La parabole du bon Samaritain

Transcription

La parabole du bon Samaritain
La parabole du bon Samaritain
— Luc 10/25-37 —
25
Un maître de la loi intervint alors. Pour tendre un piège à Jésus, il lui demanda :
— Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ?
26
Jésus lui dit :
— Qu'est-il écrit dans notre loi ? Qu'est-ce que tu y lis ?
27
L'homme répondit :
— "Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta
force et de toute ton intelligence". Et aussi : "Tu dois aimer ton prochain comme toimême".
28
Jésus lui dit alors :
— Tu as bien répondu. Fais cela et tu vivras.
29
Mais le maître de la loi voulait justifier sa question. Il demanda donc à Jésus :
— Qui est mon prochain ?
30
Jésus répondit :
— Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho lorsque des brigands l'attaquèrent,
lui prirent tout ce qu'il avait, le battirent et s'en allèrent en le laissant à demi-mort.
31
Il se trouva qu'un prêtre descendait cette route. Quand il vit l'homme, il passa de
l'autre côté de la route et s'éloigna. 32 De même, un lévite arriva à cet endroit, il vit
l'homme, passa de l'autre côté de la route et s'éloigna. 33 Mais un Samaritain, qui
voyageait par là, arriva près du blessé. Quand il le vit, il en eut profondément pitié.
34
Il s'en approcha encore plus, versa de l'huile et du vin sur ses blessures et les
recouvrit de pansements. Puis il le plaça sur sa propre bête et le mena dans un
hôtel, où il prit soin de lui. 35 Le lendemain, il sortit deux pièces d'argent, les donna
à l'hôtelier et lui dit : "Prends soin de cet homme ; lorsque je repasserai par ici, je te
paierai moi-même ce que tu auras dépensé en plus pour lui".
36
Jésus ajouta :
— Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de l'homme attaqué par les
brigands ?
37
Le maître de la loi répondit :
— Celui qui a été bon pour lui.
Jésus lui dit alors :
— Va et fais de même.
(Bible en français courant)
Genre :
Auteur :
Source :
Technique d’animation
Collectif
http://www.animationbiblique.org/methodes/journal_intime
JOURNAL INTIME
Les participants invités à tisser d'autres liens, plus intimes, avec le texte. Qui sera
votre partenaire dans ce dialogue ?
Cadre :
Public : tout public, jeunes et adultes
Nombre de participants : 5 à 20
Lieu : salle offrant à chacun un espace pour s'isoler un peu du groupe
Durée : 20 mn
Enjeux : cette méthode favorise la compréhension et l'appropriation du texte par
l'identification à un personnage. Elle encourage les lecteurs à oser une
appropriation personnelle.
Démarche :
1. Après la visite guidée du texte, l'animateur/trice invite chacun à s'identifier,
selon le genre du texte : à l'un des personnages du texte (dans le cas d'un texte
narratif en particulier) ou à l'auditeur du discours (dans le cas d'un texte
prophétique, d'une parole de Jésus, etc.) ou au destinataire de la lettre (dans le cas
d'une lettre) ou encore à un personnage implicitement présent dans le texte ou à
un personnage imaginaire qui aurait pu être témoin.
2. et à écrire ce que ce personnage aurait pu noter dans son journal intime au soir
de l'événement raconté par le texte biblique ou au soir du discours entendu. Le
texte rédigé est signé de l'auteur imaginé.
• Selon le temps disponible, fixer un format de texte, entre 3 lignes et une page.
• L'animateur/trice encourage les participants à se mettre à écrire le plus tôt
possible : c'est en rédigeant que les idées viennent.
3. Les notes ainsi rédigées sont partagées ou non en plénière, selon le climat de
confiance dans le groupe et l'objectif de l'animation biblique. Elles peuvent aussi
être rassemblées de manière anonyme et utilisées dans un échange final ou une
méditation.
Intérêt et limites
Les personnes réservées sont encouragées à l'expression par l'intermédiaire d'un
tiers : "Si j'étais ce personnage, voici ce que je dirais, aurais pensé, ressenti, etc...". —
La rédaction de la page du journal intime ne doit pas se transformer en exercice de
style. Cette méthode nécessite que les participants soient assez à l'aise avec l'écriture.
Variante : écrire une lettre à l'un des personnages du récit, ou à l'auteur du texte en
exprimant les questions, sentiments suscités par la lecture du texte, ce que l'on a
perçu, compris. Il s'agit ici d'entrer en dialogue avec le personnage choisi ou avec
l'auteur du texte. „
Genre :
Auteur :
Source :
Partage biblique
Collectif
Semaine de la Bible 2008 « Paraboles au parloir »
http://www.la-bible.net/doc/semainebible3.pdf
Nous avons travaillé la parabole du bon Samaritain avec un groupe de 12
personnes dont la moyenne d’âge est de 35 ans, originaires de Haïti, du Sri
Lanka, du Congo, de Roumanie, du Portugal et de France, ici et des Iles. Tous
volontaires pour réfléchir ensemble. Deux membres du groupe appartiennent à
des Eglises évangéliques, avec une interprétation plus fondamentaliste dans un
premier temps. Ils acceptent cependant de prendre un peu de distance avec ce
qu’ils entendent du texte. Pour tous, c’est une Parole qui parle à « leur vie de
galère ». Elle donne courage, réconfort, repères pour traverser l’épreuve et
changer de vie, si possible. La parole circule librement. Interpellations et
questions réciproques établissent une dynamique de groupe qui éclaire la Parole
ou la laisse mûrir. Les niveaux de connaissance sont très inégaux, la Parole a été
entendue dans des cultures différentes, et pourtant une unité se construit à partir
de l’expérience douloureuse de la vie commune en détention. Chacun s’est
reconnu dans l’homme blessé gisant au bord du chemin.
v. 30 : Les bandits, l’ayant dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à
moitié mort.
« L’homme blessé, c’est chacun de nous. Celui qui prend soin de nous, celui qui nous
donne son amitié, sa confiance, son pardon, c’est lui qui devient notre prochain ».
v. 31 : Il se trouva qu’un prêtre descendait par ce chemin : il vit l’homme et passa à
bonne distance.
« Le prêtre et le lévite sont coincés dans leurs préceptes, ils ne réfléchissent plus ».
« Du coeur brisé, broyé tu n’as pas de mépris, dit un psaume. Ce qui nous empêche
d’aller vers l’autre, de nous faire prochain de l’autre, c’est que nous mettons sur lui
des étiquettes de différences sociales, de races, de religions. Ce sont autant de
barrières qui limitent notre élan vers l’autre. Nous oublions que tous nous sommes
fils de Dieu, temple de l’Esprit ».
« Il y a comme une barrière, un fossé qui les empêche de s’approcher de l’autre. On
peut même penser que la Loi les empêche d’ouvrir leur cœur à la compassion ».
v. 33 : Mais un Samaritain qui était en voyage arriva près de l’homme : il le vit et fut
pris de pitié.
« Celui qui souffre d’être mis à part est plus vite atteint par la blessure de l’autre, il
est remué dans ses tripes ».
« Dieu se fait esprit, il passe dans l’homme, c’est lui qui déchire notre cœur et Dieu
peut passer même par les "salauds". Les Samaritains n’avaient pas bonne réputation
auprès des Juifs. Nous non plus, on n’a pas bonne réputation ! ».
« Le Samaritain, c’est Jésus qui vient guérir nos blessures, qui que nous soyons, où
que nous soyons ».
« Les Samaritains sont marginalisés, les Juifs ne pouvaient pas passer par leur
territoire sous peine d’impureté. C’est comme nous, les gens vont traverser la rue
pour ne pas nous saluer, si seulement ils nous reconnaissent ».
« Il faut donner aux autres tout en recevant du Seigneur ».
v. 34 : Il s’approcha, banda ses plaies, (…) le conduisit à une auberge et prit soin de
lui.
« Prendre soin, c’est une attitude, on ne sait pas ce que ça va demander demain et
après ».
« C’est à l’opposé de ce qui se passe en prison, et pourtant on sent bien que c’est
comme ça qu’on doit vivre ».
v. 36 : Lequel des trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme qui était
tombé sur les bandits ?
« Moi, je suis dans les deux peaux, à la fois blessé et soignant. Je suis blessé dans ma
tête, dans ma vie personnelle. Mais je sais que je peux aussi être soignant ».
« Oui, mais il peut aussi refuser, car l’autre lui ressemble trop, c’est insupportable à
regarder ; alors il passe vite ».
« Le Samaritain, peut-être ne connaît-il pas la Loi ; peu importe, il s’approche et son
cœur se déchire : transmettre l’amour est plus grand que connaître la Loi. En faisant
le geste de s’approcher, le Samaritain est devenu le prochain de l’homme blessé, en
soignant les plaies du blessé, il se soigne lui-même. En faisant du bien à l’autre, je me
fais du bien à moi-même parce que je laisse l’Esprit de Dieu passer en moi ».
v. 37 : Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même ».
« Cette parole est pour nous aujourd’hui, c’est une promesse ».
« C’est la réponse à la question du verset 25 : en agissant ainsi, tu recevras la vie avec
Dieu pour toujours ».
« Faire du bien à quelqu’un, c’est faire vivre l’Esprit en nous. Faire le bien pour
supprimer la misère, c’est promouvoir le paradis sur terre, et cela répond au désir de
"recevoir la vie avec Dieu pour toujours" » (v. 25).
« Quand je fais un acte comme celui du Samaritain, j’ai le sentiment que Dieu est en
moi, je fais ce que Jésus ferait s’il était là, mon cœur se dilate, c’est bon ».
Un détenu parle du groupe et de ce qu’il ressent : « J’ai hâte que le week-end arrive
pour me retrouver avec vous tous [au service religieux], car ici je peux parler à cœur
presque ouvert. On se respecte, pas de moqueries. Je crois bien qu’on se fait proches
les uns des autres ». „
Groupe du bâtiment D1,
Maison d’arrêt des hommes
Peinture réalisée en détention
Genre :
Auteur :
Source :
Notes homilétiques
Alphonse MAILLOT
Qui est mon prochain ? — Notes homilétiques sur les trois lectures dominicales pour
les dimanches et fêtes de l’année C [juillet-août]. Mission Intérieure de l’Eglise
Evangélique Luthérienne, 1992 (p. 40-45).
Luc 10/25-37
Attention à ce texte copieux, aux conséquences "énormes", mais dégénéré en
historiette philanthropique (cf. le BON (?) Samaritain) : ne prendre (à mon avis)
qu'une petite partie du texte (pour une prédication).
1° partie : un "légiste" (TOB) ; un "docteur de la Loi" (Lectionnaire catholique) ; on
peut aussi mettre un... "exégète", un "commentateur", ou mieux un "professeur en
Ecriture Sainte" (ce que vous êtes en expliquant ce texte qui donc vous concerne en
premier lieu). Ce "légiste" vient "tester" le Christ (parfois ce verbe signifie : tendre
un piège, mettre à l'épreuve, etc…), mais ici l'homme qui questionne Jésus montrera
plus loin qu'il n'a pas de vraies réponses à certaines de ses questions, et qu'il est donc
sincère en les posant. Il vient, au moins un peu, pour essayer d'apprendre. Il ne vient
pas seulement en professeur qui veut écraser le Christ de son savoir. En effet, s'il a la
réponse à sa première question (v. 25), il n'en a pas à la deuxième (v. 29).
Retenons la première question et son caractère légaliste : "Que dois-je FAIRE pour
hériter la vie éternelle ?", question posée à Celui qui vient justement pour nous
DONNER la vie éternelle. Mais Jésus n'est pas un Dieu pointilleux, même s'il est un
redoutable (ô combien !) débatteur. Il renvoie le professeur en Ecriture Sainte à
l'Ecriture Sainte = "Toi qui passes tes journées à étudier la Torah (ce que moi, je n'ai
pas le temps de faire), tu dois savoir ce que ta Torah te dit, puisque, de plus, tu ne
crois qu'en elle". Et certainement Jésus s'attend à la "charte-du-Faire" : le Décalogue,
ou autre énoncé de lois précises. C'est là qu'une première fois, le professeur en
Ecriture Sainte, montre qu'il n'en est pas resté à la surface ou à la lettre de la Torah, et
s'il ne surprend pas complètement Jésus en lui donnant une partie du Shema' Israël :
Deutéronome 6/5, en revanche, en allant extraire de son contexte bizarre Lévitique
19/18, ce commandement apparemment secondaire : "(Tu aimeras) ton prochain
comme toi-même", il ne pouvait que déconcerter Jésus ; on se rappellera que Matthieu
(28/37) et Marc (12/29) mettront ce sommaire (?) de la Loi (?) sur les lèvres mêmes
de Jésus, et non sur celles d'un professeur en Torah.
Et Jésus est contraint de lui dire : "Ta réponse est juste (droite : orthôs)" = Je n'ai
donc rien à t'apprendre, tu sais lire et tu sais tout ce qu'il faut savoir : "Va, fais ce que
tu viens de me dire, et la vie éternelle t'attend. Je n'ai rien à ajouter".
C'est alors que le professeur d'Ecriture Sainte va montrer que, non seulement il a lu et
même bien lu, mais qu'il a très bien lu, puisqu'il a essayé de mettre en pratique ce
qu'il avait lu, et il s'est aperçu d'un obstacle jusqu'ici insurmontable : il veut bien
aimer son prochain, mais, mais... il ne sait pas avec certitude qui est son prochain et
aucun texte ne lui donne nulle part une définition bien précise, bien cernée, bien nette
du prochain. Il ne sait pas qui est son prochain, car il ne dispose ni de sonnette ni de
critères (ni de compteur Geiger) qui pourraient lui permettre de se dire, enfin rassuré :
"Tiens, tiens, ça y est, celui-ci est mon prochain !".
2° partie : C'est pourquoi jaillit, spontanée et merveilleuse, cette question à laquelle
la Torah (ni aucune loi) ne répond pas : "Mais qui est mon prochain ?".
Je crois que c'est à cause de cette question qui l'empêchait peut-être de dormir, et en
tout cas de se dire juste, qu'il ne faut pas prendre en mauvaise part le verbe du v. 25
(tester), ni surtout celui du v. 29, où la TOB traduit (à l'envers) : "Lui voulant montrer
sa justice", (dans cette ligne, ce serait plutôt "montrant ce qui l'empêchait de se croire
juste") ; il faut sans doute traduire : "Lui, voulant montrer la pertinence de sa
première question" ou "lui, voulant se justifier d'avoir posé une telle question à
laquelle il semblait avoir pourtant la réponse" (celle du v. 27).
Et cette seconde question est plus qu'une question, c'est quasiment un cri (d'une très
grande richesse), car c'est la question qui montre la limite, sinon l'échec de la Torah
(et aussi des efforts de l'homme pour décrocher lui-même la vie éternelle). C'est la
limite infranchissable de toute morale.
Arrivés ici, vous devriez (si c'était possible dans nos cultes) vous arrêter brusquement
et poser la question (que vous vous serez bien posée préalablement) : "Qui est
(maintenant) notre prochain ?", "Qui sera-t-il tout à l'heure ?". Et de plaindre fort
ceux qui auraient déjà une réponse et qui pourraient répondre, là où en fait Jésus ne
va pas répondre... ou plutôt il va donner une de ces réponses indirectes qu'on reproche
tant à ceux qui les donnent.
Car à cette question, il n'y a pas de réponse directe ! Il n'y a pas de portrait robot
préalable du prochain. Certes, le mot suppose (le plus souvent, mais pas
nécessairement) un voisinage. L'Israélite avait souvent pensé que le prochain était
tout autre Israélite. Mais le singulier mettait en cause cette définition générale (autant
que limitée) ; et il semble bien que notre légiste ait compris qu'aimer supposait une
personnalisation précise de l'être aimé. Ceux qui aiment "tout le monde" n'aiment
personne. Et ici, on peut s'en prendre aux tendances de l'Eglise qui ont fait dégénérer
l'amour précis du prochain précis, en philanthropie diluée, où l'on s'en sort avec un
bulletin de vote, un chèque et une grande déclaration en langue de bois. Cela soulage
et c'est peut-être beau, ça l'est même sans doute, mais ce n'est certainement pas
l'amour du prochain.
3° partie : La parabole (sic ! le mot n'est pas employé, contra TOB, note j ; ce serait
plutôt "Le Cas") du Bon (re-sic !) Samaritain.
Tout d'abord, bien expliquer pourquoi Jésus donne un cas (ne dites pas non plus
"exemple", encore contra TOB, note j). Le prochain, c'est toujours du "cas par cas".
Par ce cas, Jésus va montrer que le prochain, ce peut être n'importe qui, mais, une fois
"prochain", ce personnage devient quelqu'un d'unique :
a) Je crois que Jésus profite de cette "parabole" (sic !) pour montrer que le personnel
sacerdotal, attaché à la Torah, et enfermé surtout dans ses distinctions entre le pur et
l'impur, n'est pas le mieux placé pour découvrir le prochain. Le blessé est à demi-
mort (v. 30), et sans doute est-il couvert de sang ; deux raisons suffisantes pour qu'un
prêtre (v. 31) ou un lévite (v. 32) évitent toute souillure possible, en ne traversant pas
la route (cf. Lévitique 21/1-4 et 11). Ce n'est pas leur dureté de cœur qui les fait
traverser au plus vite pour laisser mourir le blessé, c'est la Torah elle-même.
b) Le choix du Samaritain par Jésus est cruel, car le Samaritain (ancien frère, mais "le
peuple fou de Sichem" : Siracide 50/26) était encore plus méprisable que le Philistin.
C'était une injure équivalant à "démoniaque" : Jean 8/48.
Ce Samaritain qui "passait par là", sentit ses entrailles se nouer (v. 33) : "En lui la
piété n'a pas tué la pitié" (Leenhardt) ; il s'approche (verbe capital, mais qui n'est pas
parent du terme grec "prochain"), et il fait tout ce qui est nécessaire pour cet homme
qui n'entre pas pourtant dans la catégorie des hommes à aider d'après sa Torah
samaritaine. Mais lui, transgresse ici ses lois, ses tabous ; il s'en fiche. Sa Loi, c'est
l'homme qui est là et qui a besoin de lui (noter le geste d'échange au v. 34). Il lui
consacre le temps nécessaire, prend les précautions utiles au rétablissement du blessé
(v. 35), mais reprend sa route.
4° partie : On a tout dit (ou presque) sur le renversement inattendu du v. 36 où le
prochain-à-aimer, dont on attendait qu'il fût le blessé, devient le Samaritain.
Mais :
a) Je crois que surtout, si Jésus pose sa question ainsi à l'envers, c'est pour faire dire à
l'exégète juif le mot impossible, qu'il n'a jamais dit sans cracher aussitôt, le mot :
Samaritain. Jésus va d'ailleurs en être pour ses frais, car le légiste s'en sort par une
admirable (!) périphrase : "Celui qui a pratiqué la pitié" (v. 37) ;
b) C'est pour montrer que même un Samaritain (un damné) peut être, peut devenir cet
énigmatique prochain ;
c) C'est pour répondre au v. 25 : "Quand tu pensais au prochain, c'était pour connaître
ceux pour qui tu devras faire (cf. v. 25) quelque chose de bon. Si tu commençais par
songer à ceux qui font quelque chose pour toi, peut-être le "problème" te serait-il plus
simple ? Le prochain, c'est d'abord celui qui vient à toi".
Et enfin Jésus renverse tout, une fois de plus : "Va et fais de même" (v. 37).
Faites donc bien attention à aimer tous les Samaritains qui, en ce dimanche, se
sont approchés de vous ! Et à ne pas leur fournir de réponse à leur question : "(Mais)
qui est mon prochain ?". Il leur revient de le trouver eux-mêmes. „
Genre :
Auteur :
Source :
Prédication
André GOUNELLE
Notre Prochain (revue trimestrielle de la Fondation John Bost), n° 277, septembre
1994, p. 6-12.
LE BON SAMARITAIN
Frères et sœurs, en choisissant comme texte, pour le culte de ce matin, la
parabole du bon Samaritain, je n'ai vraiment pas cherché l'originalité. Quand il s'agit
pour des chrétiens de soigner, de secourir, d'accueillir et d'entourer des gens en
difficulté — et telle est bien la visée de La Force —, la référence au Samaritain vient
immédiatement à l'esprit. De plus, cette parabole est l'une des plus connues du
Nouveau Testament. Mais je ne crois pas que l'originalité soit toujours une vertu. Si
la prédication évangélique doit parfois surprendre, et apporter de l'inattendu, il lui
faut aussi répéter ce que l'on sait, méditer des textes connus, reprendre et se
réapproprier des vérités élémentaires, s'arrêter sur les affirmations fondamentales que
nous avons toujours besoin d'entendre à nouveau. Jésus a dit qu'un "scribe instruit du
Royaume... tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes".
Les scribes du christianisme ont tiré autrefois du trésor que représente cette
parabole, des choses anciennes que l'on trouve dans de vieux écrits. Ils en tirent
aujourd'hui des choses nouvelles que l'on peut lire dans des livres et articles publiés
depuis peu de temps. En consultant les uns et les autres, j'ai découvert qu'à travers les
âges, on a proposé trois lectures ou trois explications différentes du bon Samaritain,
l'une très ancienne, l'autre plus récente, et la dernière tout à fait contemporaine, mais
toutes les trois ont quelque chose d'important à nous dire.
-o-
La première prédomine largement chez les auteurs chrétiens de l'Antiquité et du
Moyen Age. Selon eux, notre parabole résume et illustre le message central de
l'Evangile. Elle raconte par une comparaison l'histoire religieuse de l'humanité depuis
la chute jusqu'à la rédemption, depuis Adam jusqu'à Jésus-Christ. Pendant des siècles,
on a interprété dans cette perspective les personnages et les événements du récit. Le
voyageur, disait-on, figure l'humanité. Les brigands représentent le diable ou les
démons, c'est-à-dire les forces du mal, les puissances mauvaises, celles du péché, de
la misère, de la souffrance, qui attaquent l'être humain, le blessent gravement et
l'abandonnent dans une situation critique dont il ne peut pas se tirer tout seul. Ce
sacrificateur et ce lévite qui passent sur la route sans s'arrêter symbolisent l'Ancien
Testament, et peut-être les religions de l'Antiquité qui voient et décrivent bien la
détresse humaine, mais sont incapables de la secourir, de lui porter remède. Quant au
bon Samaritain, que la vue de l'homme gisant sur le bord du chemin émeut, qui
s'occupe de lui, le soigne et le guérit, on voit en lui l'image de Jésus venu chercher et
sauver ceux qui étaient perdus. Et enfin, cette hôtellerie, où le Samaritain dépose la
victime pour qu'on en prenne soin, correspondrait à l'Eglise où Jésus conduit ceux
qu'il a sauvés, où ils seront à l'abri jusqu'à ce qu'il revienne.
Quelques commentateurs du Moyen Age, friands d'allégories comme on l'était à
cette époque, vont jusqu'à expliquer dans cette ligne les moindres détails du récit. Par
exemple, ils pensent que l'huile et le vin versés sur les plaies font allusion aux deux
sacrements, celui du baptême et celui de la Cène. Ils estiment que les deux pièces de
monnaie, les deux deniers, que le Samaritain donne à l'hôtelier renvoient aux deux
Testaments que le Christ remet à l'église pour qu'elle puisse nourrir et soigner les
fidèles qu'il lui confie.
Cette première interprétation identifie donc le chrétien, le croyant, avec cet
homme dépouillé et meurtri. Elle invite à reconnaître en Jésus le bon Samaritain qui
éprouve de la compassion, de la pitié pour lui et qui vient à son secours. Notre
parabole serait une illustration frappante de l'œuvre qu'a accompli le Christ, du salut
qu'il apporte au monde. Elle ne nous parlerait pas de ce que nous avons à faire, mais
de ce que Dieu a fait pour nous.
-o-
A partir du seizième siècle, on écarte et on rejette cette explication que l'on juge
ingénieuse, certes, mais trop subtile et sophistiquée. Calvin la qualifie de spéculation
inventée par des esprits curieux et futiles, plus préoccupés de "gazouillis" que de
solidité. Cette appréciation sévère s'explique par la vive réaction des Réformateurs
contre la lecture allégorique de la Bible dont abusaient les théologiens et les
prédicateurs de leur époque.
On va donc proposer une autre explication de la parabole qui y voit un
enseignement non pas sur l'œuvre accomplie par Jésus, mais sur l'amour du prochain.
On n'identifie plus le croyant au blessé, mais au bon Samaritain. A son exemple, diton, le chrétien doit se montrer attentif aux malheurs et aux besoins de ses semblables.
Il doit faire tout ce qu'il peut pour les secourir de manière efficace. On entend dans
notre texte un appel à la générosité, au dévouement et à l'action charitable. En
contraste avec le bon Samaritain, le sacrificateur et le lévite incarneraient
l'indifférence et la lâcheté humaines. Ils symboliseraient une fausse religion, toute de
façade, qui ne se traduit pas par des actes, dans des comportements. Souvent, on
estime que Jésus critique ici le judaïsme de son temps pour qui les dogmes et les rites
avaient plus d'importance que les personnes. En effet, l'incident raconté par la
parabole se situe sur la route qui mène à Jérusalem, siège du temple. Probablement, le
sacrificateur et le lévite s'y rendent pour accomplir leur service, assuré selon un tour
de rôle. Ils ne s'arrêtent pas, sans doute parce qu'ils craignent de se souiller en
touchant du sang, ou pire en touchant un cadavre ce qui, selon les règles en usage, les
aurait empêché d'officier. Leur conduite s'expliquerait par un souci de pureté rituelle.
Ils seraient conduits par la même conception étroite et formaliste de la religion qui
interdisait de guérir un jour de sabbat. Jésus dénonce cette conception ; il lui oppose
une religion dominée par l'amour du prochain, qui constitue avec l'amour de Dieu le
grand commandement où se résument la loi et les prophètes.
Ainsi comprise, notre parabole a pour but d'indiquer, par un exemple frappant,
ce que signifie "aimer son prochain". Cette seconde explication, devenue classique,
nous paraît tellement s'imposer, tellement aller de soi que nous avons de la peine à
comprendre qu'elle ne se trouve chez aucun auteur ancien. Et Jésus ne la confirme-t-il
pas lui-même quand il conclut son récit en disant à son interlocuteur "Va et fais de
même" ? Il propose donc bien, sans aucune ambiguïté, le bon Samaritain comme
modèle à ses auditeurs.
-o-
Et pourtant, depuis une vingtaine d'années, on a vu surgir et se développer une
troisième explication de cette parabole. A la différence des deux précédentes, elle
accorde une très grande importance d'une part au contexte de la parabole, et d'autre
part à la manière dont elle s'insère dans un débat et vient le modifier.
Voyons d'abord le contexte, ou les circonstances. Au cours d'une discussion, un
docteur de la loi, autrement dit un théologien juif, interroge Jésus sur ce qu'il faut
faire pour recevoir la vie éternelle. Jésus le renvoie aux deux grands
commandements : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et tu aimeras ton prochain".
Pour "se justifier" (comprenons : pour expliquer qu'il ait posé une question aussi
simple, dont tous les Juifs pieux connaissaient la réponse), le docteur de la loi reprend
la parole et demande : "Qui est mon prochain ?". Il ne s'agit nullement d'une
dérobade, d'un faux fuyant, mais d'un problème qui préoccupait alors beaucoup les
rabbins, qui faisait difficulté pour eux. Certains pharisiens et esséniens considéraient
comme des prochains seulement ceux qui faisaient partie de leur secte ou de leur
confrérie, et ils excluaient les autres. La majorité des rabbins enseignaient que tous
les Juifs, tous les membres du peuple élu, étaient des prochains ; par contre, ils
estimaient que le commandement d'amour ne concernait pas les païens, les idolâtres,
qu'un vrai croyant devait tenir à l'écart. On déconseillait d'avoir des relations avec
eux, et donc de leur venir en aide. Enfin, il existait des rabbins très larges, très
ouverts, qui pensaient que tous les êtres humains étaient des prochains, quelles que
soient leur race, leur nationalité, leur religion. Il y avait donc un profond désaccord
qui se traduisait par de vives discussions, de véritables polémiques entre ces trois
courants, le sectaire, l'orthodoxe et le libéral. Il paraît donc très significatif que le
héros de la parabole soit un Samaritain ; les Juifs jugeaient les Samaritains pires que
les païens, parce qu'ils voyaient en eux non pas des étrangers, mais des faux-frères,
des gens qui avaient abandonné et trahi la foi juive. Jésus prend donc nettement parti
dans la controverse, et indique clairement que le prochain ne se définit pas par
l'appartenance à une ethnie, à une nationalité ou à une secte. Le commandement
d'amour s'étend à tous les êtres humains. Jésus donne donc raison au courant libéral.
Mais, en même temps, il va beaucoup plus loin et, pour s'en rendre compte, il
faut voir comment la parabole fonctionne dans la discussion entre Jésus et le docteur
de la loi. Elle déplace le centre du débat. Elle retourne la question posée. Elle
renverse, ou plutôt inverse les données du problème. Un rabbin libéral aurait pu
raconter l'histoire d'un Juif pieux qui aurait rencontré successivement un
coreligionnaire, un païen puis un Samaritain en difficulté, et qui aurait décidé chaque
fois de leur venir en aide. Il aurait ainsi montré que le véritable croyant doit traiter
tout homme comme son prochain.
Or, Jésus raconte une autre histoire : celle d'un homme blessé au bord d'une
route qui voit passer successivement un sacrificateur, un lévite, un Samaritain. Et il
termine en demandant : "Qui a été le prochain de cet homme ?". La parabole lui sert
à transformer la question, en la posant non plus à partir du Samaritain, mais du
blessé. En fait, au docteur de la loi, Jésus veut faire comprendre deux choses.
D'abord, que le vrai problème, celui qui a de l'importance, ce n'est pas le sien,
mais celui de cet homme dans la détresse. Il ne doit pas raisonner à partir de luimême et de ses théories, mais à partir de l'autre et de sa situation. Qu'il oublie son
point de vue et qu'il pense et agisse en fonction de ceux qui souffrent, de ceux qui
sont dans le malheur. Pour avoir des prochains, il faut apprendre à se décentrer de
soi-même.
Ensuite, lui dit-il, ton prochain, ce n'est pas telle ou telle catégorie d'êtres
humains, ce n'est même pas l'humanité entière, mais c'est celui que tu rencontres sur
ta route et dont tu t'occupes. Ton attitude, ton comportement fait de l'autre un
prochain ou non, quels que soient par ailleurs les liens et les différences. Il est celui
dont tu t'approches, ou celui qui s'approche de toi. Et tu peux faire de tout être
humain un prochain si tu sais l'aimer.
-o-
Voilà donc ces diverses interprétations. Je n'ai pas envie de choisir entre elles, et
je ne crois pas qu'elles s'excluent. Il me semble, au contraire, qu'elles se combinent, et
mettent chacune en évidence l'un des aspects d'une parabole aux multiples facettes.
De cette lecture plurielle de notre texte, se dégage, me semble-t-il, une triple
interpellation.
Premièrement, Jésus nous pose une question très claire et précise : qui a besoin
de nous ? A qui pouvons-nous apporter de la compréhension, une présence et un
soulagement ? De qui sommes-nous appelés à devenir le prochain, c'est-à-dire à nous
approcher, à mettre la force que nous avons à son service, comme le Samaritain l'a
fait pour le blessé ?
Deuxièmement, le prochain n'est pas seulement celui vers qui je vais, mais aussi
celui qui vient à moi, celui qui s'approche de moi pour m'aider. Nous sommes tous
des assistés, et il ne nous faut pas oublier la force que nous recevons parfois de ceuxlà même que nous secourons. Notre route est jalonnée de Samaritains qui se sont faits
nos prochains et qui nous ont fortifié.
Enfin, la parabole nous rappelle celui qui est venu et qui vient à notre secours, à
savoir le Christ Jésus. Sur les chemins parfois difficiles, périlleux, écrasants de
l'existence, nous ne sommes pas abandonnés à nous-mêmes, réduits à nos seules
ressources. Un bon Samaritain nous accompagne, nous soutient, nous donne sa force,
à nous qui en manquons terriblement. Nous avons tous besoin de lui, et il est là. Il
s'est fait notre prochain, il ne cesse de s'approcher de nous, et de nous rapprocher les
uns des autres.
Amen. „
Genre :
Auteur :
Source :
Narration
Bettina SCHALLER
Racontez-nous la Bible — Essais de narrations bibliques, Réveil Publications, 1994,
p. 99-105.
« Mon prochain : qui es-tu ? »
Luc 10/29-37
« Un souffle léger effleure son visage ;
il ouvre ses yeux lourds de tant de sommeil.
Il ne reconnaît pas l'endroit où il se trouve.
Il se redresse,
s'asseoit au bord du lit,
sent ses muscles endoloris ;
il s'inspecte et découvre son corps parcouru de plaies
auxquelles on avait apporté grand soin :
des sortes de bandes avaient été consciencieusement posées,
de l'huile et du vin avaient été versés,
comme c'était l'habitude de le faire pour apaiser la douleur.
Son regard balaye lentement la pièce.
Où donc peut-il être ?
Que lui est-il donc arrivé ?
Il se redresse sur ses jambes
et dans une démarche encore incertaine,
s'approche avec précaution de l'ouverture de la pièce.
Il soulève le drap,
il prend appui sur le chambranle,
et découvre une salle commune :
il est dans une auberge.
Il avance pesamment de quelques pas et prend place,
au bout du banc, à la longue table.
L'aubergiste, qui l'aperçoit,
s'approche de lui en lui apportant de quoi boire et manger.
Maintenant qu'il peut se lever,
il faut penser à se rétablir et à reprendre des forces.
L'homme se précipite sur l'assiette
et la vide jusqu'à la dernière bouchée.
Une gorgée de vin achève de lui redonner quelques couleurs.
Il recouvre peu à peu ses esprits,
tente de remettre ses idées en ordre.
Que fait-il ici ? Que lui est-il donc arrivé ?
A l'aubergiste qui s'est attablé devant lui,
il fait part de son étonnement :
— Que m'est-il arrivé ? lui demande-t-il.
Et l'aubergiste raconte :
— Quelqu'un t'a trouvé sur le bord du chemin, non loin d'ici, en piteux état.
Et l'homme se souvient qu'il descendait de Jérusalem
et se rendait à Jéricho, là-bas, plus à l'est.
L'aubergiste continue :
— Oui, en bien piteux état. Tu sais, tu étais comme mort.
Et l'homme se souvient encore, cette fois-ci à voix haute.
Il se raconte comme à lui-même, peu à peu,
au rythme des mots qui surgissent en sa mémoire
en même temps que les images :
— C'est bien cela... Je marchais...,
et tout à coup, un groupe de brigands m'a assailli...
Ils se sont tous jetés sur moi ;
j'ai résisté un moment,
alors les coups se sont mis à pleuvoir de plus belle.
Ils m'ont tout pris, et je crois que je me suis évanoui...
Mais comment suis-je arrivé jusqu'ici ?
L'aubergiste reprend :
— Cet homme dont je t'ai parlé.
Il t'a d'abord soigné, sur place, avec ce qu'il avait emporté.
Puis il t'a chargé sur son âne et t'a amené jusqu'ici ;
nous t'avons couché dans cette pièce.
Cela fait presque deux jours que tu es ici.
L'homme demande :
— Combien te dois-je, aubergiste, pour tout cela ?
Celui-ci, pensant à sa mésaventure, sourit :
— Tu n'as plus rien ; mais de toute façon, tu ne me dois rien.
L'homme m'a déjà payé une bonne part,
et me donnera le reste plus tard.
Tu peux partir tranquille.
L'homme écarquille les yeux et l'interroge encore :
— Mais cet homme, où est-il,
où puis-je le trouver pour le remercier ?
L'aubergiste l'arrête :
— Il a quitté l'auberge ;
il n'était que de passage, en route vers l'est aussi.
Mais il m'a dit qu'il repasserait, sur le chemin du retour.
Je ne sais pas quand il reviendra,
il ne parlait pas beaucoup,
mais je le connais et il reviendra.
L'homme blessé commençait à se demander
qui pouvait être cet homme de bien,
car c'était un homme de bien, forcément.
Il s'adresse de nouveau à l'aubergiste,
le pressant de poursuivre :
— Dis m'en donc un peu plus sur lui ;
tu en sais forcément plus que moi.
L'aubergiste répond :
— Oui, mais seulement un peu plus :
comme je te l'ai dit, il n'est pas bavard.
Mais il m'a raconté que deux hommes
l'avaient précédé de peu sur ce chemin ;
ils ne pouvaient donc pas te manquer.
Et pourtant, passant à son tour,
il t'a trouvé, gisant sur le bord.
L'homme blessé pousse encore l'aubergiste :
— Mais tous ces gens, qui sont-ils ?
Celui-ci continue :
— Des deux hommes qui sont passés à côté de toi,
l'un était un prêtre du Temple,
et l'autre un lévite, m'a-t-il dit.
Mais celui qui t'a porté secours est un Samaritain.
Je n'en sais pas plus.
L'homme blessé s'arrête, interloqué ;
son visage est bouleversé par l'émotion,
une lueur trouble son regard.
Il n'en revient pas : un Samaritain !
Il se confie à l'aubergiste :
— Tu vois, ces deux hommes qui sont passés à côté de moi,
c'étaient des gens de religion.
Peut-être, comme tu le disais, m'ont-ils cru mort.
Et s'ils sont chargés du service du Temple,
ils n'ont pas le droit de toucher un mort.
C'est peut-être pour cela qu'ils ne se sont pas arrêtés.
Mais je vois, moi, que j'étais mort
ou tout au moins que je pouvais mourir et que maintenant,
je suis en vie : et cela grâce à un Samaritain.
Il reprend son souffle quelques instants et continue :
— Tu vois, depuis longtemps,
on ne s'entend pas, les Samaritains et nous,
on s'évite, on s'ignore,
on peut même dire qu'il y a de la haine entre nous.
Et aujourd'hui, je vis grâce à cet homme
qui n'a écouté que son cœur.
Il s'est approché de moi, il a eu pitié de moi ;
oui, il a eu pitié de moi jusqu'à me sauver de la mort.
Je lui dois la vie.
Tu ne connais pas son nom.
Mais moi, cet homme, je l'appellerai désormais « Eliakim » :
Dieu met debout.
L'homme blessé se lève,
jette, par dessus son épaule, un dernier regard sur sa couche
et repart, avec dans son corps et dans son cœur,
les marques laissées à jamais de la miséricorde de Dieu ».
Jésus garde un instant le silence,
comme pour suspendre ses derniers mots.
Il a préféré raconter une histoire à un légiste,
un spécialiste de la Loi de Moïse.
Ce légiste, on pourrait dire un juriste,
lui avait soumis une question très discutée dans son milieu :
Qui est mon prochain ?
Jésus s'adresse à nouveau à lui :
— Tu me demandes : Qui est mon prochain ?
Mais moi je te retourne la question :
dans cette histoire,
qui fut le prochain de cet homme abandonné au bord du chemin ?
Je te le demande :
De qui es-tu le prochain, vers quelle détresse te penches-tu ?
Tu me demandes : Qui est mon prochain ?
Et tu connais la réponse : le prochain, c'est d'abord toi,
toi qui fait preuve de miséricorde
auprès de celui qui passe sur ta route. „
Genre :
Auteur :
Source :
Liturgie : volonté de Dieu
Antoine NOUIS
La galette et la cruche — Prières et célébrations, Réveil Publications, 1993, p. 108.
Qui est mon prochain ?
C'est l'histoire d'un vieux rabbin qui demande à ses élèves
à quoi l'on peut reconnaître le moment où la nuit s'achève
et où le jour commence.
— Est-ce lorsqu'on peut sans peine distinguer de loin un chien d'un mouton ?
— Non, dit le rabbin.
— Est-ce quand on peut distinguer un dattier d'un figuier ?
— Non, dit encore le rabbin.
— Mais alors, quand est-ce donc ? demandent les élèves.
Le rabbin répondit :
— C'est lorsqu'en regardant le visage de n'importe quel homme,
tu reconnais ton frère ou ta sœur.
Jusque-là, il fait encore nuit dans ton cœur. „
Genre :
Auteur :
Source :
Actualisation
Tommaso CAMPANELLA
Actuel (bulletin de l’Association pour les Actualisations de la Bible), n° 1, juin 1985,
p. 16.
Voici un texte de 1603 écrit par un dominicain italien à l’époque où Allemands
et protestants avaient mauvaise presse en Italie… L’auteur, Tommaso
CAMPANELLA, passera bien des années en prison.
Tout y est déjà : l’actualisation, la polémique, l’humour, la prédication
condensée.
Un pauvre homme, allant de Rome à Ostie, fut dépouillé et blessé par des larrons.
Quelques moines dévots le virent, mais ils l’évitèrent en lisant leur bréviaire.
Un évêque passa sans le regarder, ne lui donna que signes de croix et bénédictions.
Mais un cardinal, feignant de bons sentiments, suivit les voleurs, avide de leur butin.
Enfin arriva un luthérien allemand, de ceux qui nient les œuvres et proclament (la
primauté de) la foi ; il l’accueillit, le vêtit, le soigna.
Qui mérite le plus ?
Lequel est le plus humain ?
Donc à la volonté cède l’intelligence,
aux œuvres cède la foi, et aux actes la parole.
Nul ne sait si ce qu’on croit est bon et véridique,
mais à chacun est clair le vrai bien que tu fais. „

Documents pareils