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insee premiere
LA VENTE
PAR CORRESPONDANCE
Michèle Lavigne, Division Commerce, Insee
lus de 10% des articles d’habillement et du linge de maison sont
vendus par correspondance. Cette
forme de vente, qui couvre un large éventail de produits, ne représente pourtant
que 2,6 % du commerce de détail. Parmi
les 900 entreprises de vente par correspondance, les quinze plus grandes réalisent les trois quarts du chiffre d’affaires
du secteur. Elles s’appuient sur une logistique de pointe et un circuit d’approvisionnement court. Epargnée en 1992 et
1993 par le ralentissement de la consommation des ménages, la vente par correspondance stagne à son tour depuis 1994.
A l’origine, les catalogues offraient une
grande variété de produits à une clientèle
rurale, éloignée des grands centres commerciaux. Aujourd’hui, la clientèle est plutôt citadine et apprécie de pouvoir choisir ses achats
après une journée de travail, même si elle fréquente aussi les grandes surfaces en fin de
semaine. Les professionnels estiment qu’un
ménage français sur deux achète par correspondance (Cf. Pour comprendre ces résultats). Cette proportion est plus élevée parmi
les personnes retraitées. En moyenne, un
français achète annuellement pour 660 francs
par correspondance (valeur hors taxe en 1993 ).
C’est peu par rapport à l’Allemagne où le montant annuel est de plus de 1500 francs par personne et où le chiffre d’affaires de la vente
par correspondance (VPC) dépasse 5%
du commerce de détail, mais c’est plus que
dans les autres pays européens.
Qu’ils soient proposés chez les marchands de
journaux ou envoyés à domicile, les catalogues
de vente par correspondance ont pour le
consommateur, l’attrait des magazines de
mode. Mais surtout, le client est séduit par la
facilité de choix, l’information disponible sur
chaque produit, les facilités de commande et de
livraison et la nouveauté des produits.
Un cycle conjoncturel particulier
P
➀
Taux de croissance du chiffre d’affaires
de la VPC (1)
Contrairement aux ventes du commerce de
détail non alimentaire qui se sont essouflées
dès le début des années 90 (graphique 1),
la VPC a connu une croissance accélérée
jusqu’en 1993, la progression annuelle de
son chiffre d’affaires atteignant alors 6 %.
En 1994 cette croissance s’est arrêtée
(+ 0,6 % seulement), plaçant le secteur de
la VPC dans une situation identique à celle
de l’ensemble du commerce de détail non
alimentaire (hors pharmacie). Les pro duits
forts de la v ente par co rrespo ndan ce,
habillement et linge de maison, ont été
sensibles à la détérioration de la conjoncture,
mais, dans un premier temps, les achats
par correspondance ont été moins restreints
que les achats en magasin. L’achat à distance
est en effet plus réfléchi et moins impulsif ;
il reflète le comportement prudent des ménages
pendant la crise.
Du catalogue au CD-ROM
(1) en valeur TTC
Source : Compte du commerce 1994, Insee
La stagnation de la VPC en 1994 a incité
plus encore les entreprises à rechercher de
nouveaux clients grâce aux moyens modernes de communication. La VPC utilise en effet
un support intermédiaire qui permet de diffuser largement l’offre de produits. A côté du
INSEE PREMIERE
N° 408 - NOVEMBRE 1995
PRIX : 14 F
traditionnel support papier, "le catalogue" ,
il y a maintenant des supports plus récents : émission télévisuelle, serveur
minitel, support numérique comme un
compact-disque interactif ou un CDROM (disque optique compact). Certains de ces supports limitent
cependant la diffusion de l’offre aux
seuls ménages qui ont investi dans
l’équipement permettant de les lire
(micro-ordinateurs). D’autres, comme le
minitel qui a un coût d’investissement quasiment nul pour le consommateur, permettent déjà d’atteindre une large
clientèle. Autre moyen de diffusion, le
téléachat (Cf. Pour comprendre ces résultats) n’a pas encore le succès escompté
malgré une croissance prometteuse tant
en France qu’à l’étranger.
part la plus importante de la
VPC : 42% en 1993, année où les ventes d’habillement par correspondance
ont totalisé plus de 16 milliards de
francs et dépassé 10% de part de marché dans ces produits (graphique 2).
Même si elle a cherché à se diversifier
dans d’autres lignes de produits ces
dernières années, la VPC n’a diminué
que très modérément la part relative de
ses ventes d’habillement.
Le linge de maison ne représente que
8% de la vente par correspondance.
Toutefois, cette forme de vente lui est
particulièrement adaptée et a conquis
12% du marché.
Articles d’habillement et linge
de maison, produits phares de
la VPC
La VPC concerne surtout les produits non alimentaires : les produits
d’équipement de la maison, de la
personne, mais aussi les produits
de culture et de loisirs - livres, disques
ou vidéo (tableau 1). Traditionnellement, l’habillement représente la
Le service de livraison à domicile est un
avantage offert par la vente par correspondance pour les articles encombrants. Aussi, pour les articles
d’ameublement, la VPC atteint une part
de marché de près de 8%, juste après
les produits d’habillement et le linge de
maison. Les ventes d’ameublement représentent environ 11% du total des
ventes par correspondance, en seconde position derrière l’habillement.
➊
➁
Les 15 entreprises de plus
de 200 salariés de la VPC
Entreprises
Becquet
Camif
Damart serviposte
Editions atlas
Répartition des ventes et parts de marché de la VPC
type de
catalogue
textile
général
habillement
livres
Etablissements movitex
habillement
La blanche porte
habillement
La maison de valerie
Un avantage compétitif pour
d’autres articles
équipement
de la maison
La redoute
Maty
général
bijoux
Neckermann
habillement
Quelle la source
habillement
Sadas
habillement
Européenne de diffusion
alimentaire
Société VPC promotion
habillement
Trois Suisses France
Source : EAE commerce 1993, Insee
général
Sur le marché des livres et de la papeterie, la VPC atteint 7% des ventes de
détail. Cette part de marché assez importante résulte de prix compétitifs et
de la facilité de choix que procure un
catalogue. Livres et papeterie représentent 6,3% de la VPC.
L’électroménager (y compris les radios, télévisions, disques et cassettes)
réalise 9% des ventes par correspondance. Cependant, en terme de part
de marché, la VPC de ces produits ne
se classe que médiocrement (4 %) : le
service après vente de l’électroménager
est plus problématique pour la vente à distance. Les produits alimentaires vendus
par correspondance se limitent le plus
souvent à la confiserie, au chocolat, au
café, aux conserves et aux vins. Les
"supermarchés à domicile", qui proposent sur catalogue l’équivalent d’un
supermarché, ont été créés au début
des années 1980. Ils ne se sont pas
beaucoup développés car ils visent une
clientèle à haut revenu. Les coûts de
distribution sont en effet plus élevés
que dans les grandes surfaces alimentaires et sont difficilement compressibles. Ces entreprises de supermarchés
à domicile, comme Télémarket, ont un
rayon d’action limité au milieu urbain.
Source : EAE commerce 1993, Insee
La VPC, un secteur très concentré
Avec près de 900 d’entreprises, la VPC emploie environ 24 000 salariés (tableau 2),
soit 2% des effectifs salariés du commerce de détail. Les 15 entreprises de
plus de 200 salariés réalisent les troisquarts du chiffre d’affaires du secteur
de la VPC (tableau 3) . Elles représentent 5% du nombre des grands distributeurs français (plus de 200
salariés), alors que la part du secteur
de la VPC dans l’ensemble des entreprises du commerce de détail n’est
que de 2,6% . Ce secteur est donc
fortement concentré, même si une
moitié du millier d’entreprises de VPC
n’a aucun salarié.
La vente par correspondance a d’abord
été utilisée par des industriels qui
voyaient là un moyen d’élargir leur
clientèle sans investir dans un réseau
de magas in s. Ainsi, les grandes
entreprises actuelles de la VPC sont
souvent d’anciennes entreprises industrielles, pour la plupart installées dans
le Nord de la France. A titre d’exemple, La Redoute et Les Trois Suisses
étaient initialement des entreprises de
filature confrontées à une crise de surproduction ; elles ont peu à peu abandonné la production pour devenir
exclusivement des entreprises de distribution. D’autres entreprises de l’industrie et de l’édition écoulent
toujours une partie ou la totalité de
leur production par ce canal (Bergère de France, France-Loisirs,
Yves Rocher, ...).
La VPC est aussi pratiquée par des
commerçants de détail, en complément de leurs ventes en magasin ;
mais leur importance reste marginale :
environ 4 % des ventes par correspondance sont le fait d’entreprises du
commerce de détail dont l’activité principale n’est pas la VPC. Cependant, le
développement des nouveaux moyens
de communication permettant en particulier d’atteindre une clientèle étrangère, intéresse certains distributeurs
en magasins qui n’ont pas, pour l’instant, d’expérience de vente par correspondance.
A l’inverse, les entreprises de VPC
peuvent avoir des magasins ou vendre
par démarchage à domicile ou sur les
marchés. Ces entreprises assurent
cependant 92% de leurs ventes par
correspondance ; elles n’utilisent les
ventes en magasin ou d’autres modes
➋
Nombre d’entreprises, chiffre d’affaires et effectifs de la VPC
chiffre
d’affaires
( en milliards )
nombre
d’entreprises
VPC
889
38
24
81
23
11
808
16
14
à catalogue général
à catalogue spécialisé
Grands Magasins
30
23
19
47 127
106
131
230 848
567
608
Secteur de l’habillement
Commerce de détail non
alimentaire hors pharmacie
salariés au
31/12/93
( en milliers )
Source : EAE commerce 1993, Insee
➌
Chiffre d’affaires des entreprises de VPC en 1993
nombre
d’entreprises
Effectifs
chiffre d’affaires
en millions de
francs (2)
en % (1)
0 salarié
498
3,4
1 315
1-2 salariés
121
0,5
159
3-5 salariés
90
1,9
736
6-9 salariés
70
1,7
644
10-19 salariés
55
3,7
1 420
20-49 salariés
29
5,7
2 209
50-199 salariés
11
6,1
2 349
au moins 200 salariés
15
77,0
29 662
Total
889
100
38 494
(1) en % du chiffre d’affaire total de la VPC
(2) hors taxes
Source : EAE commerce 1993, Insee
➍
Principaux ratios de la VPC (1)
En %
VPC
marge
sur
CAHT
valeur
ajoutée
sur
CAHT
frais de
personnel
sur
CAHT
EBE
sur
CAHT
EBE
sur
VA
49,7
15,1
10,6
4,4
29,4
à catalogue général
46,9
15,2
10,9
4,3
28,5
à catalogue spécialisé
53,7
14,9
10,3
4,6
30,8
Grands Magasins
37,9
22,6
15,3
7,3
32,3
Secteur de l’habillement
41,9
24,7
16,6
8,1
32,7
(1) entreprises de 10 salariés et plus
Source : EAE commerce 1993, Insee
de vente qu’à titre complémentaire.
Aux ventes par correspondance des
détaillants, s’ajoutent celles réalisées
directement par des industriels ou des
éditeurs. Elles s’élevaient, en 1993, à
plus de 10 % des ventes réalisées par
l’ensemble des entreprises du commerce. De part les moyens mis en oeuvre,
la VPC reste une affaire de spécialistes :
c’est un mode de distribution à part entière
qui demande des investissements et
des méthodes particulières.
Une structure des coûts
particulière...
Le taux de valeur ajoutée par rapport
au chiffre d’affaires est, en moyenne,
d’environ 15% pour la VPC (tableau 4).
Ce taux, assez faible pour un secteur
essentiellement non alimentaire, résulte de frais d’exploitation élevés. En
effet, les charges externes (Cf. Pour
comprendre ces résultats) , dans le squ elle s s on t co mptabilis és les
frais d e c once ptio n e t publication
des catalogues, s’élèvent à plus de
30% du chiffre d’affaires. Par comparaison, elles sont de 15 à 16% du chiffre d’affaires pour la vente en magasin
des commerçants de l’habillement ou
des Grands Magasins.
Les frais de personnel sont en revanche moins élevés dans la VPC : ils
représentent environ 20% de la marge
contre le double chez les détaillants
spécialisés en habillement et les
Grands Magasins. La vente par correspondance est en effet utilisatrice
d’une main d’oeuvre qualifiée mais
moins nombreuse que chez les détaillants. La proportion de salariés à
temps partiel (23%) y est légèrement
moins élevée que pour la moyenne du
commerce de détail, en effet cette
forme de vente n’a pas les contraintes
d’horaires d’ouverture des magasins.
Cette structure de coûts conduit les
entreprises de VPC à appliquer des
taux de marge élevés, de l’ordre de
50%, soit dix points de plus que les
principaux secteurs concurrents qui
n’offrent pas le même service.
...mais une logistique de pointe
Les investissements immobiliers nécessaires à ce mode de distribution
sont plus faibles et d’un autre type que
ceux des détaillants en magasins ils
concernent des entrepôts, rarement
des magasins de vente. Les investissements directs en matériel de transport ne sont pas plus importants que
dans les autres secteurs du commerce
de détail. En effet, ces entreprises utilisent beaucoup les services postaux
publics ou bien sous-traitent à des entreprises de transport (qui peuvent
être une entreprise filiale). Seules les
entreprises de moins de 10 salariés
achètent du matériel de transport
(33% de leurs investissements).
La caractéristique de ce secteur est de
gérer une masse compacte de marchandises en entrée et de les redistribuer en millions de colis. La création
d’un entrepôt moderne avec des
rayonnages et des convoyeurs automatisés est donc une nécessité et une
charge. Certains des entrepôts les
plus récents permettent de réaliser un
colis en 10 minutes, y compris le
temps pour prélever les marchandises
dans les stocks. Cette mécanisation
poussée de la réalisation des colis permet d’absorber les pointes d’activité. Le
volume des commandes est en effet
marqué par une forte saisonnalité : août-septembre pour les catalogues généraux, fêtes de fin d’année ou
fête des mères pour les parfums, les
bijoux et les vins.
Pour s’approvisionner, les grandes
entreprises de vente par correspondance passent peu par les centrales
d’achats et les grossistes. Leur taille
et leur mode de fonctionnement les incitent à avoir directement des liens
avec les producteurs. Elles en diffusent les marques ou leur font fabriquer
des produits diffusés sous marque
propre. Ce circuit court permet de rester concurrentiel malgré un taux de
marge élevé.
Pour en savoir plus
"Les Entreprises du commerce en 1993",
Insee-Résultats (à paraître au quatrième
trimestre 1995)
"Le Commerce de détail dans le marché
unique européen de 1993", EurostatCommission Européenne
Le Syndicat des Entreprises de Vente
par Correspondance et à Distance
(SEVPCD) réalise chaque mois parmi
ses adhérents une enquête portant sur
l’évolution de leurs ventes.
La part de l’excédent brut d’exploitation
(EBE) dans la valeur ajoutée des entreprises de 10 salariés et plus est du même
ordre de grandeur dans le secteur de la
VPC et dans les secteurs concurrents.
Mais, l’ EBE rapporté au chiffre d’affaires
est moitié moindre dans le secteur de la
VPC ; il faut donc davantage de ventes
dans ce secteur pour obtenir un niveau
de résultat comparable.
Pour comprendre
ces résultats
La vente par correspondance, telle qu’on l’entend dans cette étude, comprend toutes les formes de ventes à distance, c’est à dire sans que
le client et le vendeur soient en présence l’un de
l’autre. Cette forme de vente nécessite un catalogue, général ou spécialisé, dont le support peut
être le papier, l’électronique, la télévision ou la
télématique. Le téléachat, par exemple, permet
au client de choisir des produits présentés lors
d’une émission de télévision et de les commander à distance (par téléphone, minitel, ...).
La vente par correspondance dans le commerce de détail - à laquelle on se limite ici - ne
concerne que la vente de biens à des particuliers. Sont donc exclus, les services offerts à
distance ainsi que les offres de biens et de
services à destination des entreprises.
Une entreprise du commerce de détail appartient au secteur de la VPC si elle réalise plus
de la moitié de la valeur de ses ventes par
correspondance.
Les charges externes couvrent notamment les
achats d’études, de services, la sous-traitance,
les redevances de crédit-bail, les primes d’assurances, les déplacements, les frais de publicité
et les rémunérations d’intermédiaires. Dans le
secteur de la VPC, les frais de conception et
d’édition de catalogues représentent les principaux postes des charges externes.
La marge mesure l’écart entre le chiffre
d’ affai res et le c oût des m archandi ses
vendues. Le taux de marge rapporte cette
marge au chiffre d’affaires.
La valeur ajoutée mesure l’écart entre la marge
ci-dessus et les charges externes augmentées
des achats hors marchandises destinées à être
revendues.
L’ excédent brut d’exploitation mesure l’écart
entre la valeur ajoutée et les frais de personnel.
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ISSN 0997 - 3192
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