Maison de santé pluridisciplinaire !

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Maison de santé pluridisciplinaire !
Maison de santé
pluridisciplinaire !
L’objectif essentiel est d’améliorer l’offre en soins de premier recours, et la qualité de ces
soins dans les zones où la désertification médicale menace. Les autres objectifs de cette
structure (25) sont d’améliorer la qualité d’exercice professionnel, de conforter
l’accessibilité, la continuité et la permanence des soins, de développer la prévention,
d’améliorer l’attractivité pour les professionnels de santé, et d’améliorer leur qualité de vie.
L’idée est de regrouper sur un même lieu géographique des professionnels de santé de
spécialités différentes, de mieux les organiser et de mutualiser les moyens. Ceci permet de
mieux « coller» à la demande des jeunes générations de médecins, et notamment des
femmes médecins, afin de favoriser leur installation en zone déficitaire en professionnels de
santé. Mais il faut dans le même temps que ce regroupement (qui nécessite un
investissement important) s’accompagne d’une amélioration de la qualité du service rendu
à la population.
1 La MSPD et la continuité des soins :
-regrouper plusieurs professionnels de santé sur un site permet d’offrir aux patients des
plages horaires plus étendues, et d’optimiser ainsi les plages d’ouverture de la maison
médicale.
-cette structure permet la mise en place de consultations avancées de spécialistes.
-la mise en place d’une MSPD est l’occasion d’améliorer la coordination médicosociale. Il s’agit là certainement d’un des aspects les plus novateurs de cette
structure.
La prise en charge du patient autrefois « cloisonnée » en médicale et sociale, doit
être actuellement globale et la plus rapide possible. Il s’agit de passer d’une logique
de soins à une logique de santé en décloisonnant la gouvernance actuelle (André
ROUSSET, Président du Conseil Régional d’Aquitaine, Colloque du 26 Mai 2008 à l’Hôtel
de Région à Bordeaux, les Agences Régionales de Santé).
Cette prise en charge médico-sociale est rendue impérative par le vieillissement de la
population, le développement des maladies chroniques, l’augmentation du nombre
de personnes dépendantes, et le développement des soins à domicile. Cette
MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47 Page 1 meilleure coordination passe par l’implantation au sein même de la MSPD des
services sociaux à commencer par une permanence d’assistante sociale, mais aussi
de l’ASSAD, l’ADNR, l’hospitalisation à domicile, le CLIC….
-La MSPD doit être dotée d’un réseau informatique rendant tout ou partie du dossier
patient accessible aux autres professionnels de santé. Il permettra d’autre part la
connexion avec d’autres structures (hospitalières ou privées), avec les réseaux de
soins à travers un réseau informatique sécurisé (par exemple Télesanté AquitaineAquitaine) de manière à avoir accés aux compte-rendus d’hospitalisation, la lettre de
sortie, le compte-rendu opératoire, les comptes-rendus des soins (projet PADSET-ARH
Aquitaine))….ce réseau doit être sécurisé (mot de passe personnel), adaptable aux
souhaits de chaque professionnel.
- Elle facilite ainsi les réunions, discussions des professionnels autour des cas plus
complexes, la formation médicale continue (le cahier des charges des MSPD prévoit
une salle de réunion). Ces réunions peuvent être d’ailleurs dématerialisées (projet
Télésanté Aquitaine- ARH Aquitaine).
2 la MSPD et la permanence des soins : (à travers les professionnels de santé qui
exercent en son sein) Il ne s’agit en aucun cas de ramener toute la permanence des
soins sur cette structure (la garde est assurée par tous les médecins du secteur
concerné, qu’ils appartiennent à la MSPD ou non, et rappelons à ce propos que la
réglementation impose que soit inscrit sur le tableau de garde le nom du médecin et
non la structure à laquelle il appartient).
Elle doit être pensée comme étant accessible et facilement identifiable par les
patients (lieu d’implantation, signalétique, accès aux personnes handicapées)
lorsqu’un des professionnels de cette structure est de garde. Un bureau peut être
dédié à cette fonction, facilement accessible depuis l’extérieur, et sécurisé. Il est
nécessaire de prévoir un parking dans le projet architectural.
3 La MSPD permet d’améliorer l’exercice professionnel :
Il s’agit d’abord de décharger les médecins de certaines tâches administratives, ou
sociales, afin de les recentrer sur leur cœur de métier, les soins. Une des plaintes
fréquemment entendues de la part de nos confrères est qu’ils sont surchargés de tâches
administratives, notamment lorsqu’il faut organiser la prise en charge sociale d’un
patient. Ce transfert de tâches permettrait ainsi de libérer du « temps-médecin »
supplémentaire, et rendre le médecin disponible pour d’autres patients.
Redonner aux médecins leur cœur de métier (écoute, examen clinique,
examens complémentaires, et mise en place des traitements), c’est leur
permettre d’améliorer la qualité des soins, individuelle et collective (au sens de
la Santé publique), car ces taches là nécessitent une compétence médicale
MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47 Page 2 que seuls les médecins peuvent donner. Dans un contexte de pénurie
médicale, la « dilution » du temps médical à ces taches qui ne nécessitent pas
une compétence médicale spécifique est une perte de chance de qualité des
Le regroupement des professionnels de santé permet de mutualiser les moyens
(Secrétaire administrative, personnel d’accueil, standard téléphonique, informatique,
entretien nettoyage, aménagement d’une salle de soins, ramassage des déchets de
soins….mais aussi locaux partagés), et ainsi de diminuer les coûts de fonctionnement
tout en augmentant sa qualité de vie professionnelle.
Ce regroupement permet dans le même temps d’assurer les remplacements, les
absences pour congés et formation médicale, et de rompre l’isolement auquel sont
confrontés nos confrères ruraux exerçant seuls. Enfin l’exercice en groupe est
beaucoup plus attractif pour un éventuel successeur ou associé comme en témoigne
le sondage BVA des étudiants et jeunes médecins (17).
La MSPD doit se rendre attractive pour nos jeunes confrères et consœurs :
-un lieu de vie (studio) est prévu dans le cahier de charges de la maison de
santé pluridisciplinaire afin de proposer un hébergement aux étudiants en stage, ou
au remplaçant. On comprend très bien qu’un étudiant ne pourra assumer la charge
financière de l’hébergement sur son lieu d’étude et en plus un hébergement près de
son lieu de stage (les étudiants bordelais choisissent préférentiellement un lieu de
stage leur permettant de rester à leur domicile). (40 % des jeunes confrères qui
s’installent en médecine libérale rurale ont fait un stage près du lieu où ils vont
exercer).
-il est souhaitable de favoriser la formation de maîtres de stage au sein de la
population des professionnels de santé exerçant dans la MSPD. (Sans maître de stage,
pas d’étudiants, et donc peu de chance de trouver un successeur).
-cette structure doit favoriser l’exercice à temps partiel, en prévoyant un
cabinet de consultation dédié à cet exercice (il s’agit là d’une demande très
fréquente de la part de nos jeunes consœurs). (17)
Plus généralement la MSPD permet d’améliorer la qualité d’exercice professionnel,
car en regroupant différents professionnels sur le même site, elle permet un échange
de pratiques dans un cadre multi professionnel (prise en charge multidisciplinaire d’un
patient), pour chaque professionnel de diversifier sa pratique, d’avoir un métier plus
intéressant, et d’avoir plus de temps pour sa vie privée. On peut espérer ainsi limiter les
MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47 Page 3 départs prématurés de nos confrères vers d’autres zones plus richement dotées en
médecins (phénomène récent de désinstallation).
4 Elle facilite le travail en équipe pluridisciplinaire (médecins, infirmières,
kinésithérapeutes, psychologue, orthophoniste…) dans la maison et sur le territoire.
Cette structure doit participer aux réseaux de soins (réseau de cancérologie
d’Aquitaine, réseau en soins palliatifs, réseaux de gériatrie, diabète,…). Ces réseaux
sont déjà en place, et le projet de MSPD doit prendre en compte cette coopération
(correspondant au sein de la maison multidisciplinaire, connexion des réseaux
informatiques, formation médicale continue…).
Les professionnels de cette MSPD participeront aux actions de santé publique telle que le
dépistage des cancers, les études épidémiologiques, la veille sanitaire. Ce regroupement
de professionnels permettra de mener des actions de prévention (éducation thérapeutique
pour les patients atteints de maladies chroniques). Il s’agira d’actions individuelles ou
collectives, parfois multiprofessionnelles, mobilisant médecins, infirmières, psychologues et
diététiciens, et la structure doit prévoir un bureau affecté à ces actions. Les infirmières sont
ici en première ligne. Il s’agit d’un autre aspect novateur de ces structures de professionnels,
la prévention est au cœur du dispositif prévu dans l’avant-projet de loi « patient, santé et
territoire ».
Enfin il faut prévoir tous les acteurs de la prise en charge sociale, à travers des schémas
départementaux par exemple la protection maternelle et infantile, et le centre local
d’information et de coordination (CLIC).
Pour clore ce thème, il faut insister sur le fait que le MSPD n’est pas un simple regroupement
de professionnels. Il s’agit là d’une prise en charge globale du patient, centrée autour de ce
dernier à la fois au plan médical et au plan social (l’évolution de la population française
notamment dans les zones rurales se faisant vers le vieillissement et la dépendance), et
d’une population territoriale en bonne santé exposée à des facteurs de risque.
Ce projet ne peut être qu’un projet ambitieux, il ne peut pas y avoir de petite maison
médicale multidisciplinaire : regrouper sur le même site une prise en charge à la fois
médicale et sociale, les soins curateurs et la prévention, est une amélioration évidente de la
qualité des soins, et à moyen terme une économie financière certaine.
Pour les Médecins :
Se regrouper permet de mutualiser
et d’optimiser les moyens,
d’améliorer son exercice, et au
plan personnel de ne pas être isolé,
de trouver remplaçant et
successeurs, de dégager du temps
MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47 Page 4 D’autres pays ont été confrontés à une réduction de l’offre de soins, et plus exactement à
une inégalité de la répartition des professionnels sur leur territoire.
Plusieurs mesures ont été testées, l’IRDES dans un rapport publié en 2006 (18) et intitulé
« Comment améliorer la répartition géographique des professionnels de santé ? », fait une
revue des différentes mesures testées et de leurs résultats.
Au stade de la formation initiale, l’augmentation des effectifs globaux (numerus
clausus) est restée sans effet. Les médecins continuent à s’établir dans les zones à forte
concentration (étude réalisée aux USA, au Canada, au Royaume-Uni). Le recrutement
sélectif semble prometteur, les étudiants originaires des zones défavorisées ou rurales
semblent plus enclins à y exercer. Ainsi stimuler l’intérêt pour un exercice particulier,
renforcer la capacité à exercer en zones défavorisées par un cursus universitaire spécifique,
ou encore localiser des stages de formation dans les zones sensibles (Australie, Canada et
USA) semble plus pertinent. Accorder des bourses ou des aides financières à un étudiant a
eu quelques effets pervers comme le montre une étude réalisée aux Etats-Unis depuis 1970,
et au Canada depuis 1990. L’impact est bon à court terme, la mesure est inefficace au-delà
(probablement en raison de la limitation dans le temps de l’obligation de s’installer en zones
déficitaires, de la possibilité de rachat du prêt consenti) ; il existe manifestement un effet
d’aubaine, et un risque de compétition entre les régions qui ferait monter les enchères…
Les facteurs
déterminants
Avant installation :
Connaissance de l’environnement, sexe
le choix du
masculin, vie de couple
lieu
d’exercice du Attentes professionnelles (pratique de
groupe, maitrise de la charge de travail,
médecin
Après installation :
Caractéristiques personnelles (sentiment
d’efficacité, de défis relevés.)
qualité des relations professionnelles…)
Attentes professionnelles (charge de
travail stable, qualité des relations
professionnelles, satisfactions…)
Attentes en termes de qualité de vie (taille
minimum de la communauté,
infrastructures scolaires culturelles, emploi
du conjoint)
Conditions de vie (constitution d’un
réseau social, équilibre vie professionnelle
et vie familiale, appartenance à la
communauté)
D’après Billodeau et all. 2006, Barer et Stodart, 1999 ; Simoens et Hurst , 2006
MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47 Page 5 Des politiques de contraintes voire de limitation de la liberté à l’installation ont été
testées :
La limitation en zone dite surpeuplée (Royaume uni, Allemagne) a eu peu
d’efficacité, et n’a pas amené d’amélioration de la qualité des soins (en Angleterre, cette
mesure est encore trop récente pour pouvoir mesurer l’impact réel. La N. H. S. a la possibilité
d’augmenter jusqu’à 6 % le nombre de médecins dans les zones dites surpeuplées, il semble
que les médecins déjà installés en zone aient tendance à réduire leur activité, le nombre de
consultations sur la zone étudiée reste stable alors que le nombre de médecins a augmenté.
En Colombie britannique (Canada), le dispositif est abandonné en raison d’une
incompatibilité juridique (atteinte aux libertés fondamentales). Depuis 1993, en Allemagne,
le conventionnement à l’installation est limité dans les zones de surdensité médicale. Le
constat est qu’il n’y a pas eu d’amélioration de la répartition des professionnels, et que cela
a provoqué un détournement des étudiants vers d’autres filières universitaires. D’autres pays
ont installé des contraintes pour les médecins étrangers tels les USA (limitée à la première
installation), le Canada (5 ans), et l’Australie (10 ans), le constat est une efficacité à court
terme, mais un faible impact à moyen et long terme.
Ont été testées ensuite des aides financières au maintien ou à l’installation en zones
déficitaires : les aides financières dont la majoration de la rémunération (Québec, Ontario,
royaume uni, Australie) ont eu une Influence modérée à court terme, et très limitée à long
terme.
Les aides en nature telles que l’indemnisation des dépenses de Formation Médicale
Continue, des déplacements, le financement total ou partiel des dépenses d’investissement
(médecine de groupe, télémédecine, réseaux), ont fait l’objet de peu d’évaluations alors
que ces mesures semblent être considérées par les auteurs comme centrales dans la lutte
contre l’isolement.
On voit donc qu’il n’existe pas de solution miraculeuse, unique et durable !
Cette étude pose donc la question de la pertinence de la logique de saturation de l’offre ;
en d’autres termes est-il licite en termes de santé publique de vouloir à tout prix maintenir un
médecin sur un territoire, alors que c’est une solution qui n’est pas viable à long terme, et
faut-il déjà réfléchir à une autre façon d’organiser les soins primaires sur ce territoire.
Elle montre par ailleurs que les stratégies uniquement financières sont un échec, il semble
bien que ce soient les politiques de réforme de la formation médicale initiale des médecins,
puis le ciblage des étudiants (selon leur origine géographique) qui donneraient les meilleurs
résultats afin d’améliorer la répartition de ces professionnels de santé.
Le succès passe très probablement par l’association des différentes mesures précédemment
décrites, l’approche conjointe des différents professionnels de la santé et du social, et enfin
l’articulation des leviers locaux, régionaux en tenant compte des politiques
d’aménagement du territoire.
MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47 Page 6 La maison de santé pluridisciplinaire s’inscrit dans la maitrise conjointe de ces déterminants.
Comment attirer de nouveaux praticiens sur une zone sous-médicalisée ou en
voie de l’être ?
MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47 Page 7 Les mesures isolées sont inefficaces…..
En conclusion, la maison de santé multidisciplinaire apparaît comme un moyen fort
d’optimiser les moyens humains existants, d’attirer de jeunes praticiens, de manière à
maintenir le maillage territorial en soins de premier recours, et dans le même temps
d’améliorer la qualité du service rendu à la population.
Il s’agit au travers cette maison médicale d’améliorer la continuité et la permanence des
soins, et dans le même temps de proposer une prise en charge globale, médicale et
sociale, aux patients qui seront plus âgés et plus dépendants dans les années à venir
(notamment en zone rurale), et dans le même temps de développer la prévention.
Mais la maison médicale n’est pas le seul moyen de maintenir un maillage territorial en soins
de premier recours, elle ne peut se concevoir que dans un plan d’ensemble, alliant aides et
incitations financières à une politique d’aménagement du territoire. Ceci dépasse largement
la compétence du professionnel de santé quel qu’il soit, et montre bien qu’une maison de
santé pluridisciplinaire est un projet « multiculturel » impliquant outre les professionnels, les
élus politiques locaux, ainsi que les institutionnels.
MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47 Page 8 Le schéma suivant résume l’ensemble des objectifs à atteindre à travers la maison médicale
de santé pluridisciplinaire afin de lutter contre la désertification
médicale.
MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47 Page 9 MSPD Eric Fretillere Conseil Régional de l’Ordre des Médecins d’Aquitaine CDOM 47Page 10