alexis Kieffer, praticien serein
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alexis Kieffer, praticien serein
Portrait cabinet du mois Dr Alexis Kieffer Villeneuve-sur-Lot, France cabinet du mois Portrait Dr Alexis Kieffer, Villeneuve-sur-Lot Alexis Kieffer, praticien serein À l’âge de 10 ans, il avait déjà un « très bon contact » avec son dentiste. Une trentaine d’années plus tard, après plusieurs collaborations, il a ouvert son cabinet à Villeneuve-sur-Lot, un endroit où il se sent chez lui. Rencontre avec Alexis Kieffer, omnipraticien serein dans une région où la pénurie de praticiens commence à se faire sentir. Par Mathilde Fradin - Photos Philippe Lissart «J ’aimais le cabinet dans sa globalité, entame Alexis Kieffer. L’homme d’abord, que j’appréciais beaucoup, le contact qu’il avait avec ses patients, l’environnement dans lequel il travaillait, son organisation. » C’est donc à 10 ans que notre praticien du mois décide : « Quand je serai grand, je serai dentiste. » Un choix décisif et contre lequel il n’ira jamais. Alexis Kieffer étudie à la Faculté d’odontologie de Bordeaux, où il fait une thèse sur l’amalgame dentaire. « J’ai intitulé ma thèse “Amalgame dentaire : ange ou démon ?” Il faut remettre les choses dans leur contexte : c’était en 1999, une époque où l’amalgame était controversé, alors qu’un rapport de l’OMS affirmait pourtant qu’il n’était pas dangereux. Plusieurs reportages suscitant la polémique en avaient découlé à la télévision. » Chaque lundi pendant ses études, il se rend à Agen dans le cabinet du Dr Bernard Barthet pour se confronter à la réalité du terrain. « Le docteur Barthet était assistant lorsque j’étais étudiant à Bordeaux. Il est paro-implanto exclusif, et c’est vraiment devenu mon mentor au fil des ans. Grâce à lui, j’ai eu une première approche de l’implantologie. Au-delà de ça, nous partagions les mêmes valeurs, sa philosophie d’une approche globale des patients, 2000 : collaboration à Libourne (33) 30 independentaire 114 I Janvier 2014 2001-2004 : collaboration à Cadillac (33) son respect des autres, correspondait au métier que je voulais moi-même exercer. » C’est également en 1998-1999 qu’il effectue quelques remplacements pendant les vacances scolaires. En l’an 2000, sa thèse soutenue, Alexis Kieffer entame une première collaboration en Gironde. Une première collaboration à Libourne « J’ai trouvé cette collaboration simplement, par petites annonces. Nous avions chacun notre salle de soins et notre patientèle. J’avais pour ma part repris celle du praticien précédent. Cette première expérience s’est très bien déroulée. Mon confrère travaillait en solo, il y avait seulement une assistante qui gérait l’administratif. J’ai donc appris à travailler seul, ce qui en soi ne me posait aucun problème, notamment parce que je ne pratiquais pas encore l’implantologie. » Malgré la bonne entente qui régnait au cabinet, Alexis Kieffer restait ouvert aux opportunités et quitte donc cette collaboration au bout de neuf mois seulement. « À l’automne 2000, on m’a proposé d’intégrer un nouveau cabinet. Il y avait deux associés et un collaborateur, qui partait. J’ai saisi cette occasion parce que j’étais attiré par le côté plus high-tech, plus moderne que le cabinet où j’étais. » Une nouvelle expérience 2004-2009 : collaboration puis association à Villeneuve-sur-Lot (47) 2009 : Création à Villeneuve-sur-Lot independentaire 114 I Janvier 2014 31 Portrait cabinet du mois Villeneuve-sur-Lot comptait parmi les plus vastes et les plus puissantes bastides du Sud-Ouest… Son aire urbaine est aujourd’hui la seconde du département de Lot-et-Garonne avec près de 60 000 habitants. commence donc dans un cabinet de groupe de trois praticiens, installé à Cadillac-sur-Garonne, travaillant avec deux assistantes dentaires et une assistante administrative. « Je n’ai pas rencontré de difficultés particulières au début de notre collaboration. Mes deux confrères pratiquaient l’implanto. J’ai moi-même commencé à pratiquer. Je travaillais alors à quatre mains. Les assistantes étaient très qualifiées, elles nous assistaient en fonction de nos besoins. » Notre praticien du mois travaille trois jours et demi au cabinet dont le samedi et le vendredi à l’hôpital de Bordeaux, où il est attaché en tant qu’omnipraticien pour les patients hospitalisés. Il prend également en charge les prothèses maxillo-faciales. « Comme il y avait déjà un collaborateur avant mon arrivée, il y avait un volume de patients pour trois. Je travaillais sur les fauteuils des confrères lorsqu’ils étaient absents. » En 2003, après deux années de collaboration, il devient associé de ses confrères. « J’ai réaménagé la troisième salle de soins qui était vacante. J’y ai installé un fauteuil Planmeca. C’est à cette époque que j’ai également arrêté de travailler le samedi. » “ Au cabinet de Villeneuve-sur-Lot, j’ai retrouvé plus de simplicité et une pratique qui me correspondent” Un virage idéologique contraire à ses convictions L’année suivante, les choses évoluent au sein de l’équipe, une évolution dans laquelle le Dr Kieffer ne trouvera pas sa place : « Mes associés ont souhaité être accompagnés par des consultants et nous sommes passés de SCM en Selarl. J’ai eu du mal à mettre en place cette nouvelle philosophie, qui s’inscrivait dans une démarche à tendance “commerciale”. Je n’étais plus en phase avec le fonctionnement du cabinet. » Les trois praticiens se séparent donc l’été 2004. Mais notre praticien du mois n’est pas du genre à se laisser abattre et rebondit avec réactivité : le 31 août 2004, il quitte la Gironde, direction le Lot-et-Garonne. Nouveau départ à Villeneuve-sur-Lot Une salle d’attente confortable et conviviale 32 independentaire 114 I Janvier 2014 « Quand j’ai quitté Cadillac, j’ai cherché à rester en Gironde, mais il n’y avait pas d’opportunités. On m’a proposé une collaboration à Villeneuve-sur-Lot par l’intermédiaire du Dr Barthet. Je ne connaissais pas du tout cette ville semi-rurale, mais je m’y suis senti bien. Avec ma future épouse, nous avons donc sauté le pas et déménagé. » Lorsqu’il arrive au cabinet, le praticien qu’il devait remplacer est déjà parti : « J’ai rencontré le confrère avec lequel j’ai collaboré une année avant de m’associer. » Dans sa pratique, le praticien retrouve les valeurs qui lui sont chères : « C’était un praticien plus âgé qui avait l’esprit “dentiste de famille” qui correspond à la localité, et à ma sensibilité ! J’ai retrouvé plus de simplicité et toutes les valeurs qui sont associées à mon métier dans le sens où je l’ai toujours entendu. » Sa salle de soins étant vide, tout était à recréer. « J’ai repris la patientèle de l’ancien Portrait cabinet du mois cabinet du mois Portrait Alexis, Claire et Lucile : une équipe soudée et souriante Photo ci-dessous à gauche : Claire a été formée à Bordeaux une journée par semaine pendant 18 mois. Elle gère tout l’administratif et assiste le Dr Kieffer au fauteuil. Photo ci-dessous à droite : le cabinet a été pensé de façon très ergonomique, jusqu’au siège opérateur. Vers une pénurie de praticiens Ses patients le suivent dans son déménagement avec bonheur. 8800 fiches de patients ont été créées depuis 2009 et le cabinet accueille en moyenne 25 nouveaux patients par mois. « Comme dans toutes les zones éloignées des centres urbains, Villeneuve-sur-Lot ne va pas échapper à la pénurie de chirurgiens-dentistes. Les anciens commencent à partir à la retraite et ne trouvent pas de successeurs. Nous allons avoir de plus en plus de patients et le délai d’attente moyen pour un rendez-vous est d’environ quatre semaines. Nous envisageons donc des plages d’ouverture plus étendues, afin de diminuer les délais d’attente et de pouvoir accueillir cette nouvelle patientèle. » Alexis Kieffer reçoit d’ailleurs de plus en plus de patients bénéficiant de la CMU, environ 8 % des patients. « Sur le fond, ça ne me pose pas de problème, on privilégie les patients motivés et assidus. » Et pour diminuer le taux d’absentéisme, tous les patients reçoivent la veille de leur consultation un SMS. Les urgences sont quant à elles reçues dans la journée. « Si ce sont de nouveaux patients, je les oriente vers ma collaboratrice, qui est en train de créer sa propre patientèle. » Le Dr Kieffer assisté de Claire a misé sur l’ergonomie pour une pratique sûre et sereine : il travaille avec la digue et des loupes binoculaires. Une jeune collaboratrice depuis l’automne 2012 Après trois collaborations infructueuses, le premier collaborateur ayant finalement décidé de ne pas s’installer à Villeneuve-sur-Lot et les deux suivants étant restés seulement trois semaines chacun, Lucile Desevedavy arrive au cabinet. Elle est devenue collaboratrice depuis l’automne praticien, une patientèle avec laquelle j’avais d’excellentes relations. C’étaient des gens fidèles, qui connaissaient le cabinet depuis longtemps. » Avec ce nouveau cabinet Alexis Kieffer ne fait temporairement plus d’implantologie, le cabinet n’étant pas adapté et retrouve une pratique en solo. L’équipe compte également une assistante. « J’ai essayé d’apporter, par petites touches, quelques améliorations. » Le goût de la transmission En 2005, éloignement oblige, le praticien arrête son activité à l’hôpital de Bordeaux. « On en apprend toujours dans ce métier, il faut déjà bien assimiler ce que l’on a appris pendant ses études. J’avais eu l’opportunité d’être attaché à l’hôpital, mais je n’étais pas dans une démarche universitaire. » Le praticien prend également plaisir à transmettre et enseigner à une nouvelle assistante. « Après plusieurs années d’expérience, je me sentais à même d’expliquer mon travail. » En 2008, Alexis Kieffer achète de nouveaux locaux à Villeneuve-sur-Lot : « Nous étions locataires d’une bâtisse très ancienne, le cabinet devenait vétuste. » Initialement partant pour un déménagement, l’associé d’Alexis Kieffer change d’avis : « Il n’a pas été question de reculer, d’autant plus que j’étais à l’origine de la totalité de l’investissement financier. Mon épouse a été d’un énorme soutien… » 34 independentaire 114 I Janvier 2014 “On en apprend toujours dans ce métier, il faut déjà bien assimiler ce que l’on a appris pendant ses études” EN CHIFFRES Une création en centre-ville C’est avec l’aide de ses proches que le praticien rénove entièrement une maison de ville de 100 m2. Le jardin est investi pour rajouter de la surface et parvenir à un Implant : cabinet de 200 m2, comprenant deux salles de soins entre 700 et équipées avec des fauteuils Planmeca et Stern-Webber, 850 € une panoramique, des radio-capteurs numériques, et une salle de stérilisation. Deux pièces vides sont louées à Chiffre une kinésithérapeute. « Nous avons créé les espaces avec la d’affaires 2012 : volonté de laisser entrer un maximum de lumière naturelle. 300 000 € Pour ce faire, nous avons choisi d’organiser le cabinet autour d’un patio qui sert de passerelle entre les salles de soins et la seconde partie du bâtiment. Coût de l’investissement : 100 000 € pour l’achat du bâtiment, 180 000 € de travaux et 100 000 € de matériel. Le cabinet a ouvert ses portes le 1er mars 2009. » CCM : 500 € independentaire 111 I Octobre 2013 35 Portrait cabinet du mois cabinet du mois Portrait Dr Alexis Kieffer Villeneuve-sur-Lot Le Dr Alexis Kieffer a (quasiment) calé ses horaires sur ceux de Claire, pour conserver une balance vie personnelle/vie professionnelle harmonieuse. La panoramique permet de présenter des plans de traitement plus rapidement. 2012. « Elle a été formée à Rennes et a 26 ans. Elle travaille les lundi, mardi matin, mercredi et jeudi. J’oriente naturellement vers elle les nouveaux patients afin qu’elle puisse avoir sa propre patientèle. » Le Dr Alexis Kieffer poursuit : « J’ai travaillé le premier mois en solo, mais très vite j’ai embauché une assistante, Claire. Elle a été formée à Bordeaux une journée par semaine pendant 18 mois et gère désormais avec une grande performance le cabinet ! Elle prend en charge tout l’administratif et m’assiste régulièrement sur l’omnipratique et pour l’implanto. Lorsque nous travaillons à quatre mains, le téléphone est basculé sur une plateforme téléphonique, afin que les patients puissent prendre rendez-vous. Nous faisons la même chose pendant les vacances et le cabinet est désormais ouvert du lundi au vendredi, de 9 h à 12 h et de 14 h à 19 h, sauf le mercredi après-midi, où je m’occupe de mes deux filles. Lucile prend alors le relais. » Son assistante fait quasiment les mêmes horaires, et ne fait pas d’heures supplémentaires. Ensemble, ils font une réunion annuelle : « On reprend tous les points qu’on veut améliorer, et depuis le début, je lui verse une prime. Le management et l’organisation se font assez naturellement, même si je pense que nous pouvons nous améliorer ». Le praticien prend à sa charge l’explication des plans de traitement. Il ne propose qu’un devis, et accepte le paiement en trois ou quatre fois, en évitant toutefois les chèques en attente : « Les gens comprennent assez vite que si on leur propose quelque chose, c’est que c’est nécessaire. En général, je ne propose donc qu’un devis, mais je l’accompagne d’une fiche explicative qui reprend toutes les solutions envisagées. Ensemble, nous choisissons la plus adaptée. » L’avenir avec sérénité Le praticien travaille avec trois prothésistes, dont deux locaux : « Le premier reçoit 98 % du travail, le second s’occupe de toute la céramo-céramique, et le dernier est à Paris, uniquement pour les grosses réhabilitations fonctionnelles 36 independentaire 114 I Janvier 2014 EN CHIFFRES âge des patients : moins de 16 ans : 16 % 16-60 : 54 % 60-70 : 14 % 70 et plus : 16 % 8% de patients CMU esthétiques. » Depuis un an, le praticien exerce également un jour par semaine à la clinique de Villeneuve pour toute la chirurgie buccale, les dents de sagesse incluses et la chirurgie implantaire avancée. Il reçoit alors des patients de ses confrères. « Ce n’est pas rare d’avoir des patients de confrères, que ce soit à la clinique ou au cabinet pour des urgences. Je les reçois alors sans les accaparer. » Quatre années se sont écoulées depuis l’ouverture de son cabinet. Alexis Kieffer est pleinement satisfait de ses choix : « Depuis quatre ans, j’ai réussi à instaurer une philosophie et une prise en charge qui me tenaient à cœur : se recentrer sur le patient, être à l’écoute, le libérer de ses tensions, pas seulement par l’écoute, mais aussi par l’ambiance, les couleurs que nous avons choisies au cabinet. Claire a un excellent relationnel dans le cadre de l’accueil. Pour ma part, j’utilise des outils per- “Avec la pénurie de praticiens qui s’accroît, nous envisageons des plages d’ouverture plus étendues, afin de diminuer les délais d’attente” formants, comme le Meopa, le Quicksleeper, qui contribuent à la qualité des soins. Je n’ai qu’un seul objectif : que tout soit mis en œuvre pour le bien-être des patients. » Alexis Kieffer participe régulièrement à des formations : il a récemment fait une formation du centre GAD en dentisterie esthétique et neuromusculaire. Il est également formé au PRF grâce à la formation du Dr Choukroun. Notre praticien du mois partage désormais son temps entre ses patients, sa vie de famille, le golf et la danse sportive. Il envisage l’avenir avec sérénité. independentaire 31 Janvier 2013 37