le meurtre - La Bibliothèque

Transcription

le meurtre - La Bibliothèque
Saint-Herblain
Au berceau des sociétés :
le meurtre
?, 2 00 4
Wh o w ou ld yo u Kil l
Eri ka Ro the nb erg ,
Définitions du Code pénal français
Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de
trente ans de réclusion criminelle. (article 221-1)
Le meurtre commis avec préméditation constitue un assassinat. Il est puni de la
réclusion criminelle à perpétuité. (article 221-3)
Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par
maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un
homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 Euros
d'amende. (article 221-6)
Les règles du meurtre
La présente plaquette a été conçue pour permettre de trouver rapidement
des documents susceptibles de vous intéresser dans des domaines
particuliers.
Chaque grande partie est divisée en chapitres. On y trouve un court texte
de présentation générale de l’axe qui a été retenu et la critique subjective
de documents qu’il nous a semblé pertinent de relever.
En fin de plaquette une liste bibliographique plus importante vous permet
de découvrir un choix hétéroclite de textes.
Le meurtre : terreau des civilisations
Le meurtre mythique
Les figures du meurtre : déicide, fratricide, infanticide, matricide, parricide…
Les déclinaisons du meurtre
Le meurtre comme…un art
Le meurtre comme…une science
Le meurtre comme…une médecine
Le meurtre comme…un sport
Le meurtre comme…une profession
Le meurtre : ciment des sociétés
Le meurtre généralisé
Le meurtre autocratique
Le meurtre et les institutions légales
Le meurtre : particularité des communautés
La culture urbaine du meurtre
La comédie du meurtre
Le meurtre domestique(é)
Le meurtre et l’individu
L’antre de la folie
Le meurtre (de l’) absurde
Et demain, et ailleurs : le meurtre…
Le meurtre :
terreau des civilisations
Au commencement était le meurtre…Pas le verbe, le meurtre.
L’humanité ne savait pas encore parler, qu’elle avait déjà appris à tuer.
Toutes les civilisations, dans leurs mythes fondateurs,
comme dans leurs légendes symboliques,
se sont bâties sur des meurtres transcendants car démiurgiques.
Le meurtre mythique
Arnold Bocklin, L’Île des morts, 1883
Pas une mythologie ne démentira ces grands points : notre monde est le fruit
d’une confrontation, et la race humaine – à quelque étape de sa création et de
sa construction – est fille d’un homicide.
Ainsi pour les Indiens, dans leur monumentale somme mythologique qu’est le
Mahâbhârata (visible dans une version de six heures de Peter Brook), l’avènement des
Aryens se résume à la lutte sanguinaire de deux familles de demi-dieux.
Les Scandinaves ont une psychologie à part. Les sagas islandaises (dont la Saga de
Njall le brûlé, la plus fameuse), purement narratives, nous content des événements et
des réactions souvent incompréhensibles dans un monde où pour laver le meurtre d’un
parent, il suffit en général d’une poésie scaldique élogieuse…
La culture chrétienne nous offre une iconographie riche en martyrs et en saints meurtris.
Ces « Saint Sébastien » se retrouvent dans l’hagiographie du Moyen Age. La Légende
Dorée de Jacques de Voragine, où les meurtres infâmes alternent avec les montées en
grâce, établit clairement de quelle façon une religion s’est érigée.
Les figures du meurtre
déicide, fratricide, infanticide, matricide, parricide…
Herbert Draper, Médée poursuivie par Aiétès
Devenir adulte et un long apprentissage. Tu dois, par étape : tuer tes dieux,
tuer tes maîtres, tuer tes parents, tuer tes frères, enfin tuer tes pairs.
C’est cela devenir un homme, mon fils. Et pour être l’homme le plus fort, tu
devras être l’homme le plus seul. Alors, si tu n’as pas eu l’heur de t’en passer,
il te faudra encore – tuer tes fils…
Francisco de Goya, Saturne, 1821-1823
La palme des meurtres en famille revient sans doute aux peuples antiques et
particulièrement aux Latins. Les exemples fameux ne manquent pas : de Néron,
Caligula, Brutus ou autre Oreste, mais retenons la Médée de Sénèque. Ce dernier
s’empare du sujet de la famille meurtrière par excellence et nous gratifie d’un double
infanticide représenté sur scène !!
« Mes parents sont morts ; je les ai tués. » Il aura fallu attendre Freud décrivant les
Totem(s) et Tabou(s) pour déceler dans toute adolescence un meurtre symbolique, qui
parfois se concrétise….
Déicide, régicide, parricide… Jusqu’au XVIIIe siècle, l’Europe était gouvernée par cette
confusion : le roi est aussi le père de la nation, voire l’élu de Dieu. D’où le véritable coup
de tonnerre que les nouvelles législations anglaises (Cf. Bill Of Rights) du XVIIe
provoquèrent en instaurant un pouvoir du peuple.
Les déclinaisons
du meurtre
Le meurtre est légion, pluriel et mutant.
D’où sa ruse qui lui permet de dissimuler la majeure partie de son œuvre
sous le masque bien identifié relevant du « fait divers ».
Si l’on accepte de se débarrasser d’une chape de plomb de morale bien
pensante, apparaîtront les figures d’un meurtre esthétique,
de progrès, d’excellence !
Le meurtre comme… un art
Gustave Moreau, L’Apparition, 1876
R emercions les époques décadentes qui mirent en exergue la valeur
éminemment artistique du meurtre. S’interroger sur la vie, c’est questionner
la mort ; quel meilleur moyen pour comprendre la vie que de la voir s’échapper
du corps d’un homme à qui on l’a ôtée soi-même ?
De toute façon, quelle est la valeur d’un individu face à un tel chef d’œuvre ?
Dessin : Stefano Ricci
Quand un groupe de gentlemen dilettantes se réunit pour faire des « lectures » sur l’art
du meurtre dans l’Angleterre victorienne, cela donne un opuscule aussi drôle que
cynique : De l’assassinat considéré comme l’un des beaux-arts de Thomas De
Quincey . So british !
L’acte gratuit exemplaire de la littérature française se trouve chez André Gide et il
s’agit d’un meurtre. Dans Les Caves du Vatican, le héros éjecte un quidam du train,
comme ça, pour voir, en esthète, en oisif.
Une intro hypnotique « pousse au meurtre »… Telle la Bande originale d’un film
d’horreur, s’éveille le Hell Awaits de Slayer. Ensuite, les « empereurs du trash »
reprennent leur droit pour s’adonner à une musique éminemment cathartique et donc,
par là même, apaisante.
Dans cette catégorie, les artistes sont légion, certains d’une audace, et d’une classe
inégalée. On se souvient des destructeurs de cathédrale, pas de leurs bâtisseurs : témoin
Les Amants de l’apocalypse de Bruno Étienne.
Le meurtre comme… une science
Francis Bacon, Portrait du pape Innocent X, 1953
Le meurtre est une affaire trop sérieuse pour la laisser gâcher par des
amateurs... C’est pourquoi la science est fortement mise à contribution pour
un meurtre de masse, ou plus (moins) propre, ou plus (moins) douloureux.
Les rapports de la science et du meurtre sont aussi de l’ordre de l’affrontement
- ou de l’osmose (combien de vivisections autorisées sur l’autel du progrès ?)
Karl Hofer, Devant les ruines, 1937
Quel plus beau spectacle que celui d’un champignon nucléaire ? Et qu’est-ce que ça doit
être bien quand on est soi-même au cœur de ce maelström !!... Ce rêve fou a été réalisé
par le Docteur Folamour de Stanley Kubrick.
Empreintes ADN, profileurs, laboratoire scientifique…la police s’est progressivement
rationalisée. En France, c’est Pierre Joxe, au début des années quatre-vingt, qui se
chargera de donner au pays une police « high-tech ». Frédéric Chartier revient sur cette
aventure et dresse l’état des lieux de cet organe répressif dans Au cœur de la PJ .
L’acte de naissance de la littérature policière française : avant Edgar Poe, Émile
Gaboriau écrit L’Affaire Lerouge et invente le type de l’enquêteur élucidant des
meurtres grâce à une démarche d’analyse scientifique.
Le meurtre comme… une médecine
Stéphane Blanquet : Monographie lacrymale
Là où la collusion entre meurtre et science devient intolérable,
c’est lorsqu’elle touche à la science de la vie par excellence : la médecine !
Et pourtant, il reste des cas où le maintien de la vie passe par le meurtre, où
l’assassinat est prôné au nom des valeurs de l’humanité…
Otto Dix, Ursus tenu à deux mains, 1927
Dans certaines sociétés, le meurtre a un effet directement prophylactique lorsqu’il
fournit à ses auteurs de quoi se sustenter ! Le cannibalisme est sans doute la plus belle
raison de tolérer le meurtre et Martin Monestier s’est emparé du thème pour nous
offrir un livre irrévérencieux, souvent hallucinant : Cannibales : histoire et bizarreries
de l’anthropophagie, hier et aujourd’hui.
Fondateur de l’école anthropologique anglo-saxonne, James George Frazer est un
pionnier qui, avec Le Rameau d’or, nous offre un tour du monde dia- et syn-chronique
de toutes les traditions tribales parmi lesquelles on dénombre force rituels à base de
sacrifices humains… Un incontournable qui influencera bon nombre d’auteurs de
science-fiction.
Le meurtre comme… un sport
Francis Bacon, Miroir de la tauromachie, 1990
Enfin, le meurtre peut se déceler dans des pratiques populaires, de loisirs, ou
sportives. Il est dès lors, non seulement toléré, mais nié en tant que meurtre :
des animaux tués en laboratoires sont une injure à notre société – dans une
arène, c’est une tradition !...
Francis Bacon : Miroir de la tauromachie
Le meurtre est une chasse, bien sûr. Un chasseur c’est un meurtrier, qu’il s’agisse de
lapins, de faisans ou de rhinocéros. Mais lorsque le gibier est un homme, ça n’en devient
que plus réjouissant : voir Les Chasses du Comte Zaroff de Ernest B. Schoedsack.
Le meurtre, c’est même une danse, avec cette virevoltante et lascive Salomé,
immortalisée dans tous les arts, que ce soit chez Richard Strauss ou dans l’Hérodias de
Gustave Flaubert... Jean-Baptiste ne pouvait rêver plus joli bourreau…
Le meurtre peut aussi s’inscrire dans la catégorie « sports et loisirs », songeons à la
tauromachie par exemple : panem et circenses ! Le sang gicle et les gens sont venus pour
ça ! La mise à mort de la bête… Tel est le tableau brossé dans le petit livre de Florence
Delay, Œillet rouge sur le sable, sauf que dans ce cas, ce ne sont pas les taureaux qui
gisent…
Le meurtre comme… une profession
Léon (Jean Reno) film de Luc Besson, 1994
Si le meurtre a une telle place dans notre société, tout le monde en convient
cependant : pour le bien commettre, il faut des professionnels. Si le cinéma
depuis les polars américains des années cinquante a largement répandu
l’image du gangster et du tueur a gages, les exemples ne s’arrêtent pas là.
La Mort est mon métier de Robert Merle donne la parole aux plus grands bourreaux
du XXe siècle, ceux qui ont fait une réalité de l’utopie d’Adolf Hitler. Et il y a une
multitude de détails techniques à prendre en compte quand on veut traiter «10 000
unités par 24 heures ».
Pär Lagerkvist revisite l’image du Bourreau du Moyen Age dans une nouvelle
éponyme où le Symbole et la Mort reflètent les peurs de toute une société.
John Woo est l’un des grands maîtres du cinéma d’action, inspirateur de Tarantino ou
Gans. Chez lui, on assiste à un véritable ballet où les flingues éjaculent des douilles à
profusion ; où l’on ne bute quelqu’un que si le geste est beau… Son Killer est son
étendard.
Le meurtre :
ciment des sociétés
Les sociétés se construisent autour d’un certain nombre d’éléments factuels,
de valeurs communes, mais aussi de plaies et de peurs partagées.
Ainsi, nous appartenons à la même société
parce que nous appartenons à une société bâtie sur ou contre les idées
de totalitarismes, de lettres de cachet ou de rumeurs sur le croque-mitaine…
Le meurtre généralisé
Pablo Picasso, Guernica, 1937
E
n 1936, Lemkin invente le terme de « génocide ». Ce type de meurtre
collectif, popularisé par l’idéologie nazie et l’extermination des juifs (cf :
l’œuvre ultime : Shoah de Claude Lanzmann) ne se limite pas au seul XXe
siècle.
Frits Van den Berghe, Généalogie, 1929
Ils y sont tous, pas un ne manque. Classés par ordre alphabétique dans de courts articles
raisonnés, Klaus Barbie côtoie Gengis Khan, les Arméniens voisinent les Kurdes,
l’Indonésie jouxte Treblinka : Le Livre noir de l’humanité : encyclopédie mondiale
des génocides de Israël W. Charny est un livre de chevet !
Tandis qu’Adorno prônait la mort de la poésie après Auschwitz, des musiciens polonais
ont offert des œuvres emblématiques, éthérées, aux plus grands maux de ces années
noires : Krysztof Pendericki joue le Thrène à la mémoire des victimes
d’Hiroshima ; tandis que Henryk Górecki, avec sa Symphonie n°3 fait entendre une
musique mystique atemporelle.
La victimologie est souvent sous-représentée… Jean Hatzfeld dans son étude Une
saison de machettes prend le contre-pied de la plupart de ses confrères en se penchant
sur les bourreaux de la guerre du Rwanda : ceux qui tiennent les machettes, ceux qui se
sont retrouvés là, un peu par hasard mais n’en ont pas moins un palmarès terrifiant…
Le meurtre autocratique
Eugène Delacroix, La Mort de Sardanapale, 182 7
«L e pouvoir tue ; le pouvoir absolu tue absolument » (Rudolf Rummel).
Les exemples historiques sont légion : les dictateurs sont des gens de pouvoir
et quel est le plus grand pouvoir que celui de voir sa vision des choses
triompher, sa volonté faire force de loi, ses crimes réalisés, impunis voire
sacralisés.
Antonin A rtaud
Antonin Artaud, le poète halluciné, torturé, s’empare d’un personnage méconnu d’un
baroque décadent : Héliogabale ! La rencontre de deux monstres.
Qui a dit que le haschich diminuait les capacités ? Dans le Moyen-Orient médiéval, un
groupe de fumeurs de chanvre à la recherche du paradis se fait une spécialité du meurtre
politique : les Hachichin. Le mot francisé, a donné : Assassins ; à lire dans Les
Assassins : terrorisme et politique dans l’islam médiéval de Bernard Lewis.
Dans J’ai choisi, extrait de Théâtre de notre temps, Tewfik El Hakim, l’un des plus
grands dramaturges arabes du XXe siècle, met en scène un bourreau en prise avec les
autorités politiques et juridiques dont l’enjeu n’est autre que la vie d’un homme.
C’est par Eisenstein que Carl Theodor Dreyer découvre le gros plan. Il en fait un
véritable hymne en s’emparant du thème de La Passion de Jeanne d’Arc dans un film
exceptionnel qui magnifie les visages et les transcende.
Le Meurtre et les institutions légales
Francisco de Goya, Tres de mayo, 1814
Face aux meurtres, les sociétés se sont dû de réagir. Pas forcément pour
l’éradiquer mais au moins pour l’endiguer, le contenir dans des limites
raisonnables, rationnelles, appréhendables. Une double interrogation soustend ce positionnement des institutions face au meurtre : comment réagir face
au meurtre commis ? Et comment employer le meurtre comme moyen légal ?
Douze hommes en colère de Sydney Lumet. Attention chef d’œuvre ! Un film unique
qui décortique les enjeux du pouvoir, les motifs d’action et de jugement d’un groupe
d’individus ayant reçu la tâche suprême de juger un meurtrier présumé dans le cadre de
la loi.
« Si l’on veut abolir la peine de mort, que messieurs les assassins commencent ». Cette
boutade de Alphonse Karr qui semble frappée au coin du bon sens s’est vue démentie
dans moult démocraties modernes. En France, un texte comme le Pull-over rouge de
Gilles Perrault n’a pas été sans influence sur l’abolition de la peine capitale.
Le meurtre, en tant qu’il est un crime, se doit d’être sanctionné par le pouvoir (état,
nation, monarchie, etc.). Œuvre d’historien passionnante, pierre angulaire des études
criminologiques, Surveiller et punir de Michel Foucault se lit comme un roman.
Le meurtre :
particularité des communautés
Les cellules sociales se rétrécissent, le meurtre perdure…
Au plus proche de l’individu (travail, associations, amis, familles),
cette figure de l’homicide reste présente, voire se rapproche
car elle endosse les oripeaux de la familiarité, de l’accessibilité…
La culture urbaine du meurtre
L’extension des villes s’est accompagnée d’une densification de la population et
d’une hausse non pas de la criminalité, mais de son fantasme. Qui dit ville, dit
néons, brume et coupe-gorge. Ce furent la cour des miracles, Jack l’éventreur.
Ce sont aujourd’hui les ghettos de Brooklyn ou les favelas brésiliennes.
Les légendes urbaines sont devenues un domaine d’étude universitaire, le cinéma
les magnifie : tout concourt à cette fascination du meurtre urbain !
Les films sur la mafia japonaise de Takeshi Kitano sont pétris de violence contenue, de
silence pesant : tout en non-dit. Ainsi en va-t-il de Sonatine : on croit voir un film de
Yakuzas, on s’étonne de découvrir – affleurant – un film poétique ; on voulait voir un
film d’action, on ne retiendra que la magie de scènes qui sont parmi les plus belles du
cinéma mondial.
Medellin… Un seul mot qui charrie tout un imaginaire de l’insécurité et du meurtre, du
meurtre dans la rue, en plein jour, gratuit ou entre bandes rivales. La Vierge des tueurs
de Fernando Vallejo en présente une version sans compromis, désespérée et glauque.
Et puis dans les grandes villes comme New York, il y a parfois des poutres trop lourdes
chutant du haut des immeubles et défigurant à jamais des individus accédant au statut
de cadavres… Á lire dans le livre culte d'Herbert Lieberman : La Nuit du solstice.
La comédie du meurtre
James Ensor, Squelettes se dis putant un pendu, 1891
R éaction naturelle face à un sujet qui effraie : le rire.
Ainsi en va-t-il du meurtre : les tentatives ne manquent pas pour l’amadouer
et le dédramatiser par la comédie. On se moque du cadavre, on rit des
survivants, on maquille les meurtriers, etc.
Masque Kyôgen
Rashomon : un chef d’œuvre, un exercice littéraire de qualité inouïe plongeant ses
racines dans les lointaines traditions du genzaï-mono et de la bouffonnerie du Kyôgen.
Une œuvre authentiquement interactive qui multiplie les pistes pour le lecteur en lui
laissant – au final – toute latitude d’élucidation. À lire chez Ryûnosuke Akutagawa,
mais surtout à voir, à voir absolument dans la version d’Akira Kurosawa.
Eugène Ionesco n’est pas le premier à dire que l’éducation des enfants n’est pas chose
aisée. A fortiori si l’on est leur professeur particulier ou leur précepteur. Et pour peu que
l’élève soit particulièrement obtus (ou le maître particulièrement impatient), on peut en
arriver à des extrémités… extrêmes : ainsi en va-t-il dans La Leçon.
En danse contemporaine, des artistes se sont amusés avec ce thème. Jean Gaudin avec
ses Autruches revisite le thème du polar et parodie les grands mythes littéraires et
cinématographiques du détective, de la vamp et des gangsters.
Le Meurtre domestique (é)
Jacques Louis David, La Mort de Marat, 1793
Le meurtre est entré dans les villes, dans les réunions. Il est aussi entré dans
les chaumières… Non pas les maisons où il aurait pénétré, comme un voleur,
un intrus ; mais dans les chaumières, c’est-à-dire dans les couples et dans les
familles. Le meurtre est un membre de la parentèle…
Revoici l’éternel trio de la femme, du mari et de l’amant propulsé dans le monde du
théâtre, monde des illusions. Ruggiero Leoncavallo, avec son Pagliacci, a sans doute
signé l’un des opéras les plus faciles d’accès, armé d’airs parmi les plus réussis.
Le scénario est celui d’un « blockbuster » américain. On pourrait y trouver les gros
moyens et les invraisemblances de mise. Et pourtant, Louis Malle a fait de son
Ascenseur pour l’échafaud, ce fleuron de la Nouvelle Vague, un film superbe et feutré,
dont les errances nocturnes dans la ville sont sublimées par la trompette de Miles Davis.
Rien de tel pour cimenter un couple qu’un petit meurtre… Paul Buck a créé deux
personnages improbables – laids, parias – qui n’ont d’autre choix pour s’en sortir que
d’utiliser le meurtre. Ce sont Les Tueurs de la lune de miel.
Le meurtre
et l’individu
Le meurtre n’est pas qu’une caractéristique sociale enfantée
par l’agglutinement d’individus.
Il est bien plus : un élément constitutif de la personnalité des gens.
Osons le dire : le meurtre est le propre de l’homme…
L’antre de la folie
Théodore Géricault, Étude d’un modèle
La société se rassure en exhibant ses monstres : schizophrènes, psychopathes,
serial killer en tout genre. Le meurtre concerne avant tout des gens dérangés,
hors du schéma « normal ».
Jack Stem, Dracula
American Psycho de Brett Easton Ellis : Génial, tout simplement génial, parce
qu’inénarrable, inadaptable : le médium de l’écriture fait partie du scénario. L’univers de
l’auteur, à la frontière de la folie, est d’une cruauté acerbe et jouissive. Cerise sur le
gâteau : le livre est immoral !
Vlad Tepes… Lady Bathory… Autant de figures fantasmatiques d’un imaginaire
gothique et d’épouvante. La France n’est pas en reste avec le sergent de Jeanne. Comme
quoi une carrière militaire sous des bannières divines mène à tout ! Voir : Sur les Traces
de Gilles de Rais, dit Barbe-Bleue, d'Olivier et Alain Blanchard.
Le meurtre (de l’) absurde
Stéphane Pencréac’h, Sans titre
M ais le meurtre est bien plus quotidien, bien plus ancré en chacun
de nous : réponse philosophique, existentielle face à un monde étranger.
Le « pourquoi ? » est autant la réponse que la question au meurtre.
« Je me subis ». Petite métaphysique du désespoir, avec ses paradoxes, ses exagérations
et ses aphorismes faciles ou abscons. Parce que le suicide n’est pas un acte mais un état.
Tout Cioran est à lire, à commencer peut-être par Les Cimes du désespoir.
Les Exclus d’Elfriede Jelinek — prix Nobel de littérature en 2004 — brosse un
portrait terrible de la « jeunesse » (comme la nomme les journalistes) : entre haine et
vacuité, entre les Sex Pistols et Sartre, entre Friends et Orange mécanique…
Et que dire de La Corde d’Alfred Hitchcock ? Vraie prouesse cinématographique, le
film se veut un plan séquence de près d’une heure trente. Les raccords sont invisibles :
un nouveau coup de maître pour un huis clos d’intellos snobs meurtriers.
« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. » affirme
Albert Camus dans Le Mythe de Sisyphe. Un siècle et demi avant l’avènement de la
thématique de l’absurde, l’œuvre de Georg Büchner fait montre d’une modernité
absolue : aux côtés du personnage poétique schizophrène de Lenz, il nous entraîne dans
une courte épopée tragique.
Et demain, et ailleurs :
le meurtre
Pas de rémission.
Aucune utopie, aucun futur, aucune uchronie
où l’on ne trouve, lovée, tapie ou sacralisée,
la valeur intrinsèque de toute société humaine : le meurtre.
Encore et toujours...
Robert Motherw ell, Élégie espagnole
«L’ Humanité n’a trouvé à ce jour sa raison d’être que dans
le meurtre. Elle ne s’accomplira que dans sa propre destruction. »
Raymond Cousse
Alex (Malcolm Mc Dowell) Orange mécanique, Stanley Kubrick, 1971
Le paradigme de la société d’ultra violence, on la trouve dans un livre culte devenu film
culte : Orange mécanique (à voir chez Stanley Kubrick ou à lire chez Anthony
Burgess) : société policée, langue maltraitée et Beethoven (oui même Beethoven !)
méconnaissable et pourtant sublime.
Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway : ce pur « ovni », fruit de la
collaboration d’un artiste plasticien et de son acolyte (Michael Nyman pour la Bande
originale) nous propulse dans un monde hors du temps, hypnotique , où le saugrenu
bouscule les petites conventions d’une Angleterre reynoldsienne.
Le meurtre
et cætera...
À lire, à voir, à écouter...
Le meurtre mythique
Popol Vuh
Roman de Baïbars
Épopée de Gilgamesh
Jacqueline Vallon : L’Histoire de Romulus et Remus
Jean-Pierre Tusseau : Les Nibelungen
Hésiode : Théogonie
Virgile : Enéïde
Les figures du meurtre
Nikos Kazantzaki : La Dernière tentation du Christ
Jean-Paul Sartre : Les Mouches
Yussef Idris : Le Tabou
Plutarque : Vie parallèles (César-Brutus)
Benjamin Britten : Abraham et Isaac in : Rejoice in the Iamb
Christopher Hill : La Révolution anglaise : 1640
Le meurtre comme… un art
Joris Karl Huysmans : A rebours
Eugène Cizek : Néron
Lautréamont : Les Chants de Maldoror
Fedor Dostoievski : Crime et châtiment
Marilyn Manson : Antichrist superstar
Nick Cave : Murder ballads
Edgar Allan Poe : Double assassinat dans la rue Morgue
Olivier Lepick : La Grande Guerre chimique : 1914-1918
Metallica : Ride the lightning
Le meurtre comme… une médecine :
Tristan Bernard : De l’art d’accommoder les hommes : histoires de cannibales
Noëlle Chatelet : Dernière Leçon
Chantal Haussaire-Niquet : L’Enfant interrompu
Hippocrate : Art de la Médecine
Pierre Darmon : Médicalisation du crime
Jean-Pierre Soulier : Mourir en paix : quelle médecine en fin de vie ?
Jean Sanitas : Le Sang et le sida
Agatha Christie : Le Meurtre de Roger Ackroyd
Le meurtre comme… un sport
Jean Berton : Grand livre des armes de chasse
Pierre-Jean Corson : Le Safari: équipement, armes, chasse
Oscar Wilde : Salomé
Arthur Penn : La Poursuite impitoyable
Le meurtre comme… une profession
Jean-Pierre Manchette : La Position du tireur couché
Séverin Cécile Abega : Le Bourreau
Luc Besson : Léon
Christophe Gans : Crying Freeman
Jim Jarmush : Ghost Dog : la voie du samouraï
Little Miss Nobody reconstituée par Richard Neave
Le meurtre comme… une science
Le meurtre généralisé
Ibsen About : Mémoire des camps : photographies des camps de concentration
et d’extermination nazis (1933-1999)
Theodor Wiesengrund Adorno : Minima Moralia
Hannah Arendt : Les Origines du totalitarisme : Eichmann à Jérusalem
Aleksandr Isaevitch Soljenitsyne : L’Archipel du Goulag
Eliette Abecassis : Petite métaphysique du meurtre
Luigi Nono : Il Canto Sospeso
Alain Resnais : Nuit et Brouillard
Olivier Messiaen : Quatuor pour la fin du temps
Hans Krasa Brundibar : Children’s opera in two acts
Musée de la musique : Le Troisième Reich et la musique
Annette Insdorf : L’Holocauste à l’écran ( CinémAction )
Le meurtre autocratique
William Shakespeare : Richard III
Serguej Mihaïlovic Eisenstein : Ivan le terrible
Frédéric Rolfe : Les Borgia
Thomas Stearns Eliot : Meurtre dans la cathédrale
Pier Paolo Pasolini : Salo ou les 120 jours de Sodome
Le meurtre et les institutions légales
Cesare Beccaria : Des Délits et des peines
Robert Van Gulick : Les Enquêtes du juge Ti
Robert Badinter : L’Exécution
James Ellroy : American Tabloid
Didier Daenynckx : Meurtres pour mémoire
Photomontage de Paul Rand, No way out (La porte s’ouvre), Joseph L. Mankiewiez, 1950
La culture urbaine du meurtre
Patricia. Cornwell : Jack l’éventreur, affaire classée : portrait d’un tueur
Assassin ; L’Homicide volontaire
Mathieu. Kassovitz : Assassin(s)
Wong Kai Wai : Les Anges déchus
Fritz Lang : M. le Maudit
Francis Ford Coppola : Le Parrain
Martin Scorsese : Taxi driver
La comédie du meurtre
Witold Gombrowicz : Yvonne, Princesse de Bourgogne
Romain Gary : Lady L
Quentin Tarantino : Pulp Fiction
Marcel Carné : Drôle de drame
Woody Allen : Meurtre mystérieux à Manhattan
Le meurtre domestique (é)
Henri-Georges Clouzot / Boileau-Narcejac : Les Diaboliques
Oliver Stone : Natural born killer
Bela Bartok /Paul Dukas : Barbe bleue
Emile Zola / Jean Renoir : La Bête humaine
Georges Bizet : Carmen
Georg William Pabst : Loulou
Alban Berg /Frank Wedekind : Lulu
Caleb Carr : L’Aliéniste
James Ellroy : Crimes en série
Daniel Myrick : Blairwitch project
Alfred Hitchcock : Psychose
David Fincher : Seven
Jonathan Demme : Le Silence des agneaux
Le meurtre (de l’) absurde
William Faulkner : Sanctuaire
Abel Paz : Durruti : un anarchiste espagnol
Albert Camus : L’Étranger
Arthur Schopenhauer : Le Monde comme volonté
Friedrich Nietzsche : Par delà bien et mal : prélude d’une philosophie de l’avenir
Antonin Artaud : Textes surréalistes
Donatien Alphonse François de Sade : Dialogue entre un prêtre et un moribond
Et demain, et ailleurs : le meurtre…
Ridley Scott : Alien
Isaac Asimov : Cavernes d’acier
Jean-Pierre Jeunet : Delicatessen
Richard Fleischer : Soleil Vert
David Lynch : Twin Peaks
Little Miss Nobody reconstituée par Richard Neave
L’antre de la folie
Antoni Tápies
Cette sélection documentaire est une publication de La Bibliothèque,
Ville de Saint-Herblain
Rédaction : Pascal Krajewski
© La Bibliothèque, août 005
LA BIBLIOTHÈQUE
médiathèque Hermeland
Rue François Rabelais – BP 133
44817 – Saint-Herblain cedex
Tél. 02 28 25 25 25
Fax 02 40 95 27 69
[email protected]
Http://la-bibliotheque.saint-herblain.fr
Périphérique Ouest
Sortie Porte de Chézine
Lignes de bus 56, 59, 84

Documents pareils