, que l’environnement doit être enrichi afin que le chaton renseigne
sa « banque de données ». L’enrichissement peut être sonore (télévision, enfants…), nurserie
comprenant des « jeux d’éveil » (tunnels, tissus…).
LE SEVRAGE D’UN POINT DE VUE PARASITAIRE
Les parasites digestifs se développent plus facilement chez le chaton que chez l’adulte pour de
multiples raisons :
- augmentation de la densité de population facilitant les cycles parasitaires ;
- acquisition du comportement de toilettage facilitant l’ingestion des œufs de parasites ;
- disparition du reflexe périnéal qui rend le chaton continent et qui l’amène à aller dans
les litières, source de contamination.
Mais l’exemple le plus flagrant est probablement le cycle de Toxocara cati, ver rond. Ce vers
s’est parfaitement adapté au cycle de reproduction de la chatte. Par exemple, il est capable de
passer dans le lait de la chatte et de contaminer les chatons lorsque ces derniers tètent leurs
mères.
En pratique, une bonne gestion de la pression parasitaire nécessite :
- d’identifier les parasites circulant dans l’élevage (coproscopies parasitaires
régulières) ;
- d’apprendre leur mode de vie ;
- et enfin, d’adapter les méthodes de lutte.
LE SEVRAGE D’UN POINT DE VUE INFECTIEUX
La période critique correspond au laps de temps durant lequel les anticorps venant de la mère
(colostrum) ne sont plus assez concentrés pour protéger efficacement le chaton. Mais dans le
même temps, leur concentration est encore assez élevée pour empêcher une vaccination
efficace en neutralisant les antigènes vaccinaux.
C’est un événement qu’il va falloir apprendre à gérer en collectivité, car c’est durant cette
période que le chaton est le plus sensible aux agents pathogènes circulant dans l’élevage.
Elle apparaît entre 4 et 12 semaines (voire plus). Cette grande variabilité est le fait que chaque
chaton a sa propre période critique qui dépend essentiellement de trois facteurs :
- le taux d’anticorps colostraux relié au taux sérique d’anticorps maternels ;
- le volume de colostrum ingéré dans les premières heures de vie ;
- la vitesse de croissance du chaton. Cette croissance provoque un phénomène de dilution des
anticorps sériques du chaton. Ainsi, paradoxalement, ce sont les plus gros chatons qui auront
des périodes critiques plus précoces et qui seront atteints les premiers.
La bonne connaissance de ce phénomène permet d’expliquer une majorité des maladies du
chaton en période critique. Par exemple, les maladies les plus susceptibles d’atteindre les
chatons en période critique sont celles contre lesquelles la mère est vaccinée ; les épisodes de
maladies post-vaccination ne sont souvent pas liés au pouvoir pathogène résiduel de certains
vaccins, mais à leur utilisation trop précoce (les antigènes vaccinaux consommant les
anticorps maternels protecteurs).
LE SEVRAGE D’UN POINT DE VUE ALIMENTAIRE
Le sevrage est une étape obligatoire pour permettre le bon développement des chatons
pour trois raisons.
- Physiologiquement, les besoins alimentaires du chaton augmentent avec l’âge alors
que la mère voit sa sécrétion lactée diminuer. La croissance étant très consommatrice
d’énergie, la nourriture lactée (qu’elle soit naturelle fournie par la mère ou artificielle fournie
par l’éleveur) devient insuffisante pour couvrir les besoins du chaton.
- D’autre part, le mode de préhension de l’aliment change durant les premières
semaines de vie du chaton. Le réflexe de tétée est présent dès la naissance et permet une prise
lactée dès les premiers instants de vie. Vers l’âge de 2-3 semaines, il n’est pas exceptionnel
d’observer des chatons laper dans la gamelle de la mère. Enfin, la capacité à mastiquer
apparaît un petit peu plus tard vers l’âge de 3-4 semaines pour les plus « dégourdis ». Ainsi,
dès l’âge de 4 semaines, le chaton peut chercher à « piocher » dans les croquettes de la mère
ou à lécher les babines de celle-ci lorsqu’elle vient de s’alimenter.
- Enfin, les capacités digestives du chaton changent durant la croissance. En tout début
de vie, l’enzyme la plus active est la lactase. Cette enzyme permet la digestion du lactose qui
est le sucre le plus présent dans le lait maternel. L’activité de cette enzyme diminue, ainsi le
chaton en vieillissant digère de plus en plus mal le lait.
Pour éviter toute pathologie liée à une insuffisance d’apport ou à des apports non
adaptés à sa physiologie, le sevrage reste un événement incontournable dans la vie des
chatons.
QUAND EFFECTUER LE SEVRAGE ?
La date idéale de sevrage change selon le point de vue où l’on se place :
• lorsque l’on se place du côté de la mère, il serait souhaitable que le sevrage
intervienne le plus tôt possible pour la préserver pour ses prochaines portées ;
• pour les chatons, il serait préférable que le sevrage se déroule le plus tard possible
pour limiter le stress et favoriser les contacts sociaux avec la mère.
Ainsi, l’éleveur doit choisir une date intermédiaire qui permet à la fois de préserver la
femelle mais aussi de proposer aux chatons un bon développement comportemental.
Durant ses premières semaines de vie, le chaton gagne du poids tous les jours. Cette prise de
poids quotidienne est appelée GMQ (Gain Moyen Quotidien). Il est exprimé en grammes par
jour. Il reflète l’état de santé du chaton.
En théorie, le « sevrage idéal » doit commencer quand le GMQ diminue. L’éleveur peut donc
commencer à apporter de la nourriture solide à partir de la quatrième semaine et augmenter
progressivement les quantités. En pratique, la date du sevrage va varier en fonction de
multiples facteurs. Ainsi, on comprend aisément que si la portée est de grande taille ou que la
mère présente une hypogalactie (baisse de la sécrétion lactée) voire une agalactie (absence de
sécrétion lactée), le sevrage devra être anticipé.
La date du sevrage peut être avancée également dans les chatteries confrontées à une
épidémie de Péritonite Infectieuse Féline. Dans ce cas, pour éviter la contamination des
chatons par des coronavirus, il est parfois souhaitable de mettre en place un sevrage précoce
définitif vers l’âge de 4 semaines.
DEROULEMENT PRATIQUE DU SEVRAGE
Le sevrage, comme nous l’avons déjà signalé, est une période génératrice de stress
pour le chaton. Cette étape doit être préparée avec soin. Dès que l’éleveur a décidé de
commencer le sevrage, il doit laisser à disposition l’aliment dans une gamelle accessible à
tous les individus de la portée. Une gamelle large avec rebords bas doit être préconisée. Cette
gamelle peut contenir en début de sevrage un aliment solide humidifié avec du lait maternisé
puis de l’eau ou un aliment humide formulé en fonction des besoins nutritionnels du chaton.
L’essentiel est de respecter certaines règles incontournables : augmentation
progressive des quantités pour couvrir les besoins énergétiques, renouvellement régulier de la
gamelle pour éviter toute mauvaise conservation et éviter que l’aliment soit souillé.
Quand l’éleveur peut contrôler les prises d’alimentation lactée (lors d’allaitement artificiel), il
est souhaitable de diminuer le nombre de biberons la semaine précédant le sevrage et de
proposer systématiquement après chaque biberon de la nourriture solide. La semaine suivante,
certains éleveurs inversent alors les deux types d’alimentation en proposant l’alimentation
solide avant chaque biberon pour inciter les chatons à préférer la nourriture solide. Ce
phénomène peut être envisagé lors d’allaitement naturel en proposant de la nourriture solide
après chaque tétée.
Dans tous les cas, le critère principal du bon déroulement du sevrage est la bonne prise
de poids en vérifiant le GMQ par une pesée quotidienne. En cas d’arrêt de la prise de poids
pendant deux jours, n’hésitez pas à re-proposer un ou deux biberons en complément.
Le sevrage ne doit pas durer trop longtemps, un sevrage ayant débuté vers 4 semaines doit
être terminé vers 7 semaines.
CONCLUSION
Le sevrage représente avec la période néonatale une étape délicate de l’élevage des
chatons. La date et son déroulement ne peuvent être arbitrairement fixés. L’expérience de
l’éleveur permettra de gérer de mieux en mieux cette étape qui restera pour chaque portée
différente. En pratique, chaque sevrage devra être adapté à chaque fois aux facteurs
environnementaux (comportement maternel, état de santé des chatons, éveil des chatons, …)
tout en respectant les quelques règles fondamentales incontournables citées auparavant.