Bonnes pratiques et indications de la nébulisation en médecine

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Bonnes pratiques et indications de la nébulisation en médecine
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Bonnes pratiques et indications de la nébulisation
en médecine générale
Roger Escamilla, Clinique des Voies Respiratoires,
CHU Larrey, Toulouse.
[email protected]
Introduction
Dans les affections respiratoires, la voie inhalée apparaît logique car elle apporte le
médicament sur le site de l’affection. La nébulisation est de plus en plus utilisée en raison de
sa facilité d’emploi ; cependant, sa prescription reste un acte médical et certaines
connaissances de base sont indispensables.
Pourquoi choisir la nébulisation ?
La nébulisation permet d’administrer des produits à de fortes doses avec des effets
systémiques minorés ; de plus, elle peut être toujours administrée quel que soit l’état clinique
du patient et apparaît comme une modalité thérapeutique de choix des formes aiguës.
Quel nébuliseur (1,2)?
Le choix du nébuliseur dépend de la pathologie à traiter et du médicament à inhaler.
Pour les affections ORL, il faut un nébuliseur produisant un aérosol de grosses particules se
déposant au niveau des voies aériennes supérieures.
Dans les affections bronchiques, la taille idéale des particules pour un dépôt dans les voies
aériennes doit être de 3 à 5 µm.
Un système de nébulisation comporte un générateur, un nébuliseur et une interface patient.
Deux systèmes sont communs : les générateurs pneumatiques et les ultrasoniques. Avec les
générateurs pneumatiques, la préparation médicamenteuse est nébulisée sous l’effet d’un gaz
comprimé alors que pour les générateurs ultrasoniques, l’aérosol est généré sous l’effet des
ultrasons produits par la vibration d’un quartz.
Les pneumatiques ont en leur défaveur leur niveau sonore élevé et un débit d’aérosol
relativement lent 0.5 ml/min ; les ultrasoniques sont silencieux et ont un débit élevé jusqu’à 5
ml/min. Cependant en raison de nombreuses incompatibilités médicamenteuses (pas de
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mélange, pas de molécules thermo-sensibles, pas de suspension), les ultrasoniques sont
réservés à des indications particulières (par exemple humidification).
Les pneumatiques doivent toujours être utilisés en première intention.
Des fonctions annexes peuvent être intégrées au générateur pour favoriser la pénétration de
l’aérosol dans les sinus et les trompes d’Eustache: émission de vibrations sonores (effet
sonique) ou émission de vibrations sonores avec surpression manuelle (effet manosonique)
L’interface est la partie qui est directement en contact avec le patient : Il existe plusieurs types
d’interface le masque naso-buccal, l’embout buccal et les embouts narinaires en ORL.
Le masque naso-buccal, c’est l’interface de l’urgence et des formes aiguës. Il ne
nécessite aucune coopération du patient et est toujours applicable mais il existe une forte
déperdition du produit inhalé et une projection sur la face (toujours essuyer le visage après
une nébulisation).
Dans toutes les autres situations (en subaigu ou en chronique), l’embout buccal
doit être essayé en première intention.
Quels médicaments nébuliser ?
Peu de médicaments ont l’AMM pour la nébulisation, certains ont des indications très ciblées
du domaine du spécialiste,
En pratique, les plus prescrits sont les bronchodilatateurs et les anti-inflammatoires
essentiellement les corticostéroïdes inhalés (1).
Les bronchodilatateurs comprennent les Béta2 mimétiques, terbutaline (BRICANYL) et
salbutamol (VENTOLINE), et un anti-cholinergique l’ipratropium (ATROVENT) ;
ces
produits sont disponibles à l’officine mais leur prescription reste du domaine du spécialiste.
Les corticoïdes comprennent le budésonide (PULMICORT) et plus récemment la
béclométhasone (BECLOSPIN). Les corticoïdes ne doivent pas être nébulisés avec un
générateur ultra-sonique. Ils sont réservés à l’asthme aigu de l’enfant mais ils sont en pratique
également prescrits chez l’adulte. Ces différents médicaments peuvent être associés et
nébulisés simultanément (2).
En ORL , seul le Gomenol soluble (Melaleuca viridiflora) a une AMM.
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D’autres médicaments ont une AMM
pour la nébulisation mais sont du domaine du
spécialiste.
Enfin certains produits reconnus efficaces (sérum salé isotonique) peuvent également être
administrés par nébulisation.
En règle générale, ne pas nébuliser des produits non prévus pour ce mode
d’administration.
Pour quelles indications ?
Dans l’asthme aigü et les exacerbations de BPCO, les Béta2 mimétiques en nébulisation sont
aussi efficaces que par voie veineuse ; Ils sont devenus le traitement de référence en raison de
leur rapidité d’action (5 à 10 min), de leur effet puissant et d’une bonne tolérance même à de
fortes posologies (3). L’ipratropium en association avec les B2 apporte un bénéfice
supplémentaire surtout en cas de gravité initiale et à condition de répéter les doses (4).
Les corticoïdes en nébulisation peuvent représenter une alternative aux corticoïdes
systémiques qui devra être évaluée par des études complémentaires (5).
Dans les formes chroniques, les indications de la nébulisation ne sont pas codifiées (6,7).
Elle reste la seule possible quand les autres modalités de la voie inhalées sont irréalisables en
raison d’une incapacité physique (pathologie ostéo-articulaire évoluée, déficit moteur) ou
« mentale » (démence, trouble de la conscience etc--).
Dans la mucoviscidose, la nébulisation est indiquée pour obtenir une fluidifications des
sécrétions (rh-DNase) ou traiter l’infection chronique à Pseudomonas (tobramycine ou
colimycine).
En ORL, la nébulisation peut être utile dans le traitement des état inflammatoires aigus ou
chroniques des voies aériennes supérieures.
En pratique,
Une séance de nébulisation ne doit pas durer plus de 15 minutes : ce paramètre doit
être pris en compte dans le choix de l’appareil et son réglage.
-
Choisir le meilleur moment
de la journée (par exemple avant une séance de
kinésithérapie)
-
Patient assis, respirant normalement (inspiration lente et profonde si possible)
-
Ne pas parler et garder l’aérosol vertical
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En fin de nébulisation, il reste un volume résiduel (environ 0,5 ml) dans la cuvette
de nébulisation.
Les systèmes à usage unique ne doivent pas être réutilisés. Les systèmes ré-utilisables pour un
même patient doivent être nettoyés après chaque séance ou au moins une fois par jour (laver à
l’eau chaude avec un produit lave-vaisselle le masque ou l’embout buccal et la cuve du
nébuliseur ; pour le compresseur et les tuyaux, suivre l’avis du fabricant et de celui qui aura
appareillé le patient).
En conclusion,
la nébulisation peut permettre d’administrer de manière plus confortable de fortes doses de
médicaments. Cependant, la nébulisation ne doit pas remplacer les autres modalités
de la voie inhalée et dans tous les cas une éducation thérapeutique demeure
incontournable.
Références
1. Dautzenberg B, Becquemin MH, Chaumuzeau JP, Diot P, pour les membres du GAT. Bonnes
pratiques de l’aérosolthérapie par nébulisation. Rev Mal Respir 2007;24:751-757.
2. Chaumuzeau JP. Comment choisir en pratique un appareil de nébulisation?. In B Dautzenberg, P
Diot. L’aérosolthérapie par nébulisation 2°édition, Margaux Orange 2006 ; p 183-188..
3. L’Her E. Révision de la troisième conférence de consensus en réanimation et médecine d’urgence
de 1988 : prise en charge des crises d’asthme aigues graves de l’adulte et de l’enfant (à l’exclusion du
nourrisson). Rev Mal Respir 2002; 19:658-665.
4. Rodrigo JR, Castro-Rodriguez. Anticholinergics in the treatment of children and adults with acute
asthma : a systematic review with meta-analysis. Thorax 2005;60:740-746.
5. Rodrigo JR. Rapid effects of inhaled corticosteroids in acute asthma An evidence-based evaluation.
Chest 2006;130:1301-1311.
6. P Diot, Marcq M, Majoral C, Vecellio L. Nébulisation dans l’asthme chronique de l’adulte. In B
Dautzenberg, P Diot. L’aérosolthérapie par nébulisation 2°édition, Margaux Orange 2006 ; p 75-81.
7. T Chinet. Nébulisation dans les broncho-pneumopathies chroniques obstructives et les dilatations de
bronches. In B Dautzenberg, P Diot. L’aérosolthérapie par nébulisation 2°édition, Margaux Orange
2006 ;p 67-73.

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