Texte et jeu Enzo Cormann Mise en scène Philippe Delaigue
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Texte et jeu Enzo Cormann Mise en scène Philippe Delaigue
Texte et jeu Enzo Cormann Mise en scène Philippe Delaigue Hors Jeu La Fédération Cie Philippe Delaigue page 2 Un spectacle de Texte et jeu Enzo Cormann Mise en scène Philippe Delaigue Création sonore et musicale Philippe Gordiani Collaboration artistique Sabrina Perret Lumière et scénographie Sébastien Marc Costumes Arriane Sterp Avec les voix de La manager Laurence Besson Flora Magali Bonat L’affranchi Gilles Fisseau La bonne âme et Nancy Sabrina Perret Janis Alexia Chandon-Piazza Le flic et Frank Philippe Delaigue Brandon Jean Philippe Production La Fédération Cie Philippe Delaigue Avec le soutien du Fonds SACD Musique de Scène Avec la participation artistique de l’ENSATT Hors Jeu La Fédération Cie Philippe Delaigue « Le monde c’est vous ce n’est déjà plus moi… » Hors jeu nous entraîne dans la dérive d’un ingénieur quinquagénaire au chômage, soudain rendu seul responsable de sa situation. Quand l’exclusion devient le problème des seuls exclus et qu’il ne reste que la violence en partage… « D’abord il faut que vous m’aidiez moi qui suis mort à prendre la parole » Hors jeu nous propose l’expérience d’une forme unique : un acteur et dix haut-parleurs nous invitent à traverser les derniers mois de la vie d’un homme. La musique et la réalisation sonore prennent en charge tous les souvenirs d’un mort : les personnages, les situations et climats qu’il convoque. Notre imagination devient l’écran, l’écrin de cette histoire qui se déplie devant nous, mais aussi par nous. page 3 « Alors tout est déjà perdu et si tout est perdu je n’ai plus rien à perdre » Hors jeu est une tragédie des temps modernes. Ici, pas de palais ou de frère à venger, mais notre époque aussi réclame son lot de sacrifiés. Hors jeu ausculte le cœur de la tragédie ; lorsque chacun en est réduit au rôle qui lui est assigné. Comme dans une tragédie, les évènements s’enchaînent, nous enchaînent et il n’y a de promesse que la mort. Nous n’avons jamais de doutes sur l’issue fatale des tragédies, mais elles nous passionnent depuis toujours comme un témoin subversif de leur temps. Hors Jeu La Fédération Cie Philippe Delaigue page 4 Avant-propos En 2009, au cours de l’un de nos fréquents échanges, Enzo Cormann m’informa de son désir d’écrire Hors jeu, dont la trame s’inspirait d’un fait divers. Séduit par ce projet, je proposai alors à Enzo une commande d’écriture. Ce texte, une fois écrit, donna lieu entre nous à de multiples et passionnantes conversations et c’est au cours de l’une d’elles que je fis à Enzo la proposition, somme toute radicale, de le voir interpréter seul ce texte, écrit initialement pour quatre acteurs. Cette «adaptation» pour un acteur, dont la légèreté rudimentaire n’est pas le moindre atout, est d’une certaine manière déjà contenue dans le texte original puisqu’il s’agit d’un «mort» qui vient sur la scène d’un théâtre nous raconter les derniers jours de son parcours catastrophique. Nous avons simplement choisi de pousser résolument et jusqu’au bout cette proposition. Restait à «peupler» la scène de tous les évènements, situations, conflits et climats qui ont environné cet homme jusqu’à sa fin tragique. J’ai alors proposé à Philippe Gordiani, musicien avec lequel je travaille depuis quelques années, de créer l’univers sonore et musical de ce mort venu se livrer devant nous à un examen rétrospectif bouleversant (et bouleversé) des derniers jours de sa vie. Philippe Delaigue Hors Jeu La Fédération Cie Philippe Delaigue page 5 Intentions Par Philippe Delaigue « Un homme mort se présente devant nous et se propose de nous raconter les derniers jours de son existence, les derniers jours de l’humanité qu’il lui fut donnés de vivre et dont nous sommes dès lors, que nous le voulions ou non, partie prenante. Nous faisons alors effraction dans le résumé brouillon et ténu d’une vie — qu’est-ce qu’une vie ? — et nous voilà solidaires de cette vie-là, nous voilà faisant l’expérience même de la solidarité. C’est la solidarité qui nous rapproche par empathie du combat de cet homme, de la cause dont il devient, sûrement bien malgré lui, l’emblème. C’est la solidarité qui nous gêne aux entournures lorsque l’homme ne joue plus le rôle si confortable de la victime et devient grossier, fanfaron, lorsqu’il sue la mauvaise foi ou pontifie à tout-va. C’est encore la solidarité qui nous range alors dans le camp du Monde, cette machine souvent mortifère et broyeuse de vies et dont il est si commode de se défausser au moins en pensée. La solidarité est une expérience inconfortable puisqu’elle relie les vivants entre eux et les obligent à en être conscients. Ce sont les morts, parfois sans précaution, qui nous le rappellent. » «Je n’ai pas su aimer à temps, c’est vrai, mais à présent j’aime en arrière. Ce passé qui n’est plus est repris jour à jour, ce qui n’a pas été assez vécu est revécu; les mots qui n’ont pas été dits, alors qu’ils étaient nécessaires, ils me viennent en foule à la bouche ; et eux, n’estce pas ? ils m’entendent, eux à qui je m’adresse, en me tournant vers eux, avec tous ces mots doux. Ils revivent aussi par cette voix que je leur prête, et eux ils me prêtent la leur, et je suis en eux et ils sont en moi. J’ai tout accepté, je suis libre. Les chaînes du dedans sont tombées et celles du dehors aussi. On se tend les bras, on se parle, on est ensemble »... (La vie de Samuel Belet - C.-F. Ramuz) Par Philippe Gordiani « Lorsque Philippe Delaigue m’a parlé de son parti pris pour la création musicale et sonore de Hors jeu, j’ai tout de suite adhéré à ce pari fou et passionnant : un seul acteur et la musique/ les sons comme partenaires de jeu, comme uniques accessoires, comme unique décor. Pour cette création j’ai fait en sorte que tous les sons deviennent musique. Il n’y a pas de différence entre le son et la note. Musique concrète, musique électro-acoustique, musique acousmatique, musique électronique ? Peu importent les terminologies, je travaille à partir de sons que j’enregistre, prélève, transforme, filtre, et que je modifie afin de leur donner une morphologie musicale personnelle. J’utilise aussi des synthétiseurs, des générateurs de bruit, des samplers qui me permettent de garder le rapport au geste instrumental. Avec tous ces éléments, je constitue une ˝sonographie˝, une seconde trame narrative au texte. La musique est une dramaturgie de sons. Lors du spectacle, je piloterai la musique/les sons avec un ordinateur et les projetterai dans la salle par le biais d’un système de multidiffusion. Je ne serai pas au plateau, mais en régie afin de préserver la magie de l’invisibilité du son pour les spectateurs (tout en conservant une interaction directe avec l’acteur) . La multidiffusion du son implique une véritable réflexion sur la spatialisation. C’est un sujet qui m’intéresse particulièrement. Je pense que la spatialisation des sons est aussi importante que leurs durées ou leurs hauteurs. J’aime placer les sons dans l’espace, leur donner un relief qui ne se réduit pas à une stéréophonie traditionnelle, (celle d’un poste de radio ou d’une chaine hifi), mais qui constitue un mode d’écoute surprenant, aussi bien pour le comédien que pour le public. C’est du spectacle vivant, le comédien est dans un rapport au Hors Jeu La Fédération Cie Philippe Delaigue temps réinventé, il est en temps ˝mou˝. Par temps ˝mou˝ je veux dire que le comédien «est» la ligne de temps, la base des abscisses sur laquelle la musique est ordonnée. La rigidité de la barre de mesure n’existe plus, elle s’assouplit. Pour chaque représentation il faut que la musique s’adapte à son rythme, à son interprétation. C’est en cela que la musique de Hors jeu se définit entièrement comme une musique de scène. La musique doit jouer avec l’acteur sans pour autant lui imposer une temporalité immuable. C’est la raison pour laquelle elle doit être interprétée par le musicien pendant le spectacle. C’est un duo entre l’acteur et le musicien. Même si la musique donne le rythme de ce spectacle, l’acteur en est le chef d’orchestre, il la mène à la baguette». Par Enzo Cormann « J’ai entrepris d’écrire «hors-jeu» après avoir pris connaissance de ce qu’on appelle (un peu distraitement) un ˝fait divers˝ survenu en 2001 — je préfère pour ma part utiliser le mot ˝évènement˝ : Werner Braeuner, 46 ans, informaticien au chômage, vivant à Verden, dans la région de Brême (RFA), se rend au domicile de M. Klaus Herzberg, 63 ans, responsable de l’Arbeitsamt local (l’équivalent allemand de notre Pôle Emploi – ex ANPE) qui lui a supprimé ses allocations. Il le frappe à mort avec un outil de jardinage trouvé sur place puis il se rend à la police. Jugé l’année suivante, il est condamné à douze années de réclusion criminelle... L’évènement-Braeuner jette une lumière abrupte et soudaine sur une zone aveugle au coeur de l’Europe, une tache indélébile page 6 et honteuse, preuve terrible de l’incapacité du capitalisme néolibéral à tenir ses promesses de prospérité collective : en 2001, quand Werner Braeuner tue Klaus Herzberg, 19,3 millions de personnes sont au chômage dans l’Union Européenne. Selon Eurostat, près du quart de la population européenne est désormais (à l’heure où Braeuner sort de prison après avoir purgé sa peine) confronté à une situation d’exclusion sociale, de pauvreté monétaire ou de privation matérielle grave, soit 125 millions de personnes... « Un homme désespéré cherche une solution et il trouve une solution désespérée » Au cœur de l’évènement-Braeuner, il y a cette violence aveugle faite à un individu, consistant à l’exclure, à le biffer des listes, à le radier, à lui dénier le droit de continuer à faire partie de l’aventure collective. Quand le très pacifique Werner Braeuner plante une pioche dans le crâne du directeur de son agence pour l’emploi, il se comporte comme il le ferait dans une rixe. Lui qui n’a jamais usé de violence envers quiconque se comporte soudain comme en état de légitime défense. En sorte que l’évènement-Braeuner, dans toute son horreur, fait symptôme de la violence d’État, comme des effets délétères et criminels de la croissance inégalitaire. Le fait divers, écrivait Roland Barthes, fait diversion. Mais le théâtre peut restituer à l’évènement sa dimension symptomatique, et contribuer à révéler ce que nous sommes en train de devenir — pour peu que soit rendu justice à sa dimension catastrophique (l’état des choses est explosif), plutôt qu’exotique (Human Bomb)... L’écriture de fiction s’offre comme une possibilité de réinjecter du mouvement (donc de la subjectivité, de la pensée, de l’affect — tous prémisses nécessaires à l’action) dans des représentations figées par l’habitude : nous savons que des gens souffrent, mais nous ne les voyons plus, nous n’y pensons pas, nous ne voulons pas le savoir. Par ailleurs, ces gens, ce ne sont pas des ˝chômeurs˝, des ˝exclus˝, des ˝asociaux˝, etc : c’est moi, c’est nous. Ce sont des femmes, des hommes, jeunes ou vieux, des êtres humains, des concitoyens. Le théâtre se propose en somme de restituer de la grandeur à celles et ceux qui en ont été déchus. Mais aussi de donner aux morts la possibilité de faire retour sur la scène des vivants, pour venir enrichir les leçons du passé des possibles du futur ». Hors Jeu La Fédération Cie Philippe Delaigue PRESSE L’HUMANITÉ LA FÉDÉRATION, CIE PHILIPPE DELAIGUE FESTIVAL OFF L’histoire d’un chômeur de fort calibre Hors jeu, d’Enzo Cormann et Philippe Delaigue, un théâtre de talent qui porte le fer au cœur du politique brûlant. Avignon, envoyé spécial. On sait que dans la foire effrénée du « off » (plus de 1 300 spectacles à l’affiche) se cachent des réalisations d’envergures portées par des artistes émérites. Hors jeu, d’Enzo Cormann, qu’il interprète seul en scène sous la direction de Philippe Delaigue, est du nombre, tant par les vertus de l’écriture franche, directe, coupante, d’une stricte économie collant à l’action, que par son jeu, qu’on pourrait dire d’angoisse maîtrisée, au service d’un propos social sans merci. La pièce a germé chez l’auteur dès qu’il prit connaissance d’un événement rapporté par la presse. En 2001, en Allemagne, un informaticien au chômage depuis deux ans, citoyen page 7 sans histoire sa vie durant, plantait une pioche dans le crâne du responsable de l’équivalent de notre Pôle emploi. En complicité immédiate avec Philippe Delaigue, il fut décidé que Cormann tiendrait le rôle, par lui imaginé, d’un double français actuel de cet « homme désespéré qui cherche une solution et trouve une solution désespérée ». Mis à la porte après trente ans dans la même boite On est pris à la gorge dès l’image première, où l’on voit Cormann assis dans la pénombre, replié sur lui-même. Il se met à parler et l’on sait que c’est un mort qui parle. En ingénieur qualifié mis à la porte après trente ans dans la même boite, il dialogue violemment avec les instances hiérarchiques qui vont justifier en langue de bois son exclusion inéluctable. Ici, une prouesse technique vient renforcer une dramaturgie inventive. Philippe Gordiani, qui a conçu un univers sonore et musical entêtant, se tient à la régie-son pour régler sur le souffle de l’acteur les répliques enregistrées par des comédiens qu’on ne voit pas. Laurence Besson, Magali Bonat, Gilles Fisseau, Sabrina Perret, Alexia Chandon-Piazza, Philippe Delaigue et Jean Philippe ont ainsi prêté leur voir pour dix hautparleurs, au gré de l’intrigue, à l’épouse du malheureux héros, à la femme manager intraitable et à sa secrétaire, à un voyou, à un flic, etc. Tour de passe-passe digne d’éloges, dans la mesure où cela se laisse entendre que leurs paroles pourraient n’être, après tout, qu’issues de l’imagination d’un qui a des folies dans la tête. Bref, l’homme échange sa femme contre un revolver et prend en otage celle qui l’a humilié, nié, qui a rendu son être à néant, avant de finir liquidé par la police. Entretemps, il aura pu retracer les étapes de sa déchéances organisée par le système néolibéral triomphant. C’est construit comme un roman noir, avec rebondissements intimes et coups de théâtre à l’intérieur d’un crâne, dans une langue vive, concrète, d’une vérité sans cesse criante. Une séquence formidable, en relief dans le tapis si hardiment tissé que constitue l’œuvre, est celle où l’homme tire dans le poste de télévision après avoir donné la réplique à l’acteur d’une série, qu’il a cru entendre s’adresser à lui ! Cormann et Delaigue inventent une manière neuve d’aborder la politique homicide de ce temps. Loin du slogan et de la démonstration plate, par le biais d’une fiction enfantée par l’observation assidue du réel, ils nous redonnent foi en un théâtre d’élucidation sans peur, au cœur duquel s’entame le procès à instruire sans fin d’un monde aujourd’hui, plus que jamais, malade du profit égoïste. Jean-Pierre Léonardini création © Brest Brest Brest Administration, diffusion > Annabelle Couto 7 rue Alsace Lorraine 69001 Lyon tél 04 72 07 64 08 mobile 06 79 61 00 18 licence 2-1001824 La Fédération Cie Philippe Delaigue est conventionnée par la Drac Rhône-Alpes et la Région Rhône-Alpes et subventionnée par la Ville de Lyon. www.lafederation.net