Remettre la douleur de la lombalgie chronique à sa juste place

Transcription

Remettre la douleur de la lombalgie chronique à sa juste place
Remettre la douleur de la lombalgie chronique à
sa juste place
Apport de la technique Mézières pour accompagner la patient vers cet objectif
Chantal Jarry
AMIK Promotion 2011-2013
« Sois sage, ô ma douleur, et tiens toi plus tranquille »
Charles Baudelaire « Recueillement »
REMERCIEMENTS
A tous les membres de l’équipe de formation de l’AMIK pour la passion avec laquelle ils partagent
leurs connaissances et expériences :
Frédéric et Sylvie Sider
Marie-Christine Matthieu
Bénédicte Dubois
Patrick Courtin
A Mme B. pour sa coopération tout en confiance
Pag
Consultation
INTRODUCTION
Depuis les débuts de mon activité de kiné « classique » deux doutes m’ont accompagné :
Je suis souvent débordée par le temps, la sacro sainte demi heure est toujours trop courte.
Le travail localisé me laisse une impression d’inachevé
Un jour j’ai découvert la méthode Mézières chez un collègue et j’ai compris que c est de cette façon
là que je me sentirai juste et confortable dans mon travail.
J’ai commencé à oser prendre des patients en Méthode Mézières dès la fin de la première semaine
de formation. J’expliquais aux patients que j’étais en cours de formation et que j’allais chercher avec
eux.
Parmi ces patients, une m’a plus particulièrement marquée. Elle me demandait à chaque retour de
stage ce que j’avais appris de nouveau et c’est une véritable coopération qui s’est établie au fur et à
mesure de nos rencontres.
Son parcours de lombalgique chronique en faisait une patiente découragée par la kinésithérapie
classique et décourageante pour les kinésithérapeutes classiques.
Au moment de notre rencontre, elle suivait une thérapie comportementale et pratiquait l’ hypnose
avec son médecin généraliste. Elle découvre la méthode Mezière sur internet et compléte ce
tableau de prise en charge en prenant contact
A cette date je venais de visionner une très courte vidéo dessin animé australienne sur la douleur.
Ce document, destiné aux patients, s’ inspire des travaux de deux chercheurs neurophysiologistes
australiens David Buttler et Lorimer Mosley mondialement reconnus ds leurs travaux sur la douleur.
Leur éclairage nouveau et didactique apporté par la vidéo m’a permis de commencer à modifier
mon regard sur la douleur chronique.
Nous étions 3 praticiens concernés. Les centres anti douleurs n’existant pas à Casablanca, nous en
avons constitué un virtuellement et avons appris les uns des autres. C ‘est cette collaboration qui
m’a permis d’aborder la douleur différemment.
C’est dans cette aventure en équipe, à la découverte de la douleur chronique, que je vous
emmène maintenant
1. LA LOMBALGIE CHRONIQUE
La prévalence de la lombalgie (sur leur vie entière) dans la population adulte varie selon les études
de 66% à 75%. Ceci signifie que 66% à 75% des personnes souffriront au moins une fois dans leur
vie de lombalgie.
10% des lombalgies communes (35% actes de kiné en France en 1998) aigues ou subaigues se
transforment en lombalgie chronique.
C’est la troisième cause d’invalidité en France (HAS)
Et la première avant 45 ans
La lombalgie commune devient chronique après trois mois d’évolution.
Elle résulte le plus souvent de plusieurs facteurs, généralement intriqués.
On doit à ce stade considérer les différents facteurs intervenants dans la lombalgie chronique
Facteurs patho-anatomiques
Dans la plupart des lombalgies chroniques un diagnostic patho-anatomique précis ne peut pas être
fait.
La présence d'éléments anormaux à l'imagerie n'est pas associée à la douleur.
Faire un IRM précoce pour des problèmes de dos mineurs aboutit à un mauvais pronostic (risque de
chirurgie, congé maladie..) et la mauvaise communication des praticiens peut avoir aussi cette
influence. Le discours qui tend à imputer les douleurs à de l’arthrose, une hernie ou une
dégénérescence de disque tend à chroniciser le patient
Facteurs physiques
Les patients présentant des lombalgies chroniques démontrent une incapacité à relâcher les
muscles du dos et une co-contraction excessive des muscles du tronc.
Ils adoptent également des comportements inadaptés pour leurs mouvements, pouvant être
associés à des changements dans le système nerveux central.
Le niveau d'activité des muscles du dos est corrélé à l'intensité de la douleur, au niveau d’incapacité
fonctionnelle et aux facteurs psychiques
Facteurs liés au style de vie
Le tabagisme, la sédentarité, l'inactivité, l'obésité, le stress sont des facteurs de risques de
lombalgie.
Facteurs cognitifs et psycho-sociaux
Des croyances négatives, la peur du mouvement et de l'activité sont plus prédictifs d'incapacité que
le niveau de douleur. Un langage inapproprié du thérapeute peut aussi influencer cela.
Les facteurs émotionnels que sont la peur, le stress, l'anxiété, la dépression, le catastrophisme
tendent à renforcer les comportements inappropriés et donc la douleur et l'incapacité, mais aussi à
dérégler le fonctionnement neuro-endocrinien des voies de la douleur.
Facteurs sociaux
Le travail, le stress familial, un travail insatisfaisant, un niveau socio-économique bas, les facteurs
culturels ont une influence sur les croyances vis à vis de la douleur et l'implication du patient.
Facteurs neuro-physiologiques
La lombalgie chronique est associée à des changements au niveau du cerveau (changement dans
le cortex sensori-moteur, perte de matière grise, manque d'inhibition de la douleur...) qui contribuent
à des changements sensoriels diffus et une altération motrice du mouvement.
Une revue de littérature (1) fait ressortir les points suivants
- les facteurs psycho-sociaux ont une influence supérieure sur l’incapacité lombaire par rapport au
facteur bio-mécaniques
- la kinésiophobie est associé à l’évolution chronique de la lombalgie
C’est un véritable déconditionnement physique et psychique
TRAITEMENT
Au cours des trente dernières années, le traitement des lombalgies chroniques s’est modifié en
passant d’un modèle biomédical (la lésion est à l’origine de la douleur qui disparaît avec la
réparation des tissus) vers un modèle biopsychosocial (Waddel 1984) résultant en l’émergence
de programmes multidisciplinaires.
Le modèle biopsychosocial a permis de conclure qu’il est plus efficace de cibler
les croyances et les comportements contribuant à la douleur que de traiter simplement le
symptôme douloureux.
Il est indispensable cependant de comprendre ce phénomène douloureux dans toute prise en
charge
La guérison est longue et difficile elle peut durer des mois ou des années
Quels sont les facteurs de risque de chronicité d’une lombalgie aigue ?
Pour déterminer ces risques, il existe des critères appelés yellow flag ou drapeaux jaunes :
- attitude pessimiste, peur du mouvement et de l'activité
- problèmes liés au travail (insatisfaction, conflits)
- problèmes émotionnels (dépression, anxiété, inquiétude)
- désir d'un traitement passif, peu de capacité à faire face
- antécédents d'épisodes de lombalgie à long terme
2. LA DOULEUR
« La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion
tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en termes d'une telle lésion » (2)
Cette définition explique clairement que chacun vit sa propre expérience individuelle de la douleur
avec toute la difficulté de partager cette expérience avec les autres.
C est un signal d’alarme qui informe le corps et nous oblige à protéger nos tissus.
Lorsque l’on se brûle la main par exemple, le retrait automatique est immédiat et protecteur. Il n’est
pas conscient, c’est un système de protection. L’information devient consciente une fois parvenue
au cerveau.
C’est le désagrément qui rend la douleur pénible et nous pousse à l’éviter.
Cette pénibilité détermine le seuil de la douleur.
Ce seuil est très variable d’un individu à l’autre et aussi dans le temps pour un même individu.
Le cerveau va mémoriser toutes les expériences de douleurs ainsi que leurs circonstances
d’apparition. Ces expériences douloureuses mémorisées vont permettre à l’organisme de se
protéger ultérieurement. Ainsi l’individu va éviter de se retrouver dans une situation équivalente
(brulure)
On parle d’apprentissage.
La neurophysiologie a permis de démontrer que les influx nerveux électriques et les mécanismes de
contrôle de la douleur sont effectués en grande partie par le cerveau. (3)
- La douleur est un phénomène excessivement complexe et non une unique sensation produite par
un seul stimulus
- La nociception (signaux d’alerte en provenance des tissus corporels) n’est ni nécessaire ni
suffisante pour engendrer la douleur
- Il faut une interprétation de ces influx par le cerveau pour les transformer en
douleur consciente
- Le cerveau cartographie les stimuli périphériques et centraux dans chacune de ces composantes
et à plusieurs niveaux. Un stimulus thérapeutique à un seul de ces niveaux, peut suffire à résoudre
le problème.
Il aurait été plus facile pour soigner la douleur d’avoir repéré un centre de la douleur dans le
cerveau, mais il n’existe pas. On se trouve face à un véritable réseau de communication entre les
différentes aires affectives cognitives et sensorielles
Les neurophysiologistes ont nommé ce réseau décisionnel : la matrice ou neuromatrice
La douleur a donc plusieurs composantes :
- sensitive
- cognitive (les pensées, les croyances),
- comportementale (ce que l’on fait ou ne fait pas pour lutter contre la douleur)
- émotionnelle (colère, tristesse, non-acceptation).
- autonome
A ces interactions au niveau des aires cérébrales s’ajoutent des interactions au niveau médullaires
avec les relais et leur mécanisme modulateurs (inhibition ou activation)
Un flux constant d’info entre ds le SNC :
- classement par la matrice (en fonction des expériences passées)
- état émotionnel
- connaissances
- système immunitaire
- entrées sensorielles
- intégration pour donner
- une perception consciente de douleur
- des réactions physiques et comportementales
Que se passe t il quand la douleur devient chronique ?
La douleur chronique est une douleur aiguë qui s’est transformée :
- aggravée par des facteurs multiples
Lors d’un traumatisme initial au cours d’un accident par exemple, la douleur induite peut perdurer du
fait de phénomènes indépendants de la douleur tels un stress survenu
lors de l’accident, une difficulté avec le travail ou la famille.
- inutile, elle a perdu son rôle de protection de l’organisme
- et son évolution habituelle est l’entretien du processus douloureux (et non la réparation).
Le système nerveux continue à entretenir le message douloureux alors que la lésion initiale est
guérie. Il s’agit alors d’un auto-entretien de la douleur à l’origine d’un véritable cercle vicieux.
Cette douleur n’aide donc pas l’organisme à guérir, au contraire elle le fatigue, l’empêche de dormir,
entraîne du stress, de l’inactivité...
On parle alors de « douleur-maladie » et non plus de douleur symptôme
C’est un système nerveux qui dysfonctionne,
Le mécanisme s’est emballé
Tous les niveaux sont concernés :
- niveau périphérique décharge spontanée d’influx nerveux depuis nerfs depuis moelle
amplification de l’intensité influx normaux
- ralentissement des mécanismes inhibiteurs au niveau de la moelle et du cerveau
- décharge au niveau du centre de coordination cérébral
- communication déficiente dans la matrice
Ces « douleurs-maladie » ont des retentissements généraux au-delà de l’organe ou de la partie du
corps concernés.
La composante psycho-affective de la douleur est déterminante.
La personne malade amplifie parfois inconsciemment sa plainte de peur que sa douleur soit niée ou
mal comprise par son entourage familial et professionnel.
S’y ajoute la crainte que cette douleur soit mise en doute par des soignants consultés.
La plainte douloureuse s’accompagne d’une fatigabilité anormale, une perte d’intérêt, des troubles
de l’attention ou du sommeil, une modification du comportement :
- repli sur soi
- baisse d’activité physique et sociale
- perte de l’estime de soi
3. PRISE EN CHARGE MULTIDISCIPLINAIRE DE LA
DOULEUR MALADIE
L’humanité peut se définir, mieux encore que par la Raison, par la capacité de se rendre sensible à
la souffrance d’autrui et de se représenter sa douleur. Cette sensibilité, au lieu d’enfermer chacun
sur lui-même, ouvre aux autres par la force de l’imagination (4)
La douleur n’est ni une rédemption ni une punition.
Socialement, la douleur peut être si invalidante qu’elle interdit ou empêche toute activité. La
souffrance peut être si intense qu’elle laissera des cicatrices indélébiles. (4)
Sa prise en charge répond à un objectif de dignité de l’homme en raison des retentissements
physiques et psychiques
Les répercussions physiques et psychologiques : fatigue, insomnie, anxiété, dépression..., doivent
être traitées en même temps que la douleur et le déconditionnement physique.
C’est une équipe qui doit entourer le patient : psychologue, médecin, kinésithérapeute, diététicien
Le modèle psycho social insiste sur l’importance de l’incapacité qui devient l’élément important plus
que la douleur
Les thérapies manuelles et celles basées sur le mouvement peuvent avoir un impact sur les
processus centraux et périphériques à tous les niveaux
Les thérapies les plus efficaces sont celles - qui mettent l’accent sur le caractère nocif des idées et
des craintes concernant l’origine et la signification de la douleur
- qui introduisent le mouvement d’une manière non
menaçante
Les mécanismes de correction physiologique sont innés Le thérapeute n’a besoin que de mettre en
place un environnement approprié pour les faciliter (3)
3.1 OBJECTIF
Changer la perception de cerveau. C’est une reprogrammation qui utilise les capacités de plasticité
neuronales du cerveau
Le but n’est pas l’antalgie mais la modifications des facteurs qui alimentent la neuromatrice ( aires
cognitives, affectives, sensitives )
Chaque intervenant (psychothérapeute, médecin et kinésithérapeute) intervient avec ses
compétences spécifiques
Il s’agit d’une nouvelle approche dans nos bilans. La diminution de la douleur n’est pas le critère
d’évaluation. C’est la réhabilitation du mouvement qui devient le critère de guérison.
La réussite d’un traitement dépend de notre capacité (soignants et patients) à avoir une vision
globale par rapport à la douleur et l’intégrer non pas comme un signe émanent du tissu mais comme
une résultante du cerveau.
C’est une remise en question des pensées et des croyances
3.2 COMMENT PARVENIR A INDUIRE CE CHANGEMENT CHEZ LE
PATIENT ?
3.2.1
INFORMATION
Amélioration des connaissances du patient
Selon les recommandations de l’ HAS « être informé(e) sur la maladie et/ou les douleurs dont on
souffre permet d’acquérir une autonomie par rapport à ladite maladie et de mieux en contrôler les
accès douloureux. »
L’amélioration de l’information des patients est une des mesures prioritaires des programmes
nationaux de lutte contre la douleur
Elle rend le patient actif, co-acteur de se rééducation
Cette information le responsabilise et entraine son implication sans laquelle on se dirige vers
l’échec thérapeutique
« La connaissance est un outil au même titre que le mouvement »
Objectif
- éveiller la curiosité du patient
- lui faire prendre conscience de ses fausses certitudes sur le mal de dos.
- faire baisser l’anxiété
L’anxiété est une émotion provoquée par des pensées.
Si les pensées sont positives par rapport à la douleur alors l’anxiété associée sera adaptée :
«j’ai mal mais je sais que ce n’est pas grave, il faut que je fractionne mon activité afin de ne pas
augmenter ma douleur. »
Si les pensées sont catastrophistes alors l’anxiété sera inadaptée :
« j’ai mal, ça doit être grave, il faut que je reste alité pour ne pas augmenter ma douleur ».
3.2.2. MODULER ANXIETE
L’anxiété entraîne
- des phénomènes physiques (tension musculaire, contractions, respiration rapide et superficielle)
- et un retentissement psychologique, telle la focalisation exclusive de l’attention sur la douleur tout
au long de la journée.
Ce phénomène aussi appelé « hypervigilance » est responsable en partie de l’auto entretien en
cercle vicieux de la douleur, avec une appréhension du mouvement, kinésiophobie et une peur de
l’avenir.
3.2.3 MODULER LA PERCEPTION DE LA DOULEUR
La douleur du patient est sa propriété exclusive. Le thérapeute ne peut pas se mettre dans la
position du sauveur
C’est le patient qui va garder sa douleur et la gérer.
Souvent les patients personnifient la douleur. Pour eux, la douleur est une entité qui est venue
occuper leur corps et qu'ils doivent désormais subir comme une existence indépendante. Il en
résulte un sentiment d'impuissance pour le sujet, la douleur échappant à son contrôle.
« il peut être utile de casser cette image de douleur comme une chose d’immuable et passive.
Le processus douloureux est actif, fluctuant et donc (heureusement) modifiable » (5)
.
L’objectif de ce changement de perception est :
- mettre à distance cette douleur
- se mettre en position d’observateur
- reprendre le contrôle : ce ne sont plus ses douleurs qui le possèdent mais lui qui a des douleurs
L’humeur s’améliore
L’intensité de la douleur diminue
3.2.4. DEVELOPPER UNE RELATION DE CONFIANCE SOIGNANT/SOIGNE
Les neurosciences nous apportent un éclairage sur l’interaction patient soignant et l’influence de
l’empathie sur la qualité des soins.
L e patient se sent soutenu
L’empathie est l’aptitude à la bienveillance, à la compréhension de la souffrance d’autrui tout en
gardant une juste distance : être dans l’empathie mais pas dans la sympathie
Elle est innée mais peut également être améliorée (6) par des formations concernant
- les aptitudes à décoder les expressions faciales des émotions et leurs réponse verbales
empathiques
- la prise de conscience de la physiologie des émotions durant les interactions entre patients et
soignant
3.2.5 HYGIENE DE VIE
Causes ou conséquences, les troubles du sommeil associés à une lombalgie chronique doivent être
pris en considération dans la prise charge globale du patient.
Il faut évaluer l’ensemble des facteurs pouvant être responsables des troubles du sommeil :
- prise excessive d’agents excitants (café, tabac, alcool, médicaments)
- mauvaises conditions de sommeil (air, température, partenaire, qualité de literie)
- syndrome d’apnée du sommeil
- alimentation déséquilibrée
3.2.6. ACTIVITE PHYSIQUE ET SOCIALE
Le patient doit éviter deux pièges :
1. cesser toute activité physique de peur de voir apparaître ou augmenter la douleur
2. continuer les activités physiques jusqu’au seuil de réapparition de la douleur, et de dépasser les
limites de celle-ci. Le patient n’a plus alors qu’une solution : se mettre au repos jusqu’à disparition
de la douleur. Ce schéma négatif d’échecs répétés : « je force, puis je m’arrête » est à proscrire au
profit d’activités physiques et de périodes de repos fractionnées.
4. SYNTHESE DES BESOINS D’UN PATIENT
SOUFFRANT DE LOMBALGIE CHRONIQUE POUR SA
PRISE EN CHARGE EN KINESITHERAPIE
1. Besoin d’écoute
2. Besoin d’explication
« Comprendre comment nous pensons afin de ne pas tomber dans les pièges de nos peurs » (6)
3. Besoin de diminuer son niveau d’anxiété
4. Besoin de reprendre possession de son corps envahi par la douleur
5 Besoin de reprendre confiance dans les capacités fonctionnelles de son corps
6. Besoin de retrouver une activité physique et sociale
5. ATOUTS DU KINESITHERAPEUTE MEZIERISTE POUR
AIDER LA PATIENT A REPRENDRE LA CONTRÔLE SUR
SA DOULEUR ET DONC SUR SA VIE
Les séances dans le cadre de la méthode Mézières durent de 45 mn à une heure.
Elles sont adaptées à chaque patient il n’y pas de recette, c’est un traitement sur mesure qui fait
appel à un sens aiguisé de l’observation visuelle et tactile.
Le traitement est global il va concerner la totalité du corps du patient
Une importance primordiale est accordée au travail sur et avec la respiration et donc la
participation active du patient pendant toute la séance
Le toucher, les postures et la proprioception complètent cet inventaire du contenu d’une séance.
Comment ces éléments trouvent leur justification dans la prise en charge du patient souffrant de
lombalgie chronique ?
DUREE
La durée de séances est favorable à l’abord pédagogique de la pathologie
Elle permet la diffusion progressive de l’information
Le dialogue kiné patient dépasse le seul cadre des choix techniques
C’est la première étape de l’implication du patient
Les explication sur la douleur son simples à comprendre, ce sont les habitudes qui sont tenaces et
nous kinés nous avons le temps pour explique et répéter (5)
Elle favorise l’écoute par la proximité qui s’installe
C’est l ‘écoute des mots et du corps
Le kinésithérapeute même s’il n’a pas une formation de psychologue tient compte du fait que le
travail sur le corps fait remonter à la conscience des émotions enfouies
Les tissus du corps dont la mémoire des chocs physiques ou psychologiques
GLOBALITE
Le Méziériste ne soigne pas une pathologie mais un patient ce qui permet :
- une reprise de possession de son corps abandonné à a douleur
- redécouverte de soi à travers sa dimension psychique et corporelle
- travail sur ressenti de plus en plus subtil
Ce travail global par la respiration, le toucher et l’équilibrage des tensions musculaires retentit sur
les émotions.
Le bilan Mézières se réalise sans donner l’impression de chercher une douleur
Il est orienté sur la recherche de freins à la mobilité par des test de mise en tension
C’est un jeu de pistes qui éveille la curiosité du patient sur lui
Le patient est détourné de sa douleur
C’est la première étape vers le processus de distanciation
RESPIRATION
La première intention du méziériste est de libérer le diaphragme « qui est un véritable gare de
stockage des tensions et des émotions » (8)
L’observation tranquille de sa respiration calme le système nerveux autonome.
Par la notion de pleine conscience qu’elle implique permet au patient de diminuer son niveau de
stress.
Ensuite il pourra moduler sa respiration et c’est une première étape vers une reprise de contrôle
de son corps
Cette notion de présence consciente à ce que l’on fait est la clé de tout changement intérieur
Grace au contrôle de la respiration, on peut maitriser certaines douleurs liées aux tensions
musculaires
C’est un moyen qui permet - de rompre trio infernal stress/tension musculaire/douleur
- d’obtenir un relâchement corporel, mais aussi un relâchement des
tensions psychiques
La respiration devenue plus fluide sera savourée par le patient
Cette fluidité lui permet de sentir et accompagner le mouvement de vie en lui
lui donne I’image d’un corps aimable
lui donne une indication de douceur en opposition avec la dureté de la douleur
C’est la reprise de la communication entre le patient et toutes les parties de son corps
TOUCHER
Le méziériste intègre à ses séances différentes techniques localisées : traits tirés, lever de tension,
techniques de Jones, point trigger, pétrissage, pressions glissées.
Ce toucher est porteur d’un lien.
Il est le support d’une relation
Il apaise rassure détend, réconforte, communique, soutient, encourage
C’est une communication non verbale : les doigts reçoivent et transmettent une information
La main qui touche est attentive bienveillante
« en touchant le corps d’un être on a sa vie, tout son passé entre les mains » (9)
Il contribue au maintien du schéma corporel, du sentiment d’être entier dans son corps à soi.
C’est une étape vers réconciliation avec son corps aimable, vers la restauration de l’estime de soi
« Les sensation corporelles sont l’ancrage organique de l’identité » (10)
POSTURES
La tension musculaire joue sur le tissu conjonctif et contractile et s’étend de point en point jusqu’à
former une chaine musculo-aponévrotique qui entraine une fixation squelettique responsable
d’attitudes figées.
Les postures permettent un équilibre des tensions musculo aponévrotique avec pour objectif :
- redonner de l ‘activité aux zones inhibées
- relacher les zones tendues
Ces mises en tension détournent l’attention du patient de sa douleur et lui fait ressentir d’autres
manifestations de son corps, le schéma corporel s’améliore
PATIENT ACTIF
Pendant toute la séance l’attention du patient est sollicitée. On lui demande
de se concentrer sur les zones de tensions, d’inconfort déclenchées par les postures
de les localiser verbalement
d ‘aider à la diminution des tensions par sa respiration
Et ce, même pendant les moments apparemment inactifs de massage.
Le patient sort du rôle passif que l’habitude entraine souvent entre soignant et soigné.
Il est acteur de son traitement.
Les responsabilités dans l’efficacité du traitement sont partagées entre lui et son kinésithérapeute.
On a besoin des compétences du patient pour avancer dans le traitement
La participation active demande une présence à son corps entier
Cette présence fait que cerveau réagit différemment il se modèle.
De nouvelles connections cérébrales sont activées. C’est la neuroplasticité.
PROPRIOCEPTION
Des exercices de proprioception sont proposés régulièrement au patient
Ils permettent de donner un aspect plus ludique à la rééducation.
Ainsi la motivation nécessaire pour affronter les nombreux moments de fatigue peut être facilitée
Le ballon de Klein est un outil indispensable.
Des petites balles de mousse aident à la libération des zones tendues
La structure du corps est un un jeu de forces entre éléments rigides ( os) et souples (tissu
conjonctifs)
Grâce à cette tenségrité nous ne cassons pas et les informations circulent de façon fluide
La proprioception nous fait ressentir ce jeu de force et facilite l’écoute de ces informations
Elle permet de retrouver les mobilités de toutes les zones corporelles naturelles en douceur
D’ajuster son corps dans l’espace
de retrouver un mouvement non menaçant
de reprendre confiance dans ce corps qui redevient fiable
de reprendre une activité physique
!
.
6. PRESENTATION DE MME B.
Mme B. 38 ans enseignante
3 enfants
novembre 2011
Les 3 premières séances seront détaillées car elles sont la base de l’installation du climat de
confiance indispensable pour tout accompagnement thérapeutique.
La patiente doit être rassurée sur mon intention d’essayer de le soulager
Motif de consultation :
Lombalgie chronique depuis 3 ans
Elle a été opérée d’une hernie discale L4 L5 avec sciatalgies intenses en 2008
La patiente est dynamique et jeune, le chirurgien décide de garder la mobilité du rachis :
Remplacement du disque intervertébral par une prothèse discale.
3 mois plus tard, reprise de l’intervention car le disque s’est désinséré.
Après cette deuxième intervention, pour éviter la récidive de la « luxation » du disque, la patiente est
immobilisée par un plâtre pendant 3 mois.
Après l’ablation du plâtre, et 60 séances de kiné dite classique, elle souffre toujours autant, est en
arrêt de travail. Sa qualité de vie quotidienne est affectée.
Elle obtient une carte d’invalidité pendant un an
Je la vois 3 ans après sa seconde intervention
Je l’ai suivie pendant 15 mois
Bilan de la douleur
- en barre au niveau lombaire en permanence
- face antérieure de la cuisse et de la hanche en permanence
- de façon inconstante : dans la jambe
Ce sont des douleurs sourdes
3 à 4 sur l’échelle EVA en permanence
des poussées à 7 dans la journée ou la nuit
Aggravées par les trajets en voiture, la marche, la station debout prolongée, assise prolongée
Soulagées légèrement par le repos allongée
Traitement : AINS et antalgique. Depuis quelques mois elle essaie d’espacer la prise des anti
inflammatoires
Qualité de vie
Elle a repris une activité professionnelle depuis 3 mois
8h de cours par semaine
Pendant ses cours elle varie ses positions : debout /debout assis contre le bureau /assise
Elle conduit en ville mais évite les trajets de plus d’une heure d’affilée qui augmentent ses douleurs
lombaires et membre inf.
- marche : pas plus de 30mn
- conduite : en ville courte durée : par séquence de 30 mn
- sommeil interrompu une nuit sur deux.
Se décrit comme hyperactive, stressée et épuisée.
Ouverte
Elle parle beaucoup, analyse a besoin de tout comprendre.
Comportement de son entourage (mari) alterne entre impatience et la surprotection.
Ses enfants sont très jeunes, ils sont accaparants
Sentiment de ne pas être comprise, d’injustice. N’ a pas apprécié de s’entendre dire que sa douleur
était dans la tête (mari, famille)
Epuisée, a l’impression que sa douleur ne lui laisse pas de répit
Elle ne peut rien programmer à l’avance (sorties, courses). Ne peut s’organise qu’ au dernier en
fonction de l’intensité de ses douleurs
Traitement
Lors de sa première séance Mme B arrive avec toutes ses radios et IRM
Elle insiste sur l’image du disque désinséré, image très impressionnante il est vrai !
Le chirurgien lui a dit que ce n’était jamais arrivé et qu’elle était un cas
Elle insiste sur l’image montrant « une dégénérescence discale L2/ L3 L5 /S1 »
Le chirurgien lui a dit qu’elle allait inévitablement avoir mal en vieillissant.
Ses objectifs :
- ne plus avoir mal
- reprendre une vie normale (sortir, danser randonnées, jouer avec ses enfants)
- diminuer la sensation qu’elle a de marcher comme un robot
Elle est dans une pensée catastrophiste influencée par le discours du chirurgien
A en mémoire l ‘image de la désinsertion
C’est la douleur qui décide de sa vie
Avant de passer à l’observation j’aborde le sujet du discours du chirurgien en insistant sur la
dédramatisation de l’ image du disque luxé et du terme dégénérescence
L’image et la clinique ne sont pas forcément liés
Après tout ce temps : ses tissus ont cicatrisé, le disque est solidement ancré dans les plateaux
vertébraux supérieurs et inférieurs
Ce qui fait mal est ailleurs
Et là je marche sur des œufs…parce que ces notions sont nouvelles aussi pour moi.
Comment expliquer que c’est un dysfonctionnement système nerveux sans la renvoyer au discours
familier pour elle : « c ‘est psy c’est dans votre tête »
Discours dans lequel elle ne sent pas la reconnaissance de sa douleur
Je me lance !
Avant son intervention ce sont les nerfs et la moelle qui ont envoyé les influx que le cerveau a défini
comme douleur. Cette douleur l’a protégée car elle a prévenu de la lésion nerveuse. Ensuite,
pendant la cicatrisation, la douleur la rappelait à l’ordre si ses gestes étaient nuisibles à une bonne
guérison.
Ensuite ce système s’est emballé et a continué à envoyer des stimulations que le cerveau a
analysé comme de douleurs même si ce n’est plus justifié biologiquement
Comme elle réagit bien, je rajoute que les stimulations peuvent venir entre autres du cerveau lui
même.
L’image choquante de la désinsertion discale et le discours du chirurgien ont certainement contribué
à cet emballement.
C’est un dysfonctionnement que l’on peut réguler
C’est un début de la diffusion de l’information
Elle n’a jamais entendu ce genre de discours, elle est attentive.
1. Première séance
Suite à sa remarque sur se sensation de se déplacer comme un robot, je lui demande de marcher
Il n’y a pas de dissociation des ceintures.
Se épaules sont hautes et figées.
Elle donne l’impression de tenir tout son corps par les épaules
Ses pas sont petits
BILAN MEZIERES
Debout : dans son habitus
face dos profils droit et gauche
Impression globale de symétrie gauche droite
Mais de déséquilibre entre le haut et le bas du corps : on a une impression de puissance en haut
(pectoraux) que l’on ne retrouve pas en bas : appui pas étalé, quadriceps pas toniques
Son polygone de sustentation est normal
Appui sur bord externe des pieds principalement à droite
Légère griffe des orteils
Membres inférieurs en légère rotation externe
Bassin en rétroversion
Ventre verrouillé par les abdominaux
Thorax en expiration dans sa partie inférieure
en inspiration dans sa partie supérieure
Présence d’une lordose haute diaphragmatique
Le tronc est légèrement projeté ver l’arrière
Bras en rotation interne
Epaules remontées
Projection de la tête en avant
Rachis cervical en rotation droite
Mise en tension
La position pieds joints la met en difficulté pour garder son équilibre
Penché avant
ne veut pas le faire !
On lui a interdit ce mouvement
Je lui propose de s’asseoir sur une chaise et de réaliser un penché assis pour ne pas rester sur un
blocage.
Je m’aperçois qu’elle s’assoit en cyphose lombaire. Je lui propose de corriger
Elle ne veut/ peut pas effectuer d’antéversion du bassin
Elle commence à s’agiter en ma disant que sa douleur en barre devient très forte
J’arrête le bilan pour ne pas la mettre en situation de défensive et lui propose de s’allonger
REEDUCATION
Il ne me reste que peu de temps pour une première approche d’un traitement Mezières.
Mais je ne veux pas qu’elle ne retienne que notre discussion rationnelle
Comme je n’ai pas terminé le bilan, je m’oriente vers une simple prise de conscience de la
respiration
DD avec membres inférieurs repliés
Cet exercice pose des difficultés car parle beaucoup en s’exprimant avec les mains.
Je lui propose de poser une main sur son ventre et l’autre sur son thorax.
Observer comment le thorax et le ventre montent et descendent au rythme de la respiration.
Les mains occupées, elle parle moins. La respiration agitée se calme.
Je lui demande de souffler en un soupir tranquille par la bouche sans intervention des abdominaux.
Les abdominaux ne se relachent pas.
Je tracte doucement sur la peau à la base de côtes au niveau de l’insertion des obliques (un côté
après l’autre) je lui demande d’inspirer « dans » ce pli de peau.
A l’expiration je maintiens la traction douce pendant que les côtes se ferment
Elle apprécie
La douleur en barre diminue
Je continue à détendre les abdominaux par des traits tirés sur les rampes chondrales
Une douleur apparait sur le trapèze supérieur droit
Je pose ma main sur le point trigger et lui demande de d’imaginer que ses soupirs se dirigent vers
ce point
Pendant ce temps je presse doucement.
La douleur diminue puis s’en va
Elle se place sur le côté et je la dynamise en stimulant la face postérieure du tronc par de légers
tapotements et tractions des tissus.
Fin de la première séance bilan ébauché/ amorce traitement
Elle repart avec un« aquis » (ses termes) qu’elle me confie spontanément (déformation
professionnelle de l’enseignante !)
! Il est possible de faire céder une tension par la respiration
2. Deuxième séance
Douleurs sont toujours les mêmes.
A essayé de respirer la nuit pour sa douleur de l’aine mais ça ne marche pas
Mais a bien aimé soupirer quand même « ça m’a calmée. »
SUITE DU BILAN
Elle accepte le penché avant
- s’accroche à ses orteils
- recul des tibias
- manque de flexion coxo- fémorale
- raideur lombaire
- lordose diaphragmatique
- tête légèrement retenue
- abdominaux très contractés
A priori empreinte :
- d’une chaine postérieure dans les membres inférieurs (orteils en griffe, recul des tibias, ne touche
pas le sol : doigts à 30cm)
et au niveau cervical (tête retenue)
- chaine myofasciale externe (angle coxo fémoral ouvert)
- chaine antérieure superficielle (abdominaux) et profonde (cuvette diaphragmatique)
A confirmer avec les test de mise en tension au sol
En DD je lui demande d’inspirer et d’expirer plusieurs fois
Le mouvement est de faible amplitude
Le thorax bas reste en expiration
Le thorax haut reste en inspiration
Abduction et rotation externe des membres inférieurs
Bras en rotation interne
- Elévation membres inférieurs :
Flexion
Le bassin est « embarqué » très vite à gauche et à droite
L’iliaque remonte vers les côtes et le plafond
Adduction
L’iliaque décolle également à gauche et à droite
Confirmation de la présence d’une chaine myofasciale externe et postérieure
- Membre supérieurs
tensions dans les chaines latérales (à partir de 90 degrés)
- Rachis cervical
rotation limitée à gauche
CONCLUSION BILAN
Nous avons la confirmation de la présence d’une chaine postérieure dans les membres inférieurs,
d’une chaine myofasciale externe et d’une chaine antérieure profonde et superficielle, d’une chaine
latérale dans les membres supérieurs
Mme B est anxieuse
A des pensées catastrophistes (prothèse fragile, dégénérescence discale avec douleur inévitable)
qui ont entrainé une kinésiophobie (le bassin ne bouge pas pour « protéger » le dos )
OBJECTIFS du TRAITEMENT
1. Détricoter cet ouvrage de douleur chronique
-Par la reconnection avec son corps (aires émotionnelles en lien avec le système nerveux
autonome et somato sensorielle en lien avec le système nerveux périphérique)
-Par un discours informatif dédramatisant rassurant harmonisé avec son médecin et son
psychologue (aire cognitive et émotionnelle)
C’est une rééducation du corps et du cerveau.
2. Remodeler le projet de Mme B. : accepter que la douleur sera peut être encore présente mais
gérable. Le faire progressivement de façon à ce que ce soit elle qui le formalise
3. Redonner du mouvement
Redonner sa course entière au diaphragme qui fixe la lordose haute redonner du rond dans les
lombaires hautes
Dans le thorax : retrouver un mouvement d’ouverture dans le thorax bas et de fermeture dans le
thorax haut
« il n’est pas de bon port d’épaules sans libération du diaphragme » (12)
Dans les membres supérieurs : relacher les tensions latérales des bras et des trapèzes
Dans les hanches : redonner de la flexion
Dans les lombaires basses : lâcher cette attitude figée en cyphose, autoriser la lordose
Retrouver le mouvement naturel croisé des ceintures scapulaire (relacher pectoraux) et pelvienne
Remettre la patiente sur ses membres inférieurs
en faisant lâcher les tensions des épaules
en corrigeant ses appuis
Suite deuxième séance
Elle est agitée à envie de bouger, je préfère lui proposer de commencer à travailler debout
Je propose d’abord une prise de conscience de sa posture debout
Comment sent elle ses appuis ?
Elle se sent en appui sur les bords externes et en arrière
Fente avant pour posture les triceps
Je lui propose de reprendre la respiration tranquille du soupir
Je place mes mains au niveau des lombaires hautes (lordose diaphragmatique) et de l’abdomen et
lui demande de les remplir comme si elle faisait un ballon avant et arrière
Elle n’arrive pas à »faire le ballon devant car « « son bassin ne tiendra plus si elle lache le ventre
On lui a dit que si elle était cambrée ses disques en souffriraient
Elle s’interdit l’antéversion depuis sa sortie de plâtre
Ses 60 séances de kinésithérapie lui ont renforce les abdos
Elle sent protégée en rétroversion
Voilà une autre occasion d’intégrer un discours destinée à l’aire cognitive :
Je lui explique l’intérêt de conserver les courbures naturelles du rachis
La lordose lombaire naturelle protège ses disques.
Il est nécessaire de rendre au mouvement toutes ses amplitudes pour
- hydrater disque
- nourrir cartilage articulaires
- créer des glissements pour lever d’éventuelles adhérences nerveuses
- chauffer le tissu conjonctif pour une meilleure vascularisation
Elle a du mal à accepter : je dessine donc et lui montre les contraintes en pressions si on contrarie
la courbure naturelle
Je reprendrai la posture en fente dans une prochaine séance
On passe en DD pour reprendre le travail sur la respiration
Genoux fléchis
Sa respiration spontanée est essentiellement thoracique haute
Je lui demande après avoir soupiré de laisser le ventre se gonfler à l’inspiration
Laisser faire sans serrer les abdos est toujours difficile pour elle
Ensuite je lui demande de respirer dans le dos aussi.
Cette notion de respirer dans le dos l intrigue elle essaye de comprendre de réfléchir et n’arrive plus
à laisser son bouger à l’inspiration
Elle le pousse en avant en force et le dos se creuse
J e lui demande de remplir mes mains que je place sur sous son thorax inférieur
C’est mieux mais elle ne comprend pas le dos qui respire, ça la contrarie.
Je lui propose donc la position en germe et lui demande de respirer avec le ventre bloqué par les
membres inférieurs
La consigne est de laisser gonfler où « ça » veut gonfler
de laisser faire son corps de sentir sans vouloir imposer ni réfléchir, juste observer
Elle sent enfin les mouvements des cotes dans le dos qui se font naturellement
Je lui demande d’enregistrer cette sensation
Elle prend cela comme une véritable découverte et s’enthousiasme
DD de nouveau avec respiration dans mes mains en ballon.
La respiration du ballon est comprise
L’expiration doit s’arrêter quand elle sent qu’elle enroule les épaules
Je passe maintenant aux mb inférieurs
Genoux toujours fléchis
Elévation du membre inférieur droit en amenant le genou fléchi à l’aplomb de la hanche
Tendre le genou en dirigeant talon vers plafond
Tensions derrière genou et cuisse plus douleur sacro iliaque droite
Respiration en mettant du rond thorax bas/ ventre devant derrière tout en relâchant les épaules
Les fessiers sont contractés
Relâcher cette contraction, étaler la fesse sur le sol
Porter son attention sur les tensions post jambe cuisse avec l’intention de laisser s’ allonger les
tissus tout en gardant iliaque droit posé sur le sol
Demande d’échapper à mon pied posé sur son iliaque droit
Utiliser les soupirs pour travailler sans s’arcbouter sur le diaphragme qui est le dernier lieu de
refuge des compensations selon Françoise Mézières
Les épaules remontent près des oreilles et s’enroulent
Elle corrige
On gagne un peu d’extension de genou après une dizaine
Le douleur SI a diminué
C’est une douleur qu’elle connaît dont elle a oublié de ma parler car elle n’est pas permanente.
En général quand cette douleur arrive dans la journée elle s’installe pur plusieurs heures
Elle est étonnée qu’aujourd’hui son intensité diminue seule et en plus sans le vouloir car elle était
concentrée sur son genou et sa cuisse et sur les compensations iliaque et épaules.
Je lui demande d’ étendre le membre inférieur gauche resté fléchi depuis le début
Elle l’étend doucement puis le replie car douleur en barre lombaire trop forte qui disparaît avec le
retour à a positon initiale
Je n’insiste pas
Même protocole d’élévation à gauche. Membre inférieur droit fléchi
Douleur psoas gauche
Tensions genou cuisse
Plus facile
Le retour au sol se déroule en douceur car elle ressent de nouveau des douleurs lombaires .
Je descends étape par étape en m’aidant de sa respiration tranquille dirigée vers le milieu du dos
Fin de la séance en DL
Manœuvres de massage relaxantes
3. Troisième séance
Les douleurs sont toujours là
A refait la respiration dans le dos chez elle mais en position de germe car avait mal autrement.
Sensation agréable de sentir « bouger ses côtes dans le dos »
En DD genoux fléchis
Je propose un mouvement pour augmenter l’amplitude des mouvements thoraciques des cotes
basses et les ressentir :
Mes mains sont à peine posées sur ses cotes basses latéralement
Je lui demande, après avoir soufflé, de venir dans mes mains et quand elle me touche je m’éloigne
très légèrement encore puis, à l’expiration, je la suis.
On recommence plusieurs fois sans imposer de rythme.
C’est son mouvement spontané que je suis en expiration et précède en inspiration
Ses cotes basses ne bougent pas beaucoup
Je lui demande une inspiration contre laquelle je résiste doucement au début puis je relache et
l’ampliation se fait plus grande.
Je la suis et tracte légèrement sa peau pour qu’elle aille plus loin en expiration (sans les grands
droit et obliques) de façon à relancer une plus grande inspiration
J’applique toujours une légère résistance en début d’inspiration
Je lui propose de recommencer le même entrainement avec les membres inférieurs étendus
Elle négocie ! L’un d’abord et ensuite l’autre
Finalement ses membres inférieurs sont allongés au sol sans douleur insupportable
’Elévation membre inf gauche :
Tensions postérieure jambe gauche et cuisse, forte tension du psoas droit.
La cuisse droite se soulève. Je lui demande d ‘essayer de plaquer doucement sa cuisse droit au
sol et de bien arrondir le milieu du dos pendant qu’elle respire
L élévation du membre inférieur droit n’entraine plus la douleur sacro iliaque de la second séance.
C’est elle qui le remarque. Elle en est rassurée
Elévation des 2 membres inférieurs pour la laisser avec sensation de symétrie
Les trapèzes et pectoraux compensent beaucoup.
Je lui demande de réaligner ses épaules d’ouvrir un peu plus les bras pour empêcher les pectoraux
de participer
Elle est soulagée par cette position
Descente des 2 membres inférieurs
Zone cervicale
Traction légère dans l’axe : tension au milieu des omoplate qui passe avec la respiration
Travail pour récupérer la rotation gauche en contracté relaché
Correction de l’élévation de l’hemithorax droit , demandant de monter le bras gauche vers le plafond
en tirant doucement sur l’omoplate mais pas sur la main.
Elle fatigue, demande à replier les membres inférieurs.
En décubitus latéral droit : mobilisation de la scapulo thoracique et trait tirés entre les cotes.
Se détend.
Fin de la troisième séance
4. Evolution des séances suivantes
Au fur et à mesure des séances, la position sur le dos membres inférieurs allongés n’a plus
entrainé de réticences
Le travail sur les postures en étirement des chaines myofasciales externes lui a donné une
sensation de hanches déliées. Elle les a senti « lâcher. »
J’ai essayé la posture au carré pour récupérer la flexion de hanche mais les douleurs sur le psoas
gauche étaient difficiles à moduler. Même si les genoux étaient fléchis de façon à protéger les sacro
iliaques.
Respiration
Récupération d’une fermeture du thorax haut :
- Expiration facilitée avec autorisation d’enroulement des pectoraux : le thorax haut bouge
- Puis shunt de l’action des pectoraux en plaçant les bras à 90 degrés d’abduction
- Puis expiration bras le long du corps sans enrouler épaules
Posture des bras pour étirer les chaine brachiales
Petit à petit elle a pu placer ses mains face au plafond sans effort dans position allongée sur le sol
Travail sur le pied
« le pied est l’article le plus intelligent du corps : il est coincé entre l’arbre et l’écorce…c’est pourquoi
je traite toujours les pieds » (12)
Posture debout contre le mur
- alignement occiput/scapula /sacrum
- appui sur les têtes des premiers métatarses
Etirement des triceps plus flexion des métacarpo phalangiennes intégré dans les étirements globaux
des membres inférieurs en position allongée
Dissociation des ceintures : travail des chaines spiroides
Elle a retrouvé progressivement un timide mouvement de balancier des mb supérieurs
Le ballon de Klein a été un outil efficace pour récupérer progressivement les mouvements du bassin
Des balles en mousse ont été placées au niveau des tensions (pelvitrochanteriens)
Après une dizaine de séances, au moment de me saluer elle s’est spontanément exprimée : « oh je
sens mes jambes merci merci ! ça fait des années qu ‘elles ne me tenaient plus »
Sans que je puisse relier cette sensation à une posture particulière de la séance mais plutôt au
rélachement des tensions du thorax et des membres supérieurs
5.Collaboration avec les autres professionnels :
1.La médecin hypnothérapeute a attiré mon attention sur les mots qui pouvaient « faire mal » :
- avez vous une « douleur » ?
- est ce que vous avez « mal » ?
Utiliser plutôt les mots « inconfort » « tension »
Dans le mot « inconfort » il y a « confort » et c’est ce que l’inconscient va retenir
Le mot « cage » (thoracique) renvoie à une notion d’enfermement
Utiliser de préférence les mots côtes ou thorax
Elle a également tenu à la patiente le même discours que moi
sur les mécanismes de la douleur
Sur l’influence du stress
2.La psychothérapeute
La patiente a arrêté son traitement après 5 ou 6 séances.
Ces quelques séances l’ont aidé à comprendre l’importance de son implication dans le traitement
6. Résultats
Bien que volontaire Mme B s’est montré très craintive et la mise en place d’un rythme de croisière a
été plutôt longue.
Mais son enthousiasme devant chaque découverte de sensation nouvelle en a fait une patiente
motivant.
Au début de son traitement Mme B avait besoin d’explications en permanence et de justification de
tous les exercices proposés.
Elle s’est montrée très réceptive à la transmission d’informations apportées par l’éducation
thérapeutique.
La vidéo australienne destinée au patient a représenté un déclic selon elle pour une meilleure
compréhension de sa pathologie.
Les séances sont devenues de moins en moins « bavardes » et plus rigoureuses dans la réalisation
des postures au fur et à mesure que son anxiété s’apaisait
C’est une véritable réconciliation avec son corps qui s’est faite tranquillement étape par étape.
.
Il est arrivé que des postures déclenchent les pleurs de Mme B. sans qu’il y ait un lien avec une
difficulté ou une douleur dues à cette posture.
Parfois c’est sa mémoire qui lui envoyait des souvenirs tristes
D’autrefois elle ne pouvait pas trouver l’origine consciente de cette expression d’émotions profondes
Sur une année :
Progressivement les voyages en voiture ont été mieux supportés
Les randonnées en montagne ont été possibles
Ella pu apprendre le roller avec son fils
Elle s’est autorisée à programmer à l’avance des sorties (cinéma, restaurant, soirées dansantes)
Ma plus grande surprise fut quand, après 3 semaines d’absence, elle m’a annoncé avoir fait du
…surf !
Elle était fière d’avoir réussi à vaincre sa kinésiophobie
Ses objectifs de reconditionnement physique et donc social ont été atteints
Elle s’est remise en mouvement et a renoué avec les sensations d’un corps délié
Celui de ne plus avoir mal du tout n’était plus si important après une année de rééducation
Mais l’intensité des douleurs avait baissé (1 à 2 avec poussées à 4)
Elle a progressivement accepté l’idée que la douleur pouvait aller et venir et que ça ne voulait pas
dire qu’elle était blessée.
Elle n’ avait plus peur .
Elle gérait sa douleur - continuer son activité si 1 ou 2 ou 3.
- modérer voire changer d’activité si l’intensité dépassait 4
Après une année elle n’avait plus besoin de moi puisqu’elle savait comment bouger
harmonieusement et comment réagir si une douleur ou un inconfort apparaissait.
Il restait cependant une douleur au psoas gauche qui revenait régulièrement et de façon parfois
intense.
Cette douleur la gênait encore trop et elle a décidé de continuer sa prise en charge chez un
fasciathérapeute.
Elle a mis à profit tout ce que j’avais à lui apporter Je l’ai accompagné un moment de sa vie
Elle a continué à apprendre ailleurs
CONCLUSION
« Le mal n’est pas là où il se manifeste »
Françoise Mézières encourageait ses élèves à ne pas systématiquement se précipiter sur la douleur
décrite par le patient. Elle essayait d’abord de remonter toute la chaine musculaire concernée
Mais peut être pourrait on ajouter une autre interprétation à cet aphorisme :
Ne pas toujours chercher une justification biomécanique et penser à l’implication neurologique
centrale ?
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-. ( Caragee 2005, Linton 2000, Waddel 1998)
Fritz 2001 Gatchel 1995 Georges 2003
/. IASP (« international association search for pain »)
0. « Explain pain » David Buttler Lorimer Mosley
1. . Société française d’étude et de traitement de la douleur 2004
2. David Buttler
3. Actu kiné.com
4. « la solution intérieure » Thierry Janssens
5. « la méthode Mézières » Jaques Patte
6. « courrier du corps » Thérèse Bertherat
-7. Sherrington
--. Docteur guimberteau. Congrès AMIK Bordeaux sept 2012
-/. Françoise Mézières
Sites web : « le cerveau à tous les niveaux »
« lombalgie.fr »
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