(dea) : une nouvelle méthode d`évaluation de la

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(dea) : une nouvelle méthode d`évaluation de la
Journal of Educational Measurement and Applied Cognitive Sciences
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http://www.jemacs.uni.lu/ 2007 volume 1, No 1
DATA ENVELOPMENT ANALYSIS (DEA) : UNE NOUVELLE
MÉTHODE D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE SCOLAIRE.
Djily Diagne, Université de Genève
Résumé :
Cette communication a pour but de présenter la méthode d’évaluation de la
performance scolaire connue sous l’acronyme DEA (Data Envelopment Analysis).
Issue de la programmation linéaire, la méthode DEA a été développée par Charnes,
Cooper et Rhodes en 1978. Elle est particulièrement idoine pour évaluer la
performance dans des domaines complexes comme celui de l’éducation. La méthode
DEA permet de déterminer la frontière efficiente de production ou frontière de
meilleures pratiques d’un ensemble « d’unités de décision ou DMUs (écoles, facultés,
départements, etc.). L’efficience est mesurée sous un angle empirique, à partir de
données observées d’inputs (ressources mobilisées) et d’outputs (résultats réalisés), en
tenant compte de l’environnement plus ou moins favorable dans lequel opère les
DMUs. Les DMUs les plus performantes sont celles qui assurent le meilleur service
avec des ressources minimales. Elles peuvent ainsi servir de référence aux autres
DMUs et une analyse de leurs caractéristiques peut apporter à celles qui sont moins
efficientes des informations susceptibles d’améliorer leur niveau d’efficience. Les
résultats ainsi obtenus peuvent servir de point de départ à une procédure de
benchmarking.
Présentation
Le graphique 1 illustre la construction par la méthode DEA de L(Y) qui représente les
combinaisons minimum d’input par unité d’output ou la frontière de production. Les
établissements scolaires correspondant aux points B, C, et D qui se trouvent sur
l’isoquant sont techniquement efficients. Par contre, l’établissement correspondant au
point A ne l’est pas. Son inefficience est représentée par le segment CA
correspondant aux proportions d’inputs qui pourraient être réduites sans diminution
du montant de l’output. Il est en effet possible de produire le même niveau d’output
CA
avec une diminution de tous les inputs dans la proportion OA
. Ainsi, le degré de
performance (efficience technique) de l’établissement A est mesuré par :ET =
OC
OA
(0≤ ET≤ 1). En d’autres termes, la frontière efficiente est constituée des unités
affichant des scores égaux à 1 ; pour les autres DMUs, le score est compris entre 0 et
1.
La méthode DEA cherche donc à estimer la frontière de production par une courbe
enveloppe formée des segments de droite joignant les entités efficientes (d’où sa
dénomination : data envelopment analysis). D’un point de vue calcul, la construction
de la frontière d’efficience repose sur la résolution, pour chaque établissement
scolaire, d’un problème de programmation linéaire. En effet, le modèle CHARNES,
COOPER et RHODES (1978) ou CCR se base sur la maximisation de la somme
pondérée des outputs rapportée à la somme pondérée des inputs
D. Diagne
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Évaluer la performance scolaire
Graphique1. Principe de la méthode DEA
Contrairement aux méthodes traditionnelles, la méthode DEA ne requiert aucune
hypothèse a priori sur le processus de production des unités de décision. Cet avantage
est important lorsqu’il s’agit de l’éducation car les résultats scolaires sont tributaires
de nombreux facteurs (environnement familial des élèves, effets des pairs, motivation
des élèves, etc.) dont la spécification n’est pas aisée du point de vue du calcul
économique traditionnel. Un autre avantage de la méthode DEA est qu’elle permet
facilement d’intégrer plusieurs inputs et outputs dans l’évaluation, ce qui permet de
mieux tenir compte de la nature multidimensionnelle de l’éducation. On sait, en effet,
que l’output du système éducatif est divers et ne se résume pas aux seuls résultats
scolaires. L’analyse DEA se distingue d’une analyse de tendance centrale comme la
technique de régression du fait que la frontière d’efficience est déterminée du point de
vue de la meilleure pratique. Elle permet de ce fait de comparer chaque école à la plus
performante de l’échantillon et non à une valeur moyenne.
Durant les deux dernières décennies, les applications de la méthode DEA au champ
éducatif ont été nombreuses. Les premiers travaux ont eu lieu aux Etats-Unis :
CHARNES, COOPER et RHODES (1978), BESSENT et al. (1982, 1984), FÄRE et al. (1989)
et RAY (1991). Cette dernière étude est innovatrice car le traitement des variables
socio-économiques dans les modèles DEA a été amélioré. Contrairement aux études
précédentes, Ray propose en effet de ne tenir compte dans l’analyse DEA que des
variables sous le contrôle des écoles. Ainsi, l’efficience de chaque école est calculée
uniquement avec les inputs qu’elle contrôle. L’étape suivante consiste alors à
régresser les taux d’efficience obtenus sur les facteurs d’environnement qui ne sont
pas sous son contrôle. L’idée de l’auteur est d’isoler, pour les écoles inefficientes,
l’effet des conditions externes, d’une part, et celui de la mauvaise gestion, d’autre
part. Plusieurs auteurs ont par la suite adopté cette démarche en deux étapes. Par
exemple, KIRJAVAINEN et LOIKKANEN (1998) utilisent un modèle Tobit après
l’analyse DEA pour tenter d’expliquer les déterminants de l’efficience des écoles
secondaires finlandaises. Elles trouvent des taux d’efficience moyens variant entre 82
et 84% selon les modèles, et constatent que le niveau d’éducation des parents joue un
rôle déterminant comme facteur explicatif des écarts de performance des écoles.
D. Diagne
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Évaluer la performance scolaire
BRADLEY et al. (2001) utilisent également la méthode DEA et un modèle Tobit pour
évaluer l’efficience technique des écoles secondaires anglaises. Les taux d’efficience
moyens obtenus sont compris entre 83 et 75%. Ces auteurs trouvent que la
concurrence entre établissements scolaires améliore le niveau d’efficience des écoles
analysées. Ce dernier résultat est confirmé par WALDO (2002) qui étudie la
performance des écoles secondaires suédoises à l’aide de la méthode DEA.
Le propos de cette communication est de présenter la première application de la
méthode DEA au système éducatif suisse, et en particulier aux écoles de maturité
suisse romandes.
Références
Bessent, A. M. & Bessent, E. W. (1980), Determining the Comparative Efficiency
of Schools through Data Envelopment Analysis, Educational Administration
Quarterly 16, 57-75.
Bessent, A. M., Bessent, E. W., Kennington, J. & Reagan, B. (1982), “An
Application of Mathematical Programming to Assess Productivity in the Houston
Independent School District”, Management Science 28, 1355-1367.
Bonesrønning, H. & Rattsø, J. (1994), “Efficiency variation among the Norwegian
high schools: consequences of equalization policy”, Economics of Education Review
13, 289-304.
Bradley, S., Johnes, G. et Millington, J. (2001), “The effect of competition on the
efficiency of secondary schools in England”, European Journal of Operational
Research, 135, 545-568.
Charnes, A., Cooper, W.W. & Rhodes, E. (1978), “Measuring the efficiency of
decision making units”, European Journal of Operational Research 2, 429-444.
Färe, R., Grosskopf, S. & Weber, W. L. (1989), “Measuring school district
performance”, Public Finance Quarterly 17, 409-428.
Kirjavainen, T. & Loikkanen, H.A. (1998), “Efficiency Differences of Finnish
Senior Secondary Schools: An Application of DEA and Tobit Analysis”, Economics
of Education Review 17, 377-394.
McCarty, T. & Yaisawarng, S. (1993), Technical efficiency in New Jersey school
districts, in Lovell et al. (eds.), The Measurement of Productive Efficiency, 271-287,
Oxford University Press, New York.
Ray, S.C. (1991), “Resource-use efficiency in public schools: A study of
Connecticut data”, Management Science 37, 1620-1628.
Waldo, S. (2001), “Municipalities as Educational Producers – An Efficiency
Approach”, Mimeo, Lund University.