La guerre des âges : aux origines d`un mythe
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La guerre des âges : aux origines d`un mythe
La guerre des générations n’aura pas lieu La guerre des âges : aux origines d’un mythe Pierre-Henri Tavoillot Maître de conférences en philosophie à l’université Paris IV-Sorbonne De cette guerre des générations qu’on nous annonce à renfort d’arguments tous plus séduisants les uns que les autres, difficile de trouver des manifestations concrètes. Pour autant, il serait dommageable de laisser ce mythe occulter la reconfiguration complexe des liens intergénérationnels actuellement à l’œuvre. « S olidarité intergénérationnelle : se lamenter de sa disparition ! » Voilà une nouvelle entrée à inscrire dans la dernière édition, revue et augmentée, de notre Dictionnaire des idées reçues. En effet, le débat sur les rapports intergénérationnels fait partie de ces nombreuses discussions passionnelles qui, dans notre espace public, fonctionnent selon une mécanique bien huilée et parfaitement prévisible. Quand la question de la « guerre des générations » se pose, deux positions bien tranchées se présentent d’emblée. Selon la première, notre univers individualiste, ultralibéral et marchandisé serait condamné à voir disparaître toute espèce de solidarité entre les générations : les âges se refermeraient sur eux-mêmes comme des entités closes, des castes indifférentes les unes aux autres, avec leurs propres culture, langage, valeurs, intérêts, etc. Selon une seconde lecture, cette indifférence risque à tout moment de se muer en guerre inexpiable, lorsque émergera la prise de conscience qu’il y a au sein de l’échelle intergénérationnelle des gagnants et des perdants, des exploitants et des exploités, des inclus et des exclus… Alors la guerre des âges aura lieu : elle opposera les jeunes, dont, dit-on parfois, notre société organise le « massacre économique », aux vieux, qui, repus, satisfaits et majoritaires, tirent désormais les ficelles et les marrons du feu. À moins qu’elle n’oppose les très vieux, dépendants, délaissés dans des mouroirs indignes, aux plus jeunes, qui les auront abandonnés. Ou alors ce seront les citoyens actifs qui, harassés de contraintes et de responsabilités, 24 • Sociétal n°77 1-Societal 77_interieurSC55-2.indd 24 02/07/12 16:49 La guerre des âges : aux origines d’un mythe devront faire face aux exigences toujours grandissantes de leurs enfants, de plus en plus tyranniques, et de leurs propres parents, de plus en plus despotiques. Je souhaiterais ici plaider en faveur d’une autre lecture, aux beautés peut-être moins crépusculaires, mais qui me semble plus conforme à la réalité complexe de notre temps. Les scénarios d’une indifférence ou d’une guerre des générations ne me paraissent ni plausibles ni éclairants ; ils me semblent même politiquement nocifs, aveugles qu’ils sont aux profondes métamorphoses contemporaines des rapports intergénérationnels. Quelle lutte des âges ? Mais, avant de suggérer cette autre interprétation, il faut revenir sur ce qu’a, malgré tout, d’incontestablement convaincant l’idée de lutte des âges en deçà de son usage idéologique. Trois phénomènes massifs sont généralement convoqués aujourd’hui pour plaider en sa faveur ; ils dessinent au fond trois types de conflictualité. Les actifs contre les inactifs. Il y a d’abord la structure du travail en France, où ceux qui ont les places – disons les adultes salariés – s’attachent aussi bien à empêcher les jeunes d’entrer qu’à pousser les vieux dehors. Cette lutte des places est complexe à évaluer, car le bénéfice de la protection de ceux qui obtiennent (enfin) une place devient un maléfice pour ceux qui n’en ont pas encore et pour ceux qui s’approchent de la sortie. Dans l’autre sens, cette guerre sans merci oppose les passifs (jeunes et retraités) aux actifs, sur lesquels pèse le poids de leur financement (éducation et pensions). Telle serait la première lutte des générations : celle qui opposerait les actifs aux autres, qu’ils soient jeunes en formation (junior) ou vieux en récession (senior). Les rejetons de la prospérité contre les enfants de la crise. Une deuxième lutte des âges concernerait, au sein de l’État providence, deux générations antagonistes : une génération bénie – celle grosso modo de mai 1968 –, bénéficiaire des allocations familiales du temps de sa jeunesse et de généreuses retraites du temps de sa vieillesse, se heurte à une génération maudite, née dans la crise et sans garantie pour son avenir. Les travaux de Louis Chauvel1 ont été importants pour souligner cet impensé de l’État providence, conçu de manière statique dans une période de forte croissance, 1. Le Destin des générations, PUF, 1998, rééd. 2010. 3 1-Societal 77_interieurSC55-2.indd 25 eme trimestre 2012 • 25 02/07/12 16:49 La guerre des générations n’aura pas lieu sans intégrer dans son dispositif la difficile question de la « justice intergénérationnelle »2. Certes la dramatisation à outrance qui accompagne désormais ses analyses rend son diagnostic plus opaque, mais Chauvel montrait très bien comment la lecture générationnelle permettait de comprendre que les jeunes survalorisés d’hier soient devenus les seniors hyperfavorisés d’aujourd’hui. Les vieux dominants contre les jeunes minoritaires. Mais, au-delà de cet antagonisme ponctuel, c’est une troisième Sur le temps long, la jeunesse lutte des âges qui apparaîtrait à la faveur du vieillissea gagné en ment général de la population – et de l’électorat. Cette reconnaissance évolution favorisera à n’en pas douter les arbitrages poliet sa situation tiques à destination des personnes âgées au détriment s’est améliorée de manière de la jeunesse. La situation de la jeunesse est de ce point spectaculaire. de vue paradoxale : sur le temps long, cet âge a gagné en C’est en revanche reconnaissance et sa situation s’est améliorée de manière l’inverse si on considère une spectaculaire. Il suffit pour s’en convaincre de regarder du période plus côté de l’histoire ou de la géographie et de comparer la récente. situation actuelle de la jeunesse avec celle du début du XXe siècle ou de l’immense partie du monde actuel : on n’aura alors aucun mal à se persuader qu’elle a rarement été aussi propice. Mais sur une période plus récente et en restant dans le cadre occidental, cette situation s’est dégradée. Et l’on sait que l’évaluation du bien-être se fait davantage au regard des perspectives d’amélioration que des acquis passés3. De ce point de vue, le bilan est négatif. Que ce soit en termes de dynamique, d’écart avec les autres générations ou de risques à venir, la situation de l’entrée dans la vie adulte s’est détériorée. Ainsi, les revenus des jeunes actifs stagnent (alors qu’ils augmentaient de 4 à 5 % l’an dans les années 1970)4 ; la distance qui sépare leur situation (en termes d’emploi, de logement, de diplôme, de protection sociale…) de celle de leurs aînés augmente ; les perspectives d’avenir se dégradent, et l’effort à fournir pour atteindre un niveau équivalent à celui des aînés devient plus important. Tout cela réuni nous promettrait des lendemains qui déchantent et des conflits violents, lorsque la prise de conscience des injustices intergénérationnelles viendra et, avec elle, l’heure de solder les comptes. 2. Voir sur ce point Axel Gosseries, Penser la justice entre générations. De l’affaire Perruche à la réforme des retraites, Aubier, Flammarion, 2004. 3. Je suis ici le rapport du Conseil d’analyse de la société rédigé par Nicolas Bouzou et Luc Ferry sur La Politique de la jeunesse, Odile Jacob, 2011. 4. Voir Michèle Lelièvre, Olivia Sautory et Jérôme Pujol, « Niveau de vie par âge et génération entre 1996 et 2005 », in Les Revenus et le patrimoine des ménages, Insee, 2010. 26 • Sociétal n°77 1-Societal 77_interieurSC55-2.indd 26 02/07/12 16:49 La guerre des âges : aux origines d’un mythe Ces trois éléments, auxquels on pourrait ajouter le poids de la dette, la concurrence des pays émergents et les ravages environnementaux, qui pèsent sur l’avenir, ont sans conteste une part de vérité – mais sont-ils suffisants ? Et permettent-ils surtout de conclure à l’annonce d’une guerre inévitable ? Voilà un pronostic qui non seulement me paraît contestable d’un point de vue sociologique, mais dont les conséquences sont périlleuses d’un point de vue politique. Ni lutte ni indifférence Les deux thèses adverses sont en vérité très discutables. Il est d’abord surprenant que la prétendue guerre des âges n’ait produit aucune bataille visible, pas même à l’occasion des débats sur les retraites, sur la dette ou sur l’avenir de la planète. Comment ne pas, au contraire, être frappé par la formidable convergence « morale » entre les générations, que révèlent d’ailleurs les grandes enquêtes « valeurs » réalisées dans le monde entier5. Les âges se retrouvent sur les thèmes de la famille, du travail et de l’épanouissement personnel dans un processus d’incorporation individuelle des valeurs. Les clivages traditionnels entre une jeunesse révoltée/branchée et une vieillesse conservatrice/déconLes âges se nectée tendent à s’effacer. Quelques indices pour s’en retrouvent sur persuader : le mouvement des Indignés est très loin les thèmes de d’être un mouvement de jeunes ; la consommation la famille, du travail et de culturelle la plus dynamique et la plus novatrice est l’épanouissement massivement tractée par les seniors ; nulle fracture personnel dans numérique ne vient cliver les âges puisque l’investisseun processus d’incorporation ment dans ces désormais anciennes « nouvelles technoindividuelle des logies » transcende les générations. Bref, avec valeurs. l’hypermodernité, la vieillesse s’est adaptée au changement. 5. En 1998, les sociologues Inglehart, Basañez et Moreno ont mis à disposition du public dans un sourcebook les données de leur enquête sur les « valeurs mondiales » (Ronald Inglehart, Miguel Basañez et Alejandro Moreno, Human Values and Beliefs : A Cross-Cultural Sourcebook, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1998). Ces données concernent plus de 40 sociétés représentant 70 % de la population mondiale. Le questionnaire comportait un nombre impressionnant de questions et offre un portrait passionnant des valeurs dans le monde. Pour une interprétation fine de ces données, voir Raymond Boudon, Déclin de la morale ? Déclin des valeurs ? PUF, 2002 ; Pierre Bréchon et Olivier Galland, L’individualisation des valeurs, Armand Colin, 2010. 3 1-Societal 77_interieurSC55-2.indd 27 eme trimestre 2012 • 27 02/07/12 16:49 La guerre des générations n’aura pas lieu D’un autre côté, comment ne pas remarquer que la supposée indifférence intergénérationnelle est très loin de laisser indifférent ? Lorsque le drame de la canicule eut lieu en 2003, ce fut un scandale national, signe que la société française ne se résignait pas à l’oubli estival des personnes âgées. Il a conduit à la mise en place de dispositifs d’alerte et d’initiatives associatives ou publiques destinés à éviter qu’il ne se reproduise. De la même manière, on pourrait souligner l’extraordinaire inventivité qui est actuellement à l’œuvre dans le secteur de l’habitat senior pour imaginer une maison du « bien vieillir durable », dépendance comprise6. On est ici loin de l’indifférence annoncée. Ce ne sont là que quelques indices, mais qui suggèrent que nous sommes dans une phase de reconfiguration complexe des liens intergénérationnels, les liens mécaniques et obligés de l’âge traditionnel se transformant en des solidarités choisies et réfléchies. Or, les scénarios de la guerre ou de l’indifférence passent à côté de cette reconfiguration et ils promeuvent du même coup une politique intergénérationnelle qui me semble nocive : la politique d’un État Robin des Bois. L’impasse « Robin des Bois » S’il y avait guerre ou s’il y avait indifférence intergénérationnelle, il faudrait en effet un État justicier qui prenne aux riches (vieux) pour donner aux pauvres (jeunes actifs). Le seul problème est que les âges correspondent assez peu à cette vision manichéenne. D’abord, toute la jeunesse est très loin d’être pauvre et, même, avec le recul temporel, la jeunesse d’aujourd’hui paraîtra beaucoup plus favorisée que celle de 1914, de 1940, voire de 1960. Une politique de la jeunesse globale risquerait fort de ne profiter qu’aux plus favorisés, qu’à ceux pour qui la collectivité fait déjà un effort considérable en oubliant les vrais jeunes pauvres, tous ceux (150 000) qui quittent chaque année le système éducatif sans qualification. Par ailleurs, toute la vieillesse est loin d’être riche. N’oublions pas que la retraite moyenne est de 1 200 euros et que le temps n’est pas très loin où vieillesse et pauvreté étaient synonymes7. Enfin, les actifs n’ont pas franchement de raison d’être pleinement satisfaits de leur sort dans un contexte d’incertitude professionnelle, de montée de nouvelles formes de souffrance au travail et au regard de la responsabilité qui pèsent sur eux, 6. Voir par exemple le projet d’habitat social des « Maisons de Marianne » (www.maisonsdemarianne.com). 7. Voir Simone de Beauvoir, La Vieillesse, Gallimard, 1970. 28 • Sociétal n°77 1-Societal 77_interieurSC55-2.indd 28 02/07/12 16:49 La guerre des âges : aux origines d’un mythe que ce soit à l’égard de leurs enfants, de leurs parents et de leur propre vieillissement, à anticiper d’ores et déjà. Chaque cohorte a de bonnes raisons de se sentir peu favorisée, voire écrasée de responsabilités. Bref, on le voit : où sont donc les générations nanties ? Où sont les profiteurs égoïstes ? Chaque cohorte a de bonnes raisons de se sentir peu favorisée, voire écrasée de responsabilités. Ajoutons que la fameuse « génération 68 », réputée être bénie par les auspices de l’État providence, a tout de même connu la guerre d’Algérie et un bouleversement des rôles familiaux qu’il a fallu gérer et digérer puisqu’il a produit quelques fragilités inédites dans les parcours de vie. La formidable rapidité de l’émancipation des femmes n’a pas été sans conséquences sur les destins individuels. Il y a une deuxième difficulté à la politique « Robin des Bois », celle de parvenir à distinguer les générations dans le flux historique. Certes, c’est aujourd’hui le jeu favori des marketeurs en tout genre que de fabriquer des générations : Y, X ou Z, génération morale, génération Facebook, etc. mais ce qui frappe est surtout l’épuisement du fait générationnel entendu au sens rigoureux du terme. Car, pour « faire génération », il faut à la fois un marqueur historique (guerre, résistance, révolution…) et une conscience collective qui accompagnent l’entrée dans la maturité d’une cohorte. S’il y a toujours bien sûr des cohortes, il me semble difficile de parler de générations au sens de cette identité de conscience pour ce qui est de la jeunesse occidentale « post-soixant-huitarde ». L’Histoire (avec un grand « H ») s’étant heureusement pacifiée, elle a cessé d’être un fournisseur officiel de marqueurs générationnels. Enfin, la politique « Robin des Bois » fait courir un autre risque : celui de casser une solidarité familiale en cours de recomposition au détriment d’une incertaine redistribution étatique dans un contexte de grave crise de la puissance publique. Ne faudrait-il pas plutôt envisager de soutenir ce qui fonctionne (« aider les aidants ») et trouver les ressources permettant de pallier leur absence plutôt que de vouloir régenter l’ensemble de la solidarité entre générations ? Le slogan de campagne de François Hollande sur le « contrat de génération » avait cette vertu d’inviter à repenser ces nouvelles solidarités, mais son registre ne saurait sans danger quitter celui de la métaphore : la solidarité est précisément ce qui transcende le contrat. Vouloir inscrire noir sur blanc ce à quoi des générations s’engagent mutuellement en cherchant une introuvable égalité intergénérationnelle serait non seulement impossible, mais destructeur8. 8. Voir le débat sur la question de la justice intergénérationnelle, et notamment les travaux stimulants d’Axel Gosseries (Penser la justice entre les générations, op. cit.). 3 1-Societal 77_interieurSC55-2.indd 29 eme trimestre 2012 • 29 02/07/12 16:49 La guerre des générations n’aura pas lieu Les raisons d’un succès Ni guerre ni indifférence donc, mais comment expliquer que, malgré tous ces bons (ce me semble !) arguments, nous continuions d’être tentés par cette image du conflit de générations, qui fonctionne de manière si efficace ? Il y a, à mon avis, deux raisons principales à son pouvoir de séduction. Il y a d’abord une raison idéologique. Nous avons aujourd’hui besoin pour comprendre nos sociétés de plus en plus complexes de scénarios simples qui fonctionnent comme des « réducteurs de complexité ». C’est par cette formule que le sociologue Niklas Luhmann définissait la confiance (La Confiance. Un mécanisme de réduction de la complexité sociale, Economica, 2006) ; mais force est de constater que la défiance est un bien meilleur réducteur de complexité. Car, à l’âge du relativisme et de la critique, le défiant gagnera toujours sur le confiant9. Faute d’avenir radieux, nous trouvons désormais notre salut dans des horizons piteux (débâcle climatique, fin du capitalisme, déclin de l’Occident, guerre des générations…) qui nous permettent de donner sens aux difficultés du présent et de lire le réel. Face à cette tentation heuristique du sombre, le grand défi est de produire des scénarios alternatifs qui soient des clarificateurs de complexité plutôt que des réducteurs. Le chantier de l’intergénérationnel est de ce point de vue en friche et demande à être exploré d’une manière renouvelée10. Il y a sans doute une seconde raison plus psychologique, voire anthropologique à ce pouvoir de séduction. On peut certes montrer que le scénario de la guerre des âges est intrinsèquement contradictoire : le vieux a été jeune, et le jeune a de grandes chances de devenir vieux. De sorte qu’une lutte des âges reviendrait à une lutte contre soi-même. C’est ce que montrait Dino Buzzati dans sa sublime nouvelle « Chasseurs de vieux » (Le K, Pocket). Son « héros », Regora, chef réputé d’une bande de « chasseurs », qui, en une époque future de jeunisme triomphant, traquait ces « salauds de vieux » à la tombée de la nuit, s’aperçut un beau matin qu’il était bien fatigué et même un peu flétri : il était tout simplement devenu vieux lui-même ! De chasseur, Regora devint alors chassé… 9. Je me permets de renvoyer à l’ouvrage que j’ai écrit avec Laurent Bazin, Tous paranos ? Pourquoi nous aimons tant les complots…, éd. de l’Aube, 2012. 10. C’est dans cette perspective que travaille l’Observatoire de l’intergénérationnel, qui réunit des chercheurs de différentes disciplines : Serge Guérin, Claudine Attias-Donfut, André Masson, Cécile Van de Velde et moi-même. On trouvera une première synthèse des travaux réalisés par l’Observatoire avec le soutien du Campus Lab (Macif, Maif, Assurance mutuelle des motards) sur www.mcampuslab.fr/thematiques-de-recherche/lien-intergenerationnel/progression-de-la-recherche/productions-theoriques 30 • Sociétal n°77 1-Societal 77_interieurSC55-2.indd 30 02/07/12 16:49 La guerre des âges : aux origines d’un mythe Au-delà de cette nouvelle, c’est toute la mythologie qui nous rappelle qu’il n’est pas raisonnable de châtrer son père (Chronos contre Ouranos) ni de manger ses enfants (Chronos contre Zeus), et que le conflit de générations finit forcément par une double défaite. Cette communauté de destin rend contradictoire l’idée de guerre des âges dans son usage C’est toute la politique et social, même si dans l’ordre symbolique et mythologie qui individuel elle conserve tout son sens. Lequel ? Celui de nous rappelle qu’il n’est pas signifier que l’enfant, devenant grand, doit se poser en raisonnable de s’opposant ; celui qui fait que l’adolescent doit construire châtrer son père et raconter un conflit avec ses parents pour devenir luini de manger ses enfants, et même une grande personne. L’erreur du scénario de la que le conflit lutte des âges est de transposer cette conflictualité symde générations bolique dans l’ordre politique et social : mais c’est aussi ce finit forcément par une double qui le rend aussi séduisant et « inéliminable ». Il nous défaite. faudrait sur ce plan-là aussi devenir enfin un peu plus « adultes ». 3 1-Societal 77_interieurSC55-2.indd 31 eme trimestre 2012 • 31 02/07/12 16:49