Brigitte - Nora Awada
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Brigitte - Nora Awada
interview donc la musique a toujours été présente à la maison mais je n’imaginais pas qu’on puisse en faire un métier. C’était un grand soulagement de me dire que j’avais trouvé ma voie! Comment est né ce projet des Brigitte en 2008? Aurélie: On avait envie de tout arrêter parce que la «galère» était longue. Cela faisait longtemps qu’on essayait de percer, chacune de son côté, et que ça ne marchait pas. On s’est dit: «soit on arrête, on s’occupe de nos enfants et on monte un restaurant, ou alors on se lance dans un ultime projet ensemble parce qu’on s’apprécie beaucoup et qu’on a envie de faire quelque chose ensemble.» Donc on a décidé d’écrire des chansons pour le plaisir et comme c’était peut-être la dernière chose musicale qu’on ferait, on s’est dit qu’on le ferait librement, en faisant tout ce qui nous passerait par la tête, tout ce qu’on avait toujours voulu faire sans jamais oser… «Brigitte» Les mamans rockeuses Et tout cela s’est décidé autour d’un fallafel? Sylvie: On se croisait, on se connaissait, on se côtoyait depuis des années quand Aurélie m’a proposé de déjeuner avec elle à «L’As du Fallafel», rue des rosiers, à Paris. À la fin elle m’a dit: «J’ai quelque chose à te demander, tu veux bien former un groupe avec moi?», c’était comme une demande en mariage, et j’ai dit oui. Je m’en suis même voulu de ne pas y avoir pensé plus tôt! Elles forment le duo français le plus déjanté, le plus féminin et le plus en vue cette année. Après une tournée aux quatre coins de l’Europe, et à l’occasion d’un concert au Music Hall de Beyrouth le 16 décembre, elle nous racontent leur rencontre et nous livrent les secrets de leur succès. 44 8 femme sont toutes les femmes qu’elles veulent représenter. Aujourd’hui, vos deux voix se marient à merveille, la magie fut-elle immédiate? Dans quelle musique avez-vous grandi et évolué? Aurélie: Quand on a commencé à travailler ensemble, on s’est rendu compte qu’on pouvait écrire ensemble, et que c’était facile, l’inspiration venait, c’était fluide. Nous n’avons jamais eu l’angoisse de la page blanche, jamais buté sur une chanson, ni même abandonné un titre en se disant qu’on n’y arrivait pas. Il y a quelque chose de très constructif quand on est ensemble. Vocalement, s’est pareil. Quand on a commencé à joindre nos deux voix, nous n’avons plus pu nous séparer. Je suis incapable de chanter sans Sylvie aujourd’hui! Aurélie: Quand j’étais petite, je me souviens être tombée sur Boy George et Culture Club et ce fut une révélation. Sinon, à la maison, nous écoutions beaucoup de musique orientale – parce que mes parents sont de Tunisie –, africaine – parce qu’on allait beaucoup en Côte d’Ivoire et au Sénégal –, du rock et du hip-hop comme toutes les adolescentes et du jazz parce que j’ai fait beaucoup de piano. Sylvie: Moi mon père faisait de la guitare, AFP. S ylvie Horau – la jolie brune à lunettes de 42 ans – et Aurélie Saada – la sulfureuse blonde de 33 ans – ont toutes les deux eu des carrières solo pendant des années, mais c’est en duo qu’elle ont rencontré le succès. Leur disque «Et vous… tu m’aimes?» sorti en février 2011 en France s’est vendu à plus de 200 000 exemplaires. Ces deux mamans y mixent chanson française friponne et folk rétro dans des morceaux sensuels et décalés. Leur nom de scène, elles l’ont choisi en hommage aux «Brigitte»: Bardot pour leur jeu sexy, Fontaine pour la provoc, et La Haie pour le côté trash, mais ce Comment écrivez-vous et composez-vous à deux? Sylvie: C’est un travail en miroir, un ping-pong. Chacune rebondit sur l’idée de l’autre et apporte de nouvelles propositions et cela se fait de manière très naturelle, en discutant, en essayant… Et il y a une telle manière d’articuler nos voix ensemble, un tel plaisir de chanter et d’écrire ensemble, de sentir que nos idées s’équilibrent, qu’il n’y a pas d’envie de tirer la couverture, d’imposer un choix, il s’agit simplement de construire ensemble de la même manière que nos voix s’imbriquent. Aurélie: On s’est aidées à s’épanouir. Je ne me suis personnellement jamais sentie aussi femme, aussi responsable, aussi vivante de faire quelque chose qui me ressemble. Pourtant je partage la maternité de ce projet avec quelqu’un d’autre, mais quelque chose de nous s’est révélé en travaillant en duo: on s’est raconté nos vies, on a pleuré l’une dans les bras de l’autre, on a ri, on avait les bébés autour de nous, je donnais le sein pendant qu’on écrivait les chansons. Cela est-il différent que de travailler avec des hommes comme vous avez pu le faire chacune dans vos carrières précédentes? Aurélie: C’est plus efficace de travailler entre femmes, on se ressemble. Je ne sais pas si c’est notre faute ou celle des hommes, mais on leur prête toujours un savoir que nous, femmes, n’aurions peut-être pas. Ensemble, on ne s’est pas posé la question de «qui savait quoi», on ne savait pas se servir d’un logiciel d’enregistrement et bien on s’est débrouillé pour apprendre, on a trouvé des solutions et on compose aujourd’hui seules de derrière notre ordinateur. Vous avez été récompensées aux Victoires de la Musique comme le «Groupe révélation scène». À quoi ressemblent vos concerts? Aurélie: La scène a toujours été importante pour nous. Parmi les moultes références qui nous ont inspirées, nous avons le cinéma, le jazz, le hip-hop, les films de Jacques Demy, Marylin Monroe, les divas des années 50… On avait envie de quelque chose de glamour, un peu fou, AurÉlie Saada et Sylvie Horau au festival de cannes 2012 faire des chorégraphies décalées, avec des habits à paillettes, des musiciens habillés d’une certaine manière en référence à «Orange mécanique», et il y a aussi de fausses chèvres en guise de cerbères pour nous tenir compagnie! (Rires) D’être au Liban, qu’est-ce que cela vous fait? Sylvie: C’est toujours plaisant d’être dans un pays où on se dit que personne ne nous connaît et que, pourtant, des gens vont venir nous voir. C’est assez étonnant. Nous sommes au bout du monde, peut-être que certaines personnes dans le public ne vont pas comprendre ce qu’on va chanter, mais elles seront là. Et, apprécier ce moment avec nous, c’est génial! Aurélie: La cuisine moyen-orientale me rend complètement folle, je suis dingue de houmous, je veux absolument aller dans un supermarché pour ramener des choses avec moi… ces saveurs, c’est ma madeleine de Proust! Quels sont vos projets pour l’année 2013? Écrire un nouvel album et donner les quelques concerts qui nous restent. Et surtout nous occuper de nos familles, de nos enfants. Nous les avons très peu vus ces deux dernières années car nous étions beaucoup sur les routes. On a envie d’aller les chercher à l’école et d’être auprès d’eux… Nora Awada Naufal femme 7 45