Yaron Herman à la maison de la radio

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Yaron Herman à la maison de la radio
Yaron Herman à la maison de la radio
Écrit par Cecil
Samedi, 23 Décembre 2006 18:09
Le jeune homme à la démarche souple qui vient s’assoir directement au piano sans piper mot,
entre tout entier dans la musique et nous entraîne dans son sillage s’appelle Yaron Herman, il
est Israélien, il a 25 ans. Les auditeurs qui l’entendaient pour la première fois ce jeudi de
décembre 2006 ont vécu une expérience assez extraordinaire pendant 75 minutes de lyrisme
débordant, dans une immersion quasi-totale.
Comme d’autres pianistes de jazz, Yaron joue sans amplification, son jeu est ainsi dépourvu de
l’artifice électronique surdimensionné décidément pénible que nous imposent nombre de duos
et trios de jazz qui se produisent en salle. Le Studio 1 du Flagey se prête tellement bien à
cette intimité naturelle, la salle est petite, le son réverbère déjà beaucoup – presque trop (le
bois est omniprésent).
A l’écoute des harmoniques d’un piano dépouillé de ces oripeaux et, surtout, en découvrant la
concentration très expressive (quelles mimiques !) d’un musicien qui ne cherche pas à séduire
le public mais utilise manifestement la scène comme le théâtre de ses frasques musicales, il
nous est venu à l’esprit qu’un trio avec contrebasse et percussion trouverait également son
compte à nous proposer une formule acoustique que l’on n’entent que trop rarement, parfois
aux Jazz Marathon du Printemps. Malgré les écarts dynamiques des trois instruments, une
disposition idoine qui ne soit pas inutilement tournée vers le public mais concentrée sur
elle-même permettrait d’établir un bel équilibre sonore sans sombrer dans la soupe
électronique habituelle : sous les doigts de Yaron Herman, on a ainsi pu imaginer le piano en
trait d’union d’une contrebasse placée en avant-scène et de percussions sises en arrière, les
musiciens tournés sur eux-mêmes et engagés dans un dialogue approfondi.
Yaron Herman nous évoquait tout cela, tant son approche mêle pulsation rythmique et legato
chantant, sans pourtant sacrifier à la lisibilité sonore de l’ensemble. Les couleurs de son piano
sont multiples et le plaisir des oreilles total.
Aux standards de Thelonious Monk, de ‘Summertime’ et ‘Moon River’ mais également dans le
sillage de Gabriel Fauré et Sting, il a ajouté des crus de son chai. On a immédiatement été
séduit par un discours puissant et très musical, introduit d’accords parfois saisissants (dans
Moon River, magnifique), empli d’une matière sonore conduite par une ligne mélodique très
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Yaron Herman à la maison de la radio
Écrit par Cecil
Samedi, 23 Décembre 2006 18:09
expressive (dans Monk, par exemple) et constitué d’effets sonores multiples qui ne sombrent
jamais dans une répétition stérile. Le plus spectaculaire, il faut le concéder, fut d’assister à
l’ivresse du pianiste qui le conduit à jouer debout pour donner plus de présence à son jeu, à
sauter devant son clavier par souci d’expressivité corporelle, ou encore à passer du temps à
taper dans l’âme de l’instrument pour produire des phrases entières à la John Cage, et pas
seulement pour des effets sonores en forme de gadget.
En définitive, Yaron Herman fait montre d’une énergie stupéfiante qui s’appuie manifestement
sur une concentration très intense, le son jaillissant du fond d’une extrême intériorité –
presque comme une transe ; ce qui nous fait dire qu’il sait très bien où il va, même dans
l’improvisation. Il vous invite dans un monde surgi d’une inspiration musicale sans relâche et
vous livre alors des confidences débridées, mais sans impudeur ; très simplement, naturel. On
en sort bouleversé.
Ajoutons que son disque solo « Variations », certes beau, nous a pourtant permis de mesurer
un tel écart entre, d’un côté, un produit direct endiablé et, de l’autre, une reproduction trop
contrôlée qu’il ne nous paraît pas rendre justice à l’émotion que suscite ce pianiste très
prometteur. Nous ne saurions trop conseiller des enregistrements en ‘live’.
http://www.yaron-herman.com/
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