Lenomdelarose - Arrêt sur images
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FRANÇOIS HOLLANDE, EN MEETING, JEUDI. PHOTO SEBASTIEN CALVET • 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9464 LUNDI 17 OCTOBRE 2011 WWW.LIBERATION.FR Le nom de la rose François Hollande sera le candidat du PS en 2012. 10 pages spéciales. IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, EtatsUnis 4,50 $, Finlande 2,40 €, GrandeBretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, PaysBas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA. 2 • EVENEMENT LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 Arrivé en tête hier du second tour de la primaire, l’ancien premier secrétaire devient le candidat du Parti socialiste pour l’élection présidentielle de 2012. Hollande, haut la main Par LAURE BRETTON et MATTHIEU ECOIFFIER L’ESSENTIEL D e François à François ? Trente et un ans après la victoire de François Mitterrand, François Hollande est depuis hier en situation de succéder à l’unique président de gauche de la Ve République. Le député de Corrèze a été plébiscité pour être le candidat à la présidentielle de 2012. Après dépouillement de 2,3 millions de bulletins de vote, hier peu avant 22 heures, il était plébiscité avec 56,38% des suffrages contre 43,62% à Martine Aubry. A 21 h 20, les deux compétiteurs sont apparus main dans la main sur le perron du siège du PS, s’embrassant, s’applaudissant mutuellement avant de brandir les bras en signe de victoire. Offrant aux militants qui hurlaient «on va gagner !» l’image attendue du rassemblement des socialistes. Sous les flashs, Hollande claque la bise à Ségolène Royal, à Manuel Valls qui lui tape dans le dos et serre même la main à Laurent Fabius. «Cette victoire me confère la force et la légitimité pour préparer le REPÈRES LE CONTEXTE Hollande remporte la primaire avec 56,38% des suffrages. L’ENJEU Cette large victoire rassembleratelle le PS et toute la gauche pour 2012 ? grand rendez-vous de l’élection présidentielle, déclare Hollande. Ce soir, j’ai reçu le mandat impérieux, celui de faire gagner la gauche.» Un discours de mobilisation qu’il reprend à deux autres reprises, devant les jeunes socialistes puis ses partisans réunis à la Maison de l’Amérique latine. Le ton est solennel. A plus de 200 jours du premier tour de la présidentielle, «la vraie bataille» commence, celle contre la droite. Dès 20 h 45, Martine Aubry avait reconnu sa défaite: «Je mettrai toute mon énergie et toute ma force pour que François Hollande soit dans sept mois le nouveau président de la République.» Elle con- firme qu’elle reprend son poste de première secrétaire du PS dès aujourd’hui, se dit prête à intégrer «l’équipe de France du changement» et part illico dîner avec sa fille et des amis, sans aller saluer ses partisans réunis non loin de là. Hollande saluera sa «dignité» et soulignera «son besoin d’un PS solidaire». Pour qu’il n’y ait pas d’accroc à l’unité, la soirée électorale avait été préparée de concert par les deux équipes pendant la semaine. GROGGY. A 57 ans, Hollande enfile le costume du candidat à l’Elysée qu’il s’est patiemment taillé depuis qu’il a quitté la tête du PS, en 2008. «Il est parti tôt et il a tenu jusqu’au bout sa ligne, il a montré qu’il était déterminé, solide et [il a montré] aussi sa capacité à rassembler», saluait son bras droit de toujours, Stéphane Le Foll. Le candidat «normal» revient de loin. Longtemps challenger, il s’est lancé en juin 2009. Il devient «favori de substitution», dixit lui-même, quand Dominique Strauss-Kahn se retrouve hors-jeu en mai et fait la course en tête dans les sondages PREMIER TOUR DE LA PRIMAIRE Résultats définitifs François Hollande Martine Aubry Arnaud Montebourg Ségolène Royal Manuel Valls Jean-Michel Baylet tout l’été. Face au «diesel» Aubry, qui monte en puissance contre la «gauche molle», il semble un peu groggy dans la dernière ligne droite. Mais, après Valls et Jean-Michel Baylet, le soutien «strictement politique» de Royal puis celui «exclusivement personnel» de Montebourg renversent la dynamique. «Ces ralliements ont contribué à ce putée Aurélie Filippetti, proche de Hollande. Ce qui a manqué à la maire de Lille? «Un mois de retard, c’est tout», assure la sénatrice Laurence Rossignol. La première secrétaire, qui s’est lancée fin juin, avait une fenêtre de tir le 28 mai, après le forfait de DSK, quand le PS a adopté à l’unanimité son «projet 2012». A ce moment-là, murmurait jeudi son directeur de cabinet «Je mettrai toute mon énergie et Jean-Marc Germain, «on pu, on aurait peuttoute ma force pour que François aurait être dû». Hollande soit le nouveau président de la République.» Martine Aubry hier que les électeurs, même idéologiquement plus proches d’Aubry, choisissent le critère de l’efficacité pour battre Nicolas Sarkozy», juge Laurent Baumel, proche de DSK converti à Hollande. «C’est Royal qui le sauve», assure Jean-Christophe Cambadélis. Seule contre tous, avec 9 points de retard au premier tour, Aubry a haussé le ton dans les dernières quarante-huit heures. «Elle est apparue trop clivante», estime la déw Demain Bureau national du PS. w 22 octobre Convention d’inves titure du candidat socialiste à Paris. w 22 avril 2012 Premier tour de l’élection présidentielle. w 6 mai 2012 Second tour. w 10 et 17 juin 2012 Elections législatives. «APAISEMENT». Lundi «ça va être la journée de conciliabules», prédit un ténor. Et demain, le PS, toutes écuries confondues, reprendra sa vie de parti d’opposition à l’Assemblée avant de réunir son bureau national. «Martine doit arriver sous les applaudissements du vainqueur et prononcer des paroles d’apaisement», prescrit un aubryste. «L’enjeu, pour nous, c’est la victoire de la gauche en mai», confirme Christophe Borgel, proche de la maire de Lille. Conclusion de Royal: «L’heure est au rassemblement joyeux !» • 56,38% C’est la part des suffrages (résultats à 22h40) remportés par François Hollande, hier, au second tour de la primaire, con tre 43,62% pour Martine Aubry. • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 3 Par NICOLAS DEMORAND Indemne A Solférino, hier soir. PHOTO THOMAS SAMSON. AFP Hollande devra rassembler son parti, unir la gauche et éviter tout triomphalisme. Du marathon au saut d’obstacles S ouffler ? Oui, mais pas tout de suite. cas, se méfier de ses amis, ces fidèles qui l’acFrançois Hollande, désigné hier candidat compagnent depuis toujours et ne l’ont pas du Parti socialiste pour la présidentielle lâché quand les temps étaient durs. Le candide 2012, aura sans doute besoin de prendre un dat devra les convaincre qu’ouvrir les portes peu de champ dans les semaines qui viennent, et les fenêtres de l’atelier hollandais est une après le marathon de la primaire qui s’achève nécessité. Et il devra montrer la voie pour que et avant la campagne présidentielle, les électeurs de Martine Aubry, Séla vraie, qui démarrera vraiment en ANALYSE golène Royal, Arnaud Montebourg et janvier et sera une tout autre Manuel Valls se retrouvent derrière épreuve. Mais François Hollande sait aussi lui. Car si son score de second tour est conforqu’il doit rapidement rassurer sur au moins table, les messages envoyés par les électeurs trois fronts. le 9 octobre restent valides. Tous les ténors du Victoire généreuse. Le premier défi qui at- PS devront aussi avoir en mémoire les campatend le candidat du PS est de réunir les siens. gnes perdues de 2002 et 2007, désastreuses en Dès hier soir, il a salué «la dignité» de Martine terme de coordination entre le candidat et le Aubry qui venait d’appeler au rassemblement. parti. Ségolène Royal a, de ce point de vue, Mais après des semaines de campagne cor- parlé d’or la semaine dernière. diale, les derniers jours ont été rudes, les mots Le second défi tient aux relations avec les paréchangés âpres. Ils laisseront des traces si tenaires de gauche, dans une configuration François Hollande ne prend pas les devants. inédite, avec l’installation du Front de gauche Sa capacité, tant moquée, à faire pendant dix dans le paysage. Martine Aubry a, depuis son ans des synthèses en tant que premier secré- arrivée rue de Solférino, cultivé de bonnes retaire laisse penser qu’il saura avoir la victoire lations avec les formations alliées, notamment généreuse. Il devra, comme c’est souvent le les Verts. François Hollande, lui, a toujours «Il y a une dynamique incroyable, qui va changer la façon de faire de la politique, il y a un besoin des citoyens de s’exprimer, de donner leur avis. L’hyperprésidence, c’est fini.» «Je constate ce soir qu’aujourd’hui Martine Aubry, première secrétaire du PS, est désavouée par cette élection […]. Je pense qu’il faudrait qu’elle démissionne, évidemment.» JeanMarc Ayrault patron des députés PS, hier Nadine Morano (UMP) hier sur RTL adopté sur ce sujet un discours volontariste. En fidèle des enseignements de Mitterrand, l’union est chez lui une matrice incontournable. Mais en dix ans à la tête du PS, il n’a jamais vraiment pu, ou su, passer aux actes pour modifier les équilibres d’une union que la déconfiture progressive du PCF rendait inéluctable. Entre 2000 et 2002, il a en vain cherché la bonne formule pour prolonger la gauche plurielle. Sa «gauche durable» est restée une coquille vide. S’il veut changer les contours de la gauche, il devra, là encore, s’affranchir des réflexes hégémoniques des élus PS en cas de victoire présidentielle. Temps. Le dernier défi est d’éviter tout triomphalisme. Oui, la primaire a été un succès. Oui, elle peut contribuer à donner un élan au candidat PS. Mais le temps politique file désormais à la vitesse du 2.0. Et le vrai rendez-vous avec les Français est dans six mois. Une éternité. Ce qui laisse largement le temps à la majorité, aujourd’hui éparpillée façon puzzle, de se rassembler derrière son chef. PAUL QUINIO • De manière nette et tranchée, ce sera donc lui. Lui qui portera les couleurs socialistes à la présidentielle. Lui qui désormais devient comptable, devant les Français, de la promesse d’alternance en 2012. Pour remporter cette primaire inédite, François Hollande aura bénéficié de ce mélange d’habileté, de baraka et d’intuition qui font souvent les victoires politiques. Parti le premier, considéré comme un outsider par trop… normal face à la rutilante hypothèse DSK, n’ayant jamais varié d’une ligne social-démocrate à même de définir une «rigueur de gauche», il aura finalement su organiser le débat et le faire tourner autour de lui. Proposer des synthèses tactiques quand il était débordé sur sa gauche, tout en refusant de laisser monter les enchères. Sortir relativement indemne de cette primaire, menacée dès son origine par les frasques de DSK, rendue explosive par les haines recuites des socialistes, incertaine jusqu’au bout, fait partie de ces rudes entraînements qui blindent une armure. Et permettent de préparer la suite. C’est-à-dire le plus dur. A commencer par le rassemblement de son propre camp, après les dérapages des quarante-huit dernières heures de la primaire, quand chaque camp mit bas les masques et tira à balles réelles. Le PS, qui va entrer dans une semaine de tractations entre les différents camps, devra être uni et au service du candidat désigné par les sympathisants de gauche. Sans quoi 2012 pourra être ajouté à la longue liste des présidentielles perdues depuis François Mitterrand. Ensuite, la campagne qui s’annonce change évidemment d’échelle et de nature dès lors qu’il ne s’agit plus de s’adresser uniquement à son propre camp. Mais à un pays frappé par la crise, vacciné contre les promesses et les mirages du volontarisme politique tapageur. Un pays sceptique, qui au mieux doute, mais plus certainement désespère. Auquel il faudra savoir parler et offrir des perspectives crédibles, des raisons de ne pas considérer l’avenir comme une menace, mais comme une chance. De ce point de vue, François Hollande doit élargir les horizons et trouver la voie étroite entre le réalisme, qu’il incarne depuis le début, et la capacité à entraîner. A tracer des perspectives. Il reste six mois. SUR LIBÉRATION.FR Suivez toute la journée le fil de l’actualité consacré à ce lendemain d’élection à la primaire socialiste: réactions, analyses, commentaires, reportages… Revivez la folle soirée d’hier soir avec le live de Libération. Et retrouvez tous nos articles dans notre dossier Présidentielle 2012. 4 • EVENEMENT François Hollande à Paris, le 26 mai 1981. Il s’apprête alors à affronter Jacques Chirac en Corrèze, aux législatives des 14 et 21 juin. PHOTO MICHEL CLÉMENT. AFP LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 EVENEMENT • 5 De son enfance rouennaise à la primaire en passant par sa formation politique, la Corrèze et Solférino, retour sur l’ascension du candidat socialiste. Hollande, l’effort tranquille «I l faut savoir d’où l’on est et avoir le sens du parcours.» Ce 5 octobre à Rouen, quelques heures avant de rentrer à Paris pour le troisième débat télévisé de la primaire, François Hollande se confie. Il revient de Bois-Guillaume, faubourg cossu de l’agglomération rouennaise pour laquelle il garde «une affection particulière». Normal: il y est né le 12 août 1954 et y a été scolarisé jusqu’à la troisième, chez les Frères catholiques de Jean-Baptiste-de-La-Salle. Ce jour-là, «après la rencontre avec la presse, je me suis dit : “Il faut que j’aille voir la maison où j’ai passé mon enfance.” J’ai eu de la chance, la personne qui y vit m’a fait rentrer», raconte celui qui est désormais le candidat du PS à la présidentielle de 2012. Pour moi, il n’existait que le général de Gaulle. Et puis, d’un coup, j’ai vu surgir de nouveaux visages: Jean Lecanuet et François Mitterrand.» François Hollande A l’extérieur de la maison, tout a changé. «Il y avait des granges, il y avait des vaches et des chevaux. Il ne reste plus rien. La maison existe toujours, la même, mais dans une autre géographie.» Disparu, le champ du voisin où François jouait au foot avec son frère Philippe, de deux ans son aîné. Disparu, le poulailler expérimental inventé par son père. A l’intérieur, en revanche, les murs changent moins vite que les hommes. Ce qu’il a ressenti à 57 ans, ce 5 octobre, François Hollande le garde pour lui. Des souvenirs et des images. Celle de Nicole, sa mère assistante sociale à TRT, une entreprise d’électronique, femme vivante et aimante. Aussi lumineuse que son père, médecin ORL, était ombrageux et autoritaire. Imposant, selon Serge Raffy, son biographe, des «diktats aussi martiaux qu’incompréhensibles» à ses deux fils. Georges Hollande était fils d’instituteurs, originaires d’une famille de paysans volaillers installée près de la frontière belge, à Plouvain, un village martyr bombardé en 1917. La ferme n’y échappera pas. Ils portent le patronyme du pays que leurs ancêtres, des protes- Avec sa compagne, Ségolène Royal, en septembre 1991 à Lorient. PHOTO ERICBEN. SIPA tants venus de Hollande au XVIe siècle pour échapper aux bûchers de l’Inquisition, avaient pris pour se reconnaître entre eux. Les débuts du couple Hollande sont modestes. Le cabinet d’ORL est aussi le domicile conjugal, et les patients opérés des végétations récupèrent parfois dans le salon ou sur le lit des garçons. Le jeune François alterne des années scolaires chez les frères, où il est bon élève mais un peu turbulent. Un premier communiant un peu rebelle. Il lit Pif Gadget, publication communiste, en cachette. Un jour qu’il prend la défense d’un groupe de camarades pour atténuer une sanction, il se retrouve collé comme les autres. Ce sera sa première expérience de leader. Les jeudis après-midi, le petit François les passe avec Gustave, son grand-père paternel. Directeur d’école et ancien poilu, il l’initie aux ravages de la guerre et aux mots du dictionnaire. Côté maternel, on est plus chaleureux et ouvert. Son grand-père, lui aussi gazé dans les tranchées, est tailleur de métier, chante Tino Rossi et loue chaque été des maisons pour sa tribu. «Mon meilleur souvenir d’enfance, c’était les vacances avec eux. On se retrouvait avec les cousins et les cousines à Carnac, au Canadel, au Chambon-sur-Lignon et à La Franqui.» Et puis, c’est la rupture. Brutale. Son père, qui a réussi –il possède des parts dans une clinique–, est convaincu que Mai 68 est le prélude à l’invasion soviétique. Il vend tout et déménage sa famille à Neuilly-sur-Seine (Hauts-deSeine), où il se lance dans les affaires immobilières. Il s’éloigne aussi. Et quand il vide la maison familiale, il envoie à la décharge les petites voitures Dinky Toys de François et les disques de jazz de son frère. C’est la fin de l’enfance. «C’est douloureux, ces moments-là, confie François Hollande. Mon père aimait changer de domicile. C’était un nomade. Moi, je suis attaché aux lieux. Enfin, je l’étais. Maintenant, c’est moins vrai, il ne faut jamais vivre dans la nostalgie. La vie passe.» Les racines politiques François Hollande ne vient pas d’une famille de gauche. Chez les Hollande, les hommes sont des gaullistes, des «conservateurs modérés», jugera François Hollande. Son père admire l’avocat Tixier-Vignancour et ne cache pas ses sympathies pour l’OAS et l’Algérie française. Anticoco viscéral, il sera, en 1959 et 1965, candidat malheureux sur une liste d’extrême droite aux municipales de Rouen. C’est le goût politique des femmes de la famille qui impressionne le jeune François. L’hiver 1965, il remarque que sa mère écoute attentivement François Mitterrand lorsqu’il apparaît sur l’écran en noir et blanc du téléviseur. Sa grandmère Antoinette fait aussi partie des fans du député de la Nièvre. Premier déclic. «Pour moi, il n’existait que le général de Gaulle. Et puis, d’un coup, j’ai vu surgir de nouveaux visages: Jean Lecanuet et François Mitterrand, qui venaient de s’inviter comme opposants.» Au lycée Pasteur de Neuilly, où il rencontre Thierry Lhermitte et Christian Clavier, le jeune homme s’affiche SFIO, tendance Union de la gauche. Reçu à Sciences-Po, il milite pour l’Unef-Renouveau, proche du PCF. En 1972, il a 18 ans et assiste, Porte de Versailles, à un grand meeting de Mitterrand. Le voilà emporté par la geste tribunitienne de celui qui soulève son auditoire par ses évocations des hauts fourneaux et du Front populaire. Mitterrand sera son candidat. Tant pis pour Rocard, qu’il juge idéologiquement moderne, mais stratégiquement naïf. «Je n’étais pris ni par la phraséologie révolutionnaire qui avait cours à l’époque ni par le conformisme qui reconduisait la droite pour toujours au pouvoir.» Hollande n’est pas PCF, mais c’est une tête. La même année, en 1975, il est diplômé de Sciences-Po, de droit et d’HEC. Réformé pour cause de myopie sévère, il se bat pour être réintégré dans l’armée. A l’ENA, il côtoie Dominique de Villepin, se lie d’amitié avec Michel Sapin, Jean-Pierre Jouyet et Jean-Maurice Ripert. Et séduit Ségolène Royal. Il propose au PS, en vain, de créer une section du parti au sein de l’école. «François a une capacité d’entraînement que je lui ai toujours connue. Lorsqu’on était à l’armée ou quand on a créé le comité d’action pour une réforme de l’ENA, il s’est retrouvé naturellement leader. Pas par autoritarisme, mais parce que le charme de son intelligence donne envie de le suivre», témoigne Michel Sapin. Les premiers pas Sorti huitième de la promotion Voltaire de l’ENA, François Hollande choisit la Cour des comptes. Il veut se dégager du temps pour sa vocation, la politique. Avec Royal, il rencontre à l’automne 1980 Jacques Attali, chargé par François Mitterrand de monter une cellule secrète d’experts pour sa future campagne. «Nous faisions des notes, préparions des argumentaires. Nous ne savions pas très bien ce que François Mitterrand en faisait.» Aux législatives de 1981, Jacques Delors refuse d’être candidat dans sa fédération de Corrèze. Hollande y est parachuté. Il réussit à évincer le rocardien local pour obtenir l’investiture du PS, mais se heurte au clientélisme chiraquien. Mitterrand élu, Hollande devient un collaborateur de Jean-Louis Bianco, conseiller politique du Président. «Attali m’a dit : “On va être une petite équipe de quatre, avec Pierre Morel, le grand diplomate, et deux jeunes qui sont formidables, François Hollande et Ségolène Royal”, raconte Bianco. On était au 2, rue de l’Elysée, dans deux bureaux dont on laissait les portes ouvertes. C’était heureux et inventif. On recevait plein de gens parfois un peu givrés mais plein d’idées.» Bianco se souvient que Hollande se focalisait sur l’économie, avec des idées qu’on retrouve aujourd’hui au PS, mais qui n’étaient guère en vogue à l’époque. Selon Serge Raffy, Hollande se voit aussi confier la mission de viser les comptes de l’association France Libertés de Danielle Mitterrand, puis de SOS Racisme. Et celle, plus délicate, de contenir l’écrivain Jean-Edern Hallier, qui menace de dévoiler l’existence de Mazarine, la fille cachée du Président. En 1983, les indicateurs économiques virent au rouge, le gouvernement Mauroy est impopulaire. Pour redresser l’image de la gauche et faire passer la rigueur, Mitterrand nomme l’historien Max Gallo porte-parole du gouvernement. Hollande quitte l’Elysée pour devenir son directeur de cabinet. Il pousse notamment son patron à alerter l’Elysée sur la déferlante qui se prépare contre la loi Savary et pour «l’école libre». Mais trop tard. C’est aussi à cette époque que François Hollande se constitue un solide carnet d’adresses parmi Suite page 6 6 • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 EVENEMENT En campagne pour les européennes, le 23 avril 1999, à Avignon. PHOTO BERNARD BISSON. SYGMA. CORBIS les journalistes, notamment de Libération. Il est une source vivante, précise et précieuse pour les chroniqueurs du Palais. En 1984, lorsque Laurent Fabius devient, à 38 ans, le plus jeune Premier ministre de la Ve République, François Hollande suit Max Gallo au Matin de Paris. Le voilà «éditorialiste économique». Sans carte de presse, mais aux côtés d’Alexandre Adler ou de Christine Bravo… Suite de la page 5 Delors pour sortir de l’ombre En 1984, François Hollande a 30 ans. Ségolène Royal vient de donner naissance à leur premier fils, Thomas. Mais il reste un techno, toujours pas élu en Corrèze, pas encore dirigeant socialiste de premier plan. Il ne roule ni pour Rocard ni pour Jospin et encore moins pour Fabius. Lors d’un dîner à quatre avec l’avocat JeanPierre Mignard, le député du Morbihan Jean-Yves Le Drian et Jean-Michel Gaillard, un ami conseiller auprès d’Hubert [Hollande] était mitterrandiste pour la stratégie de conquête du pouvoir, tout en étant sensible à beaucoup d’idées de Rocard. Il pensait que Delors était l’homme qui pouvait […] aller vers la troisième gauche.» JeanPierre Mignard Védrine, ils inventent les «transcourants». Objectif: «Dépasser la vieille dichotomie entre mitterrandiens et rocardiens», rappelle Michel Sapin. Jean-Louis Bianco les soutient. Ils publient une tribune dans le Monde en décembre 1984, «Pour être modernes, soyons démocrates» et, un an plus tard, un livre, La gauche bouge. De quoi sortir de l’ombre et s’attirer les foudres de Lionel Jospin, qui convoque les transcourants rue de Solférino : «Mon club, c’est le parti.» Pour tenir face aux éléphants, il leur faut un poids lourd. JeanPierre Jouyet suggère le nom de Jacques Delors, qui vient d’être désigné président de la Commission européenne et dont il est le directeur de cabinet. Le 22 août 1985, ce dernier accepte de devenir la figure de ce mouvement, dont le nom, Démocratie 2000, est tout Le premier secrétaire avec Lionel Jospin, en 2001 à La Rochelle. DANIEL JOUBERT. REUTERS un programme… «François Hollande est très politique. Il était mitterrandiste pour la stratégie de conquête du pouvoir, tout en étant sensible à beaucoup d’idées de Rocard. Il pensait que Delors était l’homme qui pouvait dépasser ce clivage entre la première et la deuxième gauche pour aller vers la troisième gauche», relate Jean-Pierre Mignard. Martine Aubry, la fille de Jacques Delors, rejoint un court temps l’aventure. Mais elle n’aurait pas supporté que Hollande, élu en 1988 député sur les terres corréziennes de son père, soit très vite présenté comme le fils spirituel du président de la Commission européenne. «Peut-être que Martine a estimé qu’il y avait une opération de captation de son père au profit de quelques-uns. Le malentendu est né de ces deux sincérités», analyse encore Mignard. Le pari de François Hollande est politique. Il le perd en quelques minutes en décembre 1994, lorsque Delors renonce à se présenter à la présidentielle sur le plateau de 7 sur 7. La Corrèze et Chirac Hollande-Chirac… Depuis trente ans, ces deux-là se sont beaucoup reniflés, affrontés et sans aucun doute respectés. Dès 1981, le jeune socialiste s’en va défier le patron du RPR sur ses terres corréziennes aux législatives. Il prend une veste, 26%, tandis que son adversaire est élu dès le premier tour. Mais le petit conseiller de François Mitterrand va s’accrocher à ce département. En 1983, Hollande décroche son premier mandat à Ussel comme simple conseiller municipal. Cinq ans plus tard, il change de circonscription et remporte un siège de député. Début d’un partage du territoire avec Chirac. Au gré des résultats de la gauche au plan national, Hollande perd (1993) puis reconquiert (1997) son fauteuil à l’Assemblée nationale. Sa prise de la mairie de Tulle en 2001 marque le véritable début de sa conquête du département. La Corrèze vient de se trouver un nouveau champion, même si la popularité du président Chirac reste ici intacte. Les deux hommes se croisent chaque année en janvier, aux traditionnels vœux du chef de l’Etat à ses chers Corréziens. La scène est immuable. Dans un gymnase sur les hauteurs de Tulle, le chef de l’Etat discourt avec Hollande à ses côtés. A chaque fin de discours, le socialiste applaudit par politesse quelques secondes. Puis, pendant que Chirac s’en va serrer des mains, celui qui est alors patron du PS et donc opposant en chef au président de la République passe à la moulinette devant les micros toute la politique du gouvernement. Ce qui n’empêche pas les fans du couple Chirac de venir le saluer chaleureusement. Chacun sait ici qu’il entretient les meilleures relations avec la conseillère générale Bernadette Chirac. L’Elysée, de son côté, ne se montre jamais chiche avec la ville de Tulle et la circonscription législative de son édile. En 2008, Hollande est élu président du conseil général. Son emprise sur la Corrèze devient totale. Seule Bernadette résiste dans son canton, où Hollande ne cherche pas vraiment à la faire battre. Avec l’âge, le vieux fond rad-soc de Chirac, qui a quitté l’Elysée, finit par ressortir. Jusqu’à cette fameuse visite d’une exposition d’art chinois à Sarran, en juin 2011, où l’ancien président déclare : «Je voterai Hollande [en 2012].» Fureur de Sarkozy, qui contraindra la famille Chirac à venir lui présenter des excuses à l’Elysée en expliquant que «Jacques n’a plus toute sa tête». Mais politiquement, le mal est fait. Hollande s’en tire par une pirouette en expliquant qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Mais il sait désormais que toute une frange de la droite centriste, rurale et cocardière peut se reporter sur lui. Le premier secrétaire Hollande l’avoue lui-même : «Je suis devenu premier secrétaire sans vraiment l’avoir recherché.» Il le restera plus de onze ans. Un record de longévité le classant juste derrière Mitterrand. Ou comment l’ancien transcourant, petit à petit et aidé par les statuts du PS qui l’obligent à composer en permanence avec les rapports de force internes, devient un homme de parti et un expert hors pair des courants et souscourants du PS. Il passe maître, congrès après congrès, dans l’art de la synthèse. «Molle», comme disent rapidement ses détracteurs. Bureau national après bureau national, il devient aussi expert dans l’art du compromis. Le fes- tival des sobriquets commence. De «fraise des bois» (sous laquelle ne peut sommeiller un éléphant) à «Flanby»… Lui n’en a cure. Il répète inlassablement : «Ma cohérence, c’est l’unité des socialistes.» Au nom de cette cohérence-là, François Hollande premier secrétaire est également celui qui, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année, avale les kilomètres, tisse sa toile dans le parti, mais sillonne aussi la France. Pour honorer une Fête de la rose, soutenir un candidat là le matin, un autre ici le soir, ou pour rentrer à Tulle. Ces déplacements, François Hollande les effectue en voiture, les pieds parfois au-dessus de la boîte à gants. Les journaux –à commencer par l’Equipe– sont toujours à portée de main. Et le sommeil jamais très loin. Entre 1997 et 2002, le premier secrétaire joue parfaitement son rôle de porte-parole de l’action gouvernementale et de copilote de la gauche plurielle. Il est associé à tous les grands projets de la dream team de Jospin, qu’il voit deux fois par semaine, le mardi matin lors du petit-déjeuner de la majorité et le mercredi en tête à tête : Pacs, 35 heures, CMU, emplois-jeunes… Il a alors les pleins pouvoirs sur le parti, mais pas l’autorité. Et, au lieu de faire table rase du passé, il réintègre dans les instances les anciens ministres, qui n’auront alors de cesse de lui contester son leadership. Derrière l’homme du consensus, plus accaparé par les alliances internes que le travail programmatique, se profile un général en chef électoral quand les victoires sont là, un apparatchik enfermé dans des querelles qui lassent les Français quand l’ambiance vire à l’aigre. Porté par une série de succès éclatants (régionales et européennes), il est élu homme politique de l’année fin 2004. Tout lui sourit alors. Il fait voter le PS sur la Constitution européenne: 60% de «oui» en décembre 2004. Sur son nuage –il pose en mars 2005 à la une de Paris Match en alter ego de Nicolas Sarkozy–, il ne voit pas venir le «non» du 29 mai, qui brisera net son ascension. François Hollande récupère le parti en lambeaux, divisé comme jamais sur un sujet, l’Europe, constitutif de l’ADN hollandais. Hollande raccommode à nouveau le PS au congrès du Mans: «Sinon, on partait LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 EVENEMENT A Tulle, en Corrèze, avec le couple présidentiel, en janvier 2004. PATRICK KOVARIK. AFP à la présidentielle avec un parti coupé en deux. J’ai décidé de me sacrifier dans l’intérêt du parti.» Sa compagne, Ségolène Royal, s’engouffre dans la faille et marche sur la présidentielle. «Personne alors ne s’est levé pour lui dire “François, fais ton devoir”», déplore aujourd’hui un de ses alliés. Et surtout pas Lionel Jospin, qui rêve alors secrètement de retour. «L’un attendait d’être appelé par l’autre. Et l’autre d’être adoubé par l’un», résume Bernard Poignant, l’actuel maire de Quimper, soutien de Hollande et proche de Jospin. Résultat, Ségolène Royal s’est imposée aux deux. Mais plusieurs témoins l’assurent: «Jospin, à ce moment-là, en a voulu à François.» Ses relations avec Jospin En 1997, quand Jospin passe de Solférino à Matignon, il laisse les clés du PS à son ancien porte-parole. «Il cherchait quelqu’un de confiance, se souvient Manuel Valls. Car même si les deux hommes ne sont pas faits du même bois, Hollande, grâce à son «agilité politique», a séduit l’ancien ministre de l’Education de Mitterrand. «Jospin avait aussi repéré cette faculté qu’avait Hollande à parler sur les radios, avec cette pointe d’humour et de cruauté qu’il sait avoir», se souvient Bernard Poignant. Une relation de confiance en tout cas est née, même si l’humour hollandais agace parfois l’austère, qui ne se marre pas toujours de ses facéties… Arrive le 21 avril 2002. Un traumatisme pour tout le monde. François Hollande se reprochera d’avoir craint le pire et de ne pas l’avoir dit. Ou pas assez tôt. Pas assez fort. Premier secrétaire, il aurait pu peser davantage pour remettre la campagne sur les rails. «Peut-être Jospin aurait-il dû nommer Hollande directeur de campagne», soupire un jospiniste en repensant à la cacophonie qui régnait à l’Atelier. «François m’a confié récemment qu’il ne s’était jamais engueulé avec Jospin, confie un proche. Peut-être aurait-ce été mieux s’il l’avait fait…» François, Ségolène et Valérie C’est au soir de la législative ratée dans la foulée de l’échec à la présidentielle de Ségolène Royal en 2007 que la nou- velle tombe. Via une dépêche AFP, la candidate défaite annonce qu’entre elle et lui, c’est fini. «J’ai demandé à François de quitter le domicile… Je lui ai rendu sa liberté… Je lui souhaite d’être heureux.» La phrase est reprise, commentée sur tous les plateaux télé de la soirée électorale. Beaucoup d’électeurs de gauche ont le sentiment désagréable d’avoir été pris en otage par les problèmes de couple entre l’ex-candidate à la présidentielle et son compagnon premier secrétaire du PS. Lequel, d’une nature réservée, voit sa vie privée surexposée sur la scène nationale. Après trente ans de vie commune, quatre enfants et une ascension publique ininterrompue, la PME politico-familiale licencie le patron. En fait, François Hollande est déjà parti. Pendant l’été 2005, sa relation avec Valérie Trierweiler, journaliste politique à Paris Match et Direct 8, a pris un tour plus personnel. Les deux se connaissent depuis longtemps, la quadragénaire à la chevelure de feu apprécie l’humour toxique et l’attention pour autrui du patron du PS. Ils sont tombés amoureux. A en croire Serge Raffy, si François a laissé Ségolène lui damer le pion en 2006, c’est en partie parce qu’il avait la tête ailleurs. «La plupart des proches utilisent une formule sibylline pour expliquer ce flottement: “Il était diverti.”» Le désormais candidat et la journaliste habitent dans le XVe arrondissement, près du parc André-Citroën. «Un appart moderne, spacieux mais pas grand. Avec une terrasse petite et sans vue sur la Seine», précise l’entourage de Hollande. «Il y a eu des vies communes qui ne le sont plus. La politique emporte tout», disait François Hollande avant le premier tour dans Libération à propos de la concurrence inédite avec Ségolène Royal. Une situation «pas ordinaire», reconnaissait la semaine dernière l’excandidate, défaite au premier tour, venue sur France 2 apporter son soutien à François Hollande. «Mais je ne peux pas renier ma vie, avouez d’ailleurs que le bilan de ce couple n’est pas si mauvais que ça, avec quatre enfants et deux candidats présidentiels. […] Je fais la différence entre le corps privé et le corps public. Aujourd’hui, c’est le corps public qui parle.» La politique, décidément, emporte tout. • 7 A Paris, le 12 juillet, Hollande officialise sa candidature à la primaire socialiste. JEANMICHEL SICOT La mue «Je m’y suis préparé.» Tel est le mantra de François Hollande, la phrase qu’il répète comme un sportif de haut niveau suit un programme d’entraînement en dix étapes. Etre candidat à l’Elysée puis exercer la fonction de président de la République –«normal»–, il s’y prépare «physiquement, mentalement et politiquement» depuis longtemps, dit-il. Depuis Lorient et le lancement de son pacte redistributif en 2009. En fait, la mue de l’ex-premier secrétaire en futur candidat socialiste a commencé en 2008. Selon Michel Sapin, «le moment où il crée les conditions pour être président, c’est lorsqu’il décide Quand t’as plus de boulot, que ta femme a été candidate, que tes amis t’ont lâché et que ta mère meurt, il y a un moment où il ne reste plus rien. Il a montré une capacité psychologique à faire face seul. C’est là que je l’ai vu en homme d’Etat.» Un proche de François Hollande de quitter la tête du PS et de ne pas présenter sa motion au congrès de Reims.» Eloigné des bisbilles qui culminent avec l’affrontement entre Martine Aubry et Ségolène Royal, le député de Corrèze quitte sa peau de premier secrétaire des synthèses molles. Il change d’image dans l’opinion. Celui qu’Arnaud Montebourg qualifiait de «Flanby» maigrit. Fini les fondants au chocolat et les frites. François Hollande perd entre «huit et douze kilos», selon sa capacité à résister aux tartelettes lors des Fêtes de la rose qu’il sillonne depuis deux ans. Un opticien de l’Odéon lui pose des lunettes sans montures sur le nez. Sa silhouette plus affûtée lui confère paradoxalement une gravité nouvelle. La sénatrice PS Frédérique Espagnac, qui fut longtemps sa collaboratrice, précise que «François n’a pas maigri pour montrer un changement. C’est parce qu’il a fait le travail de se confronter à lui-même qu’il a réussi. Pendant des années, on lui a dit : “Ne bouffe pas de gâteaux au chocolat” et ça ne servait à rien !» Le Hollande 2.0 a aussi mis un bémol à son humour pour se sortir de la caricature de «monsieur petites blagues». C’est également parce qu’il a pris du plomb dans l’aile. Lorsque Lepoint.fr lui demande pendant la campagne quel est son plus grand regret, il répond: ne pas avoir pu être au côté de sa mère lorsqu’elle est morte. Nicole Hollande, qui l’adorait et qu’il adorait. Octogénaire, elle avait pris la carte du PS en 2005 pour le soutenir et croyait en son ambition présidentielle. Son décès, en 2009, intervient après la séparation d’avec Ségolène Royal et son départ de la rue de Solférino. «Quand t’as plus de boulot, que ta femme a été candidate, que tes amis t’ont lâché et que ta mère meurt, il y a un moment où il ne reste plus rien. Il a montré une capacité psychologique à faire face seul. C’est là que je l’ai vu en homme d’Etat», raconte un proche. Michel Sapin, son vieux pote depuis l’ENA et le service militaire, confirme: «Sa personnalité, sa sensibilité d’aujourd’hui sont celles qu’il avait il y a dix, vingt ou trente ans. Mais dans un itinéraire, il y a des choses qui changent un homme dans sa relation aux autres. François déteste faire de la peine, du mal. Il sait désormais qu’arrivé à un certain niveau, cette question ne se pose plus. Il faut faire ce qu’il y a à faire. Et là-dessus, il a changé.» Comme le déclarait un patron de PME après l’avoir écouté à la foire de Châlons-en-Champagne, François Hollande aurait donc «la moelle» pour l’Elysée. Il lui reste désormais à en convaincre les Français. «Il faut que tu parles aux Français et que tu leur parles de la France, lui conseille Bernard Poignant. Un président, ce n’est pas un Premier ministre. Il doit montrer qu’il a écouté les Français, qu’il connaît bien leurs problèmes et peut les résoudre, mais aussi et surtout qu’il a embrassé leur histoire et leur géographie.» MATTHIEU ÉCOIFFIER, LAURE BRETTON, ANTOINE GUIRAL et PAUL QUINIO Sources: «François Hollande, itinéraire secret», de Serge Raffy, éd. Fayard, 2011; «le Figaro» du 25 août 2010; «Droit d’inventaires», entretiens avec Pierre Favier, éd. du Seuil, 2009; «PS, les coulisses d’un jeu de massacre», de Nicolas Barotte et Sandrine Rigaud, éd. Plon, 2008; «Devoirs de vérité», dialogue avec Edwy Plenel, de François Hollande, éd. Stock, 2006. 8 • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 EVENEMENT Pudeur des hollandais, légère déception des aubrystes, l’heure était déjà au rassemblement hier. DanslesQG, l’union secrée urieuse ambiance, hier soir, au quartier général de chacun des candidats et au siège du Parti socialiste. Chez les fidèles de François Hollande, réunis comme au premier tour à la Maison de l’Amérique latine, boulevard Saint-Germain à Paris, quand parviennent les premiers résultats, on comprend que l’affaire est bien engagée. Mais on ne veut pas céder au triomphalisme. Déception chez les supporteurs de Martine Aubry, dans la péniche amarrée face au quai d’Orsay. Et même réaction de pudeur: l’heure est au rassemblement. 19 heures. Une confiante incertitude règne à la Maison de l’Amérique latine. Cet hôtel particulier du VIIe arrondissement de Paris à quelques encablures du siège du PS, rue de Solférino, bruisse de scores favorables au député de Corrèze. «Ça fera entre 55% et 58%», glisse un militant d’un air entendu. 19h30. Sur la péniche de Martine Aubry, les premières tendances en faveur de Hollande assomment la poignée de militants présents. «Ça va être très dur, reconnaît Thibault, 23 ans, venu de Malakoff (Hautsde-Seine). On boit des bières à 5 euros en gardant un œil sur l’écran géant qui retransmet iTélé. «On est serein, assure Nobel, 48 ans, arrivé de Trappes (Yvelines). On peut gagner avec les écolos, avec le soutien de Djamel ou de Sandrine Bonnaire.» 20 heures. La large avance confirmée de Hollande finit de plomber l’ambiance. Quand le son de la télé tombe en panne, plus personne n’ose parler. Pendant quelques secondes, un étrange silence qui en dit long sur l’état des troupes. Iront-ils faire la fête ce soir avec les hollandais? «Je vais peut-être attendre un peu, reconnaît Thibault. Mais je ferai ensuite la campagne pour François, c’est sûr.» Delphine Mayrargue, secrétaire nationale du PS en charge de l’emploi, veut positiver: «S’il doit gagner, autant qu’il l’emporte franchement.» 20h30. Chez les hollandais, quand Pierre Moscovici, coordinateur de la campagne, prend la parole pour «appeler au rassemblement» et pour demander à ce que Martine Aubry ne se sente pas «humiliée», la victoire de Hollande ne fait plus de doute. Un photographe déjà présent en 2006 pour la désignation de Ségolène Royal au premier tour de la primaire s’amuse de se retrouver au même endroit: «Le lieu doit être portebonheur. Il y a cinq ans, c’était maman, là c’est papa.» C «La pression a été forte dans l’entre deux tours, il était temps que ça s’arrête avant que ça devienne trop destructeur.» Anissa 22 ans, soutien de Hollande 20 h 55. Quand Martine Aubry prend la parole pour acter sa défaite et appeler au rassemblement, les militants hollandais l’applaudissent chaleureusement. «Maintenant, on va aller bouter Sarkozy hors de l’Elysée», lance un vieux militant qui a connu d’autres joutes présidentielles. Au fil des résultats qui tombent, les applaudissements reprennent. «La pression a été forte pendant cet entre deux tours, il était temps que ça s’arrête avant que ça devienne trop destructeur», explique Annissa, militante socialiste de 22 ans. «Dès demain, il faudra se rassembler et préparer la vraie bataille de 2012», glisse Pierre Moscovici. A Solférino, l’opération réconciliation a commencé. Les aubrystes présents savent que «c’est râpé». «Quand vous avez tous les ralliements pour un candidat, il y a un effet d’amplification», avance MarieNoëlle Lienemann. Dans l’entourage de la maire de Lille, on avait fait ce calcul: il fallait «un million de votants supplémentaires à 60% pour Aubry pour inverser la tendance». 21 heures. Venant de l’Assemblée nationale, Martine Aubry, précédée de quelques minutes par son équipe de campagne –Anne Hidalgo, Olivier Dussopt, Bertrand Delanoë–, arrive rue de Solférino. S’adressant aux «Françaises, Français», elle «salue chaleureusement» la victoire de son rival : «Ce soir il est notre candidat à la présidentielle.» Lundi, elle retrouvera sa casquette de première secrétaire et promet de mettre «toutes [ses] forces et [son] énergie» au service de Hollande. Une page se tourne, insiste-t-elle : «Jusqu’à samedi, c’était le débat ; aujourd’hui, c’était le vote; ce soir, le rassemblement. Et demain, ce sera l’équipe de France du changement.» «Loyauté, fermeté, engagement», enchaîne Arnaud Montebourg au pupitre, qui déclare solennellement ouverte «la campagne pour la présidentielle de 2012». Les proches d’Aubry martèlent le message d’un «rassemblement absolu et sans ambiguïté» et prêchant l’anosognosie sur la fin de campagne tendue: «Les petites phrases, je ne m’en souviens même pas», lance le secrétaire national Razzy Hammadi. Ça finit par une bise sur le perron de Solférino entre Aubry et le vainqueur. Sous la clameur des militants entrés dans la cour et le regard de Manuel Valls, Ségolène Royal et le premier secrétaire par intérim, Harlem Désir. «Ce résultat est la première étape d’un long cheminement», lance Hollande. La page de la primaire –«un succès démocratique» – tournée, le programme de la semaine est tout tracé: «Demain à Solférino, mardi au bureau national et samedi pour une grande convention où tout le monde applaudira comme un seul homme ou une seule femme François Hollande», décrit Jean-Christophe Cambadélis, pro-Aubry. «Enfin les difficultés commencent !» savoure Jean-Marc Ayrault, pro-Hollande. JONATHAN BOUCHET-PETERSEN, LAURE EQUY et LUC PEILLON Sur la péniche le Quai, QG de Aubry (Paris VIIe, en haut), et au siège du PS, dans la rue de Solférino voisine, hier. PHOTOS NGUYEN. RIVA PRESS LAURENT TROUDE LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 EVENEMENT Inquiète de la capacité de Hollande à capter les voix du centre, l’UMP est convaincue que Sarkozy ne fera qu’une bouchée de la «gauche molle». La droite lance la riposte contre le candidat «normal» S s’était promis que l’on ne parlerait pas de la primaire. Promis juré. Mais hier, Henri Guaino, le conseiller spécial de Sarkozy, n’a pas pu s’empêcher de remettre le sujet sur la table. Il a jugé «un peu consternant que la primaire PS écrase toute l’actualité», ajoutant que «c’est un peu limite, du point de vue journa- listique». Et plus tôt, le ministre du Travail, Xavier Bertrand, n’avait pu résister à l’envie de balancer une pique à son ennemi Jean-François Copé, en assurant que la primaire «est un processus en train de trouver sa place». Même hier soir, la droite était incorrigible. GRÉGOIRE BISEAU. Drôles de retrouvailles… Quinze ans après l’avoir affronté pour briguer le premier secrétariat du PS au congrès de Brest de 1997, JeanLuc Mélenchon et sa nouvelle casaque Front de gauche retrouvera François Hollande dans la course présidentielle. «Il y a maintenant la place pour un débat de confrontation de deux lignes à gauche», se réjouit François Delapierre, directeur de campagne de Mélenchon. Chez les communistes, on ironise sur la politique à «pâte molle» de Hollande. Porteparole du PCF, Patrice Bessac prévient: «La gauche ne peut pas réussir si elle n’affronte pas les banques.» Côté écologiste, malgré le faible des militants et de leur chef, Cécile Duflot, pour Martine Aubry, on jure que la désignation de François Hollande ne change «pas grandchose». On le met tout de même en garde contre un «détricotage» des négociations en cours: «Ce serait un premier mauvais signe envoyé, dit Jean Vincent Placé, bras droit de Duflot. Il devra démontrer qu’il a les capacités de laisser les partis travailler.» L.A. Crédit Photo : Digital Vision / gettyimages FNMF - Organisme régi par le Code de la mutualité - RNM 304 426 240 chef de l’Etat. Et, surtout, il ne la comprend pas. Autant on peut douter que Hollande soit capable d’envoyer les Rafale sur Benghazi, autant, avec Aubry, ce n’est pas le cas.» Un élu de l’UMP: «La France en crise n’a pas besoin du représentant de la gauche molle. En devenant le candidat des socialistes, on a l’impression qu’il est arrivé le plus haut possible.» «Coriace». Mardi, lors du petit-déjeuner de la majorité, Nicolas Sarkozy avait pris la peine de ne surtout pas marquer sa préférence pour l’un ou l’autre : «Celui qui sortira de la primaire sera un candidat forcément coriace», a-t-il déclaré. Et d’ajouter pour calmer les ardeurs: «La campagne sera un marathon…» En clair, il n’y a aucune urgence à se presser et donc à précipiter la déclaration de sa propre candidature. Le lendemain, au siège de l’UMP, la «cellule riposte» de la majorité moulinait ses argumentaires pour dimanche. «Dans ce contexte, on ne voit D’abord contre le futur candipas comment le chef de l’Etat dat socialiste. pourra faire l’impasse sur un Sur le mode : rapprochement avec Bayrou.» «Hollande n’a pas de passé, Un visiteur du soir de l’Elysée mais déjà un «responsable», François Hol- passif». Les élus de l’UMP lande devrait en effet pou- étaient appelés à cogner sur voir séduire plus facilement son bilan à la tête du Parti que Martine Aubry l’électo- socialiste et de son départerat du centre. C’est en tout ment de la Corrèze. cas ce que craint la majorité. L’autre angle d’attaque était «Dans ce contexte, on ne voit d’ouvrir le débat contre le pas comment le chef de l’Etat programme du PS, synthèse pourra faire l’impasse sur un «d’une gauche molle et d’une rapprochement avec François gauche archaïque». «Il faudra Bayrou. Y compris en matière expliquer que la propagande de programmatique», veut du PS, c’est fini. Maintenant, croire un visiteur du soir de on va entrer dans le vrai dél’Elysée. Ce qui va s’avérer bat», expliquait à Libération très compliqué. un participant de la cellule. «Pyrrhus». En revanche, en Hier soir, Christian Jacob, le matière de personnalité, les patron du groupe UMP à proches du chef de l’Etat es- l’Assemblée nationale, a péraient tous tomber sur donc récité la leçon sur les Hollande. Pour eux, il ne fait plateaux de télé. Il a d’abord guère de doute que Sarkozy déclaré que «le monologue du ne fera qu’une bouchée de la PS est maintenant terminé». «normalité» de Hollande. Et Puis il a égrené les proposide sa supposée «mollesse». tions socialistes sur le nuHier, Laurent Wauquiez, mi- cléaire, l’embauche de nistre de la Recherche, dé- 60 000 fonctionnaires dans clarait: «Ce soir, c’est la vic- l’éducation nationale, les toire de la gauche molle qui emplois-jeunes… Et de poser risque d’être une victoire à la la question qui se veut fatale: Pyrrhus.» «Sarkozy craignait «M. Hollande a-t-il fait ses Aubry car il ne la connaît pas additions ?» bien, soutient un proche du Enfin, la cellule riposte 9 LE FRONT DE GAUCHE RAVI, LES ÉCOLOGISTES PRUDENTS June,TwentyFirst itôt les premières estimations connues, JeanFrançois Copé, fidèle au front, sortait, sur le plateau de France 2 la grosse artillerie: «C’est une pseudo-soirée électorale. Je pensais que François Hollande serait élu avec 65% ou 70% des votes. Il avait tout le monde avec lui et Martine Aubry avait tout le monde contre elle.» La majorité souhaitait secrètement un score le plus serré possible entre les deux candidats, pour contester demain la légitimité du leader socialiste. Puisque la droite n’a pas obtenu ce qu’elle espérait, il faut donc minorer l’avance de Hollande. Rien de plus logique, donc. Pour la majorité, la victoire de l’ex-premier secrétaire n’est pas une très bonne nouvelle. «L’élection de Martine Aubry pourrait nous libérer un espace politique au centre», confiait il y a quelques jours un proche collaborateur du Président. En donnant l’image d’une gauche • “Un impôt sur notre santé ? C’est non !” Non à la dégradation de l’accès aux soins. Le gouvernement a décidé de doubler la taxe sur les contrats santé solidaires et responsables ! Les mutuelles sont des organismes à but non lucratif. Elles ne versent pas de dividendes à des actionnaires. Taxer les mutuelles, c’est créer un nouvel impôt sur la santé. C’est dangereux : de plus en plus de nos concitoyens renoncent aux soins pour des raisons financières. C’est injuste : avoir une mutuelle est aujourd’hui essentiel pour chaque foyer. Bénéficier d’une mutuelle n’est ni un privilège, ni un signe extérieur de richesse. Votre santé mérite mieux qu’une taxe, la santé doit être au cœur du débat électoral de 2012 ! Contactez votre mutuelle et rejoignez nous sur www.mutualite.fr/petition pour signer la pétition contre l’impôt sur votre santé. sur www.mutualite.fr/petition 10 • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 EVENEMENT Dans la banlieue de Lille, dans le Tarn, à Lyon, Marseille ou Paris, les électeurs ont choisi leur favori pour l’emporter en 2012. «N’importe lequel pourvu qu’il batte Sarkozy» D ans les grandes villes, les bourgs ou les quartiers, ils sont venus, ou revenus, voter. Comme lors du premier tour, Libération, a repris son tour de France des bureaux de vote de la primaire. PARIS XVIIIE «Nous, on vote le plus rouge possible» Hier, Bentou, 35 ans, sans emploi, a changé de vote. Elle avait choisi Aubry. Elle a glissé un bulletin Hollande. «Je n’ai pas du tout aimé sa façon de parler ces derniers jours. Elle a eu des mots blessants». Nans, 39 ans, employé dans l’industrie musicale, a hésité à voter Aubry une deuxième fois : lui aussi à cause de son «agressivité». «Hollande, ce n’est quand même pas Sarkozy», désapprouve-t-il. Lucas, cariste de 44 ans, ne croit pas au programme d’Aubry. «Avec la crise économique, c’est impossible d’appliquer ses idées.» Il a voté deux fois Hollande, dont la posture de «rassembleur» continue à payer. A la Goutte-d’Or, rue Saint-Mathieu, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, Aubry était pourtant arrivée en tête avec 44% des suffrages, devant Hollande à plus de 23%. Beaucoup viennent d’ailleurs confirmer leur choix du premier tour. Aurélie et Delphine, 42 et 41 ans, consultante et enseignante, venues avec leurs deux enfants, ont choisi Aubry car «plus moderne, plus pêchue, et parce que c’est une femme». Paul et Carole, eux, ne savaient pas qui choisir. Ils n’ont pas la télé, n’ont pas suivi les débats, et abhorrent «la langue de bois». «Nous, on vote le plus rouge possible. On vote tout le temps contre.» Cette fois contre Hollande, trop associé à Jospin, pas assez «socialiste». «On soutient toujours le plus faible», sourit Paul. Frédéric, 37 ans, ingénieur, électeur du Front de gauche, avait choisi Montebourg pour «changer le système». Il pense qu’Aubry sera «plus ouverte» ; sur l’économie et les banques, «c’est elle à qui on pourra arracher des choses». Le ralliement d’Arnaud Montebourg à François Hollande n’a eu aucun impact sur lui. «Les sondages nous bassinent, en disant : “C’est Hollande, c’est plié.” Non, les gens votent encore», voulait-il encore croire. LYON «J’ai longuement hésité» Dans le bureau de vote de la maison de quartier de Cuire-le-Haut et de la salle de la Ficelle à Lyon (4e), l’élection d’hier a attiré de nouveaux électeurs. Ici, par rapport au premier tour, l’ambiance est beaucoup plus détendue. Les présidents des bureaux et les assesseurs sont rodés, les votants aussi, et les opérations prennent beaucoup moins de temps. Yacine, 38 ans, n’a pas pu voter le 9 octobre, car il travaillait. En 2007, il avait soutenu Royal parce qu’elle apportait «un vent nouveau en politique». Là, il a donné son suffrage à Hollande : «C’est lui qui a les plus grandes capacités de rassemblement face à Sarkozy.» Nadia, 60 ans, ne s’était pas déplacée non plus, parce qu’elle en a «ras le bol des politiques qu’ils soient de droite ou de gauche». En 2007, elle avait choisi Sarkozy «pour LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 sa capacité à agir». Une amie «très socialiste» l’a convaincue de participer au second tour de la primaire. «J’ai voté Martine, je me suis dit que les mecs vont pas trop aimer qu’il y ait une nana qui l’emporte.» D’autres ont participé aux deux tours, comme Jeannie, 81 ans. «J’ai choisi Montebourg au premier tour parce qu’il est jeune, et qu’il a de l’avenir.» Et au second ? «J’ai longuement hésité.» Et, à Aubry jugée «un peu trop revancharde», elle a préféré Hollande. CARMAUX (TARN) «Tout le monde n’avait pas suivi Ségolène en 2007» Depuis bientôt dix ans que l’exploitation du charbon a cessé, il n’y a plus beaucoup d’ouvriers à Carmaux (Tarn). Mais le «vote ouvrier» y persiste. Et si la section carmausine du PS est très majoritairement aubryste, c’est le candidat «utile» Hollande qui l’a emporté au premier tour avec 50% des suffrages devant Aubry à plus de 20%. Montebourg a obtenu près de 15% dans un corps électoral où les jeunes sont devenus aussi rares que les ouvriers actifs. «J’ai voté Montebourg dimanche dernier, je voterai Aubry ce coup-ci. Pour la remercier d’avoir fait les 35 heures, explique François, 56 ans. Pour une fois qu’un politique ose mettre une claque aux patrons…» Le retraité mineur qui l’a précédé devant les urnes a hésité mais a finalement voté Hollande. «N’importe lequel des deux pourvu qu’il batte Sarkozy, qui n’a rien fait pour les ouvriers», explique Lucienne, 74 ans, «fille et petite-fille de mineur». Jean-Baptiste, 54 ans, ex-électricien de la mine, aurait pu voter «pour le pape au premier tour», mais en 2012 il sera «derrière le vainqueur de cette primaire, quel qu’il soit». «Tout le monde n’avait pas suivi Ségolène en 2007, vient dire la première secrétaire de la section, Sylvie Bibal-Diolo. On ne se refera pas avoir…» LILLE ET HEM (NORD) Dans un bureau de la Goutted’Or (Paris XVIIIe), hier. PHOTO JULIEN MIGNOT. ÉTÉ 80 «Un euro, c’est deux baguettes» A Hem, salle André-Diligent, dans le quartier populaire des Hauts-Champs, l’analyse n’est guère différente. Farouk, diplômé de Sciences-Po, sympathisant PS, explique qu’«il y a des gens qui n’avaient jamais voté de leur vie» et qui sont venus parce qu’ils «ne veulent plus de Sarkozy». Mais, dans cette ville du Nord, les faveurs vont plutôt vers Martine Aubry. Reynald Bonnier, éducateur spécialisé, dit avoir voté pour celle qui a «mis de l’ordre dans le parti», mais aussi parce qu’elle «est de chez nous». Certains n’ont pas voté, parce qu’«un euro, c’est deux baguettes. Ça paraît affolant, mais c’est la réalité». Et l’éducateur assure qu’il n’y a pas eu de consigne de vote dans les sections, «contrairement à ce qui peut se faire dans le Pas-de-Calais». Un étudiant a voté Royal au premier tour, et Aubry hier. Il voit Hollande en apparatchik, «habitué aux négociations de couloirs». A la mairie de Lille, on se bouscule au portillon aussi. A 18 heures, il y a autant de participants qu’à la clôture des bureaux, au premier tour. «On peut espérer que les gens voteront pour quelqu’un de connu ici», sourit une vieille dame. Une secré- EVENEMENT taire vacataire qui avait voté Montebourg au premier n’a pas voté comme son favori : «Je ne vois pas Hollande représenter la France dans les négociations internationales. [Aubry] a plus de présence.» En fin de journée, un étudiant croit encore à la victoire de la maire de Lille : «Hollande, j’ai l’impression que c’est un gros soufflé au fromage qui va se dégonfler.» MARSEILLE «On s’est réveillés un peu tard» Thomas et Gaëlle, 38 et 36 ans, ont eu chaud. Le scrutin vient de fermer à Marseille, ils ont juste eu le temps de glisser leur bulletin. «On bricolait à la maison, on s’est réveillés un peu tard», s’excuse Gaëlle. Ils ont couru car ils tenaient à voter. «Ce n’est pas tous les jours qu’on nous donne le choix, qu’on nous laisse choisir notre candidat», dit-elle. • 11 Thomas acquiesce, puis il ajoute: «C’est fois, les bureaux les plus surveillés se un tour de chauffe. Ça fait cinq ans que ça trouvaient dans les quartiers Nord. C’est nous tarde de voter.» Dans les Bouches- là que Rafik et Lamia (29 et 26 ans) ont du-Rhône, la participation est en légère voté. Pour Martine Aubry, comme le dihausse, avec de fortes disparités d’un dimanche à l’autre. «Les sondages nous bassinent, en Quelque «10% à 20%» des disant: “C’est Hollande, c’est plié.” votants du premier tour ne seraient pas revenus, pen- Non, les gens votent encore.» dant que d’autres décou- Frédéric électeur du Front de gauche vraient la primaire. Les nombreux bugs de la dernière fois (listes manche précédent, parce que François incomplètes ou inversées notamment) Hollande les avait inquiétés, dit Rafik, ont à peu près disparu. «Dans certains en «changeant d’avis» sur le nucléaire. bureaux, on sentait un peu plus de tension, En sortant, ils croisent Christian, 53 ans mais rien de méchant, confie Jean-Pierre et plein de tatouages, qui travaille à la Deschamps, ancien magistrat à qui le PS sucrerie voisine. Lui a voté deux dimana confié le contrôle du scrutin dans les ches de suite Hollande. «Mais, dit-il, Bouches-du-Rhône. Il y avait plutôt un l’important, c’est dans six mois !» climat bon élève. Les militants avaient enOLIVIER BERTRAND (à Marseille), vie de montrer qu’ils ne sont pas ce que CATHERINE COROLLER (à Lyon), l’on dit qu’ils sont.» Avec ses assesseurs, GILBERT LAVAL (à Carmaux), ils ont mené une soixantaine d’inspecCHARLOTTE ROTMAN tions, sans rien noter de grave. Cette et HAYDÉE SABÉRAN (à Hem) 12 • MONDE LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 Avant le scrutin de dimanche, les intégristes s’attaquent à des symboles laïcs et tentent de noyauter les mosquées. EnTunisie,desislamistes agitateurscultuels Par ÉLODIE AUFFRAY Correspondante à Tunis «A entendre. «Je suis là pour dire que ceux qui ont protesté contre Nessma ne représentent pas toute la société tunisienne», insiste Amel Elmayel, enseignante d’arts plastiques. «Il ne faut pas laisser la rue à ceux qui appellent à un retour en arrière», ajoute Fayçal Abroug, ancien responsable syndical. «On a un nouveau tabou: la sensibilité des musulmans. C’est une notion très floue, où est-ce que ça s’arrête ?» interroge-t-il. atakni» («Lâche-moi») : 2 000 à 3 000 personnes ont défilé sous ce slogan, hier à Tunis. Une marche pour la défense de la liberté d’expression, en réplique à la mobilisation des islamistes contre la chaîne de télé Nessma, qui agite le pays depuis une semaine. Cette télévision privée avait suscité la polémique en diffusant le film «INFILTRÉS». A quelques jours du scrud’animation Persepolis, qui contient une tin de dimanche qui doit désigner une représentation de Dieu –ce que l’islam Assemblée constituante (lire ci-contre), proscrit– et choqué bon nombre de Tu- le débat sur la place de la religion, qui nisiens. Les intégristes ont s’était calmé ces dernières donc ouvert les hostilités, le REPORTAGE semaines, fait un retour en 9 octobre, en tentant d’asforce dans la campagne. Les saillir les locaux de la chaîne. Toute la deux principales formations de centre semaine, des petites manifestations gauche, le Forum démocratique pour les avaient ensuite eu lieu. Vendredi, la libertés et le travail (FDTL) et le Parti mobilisation a atteint son apogée lors- démocrate progressiste, évitent de s’y que quelques milliers de personnes, is- engouffrer. Ennahda, parti islamiste qui lamistes radicaux et citoyens ordinaires, se dit modéré, a condamné à la fois Nesont défilé sans grands heurts, après la sma et la violence des manifestants. prière. Devant le tollé, Nabil Karoui, le Mais, la formation, donnée gagnante, patron de Nessma, a été contraint de dénonce aussi une campagne de discréprésenter ses excuses aux Tunisiens. Il dit à son encontre. «Les cadres du parti fait aussi l’objet d’une procédure judi- ne sont probablement pas des salafistes, ciaire, de même que ceux qui ont tra- mais parmi ceux qui votent pour eux, on duit le dessin animé en arabe. trouve des salafistes. Il y a toute une classe Hier, c’était au tour du «peuple [qui] sociale qui est prête à adhérer à un islam veut la liberté d’expression» de se faire très conservateur», avertit l’islamologue Mohamed Talbi. Depuis la révolution, les intégristes occupent le terrain, s’attaquant à des symboles comme les maisons closes ou un cinéma qui diffusait le documentaire Ni Allah ni maître… «Avec la nouvelle liberté, ils veulent se montrer comme un groupe de pression. Mais ce n’est pas un milieu très organisé. Ils n’ont ni chef de file ni vision stratégique», souligne l’historien contemporain Alaya Allani, qui chiffre le nombre de salafistes «entre 5000 et 7000, avec un noyau dur de vrais jihadistes qui ne dépasse pas une trentaine de personnes». Pour cet universitaire, ces violences règles. Un peu à l’écart de l’université El-Manar à Tunis, la mosquée du campus a repris vie depuis neuf mois. Considérée comme un foyer islamiste par l’ancien pouvoir, elle avait été fermée en 2002, mais rouverte le 15 janvier, au lendemain de la fuite de Ben Ali. Les jeunes «barbus» y côtoient les étudiants en jean et les habitants du quartier. A l’heure du déjeuner, une demidouzaine de ces barbus devisent devant l’édifice. Aucun ne se dit salafiste. «C’est un mot de l’ancien régime pour nous discréditer auprès des Tunisiens et nous réprimer, rejette Fahd. Je suis tout simplement musulman.» Houssem se dit «proche des salafistes» pour la fidélité au Coran et à la sunna, l’enseignement du prophète, mais «prend aussi aux Frères musulmans leur sens de l’organisation des manifestations». Il rejette la démocratie, car «les lois viennent de Dieu et pas du peuple». Ali, lui, participera au scrutin, mais sans voter pour Ennahda «qui a un discours d’ouverture envers les laïcs». «On ne cherche pas la violence. Mais quand on attaque notre Dieu, nous avons le droit de le défendre», poursuit Fahd. NIQAB. Sur le campus, le débat religieux s’est aussi incrusté. Auparavant, le port du voile ou de la barbe pouvait être source de problèmes pour les intégristes. En février, malgré l’opposition de l’administration, des étudiants islamistes ont améAprès la diffusion de «Persepolis», nagé une salle de prière à qui contient une représentation l’entrée d’un amphi. Une de Dieu, les intégristes ont tenté vingtaine de filles ont revêtu le 9 octobre d’assaillir les locaux le niqab. Les enseignants ont de la chaîne de télévision Nessma. dû gérer seuls. Le problème s’est transformé en crise préélectorales peuvent être le fait d’une lorsqu’une centaine d’intégristes a en«instrumentalisation» de ces groupes vahi la faculté de Sousse, il y a deux separ les forces de l’ancien régime «qui les maines, pour protester contre le refus avaient infiltrés». d’inscrire une étudiante en niqab. Le Les islamistes profitent aussi de la pé- ministère de l’Enseignement supérieur riode de transition pour pousser leurs considère «que c’est un épiphénomène, pions dans les mosquées ou les univer- que la situation politique est sensible et sités. Dans les premières, ils ont parfois qu’il ne faut pas mettre d’huile sur le feu, placé leurs imams, après avoir chassé explique Monia Cheikh. Même si on nous ceux à la solde de l’ancien régime. Dans accuse de créer une perturbation, on ne les secondes, ils tentent d’imposer leurs doit pas avoir peur de cela». • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 MONDE • 13 Dimanche, le pays doit se doter d’une Assemblée constituante. 1600 listes, 12000 candidats… les citoyens découvrent la démocratie es bulletins sont imprimés. Les comportant au total près de 12000 canurnes, les tampons, les isoloirs ont didats. «On ne connaît rien aux partis», été disséminés dans les régions. reconnaissent encore de nombreux ciDimanche, les Tunisiens participeront toyens. Abdelhamid, lui, n’en a «plus à leur première élection libre. La future que deux» en tête. Encore indécise, Assemblée, qui aura pour mission de ré- Omelkhir «compte sur les enfants» pour diger une nouvelle Constitution, comp- l’aider à faire son choix. tera 217 membres. Les Tunisiens sont Les islamistes d’Ennahda sont donnés encore nombreux à s’arrêter devant les grands favoris. Derrière eux, arrivemurs qui servent à l’affichage de la pro- raient deux formations de centre gaupagande des partis politiques. La lecture che, le Parti démocrate progressiste est longue, elle s’étend sur des dizaines (PDP) et le Forum démocratique pour de mètres. Et pour cause: selon les cir- les libertés et le travail (FDTL). On conscriptions, les électeurs doivent trouve ensuite le Congrès pour la RépuAP 164x219 Youssry Mouawad Bashir.ai 1 de 15/09/11 trancher parmi 26 à 95 listes. Sur l’enblique l’ancien 13:36 opposant Moncef semble du pays, 1600 listes sont en lice, Marzouki, le Pôle démocrate moder- L niste (alliance créée autour des ex-communistes d’Ettajdid) ou encore les formations qui se réclament de l’héritage de l’ancien président Habib Bourguiba, Al-Watan et l’Initiative. De même que les indépendants, qui représentent près de la moitié des candidats. Le taux de participation est l’une des grandes inconnues de ce scrutin. L’instance indépendante chargée d’organiser le scrutin a finalement décidé qu’il suffira d’avoir une carte d’identité pour voter. La raison? Seulement un peu plus d’un Tunisien sur deux avait répondu à l’appel pour s’inscrire sur les listes électorales. É.Au. (à Tunis) L’EGYPTE VOUS SOURIT SOURIEZ-LUI EN RETOUR SUR Des manifestants en faveur de la démocratie, hier à Tunis (à gauche). Une démonstration de force dans la capitale de la part des islamistes, vendredi après la prière (à droite). www.facebook.com/sourires.egypte PHOTOS HASSENE DRIDI. AP ࡒ Quand vous serez sur la barque du retour de Philæ, je vous présenterai mes bracelets et colliers nubiens. Plus tard, ils vous rappelleront la lumière de mon pays REPÈRES Youssry Mouawad Bashir, 31 ans, vendeur de souvenirs, Philæ 122 ࡖ C’est le nombre de partis en lice dimanche dans le cadre de l’élection de la nouvelle Assemblée constituante qui comptera 217 membres. Rached Ghannouchi chef du parti islamiste Ennahda Sans surprise le parti islamiste Ennahda (Renaissance) de Rached Ghannouchi est donné très large vainqueur par les sondages des élections de dimanche. Son leader évo quait même un score entre 40 et 50% des suffrages. Loin derrière, on retrouverait les partis «laïcs», dont le Parti démocrate progres siste, suivi du Forum démocratique pour les libertés et le travail (FDTL) puis le Pôle démo cratique moderniste (AlQotb) et enfin le Congrès pour la République. 515 012 185 RCS Paris - Photo © Vincent Bourdon. «Ces manifestations n’ont pas été organisées par un parti déterminé mais par tout le peuple tunisien en colère contre cette provocation de la chaîne Nessma visant à entraver les élections.» là où tout commence 14 • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 MONDEXPRESSO VU D’AMSTERDAM RETOUR SUR L’INTERVENTION AMÉRICAINE EN AFRIQUE CENTRALE Par SABINE CESSOU Le flirt osé d’un ancien mannequin avec les Kadhafi ue faisait donc en Libye la Néerlandaise Talitha Van Zon, ancien mannequin de 39 ans, pendant l’assaut donné par les rebelles sur la capitale libyenne? Le fait divers passionne aux Pays-Bas, depuis que la belle blonde a sauté, le 23 août, du balcon du Corinthia, un hôtel cinq étoiles de Tripoli. Elle s’est d’ailleurs cassé un bras en tentant de fuir des rebelles qui voulaient la brûler au pétrole, a-t-elle raconté plus tard au journal britannique The Telegraph, en raison de son appartenance au clan Kadhafi. Le personnel de l’hôtel l’a conduite à l’hôpital, non sans risques, les combats faisant rage dans la ville. C’est là, à l’hôpital, qu’un reporter néerlandais l’a ensuite trouvée, morte de peur. La présentant comme son assitante, Arnold Karskens l’a aidée à quitter la Libye. A son retour aux PaysBas, le 26 septembre, Talitha Van Zon a été arrêtée à l’aéroport de Schiphol. Soupçonnée de trafic d’êtres humains, elle a été interrogée pendant deux jours, puis assignée à résidence. Q L’ex-mannequin, qui a autrefois posé pour Playboy, va devoir s’expliquer sur sa relation avec Moutassim Billah Kadhafi, l’un des sept fils du Guide. Elle l’a rencontré en 2004 dans une boîte de LIBÉRIA L’opposition a rejeté samedi les résultats du premier tour de la présidentielle, dénonçant des fraudes. Ces résultats donnaient en tête la présidente sortante Ellen Sirleaf Johnson, récent prix Nobel de la paix. Les deux camps iront malgré tout au second tour. YÉMEN Des manifestations contre le pouvoir ont été violemment réprimées samedi et dimanche, faisant au moins 15 morts. CÔTED’IVOIRE Le procureur de la Cour pénale internationale était samedi à Abidjan où il a rencontré des responsables, dont le président Ouattara. Il a promis une enquête «impartiale» centrée sur «ceux qui ont les plus grandes responsabilités». nuit en Italie et eu une liaison de trois mois avec lui. Quand elle a su qu’il y avait «d’autres femmes» dans sa vie, elle a rompu, ce qui ne les a pas empêchés de rester bons amis. Officier de l’armée libyenne, en charge du Conseil de sécurité national, Moutassim l’a couverte de cadeaux: une panoplie complète de sacs Vuitton, des dîners à Monaco et des voyages en Boeing privé, a-t-elle confié au Telegraph. Elle a aussi expliqué avoir fait «l’erreur de sa vie» en allant début août en Libye pour y chercher de l’argent afin de payer le traitement de son père atteint d’Alzheimer… A Amsterdam, de mauvaises langues se demandent si elle n’est pas plutôt allée distraire Moutassim pendant le ramadan. Voire une espionne à la solde des services secrets de son pays… La réalité est moins rose. L’émission de télé EenVandaag a révélé que la belle Talitha était occupée à monter un réseau de prostituées de luxe à Tripoli. A preuve, une Néerlandaise, dont l’identité n’a pas été dévoilée, vient de porter plainte. Elle affirme avoir suivi Talitha en Libye au printemps et y avoir été violée par Moutassim. Comme elle est l’amie d’un avocat néerlandais de renom, on pourrait bientôt connaître le fin mot de l’histoire. • LIBYE Les combats ont repris à Bani Walid, un des derniers bastions kadhafistes, après une semaine de trêve. AFGHANISTAN Un attentat a eu lieu samedi dans le Panchir, une zone jusqu’ici réputée à l’abri. Les talibans veulent montrer qu’aucune partie du pays n’est sûre. KENYA L’armée a lancé hier une opération en Somalie contre les shebab soupçonnés d’avoir enlevé récemment deux Espagnoles et la Française Marie Dedieu. GABON L’opposant Pierre Mamboundou, 65 ans, est mort samedi. Il était candidat contre Omar Bongo en 1998 et 2005, revendiquant la victoire, puis contre son fils Ali Bongo en 2009. A Ouganda: Obama traque le «messie sanglant» Après Ben Laden et Al-Awlaki, l’imam d’Al-Qaeda récemment tué au Yémen, Barack Obama ajoutera-t-il à son tableau de chasse Joseph Kony, le «messie sanglant» d’Afrique centrale ? Tel est l’objectif des 100 militaires qui, a annoncé le président américain, se déploient actuellement en Ouganda, en république démocratique du Congo, au Soudan du Sud et en République centrafricaine pour traquer ce qui reste de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), les tueurs de Joseph Kony. L’annonce a surpris, tant les Etats-Unis redoutent l’Afrique (le commandement américain pour ce continent reste basé en Allemagne) et tant ils peinent en Afghanistan. Mais quelques militaires américains pourraient «faire une différence» essen- tielle, plaident des organisations comme Human Rights Watch ou l’International Crisis Group. Ce geste relève aussi de l’échange de bons procédés : Washington n’a sans doute pas d’intérêt direct à affronter Kony, mais cela conforte l’armée ougandaise qui se bat sur un terrain où les Américains n’osent plus s’aventurer: la Somalie. L.M. (à Washington) 477 C’est le nombre de pri sonniers palestiniens qui devraient être libérés dès demain en échange du sol dat israélien Gilad Shalit. La liste, qui comprend 27 femmes, a été publiée hier par le gouvernement. Elle permet à des particu liers de faire appel devant la Cour suprême israé lienne contre les libéra tions. «Je crois que tout le monde a échoué à gérer [la transition égyptienne], que ce soit le conseil militaire, le gouvernement ou les révolutionnaires.» L’opposant Mohamed elBaradei qui a demandé au conseil militaire une «feuille de route claire» pour la transition L’HISTOIRE LES V(I)OLEUSES DE SPERME ARRÊTÉES Au Zimbabwe, la police a peutêtre mis à jour un réseau qui faisait trembler le pays: celui des violeuses d’hommes. Depuis deux ans, de nombreux mâles étaient kidnappés et violés par des femmes. Leur but: «voler» du sperme, un sym bole de vie couramment utilisé par les guérisseurs. Trois suspectes, dont deux sœurs de 24 et 26 ans, ont été déférées samedi devant la justice. Elles ont été arrêtées avec 33 préservatifs remplis de sperme qui se trouvaient dans le coffre de leur voiture, puis identifiées par 17 de leurs victimes. Parmi elles, un militaire et un offi cier de police. Hommage, mardi au Népal, aux Tibétains qui se sont immolés par le feu. NIRANJAN SHRESTHA. AP Unhuitièmemoine sacrifiépourleTibet CHINE Un bonze s’est immolé par le feu à Aba dans le Sichuan en réaction à la politique répressive de Pékin. our la huitième fois depuis mars, un jeune moine s’est transformé samedi en torche humaine en signe de protestation dans une région tibétaine de la province chinoise du Sichuan. «Il courait le corps en feu en criant “liberté pour le Tibet” et “laissez revenir le dalaï-lama”», a raconté un témoin à Radio Free Asia, en précisant que l’incident s’est déroulé sur le marché de la ville d’Aba. «Les policiers l’ont frappé pour le jeter à terre et éteindre les flammes avec des seaux d’eau, puis l’ont embarqué dans une voiture.» Inaccessible. Selon le gouvernement tibétain en exil, le bonze Norbu Dathul, âgé de 19 ans, dépend du monastère de Kirti. Cette grande lamaserie est la cible d’une répression brutale des autorités chinoises depuis une première immolation par le feu survenue le 16 mars, qui a P provoqué des heurts entre la police et la population tibétaine. Environ 300 moines, sur les 2 500 que compte ce monastère, ont été ensuite emmenés dans un lieu inconnu par les autorités chinoises. Depuis, Pékin refuse de s’expliquer sur leur sort, en dépit des demandes du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de l’ONU et des EtatsUnis. Washington estimait, déjà en 2010, le nombre de prisonniers tibétains d’opinions à 824. La zone d’Aba, qui fait partie de l’ancienne province tibétaine du Kham, est inaccessible aux étrangers depuis cette époque. Quant à la région dite autonome du Tibet, elle est pratiquement interdite d’accès depuis les violentes émeutes antichinoises de 2008. Selon le tibétologue Robert Barnett, la région et ses zones voisines avaient alors été le théâtre de 150 manifestations. Rien qu’à Aba, la police avait tué une dizaine de manifestants. Symptôme. Cette dernière vague sans précédent d’immolations paraît être le symptôme d’une répression accrue de Pékin, qui proscrit le culte du dalaï-lama. «Les Tibétains estiment n’avoir à présent d’autre recours que de s’immoler par le feu», commente Stéphanie Brigden, de l’organisation Free Tibet. Pékin, en revanche, accuse le chef spirituel tibétain d’encourager ces sacrifices dans un but politique. «Le dalaïlama s’est plusieurs fois élevé contre les suicides de protestation, analyse Barnett, mais il ne peut pas non plus critiquer le droit des Tibétains à protester, ni récuser le fait qu’ils sont soumis à des pressions intolérables.» De notre correspondant à Pékin PHILIPPE GRANGEREAU LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 Justice:Mercier laissesamarque surleparquet FRANCE • 15 La proposition du ministre de la Justice de nommer deux personnalités étiquetées à droite à des postes sensibles inquiète les syndicats. Par SONYA FAURE che). Sa nomination à Paris posera un problème d’impartialité. Dans un tel e plus proche conseiller du poste, non seulement il faut être impartial garde des Sceaux va-t-il pren- mais encore faut-il en avoir l’air : qui dre la tête du parquet de Paris, pourra le croire venant de l’ancien conle plus sensible de France? Mi- seiller d’un ministre?» La semaine derchel Mercier a en effet proposé le nom nière, alors que les bruits du palais donde François Molins, son directeur du naient déjà Molins à Paris, Christophe cabinet, au poste délicat de procureur Régnard, de l’Union syndicale des made Paris –la capitale réunit les pôles fi- gistrats (majoritaire) confiait : «Pernancier et antiterroriste. Dès son arri- sonne ne remettra en cause son profesvée, François Molins devrait sionnalisme, mais quel signal ainsi plonger dans l’affaire RoRÉCIT désastreux dans le climat d’affaibert Bourgi, qui a accusé Chirac res actuel…» François Molins, et Villepin d’avoir perçu des valises de 58 ans, a fait toute sa carrière au parla part de présidents africains… Le Con- quet et dans l’administration. En 2005, seil supérieur de la magistrature (CSM) à Bobigny où il était procureur, il avait devra donner un avis –«favorable» ou dans un premier temps refusé d’ouvrir «défavorable»– sur cette nomination. une information judiciaire sur la mort Purement consultatif, il ne lie pas l’exé- de Bouna et Zyed, deux garçons pourcutif, mais Michel Mercier avait lui- suivis par la police et retrouvés morts même promis qu’il ne passerait pas après s’être réfugiés dans un transforoutre les avis du Conseil… mateur EDF. Quand en juillet 2009, Mi«Le poste de directeur de cabinet est un chèle Alliot-Marie, alors garde des poste politique, note Mathieu Bonduelle, Sceaux, fait de lui son «dircab» (Michel du Syndicat de la magistrature (gau- Mercier le gardera), «ses substituts l’ont pleuré comme s’ils perdaient leur père», s’amuse un juge de Bobigny. Molins est REPÈRES reconnu pour être un bon juriste et chef d’équipe. Mais à Bobigny, «il a mené une Les procureurs généraux (PG) politique pénale répressive, multipliant les sont les patrons des parquets comparutions immédiates, en tout point auprès de la Cour de cassation et conforme aux attentes du gouvernement», des 35 cours d’appels de France. estime le juge. L Les procureurs sont les responsa bles des parquets des tribunaux de grande instance. Ils ont sous leurs ordres des viceprocureurs et des substituts. Tous sont soumis au garde des Sceaux. «Je suis de ceux qui pensent qu’il faut faire évoluer ce statut vers un avis [du CSM] qui s’imposerait.» JeanClaude Marin procureur général près la Cour de cassation LE CSM Conséquence de la réforme cons titutionnelle de 2008 appliquée depuis janvier, le Conseil supé rieur de la magistrature est chargé de donner un avis purement con sultatif sur les nominations des procureurs généraux. «PARCOURS ATYPIQUE». «Quand on rapproche ce projet de nomination de celui de Martine Valdès-Boulouque au poste de procureur général de Bordeaux – où l’affaire Bettencourt est désormais instruite– on voit une volonté manifeste de verrouillage du parquet», poursuit Matthieu Bonduelle. Martine Valdès-Boulouque est procureure générale (PG) près la cour d’appel de Grenoble. Le mois dernier, Michel Mercier a proposé son nom au CSM pour le poste, plus stratégique, de PG de Bordeaux. Le CSM doit bientôt rendre son avis sur cette nomination. Valdès-Boulouque faisait partie de celles qu’on appelle, avec une pointe de machisme parmi les magistrats, les «Dati girls». Ces procureures propulsées plus vite que de coutume à de hauts postes pour féminiser la hiérarchie. «Rien que la lecture de sa notice dans l’annuaire de la magistrature dénote un parcours atypique», glisse Emmanuel Poinas, de FO Magistrats. Substitut à Paris, membre de l’inspection des services judiciaires, avocate générale à Versailles… En 2004, elle travaille au secrétariat d’Etat aux Projets immobiliers de la Justice, avec Nicole Guedj, qui raconte: «J’avais partagé un certain nombre de combats avec elle au sein de la CNCDH [Commission nationale consultative des droits de l’homme, ndlr]. Nous étions notamment en phase pour réclamer une plus grande sévérité envers les délinquants sexuels. C’est une perfectionniste, avec un vrai sens du devoir.» Elle est nommée à Nantes en avril 2007… et propulsée sept mois plus tard PG de Grenoble par Rachida Dati. Du jamais-vu en si peu de temps. «Une véritable nomination politique», dit Poinas. Politique, mais pas volée, estiment ses parquetiers. Femme «de caractère», «agréable au quotidien», Valdès-Boulouque est «en général humainement appréciée de ses collaborateurs», dit-on dans son entourage. Un parquetier : «Elle avait les compétences pour ce poste.» «AFFAIRES MÉDIATIQUES». Mais Valdès-Boulouque s’est bien coulée dans le moule des «nouveaux» procureurs de l’ère Sarkozy: «Un culte de la statistique dément, selon un magistrat. Pour elle, il y a les affaires médiatiques et suivies par la chancellerie et les autres. Elle est comme tous les PG: le doigt sur la couture du pantalon, une courroie de transmission qui n’a aucun état d’âme à faire ce qu’on lui demande, anticipant même les désirs des hauts placés…» Lors des violences de La Villeneuve, en 2010, les enquêteurs n’avaient aucune marge de manœuvre: le moindre acte était élaboré au plus haut niveau. Les procureurs avaient pour consigne de réveiller leur PG à 5 heures du matin pour la tenir informée des voitures brûlées… «Elle se vivait en concurrence avec le préfet», juge un magistrat. En septembre 2010, un juge des libertés et de la détention (JLD) grenoblois place sous contrôle judiciaire un homme suspecté de braquage: selon lui, les preuves manquent pour le placer en détention. Valdès-Boulouque juge la décision «absolument inacceptable». Un procureur taclant un juge: posture inédite, tollé dans les milieux judiciaires. Le CSM donnera-t-il des avis positifs aux transferts de Molins et Valdès-Boulouque ? «Ses membres pourraient bien aussi montrer leur volonté d’exister en cas d’alternance en 2012…», dit un magistrat. Et dans ce cas, Michel Mercier tiendra-t-il sa promesse de ne pas passer en force ? • François Molins, directeur de cabinet du garde des Sceaux, est proposé au poste de procureur de Paris par Michel Mercier. PHOTO LUDOVIC. RÉA 16 • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 FRANCE consulté. Et EDF se couvre en décidant de sanctionner deux cadres indélicats (simple mutation avec maintien de salaire). Le juge Cassuto a renvoyé en correctionnelle EDF, en tant que personne morale, en insistant sur ce contrat avec Kargus. Lohro, de plus en plus explicite en fin d’instruction: «C’est évident qu’on allait faire du hacking et c’est pour ça que le contrat a été remodelé pour le rendre le plus discret possible.» EDF se raccroche aux branches : antérieur à la signature du contrat, le piratage ne peut en découler juridiquement… Là encore, Lohro enfonce le clou: «Avant la signature, EDF nous a demandé si on était capable de rentrer dans le système. On a fait la démonstration qu’on était capable, puis ce contrat a servi à régulariser l’intrusion et à la rémunérer.» Le juge Cassuto ironise: «Le contenu des rapports officiels de Lohro sont d’une vacuité absolue. Comment justifier l’externalisation d’une mission de veille qu’un stagiaire interne aurait pu effectuer avec traduction automatique des pages disponibles gratuitement sur Internet ?» Pour lui, pas de doute : EDF a «habillé une opération d’intrusion par un contrat fictif». Le tribunal tranchera. Les protagonistes ont été renvoyés en correctionnelle en 2010. PHOTO GILLES COULON. TENDANCE FLOUE EDF,lecoureuretlehacker: fabledel’espionnagemoderne Une affaire de piratages informatiques impliquant des grands groupes français et l’ex-vainqueur déchu du Tour de France, Floyd Landis, est jugée à Nanterre. Par RENAUD LECADRE ment, qui a nié puis avoué face aux évidences informatiques: «J’ai efe tribunal de Nanterre fectué ces piratages bêtement sans va baigner pendant deux envisager toutes les conséquences.» semaines dans la barbou- Il était mandaté par Thierry Lohro, zerie. A la barre, un hac- ancien para, passé dix ans à la ker, d’ex-militaires reconDGSE, aujourd’hui à son vertis détectives, poursuivis RÉCIT compte via la société Kargus pour piratage informatique, Consultants: «Tous les cabiet symboles de l’espionnite qui nets d’intelligence économique peugangrène la vie des affaires. vent à un moment dépasser les limiAu programme : EDF traquant tes», concède ce dernier. Greenpeace, Vivendi surveillant ses petits porteurs, Floyd Landis (vain- DÉTAIL. On a une idée des comqueur déchu du Tour de France) en manditaires, dans ce secteur maguerre contre le labo antidopage de lade de la sous-traitance. Le volet Châtenay-Malabry (LNLD). Un Landis-LNLD est le plus simple : procès en suspens, EDF prévoit de son entraîneur, Arnie Baker, s’y déposer ce matin une question étant pris comme un manche, les prioritaire de constitutionnalité enquêteurs ont facilement retrouvé (permettant de gagner du temps en son adresse IP. En septembre 2006, reportant les audiences). trois mois après la déchéance de son Point commun aux trois dossiers, poulain, Baker faisait circuler anocentrés sur l’année 2006 : Alain nymement des courriers confidenQuiros, électron libre du renseigne- tiels du laboratoire, rectifiant des L REPÈRES w Novembre 2006 Plainte du labo LNLD suite à une intrusion dans son système informatique. L’entourage de Floyd Landis est très vite suspecté. w Juillet 2008 Mandat d’arrêt international contre Alain Quiros, un hacker réfugié au Maroc. w Février 2009 Perquisition chez analyses antidopage de plusieurs sportifs. Preuve d’une désorganisation interne du labo ou de l’efficacité de ses contre-expertises ? Après avoir arrosé anonymement les médias, les instances sportives mais aussi l’avocat de… Landis, Ba- Landis pouvait connaître ce numéro.» Baker et Landis n’ont jamais répondu aux enquêteurs et font l’objet d’un mandat d’arrêt. Ils seront jugés par défaut. Le cas EDF est plus emblématique. L’électricien jure qu’il n’a pas commandité le hacking de Greenpeace et s’en «J’ai effectué ces piratages tient au libellé du conbêtement sans envisager toutes trat passé avec Karles conséquences.» gus: «Veille stratégique sur les organisations Alain Quiros électron libre du renseignement antinucléaires.» Mais ker a affirmé que ces courriers pira- Lohro admet que l’objet réel du tés étaient devenus «publics» et contrat était de «pénétrer les réqu’il les avait donc utilisés officiel- seaux informatiques de Greenpeace lement pour discréditer le LNLD. afin d’anticiper les actions menées Un détail tue: la demande adressée contre EDF». Un cédérom conteà Quiros était accompagnée d’un nant des comptes-rendus de réunuméro censé affiner le piratage, nions internes de l’organisation a celui de l’échantillon des urines de été retrouvé dans le coffre-fort du Landis. «C’est la signature de l’in- responsable de la sécurité d’EDF. trusion, relève le juge d’instruction, Ce dernier prétend, au risque de Thomas Cassuto. Seul l’entourage de déclencher l’hilarité, ne l’avoir pas EDF, visé par extension de l’enquête pénale. w Avril 2009 Les enquêteurs tombent sur un troisième piratage, celui de Me Canoy. w Octobre 2010 Le juge Cassuto renvoi les protagonistes en correctionnelle. w Octobre 2011 Procès à Nanterre. 22 C’est, en millions d’octets, le volume du cédérom retrouvé chez EDF contenant des documents piratés sur un ordinateur de Greenpeace. PSEUDOS. Dernier volet avec Vivendi. L’ordinateur visé est celui de Me Frédérik-Karel Canoy, avocat de la remuante Association des petits porteurs actifs (Appac). Quiros l’a piraté afin de vérifier si Me Canoy était l’utilisateur de pseudos lors de débats enflammés sur le site Boursorama. A la demande de qui? Dans le bureau de Jean-François Dubos, secrétaire général de Vivendi (et ancien du cabinet Hernu, pendant l’affaire du Rainbow Warrior), on a retrouvé un cédérom contenant des éléments sur l’Appac, recueillis par le cabinet Atlantic Intelligence, fondé par l’ancien patron du GIGN, Philippe Legorjus. Encore de la «veille stratégique», mais rien ne démontre que les détectives auraient bénéficié de ce piratage. D’autant qu’Atlantic semble avoir usé de bonnes vieilles méthodes : l’un de ses limiers s’est infiltré au sein de l’Appac pour en devenir le secrétaire! «Démarche plus que douteuse et révélatrice de méthodes critiquables sur le plan éthique sinon légal», observe le juge. Mais difficile de remonter au commanditaire du piratage : en plus des fariboles des intermédiaires soucieux de «cloisonner», Me Canoy a égaré son ordinateur de l’époque. Impasse informatique et humaine. Faute de prévenus en face de lui, il a déposé une citation directe contre Vivendi. Pour que ses dirigeants viennent au moins s’expliquer à la barre. • «On n’est pas dans une simple veille mais dans l’introduction d’un cheval de Troie dans mon ordinateur.» Yannick Jadot ancien militant de Greenpeace, eurodéputé vert LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 FRANCEXPRESSO RETOUR SUR LES HOMMAGES AUX MANIFESTANTS ALGÉRIENS TUÉS A Un boulevard du 17-Octobre-1961 à Nanterre Environ 600 personnes, pour la plupart issues de la communauté algérienne, se sont rassemblées, hier, à Nanterre (Hauts-de-Seine) pour inaugurer un boulevard du 17-Octobre-1961 et réclamer la reconnaissance de la répression sanglante des manifestants algériens à Paris comme un «crime d’Etat». «Ces Algériens sont morts pour la liberté, l’égalité et la jus- tice. Aujourd’hui nous questionnons cinquante ans de silence […] entretenu par l’Etat pour enterrer la mémoire de nos parents, qui ont participé à la construction de la France», a déclaré, au nom des associations, Mohamed Kaki, sur la place des Droits-de-l’homme, où des gerbes de fleurs ont été déposées. C’est de cette artère que partirent les manifestants il y a cinquante ans. La L’HISTOIRE UN CASSE ENTRE VITTEL ET CONTREXÉVILLE Plusieurs malfaiteurs ont brièvement enlevé une employée de bijoute rie à son domicile, samedi dans les Vosges, et l’ont emmenée en pleine nuit sur son lieu de travail pour l’obliger à leur ouvrir le coffre, avant de la relâ cher saine et sauve. Le conjoint de l’employée et son fils de 14 ans ont été réveillés en même temps qu’elle par l’irruption des voleurs, vers 2heures du matin dans la nuit de vendredi à samedi, à leur domicile de Contrexéville. Ils ont ensuite été mainte nus sous bonne garde par les intrus pendant que la salariée était emmenée de force à la bijouterie, a précisé une source pro che de l’enquête. Sur place, à la bijouterie située à Vittel, à environ 5km du domicile de la famille, les voleurs se sont fait ouvrir le coffre. Ils ont emporté un butin estimé entre 140000 et 150000 euros, puis ont ramené la salariée chez elle et ont pris la fuite. Le mari de l’employée a reçu un violent coup de poing au visage, mais les autres membres de la famille n’ont pas subi de violence. Indemnes, ils sont très choqués. PROSTITUTION Dominique Strauss-Kahn a demandé, hier, à être entendu dans l’affaire du Carlton. ominique StraussKahn s’est retrouvé, hier, en pleine primaire socialiste, sous les feux de l’actualité dans le cadre de l’affaire de proxénétisme du Carlton de Lille. Alors même que la menace d’une nouvelle procédure dans le dossier Tristane Banon semble s’éloigner, il a annoncé qu’il demandait à être entendu «le plus rapidement possible par les juges» dans l’enquête mettant en cause des responsables hôteliers lillois, un avocat et un chef d’entreprise, afin de mettre fin à des «insinuations malveillantes». «Extrapolations». Plusieurs médias ont mentionné le nom de l’ex-patron du Fonds monétaire international (FMI) comme possible nir», a affirmé une source proche du dossier. Selon le Journal du dimanche, l’enquête porte aussi sur des déplacements à New York de prostituées du réseau lillois, fin 2010. Les enquêteurs cherchent à savoir si DSK aurait bénéficié de ces déplacements, affirme l’hebdomadaire. En l’état actuel des investigations menées par deux juges d’instruction lillois, DSK apparaît de manière «largement secondaire». «On est loin du cœur du dossier», selon une source. Cinq personnes ont déjà été mises en examen : le propriétaire du Carlton, le directeur de l’établissement et son chargé des relations publiques, ainsi qu’un entrepreneur et l’avocat lillois Emmanuel Riglaire –le seul qui L’enquête porte également n’a pas été sur des déplacements écroué. Des liens à New York de prostituées avec des persondu réseau lillois, fin 2010. nes gérant plusieurs établisseclient de prostituées enten- ments de prostitution et bars dues dans le cadre de l’infor- en Belgique ont également mation judiciaire ouverte en été mis en évidence. mars par le parquet de Lille Fermeture. Au moins quapour des faits de proxéné- tre ou cinq policiers lillois, tisme aggravé en bande or- dont un commissaire diviganisée, association de mal- sionnaire et deux retraités, faiteurs et blanchiment. seraient aussi concernés, seDans une déclaration faite à lon une source policière. A ce l’AFP juste après avoir voté à jour, ils n’ont pas été entenla mairie de Sarcelles dus, ni par la PJ locale ni par (Val-d’Oise), DSK a expliqué l’IGPN (la «police des poliqu’il voulait «mettre un terme ces»). Vendredi, les juges aux insinuations et extrapola- d’instruction ont pris une ortions hasardeuses et encore donnance de fermeture temune fois malveillantes». poraire de trois mois frappant Son audition en tant que té- les trois hôtels de la ville immoin par les enquêteurs est pliqués dans ce dossier. envisagée, «comme des tas Toujours hier, on a appris d’autres personnes», mais que l’avocat de Tristane Baune convocation n’est pas non, Me David Koubbi, conprévue «dans un proche ave- seillait à sa cliente de ne pas D 17 LES GENS demande de reconnaissance «est d’abord une exigence de justice pour les victimes et pour leurs familles, une demande de vérité et de morale pour nousmêmes», mais aussi «une nécessité que se construisent enfin des relations nouvelles de part et d’autre de la Méditerranée», a lancé le maire de Nanterre, Patrick Jarry (Gauche citoyenne), en dévoilant la plaque du boulevard. 6,9% Lille:DSKveutprendre lesrumeursdecourt C’est la hausse en un an du nombre d’étudiants français partis à l’étranger pour un stage, de trois mois en moyenne, ou des études, de sept mois en moyenne. Les plus mobiles sont les étudiants en scien ces sociales, commerce et droit. Les pays d’accueil préférés sont l’Espagne, le RoyaumeUni et l’Alle magne. • engager une nouvelle procédure contre Dominique Strauss-Kahn après le classement sans suite de sa plainte pour tentative de viol. Mais il réclame toujours des excuses de DSK. D’après AFP LILIANE BETTENCOURT FERATELLE SES VALISES ? Liliane Bettencourt a brandi la menace de partir «à l’étranger» si la décision qui doit être rendue aujourd’hui par la juge des tutelles de Courbevoie (HautsdeSeine) devait la placer sous l’autorité de sa fille Françoise. «Si c’est cela, je pars à l’étranger. Si ma fille s’occupe de moi, j’étoufferai», a déclaré l’héritière de L’Oréal au Journal du dimanche. Et quand on lui a demandé si elle comptait partir en Suisse, elle a répondu: «Non, je ne fais plus beaucoup de ski!» Liliane Bettencourt, c’est la franchise tout schuss. PHOTO REUTERS VIOLENCES Un conducteur de bus a été agressé samedi à Gennevilliers (Hauts-deSeine) par deux hommes qui l’ont aspergé d’essence et ont tenté d’enflammer le liquide sans y parvenir. FADETTES Le directeur central du renseignement, Bernard Squarcini, est convoqué aujourd’hui comme témoin assisté dans l’affaire d’espionnage téléphonique de journalistes du Monde. APPEL À PROJETS 2011 NOUS VOULONS FACILITER L’ACCÈS À L’EMPLOI DES JEUNES EN SITUATION DIFFICILE La Fondation ManpowerGroup pour l'emploi apporte son soutien à des organismes d’intérêt général qui développent des initiatives pour faciliter l’accès à l’emploi des jeunes en difficulté. LANCEMENT DE L’APPEL À PROJETS 17 octobre 2011 Connectez vous sur www.fondationmanpowergroup.fr DATE LIMITE DES CANDIDATURES : 30 NOVEMBRE 2011 FONDATION D'ENTREPRISE - FONDATION MANPOWERGROUP POUR L'EMPLOI 18 • ECONOMIE LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 Chine:pas d’eurobonds, maisun petitpas A l’issue de la réunion du G20, samedi, Pékin aurait indiqué être disposé à investir dans des infrastructures de la zone euro. Par PHILIPPE GRANGEREAU Correspondant à Pékin Photo JEANMICHEL SICOT L a Chine et son coffre-fort de 3000 milliards de dollars de réserves en devises veut-elle et peut-elle aider l’Europe à sortir de la crise ? Des signaux positifs semblent être sortis de la réunion du G20 qui s’est tenue samedi à Paris. Les représentants chinois auraient indiqué que Pékin était prêt à investir des dizaines de milliards dans la zone euro à travers des achats d’infrastructures dans les pays endettés. «Pékin s’est engagé, dans les coulisses, à soutenir la zone euro en ANALYSE échange de politiques de réduction du déficit et de coupes budgétaires draconiennes», assurait hier le quotidien britannique Sunday Times en citant une source proche des discussions. Selon cette même source, les banques chinoises pourraient également augmenter leurs achats de dette souveraine de la zone euro, «mais la Chine veut s’assurer que l’Europe connaît l’ampleur du trou et qu’il ne va pas se creuser avant de commencer à le remplir». CHASSE. Ces belles promesses assorties de conditions paraissent plus constructives que les quasi-rebuffades décochées, quelques semaines auparavant, au sommet du FMI de Washington. Le gouverneur de la Banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, avait fait savoir que c’est «aux économies [européennes] concernées de régler leur problème». Le président de la China Investment Corp (CIC, le fonds souverain chinois) avait expliqué que la Chine n’achèterait de futures obligations européennes (eurobonds) que si celles-ci «présentent un risque convenable». «Mais, avait-il averti, ne vous attendez pas à ce qu’on achète des quantités allant au-delà des risques ordinaires.» Selon nos informations, le CIC, qui pèse 409 milliards de dollars (295 milliards d’euros), prendra bientôt pied en France avec l’achat, pour 3 milliards de dollars, de 30% de la branche exploration de GDF Suez. Ce contrat, qui se situe dans le cadre de la chasse chinoise aux sources d’énergie, doit être conclu le 30 octobre à Pékin. Bien que cet accord soit significatif, il demeure que, pour l’instant, les investissements chinois en Europe restent maigres. «Volvo, TLC, port du Pirée… les Chinois font certes leur marché, mais c’est très marginal, et ce n’est pas ça, loin de là, qui sortira l’Europe de l’ornière», commente l’économiste JeanFrançois Huchet du Centre français d’études sur la Chine contemporaine (CFEC), basé à Hongkong. Qu’a fait concrètement la Chine depuis le début de la crise? «Il semble qu’elle Lors de la réunion du G20, samedi, à Paris. Pékin se serait engagé à soutenir les VingtSept si l’Union d’euros en 2011. Plusieurs experts pensent même que la Chine a continué d’acheter du dollar. «Certes, la Chine est convaincue qu’il faut diversifier ses avoirs et rendre le système monétaire international plus multilatéral en faisant baisser l’importance relative du dollar, note Jean-François Huchet. Dans la pratique, toutefois, les Chinois ne peuvent pas lâcher trop le dollar car un effondrement de la monnaie américaine provo«Les sommes nécessaires pour sortir l’UE querait, d’une part, une chute de la crise sont colossales, et Pékin n’est de la demande américaine en pas habituée à octroyer de tels prêts.» biens made in China, et, d’autre part, une baisse de JeanFrançois Huchet du Centre français d’études 20% à 30% de leurs avoirs sur la Chine contemporaine en dette américaine.» Bien soit intervenue sur le marché des changes pour qu’elle dispose des plus grandes réserves en empêcher l’euro de chuter, explique Huchet, devises du monde, la Chine est de toute façon mais personne n’en est sûr car Pékin garde ces bien incapable, même si elle le voulait, de chiffres secrets.» jouer au chevalier blanc, assure l’économiste. L’Union européenne est le premier partenaire «Les sommes nécessaires pour sortir l’UE de économique de la Chine, et Pékin dispose la crise sont colossales, et Pékin n’est pas habientre 22% et 25% (500 à 600 milliards tuée à octroyer de tels prêts.» d’euros) de ses réserves libellées en euros. Selon le Conseil européen des relations exté- PACTOLE. La Chine aurait une autre raison rieures, la Chine posséderait, entre autres, de rester en retrait: elle a elle-même un pro13% de la dette espagnole. Il n’est toutefois blème lancinant de dette publique. De l’ordre pas certain que Pékin ait acheté davantage de 17% du produit intérieur brut fin 2010, se- lon le gouvernement, cette dette atteindrait en réalité les 89%, selon Dragonomics, un cabinet d’études basé à Pékin. La Standard Chartered Bank avance, elle, le chiffre de 77% du PIB. Ces experts prennent en compte des créances qui n’apparaissent pas dans les calculs officiels, entre autre la dette considérable des gouvernements locaux et régionaux, et les emprunts non performants accordés aux entreprises d’Etat dans le cadre du colossal plan de relance de 2008 (400 milliards d’euros) injecté pour aider le pays à passer le cap de la crise mondiale. Elles ont permis de maintenir artificiellement la croissance pour palier la baisse de la demande mondiale en produits chinois. Ce pactole a encouragé une frénésie de construction d’infrastructures et alimenté une bulle immobilière qui menace d’éclater. Les conséquences d’un tel scénario seraient dramatiques car les emprunts publics des pouvoirs locaux sont en grande partie garantis par l’immobilier. Certains y voient une crise des subprimes à la chinoise. «Si la bulle éclate, juge Yi Xianrong, économiste à l’Académie des sciences sociales de Pékin, on pourrait alors se retrouver nous-mêmes en pleine crise financière.» • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 ECONOMIE • 19 La vulnérabilité des banques fait craindre le pire. Le G20 met la pression sur l’Europe U n air de déjà-vu. Réunis vendredi et samedi à Paris dans le cadre du G20, les ministres des Finances assurent avoir pris la mesure de la gravité de la situation. Mais, une fois de plus, l’adoption d’une solution «globale et durable» devra attendre. Au moins jusqu’au prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du G20, prévu les 3 et 4 novembre à Cannes. De fait, tous les protagonistes se disent soucieux de «soutenir et rééquilibrer l’économie mondiale européenne réduit ses déficits et effectue de nouvelles coupes budgétaires. REPÈRES «L’évolution de l’économie mondiale ces dernières semaines est négative. La crise est en train de toucher également les pays émergents.» Christine Lagarde la directrice générale du FMI, samedi à l’issue du G20 25% C’est la part des réserves monétaires chinoises qui sont libellées en euros, soit quelque 600 milliards d’euros. La Chine est le premier détenteur de réserves de change au monde devant le Japon et la Russie. L’Union européenne est son premier partenaire commercial. «La crise de la zone euro, c’est d’avantage un problème politique que financier. Je ne pense pas que les Brics [Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, ndlr] aient un rôle à jouer à ce sujet.» Vladimir Poutine mercredi, en Chine LE G20 C’est un groupe de 19 pays, plus l’UE, dont les ministres, les patrons de banque centrale et les chefs d’Etat, se réunissent régulièrement. Créé en 1999, après les crises financières des années 90, il vise à favoriser la concertation internationale, en tenant compte du poids économique croissant pris par les pays émergents. Le G20 représente 85% du commerce mondial, les deux tiers de la population et plus de 90% du PIB de la planète. tate chaude : la régulation des flux de capitaux spéculatifs, dont les allers et retours violents déstabilisent les économies des pays émergents depuis 2008. «C’est une évolution fondamentale, s’est félicité le ministre français des Finances, François Baroin. Auparavant cette question était marquée par une doctrine qui récusait toute restriction à la libre circulation des capitaux.» Depuis le début de la crise, les pays émergents dénoncent les effets néfastes des politiques monétaires pratiquées aux Etats-Unis ou en Europe. «De plus en plus d’investisseurs empruntent à bas Pour la quasi-totalité des membres taux aux Etats-Unis et placent les du G20, le mal se trouve en Europe. fonds obtenus sur les places financières Le Conseil européen de dimanche des pays émergents, comme le Brésil, prochain est donc un préalable pour explique un analyste financier. Du coup, ces derniers craignent à la fois que se dessine un début de solution. un ralentissement des économies riches face aux risques importants de détérioration». et la forte appréciation de leur monnaie, qui renMais pour la quasi-totalité, le mal se trouve chérit leurs exportations.» en Europe. Le Conseil européen de dimanche Explicite. C’est ouvrir là un dossier non prochain à Bruxelles est donc un préalable moins épineux, celui des déséquilibres indispensable pour que se dessine un début macroéconomiques mondiaux. Les regards de solution à cette crise désormais mondiale. se sont cette fois tournés vers l’ogre chinois, A braslecorps. Les réponses à la crise sont sans qu’il soit explicitement nommé. En lan«dans les mains des Européens», a déclaré le gage G20, cela donne : «Les pays émergents ministre brésilien des Finances, Guido Man- en situation d’excédent accéléreront la mise en tega. Selon lui, «la principale vulnérabilité vient œuvre des réformes structurelles visant à réédes banques, car elles peuvent déclencher une quilibrer la demande pour donner une plus large crise systémique». Et c’est pour éviter ce scé- place à la consommation intérieure, tout en nario du pire que les ministres des Finances poursuivant leurs efforts pour se diriger vers du G20 ont rappelé que les banquiers centraux des systèmes de taux de change davantage décontinueront à faire le maximum pour assurer terminés par les marchés et parvenir à une la liquidité des banques. Au nombre des gran- flexibilité accrue des taux de change.» Une dédes résolutions à venir, le G20 Finances épin- claration relativement explicite, mais qui ne gle désormais ouvertement les banques systé- dit pas quand, ni comment, pourrait s’opérer miques, celles dont la taille est telle que leur un tel mouvement de bascule. De son côté, naufrage emporterait pléthore d’autres éta- la Chine fait valoir que l’UE est le premier blissements financiers ou d’entreprises. Leurs débouché de ses exportations, pour environ identités devraient être communiquées lors 380 milliards de dollars (275 milliards du sommet de Cannes. d’euros) par an. Façon de rappeler que pour A défaut de proposer déjà une solution glo- elle aussi, l’effondrement de la zone euro bale, le G20 a tout de même pris à bras-le- coûterait fort cher. corps un dossier qui tenait jusque-là de la paVITTORIO DE FILIPPIS www.esl.fr ESL élue meilleure agence d’Europe ! 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LES GENS JEANMICHEL GERMA DANS LE VENT JeanMichel Germa va réintégrer ce matin son bureau de président de la Compagnie du vent (LCV), PME de pro duction d’électricité éolienne qu’il a fondée en 1989. La cour d’appel de Montpellier a infirmé, jeudi, une décision du tribunal de commerce qui avait eu pour conséquence sa révocation fin mai par GDFSuez, actionnaire majori taire de LCV. S’il juge «trop tard» pour faire revenir le pro jet éolien en mer des Deux Côtes au sein de LCV, Germa espère éviter les suppressions de postes qu’il soupçonne GDFSuez d’avoir programmées. Trente salariés pour raient être poussés à partir sur trois ans. «GDFSuez a vidé tous les actifs de LCV et ils ont le cynisme de consta ter qu’il faut réduire les coûts», s’insurge celui qui reste actionnaire minoritaire de LCV. Il n’a que quinze jours pour agir. GDFSuez a déjà convoqué une nouvelle assemblée générale le 31 octobre, pour le révoquer dans les formes. C. Rp (à Montpellier) PHOTO GILLES FAVIER. VU M na Ma nage gerr ge Busisisine Bu ine nessss Stra St raté tégi té gie ie Roug Ro uggh M diia Me Publ Pu blic bl icit ic itéé it LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 ECONOMIEXPRESSO Comm Comm m un uniicati ca tiionn L’ÉTUDE LA SANTÉ EST DANS LE PRÉ, LA MALADIE DANS LES PESTICIDES Les agriculteurs français, fumant moins et se dépen sant physiquement plus que les autres, meurent moins du cancer que leurs compatriotes. «Ça n’a rien à voir avec leur travail mais avec leur mode de vie», nuance Pierre Lebailly, épidémiologiste effectuant un suivi auprès de 180000 paysans. Toute fois, selon plusieurs études récentes, la santé des agri culteurs reste problémati quement liée à l’usage des pesticides. Chez les viticul teurs en PoitouCharentes, une enquête fait état d’une «surmortalité significative», de l’ordre de 19%, en cor relation à l’intoxication de produits chimiques. La veuve d’un agriculteur décédé d’une leucémie, reconnue comme maladie professionnelle, a créé une association de victimes des pesticides. «Samsung, malgré les disputes judiciaires, a gardé des liens étroits avec Apple en tant que fournisseur de coques et puces.» Jay Lee héritier du PDG de Samsung, qui assistera aux obsèques de Steve Jobs, en dépit de la rivalité entre les deux fabricants de téléphones mobiles Évvén éneement me nttie ntie iell Merrc Me rcha rch hanhan ndisisising di ng Cons Co nsei eill ei Agen Ag ence ce Marc Marc Ma rché hé Affi Af fich fi chee ch D re Di rect ctio ionn io Arti Ar tist stiq ique ue Netw Ne twor tw orki or king ki ngg L’ÉCOLE DES FUTURS ACTEURS DU MARKETING Camppag Camp Ca agne Créa Cr éati éa tion ti o on Tend Te ndan ance an cee Marq Ma rque rq uess ue Créa Cré Cr éati tif Buudg dget et Buzz Bu zzzz ET DE LA COMMUNICATION L’ISEG Marketing & Communication School est présent dans 7 villes de France PARIS BORDEAU; LILLE LYON NANTES STRASBOURG TOULOUSE Pubbl Pu blic Arch Ar chit hit itec ectu ture re Édit Éd itiioon Bran Br anddi an ding ding http://mcs.iseg.fr Titre certifié par l’État Niveau I Pres Pr esse se Institut Supérieur Européen de Gestion. Établissement privé d’enseignement supérieur. Cette école est membre de A Rome, la manifestation de samedi a fait 135 blessés. PHOTO GREGORIO BORGIA.AP INDIGNÉS Christophe Aguiton, d’Attac, revient sur les mobilisations de ce week-end à travers le monde: «Ilyaunbruitdefond trèsantisystème» e mouvement des Indignés a mobilisé ce week-end 950 manifestations dans 82 pays. Issu des pays hispaniques, il s’est fortement internationalisé. A Rome, des affrontements se sont soldés par 135 blessés (dont 105 policiers), le maire employant un ton martial : «Nous devons agir avec la fermeté appropriée à l’encontre de ces brutes»… A Chicago, 175 manifestants anti-Wall Street ont été arrêtés hier matin, évacués d’un parc ou ils comptaient prendre racine. A Londres, les Indignés de la City ont installé leurs 70 tentes sur le parvis de la cathédrale Saint-Paul. A Francfort, 200 militants ont dressé une trentaine de tentes devant le siège de la Banque centrale européenne, vu comme l’épicentre de la crise au sein de la zone euro. Christophe Aguiton, ex-AC! ou SUD, aujourd’hui actif au sein d’Attac, analyse le mouvement. Existe-t-il une mondialisation des revendications ? Je ne parlerais pas de revendications mais de racines communes, liées à une multiplicité de systèmes qui reproduisent les mêmes effets et les mêmes victimes : jeunes privés d’emploi, de débouchés, d’avenir. Autre point commun, issu des révolutions arabes, la méthode revendicative : l’occupation de longue durée de l’espace public. La place Tahrir hier, Wall Street aujourd’hui. Et à L chaque fois, le mouvement est pacifique dans ses méthodes mais radical dans ses revendications. C’est aussi en rupture avec les organisations traditionnelles, politiques ou syndicales. Cela varie d’un pays à l’autre, mais globalement, on y parle du moi, du je, mais jamais au nom des autres. Dans les cas grec ou américain, on trouve ponctuellement des passerelles avec le mouvement syndical et les banderoles qui vont avec. Mais les Indignés n’ont pas de véritables revendications, du type retraite à 60 ans ou revalorisation du Smic. Le mouvement renvoie à l’individualité tout en mettant en avant des demandes fédératrices, comme un toit et un travail pour tous en Espagne. Au Mexique, il a été initié par un poète pointant la police et les trafiquants de drogue sur le thème: ras-lebol de la corruption. Qui pourrait être contre ? Frustration individuelle ou collective ? Le point de vue est davantage moral que politique. Dès lors, il déclenche plus facilement l’unanimité. Personne ne s’oppose au contrôle accru des banques, ce qui va de soi. Mais il y a derrière un bruit de fond très antisystème. Derrière l’aspect consensuel, voire Bisounours, le discours est beaucoup plus AFP 20 radical. Au risque de débordements ? Finalement, cela nous ramène aux révolutions a ra b e s . Un mouvement non-violent mais basant le rapport de force par la masse et la force de l’occupation de l’espace public. Après, la police peut toujours essayer d’évacuer une place, au Caire ou à New York… Le gouverneur de la banque centrale d’Italie, Mario Draghi, ex de chez Goldman Sachs, vient d’apporter son soutien aux Indignés… C’est le signe que le système est à bout de souffle. Des responsables comme JeanClaude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, disent comprendre les Indignés sans pour autant les soutenir. Le mouvement, qui se caractérisait par la vitesse de diffusion entre ses membres, va devoir gérer sa relation aux autres, ou l’on retrouvera les ONG, les partis politiques et les syndicats. Reste à savoir comment gérer ces alliances sans transformer l’âme et l’originalité du mouvement. Il a démarré le 15 mai et nous sommes le 15 octobre : en cinq mois, la mobilisation a traversé le monde! Mais quand un mouvement s’inscrit dans la durée, il ne peut pas se contenter de vivre sur lui-même. Recueilli par RENAUD LECADRE page jeux du 17:LIBE09 16/10/11 15:13 Page1 LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 SUDOKUMOYEN 8 9 7 8 2 4 5 1 9 5 9 2 I 6 3 8 6 7 7 2 4 E 1 6 A G 3 O E O T R T R V T U MOTCARRÉ 2 7 5 3 9 4 6 1 N G I O D S E A R 9 4 6 1 8 7 3 2 5 O R E A G N S I D 1 5 3 6 2 4 7 8 9 S A D E R I N G O 2 6 4 8 1 5 9 3 7 E N O I A G R D S 3 7 1 2 9 6 8 5 4 G N E R I O A 5 8 9 4 7 3 6 1 2 A I R S O D G N E 7 9 5 3 6 1 2 4 8 D O N G S E A R I 6 1 2 9 4 8 5 7 3 R S G D I A O E N 4 3 8 7 5 2 1 9 6 I E A R N O D S G U U 4 8 G V R 2 SUDOKU I 6 3 1 2 T I 8 8 O 3 D S Post Scriptum... Service du transport w LES MOTS D’OISEAU I II III IV V VI VII VIII IX X XI 21 LUNDI MOTCARRÉ G E I V R O A 7 • JEUXMETEO H. I. Souhaitons que sa voie mène vers la victoire.II. Jolies nymphes aquatiques. - III. Bien circonscrit. Une façon de faire plutôt meilleure qu’une autre. - IV. Pas le dessus du panier, c’est même tout le contraire. Bien dans le coeur. - V. Toujours très grave. Invitait naguère à meHre un tigre dans son moteur. - VI. Article. Mélange épicé à Cochin. - VII. Etroit passage entre deux mers. Personnel. - VIII. Simple compétition hippique parfois. - IX. Jadis célèbre pour ses chevaux et sa cavalerie, comme en témoigne la légende des Centaures ou des Lapithes. - X. Au coeur de la ficelle après demi tour. Lieux de divins séjours. - XI. Evidemment pas un colosse. V. 1. Ont passé avec mention leur certificat d’études primaires. - 2. Taches sur plumes. Fait un malheur au palmarès académique. - 3. Va bientôt s’arrêter de ronger pour aller dormir. Oblige à remeHre les points sur les i. - 4. De vrais pantins. - 5. Epousa la fille du roi de Troie en premières noces. Fait rire sans fin. - 6. Premiers fans de Valéry. Beau tapage parfois. - 7. Pâris y rendit jugement en Asie Mineure. Note. Petit trou du côté de Gros-Morne. - 8. On s’y baigne dans l’Allier. Joli pétard. - 9. Indispensable à la construction d’une solide charpente. LIBÉRATION www.liberation.fr 11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARL Libération SARL au capital de 8726182 €. 11, rue Béranger, 75003 Paris RCS Paris : 382.028.199 Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. Cogérants Nicolas Demorand Philippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presse au capital de 18 098 355 €. Président du directoire Nicolas Demorand Directeur de la publication et de la rédaction Nicolas Demorand Directeur délégué de la rédaction Vincent Giret Directeurs adjoints de la rédaction Stéphanie Aubert Sylvain Bourmeau Paul Quinio François Sergent Directrice adjointe de la rédaction, chargée du magazine Béatrice Vallaeys Rédacteurs en chef Ludovic Blecher (éd. électronique) Christophe Boulard (technique) Gérard Lefort Fabrice Rousselot Olivier Wicker (Next) Directeurs artistiques Alain Blaise Martin Le Chevallier Rédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois (édition) Eric Decouty et Pascal Virot (politique) Jacky Durand (société) Olivier Costemalle et Richard Poirot (éd. électronique) J.Christophe Féraud (éco-terre) Mina Rouabah (photo) Françoise Santucci (Next) Marc Semo (monde) Sibylle Vincendon (spéciaux) Directeur des Editions Electroniques Ludovic Blecher Directeur administratif et financier Chloé Nicolas Directeur commercial Philippe Vergnaud [email protected] Directeur du développement Max Armanet ABONNEMENTS Marie-Pierre Lamotte & 03 22 19 25 54 [email protected] abonnements.liberation.fr Tarif abonnement 1 an France métropolitaine : 324€. PuBLICITÉ Directrice générale de LIBERATION MEDIAS Marie Giraud 11, rue Béranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67 Amaury médias 25, avenue Michelet 93405 Saint-Ouen Cedex Tél.01 40 10 53 04 [email protected] Petites annonces.Carnet. IMPRESSION POP (La Courneuve), Midi-print (Gallargues) Nancy Print (Nancy) Ouest-Print (Bournezeau), Imprimé en France Tirage du 15/10/11: 185 853 exemplaires. Membre de OJDDiffusion Contrôle. CPPP:C80064.ISSN 0335-1793. MATIN Un peu de grisaille est aendue sur un tiers nord. Pour le reste, temps parfois brumeux puis larges trouées. L’APRÈS-MIDI Temps plus nuageux dans le nord-ouest. Ailleurs, larges éclaircies et températures plutôt agréables. 0,3 m/17º Lille 0,3 m/16º Caen Paris Strasbourg Brest Orléans Dijon Nantes 0,6 m/17º Limoges Lyon 0,6 m/18º Bordeaux Nice Montpellier Toulouse 0,1 m/21º Marseille Ajaccio 0,6 m/19º 0,3 m/22º MIN/MAX FRANCE FRANCE 7/18 8/19 11/18 8/22 10/19 13/18 4/18 Lille Caen Brest Nantes Paris Nice Strasbourg MIN/MAX SÉLECTION 5/18 7/20 10/24 14/21 11/24 10/21 14/20 Dijon Lyon Bordeaux Ajaccio Toulouse Montpellier Marseille MIN/MAX 13/22 Alger Bruxelles Jérusalem Londres Berlin Madrid New York 5/17 a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z 16/29 H:I. Elle ou lui. II. Laïcisant. III. Embole. Ti. IV. Pies. Sven. a bVI. Artaban. cVII. d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z 11/18 V. Hersa. Ale. Inclina. VIII. Tant. Eton. 3/15 LES MOTS D’OISEAU G DECE IX. Egâ. Osent. X. Aigris. Né. XI. Urétrites. V:1. Eléphanteau. 2. Lamier. Agir. 3. Libertinage. 4. Ecossant. nt. 5. Oïl. ABC. Oir. 6. Usés. Alessi. 7. La. Vanité. 8. Untel. Nonne. 9. Itinérantes. A B C D E F G H yzrzyzoz 7 eqzyzqzq 6 yzyzyhqz 5 zyzmzyzy 4 yzyzyzyz 3 zyzyzxjy 2 wzyzykwi 1 zybyzyzy 8 ylyzpcyz SOLUTION MLNN zqzyzqay yzyfyzqe zygyeyzy yzpzwzyz zyzyzvzw yzyzykwz zyzyzyiy 1.Cd2!! C’est une jolie illusion d’optique qui prévaut dans notre solution du jour. Les noirs possèdent une figure de plus, mais la tour d6 et le Ce8 sont cloués. Le sacrifice d’un cavalier permet de remporter la qualité: 1... Rg8 (1... Cxd2 2.Fxd6+ Rg8 3.Txe8+ Rh7 4.Fxe5 etc.) 2.Txe8+ Rh7 3.Fxd6 Cxd6 4.Td8 Cb5 5.Td7 et 1-0 45 (!) coups plus tard. J-P Mercier w ECHECS 7589 NIVEAU 6 Open de Dieren, Pays-Bas 2011 Les Blancs jouent et gagnent B. Fier N. Deepan Après Étienne, Maxime ? Après son succès à Poikovsky (Russie), Étienne Bacrot n’est plus qu’à deux points élo de Maxime Vachier-Lagrave (2711 pour 2713) au moment précis où nous écrivons ces lignes. La place de n° 1 tricolore est de nouveau en balloOage, pour notre plus grand plaisir. Maxime entre en scène ceOe semaine à Hoogeven (Pays-Bas) dans un tournoi quadrangulaire en double ronde face à Kramnik, Giri, Judit Polgar, le tout en parties longues. Si ces noms ne vous disent rien, sachez qu’il s’agit d’un ancien Champion du Monde, d’un Champion des Pays-Bas et de la meilleure joueuse de tous les temps. Inutile de dire que l’exercice de style est à risques, et que Maxime a intérêt d’être en forme. Morozevich revient (suite). Comme Morozevich par exemple. Dans la « Coupe du Gouverneur » qui se dispute à Saratov (Rus), la star russe de 34 ans semble parvenue à l’apogée de sa carrière, après deux années de floOement. Ce tournoi fermé de 12 joueurs en comporte 8 au-dessus de la barre des 2700 élo, soit des super-GMI. Malgré cela, Alexander enchaîne victoire sur victoire et, avec 6 points acquis en 7 rondes, en possède deux d’avance sur Peter Leko. Sa performance à 3000 élo lui vaudra, s’il maintient la cadence, un remarquable retour en trombe dans le top 10 mondial, comme une boule dans un jeu de quilles. Nous informons nos lecteurs que la responsabilité du journal ne saurait être engagée en cas de non-restitution de documents 11/23 9/17 MARDI MERCREDI La perturbation affaiblie gagne les régions centrales. Gris au nord, soleil au sud-est. Quelques pluies éparses des Pyrénées aux Alpes. Ciel variable ailleurs, rares averses. Frais. 0,6 m/17º 0,6 m/17º Lille 1 m/16º Lille 1,5 m/16º Caen Caen Paris Paris Strasbourg Brest Strasbourg Brest Orléans Orléans Dijon Nantes Dijon Nantes 0,3 m/18º 0,3 m/18º Lyon Lyon Bordeaux Bordeaux 1 m/21º 0,6 m/21º Toulouse Nice Montpellier Toulouse Marseille Marseille 0,3 m/19º 0,6 m/19º Soleil Éclaircies Nuageux Couvert Averses Pluie Orage Neige -10°/0° 1°/5° 6°/10° Nice Montpellier 11°/15° 16°/20° 21°/25° Faible Modéré fort 26°/30° 31°/35° Calme Peu agitée Agitée 36°/40° 22 • SPORTS LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 XVdeFrance:unevictoireen Servis par les circonstances, les Bleus ont petitement battu les Gallois (9-8): les voilà en finale. Par FRANÇOIS MAZET ET SYLVAIN MOUILLARD Envoyés spéciaux à Auckland L es rugbymen français s’en sont remis au win ugly pour rejoindre la finale de la Coupe du monde, dimanche face à la Nouvelle-Zélande. Gagner mochement. Mais gagner, comme des générations d’Anglais avant eux. Cette fois, les Bleus se contenteront d’être du bon côté de l’histoire. Le sélectionneur, Marc Lièvremont, qui avait eu le triomphe modeste après le quart de finale remporté face au XV de la rose (19-12), n’a cette fois pu s’empêcher de régler quelques comptes à l’issue de la victoire de samedi en demie contre le pays de Galles (9-8). «Cachez votre enthousiasme», lança-t-il aux journalistes, sourire vengeur en coin, à peine assis pour la conférence de presse d’après-match. S’il se défend de toute RÉCIT rancœur, on sent chez cet homme-là une profonde envie de revanche. «Personne ne croit en nous, on est le vilain petit canard de la compétition. On ne va pas reprendre les propos de Diego Maradona. Ils sont assez célèbres [après la qualification de l’Argentine pour le Mondial 2010, celui qui était alors sélectionneur avait déclaré: “A ceux qui ne m’ont pas cru, pardon aux dames, qu’ils me la sucent et qu’ils continuent de me la sucer. Vous, qui m’avez traité de cette manière, continuez à vous masturber”, ndlr]. On ne va pas avoir cette grossièreté-là mais d’une certaine manière, sur le fond, on le pense un petit peu.» LÉGENDE URBAINE. Lui, labélisé «entraîneur de Pro D2 arrivé là par hasard» par une partie de la presse sportive, a mené ses hommes en finale. «Je vais vous dire un truc : je m’en fous que le match n’ait pas été beau, qu’on ait eu de la réussite et que les Gallois méritaient plus que nous. Si on doit être champions du monde en jouant le même rugby, on jouera le même rugby !» Voilà une chose de faite : la légende urbaine du french Imanol Harinordoquy (à gauche) et Leigh Halfpenny lors de la demifinale du Mondial de rugby, samedi à l’Eden Park d’Auckland. PHOTO THEMBA HADEBE.AP LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 SPORTS dable, c’est bien la France et son èthos autodestructeur. Les Diables rouges, eux, peuvent s’en vouloir. Trois pénalités, deux drops et une transformation ratés, et des regrets qu’on ressassera encore dans quarante ans dans les pubs de Cardiff. A l’image de l’ancien international Eddie Butler, dépité dans le bus le ramenant dans le centre-ville, et tentant de relativiser : «C’est juste un match de rugby.» «BANDE D’ÉCLOPÉS». Sous les vivats de la foule de l’Eden Park, les hommes de Warren Gatland ont tout tenté malgré l’infériorité numérique. Et les Français sont sortis de la pelouse sous les huées d’une partie du public. «On a joué comme une équipe de Fédérale [la troisième division française, ndlr], lâchait dans un sourire le pilier Fabien Bar- cella. On s’est jeté sur tous les ballons, sans fond de jeu, sans rien. Mais il y a nos défaites en Italie, en Argentine, en Afrique du Sud. On a pris des corrections, des bouffes. Peut-être que mentalement, ça nous a rendus plus forts. Si on s’en est sorti, c’est parce qu’on avait une paire bien accrochée.» Le champ lexical de la virilité est la ligne de vie des Bleus depuis deux semaines, depuis cette défaite infamante contre les Tongiens, dans le sillage d’un entraîneur à forte personnalité qui a pu tester l’efficacité de la méthode comme joueur lors du Mondial 1999. Cette fois, Lièvremont compte pousser le raisonnement encore plus loin, en jouant un peu sur la provoc et sur la seule vérité du sport : le vainqueur a toujours raison. «Pour ceux qui ont la mémoire courte, je vous rappelle qu’on REPÈRES «Le pays ne s’y trompe pas. Je crois qu’il y a un gros engouement derrière cette équipe, derrière ce parcours chaotique et quelque part très français.» Marc Lièvremont hier Finale: NouvelleZélande France, dimanche à Auckland (10 heures, en direct sur TF1) Match pour la 3e place: Aus traliePays de Galles, vendredi à Auckland (9h30, TF1) Résultat des demifinales: FrancePays de Galles 98, NouvelleZélande Australie 206 23 Hier, la NouvelleZélande a battu l’Australie 20 à 6. contreplaqué flair est bel et bien enterrée. Le plus étonnant, finalement, c’est que Lièvremont ait embringué avec lui son capitaine Thierry Dusautoir dans sa croisade contre des suiveurs jugés pas assez chauvins par le coach. D’habitude atone, le troisième-ligne a eu ces mots : «Il y a beaucoup de personnes que ça ennuie qu’on soit en finale. On n’a peut-être pas beaucoup de talent, mais le cœur peut suffire.» Une sortie révélatrice. Déjà, elle tord le cou à l’idée selon laquelle les joueurs auraient pris le pouvoir ou lâché le coach pour écrire leur destin. Comme pas mal de ses devancières, cette équipe de France fonctionne mieux en vase clos. Ou du moins, elle veut le croire. Car en zone mixte, là où les joueurs viennent répondre aux questions des journalistes après-match, c’est une autre chanson. Il y a des carrières à gérer, pas question de flinguer à tout-va. On en revient alors à des analyses plus factuelles. Cette équipe a joué «la peur au ventre», dixit Vincent Clerc. «On était crispés, on était tendus, on avait un peu la pression parce qu’on avait déjà battu les Gallois trois fois, expliquait le demi d’ouverture Morgan Parra, 14 plaquages réussis sur 14 tentés samedi. En plus, avec ce carton rouge, on se disait qu’on ne pouvait pas perdre ce match.» Pour ce XV de France, seule la victoire compte. On le comprend. Pour le reste, il n’y a pas de quoi plastronner. Les Bleus ont joué avec le feu et auraient mérité de se brûler. A partir de la 17e minute et l’exclusion définitive du capitaine gallois Sam Warburton pour un plaquage dangereux sur Vincent Clerc, ils ont donné l’impression de gérer. C’était imperdable. Mais s’il y a une équipe capable de foirer un match imper- • 2 finales de Coupe du monde disputées par les Bleus: deux défaites, contre la Nou velleZélande (929) en 1987 et l’Australie (1235) en 1999. 2 finales de Coupe du monde disputées par les All Blacks: outre leur succès de 1987, ils ont perdu celle de 1995 contre l’Afrique du Sud (1512 a.p.). est parti il y a quatre mois avec une bande d’éclopés, qu’ils étaient tous sur le terrain, et qu’on est en finale de la Coupe du monde en NouvelleZélande. Je ne vais pas bouder mon plaisir. Ce match montre que cette équipe a beaucoup de caractère et qu’on va certainement être champions du monde.» ÉGOÏSTES. Drôle de coach. Hier, il a avoué s’être couché «énervé» après la victoire de ses hommes : «J’ai appris que certains joueurs étaient sortis malgré mon interdiction. C’est une bande de sales gosses égoïstes et indisciplinés, toujours à se plaindre et à râler. Depuis quatre ans que je suis avec eux, ils me les cassent toujours autant.» Lièvremont a cette croyance chevillée au corps que son groupe peut gagner dimanche contre les Blacks. Pas question de laisser se répéter les erreurs qu’il a commises comme joueur. «En 1999, on avait fait la bringue pendant quatre jours après notre demi-finale victorieuse contre les Blacks, explique-t-il. A l’époque, je faisais partie de ces sales gosses dissipés qui ne savent pas toujours prendre la mesure des choses.» Douze ans plus tard, on ne sait trop comment, les Bleus sont dans la même position. Sur le plan du jeu, la France est certainement le finaliste le plus faible d’un Mondial depuis l’Angleterre en 1991. Mais les joueurs, déjà battus deux fois dans la compétition, veulent survivre. Limités offensivement, ils s’accrochent à l’envie dans des fins de match étouffantes. La semaine passée contre les Anglais. Ce weekend contre les Gallois. C’est le rugby du Top 14, rarement brillant, toujours âpre. Le legs de Marc Lièvremont sera le suivant: une Coupe du monde ou le néant. • All Blacks à l’aise à l’Eden ingt-quatre ans après leur victoire en Coupe du monde, les All Blacks ont empoché hier leur billet pour la finale aux dépens de l’Australie (20-6). A l’Eden Park d’Auckland, le lieu même de leur titre de 1987. Un stade où ils sont invaincus depuis 1994 et la tournée victorieuse de Tricolores cornaqués par Pierre Berbizier. Il fallait bien la venue des cousins de la mer de Tasmanie pour que les supporteurs des Blacks donnent un peu de vie à l’enceinte, habituellement bien sage. Cible des quolibets, le demi d’ouverture australien Quade Cooper, désigné comme traître à la nation kiwie depuis des semaines. Après la rencontre, on entendait les «Four more years» («quatre ans de plus») résonner dans les travées, allusion chambreuse à la sortie du demi de mêlée mythique George Gregan en 2003, quand les Wallabies avaient éliminé leurs rivaux. Les Blacks ont développé leur nouveau rugby : au large quand il le faut, au près quand il le faut, au pied quand il le faut. Un équilibre mis en place pour empêcher les hommes en noir de subir les mêmes désillusions que par le passé. Et puis de la puissance, de la rage, de l’abnégation. Les Blacks ne cuisent plus leurs adversaires au gril, mais à l’étouffée. Prochaine proie en vue: un coq gaulois à la crête fière mais pas très vive. V F. M. et S. M. (à Auckland) Bulletin d’abonnement OFFRE DÉCOUVERTE Libération chez vous pendant 3 mois + l’accès gratuit aux services en ligne 5540% ion ction réduct de de ré du 50 € seulement au lieu de !"#$% 104 € À découper et renvoyer sous enveloppe affranchie à Libération, service abonnement, 11 rue Béranger, 75003 Paris Oui, je profite de l’offre découverte de Libération. Je m’abonne pour 3 mois (78 n°) pour 50 € au lieu de!"#% 104 € (prix de vente au numéro). Offert avec mon quotidien, je bénéficie de l’accès à tous les services numériques payants de Libération. Nom Prénom Adresse Code postal Ville Téléphone E-mail @ Ci-joint mon règlement : ! Chèque à l’ordre de Libération Signature obligatoire : ! Carte bancaire N° Expire le mois année Cryptogramme les 3 derniers chiffres au dos de votre carte bancaire Date Offre métropolitaine, uniquement uniquementpour pourun unpremier premierabonnement abonnementdécouverte. découverte. AP0032 Offrevalable valablejusqu!au jusqu’au 31/12/2011 30/06/2011 en en France France métropolitaine, AP0029 24 • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 SPORTS 3 L’HISTOIRE C’est le nombre de médailles remportées par l’équipe de France d’escrime à l’issue des Mondiaux qui se sont achevés hier à Catane (Italie). Les épéistes français ont décroché samedi leur 8e titre consécutif par équipe. Hier, les fleurettistes hommes disputaient la finale par équipe face aux Chinois (résultat non parvenu). Seule médaille individuelle: le bronze pour Victor Sintes au fleuret. 10e journée. Samedi. BrestCaen 1-1, Evian-TG-SaintEtienne 1-2, Nice-Bordeaux 3-0, Toulouse-Marseille 0-0, Montpellier-Dijon 5-3, Auxerre-Lille 1-3, LyonNancy 3-1. Dimanche. Valenciennes-Sochaux 3-0, AC Ajaccio-Paris-SG 1-3, Rennes-Lorient non parvenu. FOOT Bordeaux coule à pic. La 10e journée de Ligue 1 disputée ce week-end aura circonscrit les ambitions du club girondin d’Henri Saivet (photo), écrasé (0-3) à Nice et désormais relégable (18e). PHOTO AFP MOTOGP Second titre pour Casey Stoner. Déjà titré en 2007 chez Ducati, le pilote australien de l’écurie Honda est redevenu champion du monde en remportant hier le Grand Prix d’Australie. GYMNASTIQUE Cyril Tommasone a pris l’argent au cheval d’arçon samedi aux Mondiaux de Tokyo : la 3e médaille mondiale française à cet agrès depuis 1907. BOXE : LA VIDÉO SONNE LA REVANCHE Quand la boxe utilise la vidéo pour appuyer ses verdicts, elle ne fait pas semblant: détenteur de la ceinture IBF des lourdslé gers depuis sa victoire contre l’Américain Cunnin gham le 1er octobre, le Cubain Yoan Pablo Her nandez devra accorder une revanche dans les 120 jours à son adversaire: après examen des images, l’IBF a décidé que les coupures faciales subies par Hernan dez sur coups de tête invo lontaires aux 3e et 6e reprises n’étaient pas un obstacle à la poursuite du combat. Le 1er octobre, l’arbitre avait estimé le contraire et arrêté le combat à l’appel de la 7e reprise. On avait alors regardé les pointages: le Cubain de 26 ans en avait deux pour lui (5855 et 5955) alors que Cunnin gham, 35 ans, avait le troi sième (5756). Le vainqueur de la revanche défendra le titre le 11 mai face au Cana dien Troy Ross. L'école des Bachelors Professionnels À chaque métier son Bachelor E-Business Communication LUXE RELATIONS PRESSE Communication Management Marketing Luxe Événementiel ÉVÉNEMENTIEL Relations Presse Luxe MARKETING Management E-Business Marketing COMMUNICATION COMMUNICATION Management Relations Presse E-BUSINESS Marketing Événementiel Relations Presse MARKETING Communication ÉVÉNEMENTIEL Événementiel MANAGEMENT E-Business LUXE Luxe E-BUSINESS Communication MARKETING MANAGEMENT RELATIONS PRESSE À partir de la rentrée 2012, l’ISEFAC BACHELOR sera présent dans 7 grandes villes de France : PARIS – BORDEAUX – LILLE LYON – NANTES - NICE –TOULOUSE d'informations sur www.initial-isefac.com Sebastian Vettel, remercie, hier en Corée, les mécaniciens Red Bull. PHOTO LEE JAEWON. REUTERS RedBulletRenault sacrésenCoréeduSud F1 Vainqueur hier, Sebastian Vettel, champion du monde des pilotes, a apporté le titre des constructeurs à son équipe. U ne semaine après s’être offert le titre mondial des pilotes, l’Allemand Sebastian Vettel a apporté celui des constructeurs à l’écurie Red Bull et à son motoriste, Renault, en l’emportant hier en Corée du Sud devant l’Anglais Lewis Hamilton et l’Australien Mark Webber. Un deuxième titre consécutif qui permet à l’écurie autrichienne d’afficher des statistiques qui en font une des équipes les plus titrées du peloton. L’homme : Dietrich Mateschitz L’homme d’affaires autrichien, à la tête de la société Red Bull dont il détient 49% des parts, est le patron d’écurie le plus discret du paddock. Il se contente de trois ou quatre visites par saison sur les Grand Prix, n’arrivant que le matin de la course, pour s’échapper aussi furtivement une fois celle-ci terminée. Passionné d’aviation, le milliardaire autrichien est aussi un visionnaire dans le domaine du marketing. Ignorant les sports traditionnels, c’est via les sports extrêmes les plus prisés par les jeunes –autant de consommateurs potentiels de la boisson énergétique dont les canettes sont décorées d’un taureau rouge – que Mateschitz a développé la notoriété de sa marque avant de s’intéresser aux sports essentielle- ment mécaniques (Red Bull sponsorise également Citroën en rallye), afin de profiter de leur plus forte exposition médiatique. Ainsi, son implication en F1 s’est avérée incontournable et la marque Red Bull y est apparue, d’abord comme simple sponsor à partir de 1995 (Sauber puis Arrows), avant que l’Autrichien décide de racheter l’écurie Jaguar moribonde, fin 2004. Puis, un an plus tard, la modeste formation italienne Minardi, pour Après avoir reconstruit l’écurie sous la houlette d’un jeune manager, Christian Horner, Red Bull s’est doté des outils techniques les plus performants et surtout d’un technicien de génie avec le Britannique Adrian Newey. Red Bull a également eu la bonne idée de construire un partenariat de longue durée avec le motoriste français Renault. Depuis 2007, c’est associé à la firme au losange que Red Bull a gagné ses 25 victoires (dont 10 cette saison), décroché 35 poles positions Depuis 2007, Red Bull depuis 2009, siet Renault ont décroché gné 10 doublés et 25 victoires, 35 poles enchaîné 62 de ses positions et signé 10 doublés. 63 podiums. La mauvaise nouen faire son équipe bis, après velle pour la concurrence : l’avoir rebaptisée Toro Rosso, cette association de choc a (traduction italienne de Red été prolongée au moins jusBull). Comme Mateschitz voit qu’à la fin de la saison 2014. loin, il a fait de cette petite équipe le «centre de forma- La phrase : «J’ai juste tion» de la pépinière de jeu- pensé qu’il serait erroné nes pilotes que la marque de ne pas en avoir un» Red Bull finance en marge de De Sebastian Vettel au sujet son activité en F1. Sebastian du meilleur tour obtenu Vettel en est à ce jour le pro- juste avant de passer la ligne duit le plus abouti. d’arrivée en vainqueur. «C’est idiot, car il n’y a pas de Le tandem gagnant : point pour cela, mais nous Red BullRenault avons eu tant de victoires cette Un marchand de boisson au saison sans aucun meilleur goût étrange qui débarque tour…» a déclaré un Sebasd’une manière assez tapa- tian Vettel enjoué et joueur. geuse en F1 et parvient à L’Allemand a donné des tailler des croupières aux sueurs froides à son chef équipes historiques, Ferrari, motoriste qui venait justeWilliams et autre McLaren : ment de lui demander de voilà qui a fait se tordre quel- ménager sa mécanique. ques nez dans le paddock. LIONEL FROISSART REBONDS LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 • 25 A Tomas Tranströmer, une lettre suédoise Par HENNING MANKELL Ecrivain suédois Q ue le prix Nobel ait enfin été attribué au poète suédois Tomas Tranströmer, ce n’est pas franchement une surprise. Il figurait depuis de nombreuses années parmi les lauréats potentiels. Et ceux qui militaient pour sa candidature venaient pratiquement du monde entier. Il a donc reçu le Nobel. Cela ne change rien au fait scandaleux qu’il n’ait jamais été élu à l’Académie suédoise. Là-bas, il est aussi maltraité que le Un compagnon fiable qui marche à nos côtés. Il nous invite à participer, fut, par exemple, August Strindberg il nous invite à nous asseoir avec lui – qui, lui, d’ailleurs, à la table de la poésie. n’a jamais reçu le prix Nobel. Quoi qu’il en soit, cette académie vermoulue s’est enfin décidée à lui attribuer son prix, et c’est une bonne chose. Non que Tomas Tranströmer ait grand besoin de l’argent qui l’accompagne. Pas plus que d’un public, car il n’est certes pas en manque de lecteurs. Dans le meilleur des cas, ce prix servira à lui en gagner encore davantage. Moi qui vis une grande partie du temps en Afrique, surtout au Mozambique ces vingt-cinq dernières années, il m’est parfois arrivé, en compagnie de lecteurs ou d’amis intellectuels, d’improviser une traduction portugaise de l’une ou l’autre strophe tirée d’un poème de Tranströmer. Je n’ai pas mentionné son nom. J’ai lu ma traduction, et ensuite j’ai interrogé l’auditoire : «Qui, selon vous, a écrit ces vers ?» Tous s’accordaient à trouver la strophe émouvante, suggestive, belle. Mais la question de sa possible origine donnait lieu aux hypothèses les plus échevelées. Pour l’un, il s’agissait d’un poème d’Afrique de l’Ouest relativement récent, remontant tout au plus aux années 50. Un autre croyait être en présence d’un poème perse très ancien. Chaque fois, la discussion se prolongeait jusqu’à ce que je leur révèle la vérité : les vers dont je venais d’improviser la traduction avaient été écrits par un monsieur suédois d’âge moyen habitant une ville suédoise de taille moyenne appelée Västerås. (Ce n’est plus le cas, Tomas Tranströmer vit aujourd’hui à Stockholm.) La Suède, d’un seul coup, devenait à la fois plus et moins exotique. Car voilà que dans cette ville de province vivait un poète dont la poésie était compréhensible par tous. Par les nomades du désert aussi bien que par des comédiens amateurs de livres vivant à Maputo. Ou par un auteur de prose tel que moi. Tomas Tranströmer est un grand narrateur. Il me semble parfois que ses poèmes, aussi courts soient-ils, sont remplis d’histoires dont l’envergure et la profondeur n’ont rien à envier aux romans de Thomas Mann et de Dostoïevski. C’est un poète riche en récits. Il y a dans sa poésie une dimension épique qui, étonnamment, a besoin de très peu de mots pour se déployer. De la même façon, je vois dans ses poèmes l’esquisse d’une dramaturgie très particulière. «Il y a, au milieu de la forêt, une clairière insoupçonnée que ne découvre que celui qui s’égare (1).» Cette phrase contient l’amorce d’un drame fascinant. Au milieu des années 80, alors que je dirigeais un théâtre, j’ai pris contact avec Tomas et lui ai demandé s’il accepterait de tenter l’aventure. Il a répondu qu’il ne se croyait pas capable d’écrire pour le théâtre. J’ai naturellement respecté sa décision. Mais j’ai donné la strophe ci-dessus à une jeune dramaturge, qui a ensuite écrit une très belle pièce à laquelle elle a donné le titre Egarés. Tomas Tranströmer est un maître des images. Ses métaphores, inattendues, sont de celles qu’on n’oublie pas. Aucun auteur, vivant ou mort, ne m’a donné autant de citations à ruminer. Pas même la Bible. Mais son importance se mesure surtout pour moi à la faculté qu’il a de se mouvoir entre le très grand et le très petit. D’aborder un accident de la route de la même façon que les plus épineuses questions existentielles. Par là, il nous devient très proche. Un compagnon fiable qui marche à nos côtés. Il nous invite à participer, il nous invite à nous asseoir avec lui à la table de la poésie. L’un des plus grands poètes de notre temps vient de recevoir une consécration légitime. Mon souhait est qu’elle conduise des lecteurs toujours plus nombreux à vivre l’expérience de son œuvre. Traduit du suédois par Anna Gibson. (1) «La Clairière», in «la Barrière de vérité» (1978). Traduction de Jacques Oudin. Dernier ouvrage paru : «le Chinois» (Seuil). Haïti:au-delà de la compassion et de l’offrande Par JEAN CLAUDE FIGNOLÉ Ecrivain et maire de la commune les Abricots (Haïti) «M ourir est beau.» Ces mots de la dernière strophe de notre hymne national exaltent les vertus guerrières d’un peuple qui, le seul dans l’histoire de l’humanité, sut convertir une révolte d’esclaves en épopée de la liberté. Une exaltation passionnée de la mort comme sacrifice, telle une quête esthétique pour transcender les malheurs à l’origine de son existence. C’était voilà cent huit ans. Depuis, nous traînons l’angoisse de la mort entre catastrophes naturelles et calamités politiques. Ce que nous avions pris pour la sublimation d’un vœu d’homme est devenu misères au quotidien. Misères du quotidien. De séismes en cyclones, de sécheresse en inondations et en épidémies, nous voilà seuls avec nous-mêmes, nus et désarmés devant l’histoire, condamnés à subir la vie parce qu’incapables de nous créer un destin de nation. Un constat d’échec dont malheureusement nous n’avons pas appris à tirer les multiples leçons. Peuple amnésique! Nation sans mémoire autre que celle d’une guerre de libération que nous nous sommes évertués à ne pas mériter. Mourir ne saurait être beau. Sous les décombres des maisons le 12 janvier 2010, ballottés par des ouragans en séries, décimés par toutes sortes d’épidémies la même année, mourir n’était pas beau. Mourir n’est plus beau. Il fut même franchement laid car il n’est plus une exhortation à l’héroïsme pour nous obliger à forger l’avenir. Il s’impose comme une fatalité du présent qui nous met face à une évi- du monde. L’aide internationale, celle qui jongle avec la sécheresse ici et là au bénéfice de famines à répétition, faute de s’ingénier à réinventer l’irrigation, celle qui force à la guerre pour expérimenter de terrifiants et meurtriers joujoux au profit de marchands hilares, faute par eux de connaître et de mesurer à sa juste valeur le prix de la vie, est moins un marché de dupes qu’une vaste enDe séismes en inondations, nous voilà treprise de spoliation seuls avec nous-mêmes, nus et peuples. Ceux qui désarmés devant l’histoire, condamnés des donnent autant que à subir la vie parce qu’incapables ceux qui reçoivent. Il faudrait parler d’une de nous créer un destin de nation. mondialisation du vice dence : être un peuple en sursis sous sinon du crime pour rendre l’exacte perfusion de l’aide internationale. étendue d’un fléau desservant des intéL’aide internationale ! Parlons en jus- rêts très particuliers. Ruinant du même tement. Entre menterie des mots et hy- coup toute conscience que les peuples pocrisie des nations et des institutions, devraient avoir de la notion d’entraide ceux qui dans le monde font métier et de solidarité entre les hommes. d’avoir bonne conscience en auront dé- Vous voici en ce lieu avec bien en tête noncé les méfaits. De la corruption aux des intentions sinon la volonté d’aider. intentions d’asservissement. Pratiques Un peuple à un autre ? Un Etat à un érigées en système, elles finissent par autre? Non point! Des gens simples, des sacraliser toutes les formes de perver- gens ordinaires qui ont appris, quelque sion. Au bénéfice d’intérêts qui de plus part, que dans un ailleurs inclément en plus cessent d’être occultés parce d’autres gens simples, d’autres gens orqu’ils arrivent à la limite ou ne font que dinaires eux aussi, fouettés par l’injusbafouer ostensiblement l’ordre moral tice du sort, sont en quête d’une solida- rité agissante pour résoudre des problèmes premiers. Solidarité agissante parce qu’elle devra aller au-delà de la commisération, de la compassion, de l’élan de générosité, de l’offrande, du don pour s’inscrire dans la permanence d’un choix. Celui d’accompagner des efforts et de créer des espérances. D’un côté, un besoin de dépassement de ses propres soucis, des réactions émotionnelles à des détresses multiformes et récurrentes pour construire une action dans la durée. Autant dire une promesse à soi-même d’engagement à aller au-delà de ses simples tentations d’altruisme, à les ordonner pour qu’ils cessent d’être pulsions afin de cautionner des appels, même limites, à partenariat. De l’autre une volonté d’être, de sortir de ce ghetto à la fois physique et psychologique qui enferme dans des certitudes de pauvreté, pour s’ouvrir aux autres, être présent au monde par la récupération de soi (illusions et rêves mêlés) par besoin de reconstruction de soi au mitan même des malheurs pour la reconquête d’un destin… Un destin de grandeur parce qu’il interpellait d’abord et par-dessus tout un idéal de liberté qui magnifiait un besoin profond de dignité. 26 • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 REBONDS France-Rwanda: une «mémoire empêchée»? Par WILLIAM BOURDON Avocat D epuis plusieurs années, une vague douloureuse a fait irruption dans le débat national et international : la concurrence des victimes et ses conséquences, la rivalité mémorielle et les exhortations de certains pays à la repentance. La «mémoire empêchée» – pour reprendre une belle expression de Paul Ricœur – provoque son corollaire : la manipulation de la mémoire et son utilisation politique à des fins intérieures. Pensons à tout ce que les logiques de déni, ou d’idéalisation de notre récit national, ont apporté comme dénaturation de notre histoire et comme instrumentalisations politiques. Les relations franco-rwandaises comme les relations franco-algériennes sont remplies de fantômes. C’est ce refus forcené de la France d’admettre une forme de responsabilité fût-elle morale dans le génocide au Rwanda qui a conduit aux excès de la commission mise en place par Paul Kagame fustigeant de façon excessive les complicités françaises. De même que le refus d’ouvrir en France un grand débat, après la loi d’amnistie de 1966 sur la responsabilité française dans l’utilisation massive de la torture en Algérie et l’idéalisation de la colonisation permit au pouvoir algérien tant de cyniques manipulations. Les excès des uns nourrissent les outrances des autres dans un cercle vicieux infernal. Les conséquences en sont innombrables : l’historien se dispute parfois avec le juge à qui l’on demande trop et les passions s’exacerbent. Edouard Balladur, qui qualifiait l’opération Turquoise d’entreprise «coloniale», apparaît, par un clin d’œil ironique et étrange de l’histoire, comme un homme de mesure et de sagesse, c’est dire… Or, la France a plus de responsabilités et donc de devoirs –c’est ce qu’elle revendique – que les autres pays d’Europe à l’égard de l’Afrique. On devrait publiquement aller jusqu’au bout de la réflexion pour comprendre ce qui a conduit la France à s’aveugler sur le régime hutu au pouvoir à Kigali et ce qui était à l’origine d’une coopération militaire soutenue jusqu’à la dernière minute, alors que les actes préparatoires du génocide étaient de plus en plus voyants – plus personne ne le conteste sérieusement – dans les années 1993-1994. On sait que le complexe de Fachoda – soit l’obsession de voir la perfide Albion bouter la France hors d’Afrique – imprime encore la carte ADN de certains de nos militaires. Les exaspérations à Kigali depuis tant d’années ne sont pas fondées sur rien, bien au contraire. On sait par de nombreux témoignages recueillis par la commission d’enquête mise en place par différentes ONG françaises (outre ceux du journaliste insoupçonnable Patrick de Saint-Exupéry, des historiens, les travaux de Human Rights Watch, etc.) que certains officiers – en petit nombre certes–ont manqué à tous leurs devoirs et, de fait, ont précipité certaines victimes tutsies entre les mains de leurs bourreaux et en tout cas a minima ne leur ont pas portés secours. On sait que des livraisons d’armes se sont poursuivies en plein génocide et qu’un soutien financier se perpétuait sur lequel personne n’ose encore aujourd’hui s’expliquer sérieusement. On sait que l’ins- truction ouverte depuis maintenant cinq ans au tribunal aux Armées à Paris sur la plainte que nous avons déposée pour complicité de génocide visant des faits limités et incontestables est totalement asthénique. Certains hauts gradés et politiques français se sont efforcés d’utiliser les outrances de Kagame pour disqualifier cette plainte comme si elle était –lecture de mauvaise foi– une mise en cause de toute l’armée française. Des politiques nous serinent que cette mise en cause disqualifierait toute action visant à porter secours à des populations en danger demain en Afrique. Monsieur Paul Quilès, dans son article publié dans Libération le 30 septembre, n’a pas tort de dire que la commission d’enquête qu’il a présidée était une première, puisque touchant au domaine réservé du président de la République. Avant de tourner une page, dit un proverbe cambodgien, encore faut-il la relire complètement, condition sine qua non, pour qu’elle ne se réécrive pas. Or, il n’y a pas eu de véritable interaction ou de dynamique entre les témoins entendus et les rapporteurs. Le huis clos était trop systématiquement ordonné dans certaines auditions et les documents clés continuent à être couverts par le secret-défense. Reste ainsi un parfum d’inachevé et d’ambiguïté qui a nourri les manipulations rwandaises. On le voit, au-delà de ces épisodes, il y a une difficulté ontologique en France à explorer les pages sombres de notre histoire. On oublie trop souvent que c’est grâce au travail inlassable et courageux de Serge Klarsfeld que le mythe d’une résistance massive et spontanée des Français pendant l’Occupation est tombé. On oublie également que c’est grâce au travail courageux d’intellectuels, tels que Pierre Vidal-Naquet ou Benjamin Stora, qu’ont continué à être explorées les dérives atroces de notre armée dans les villes algériennes jusqu’en 1962. L’adhésion de beaucoup de Français à ce récit national idéalisé n’est pas sans lien avec la crise d’identité que connaît notre pays. Elle n’est pas sans lien non plus avec la nostalgie d’un empire perdu. L’obsession de maintenir envers et contre tout une place centrale de la France en Afrique a été ruinée aussi par les dégâts de l’action de la Françafrique qui, au lieu de servir la France, en ont gravement disqualifié l’image. Paul Kagame, astucieusement, n’a pas de- au pire. Il eût fallu aussi s’expliquer sur les raisons de la complaisance de la France qui pendant des années a accueilli, quand elle ne les a pas exfiltrés, parfois en connaissance de cause, des suspects de génocide qui n’ont été arrêtés que par l’action inlassable de certaines ONG et d’avocats. L’image de la France auprès du tribunal pour le Rwanda, mais aussi de l’ex-Yougoslavie par ricochet, en a pâti. Hubert Védrine, dans un article du 15 juin 2004 publié dans la Lettre numéro 8, Institut François-Mitterrand, s’interrogeait : «Quant aux sommations d’avoir à demander pardon, brandies par beaucoup d’inquisiteurs autodésignés, on s’interroge. Qui devrait demander pardon? A qui? De quoi? Dans Pensons à tout ce que les logiques de déni, l’espoir de résoudre quel proou d’idéalisation de notre récit national, blème ? Laissons-là ce méliont amené comme instrumentalisations mélo.» politiques. Les relations franco-rwandaises La contrepartie politique de l’imprescriptibilité des crimes sont remplies de fantômes. contre l’humanité est nécesmandé des excuses à la France. Il n’est pas sairement le refus de l’oubli sur tout ce qui exempt de critique. Loin s’en faut. Notre ca- a accompagné la commission des crimes pacité à l’oubli sur la responsabilité morale contre l’humanité. Le gouvernement belge, de la France a pour corollaires la thèse aber- Bill Clinton, Kofi Annan ont su trouver des rante du double génocide d’un côté et, de mots, chacun avec ses nuances, pour dire l’autre, la manipulation du génocide par leurs regrets d’une action coupable des régiKagame pour diriger le Rwanda d’une main ments belges de la communauté internade fer. Raison de plus pour considérer qu’il tionale qui a précipité dans la mort eût fallu trouver des mots justes, modérés 800000 personnes. Si «l’Holocauste n’a pas bien sûr, pour dire que la France regrettait commencé dans les chambres à gaz mais par ses aveuglements, sa myopie, son empathie des mots», il ne fait aucun doute que les excessive pour le régime hutu, alors que les plaies de ce génocide ne pourront se refermer sillons du génocide commençaient à se creu- qu’après une reconnaissance par tous les ser, mais aussi qu’elle regrettait que son em- auteurs de leurs actes. Les mots de la France pathie ait conduit quelques officiers ici ou là se font toujours attendre. Aucun pays ne s’est mobilisé autant Par BERNARD VALERO Porteparole du ministère des Affaires étrangères et européennes J e réagis à l’article de Dominique Franche que vous avez publié le 30 septembre sur l’honneur de la France au Rwanda et je veux dire mon indignation. Cet article à charge cherche en quelques lignes à démonter le travail considérable d’enquête conduit par la mission Quilès de 1998, et dont le rapport compte plusieurs milliers de pages et les auditions de tous les responsables et autorités concernés. Aucun rapport, ni aucune étude n’ont depuis lors interrogé et entendu autant de témoins. La mission d’enquête a conclu sans ambiguïté à l’absence de responsabilités de la France dans le génocide. Bien sûr, on peut toujours dire que notre pays aurait pu faire mieux, mais ce serait aussi intéressant d’avoir l’honnêteté de rappeler certains faits. Que c’est la France, la première, qui a décidé un embargo sur les armes, le 8 mai 1994. Que c’est aussi la France par la voix de son ministre des Affaires étrangères de l’époque, Alain Juppé, le 15 mai 1994, qui a parlé la première de «génocide». Que c’est encore et enfin la France qui est le seul Etat au monde à avoir risqué la vie de ses soldats pour sauver des Rwandais et pour mener la seule opération humanitaire d’ampleur au Rwanda. Le gouvernement français a obtenu le feu vert du Conseil de sécurité par la résolution numéro 929 en date du 22 juin 1994. L’opération Turquoise s’est exactement déroulée dans les conditions fixées par la résolution des Nations unies. Elle a permis de sauver des centaines de milliers de vies. Turquoise a également protégé des dizaines de qu’aucun autre pays ne s’était mobilisé comme nous l’avions fait à l’époque. Devant la carence de la communauté internationale et les obstacles mis par certaines grandes puissances aux demandes du secrétaire général de l’ONU, la France a été la seule à avoir un sursaut de courage. Qu’a fait le reste de la communauté internationale? Avant de mettre en cause la France et ses responsables publics, civils et militaires, il serait bon que l’on s’interroge sur l’attitude de ceux qui n’ont rien dit, qui Avant de mettre en cause la France, n’ont rien fait, qui n’ont rien tenté. n’en parlez-vous jamais et il serait bon de s’interroger sur ceux Pourquoi pourquoi ne posez-vous pas aussi ces qui n’ont rien fait. Pourquoi ne questions ? posez-vous pas aussi ces questions? Non content de ressortir des accusations sans fondement, l’article pousse sites de regroupement de civils tutsis et per- l’outrance à avancer des hypothèses totalemis aux ONG d’accéder en toute sécurité à ment absurdes (la France qui aurait décidé de ces populations. Son mandat n’était en tirer sur l’avion du Président). Trop c’est aucune manière de faire la guerre, mais de trop. mener une opération humanitaire, nettement Finalement, la personne qui a le mieux rédéfinie dans le temps et dans l’espace. Elle pondu à la question que posait Libération à sa l’a remplie dans des conditions qui font hon- une du 12 septembre («Génocide rwandais: neur à l’armée française et à notre pays, jus- la France s’excusera-t-elle?»), c’est le présiqu’à ce qu’enfin arrivent sur place les Cas- dent Kagame lui-même lorsqu’il a dit, sur le ques bleus de la Minuar II, fin août 1994. perron de l’Elysée, officiellement et comme Il faudrait quand même avoir l’honnêteté de pour clore ce débat inutilement prolongé : rappeler tout cela et de souligner aussi «Je n’attends pas d’excuses de la France.» LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 REBONDS 27 L'ŒIL DE WILLEM Café ou chocolat: la bataille Par DANIEL SCHNEIDERMANN • du dessert Arrivés à la pâtisserie, le débat s’était festement inamical. Des chocolistes fidécanté après plusieurs semaines d’ef- rent une razzia sur les tartes à la crème. fervescence. Ne restaient plus en lice On s’échauffait. L’entartage général que les partisans du gâteau au café ou menaçait-il? Le groupe comptait queldu gâteau au chocolat. Tous les autres ques transfuges, passés dans les der(fans du baba, gourmands de fraisiers, nières années du chocolat au café, ou dingues de la charlotte, ascètes du inversement. On les montra du doigt. sablé) s’étaient ralliés. On ressortit des citations. «L’an derCe serait donc café ou chocolat. Mais nier, que mangiez-vous?» ricana un fiComment choisir ? dèle du café à l’adresse d’un converti HORS:Mise justement. en page 1 14/10/11 14:06 Page1 Café et chocolat avaient chacun ses au chocolat. partisans, qui n’en démordaient pas. A Quand les sondages internes indides sourires furtifs, à un tutoiement quèrent que le chocolat prenait l’avanmalgré tout fraternel, on sentait que les tage, les deux camps, portés à ébuldeux camps se respectaient –et même lition, en tirèrent argument. Pour les se ménageaient. On était entre gens qui chocolistes, c’était entendu, il fallait sont d’accord sur l’essentiel. Il eût été désormais creuser l’écart, viser le trop bête que les choses dégénèrent. consensus le plus large qui souderait la Mais tout de même, la question devait famille. Les caféistes rétorquèrent être traitée comme elle le méritait. qu’ils ne se laisseraient jamais déposChocolat ou café, le débat s’installa. séder de leur choix par les sondages. Si C’était une question de principe. Ça re- l’on avait enfin arraché aux grands anmontait loin. Aux siècles passés sans ciens, aux barons, aux duègnes, à doute, peut-être même aux traites l’élite, qui l’exerçaient naguère dans négrières, même si perune totale opacité, le droit sonne n’abordait frontaMÉDIATIQUES de choisir le dessert, ce lement le sujet. Des conn’était pas pour se laisser tentieux immémoriaux opposaient les imposer ses goûts! Et par qui donc? Par uns aux autres, manifestement indé- des sondages manipulés par des puischiffrables aux étrangers, à la famille. sances occultes, par la grande indusOn s’échauffait, sous le regard des trie, ou par la mondialisation néolibéautres clients, perplexes. rale ! En outre, ces sondages étaient La petite bande s’empara du trottoir. éloquents : ils démontraient parfaiChacun prenait la parole à tour de rôle. tement que le système, par réflexe Des arbitres s’instaurèrent : il fallait d’autoprotection conservateur, se mébaliser, fixer des règles à la discussion, fiait de la puissance subversive du café. qui ne favorisent pas l’un ou l’autre. C’était bien la preuve que leur goût «Le chocolat, c’est trop sucré», lança un était politiquement incorrect, trop amateur de café. Révolté, documents dérangeant pour le consensus mou. Du à l’appui, le clan chocolat démontra reste, ces sondages n’avaient-ils pas que le dosage de sucre était exactement toujours été démentis, dans le passé ? identique dans les deux préparations. Le café, c’était l’antisystème. C’était Et puis, il fallait avant tout plaire au l’avenir. plus grand nombre, séduire toute la fa- Au-dessus de la mêlée, flottaient pourmille, et au-delà. Avec le chocolat, on tant, étrangement, des effluves réconne courait aucun risque. Le chocolat, fortants. Si la joute se prolongeait, chac’était le consensus. Le chocolat ratis- cun sentait néanmoins que l’essentiel sait large. Pas du tout, rétorquaient les n’était pas en cause. L’essentiel, c’était amateurs du café. Les temps avaient que ce débat puisse enfin avoir lieu, changé. L’époque n’était plus au con- donnant une magnifique leçon sensus mou, mais à la remise en ques- citoyenne au quartier, à la cité entière. tion des certitudes les mieux ancrées, Tous communiaient dans la satisfaction aux tentatives hardies, aux solutions grisante de pouvoir enfin exercer, sur nouvelles. On était acculé à l’innova- un enjeu essentiel, leurs droits démotion. Le système habituel ayant fait la cratiques inaliénables. Jamais plus on preuve de son inefficacité, il fallait se ne reviendrait en arrière. lancer, ne rien craindre. L’arrière-goût corsé du café pouvait avoir un effet hautement mobilisateur. Corsé? RepriSUR LIBÉRATION.FR rent en chœur les chocolistes, dédaigneux. Amer, tout au plus. Amer ? On avait dit amer ? Cette fois, les bornes Retrouvez nos chroniques sur: étaient dépassées. Un caféiste se munit http://www.liberation.fr/ d’une provision de choux à la crème, chroniques dans un dessein peu clair, mais mani- • invitation Libération vous invite à découvrir le film Hors Satan, réalisé par Bruno Dumont. Une magnifique invitation au voyage. 50 invitations à gagner dans la ville et à la séance de votre choix. Pour recevoir une invitation pour deux personnes, adressez votre demande à: [email protected] Précisez impérativement votre adresse postale complète. Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de suppression de vos informations personnelles (art.27 de la loi informatique et libertés). Les informations recueillies sont destinées exclusivement à Libération et à ses partenaires sauf opposition de votre part en nous retournant un email à l’adresse mentionnée ci-dessus. 28 • VOUS LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 L’enfance de l’art du LONG NEZ A quel âge commence-t-on à baratiner? Les chercheurs Olivier Mascaro et Olivier Morin remontent le fil des bobards infantiles. Recueilli par EMMANUÈLE PEYRET Dessin SÉVERIN MILLET O n aurait pu faire le journal d’un menteur, qui commence dès l’aube: «Tu as très bonne mine ce matin, ma chérie», un lendemain de cuite phénoménale. «Ça va aller, ton contrôle de maths», à l’élève de cinquième manifestement plus doué en PSP qu’en algèbre. En arrivant au bureau, on brodera sur le magnifique week-end qu’on vient de passer, en fait deux jours sinistres dans la baraque rurale de copains, tout en fleurissant de compliments son chef de service. Continuer l’après-midi à baratiner les collègues avec le vieux coup du pull sur la chaise, style «je suis dans la maison» (en fait, au bistrot). Et se finir sur le mensonge à soi-même («Demain, c’est gym, aujourd’hui je suis trop charrette»). Le mensonge (les mensonges, en fait, tant les formes sont nombreuses), s’il est essentiellement intention de tromper, c’est-à-dire de dissimuler sa pensée, est partie intégrante de nos vies. La preuve, l’excellente revue sociologique Terrains consacre son dernier numéro au «mentir». Entre deux articles érudits de confrères sur «Pourquoi est-il si grave de mentir ?» ou «L’Etat ment-il ?», deux chercheurs, Olivier Mascaro et Olivier Morin, postdoctorants en psychologie et philosophie à l’université d’Europe centrale, à Budapest (Hongrie), se sont penchés sur la naissance du mensonge chez l’humain. Eh bien, ça commence tôt. Quand situez-vous la naissance de l’«homo fabulator»? Il y a un éveil du mensonge autour de 4 ans. Plus tôt, les enfants peuvent faire croire des choses fausses à leur entourage tout en étant assez maladroits pour se dénoncer. Un enfant, par exemple, casse une lampe, sa mère n’a rien vu. Il va la prévenir immédiatement: «Je n’ai pas cassé la lampe.» A cet âge-là, les histoires de tromperies comme le Petit Chaperon rouge (où le loup se travestit) ne sont pas comprises. Pas plus que certains jeux. Notre article raconte l’histoire du petit Théo, qui joue à cache-cache. Son camarade lui demande : «Où es-tu ?» Et Théo de répondre: «Dans le garde-manger!» Ce sont des menteurs d’occasion: l’intérêt qu’ils auraient à tromper leur monde leur échappe le plus souvent, là où il semble évident à de plus âgés. A 4 ans, leur pratique occasionnelle du mensonge fait place à un art de tromper bien plus maîtrisé. Dans quels cas l’enfant ment-il? Rousseau pensait que les adultes forcent les enfants à mentir en posant des interdits impossibles à respecter. Ce n’est sans doute pas la seule source du mensonge, mais c’est dans des situations comme celles-là qu’on observe les mensonges les plus précoces : on les met au pied du mur et ils nient leur faute pour éviter d’être punis. Le plus souvent, l’enfant choisit l’honnêteté, et il faut des circonstances inhabituelles pour l’en sortir. Quelle est la première forme de mensonge? Le mensonge de politesse. Les tout-petits sont des communicants remarquables, et ils se familiarisent vite avec les règles du savoir-vivre, qui ont des frontières très poreuses avec le mensonge. «Tu trouves que maman est jolie, aujourd’hui ?» Maman a beau être en vieux pyjama, le petit dira : «Oh oui, maman, tu es très jolie !» Les enfants manifestent plus d’émotions positives, de joie, devant un cadeau quand l’auteur du cadeau est là que quand il est absent: «Super, un pull vert», etc. A quel moment les petits peuvent-ils se représenter le mensonge chez autrui? Les très jeunes enfants ont les capacités qu’il faut pour comprendre ce qu’est un mensonge: ils savent ce qu’est une information fausse, et ce que c’est que la malveillance (et ils s’attendent à la rencontrer chez certains personnages imaginaires ou réels plus souvent que chez d’autres). Tout le problème est de passer de la théorie à la pratique. Le plus souvent, les enfants de 3 ans et moins sont trop confiants pour utiliser le mensonge dans leur vie. Alors, le mensonge est une composante indissociable de la vie sociale? Partant, nous sommes dans un monde de menteurs? Oui, et ça ne se limite pas aux humains. Si une grenouille rouge vif à la peau toxique fait fuir les prédateurs grâce à sa couleur, d’autres espèces de grenouille, non toxiques, revêtiront la même couleur rouge pour tromper l’ennemi. Et elles continueront tant que les prédateurs se fieront à ce signal. En somme, le mensonge est partie intégrante de tout système de communication. • Par vice, stratégie ou provocation… Revue de détail des différentes raisons de mentir. «On ira voir Johnny H. au théâtre, c’est promis» O n ment par amour, par politesse, parfois pour rien, parfois pour raison d’Etat. Parce que, évidemment, mentir ne consiste pas seulement à dire ce qu’on sait être faux. Petite typologie des mensonges. Non exhaustive. Pour faire plaisir En tête, le mensonge de politesse, qui apparaît donc très tôt (lire ci-contre). Il s’agit de dire le faux pour ne pas embarrasser quelqu’un, pour sauver les apparences. Ce mensonge est distinct de la tromperie. Typique: «Oui, Johnny H. est un vrai rockeur», alors qu’on n’en pense pas un traître mot. Encore qu’en la matière, les gens se donnent peu souvent la peine de ce mensonge-là. Pour faire son malin Parfois, en inventant un détail dans une histoire ou un événement banal, on ment pour rien, comme ça. Genre: «J’ai croisé Johnny H.» Est-ce une forme de tromperie? Oui, car on exploite l’attention et la crédulité de notre interlocuteur d’une façon qui peut lui nuire (par exemple, s’il est pris à répéter notre mensonge). Ça permet de se rendre un peu plus intéressant qu’on ne l’est. Vu qu’on n’a jamais croisé Johnny H. (enfin si, mais il y a vingt-cinq ans, dans une boîte de Saint-Tropez). Par vice On peut le définir de deux façons : par l’intention de tromper, ou bien par LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 VOUS AU BOULOT • 29 CARNET Par DIDIER ARNAUD naissanCe mensonge l’inexactitude de ce qui est dit. On s’est beaucoup battu dans l’histoire de la philosophie pour savoir s’il était juste de tromper autrui en lui disant quelque chose de littéralement vrai. Exemple : «Johnny H. est un acteur formidablement immense.» Vrai ou faux ? Par omission Il consiste à diffuser ce qui, parmi le réel ou le probable, convient aux fins poursuivies, tout en omettant ce qui nuit à ces fins. Certains mensonges par omission passent pour pardonnables, et sont même recommandés. «Je sais un truc sur Johnny H. que je ne dirai jamais.» Pour se défendre On ment pour échapper à une sanction ou à un péril immédiat. «Non, je n’ai pas tiré le dernier Johnny H. à la Fnac, il a sauté dans mon sac, tu vois.» Mensonge très précoce, rarement prémédité, souvent contraint par les circonstances. Pour tenir sur la durée un mensonge de défense, on doit souvent s’enferrer dans des mensonges plus créatifs et plus complexes. Pour se faire pardonner Faute avouée, pas toujours à moitié pardonnée, au contraire. «C’est moi qui ai pris le puzzle collector Johnny H. pour le revendre sur le Boncoin.fr.» Ça, ça ne passera jamais. Par stratégie C’est la manipulation préméditée et active des croyances d’autrui pour l’exploiter ou lui nuire. Prendre l’initiative d’une promesse qu’on sait pertinemment fausse, par exemple: «On ira voir Johnny H. au théâtre, c’est promis», dans le cas pas grave ; l’affaire des fausses armes de destruction massive de Saddam Hussein dans un cas plus dramatique. Même si le mensonge manipulateur reste le plus célèbre, il est relativement rare. Par provocation Très courant en politique, il ne trompe personne. Il consiste à prendre les gens pour des imbéciles en leur racontant ce que tout le monde sait être faux. Exemple : «Johnny H. est un niais analphabète.» Tout le monde sait que c’est faux, ça n’empêche. On en veut souvent davantage aux menteurs effrontés qu’aux manipulateurs. On peut considérer que Berlusconi, au hasard, ment effrontément à une bonne partie de l’opinion italienne. Il n’est sans doute pas le seul. E.P. Sous la haute protection du sain siège ls ont toutes les tailles, toutes les formes, fonctionnent avec des roulettes. Il ne fallait pas s’asseoir sur cet important sujet. Nous voilà donc au stand «mobilier de bureau» au milieu d’un salon professionnel de la région lyonnaise. Facile à repérer, ce stand : un énorme fauteuil –deux mètres dix de hauteur, un mètre de large– trône, surélevé sur un podium. Un client passe. Il demande: «Est-ce que vous faites des sièges pour des gens qui ont du mal à se lever?» Le vendeur répond, présente un modèle avec frein électrique et vérin, spécial pour ceux qui pèsent plus de 200 kilogrammes. Coût: 2000 euros. I En France, c’est le vendeur du stand qui le dit, les améliorations qualitatives sur les sièges concernent uniquement les personnes en situation de handicap. Pas de préventif, donc. Le marché français est coincé entre l’italien et l’espagnol. «On est sur un marché bas de gamme», regrette notre spécialiste. Pour les innovations, il faut se tourner du côté des pays scandinaves. Là-bas, ils portent davantage d’intérêt aux conditions de travail quotidiennes, et réfléchissent à les améliorer. «On a habitué le marché français à acheter de la merde», lâche sans concession notre vendeur. Seule amélioration, au fil des ans, le diamètre des roues s’est considérablement agrandi pour faciliter le déplacement des sièges. Ce qui est recherché par tous (cons- tructeurs, spécialistes d’ergonomie), c’est la mobilité. A côté des sièges, voilà les bureaux réglables en hauteur, de façon à habituer les cadres à travailler alternativement debout ou assis. Tout le temps en mouvement. «Quand quelqu’un est debout, il capte davantage l’attention», sourit notre vendeur. Cette visite nous avait laissés sur notre faim, alors nous avons googlisé «mobilier», découvrant la subtile distinction entre les «fauteuils de bureau» et ceux «de la direction». Au-dessus, car il existe un au-dessus, voilà les fauteuils «Présidents». Sur un des sites, il a fallu se rendre à l’évidence: «Parce que votre fonction nécessite que vous ayez les meilleurs des fauteuils de direction, nous disposons d’une gamme de modèles en cuir de qualité…» Plus loin : «Profitez-en pour commander les fauteuils “Présidents” indispensables pour vos assemblées générales! Alliant confort inégalable et originalité, ils apportent une touche d’originalité dans votre bureau par leurs lignes modernes ou rétro.» Un autre site détaille ainsi les bureaux de directeurs. Avec «mécanisme basculant blocable au niveau des genoux, réglage de la hauteur d’assise par vérin de sécurité à gaz, soutien lombaire individualisé […], la personne qui y prend place a également aussitôt belle allure.» Ceux-là valent plus de 1 400 euros. Apparemment, les améliorations ne concernent pas que les handicapés. • Jean qui rit, grogne ou pleure, Petit, Grand ou Jean Jean, Jeannot, Pepito ou kikirocker... Jean, tout simplement, est né le 2 septembre 2011 Il sourit à la fée Zélie, née en Bretagne le 13 octobre 2011 ! ConférenCes Visite-conférence Place des Victoires Samedi 15/10 à 11h, mardi 18/10 à 12h30 jeu 20/10 à 13h, 10 €/p Réservez au 06 11 13 06 64 [email protected] LA RALENTIE, galerie d'Art & Pensée (XIe) présente «Vieillir» les 5 et 6 nov. de 10h à 18h30 2 journées pour tenter d'éclairer ce temps de traversée. Avec I. Floc'h, B.Cannone, V. Bigo, K. Saada, A. Spielmann, O. Douville, ML. Audiberti, C. Godin, P.Pachet, F. Villa, A. Frejacques, E. Barillé, F. Moscovitz, et MH. Le Ny. Inscription nécessaire Tarif : 90€ /1/2-journée: 40€/étudiant: 50€ Tel: 01 58 30 68 71 ou www.laralentie.com Le Carnet Vous organisez un colloque, un séminaire, une conférence… Contactez-nous Réservations et insertions la veille de 9h à 11h pour une parution le lendemain L’HISTOIRE SUCE, C’EST UNE FEUILLE DE CANNABIS Estce que ça vaut le coup de s’énerver autant? Aux Etats Unis, des associations de parents voient rouge: ils ont découvert dans des rayons de supermarchés des confiseries en forme de feuilles de cannabis. Pas de THC (la substance psychoactive du cannabis) làdedans, ni même un vague goût d’orties séchées: les bonbecs en question sont parfumés à la pomme. N’empêche, des parents anticipent une escalade vers la drogue. Bien sûr, on peut discuter du choix marketing du fabricant des sachets Pothead Ring Pots et Pothead Lollipops, estampillés «Legalize», et parier que des ados se sont laissés tenter par le côté provocgag de ces bonbonslà. Mais c’est un peu comme les cigarettes en chocolat. On les retire du marché? PHOTO DR Tarifs 2011 : 16 € TTC la ligne Forfait 10 lignes 150 € TTC pour une parution (15 € TTC la ligne supplémentaire) Abonnés et associations : -10% Tél. 01 40 10 52 45 Fax. 01 40 10 52 35 Vous pouvez nous faire parvenir vos textes par e.mail : [email protected] La reproduction de nos petites annonces est interdite Le Carnet Christiane Nouygues 0140105245 [email protected] • 30 LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 ANNONCES EMPLOI - FORMATION [email protected] Contact: Tél: 01 40 10 52 11 Photo Multimédia Journalisme Édition Graphisme Vidéo Formations diplômantes, stages de perfectionnement, cours du soir, formations à distance... 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Camille a réussi la prouesse de trousser un album d’une ambition presque écrasante pour la concurrence et d’une simplicité tout enfantine (lire page suivante). Enceinte de son premier enfant, Camille a enregistré ses quinze nouvelles chansons aux quatre coins de la France, dans des salles de danse, une abbaye du Cher, une chapelle, des églises… A 33 ans, elle est devenue une très grande dame de la chanson française. A la fois horriblement talentueuse et toujours aussi joliment givrée. On la rencontre dans les locaux de sa maison de disques. Mais en lieu et place de la traditionnelle interview, on lui propose d’écouter ses quinze nouvelles chansons dans le désordre. Et de parler dès que cela lui chante, et surtout comme ça vient. Elle se plie de bonne grâce, se love dans un fauteuil et recouvre son nez d’un mouchoir imbibé d’essences essentielles d’eucalyptus (elle a la gorge qui pique). Il est 10 heures du soir. Tout est silencieux. Les lumières du bâtiment se coupent d’un seul coup. Nous sommes plongés dans le noir. Seul le faisceau d’une lampe de poche nous permet de lire le lecteur CD. A travers la verrière du plafond se reflète une lune et passent quelques avions de lignes pressés de rentrer à la maison. Mars Is No Fun. «Là, j’entends d’abord la respiration que je prends au début de la chanson. Cela fait pour moi partie intégrante de l’identité de l’enregistrement. Je ne la fais pas à chaque fois. Mais là, c’est resté.» Message. «Je vais vous poser une question. Vous devez trouver le truc très particulier qui se passe à la fin de cette chanson. C’est la première fois que cela m’arrive. Je pense même que c’est historique pour la pop music. En tout cas, pour moi, c’est un moment charnière. Mais je il y a dix ans, ça partait vraiment dans tous ne vous dirai pas ce que c’est. Vous avez les sens. Sinon, je revois là aussi le motrois jours pour trouver [l’entretien s’est ment de l’enregistrement. On entend une déroulé jeudi soir, ndlr]. On va lancer un petite voix quelque part. Une toute petite grand jeu concours dans Libé pour que les voix. Enfin, moi, je l’entends. Mais je ne gens trouvent ce qui se passe à la fin de sais pas si vous pouvez l’entendre. On n’a cette chanson. Et puis vous donnerez la jamais su ce que c’était. C’était à la charéponse en bas de la page (1).» pelle de l’Hermitière, un très joli village en Wet Boy. (La chanson s’écoule en entier. Basse-Normandie. Il y a une chapelle, un On l’entend pleurer. Long silence.) «Pour château et une mairie. Et juste à côté, une moi c’est l’émotion qui… J’écoute ça et je maison où, sur les murs, était écrit : ne comprends pas pourquoi on me pose «Maire gros trou du cul». Un mec, un peu autant de questions sur la musique. Voilà.» anar, a transformé sa propre maison en Le Berger. «Là, je revois le lieu où j’ai mur à graffitis. Et il passe l’année à insulenregistré. C’est dans une salle de danse ter le maire sur son portail. C’était ça, à Paris, un sous-sol. Un endroit très l’animation du village.» personnel que je n’ai pas forcement envie de révé- «J’entends le souffle de la bande car ler. Je réentends les bruits la chanson a été mixée sur une bande du lieu. On m’a beaucoup dit qu’il fallait les suppri- analogique. La voix me fait marrer. mer, mais j’ai tenu à les Certains m’ont dit que j’avais pris garder. Sur ce disque, je la voix d’Edith Piaf sur cette chanson, ne fais pas un travail sur mais pas du tout.» les ambiances sonores pour comprendre où l’on Camille écoutant son titre la France est. Par contre, s’il y a des choses qui arrivent pendant l’enregistre- Pleasure. «C’est la même église. Je l’ai ment, cela ne me dérange pas de les chanté comme ça en une fois, toute seule. garder. Ici, on entend des bruits de pas Et ça a atterri sur le disque. (Silence.) Je au-dessus de nous. Sur nos têtes. Mais je l’aime bien.» ne sais pas qui marchait. Et on ne le saura Aujourd’hui. «En une demi-seconde, je jamais.» la reconnais. Au début, ce ne sont que des My Man Is Married But Not to Me. «Je sons. Pour moi, la prise de son, c’est un trouve que l’arrangement des cordes qu’a véritable instrument de musique. Ici, c’est réalisé Clément Ducol sur cette chanson presque un son de reportage radio, un peu est vraiment génial. Ça a fini par détermi- saturé. C’est une chanson à l’arrache, ner toute la couleur du disque. (Silence.) chantée en marchant. Même si je me souJ’aime bien cette chanson.» viens du moment où je l’ai écrite et d’où Tout dit. «Il existe une autre version de ça vient, par pudeur je ne vais pas en parcette chanson où l’on entend mieux le lieu ler spontanément. La chose que je montre, de l’enregistrement. Cette version-là, je que je donne, c’est la chanson, ce n’est pas la trouve un peu trop compressée. Je crois là d’où elle vient. Souvent, dans les interque je préfère le mix qui n’a pas été retenu. views, on vous demande d’expliquer cette Il donnait une image plus réelle de ce que genèse, d’expliquer l’inexplicable. J’en arj’avais pu ressentir à ce moment-là. On rive à raconter des histoires de chansons entendait vraiment les oiseaux et la réso- dont je ne suis pas sûre qu’elles corresnance de l’abbaye de Noirlac.» pondent à une quelconque réalité. Et au Le Banquet. «Je trouve le tempo de la bout d’un moment, j’y crois moi-même. chanson un peu lent. Je la chante Vous allez me dire que pour cette interaujourd’hui un peu plus vite. Je devais être view, il n’y a pas assez de tripes, c’est ça? tranquille, posée à l’époque. Là, en ce mo- (Elle rigole.) Vous n’avez qu’à dire que j’ai ment, je suis fatiguée. Mais cet état de fa- pleuré. J’ai pleuré, mais vous n’avez pas pu tigue me donne une certaine acuité. m’entendre pleurer.» Quand je me rappelle comment j’étais Allez Allez Allez. «Cette chanson a été la plus difficile, en termes de production, pour trouver exactement ce que je voulais. Enfin, “ce que je voulais”, c’est pas la bonne expression, car je ne sais jamais à l’avance ce que je veux. Disons, quelque chose qui me satisfasse.» Bubble Lady. «Aujourd’hui, je la chante un peu plus timbrée, plus jazz. Evidemment, il y a un petit clin d’œil à Bobby McFerrin. J’ai eu l’occasion de le croiser à deux reprises. Et je l’ai beaucoup regardé travailler. Ferrin est un musicien totalement dédié à la musique. Surtout, il en a fait un chemin spirituel. C’est très touchant. En ce moment, il est dans une phase de sa vie où il veut transmettre son art du chant et de la musique. C’est courageux, car je pense que la transmission, c’est la chose la plus difficile.» Ilo Veyou. « A l’origine, j’avais pensé à un petit format de comptine de cour d’école. Mais sur un rythme de transe, qui par définition peut durer très très longtemps. D’où le côté révolutionnaire de la chanson. Si bien qu’on en parlera peut-être dans cent cinquante ans (elle rigole). Peut-être qu’on est passé pas très loin d’un tube de r’n’b mondial.» La France. «J’adore le son. Un bon son de cordes, de pièce, un peu vieillot. J’entends le souffle de la bande car la chanson a été mixée sur une bande analogique. La voix me fait marrer. Certains m’ont dit que j’avais pris la voix d’Edith Piaf sur cette chanson, mais pas du tout. (Elle se met chanter avec la voix de Piaf.) L’idée, c’était une voix des années 40, l’Appel du 18 juin… un peu la France (elle le chante comme sur la chanson).» (Juste avant que l’attaché de presse ne vienne interrompre la séance, Camille, hilare, décide de se cacher dans le coin de la pièce sous une table. On est toujours dans le noir. L’entretien est en train de nous échapper.) L’Etourderie. «Ben ça, c’est le tube…» She Was. (Après trois secondes d’écoute, Camille se lève et, toujours hilare, coupe le son.) «C’est très beau, merci. Mais celle-là, soit je l’écoute vraiment, soit je ne l’écoute pas.» • (1) En réécoutant l’enregistrement de l’entretien , on découvre que Camille a chuchoté une réponse presque inaudible à son jeu concours. Elle susurre: «C’est un pet, je répète, c’est un pet.» LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 CULTURE • 33 Camille a enregistré ses quinze nouvelles chansons aux quatre coins de la France. PHOTO ARMELLE BOURET Un quatrième opus sensuel et cohérent, en forme d’anthologie de la chanson française. Camille touchée par la grâce CAMILLE CD: ILO VEYOU (EMI/Virgin). Sortie aujourd’hui. En tournée: le 24 octobre à Bordeaux, le 26 à Nice, les 28 et 29 à Marseille… Du 12 au 18 décembre au Café de la danse, 75011. i vous faites partie de ceux qui se sentent ou se disent résolument hostiles à Camille, et dont le quatrième opus, Ilo Veyou, tombe malgré tout entre vos mains, un seul conseil : sauter la plage 1. Cette note explicative («Camille est une jeune maman, Camille est heureuse et le monde est beau») risque de vous agacer pour rien. Et, surtout, de vous gâcher la vraie porte d’entrée de l’album: la splendide chanson titrée l’Etourderie. Une petite perle, d’une simplicité presque timide, qui annonce la couleur des quinze chansons à venir : chaude, fragile et sensuelle. A parcourir ce Ilo Veyou dans tous les sens, il n’est pas interdit d’être pris d’un début de vertige. Comme si la chanteuse Camille s’était mis en tête d’écrire son anthologie de la chanson française, elle va passer tout en revue : la comptine enfantine (le Message), la ballade médiévale (le Berger ou le Banquet), un pastiche loufoque et désopilant de la chanson réaliste d’après-guerre (La France). Ici ou là, il n’est pas interdit d’entendre des échos de Maxime Le Forestier, Anne Sylvestre, Edith Piaf, Claude Nougaro ou Brigitte Fontaine… Et, comme si cela ne suffisait pas, Camille s’offre une échappée du côté de la transe, qui manque de se transformer en énorme tube de dance (Ilo Veyou). Puis claque la bise à Bobby McFerrin, dans un babil d’une affolante maîtrise (Bubble Lady). De ce millefeuille, on aurait pu craindre l’indigestion, et surtout l’exercice virtuose du chien savant. C’est tout le contraire. Il se dégage de la brocante de formes une impressionnante cohérence. Grâce d’abord aux arrangements de Clément Ducol, qui donne aux instruments (notamment les cordes) une profonde résonance acoustique finissant par infuser tous les titres de l’album. Puis, il y a la voix de Camille. Evidemment impressionnante. Mais cette fois, elle a choisi le chemin, non pas d’une virtuosité à tout prix, mais de la mise au service des mélodies de ses chansons. Comme si ce Ilo Veyou avait été habité par une mystérieuse grâce. Illuminée et joyeuse. S G.Bs. • 34 LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 CULTURE CINÉMA Une cour iranienne aurait confirmé la condamnation du cinéaste. Peut-être pour l’obliger à fuir. Jafar Panahi, six ans en suspens a mobilisation internationale en sa faveur n’aura pas suffi : une cour d’appel iranienne pourrait avoir confirmé la condamnation du cinéaste Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer, y compris en interview. Pour le moment, l’information, donnée par un membre de la famille à l’AFP, n’est pas officielle, et son avocate, Farideh Gairat, a indiqué ne pas avoir reçu notification du jugement. Reste que le quotidien gouvernemental Iran y a fait allusion, samedi, en indiquant que la sentence avait été confirmée avec les mêmes accusations d’«action contre la sécurité nationale et propagande contre le régime». Cette nouvelle condamnation remonterait à deux semaines. Hommages. Samedi, l’auteur du Cercle, qui avait obtenu le lion d’or au festival de Venise en 2000, était tou- L jours en liberté à son domicile. A l’évidence, le cinéaste, trop populaire à l’étranger, embarrasse le pouvoir, qui préférerait le voir quitter l’Iran. Son arrestation, en mars 2010, sa détention pendant trois mois, puis sa condamnation en décembre, avaient provoqué la réprobation des milieux artistiques et politiques occidentaux, qui se sont mobilisés pour demander l’abandon des poursuites contre lui. Les festivals les plus prestigieux, dont Cannes, la Mostra de Venise ou la Berlinale, ont fait de Jafar Panahi leur invité d’honneur, lui dédiant une chaise vide, organisant hommages et rétrospectives de soutien. En fait, Panahi aurait pu quitter l’Iran et, sans doute, le peut-il encore. Mais il s’y refuse, estimant que sa place demeure sur place. L’annonce par voie de presse de sa nouvelle condamnation pourrait être un moyen de le Jafar Panahi à Téhéran, en avril 2008. PHOTO BEHROUZ MEHRI. AFP pousser à fuir. Lui-même est l’objet d’une polémique au sein du pouvoir, à l’heure où les rivalités entre factions s’intensifient. Le lourd jugement de décembre avait ainsi été critiqué à mi-voix par la présidence iranienne, à couteaux tirés depuis plusieurs mois avec l’autorité judiciaire, contrôlée par le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, sur de nombreux dossiers sensibles. «Le gou- “ DARROUSSIN EXTRAORDINAIRE ★ ★ ★ ” LE FIGARO “ BIEN JOUÉ ! ” LIBÉRATION “ FORMIDABLE ” LE PARISIEN “ DARROUSSIN IMPRESSIONNANT ” 20 MINUTES “ SAISISSANT ” LE JDD “ PROFONDÉMENT HUMAIN ” mais séparément, ce soir à Paris-Bercy. Knopfler et Dylan, le retour du «Slow Train» MARK KNOPFLER et BOB DYLAN Palais omnisports ParisBercy, 8, bd de Bercy, 75012. Ce soir, 20 heures, Rens.: 0140026060. ELLE sthète collectionneur de Norton, moto reine des années 60, le guitar hero écossais Mark Knopfler, tombeur du punk avec son groupe racé de Sultans du swing 1978 Dire Straits de Glasgow, qui fit les ventes des Beatles, tenait, en 1979, la guitare pulpeuse de Slow Train Coming, l’un des derniers LP majeurs du profus Bob Dylan, star américaine légendaire, entre autre, pour un accident de moto – anglaise, Triumph Bonneville… A la croisée des influences du guitariste Charlie Christian, pour le toucher de cordes, du «troubadour» intouchable J.J. Cale pour l’inspiration, et pour le chant, en quasi talkover, de Lou Reed et… Bob Dylan (l’auteur de Communiqué ou Telegraph Road, aussi E “ POIGNANT ” TÉLÉRAMA “ PUISSANT ” PARIS MATCH JEAN-PIERRE DARROUSSIN Debon matin JEAN-MARC MOUTOUT JEAN-PIERRE PERRIN ROCK Le tandem country-folk magique ressuscité, LES FILMS DU LOSANGE PRÉSENTENT UN FILM DE vernement et le Président n’approuvent pas la condamnation» de Panahi, avait déclaré, en janvier, le conseiller occulte de Mahmoud Ahmadinejad, Rahim Esfandiar Machaie, directeur de son cabinet. Néanmoins, c’est une vraie guerre que tout le régime islamique, soutenu par des réalisateurs dits «hezbollahis», a engagée contre le cinéma indépendant. Dans ce conflit des deux cinémas, le second prend tous les coups. Plus d’une dizaine de réalisateurs ou acteurs ont été arrêtés et, parfois, durement condamnés depuis l’été, pour «propagande contre le régime», et plusieurs documentaristes accusés d’avoir donné «une image négative» du pays. Fouet. Début octobre, l’actrice Marzieh Vafamehr a été condamnée à un an de prison et 90 coups de fouet pour avoir joué dans un film évoquant les difficultés faites aux artistes. Ces dix derniers jours, une quarantaine de réalisateurs et documentaristes ont été convoqués au ministère des Renseignements pour des interrogatoires de plusieurs heures. VALéRIE DRéVILLE XAVIER BEAUVOIS YANNICK RENIER ACTUELLEMENT doué à cet égard que le créateur de Highway 61 Revisited ou Tarentula), Mark Knopfler, 62 ans chauves évasés, s’est recentré ces dernières décennies, en solo, sur le patrimoine folk migrant, notamment gaélique. Tout comme Bob Dylan du Min- duction d’Infidels en 1983, les choses ne s’étaient pas si bien passées entre le pirate poète de Duluth et le calibre arrangeur de Glasgow… Bob Dylan ne s’était pas gêné pour saboter le boulot de Mark Knopfler, n’hésitant pas à squeezer ses mixages pendant que l’autre tournait L’heure est à l’accord avec Dire Straits. affiché. Entente de pure Comme Willy façade contractuelle, DeVille devait le manifestement. faire, grossièrement, sur Miracle, nesota, 70 ans arthritiques autre production Knopfler à acérés et frisotés, s’est hauts risques caractériels. occupé à revisiter le réper- Aujourd’hui, l’heure est à toire boogie-blues New Or- l’accord affiché. Entente de leans cadencé Vieille Europe pure façade contractuelle, du Nouveau Monde. manifestement: soit soixanLes deux Raminagrobis en- te-quinze minutes de Knopnemis, ressortis de leur fler en vedette américaine, semi-retraite dorée et assor- pareil de Dylan aléatoire au tis en tournée mammouth, piano, point. A la limite de la font une affiche rock-FM de tromperie sur la marchanstades à goût estival dise… Ceux qui rêvent d’end’automne réchauffé… tendre Dylan et Knopfler A l’époque de la coopération duettiser Calling Elvis en du tandem sur Slow Train seront pour leurs frais. Coming puis, surtout, la proB. LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 MALOUF Un coffret et une biographie rendent CULTURE DISPARITION eu avant de mourir du sida à 34 ans, en novembre 1988, le journaliste télé de Libération Philippe Hoummous confiait : «Avec mes articles sur Reinette l’Oranaise ou Cheikh Raymond, je peux partir content.» Deux ans plus tôt, le 14 novembre 1986, ce passionné des cultures orientales (de son vrai nom MourrasseMorlacq) avait publié dans ce journal une pleine page sur «Raymond le Sépharade». Et fait découvrir à un public profane l’existence de ce chanteur et joueur de oud (luth) assassiné en 1961, en pleine guerre d’Algérie. Un quart de siècle plus tard paraissent simultanément une biographie érudite du musicien (1) et un coffret de 3 CD d’œuvres inédites (2). Jusqu’ici, le seul enregistrement disponible était le concert donné au printemps 1954 à l’Université populaire de Constantine, paru en 1994 sur le défunt label Al Sur. Art savant. Le nom de Raymond Leyris, dit «cheikh» («maître»), a pourtant été souvent prononcé par Enrico Macias, qui est à la fois le fils de Sylvain Ghrenassia, inséparable violoniste du maître, son disciple (il débuta en jouant de la guitare dans son orchestre), et son gendre, puisqu’il épousa la fille du cheikh, Suzy. En 1999, Enrico rendait un émouvant hommage à son beau-père sur scène et sur CD, prolongé par le Voyage d’une mélodie, en 2011. Le malouf, art savant à la fois poétique et musical, est la variante constantinoise de la musique dite andalouse, car apportée au Maghreb par les juifs et musulmans chassés d’Espagne au XVe siècle. Le raffinement musical des cours des califes de Séville, Cordoue ou Grenade a ainsi survécu à Alger, Fès, Tlemcen, Tunis ou Constantine. La musique andalouse est constituée de noubas, ces longues suites transmises oralement au fil des siècles. A Constantine, ces orchestres rassemblent musiciens juifs et musulmans. Le livre de Bertrand Dicale excelle à décrire les rapports entre ces communautés partageant une langue, l’arabe, et une musique, mais où les tensions affleurent parfois de Raymond Leyris, dit Cheikh Raymond (non datée). PHOTO DR L’écrivain algérien Boualem Sansal recevant dimanche le prix (25000 euros) de la paix de la Foire du livre de Francfort L’ACTEUR HEINZ BENNENT Prix des Antipodes de Saint-Tropez… QUITTE LA SCÈNE Le film australien Lou, de la réalisatrice Belinda Chayko (sur Le comédien de cinéma et de théâtre Heinz Bennent est mort mercredi en Suisse à l’âge de 90 ans. Il est connu en France pour avoir interprété le metteur en scène de théâtre juif, mari de Catherine Deneuve dans le Dernier Métro de François Truffaut (1980), ou pour sa presta tion dans Possession, d’Andrzej Zulawski (1981), face à Isabelle Adjani. Né en 1921 à AixlaChapelle, en Allemagne, il a tourné avec Volker Schlöndorff (l’Honneur perdu de Katharina Blum) et Ingmar Bergman (l’Œuf du serpent). Il est le père de David Bennent, le gamin du Tambour, de Schlöndorff, palme d’or en 1979. PHOTO AFP une adolescente et Alzheimer), a remporté, samedi à SaintTropez (Var), le grand prix des Antipodes, décerné lors des treizièmes rencontres du même nom, consacrées aux cinémas australien et néo-zélandais. … et chistera de Saint-Jean-de-Luz Une bouteille à la mer, de Thierry Binisti (sur une adolescente et un attentat à Jérusalem), a reçu, samedi soir, la chistera du film au festival international des jeunes réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). La chistera de la réalisation est allée au Belge Michael R. Roskam pour Bullhead (film vétérinaire sur un trafic d’hormone). MÉMENTO John Cale En tournée avec son nouvel EP, Extra Playful, l’expilier du Velvet Underground fait halte à Paris. A la Maroquinerie, 23, rue Boyer, 75020. Ce soir, 19h30. Complet. Egalement le 2 novembre au centre Pompidou, 75004. Concert du prix Constantin Dix postulants en lice pour la palme de cette promo 2011 –dont Bertrand Belin, Alex Beaupain, Selah Sue ou les Shoes. Olympia, 28, bd des Capucines. 75009. Ce soir, 19h30. «MAGNIFIQUEMENT INTERPRÉTÉ PAR MARIE-JOSÉE CROZE» NEXT LIBÉRATION façon violente, comme lors du pogrom du 5 août 1934. Raymond Leyris, fils illégitime d’une Française et du fils d’un commerçant juif mort dans les tranchées en 1915, est élevé par une nourrice juive, dans l’observance hébraïque. Adolescent, il se glisse dans les foundouks, ces auberges où, le vendredi soir, les hommes se réunissent pour écouter du malouf. Pour en- la voix ou la subtilité du jeu de la risha (plume d’oie qui sert de plectre) sur les cordes du oud. Témoignage. A la fin des années 50, entre les attentats du FLN et la répression aveugle du colonisateur français, les Juifs d’Algérie commencent à songer au départ. Raymond Leyris s’y refuse. Le 22 juin 1961, à 49 ans, il est abattu d’une balle dans la nuque. Le message est clair: en tuant le Juif le plus aimé des Le malouf est une variante Arabes, le FLN afde la musique andalouse, que l’Algéapportée au Maghreb par les firme rie indépendante juifs et musulmans chassés se fera sans Juifs d’Espagne au XVe siècle. ni Français. En un demi-siètrer dans le monde fermé des cle, aucun témoignage oral musiciens, il faut commen- ou écrit, direct ou indirect, cer par s’asseoir dans un n’a éclairé les circonstances coin et s’imprégner des tex- de son assassinat. Pour Bertes et musiques de ces suites trand Dicale, seule l’ouverparfois longues d’une heure. ture des archives du FLN, Que l’élève finit par mémo- parti au pouvoir depuis l’inriser dans leurs moindres dépendance, pourrait élucinuances. der cet épisode. C’est inenGrâce à la radio, puis à la té- visageable pour le moment, lévision, le malouf quitte le à moins d’un hypothétique foundouk pour séduire un pu- printemps algérien. blic plus vaste, qui voue un FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ culte à l’orchestre de Raymond Leyris et à son chant (1) «Cheikh Raymond, une histoire algérienne», très sobre, comme l’exige le de Bertrand Dicale, éditions genre. Art austère, il requiert First, 19,90€. une écoute concentrée pour (2) «Anthologie 19371961», apprécier les modulations de Universal Jazz. 35 «Les gens veulent une démocratie universelle, authentique, sans frontières ni tabous. Ils rejettent les dictateurs, l’extrémisme, le pouvoir des marchés, l’emprise étouffante de la religion.» hommage au maître juif algérien, assassiné en 1961. Cheikh Raymond, Constantine noble P • «UN THRILLER INTIME, ADULTE ET CHAUFFÉ À BLANC» LE MOUV’ LAURENT LAVOLÉ PRÉSENTE MARIE-JOSÉE CROZE UN FILM DE SANTIAGO AMIGORENA www.rezofilms.com LE 19 OCTOBRE AU CINÉMA 36 • ECRANS&MEDIAS LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 secteur qui offre des perspectives de croissance.» Objectif : retour à l’équilibre en 2015. Salarié du quotidien depuis 1998, Franck Cartelet, SNJ-CGT, a connu la rue Réaumur de l’époque Chaisemartin (Hersant), le déménagement à Aubervilliers, la valse des propriétaires… Transformer le titre en pure-player lui paraît incongru. «France-Soir est un quotidien papier indissociable de son site», affirme le journaliste, qui travaille pour le Web. L’audience démultipliée – à 3,2 millions de visiteurs uniques, selon Google Analytics, 1,6 million selon Médiamétrie Netratings– est brandie comme une arme par la direction. «Qui peut croire au pureplayer ? Pourquoi ne pas fermer tout de suite?» s’interroge Loïc TorinoGilles, 31 ans, embauché à l’ère Pougatchev et qui arbore sur sa veste un autocollant «I love FranceSoir». Relique d’une époque où le credo était à une renaissance. Personnels de FranceSoir, vendredi devant le siège du quotidien sur les ChampsElysées, à Paris, avant le vote de la grève. PRESSE Salariés et syndicats ont manifesté vendredi devant le journal, alors que la direction confirmait le passage au tout-numérique. «France-Soir»: veillée funèbre pour le papier Par FRÉDÉRIQUE ROUSSEL Photo LAURENT TROUDE L a masse humaine mord un peu sur l’avenue des Champs-Elysées. Un fourgon de CRS s’est garé de guingois près de l’entrée de FranceSoir, et deux policiers en filtrent l’entrée. Qui rêvait de voir arriver une berline noire avec le jeune propriétaire russe à son bord, bardé de ses gardes du corps, en est pour ses frais. Alexandre Pougatchev est entré dans les locaux ce vendredi matin bien avant l’arrivée sur le trottoir des premiers manifestants. Façon d’éviter, sans doute, une échauffourée à l’issue incertaine. Le contraste des parties en présence laisse rêveur. Le rejeton de 26 ans d’un oligarque russe, aux mains percées de millions prodigues, face à trois ou quatre cents manifestants, majoritairement la fine fleur des syndicalistes CGT : plois sur 140, pigistes compris, et beaucoup de gros bras vêtus de l’arrêt des rotatives pour passer au noir arborant l’autocollant rouge. tout-numérique, a mis par terre le Deux mondes dans le même instant personnel. «C’est une catastrophe, historique, carpe et lapin pris dans c’est inimaginable, c’est une stratél’inéluctable déclin de la presse pa- gie purement comptable, réagit un pier. Pour l’occasion, la base de journaliste frigorifié. Et il y a un tel l’attirail de la lutte a été déployée : décalage entre le projet de relance une voiture avec son gros ballon labellisé «Qui peut croire au pure-player? sur le toit, un portePourquoi ne pas fermer voix et des slogans apposés sur les pan- tout de suite?» neaux du coin de la Loïc TorinoGilles salarié du journal rue, qui promettent l’ouverture prochaine d’un de 2009 et celui-ci.» Devenu patron Marks&Spencer. Et l’assurance de d’un titre qui a connu son âge d’or discours musclés. sous Pierre Lazareff à la Libération, Alexandre Pougatchev a eu les yeux CADORS. Dans une demi-heure, à plus gros que le ventre: l’ambition 10 heures, un comité d’entreprise de vendre 200000 exemplaires par va officialiser un plan, secret de po- jour, quand le titre plafonnait à lichinelle depuis quatre jours et 22000, s’installer sur les Champsdéjà déclencheur d’une grève. Son Elysées pour 900000 euros annuels énormité, 89 suppressions d’em- de loyer, bien loin du mauvais sou- venir des locaux d’Aubervilliers, et embaucher des cadors. N’est pas Citizen Kane qui veut, l’économie ignore les miracles. Deux relances plus tard, la vente au numéro plafonne à 35 000 exemplaires, le titre devrait «perdre 19 millions d’euros cette année, après 31 millions l’an dernier», dixit, au Figaro.fr, un Pougatchev qui a vu partir 70 millions en fumée. Après avoir fait fantasmer une profession dubitative, la direction de FranceSoir fait marche arrière toute, brûlant le papier adoré hier, adoptant dès décembre, à la fin de la clause de sauvegarde, «un projet de passage de l’intégralité de ses contenus sur Internet et les réseaux mobiles». Le communiqué de la direction, vendredi, se targue même d’avantgardisme : «En devançant une évolution qui est désormais inéluctable […], France-Soir se donne les moyens de se développer dans un ÉMOTION. «Nous ne sommes pas à l’enterrement de la presse quotidienne nationale, ni de la presse imprimée, ni de la presse de l’après-guerre», rugit dans le porte-voix Jean Gersin, de la Filpac-CGT. «Cote d’amour», «danseuse», «voyous», «pirates», «résistance», «solidarité», les mots s’égrènent. L’assemblée, qui bat le pavé d’un morceau de trottoir des Champs-Elysées, semble être l’acteur d’une étrange veillée tandis qu’à l’intérieur Pougatchev, souriant, explique aux représentants du personnel la lumineuse stratégie, inspirée d’expériences américaine et brésilienne, qui fait qu’un jour on bascule un journal sur un écran. Sorti à une interruption de séance, Stéphane Paturey, secrétaire du CE, prend la parole, l’émotion dans la voix: «Ce projet s’appuie sur des éléments fantaisistes et infondés. Une audience internet qui, par magie, serait multipliée par deux en quatre ans pendant que le chiffre d’affaires publicitaire s’envolerait de façon exponentielle…» Des applaudissements ponctuent son intervention, mais ce matin est si glacial. A terme, plus de papier et une rédaction web de 32 journalistes. L’assemblée générale votera la grève à midi. Au-delà de France-Soir, une profession vacille, dit-on chez les syndicats, qui pointent les plans au Parisien et à la Tribune, la menace sur des métiers comme l’édition. Olivier Blandin, secrétaire général d’Info’Com-CGT, annonce «une campagne visant à défendre un cadre pour la négociation d’un accord de branche sur le plurimédia». Au milieu de la troupe, trois femmes, salariées du Journal officiel, qui disent n’être pas venues pour l’arrêt du papier. Elles n’y croient pas, d’ailleurs, encore que la question amorce un mini-débat dans le trio. «C’est bien plus grave ce qui se passe ici. Pougatchev veut dénoncer les conventions collectives de la presse parisienne pour réembaucher sur le Net à vil prix. Ce sera un précédent.» • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 VU SUR LE WWW ECRANS&MEDIAS Par OLIVIER SÉGURET La tombe «Dark Souls» LA GUEULE DES EMPLOYÉS Le 6 octobre, France 2 diffusait la Gueule de l’emploi, un docu sur les méthodes humiliantes d’un cabinet de recrutement opérant pour Gan. Le film a beaucoup choqué et a été très commenté, notamment sur Internet. Point culminant, la création, jeudi, du site Lagueuledelemploi.net, qui listait carrément les adresses et téléphones professionnels et person nels des recruteurs du docu. «Nous pensons que des gens qui habitent le même quartier que ces personnes doivent être en mesure de leur dire leurs quatre vérités, en face», expliquait le site (indépen dant de l’auteur du docu). Depuis sa mise en demeure par les avocats de Gan, le créateur du site, un jeune directeur artisti que dans la pub, a dû reti rer photos et coordonnées. «Dormez tranquilles, leur ditil en conclusion, le futur jugera.» I.H. www.lagueuledelemploi.net LE WEBDOC «OL LAND», TERRE DE FEU C’était une gageure: réali ser un documentaire radio sur le projet pharaonique d’«OL Land». Après de multiples retards, ce com plexe sportif à la gloire de l’Olympique lyonnais, avec un stade de 58000 places, une boutique et un centre de loisirs est censé être livré au deuxième trimes tre 2014. Les réalisateurs, JeanBaptiste Fribourg et Olivier Minot, ont relevé le défi pour Arte Radio. Résultat, un 58 minutes jubilatoire mais ardu. Le montage mêle habilement les interviews des pour et des contre, qui exposent leur point de vue sans jamais perdre l’auditeur. Les auteurs s’amusent aussi, commentant certains témoignages à la manière d’un match. A l’arrivée, une enquête potache et impla cable sur JeanMichel Aulas, président de l’OL, et sur ses soutiens. C.C. «A ce stade, Lyon ne répond plus», sur Arteradio.com N L’aventure est mutique, ou quasiment. De très rares informations sont distillées au compte-gouttes, selon une formule presque inverse à celle en vogue partout ailleurs, où le travail du joueur est prémâché, sa réflexion ignorée, son libre arbitre vitrifié. La rétention dont fait preuve Dark Souls est générale : pas de cartes, pas de quêtes, pas de coffres. Le design audio à lui seul vaut métaphore de la très haute dignité du jeu : pratiquement jamais de musique, mais un bruitage d’un réalisme absolu, en écho direct au moindre geste proche ou mouvement lointain. Et cette partition sonore accuse superbement l’immersion. Pour peu que les rideaux soient tirés, n’importe quel 37 A LA TELE CE SOIR MOI JEUX on, ceci n’est pas une critique de Dark Souls, puisque je n’y ai pas joué. J’ai essayé, j’ai regardé, j’ai avancé autant que j’ai pu, frissonné, combattu les premiers ennemis, de loin les plus faciles, et puis, au premier boss, je suis mort. Plein de fois. Je le savais d’avance: Dark Souls est le successeur de Demon’s Souls, le RPG le plus fracassant de ces dernières années. Ces deux jeux, développés par les grands malades japonais de From Software, fondent leur doctrine et leur gloire sur la dureté. Celle-ci concerne non seulement la difficulté du jeu mais aussi son mental tenace, revêche et glacé. • joueur sincère et vaillant sentira dans son corps, dans ses sens et dans sa chair (de poule) combien cet univers ténébreux, morbide, plaintif et résonnant l’enveloppe, l’isole et le transporte. Mais où ? On est bien obligé de se poser la question de cette étrange région du plaisir où nous fait voyager Dark Souls. A ce degré de perversité (élégante) et de sadisme (consenti), l’expérience relève-t-elle encore du jeu ? Si elle nous plaît intensément, si elle fascine et accroche, appartient-elle encore aux dômes de la distraction et de l’amusement? Dark Souls est sans doute le vrai rendezvous gamer élitiste d’un automne surchargé, mais ce serait donner une fausse impression que de le déclarer inabordable et ingrat : nul mieux que ce jeu ne récompense l’effort. Il est la loyauté même, mais n’est dupe de rien. De ce point de vue, c’est un jeu tombeau, qui réclame le plus total abandon. Son vrai moteur n’est pas de faire souffrir, mais de refonder le rapport qui unit joueur et jeu. Le seul mot qui puisse rendre compte de ce rapport est le plus rare du secteur, mais il désigne exactement le travail accompli par les développeurs comme le goût que prend celui du gamer : passion. • Développé par From Software, distribué par Namco Bandai, pour Xbox et PS3, 60€ environ. Inacceptables C’est ainsi que les éditeurs de presse français quali fient les conditions commerciales fixées par Apple pour vendre leurs titres sur NewsStand. Du coup, ils refusent de voir leurs journaux vendus sur le nouveau kiosque numérique, ont annoncé vendredi les quatre principaux syndicats d’éditeurs représentant la presse nationale, régionale et magazine. Ils regrettent notam ment qu’Apple empoche un tiers des recettes et refuse de partager les données personnelles des lecteurs. Pour les éditeurs, «le développement de la lecture numérique de presse ne se fera que dans un environnement équilibré entre platesformes technologiques et contenus». Réseaux sociaux: l’AFP fixe ses règles L’Agence France-Presse a rendu public son guide qui fixe les modalités de participation de ses journalistes aux réseaux sociaux. Sur Twitter, ils devront notamment utiliser le hashtag #AFP pour distinguer les informations d’intérêt professionnel de celles ayant trait à leur vie privée. Les journalistes peuvent publier des infos concernant leur domaine de couverture, des notations personnelles, des anecdotes, mais doivent réserver la primeur de leurs scoops aux fils et aux services commercialisés par l’AFP. TF1 FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL + 20h50. Panique aux Edelweiss. Téléfilm de Philippe Proteau. Avec Claire Keim, Marie-Anne Chazel, Wladimir Yordanoff. 22h40. Esprits criminels. Série américaine : Les proies, Morts anonymes, Le retour de Frank. Avec Shemar Moore. 1h10. Au Field de la nuit. 20h35. Castle. Série américaine : L’ombre du passé, L’auteur qui m’aimait, Rire et châtiment. Avec Nathan Fillion. 22h45. Mots croisés. Des primaires pour tout le monde ? Magazine présenté par Yves Calvi. 0h10. Journal de la nuit. 0h25. Au clair de la lune. 20h35. 300 chœurs pour + de vie. Divertissement présenté par Michel Drucker. 22h40. Soir 3. 23h05.Docs interdits. 12 balles dans la peau pour Pierre Laval. Documentaire. 0h05. La case de l’oncle Doc. Documentaire. 1h00. Chabada. Musique. 20h50. Borgia. Série franco-allemande : Épisodes 3 & 4. Avec John Doman, Isolda Dychauk, Mark Ryder. 22h40. Primaire au PS : l’improbable scénario. Documentaire. 0h20. L’œil de links. Magazine présenté par Elliot Lepers. 0h50. Simon Werner a disparu. Film. ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5 20h40. Le convoi. Comédie dramatique de Sam Peckinpah, 105 mn, 1978. Avec Kris Kristofferson, Ali MacGraw. 22h30. Le procès Céline. Documentaire. 23h25. Les percussions de Strasbourg. Documentaire. 0h20. Montparnasse. 1h20. Ma vie est un livre. 20h45. Indiana Jones et le temple maudit. Film d’aventures américain de Steven Spielberg, 118 mn, 1984. Avec Harrison Ford, Kate Capshaw. 23h00. Recherche appartement ou maison. Magazine présenté par Stéphane Plaza. 23h50. Recherche appartement ou maison. 20h35. Wasabi. Comédie française de Gérard Krawczyk, 95 mn, 2001. Avec Jean Reno. 22h15. Ça va mieux en le disant. Magazine présenté par Elodie Gossuin et Enora Malagré. 23h30. Touche pas à mon poste. Divertissement présenté par Cyril Hanouna. 20h35. Les beaux jours. Téléfilm de Jean-Pierre Sinapi. Avec Clotilde Courau, Bruno Lochet. 22h25. C dans l’air. Magazine. 23h30. Dr CAC. 23h35. Avis de sorties. 23h45. À dos de cheval. Islande. Documentaire. 0h35. L’île nickel. Documentaire. LES CHOIX Ça tue Ça déchire Ça instruit Paris Première, 20h35 The Killing est la bonne Canal+, 20h50 Arte, 22h30 Les deux épisodes des Borgia de ce soir sont parmi les meilleurs de la saison: c’est le conclave qui aboutit à l’élection de… Bon, alors, Céline, on jette tout à la poubelle ou bien? Dans le Procès Céline, Antoine de Meaux et Alain Moreau instruisent. adaptation américaine d’une bonne série policière danoise. Résultat: c’est bon. PARIS 1ERE TMC W9 GULLI 20h35.The killing. Série américaine : Rosie Larsen, La cage, El diablo. Avec Joel Kinnaman, Billy Campbell, Michelle Forbes. 23h10. Zemmour et Naulleau. Invité : Jack Lang. Magazine présenté par Éric Zemmour et Éric Naulleau. 0h15. Programmes de la nuit. 20h40. La mémoire dans la peau. Thriller de Doug Liman, 118 mn, 2002. Avec Matt Damon, Franka Potente. 22h45. Les dents de la mer. Film d’épouvante américain de Steven Spielberg, 124 mn, 1975. Avec Roy Scheider. 1h00. Dinocrocodile : la créature du lac. Téléfilm. 20h40. Enquêtes criminelles : Le magazine des faits divers. Magazine présenté par Sidonie Bonnec et Paul Lefèvre. 22h40. Enquêtes criminelles : Le magazine des faits divers. Magazine. 0h50. Enquêtes criminelles. Magazine. 20h35. Au suivant ! Comédie française de Jeanne Biras, 90 mn, 2004. Avec Alexandra Lamy, Clovis Cornillac. 22h05. Les misérables. Drame de Jean-Paul Le Chanois, 1957. Avec Jean Gabin, Danièle Delorme, Bernard Blier. 23h55. Loïs & Clark : les nouvelles aventures de Superman. NRJ12 DIRECT8 NT1 DIRECT STAR 20h35. Starship troopers. Film fantastique de Paul Verhoeven, 135 mn, 1997. Avec Casper Van Dien, Jake Busey, Dina Meyer. 23h00. Les anges de la télé réalité. Magazine présenté par Matthieu Delormeau. 23h30. La maison du bluff - l’hebdo. 20h40. Quartier général. Les gares sous haute tension. Documentaire présenté par Adrienne de Malleray. 22h30. Quartier général. Derrière les banderoles, la haute-tension. Documentaire. 0h10. Quartier général. 20h40. Tous différents. Je suis naturiste et j’assume. Magazine présenté par Émilie Mazoyer. 22h20. Tous différents. Vous ne le savez pas encore, mais je suis une star ! Magazine. 0h10. Obsessed. Télé-réalité. 1h45. Mon frigo m’a dit. Série. 20h35. Le zap Direct Star. Divertissement. 22h30. Star report. Le vrai visage des stars. Magazine présenté par Claire Arnoux. 23h30. Enquête très spéciale. Magazine. 23h55. Nuit de charme. Téléfilm. 0h55. Star story. 38 • GRAND ANGLE LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 Cuba Les champs de ladésillusion Au bord de la faillite, l’Etat castriste pousse ses fonctionnaires au retour à la terre. Une reconversion difficile en l’absence d’aides financières et d’encadrement. • LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 39 40% des terres arables sont en friche, infestées notamment de marabú, un arbuste arrivé dans l’île au XIXe siècle. fuegos (ouest) a été congédié dans le cadre d’un vaste dégraissage de la fonction publique, à laquelle appartiennent 90% des actifs du pays. Asphyxié, l’Etat s’est résolu à annoncer le départ de 1,2 million d’entre eux d’ici à 2012. Né à la campagne dans une famille de guajiros, Leonardo a décidé de s’installer avec sa femme et ses deux fils sur ce bout de terre, où se dresse une modeste masure en brique. Il n’a rien reçu de l’Etat : ni aide, ni prêt, ni machine-outil. Il a même dû débourser les 5 pesos cubains convertibles (les CUC, environ 3,80 euros) nécessaires pour acheter une machette. Soit le tiers de son ancien salaire de gardien ! La machette est l’instrument indispensable avec lequel, pendant des mois, il va s’échiner à arracher «ce maudit marabú» qui recouvre presque tout son lopin. A la sueur de son front, Leonardo est finalement parvenu à semer des tomates, du manioc et des haricots. Tout juste de quoi survivre, précise-t-il. Texte et photos de JEANARNAUD MISTRAL Envoyé spécial à Santa Clara et Cienfuegos R etournez aux champs, qu’ils disaient!» Leonardo (1) a le sentiment d’avoir été floué. La silhouette mince, rehaussée d’un chapeau de feutre de guajiro («paysan cubain»), ce quadragénaire ne décolère pas. «Je me suis fait avoir par ce fichu décret 259», qui permet d’obtenir un lopin de terre depuis la réforme agraire de 2008. Leonardo a récemment hérité de 1,5 hectare, près du village de Cartagena, le long de la autovía nacional qui relie La Havane à Santiago. Son terrain légèrement en pente est couvert de mauvaises herbes et d’arbustes épineux. «Tout ce que vous voyez là, cette saloperie, c’est du marabú [un arbuste arrivé dans l’île au XIXe siècle en provenance d’Afrique, ndlr]. Toute l’île en est infestée. Je n’arrive pas à m’en débarrasser.» En février, ce gardien d’une banque de Cien- mutisme sur le sujet. Si des membres des Milices de troupes territoriales (MTT) les surprenaient, font-ils comprendre, ils risqueraient de se voir aussitôt confisquer leurs terres. Ezequiel Enrique Lopez, lui, n’a pas peur. En signe de défi et de révolte contre le régime, il brandit sa machette. A 43 ans, déjà deux fois balsero (terme qui désigne ceux qui ont tenté de fuir l’île par la mer), ostracisé dès sa jeunesse car ses oncles ont pu rejoindre la Floride, il dit ne plus avoir grand-chose à perdre. «Sauf quatre balles dans la tête, à moi et à mes deux fils», lâche-t-il avec une moue ironique. En 2009, lassé de vivoter à Santa Clara, il a demandé et reçu une concession de l’Etat: deux hectares de terres proches de Hatillo, son hameau de naissance. En vertu du décret 259, Ezequiel se met au travail pour tenter d’extirper l’inévitable marabú. Pour disposer du matériel de base – machette, gants, fils de fer et outillage divers –, il doit emprunter 3500 pesos cubains (2600 euros). Une fortune. L’œil mauvais, Ezequiel enrage contre l’administration : «Ils te livrent la terre mais rien de plus. Ils t’obligent à t’associer à une coopé- n’est pas mauvaise en soi mais elle arrive bien trop tard.» Depuis les années 60-70, encouragés par les autorités de La Havane, des milliers de ruraux ont pu faire des études supérieures, décrochant des diplômes de professeur, médecin, ingénieur, etc. Autant de métiers urbains. Les campagnes se sont progressivement vidées, laissant la place au marabú. «Au départ, la politique officielle du retour aux champs ne convainquait pas grand monde, poursuit Guillermo. Mais la situation économique est devenue tellement grave que nombre de familles ont fini par s’y résoudre. Les gens se disent qu’ici, au moins, ils auront assez à manger.» «Ni tracteur ni ciment» Outre les réductions d’effectifs d’une administration pléthorique, les Cubains font face à la disparition progressive de la libreta, la carte de rationnement qui, jadis, faisait des miracles. Sans oublier l’augmentation du Des terres en usufruit prix des produits de première nécessité, dont A Cuba, l’heure du retour aux champs a la plupart sont désormais vendus dans les sonné. Le 16 avril, le VIe Congrès du Parti shoppy en monnaie convertible. «Les couches communiste cubain (PCC), admettant que pour mes enfants me prenaient un sixième de l’Etat était au bord de la faillite, prônait la mon salaire. Ce n’était plus tenamise en place d’une «économie mixte». Raúl «En moyenne, on bosse à 20% pour ble», confie Omar, un exCastro, qui a succédé à son frère Fidel il y a chauffeur de taxi de La Havane, l’Etat, et à 80% pour le marché noir; deux ans, a pris la mesure de l’immense qui a opté pour un lopin de terre je parle bien sûr de ceux qui travaillent échec agraire : 40% des terres arables au printemps. (plus de la moitié, selon certains opposants dur.» Dans les campagnes, on compte politiques) sont en friche, livrées notam- Ismael paysan installé près de Cienfuegos toutefois une frange de «priviment au marabú. légiés» : ceux qui disposent de Ancienne puissance agricole, Cuba importe rative et tu dois leur vendre au rabais tout ce que terres que l’Etat n’a pas confisquées après la 80 % des vivres consommés par ses habi- tu produis. Puis il faut verser un bakchich au révolution castriste de 1959. Ces paysans-là tants. Alors que le pays peine à faire face à ses type d’Acopio [l’entité qui commercialise les peuvent librement vendre leurs produits à dépenses courantes, il doit ainsi débourser produits agricoles]. Et, par-dessus le marché, des «coopératives parallèles» qui sont aussi 1,5 milliard de dollars par an (1,1 milliard ils te paient quand ils veulent! C’est de la rapine contrôlées par l’Etat mais qui paient en CUC, d’euros) pour satisfaire les besoins de la po- organisée.» En outre, Ezequiel, comme tous en pesos convertibles. Ces produits sont le pulation. Une aberration. Le régime castriste les paysans cubains, vit dans l’angoisse : si plus souvent destinés aux touristes des plages n’hésite plus désormais à reconnaître offi- une de ses cinq vaches venait à disparaître, de Varadero (nord) ou à l’exportation. Pourciellement son erreur : la terre a été totale- il pourrait être soupçonné de vol et serait tant, même ces agriculteurs «privés» vont ment délaissée. A tort. Dans les années 70, alors passible de prison. mal. Dans sa propriété proche de Santa Clara, les Cubains enseignaient aux Vietnamiens Hector ne se plaignait pas jusqu’ici. Pour «Un sac de farine ou de café» comment planter le café. Aujourd’hui, le 100 quintaux de melons, il empoche Vietnam –principale référence économique Ses productions d’agrumes, de blé ou de maïs 700 CUC. Au fil des années, il a engrangé un de Raúl Castro– est devenu le deuxième ex- ne lui rapportent pas assez et il doit, comme «avoir» de 16000 dollars. «Le problème, c’est portateur au monde, notamment vers l’île presque tous ses compatriotes, travailler au que je ne peux dépenser cet argent que dans le caraïbe, dont la production a chuté. noir. Dans la région de Santa Clara, tous re- magasin de la coopérative, déplore Hector. Or, C’est en 2008 que les autorités ont com- courent au même stratagème pour survivre: depuis 2007, il n’y a plus rien: pas de tracteur, mencé à rectifier le tir. Un vaste programme on produit le strict nécessaire – qu’importe pas de machine-outil, pas de ciment, que des de répartition des terres sous le régime la qualité!– pour les magasins d’Etat; le reste bottes, des salopettes et des machettes. Avec d’usufruit est alors lancé : le «néopaysan» est soigneusement dissimulé pour alimenter quoi voulez-vous que j’augmente ma producjouit du bien dont l’Etat garde la propriété. la bolsa negra, le «marché noir». tion ?» Ce plan vise à créer de la richesse, tout en Ismael, un guajiro installé près de Cienfuegos, Avec cinq autres agriculteurs de la région, il augmentant les (maigres) recettes fiscales de confie : «En moyenne, on bosse à 20% pour a comparu en 2008 devant un tribunal de l’Etat et en freinant l’exode l’Etat, et à 80% pour la bolsa Santa Clara pour «enrichissement illicite». 200 km rural dans un pays aux trois negra ; je parle bien sûr de Pour éviter une condamnation, il a dû trouÉTATS-UNIS quarts urbanisé. Trois ans ceux qui travaillent dur. ver un «arrangement» avec les autorités, sur Océan Océan La Havane Atlantique plus tard, le bilan n’est guère Les autres, tous ceux qui peu- lequel il ne souhaite pas s’étendre. Hector Atlantique probant, comme a dû l’advent vivre d’un autre salaire, s’indigne : «J’avais vendu une partie de mes Santa Clara mettre le Parti lors de son ne foutent rien… Dans mon ananas au marché noir, c’est vrai, mais comme Cienfuegos CUBA dernier congrès. Sur 1,1 milcas, écouler en ville un sac de tout le monde! Le problème de fond, c’est qu’on Mer des Caraïbes Guantánamo lion d’hectares de terres disfarine, de poivrons ou de café coupe la tête à l’agriculteur qui prospère un tribuées, 30% seraient touest la seule manière de nourrir peu. Dans un pays normal, je réussirais : j’ai JAMAÏQUE jours en friche et 70% «en mes deux gamines.» une formation d’agronome, je m’y connais en activité». Parmi ces dernièA Cuba, le retour à la terre semences et je suis issu d’une famille de payres, nombreuses sont celles qui demeurent est souvent synonyme d’un retour aux origi- sans. Mais on est à Cuba.» Récemment, Hec«en préparation». Une litote pour signifier nes. «La plupart des nouveaux paysans sont tor a demandé son «avoir» de 16000 dollars que le processus est lent, très lent. originaires de la campagne, eux ou leurs pères, en cash. A sa grande surprise, on lui a Un voyage dans l’intérieur du pays révèle souligne Guillermo, un agronome de Cien- répondu par l’affirmative. Mais à une l’omniprésence d’une brousse épineuse fuegos. Mais ils n’ont plus aucun savoir-faire condition : toucher cette somme en pesos enserrant des îlots de cultures de subsis- et les autorités ne proposent aucune formation. cubains, dont la valeur est vingt-cinq fois tance. Par peur de représailles administrati- Ils se heurtent à une terre, certes souvent de moindre. • ves, la plupart des vieux guajiros ou des néo- bonne qualité, mais en friche depuis longtemps. (1) La plupart des prénoms ont été modifiés pour ruraux s’emmurent dans un prudent Il faut tout recommencer à zéro. Cette initiative des raisons de sécurité. LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 PORTRAIT L L’enfantine trentenaire, louangée pour un premier album ciselé, est en lice pour le prix Constantin décerné ce jour. En voie d’envol Par ARNAUD VAULERIN Photo JÉRÔME BONNET C’ est Peter Pan au féminin qui a débarqué ce matin. Les épaules ivoirines sont nues et surmontées d’un chignon tendu. Trois ridules strient le front audessus de deux billes sombres qui roulent d’interrogations dans un visage oblong. A intervalles réguliers, les mains viennent se ranger de chaque côté de la tasse à café comme la ponctuation polie d’un échange convenu. Une miniature de petite fille sage. L s’est vite échappée de la caricature de la midinette qui minaude. Certes, la nouvelle trentenaire de la chanson française fait encore trop sa sucrée, et pas seulement sur scène où elle use et abuse de poses juvéniles. Quand elle n’égrène pas de ses rires enfantins des réponses parfois attendues. Mais dans une chanson française heureusement chahutée et féminisée depuis quelques années par Jeanne Cherhal, Camille, Olivia Ruiz, etc. L étonne et désarçonne par sa fraîcheur radicale. «Vous savez, la chanson, ça ne pouvait être que ça», dégaine-t-elle au débotté pour justifier ce qui d’évidence l’anime et la mène en professionnelle depuis bientôt douze ans. Comme si l’heure était déjà au bilan vérité d’une carrière bien remplie. L n’a pourtant pour seul viatique qu’un album d’une audace élégante et précieuse –salué par des cascades de superlatifs – et des dizaines de concerts. L’évidence revendiquée cache en fait une impatience. «C’est tard de commencer à 19-20 ans et de voir qu’après un disque autoproduit, il ne se passe plus rien. J’ai passé deux années à attendre que ça démarre.» C’était en 2008, avant les louanges prononcées par Higelin, M ou Brigitte Fontaine et les coups de cœur de la station FIP. La traversée du bac à sable a laissé des traces. «Elle est passée par des phases supercompliquées avec des doutes et de la peur», dit Babx, le chanteur-arrangeur qui a aussi œuvré aux albums de Camélia Jordana et de Julien Doré. Il campe sa compagne en «émotive à fleur de peau». L se fait une haute idée de la chanson: «L’investissement intellectuel et personnel que l’on met dans un disque et sur scène, c’est pas pour rigoler. On n’est pas des batraciens, c’est mieux de penser un poil, non ?» L’auto-ironie qui la sauve de l’emphase ne tarde pas: «Bon d’accord, ce n’est que de la chanson, on se calme.» Ça ne manque pas d’intriguer, L oscille entre le joyeux et le sérieux. Sans être de prime abord «extrêmement drôle» comme le soutiennent ses amis, ni l’égérie élégiaque de nuits enfiévrées comme pourrait le laisser croire l’écoute trop ap- puyée d’Initiale. Elle retourne aux sources de l’enfance pour éclairer l’alternance. Côté paternel, elle évoque le grand-père juif polonais survivant de la Shoah. «Il était content d’avoir de beaux costards pour montrer qu’il s’en était sorti. Il voulait s’amuser et profiter de la vie en allant rire dans les cabarets.» Côté maternel, elle convoque une grand-mère «catho très fervente, humble et ascétique». Qui, malgré l’austérité, lui a laissé en mémoire la «douceur des îles flottantes et leur petit goût de brûlé». La petite-fille a fait la synthèse. Sans être croyante, elle dit «prier une idée de Dieu» de temps à autre. Elle vote «évidemment à gauche», trouve «Eva Joly intelligente et pétillante» et renvoie dos-à-dos Le Pen et Sarkozy, «aussi populistes et xénophobes l’un que l’autre». Enfant, L s’appelait Raphaële Lannadère. Elle chante depuis qu’elle parle. Mais c’est à 6 ans qu’elle se rend compte qu’«il se passe quelque chose chez [elle] et les autres» quand elle apparaît en petite reine lors des fêtes familiales. «J’invente des histoires et je traverse des émotions fortes. C’est un moment précieux.» Elle se découvre, s’évalue, s’estime. Dès 4 ans, elle a appris des comptines chez la grand-mère établie à Montmédy dans la Meuse. Autre rituel, dix minutes avant le départ pour l’école: un tube des Beatles chan- EN 7 DATES tonné en duo avec son père, grand fan des «Fab Four». La 3 février 1981 Naissance mère vibre à Brel, Billie Holi- à Paris de Raphaële day et Barbara dont L a été Lannadère. 2000 Début très hâtivement bombardée en solo en reprenant Piaf, Ferré, Barbara. Prépa l’héritière. à SciencesPo. 2002 «C’est aussi une famille de Commence un job de lecteurs», remarque Babx. La serveuse. 2008 Minialbum mère de L s’est même fait Premières Lettres remarqué plaisir en suivant une année par FIP. 2010 Signe chez en fac de lettres. C’était Tôt ou Tard. Avril 2011 avant de se lancer dans la Sortie de Initiale, tournée, restauration avec les indem- prix Barbara et Félix nités du mari licencié d’une Leclerc de la chanson. grosse entreprise d’infor- 17 octobre Nominée matique. Ils ont aujourd’hui au prix Constantin. deux établissements dans les très sélects VIe et VIIIe arrondissements de Paris. Leur fille vit dans le XIe bobo et se dit issue d’une «famille nouvelle riche». Elle n’a pas franchement vécu dans le besoin, mais elle s’est donné les moyens de sa passion. Après trois mois en fac d’économie où elle se sentait «extraterrestre» et une prépa pour Sciences-Po qu’elle a ratée, elle est devenue «apprentie chanteuse». Et d’abord serveuse pour financer sa nouvelle vie. «C’est une grosse bosseuse qui sait très bien où elle veut aller, qui peut être tête de mule», juge Martina A. Catella, l’ethnomusicologue à la tête de l’école de chant les Glotte-Trotters. Elle se souvient avoir vu arriver dans sa salle de travail une «libellule, avec un côté très Guerlain, élégant». Raphaële Lannadère a alors 18 ans et une «voix phénoménale, capable de chanter des trucs énormes dans des registres fados, tziganes, tangos», dixit Martina A. Catella. Elle croisera d’ailleurs la route du chanteur brésilien Ricardo Teté et du Capverdien Teofilo Chantre. Avec un bémol de regret, la professeur note que «L a toujours fait le choix des textes en restant dans la retenue par rapport à la voix». Dans le panthéon littéraire et sophistiqué de L, on croise Michaud, Artaud, Genet, Aragon, Duras. Du sérieux et du sûr. Babx lui a dédié la chanson Lady L, clin d’œil subtil au clan Lannadère et au roman de Roman Gary, dont elle a tiré son nom de scène. Fausse modestie ou fausse innocence, elle se défend de faire de la chanson intello. Et redoute que l’on «ressorte miné» de ses concerts: «Ce n’est pas pour ça qu’on transpire !» Qu’elle se rassure. En quête d’absolu, L vénère en fait l’artiste total et insaisissable qui séduit et échappe. Elle «adore» Bashung, Nina Hagen, et Brigitte Fontaine pour sa «liberté et sa jeunesse éternelle». Aujourd’hui, la chanteuse vit «bien» de ses droits d’auteurs et de ses 130 euros net par concert, le même montant que ses musiciens. Elle a vendu 40000 exemplaires d’Initiale, ce qui est «merveilleux» en pleine crise du CD. Elle s’est acheté un synthé, mais elle ne flambe pas: «Il n’y a rien qui m’emmerde plus que faire les boutiques.» Pas plus voyageuse dans l’âme, elle est rentrée avant la fin d’une excursion en Thaïlande, «détestant être dans une attitude de consommateur», sans pouvoir rencontrer les gens. L ajoute qu’elle adorerait être «peinarde». Cette fois, ça sonne faux. •