La Chine, nouvelle menace des équilibres planétaires ? Peyrefite

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La Chine, nouvelle menace des équilibres planétaires ? Peyrefite
La Chine, nouvelle menace des équilibres planétaires ?
Peyrefite, Alain.
Quand la chine s’éveillera, le monde tremblera.
Fayard. 1973
La Chine se serait-elle endormie comme l’avait montré un très célèbre ouvrage.
En réalité, très longtemps elle a vécu de manière essentiellement autarcique à l’échelle d’un état
continent et en fonction de manières de voir le monde très différentes des représentations occidentales.
L’irruption brutale de la Chine dans le concert planétaire est due plus à un changement considérable
des responsables chinois vis à vis de l’extérieur qu’aux faits économiques seuls. Cette puissance
jusqu’ici discrète fait une irruption brutale dans la mondialisation, comme d’autres états, le Brésil dès
à présent, l’Inde sous peu. Peut-on dès à présent parler d’une possible mondialisation chinoise qui
ferait émerger un modèle asiatique?
La Chine, combien de divisions ? Premier état au monde pour la population avec 1,34 milliards
d’habitants ; 2e puissance économique mondiale en dépassant en 2010 le Japon ; première puissance
industrielle du monde (en tête pour les automobiles et l’acier par exemple) Plus important encore, le
taux d’investissement est de 8,5% du PNB ce qui représente quatre fois les taux de la France ou des
USA. Puissance donc, mais croissance rapide bien que très inégalitaire font de ce pays l’élément le
plus fort du nouveau centre du monde. Rappelons que ce centre a migré tout au long de l’histoire de
l’humanité. Il est passé du bassin méditerranéen dans l’Antiquité à l’Europe de l’ouest au Moyen Age
et jusqu’au milieu du 20e siècle, puis à l’est du continent américain avant d’être californien après la 2e
guerre mondiale. Incontestablement, et sans doute de manière durable, c’est l’Asie Pacifique qui
domine aujourd’hui la planète et ne peut qu’y prendre une place essentielle en géopolitique.
Mais cette puissance ne va pas sans difficultés : première consommatrice mondiale d’énergie, elle
souffre d’une forte dépendance avec une balance énergétique déficitaire ce qui pose fortement la
question de la sécurisation des ressources et un véritable enjeu géostratégique planétaire.
A l’échelle interne, le taux de pauvreté est de 4%, ce qui ici concerne des masses énormes de
populations pauvres, et le PIB est de 3750 dollars par habitant.
De plus, montrer cette émergence ne doit pas masquer les, effets considérables de ces mutations à
l’intérieur de la Chine. Les conséquences internes provoquent une fracture sociale et saptiale dont les
effets sont encore sinon imprévisibles du moins peu prévus.
Il s’agit bien là d’une question d’échelle, et c’est au travers de ce prisme qu’il convient d’examiner le
thème de « La montée en puissance de la Chine ». Dans le domaine financier, son rôle est devenu
prépondérant. On y trouve les premières réserve de change du monde, et une guerre monétaire autour
de la sous-évaluation du Yuan par rapport au dollar est engagée. Shanghaï devient la première bourse
du monde, en rapport avec Sao Paulo au Brésil.
Au niveau de son territoire national, la Chine dispose de ressources naturelles extraordinaires dont elle
a la totale maîtrise. De plus, son sous-sol recèle des minerais rares comme l’antimoine, le tungstène, le
gallium,, le germanium… sans compter les terres rares. La Chine produit actuellement 95% de ces
terres, même si l’on sait qu’il y en a ailleurs mais que l’on les garde en réserve.
Ces ressources associées à un immense marché intérieur, à un niveau de vie faible mais en
progression, à un système économique et politique très contrôlé ont permis de construire ce qui est
devenu la première puissance économique du monde.
Cet empire a depuis longtemps établi des frontières qui restent fortes même si elles sont souvent
contestées. Les conquêtes se sont faites « à la romaine » en intégrant peu à peu les territoires voisins à
la Chine. Peut-être peut-on qualifier ces annexions de conquêtes préventives.
La défense de l’Empire est une priorité. On consacre à l’industrie de défense non pas 1,75% du budget
comme il est dit officiellement, mais bien 4% du PIB. Sun Yu, qui aurait écrit à la période des
royaumes combattants (443/221 av JC) montre l’importance de la guerre : « La guerre est d’une
importance vitale pour l’état ».
Faut-il croire Hu Jinrao au sommet Chine/Afrique de 2006 lorsqu’il déclare : « La Chine est l’amie, le
partenaire, le frère, de l’Afrique » ou le livre blanc de 2006 sur la politique chinoise en Afrique : « La
Chine œuvre à établir et développer un nouveau type de partenariat stratégique marqué par l’égalité
et la confiance mutuelle sur le plan politique, la coopération dans un esprit gagnant-gagnant » (Livre
blanc de 2006 sur la politique chinoise en Afrique) ou plutôt le Monde de 2007 : « La Chine inquiète
l’Afrique autant qu’elle la séduit » ?
Reste que la Chine est au cœur- est le cœur- d’un espace dont la géopolitique est compliquée et les
équilibres fragiles. L’Asie de l’est est devenue le centre économique du monde. Voisine de la Russie,
proche de l’Inde, du Japon et des ex dragons, la Chine hérite d’une situation coloniale qui laisse
encore des traces. Les enjeux planétaires y sont exaspérés par la proximité de la Corée du nord et le
fait que la menace nucléaire est réelle. Sur ces espaces se jouent selon des modalités complexes les
grandes influences planétaires, jusque et y compris ce qui concerne des enjeux qui sont ailleurs sur la
terre. Elle de plus bordière d’une mer quasiment fermée, et les rapports avec la « japonésie » y sont
complexes. Se jouent ici et à cette échelle des relations dont la résonance est planétaire.
Avec sa nouvelle position mondiale, partie de la Chine est devenue une des interfaces majeures entre
elle et le reste du monde. C’est la partie côtière qui se développe le plus et le plus vite, ce qui créé des
mouvements migratoires considérables et pas toujours maîtrisés. C’est à l’échelle de l’état que sont les
enjeux majeurs du développement national. D’ores et déjà, la Chine achète des terres agricoles en
Afrique.
Le contraste entre la Chine extravertie et la Chine intérieure pose et posera encore de très fortes
difficultés. Ici comme ailleurs, les échelles spatiales se combinent toujours, se télescopent parfois, ne
s’emboîtent jamais. Dans tous les cas de figure, la Chine s’est donné tous les attributs d’une puissance
planétaire. Elle a voulu devenir et est un acteur incontournable de la guerre économique, donc de
l’organisation multipolaire du monde. A l’est extrême, il y a vraiment du nouveau.
Pour en savoir plus :
Cybergeo: cybergeo.revues.org ; European Journal of Geography, Comment penser la Chine.
hpp://perspec/veschinoises.revues.org/1096
Thierry Sanjuan : Atlas de la Chine, Autrement.
Laurent Carroué (et alii) : L’Asie, Bréal.
Georges Roques
Avril 2011

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