REVUE DE PRESSE – AVRIL/MAI 2011

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REVUE DE PRESSE – AVRIL/MAI 2011
REVUE DE PRESSE – AVRIL/MAI 2011
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Sommaire
Le 23/05/2011 : JournalTunisie.info ................................................................. 4
http://journaltunisie.info/2011/05/23/non-musulmans-pas-moins-tunisiensl%E2%80%99affaire-nadia-al-fani/
Le 19/05/2011 : Le Monde.fr .................................................................................. 7
http://www.lemonde.fr/festival-de-cannes/article/2011/05/19/a-cannes-la-revolution-ducinema-arabe_1524141_766360.html
Le 18/05/2011 : Afrik.com ......................................................................................... 9
http://www.afrik.com/article22876.html
Le 17/05/2011 : Le Figaro.fr ...................................................................................11
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/05/17/97001-20110517FILWWW00675-nadia-el-fanimon-film-fait-peur.php
Le 12/05/2011 : Marianne2 ...................................................................................12
http://www.marianne2.fr/Tunisie-la-cineaste-Nadia-El-Fani-traquee-par-lesislamistes_a206057.html
Le 10/05/2011 : Le Nouvel Observateur.com ........................................14
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/les-revolutions-arabes/20110508.OBS2625/tribunelaicite-in-chah-allah.html
Le 09/05/2011 : Rue89 ...............................................................................................16
http://www.rue89.com/2011/05/09/nadia-el-fani-realisatrice-tunisienne-menacee-de-mortparce-quathee-203068
Le 23/04/2011 : Le Nouvel Obs ...........................................................................18
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JournalTunisie.info
23 mai 2011
Non musulmans, pas moins Tunisiens.
L’affaire Nadia Al Fani
By Ons Bouali
Un tube digestif, voilà à quoi ressemble le peuple tunisien dans un discours chiraquien. Tant
qu’ils « se soignent, ont des écoles et mangent », il est vain pour les Tunisiens d’aspirer à
davantage de liberté et de droits. Une Révolution plus tard, toutes les libertés ne se valent –
toujours- pas. La liberté de conscience n’est pas à l’ordre du jour. C’est une revendication «
de salon », minoritaire donc secondaire. La priorité est aux problèmes de chômage.
C’est à croire que cette Révolution a été faite pour qu’au tube digestif s’ajoute une main
laborieuse et que des revendications « travail, liberté et dignité », toutes trois scandées dans
les rues tunisiennes, ne demeure qu’une seule. Le travail, aussi indispensable soit-il, ne saurait
épuiser à lui seul notre dignité. Celle-ci réside également dans notre liberté de penser, de
choisir, d’avoir des convictions et de suivre ou non une religion, sans que nous soyons
fustigés et condamnés dans notre pays.
« Ni Allah ni maître » : un réquisitoire contre une double dictature
Ni Allah ni maître, titre Nadia Al Fani, cinéaste tunisienne, son dernier film. Provocateur pour
certains, ironique pour d’autres, « lé rabbi lé sidi » serait la version tunisienne de « Ni Dieu ni
maître », expression de Louis Auguste Blanqui désignant, depuis la fin du XIXe siècle, le
refus de toute soumission à une autorité indiscutable, religieuse ou politique soit-elle.
La caméra de Nadia Al Fani nous replonge dans l’ère bénalienne et met à découvert la mise
en scène ramadanesque : des cafés recouverts de papiers journaux, enfumés, bondés, où les
dé-jeûneurs de tous âges s’entassent. Discrétion disent les uns, hypocrisie répondent les
autres. A y voir de plus près, il n’y a qu’oppression sociale sous la bannière religieuse.
« Ni Allah ni maître » ne s’attaque pas à l’Islam mais à son instrumentalisation pour but de
réduire le champ des libertés individuelles. Le documentaire dérange parce qu’il nous met
face à nous-mêmes. Il nous donne à voir l’hypocrisie pathologique dont nous souffrons, la
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schizophrénie religieuse de notre société. A qui la faute ? La surenchère religieuse du régime
Ben Ali. Il a banni les islamistes, surveillé de très près les fidèles, réprimé les voilées mais
pour nous tenir en liesse, il a exhibé une islamité de vitrine, une sorte de folklore religieux
comme la coupure des programmes audio-visuels par l’appel à la prière, la banque islamique
Zitouna et le Hadj de la famille régnante.
Les Djihadistes du net : « Si vous voulez défendre Allah, cliquez sur j’aime »
Depuis ses déclarations sur Hannibal TV, relayées par un montage diffamatoire qui fait le tour
du net, Nadia Al Fani fait l’objet d’une campagne haineuse. Plusieurs pages facebook ont été
créées pour regrouper les gerbes verbales et rivaliser d’insultes ignominieuses, d’incitations à
la haine et au meurtre. Tout ça pour avoir dit : « Je suis athée et j’ai le courage de le dire. »
Nier l’existence de Dieu par la pensée et la parole le fait-il disparaître ? Non. L’athéisme de
certains empêche-t-il la foi des autres ? Non plus. La foi et la non-foi sont des états de
profonde conviction. Croire ou ne pas croire est une adhésion individuelle, un assentiment
insuffisant objectivement (l’athéisme tout comme la croyance manquent de preuves,
autrement ils seraient un savoir) mais suffisant subjectivement (il s’agit de convictions
personnelles et parfaites qui excluent le doute pour celui qui y adhère). Alors en quoi les
propos de la cinéaste sont-ils offensants ?
Si le mot « guerre » a pu dérouter les esprits, qu’on les rassure. Il n’y a point de Djihad athée
défendu à l’épée ou avec une Kalachnikov à la Psycho-M. C’est de guerre idéologique et
intellectuelle que Nadia Al Fani parle. Une guerre contre le diktat humiliant, le dogmatisme
religieux aliénant, le prosélytisme étouffant, contre tous ceux qui utilisent la religion pour
contrôler la pensée et les actes des croyants et non-croyants.
Que vous soyez musulmans comme des millions de Tunisiens ou athées, juifs, chrétiens,
bouddhistes, agnostiques comme des milliers d’autres, vous n’échappez pas à ce dogmatisme.
Vous êtes croyants mais pas musulmans, vous êtes musulmans mais vous ne jeûnez pas, vous
jeûnez mais buvez de l’alcool, vous ne buvez pas d’alcool mais vous ne priez pas non plus,
vous priez mais ne portez pas le voile…Bref, cherchez votre combinaison mais c’est tout
comme pour le dogmatique, il aura toujours une raison pour s’en prendre à vous.
Quand les médias enfoncent le clou
La salle du Mondial était bel et bien comble le soir du 24 avril mais sur les vingt-cinq milles
membres de ces groupes de la haine, combien ont vu le film ? Où était l’auteur de l’article*
cynique « Tunisie : Athée sur Hannibal TV, homos au ciné » le soir de la projection ? Samy
Ben Naceur a-t-il vu le film avant d’avancer « Nadia El Fani revient à la charge, en
s’attaquant, cette fois, à la religion » ou l’honnêteté intellectuelle lui fait défaut ? Il était sans
doute connecté, occupé à auditer les pages Facebook. Il se presse de nous révéler le scoop de
la semaine : les pages d’insultes regroupent plus de vingt milles fan alors que « la page de
soutien à Nadia El Fani, ne réunit encore que 1147 fans », suivez mon regard…
Le geek de Tekiano ignore sûrement que le nombre ne fait pas la raison. Plutôt que de
s’indigner contre ces groupes d’énergumènes abjects qui menacent la vie de la cinéaste
comme d’autres ont agressé le réalisateur Nouri Bouzid et violé l’enceinte des lieux de
culture, il les banalise. La liberté d’expression n’est pas son combat et pour cause, se
contenter de rapporter des informations biaisées de Facebook, sans réflexion de fond ni prise
de position, ne nécessite pas de liberté d’expression, ni de courage d’ailleurs.
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Autre média poltron : Hannibal TV. Suite à la polémique, la chaîne se rétracte. La journaliste
qui a fait le reportage sur le film est congédiée et une bannière défile sur le petit écran « Les
propos de Nadia Al Fani n’engagent que sa personne. » Prévisible. Les islamistes gagnent du
terrain et Hannibal TV n’hésite pas à les servir. La baudruche médiatique ne s’éloigne jamais
longtemps de son unique ligne éditoriale : la démagogie sur fond d’opportunisme. Flatter le
plus fort, quitte à nier la liberté d’expression. S’adresser aux passions humaines au point de
cautionner la haine et le crime. Et tant pis pour la liberté de conscience, la liberté d’exister
selon ses convictions, tant pis pour la dignité en somme…ça sera pour une autre Révolution.
Derrière la polémique, un enjeu socio-politique
La haine aveugle des extrémistes sonnera le glas sur l’Islam tunisien connu pour être tolérant,
éclairé et authentique. C’est aux musulmans modérés et raisonnés de se réapproprier l’Islam,
de faire valoir ses valeurs les plus nobles et de ne pas laisser champ libre aux plus fanatiques.
Si nous ne nous opposons pas dès aujourd’hui, avec stoïcisme, à toute forme de violence
morale et physique à l’encontre des minorités confessionnelles et idéologiques, c’est notre
arrêt de mort que nous signons.
C’est de notre intolérance que nous construisons l’entonnoir du « fascisme vert », une
machine aveugle qui broie tous ceux qu’elle juge différents. Une arme de destruction massive
qui a fait des millions de victimes en Iran, au Soudan, au Pakistan, en Arabie Saoudite, en
Egypte et ailleurs. L’Histoire ne compte plus le nombre de crimes perpétrés par des monstres
qui se prennent pour les justiciers de Dieu et qui, visant le paradis, nous ramènent l’enfer icibas. Vous taire quant aux agissements des fanatiques, c’est leur donner raison et porter
préjudice au vivre-ensemble renaissant et à la noblesse de l’Islam tunisien. Le silence et la
censure des modérés sont le terrain des extrémistes et la haine d’aujourd’hui nourrit les
atrocités de demain.
Nul besoin d’être athée ou artiste pour se sentir concerné par l’affaire Al Fani. L’enjeu sousjacent réside ailleurs, dans la démocratie et la citoyenneté qui sont à construire. Une
démocratie qui ne garantit pas la liberté de conscience et donc les droits des minorités n’en est
pas une. De même, une citoyenneté tunisienne qui veut s’apparenter à la Ouma est une
citoyenneté de castes où les Tunisiens non musulmans sont discriminés; une forme de
ségrégation religieuse institutionnalisée, contraire au principe d’égalité et à la dignité
humaine.
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Le Monde.fr
19 mai 2011
A Cannes, la révolution du cinéma arabe
Une image du film collectif égyptien "18 Jours" ("Tamantashar Yom")
Cannes Envoyée spéciale - Le temps d'une journée, mercredi 18 mai, Cannes aura été le siège
d'une révolution arabe : celle du cinéma. Comme toute révolution qui se respecte, elle a son
blog, "Pour un Maghreb du cinéma", une boîte à idées pour redynamiser la création, la
production et la diffusion. Elle a ses films étendards, qui célèbrent la liberté après
l'enfermement : le documentaire Plus jamais peur, réalisé par le Tunisien Mourad Ben Cheikh
après la fuite de Ben Ali, le 14 janvier, était dévoilé à la presse mercredi matin. L'après-midi,
Ni maître ni Allah, de Nadia El-Fani, était programmé au marché du film.
Le soir, le public découvrait en première mondiale le film collectif 18 Jours. Tourné pendant
le soulèvement égyptien, il rassemble dix courts métrages signés Yousry Nasrallah, Marwan
Hamed, Sherif Arafa, Sherif El-Bendary, Kamla Abu Zekry, Mariam Abou Ouf, Mohamed
Ali, Ahmed Alaa, Ahmad Abdallah et Khaled Marei. L'Egypte est l'invitée du Festival de
Cannes pour célébrer "un grand pays de cinéma qui a fait sa révolution", a déclaré le délégué
général, Thierry Frémaux (Le Monde daté 12 mai)
Pourtant, les lendemains sont difficiles. "En Tunisie, après le 14 janvier, cinéastes et
amateurs pouvaient prendre des images sans risquer la prison. Aujourd'hui, si vous sortez
votre téléphone mobile dans la rue pour filmer, la police vous tabasse", explique
Nadia El-Fani, auteur du documentaire Ni maître ni Allah.
Autre exemple : parce qu'elle a osé déclarer à la chaîne Hannibal TV, le 1 er mai, "je ne
crois pas en Dieu", la réalisatrice subit une violente campagne d'insultes et de menaces
de la part d'intégristes musulmans.
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En Tunisie, c'est un peu l'année zéro : tout est à reconstruire. Pour commencer, le monde du
cinéma a réglé ses comptes avec ceux qui côtoyaient de trop près le dictateur déchu. En
février, lors des états généraux du cinéma, le président de l'Association des cinéastes tunisiens
(ACT), Ali Labidi, proche de Ben Ali, a dû quitter ses fonctions.
Libres, pourquoi faire ? "Depuis la révolution, les tournages se sont arrêtés, les techniciens
n'ont pas de travail et ne bénéficient pas de l'assurance-chômage. Certains ont ouvert un
magasin de légumes", témoigne Amine Chiboub, jeune réalisateur et vice-président de l'ACT.
La distribution est sinistrée, la Tunisie ne compte que treize salles, dont trois seulement
programment des films indépendants. Une cinquantaine de salles polyvalentes à travers le
pays pourraient être transformées en salles obscures.
Petite lueur d'espoir, les cinéastes devraient obtenir un Centre national du cinéma sur le
modèle du CNC français. Cela fait vingt ans qu'ils le réclamaient... "Pour financer les films,
on va prélever une taxe sur la téléphonie, les fournisseurs d'accès à Internet, etc.", explique
Amine Chiboub. Mais on ne va pas taxer le prix des tickets. "C'est impossible, il n'y a pas de
billetterie centralisée, on ne connaît jamais le montant des recettes issues de l'exploitation
d'un film", observe Khaled Barsaoui, réalisateur, producteur et président de la toute nouvelle
Association des réalisateurs de films (ARF).
Il faut préparer l'avenir. De jeunes réalisateurs, l'Egyptienne Ayten Amin ou le Tunisien
Walid Tayaa, sont invités au Pavillon des cinémas du monde, à Cannes, pour apprendre à
vendre leurs projets de long métrage à des producteurs - on appelle ça le pitch.
Enfin, comment exporter ce cinéma d'auteur à l'étranger ? Pacha Pictures, une société de vente
internationale spécialisée dans les films d'auteurs arabes, s'est créée juste à temps pour le
Festival de Cannes. Dans son catalogue figurent 18 Jours ou encore Microphone, film
égyptien d'Ahmed Abdallah, acclamé par la critique. Fondateur de Pacha Pictures, Frédéric
Sichler estime que les réalisateurs ont tout à gagner à rester eux-mêmes. "Les cinéastes arabes
doivent se réapproprier leur cinéma, dit-il. Almodovar est international parce qu'il est 200 %
espagnol."
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Afrik.com
18 mai 2011
Nadia El Fani : « On s’est mis debout, pas question d’être à genoux »
Interview de la réalisatrice tunisienne du film "Ni Allah ni maître"
Double courage que celui d’une femme qui affronte à la fois la haine des islamistes et un
cancer : Nadia El Fani est venue au festival de Cannes chauve, car elle est en chimiothérapie.
Son documentaire Ni Allah ni maître, produit par les Français de K’ien Productions, est
projeté ce 18 mai dans le cadre du marché du film, le même jour qu’un autre réalisateur
tunisien, Mourad Ben Cheikh, qui bénéficie d’une séance spéciale en sélection officielle avec
Plus jamais peur. Elle nous a accordé un entretien avant la projection.
Nadia El Fani est une réalisatrice tunisienne exilée en France depuis dix ans. Elle a commencé
à tourner avant la « Révolution du jasmin » son documentaire Ni Allah ni maître, et l’a
terminé après. Une projection, le 24 avril dernier à Tunis, en clôture du festival de
documentaires, s’est déroulée dans une ambiance calme et accueillante. La réalisatrice a
donné une interview a Hannibal TV, entretien qui a été repris tronqué et remonté sur Internet
et a valu à Nadia El Fani d’être désignée sur le web comme la personne à faire taire : dès le
1er mai se créaient des comptes Facebook, dont « Pour qu’il y ait dix millions de crachats sur
la tête de cette truie chauve » qui compte 35 000 adeptes. Elle a déposé deux plaintes pour
menaces de mort, en France et en Tunisie. Et des tags portant le titre de son film fleurissent
sur les murs parisiens.
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Afrik : Comment est né votre film ?
Nadia El Fani : J’avais commencé à travailler sur la laïcité il y a environ un an, en
interrogeant des gens en Tunisie sur leurs pratiques religieuses. Quand la révolution a
commencé en janvier, j’étais en montage et je suis évidemment retournée en Tunisie pour
filmer. Ni Allah ni maitre , c’est simple : « nous nous sommes débarrassés de Ben Ali, nous
n’allons pas nous laisser imposer une religion ». Mon film défend la laïcité, qui est selon moi
le débat central de notre révolution. C’est l’un des premiers sujets débattus après la chute de
Ben Ali.
Afrik : Pourquoi ?
Nadia El Fani : Dans notre constitution, l’article premier précise que l’Islam est notre
religion. Or il existe une véritable hypocrisie sociale. Il faut défendre la liberté de penser et
donc d’être aussi des « laïcards » comme nous appellent les islamistes. Maintenant que nous
nous apprêtons à élire notre assemblée constituante en juillet prochain, il y a deux projets de
société possibles : un retour en arrière ou un départ vers la modernité. Et cette modernité
passe par la laïcité.
Afrik : C’est pour cela que vous êtes devenue une cible pour les islamistes ?
Nadia El Fani : Intellectuels et artistes portent la parole libre, et deviennent la cible des
islamistes : il faut comprendre qu’ils sont très organisés, ils utilisent Internet, la télévision,
Facebook, et transforment les choses : ils me font passer pour quelqu’un qui veut imposer
l’athéisme, or je défends simplement la liberté de penser. Le cinéaste tunisien Nouri Bouzid a
quant à lui été agressé physiquement.
Afrik : Concrètement, comment agir ?
Nadia El Fani : Les pages Facebook qui appellent à la haine contre moi ne peuvent pas être
fermées pour l’instant. Je reçois beaucoup de soutien de Tunisie et de France et cela me donne
du courage : une page « Nous sommes tous des Nadia El Fani » a été ouverte par exemple. Je
ne veux pas céder à la peur, ni me taire, ni me cacher. On s’est mis debout, pas question d’être
à genoux.
Afrik : Quel est le rôle du cinéma ?
Nadia El Fani : Dans le film de fiction que j’ai réalisé en 2003, « Bedwin Hacker » je disais
déjà que la révolution passerait par internet. Il a été acheté par la télévision tunisienne, mais
jamais diffusé. Le cinéma, fiction comme documentaire, est très important, mais encore faut-il
que les films soient diffusés. Plus largement, il faudrait que la télévision tunisienne diffuse
tous les films qu’elle a achetés et jamais diffusés, et qui dorment sur ses étagères. Et
j’aimerais que mon film soit distribué rapidement en Tunisie, en salle, avec des débats, avant
les élections du 25 juillet prochain.
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Le Figaro.fr
17 mai 2011
Nadia El Fani: "Mon film fait peur"
La cinéaste tunisienne Nadia El Fani, auteur du documentaire "Ni Allah, ni
maître" sur la place de la laïcité dans son pays, "fait peur" aux intégristes qui
l'ont menacée, dit-elle. Mon film fait peur, le titre fait peur", a-t-elle déclaré à
Cannes, avant la présentation de son long-métrage sur la Croisette demain dans
le cadre du Marché du film.
La cinéaste, qui est soutenue à Cannes par la Société des réalisateurs de films,
fondatrice de la Quinzaine des Réalisateurs, a déjà reçu de nombreux soutiens
dont celui d'Agnès Varda en ouverture de la Quinzaine le 12 mai.
Depuis une projection de son film le 24 avril à la clôture du festival de Tunis et
surtout la diffusion d'un reportage sur elle sur une télévision tunisienne, Nadia
El Fani est la cible des islamistes qui appellent sur Facebook à la couvrir de "dix
millions de crachats".
"Le reportage est passé le 1er mai, le 2, la page Facebook était lancée et
rassemblait 36.000 « amis » en trois jours", raconte la réalisatrice.
Le film commencé sous l'ancien régime Ben Ali en août 2010 traite le thème de
la place de la laïcité dans la société tunisienne.
Nadia El Fani, qui partage son temps entre Paris et Tunis était en plein montage
quand la révolution du jasmin a éclaté: reprenant sa caméra elle est rentrée au
pays pour filmer les manifestations: "dès le premier jour, les manifestants ont
revendiqué la laïcité, les islamistes eux étaient complètement absents".
"Aujourd'hui le véritable enjeu en Tunisie est que le peuple se dote d'une
constitution laïque, ce serait une première dans le monde arabo-musulman où la
laïcité a toujours été imposée par une poignée de dirigeants", estime-t-elle.
"Mais les intégristes font peur, ils sont intimidants", poursuit-elle.
"Sont-ils vraiment menaçants? On ne peut pas savoir, mais il ne faut pas céder à
la peur", ajoute-t-elle.
Elle-même, le crâne chauve à cause d'une chimiothérapie en cours pour soigner
un cancer du sein, se protège le visage par mesure de sécurité dans la rue et on
ne
peut
la
photographier
qu'à
certaines
conditions.
Elle s'apprête à publier un manifeste revendiquant "la liberté de conscience" et
celle de "ne pas croire en Dieu", déjà signé par de nombreuses personnalités
politiques et du cinéma comme Agnès Jaoui, Jack Lang ou Arnaud Montebourg.
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Marianne2
12 mai 2011
Martine Gozlan - Marianne
Tunisie: la cinéaste Nadia El Fani traquée par les
islamistes
Son film « Ni Allah ni maitre » qui sera projeté à Cannes le 18 mai lui vaut
une campagne d’insultes et d’intimidations dans son pays. La liberté de
conscience est-elle interdite à Tunis ?
Extrait de l'affiche du film de Nadia El Fani
Elle ne s’est pas tue sous Ben Ali et elle croyait pouvoir parler librement après sa chute.
Hélas, la cinéaste tunisienne Nadia El Fani découvre qu’il n’en est rien. Pour avoir osé
travailler sur la question laïque et titré son film « Ni Allah ni maitre », l’artiste est devenue la
cible de milliers d’obscurantistes qui en appellent sur le web à l’agression physique, voire au
meurtre. La Quinzaine des réalisateurs rendra hommage aujourd’hui à son courage en
ouverture du festival de Cannes, en même temps qu’au cinéaste iranien Jafar Panahi,
condamné à six ans de prison par les mollahs de la république islamique.
« Ni Allah ni Maitre » ne sera toutefois pas présenté à la Quinzaine mais en projection
publique, le 18 mai, au cinéma les Arcades, à 16 heures 15. Courez-y, elle a besoin de votre
soutien ! Les Tunisiens, eux, en ont eu la primeur il y a quelques semaines. Un reportage a
suivi sur la chaine Hannibal TV et c’est ce qui a mis le feu aux poudres.
La cinéaste y expliquait tranquillement son propos : un voyage dans une Tunisie tolérante à
l’été 2010, parmi ceux qui refusaient de faire le Ramadan. La révolution arrive alors qu’elle
travaille sur le montage du document. Caméra au poing, elle se précipite dans la rue, sur
l’esplanade de la Kasbah, et découvre que la laïcité est l’un des débats les plus importants et
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les plus passionnés de ces premiers jours d’un monde nouveau. La première banderole «
Tunisie laïque ! » est brandie lors de la première manifestation des femmes , le 28 janvier. En
souriant, Nadia El Fani explique donc à Hannibal TV que ses choix, son histoire ne font pas
d’elle une amie des islamistes avec lesquels elle est en guerre idéologiquement.
Scandale ! Les islamistes reprennent et diffusent sur Internet deux minutes de l’interview,
agrémentées de caricatures et d’insultes. « Qu’il y ait des milliers de crachats sur elle ! »
tapent frénétiquement les fanatiques qui déforment sa photo et la figurent en diable, en singe,
en porc, en cadavre ou le crâne explosé. A son tour, cédant à la panique et à la pression
comme si l’intégrisme était roi, Hannibal TV, lâchement, diffuse dans ses programmes un
bandeau où la chaine « se désolidarise des propos tenus contre l’Islam par Nadia El Fani ».
La journaliste qui a réalisé l’interview de la cinéaste est licenciée ! Mais le plus douloureux,
explique Nadia, « c’est le silence des partis politiques de gauche » alors même qu’ils se
proclament les défenseurs de la jeune démocratie tunisienne. Un autre cinéaste, Nouri
Bouzid, a déjà été victime d’agressions. Le chanteur de rap « Psyco.M », qui clame sa
sympathie pour le mouvement islamiste Ennahda, hurle dans un de ses textes « Attaquons
Nouri Bouzid à la kalachnikov ! »....
Affolée, un pan de l’opinion commence à se mobiliser. A Paris, où Nadia est également
menacée, l’association Ni Putes ni Soumises prépare un manifeste pour la soutenir sous le
slogan : « J’ai le droit de dire que je ne crois pas en Dieu ». L’affaire El Fani devient ainsi
emblématique. Non seulement de la jeune Tunisie guettée par des obscurantistes mais aussi de
la situation des « musulmans laïcs » selon le terme imprécis qui désigne simplement des
hommes et des femmes libres penseurs. « Défendre Nadia, c’est défendre notre droit à la
liberté de conscience » rappelle Sihem Habchi, la présidente de Ni putes ni Soumises qui sera
à Cannes le 18 mai, aux côtés de la cinéaste.
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Le Nouvel Observateur.com
10 mai 2011
Tribune : "Laïcité ? In chah allah !"
Séverine Labat, chercheur au CNRS et politologue, dénonce les
attaques dont est victime la réalisatrice Franco-tunisienne, Nadia
El Fani, en raison de son nouveau film "Ni Allah, ni maître".
A rebours des prophéties annonçant la mort de l’islam politique, la réalisatrice
franco-tunisienne, Nadia El Fani, fait, avec d’autres, les frais d’un retour
inattendu de l’obscurantisme dans une Tunisie pourtant tenue pour être le pays
arabe le plus avancé en termes de laïcité.
En effet, tandis qu’en son temps, Habib Bourguiba s’autorisa à boire du jus
d’orange en public durant le mois de ramadan, il ne semble plus permis, à
quelques mois de la chute de Ben Ali, de revendiquer le droit à la pleine liberté
de conscience, ni d’afficher ses convictions athées.
Après un talentueux "Ouled Lenine" ("Les enfants de Lénine") réalisé voici
deux ans et relatant le parcours de militants communistes tunisiens, au nombre
desquels son propre père, Nadia El Fani, qui a commencé sa carrière auprès, rien
moins, de Jerry Schatzberg, Roman Polanski, Nouri Bouzid, ou encore
Romain Goupil, nous revient avec un stimulant "Ni Allah ni maître" (projeté
au Festival de Cannes le 18 mai).
Consécutivement à un reportage diffusé sur la chaîne tunisienne Hannibal TV,
son nouveau film lui vaut, depuis quelques jours, l’ire d’un islamisme dont les
déchaînements commencent à inspirer une crainte non feinte en Tunisie.
Plusieurs sites, plus ignominieux les uns que les autres, ont ainsi fleuri sur
Facebook où cette courageuse jeune femme est représentée sous les traits du
diable et autres créatures difformes. Affichant le portait d’Oussama Ben Laden
en guise de photographie de profil, ses quelques 33 000 détracteurs n’hésitent
pas à lui promettre les flammes de l’Enfer lorsque ce n’est pas, purement et
simplement, "une balle dans la tête".
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Son crime ? Avoir simplement déclaré ne pas croire en Dieu ….
D’autres artistes, tels que le cinéaste Nouri Bouzid, ont également fait l’objet de
menaces de mort de la part de militants du parti islamiste En-Nahdha. Ces
derniers, à peine leur leader historique, Rached Ghanouchi, rentré d’exil,
s’étaient illustrés en tentant de mettre le feu aux bordels de l’un des quartiers de
la médina de Tunis. Alors que les Tunisiens sont appelés à l'élection d'une
Assemblée constituante le 24 juillet, se profile ainsi le spectre de sérieuses
batailles politiques pour la défense de l’héritage bourguibien en termes de
droits des femmes et d’une certaine conception de la laïcité.
Séverine Labat, chercheur au CNRS et politologue
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Rue89
9 mai 2011
Tunisie : Nadia El Fani, cinéaste menacée
de mort parce qu'athée
Une interview tronquée de l'auteur de « Ni Allah, ni
maître » suscite la haine des islamistes, qui multiplient les
attaques.
A chaque fois qu'elle tape son nom sur Facebook, elle découvre une nouvelle page d'appel à la
haine contre elle. Le compte « Pour qu'il y ait dix millions de crachats sur la tête de cette truie
chauve » a totalisé près de 35 000 « j'aime ».
Nadia El Fani, 51 ans, est réalisatrice de films. Fille d'un des ex-dirigeants du Parti
communiste tunisien (à qui elle a consacré un film) elle s'est installée en France il y a dix ans
parce qu'elle étouffait sous le régime de Ben Ali.
En 2003, dans « Bedwin Hacker », elle avait raconté que la contestation viendrait d'Internet.
Puis elle a eu envie de faire un film sur l'athéisme en terre d'islam.
C'était avant la révolution. Nadia El Fani a filmé les « résistants au ramadan », ceux qui
mangent pendant la journée ou boivent de l'alcool en cachette. Elle avait été autorisée à
tourner en Tunisie parce qu'officiellement il s'agissait d'un film sur les fêtes du ramadan.
« Ni Allah ni maître » ou la laïcité en pays musulman
Pour le documentaire « Ni Allah, ni maître », Nadia El Fani se met en scène en train de
discuter avec des Tunisiens de la rue sur la place de la religion dans la société.
Elle dénonce « l'hypocrisie sociale » qui règne en Tunisie, où « une majorité des gens ne font
pas ramadan mais se cachent ». Elle voudrait que la religion soit une affaire privée, et déplore
que l'article 1 de la constitution de son pays dise « la religion est l'islam. »
Lorsque la révolution de jasmin pointe son nez, Nadia El Fani est en plein montage de son
film. Elle file à Tunis sentir le vent dans la liberté, et complète son film en y intégrant les
débats sur la laïcité qui agitent les milieux progressistes. « C'était un des premiers sujets
débattus après la chute de Ben Ali », assure-t-elle.
Au final, « Ni Allah ni maître » raconte que « les islamistes montrent les dents, mais que la
laïcité s'impose. Ce qui est nouveau, c'est qu'on puisse débattre de tout ça ».
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Nadia El Fani : « Mon film n'est pas anti-religieux »
Justement, fin avril, elle est invitée pour la projection de son film en clôture du festival Doc à
Tunis. Elle est alors sans cheveux à cause d'une chimiothérapie. Interrogée par une journaliste
de la chaîne Hannibal TV, Nadia El Fani réaffirme son athéisme militant. L'ambiance est alors
bonne :
« La salle de 500 places était pleine, les gens ont très bien compris mon film et il n'y a pas eu
d'agressivité. Contrairement à ce qui a été dit après, mon film n'est pas anti-religieux. »
C'est la diffusion d'une version remontée de cette interview qui déclenche la haine contre elle.
Des islamistes sans doute peu nombreux, mais très actifs.
Des pages Facebook se montent les unes après les autres. Celle, en arabe, intitulée « Pour qu'il
y ait dix millions de crachat… » propose une propagande complète, notamment à coups de
photos (Nadia El Fani est montée en diable, en singe, la cervelle éclatée, dans le feu…).
D'autres pages disent « Dégaaage », « Je suis athée et Nadia El Fani ne me représente pas »,
« Pas de soutien à Nadia El Fani, Ni Allah, ni maître, ni censure », « Pour que Nadia El Fani
devienne musulmane »… Elle a aussi reçu des coups de fils menaçant, chez elle à Paris.
Elle a déposé deux plaintes pour menaces de mort
Nadia El Fani a déposé deux plaintes, en France et en Tunisie pour « menaces de mort », afin
de faire cesser ces attaques. Elle aimerait aussi qu'un front culturel se crée pour défendre la
liberté d'expression. Notamment au festival de Cannes, où le film sera projeté (hors
compétition) le 18 mai.
Elle a peur que les artistes soient en danger en Tunisie et rappelle que le réalisateur Nouri
Bouzid a été agressé physiquement par un « barbu ».
A l'heure où la peur d'une victoire du parti islamiste Ennahda fait peser des menaces de coup
d'Etat, son avocate en appelle au ministre de la Culture. Depuis Tunis, Nadia Bochra Bel
HadjHamida explique à Rue89 :
« On manque d'un courant fort pour défendre la liberté des artistes. Vu ce qui s'est passé pour
Nadia, et l'absence de réaction des intellectuels je me demande si la liberté d'expression et la
liberté de croyance ne sont pas menacées, alors qu'on vient de gagner les libertés publiques. »
Ni putes ni soumises demande « qu'aucune complaisance ne soit admise avec les islamistes ».
Et Nadia El Fani espère, que Facebook réagira rapidement aux demandes de la police
judiciaire et veut croire que « la Tunisie, qui a toujours été en avance sur les pays arabes,
montrera l'exemple d'une vraie démocratie laïque ».
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Nouvel Obs
23 au 29 avril 2011
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