La Crucifixion du retable d`Issenheim
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La Crucifixion du retable d`Issenheim
fiche de visite La Crucifixion du retable d’Issenheim A la fin de son procès, après avoir subi des supplices et des humiliations (on appelle cela la Dérision du Christ), Jésus est condamné à être crucifié. On lui reproche d’être un imposteur en se présentant comme le roi des juifs (C’est ce que dit, ironiquement, l’inscription INRI -Iesus Nazarenus Rex Iudeorum- ). Mais c’est aussi un agitateur, les idées d’amour qu’il prêche sont un danger pour le pouvoir politique et religieux mis en place par la puissance romaine en Judée. La foule et les soldats ont quitté la colline du Golghota, lieu sinistre du supplice. Après des heures de souffrance, Jésus vient de rendre son dernier soupir : tout à coup, l’obscurité d’une éclipse envahit la terre. Trois personnes sont restées pour accompagner les derniers instants de Jésus : sa mère Marie, couverte d’un voile blanc comme un linceul, soutenue par l’apôtre Jean, et, agenouillée, cheveux défaits, Marie-Madeleine. A droite, un autre personnage est là comme un fantôme. C’est Jean-Baptiste qui est lui-même mort depuis cinq ans. Le peintre le fait revenir pour lui donner la parole une dernière fois. C’est un prophète. Il avait tout annoncé, de la naissance de Jésus à sa mort, et a encore un important message à transmettre : ses mots s’inscrivent dans la peinture. Il est accompagné d’un agneau qui saigne. Ce n’est pas un animal : c’est un symbole, celui du sacrifice qui vient d’avoir lieu et qui en rappelle un plus ancien. Au fond, la nuit inquiétante de l’éclipse. Mais on perçoit cependant un paysage : des collines, un feu, à gauche, sur l’horizon ? Derrière la scène, en contrebas, est-ce un fleuve ou la vallée ? Des formes carrées, régulières, y sont visibles : serait-ce des constructions? Le camp des soldats romains ? Jean Baptiste désigne le Christ, et nous parle. Les paroles qu’il prononce s’incrivent : “Il faut qu’il croisse, et que je diminue”. (“Moi, Jean-Baptiste, je fais partie de l’ancien testament, je vous avais apporté un message, mais maintenant c’est lui, le Christ, que vous devez suivre et écout e r.”) La mère de Jésus vient de perdre son fils, elle est effondrée, son visage est aussi pâle que son voile. L’apôtre le plus jeune, Jean, la soutient dans sa douleur. On reconnait Marie -Madeleine au flacon de parfum posé à ses côtés. Lors de sa première rencontre avec Jésus, elle lui avait lavé les pieds avec du parfum, en signe de dévotion. Dans le Retable, la bible, le livre de référence, est présentée plusieurs fois, comme le miroir des scènes. (Dans Un agneau porte une croix, il saigne, et son sang s’écoule comme celui du crucifié : c’est le symbole du sacrifice qui a eu lieu... l’Annonciation -devant Marie et mon tré par Isaïe-, dans la Crucifixion, et dans l’Agression). Dans l’Agression de saint Antoine, il était montré fermé, au sol, presque abandonné, dans son enveloppe déchirée évoquant les langes de l’enfant nouveau-né, mais aussi le perizonium ( l’étoffe qui couvre les hanches du Christ). La prédelle montre la Déploration du Christ. On retrouve les trois personnages de la crucifixion. Pour se moquer de Jésus et le faire souffrir, les bourreaux lui avaient mis une couronne d’épines sur la tête. Jésus va être mis au tombeau, enveloppé d’un linceul. C’est cette même étoffe blanche qui couvrait Marie dans la Crucifixion. Mais elle va prendre des couleurs de vie, celle de l’arc-en-ciel, lors de la Résurrection. Tu veux mieux connaître cette œuvre ? Retourne cette fiche... MIEUX VOIR LE TRAVAIL DU PEINTRE LA COMPOSITION, LA FORCE DES CONTRASTES DE LUMIÈRE ET DE COULEUR TRADUISENT L’ANGOISSE VERTIGINEUSE DE LA MORT, UNE TENSION EXTRÊME. UNE PEINTURE QUI FAIT PEUR. la poutre tranversale de la croix, en bois brut, est tendue comme un arc, au point de rupture. le corps du crucifié est distendu par son propre poids. Seul élément de stabilité : La position de Jean Baptiste, verticale, les pieds bien ancrés sur terre apporte une assurance. C’est lui qui détient les clefs : le regar deur peut se fier à son livre et à sa parole. Il porte une pelisse (une peau de chameau) rouge comme une flamme. Le groupe de saint Jean, la Vierge et MarieMadeleine est en position de déséquilibre, presque à la renverse, submergé par la douleur. Trois groupes, comme un triptyque. La croix est décentrée -une raison technique: ne pas être coupée par la limite des deux panneaux-, mais ce décalage crée un déséquilibre qui, pour le spectateur, rajoute au malaise. DÉFORMATIONS, TENSIONS, TORSIONS la poutre verticale est vrillée et entraîne le corps dans cette torsion. LE CORPS, LE BOIS Les mains se tordent comme du bois qui brûle. Le bras de saint Jean est démesurément allongé, il enserre la taille de Marie pour la soutenir et la protéger. Sa main est comme la griffe d’un aigle. ROUGE, NOIR, LIVIDE La lumière solaire, divine, s’est éteinte. Seuls, le corps, le voile, l’agneau donnent une clarté lunaire,sourde, froi de. Mais le rouge (du Feu de saint Antoine) apporte un violent contraste. Dans l’angoisse de la nuit, du doute, le feu couve. SAVOIR ET COMPRENDRE L’idée de sacrifice est centrale, dans l’ancien testament, et dans l’évangile (le nouveau testament). Un testament (c’est ainsi que sont nommées les deux parties de la Bible des chrétiens), c’est un texte qui est légué à ceux qui survivent pour pouvoir s’organiser à partir d’un héritage. Se sacrifier, c’est donner sa vie pour quelqu’un. Dans l’Ancien testament (la première partie de la bible des Chrétiens), Abraham, qui voulait sacrifier son fils à Dieu (suivant d’anciens rites païens) en est empêché. A sa place, il sacrifie un agneau. Dans certaines cultures religieuses cet évènement est rappelé chaque année à travers des cérémonies et des repas de fête rituels. Dans l’histoire du Nouveau testament (la seconde partie de la bible à partir de l’arrivée de Jésus), le sacrifice de Jésus (sa mort sur la croix) à la suite de ses souffrances (sa passion), est lié à ce premier évènement (l’agneau placé au pied de la croix en témoigne, mais c’est aussi un message nouveau. Quel est ce message, ce “testament”? Pour être en accord avec les “nouvelles lois” il ne s’agit plus de sacrifier quelque chose, mais de se sacrifier, soi-même. Accepter de souffrir par amour pour les autres, à l’exemple de Jésus, pour espérer profiter plus tard d’un autre monde ? Et pour les malades soignés à la commanderie d’Issenheim, agenouillés devant le retable, accepter, comme un don du ciel, les souffrances du Feu de saint Antoine, le mal des ardents. RAYONNEMENT De l’ensemble des peintures du Retable, c’est la Crucifixion et sa force plastique qui fascine le plus les peintres. Ainsi, par exemple, au vingtième siècle, les expressionnistes comme Otto Dix, ou le grand peintre anglais Francis Bacon, et Picasso, y ont puisé une énergie pour produire eux-mêmes des chefs-d’œuvres.