I. Pourquoi étudier Inconnu à cette adresse en Troisième ?
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I. Pourquoi étudier Inconnu à cette adresse en Troisième ?
Meta-systems - 13-04-12 17:39:13 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 1 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x ■ Classes de Troisième : une nouvelle du XXe siècle porteuse d’un regard sur l’histoire et le monde contemporains. ■ Spécial histoire des arts : au sein de l’édition, un cahier photos couleurs en quatre volets – le mythe de Hitler, l’antisémitisme d’État, l’art au service de la propagande et l’art rejeté par les nazis. KRESSMANN TAYLOR Inconnu à cette adresse ISBN : 9782081272682 3,50 € – 128 p. I. Pourquoi étudier Inconnu à cette adresse en Troisième ? Inconnu à cette adresse est une nouvelle épistolaire publiée en 1938 par Katherine Kressmann Taylor. Elle met en scène deux amis, l’Américain Max, un juif, et l’Allemand Martin, deux marchands de tableaux qui se sont associés pour ouvrir une galerie d’art à San Francisco. Dans la première lettre du récit, datée du 12 novembre 1932, Max prend des nouvelles de Martin, qui a quitté les États-Unis pour retourner s’installer dans son pays d’origine, l’Allemagne. Le galeriste juif est alors loin de prévoir que, à travers la lecture des lettres de son ami, de plus en plus espacées, il deviendra le spectateur impuissant de la métamorphose de Martin qui, progressivement, se transformera en admirateur sans réserve de Hitler et se hissera au rang de haut dignitaire nazi. Inconnu à cette adresse permet d’aborder l’objet d’étude « Romans et nouvelles des XXe et XXIe siècles porteurs d’un regard sur l’histoire et le monde contemporains », recommandé Inconnu à cette adresse | 1 Meta-systems - 13-04-12 17:39:13 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 2 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x par les instructions officielles. En effet, les événements historiques qui sous-tendent la correspondance de Max et Martin – les lettres s’échelonnent du 12 novembre 1932 au 3 mars 1934 – sont bien plus qu’une simple toile de fond du récit, puisque la construction de l’intrigue contribue à éclairer les mutations profondes qui bouleversèrent l’Allemagne du début des années 1930. Le regard porté sur l’histoire est d’autant plus intéressant qu’il est celui d’une Américaine (Katherine Kressmann Taylor), qui a cherché à alerter ses contemporains sur les dangers que représentait le nazisme, avant même que son pays ne se décide à entrer en guerre contre Hitler. Court, écrit dans une langue claire et construit sur une intrigue à la fois simple et subtile, Inconnu à cette adresse contribuera à développer les compétences de lecture des élèves. Cette séquence intégrera plusieurs séances d’histoire de l’art qui permettront, suivant les recommandations des nouveaux programmes, d’aborder « l’étude de l’image comme engagement » (en relation avec l’objet d’étude « Arts, États et pouvoirs »). On questionnera notamment la fonction argumentative des images de propagande et des œuvres plastiques destinées à lutter contre le nazisme. II. Tableau synoptique de la séquence 2 Séances Supports 1 Évaluation initiale – L’ensemble du récit – Présentation de l’édition, p. 9-27 – « Avez-vous bien lu ? », p. 94-95 Vérifier la compréhension de l’œuvre Contrôle de lecture 2 Le seuil du récit – Lettre du 12 novembre 1932, p. 43-46 – Microlecture no 1, p. 95-96 – Lire un incipit – Étudier le schéma narratif du texte – Connaître la structure d’une lettre – Examiner la situation d’énonciation – Correction des réponses de la microlecture no 1 – Recherche personnelle : la lettre officielle et les formules de politesse | Étonnants Classiques Objectifs Activités Meta-systems - 13-04-12 17:39:14 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 3 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x Séances Supports 3 Écrire une lettre – Lettre du 25 mars 1933, p. 55-58 – Microlecture no 2, p. 96 – Dossier, Valérie Zenatti, Une bouteille dans la mer de Gaza, p. 114-118 – Réviser l’impératif – Écrire une lettre officielle – Étudier la comparaison et la métaphore – Correction des réponses de la Microlecture no 2 – Travail d’écriture (en groupes) : rédiger une lettre officielle 4 Histoire des arts – l’art allemand au service de la propagande – Arno Breker, Der Wächter (La Garde), cahier photos, p. 3 – Dossier, questionnaire, p. 120 Analyser une œuvre de propagande Lecture d’image 5 La rupture – Lettres du 5 et 23 novembre 1933, p. 71-74 – Microlecture no 3, p. 97 – Lettre du 9 juillet 1933, p. 61-63 Étudier les temps du récit et leurs valeurs – Correction des réponses de la Microlecture no 3 – Exercice de transformation des temps d’un extrait de texte 6 Histoire des arts : art officiel allemand et art dégénéré – Wolf Willrich, La Famille (1939), cahier photos, p. 3 – Otto Dix, La Famille de l’artiste (1927), p. 5 – Dossier, questionnaires, p. 122-123 – Comparer deux tableaux – Analyser des œuvres représentatives de l’art officiel et de l’« art dégénéré » Lecture d’images 7 La vengeance – Lettres du 15 février et du 3 mars 1933, p. 8789 – Microlecture no 4, p. 98 – Dossier, groupement de textes « Affrontement et récit épistolaire », p. 109-118 – Le genre épistolaire – Le schéma actanciel – Correction des réponses de la Microlecture no 4 – Lecture comparée de textes épistolaires – John Heartfield, Comme au Moyen Âge… et sous le Troisième Reich, cahier photos, p. 7 – Victor Brauner, Sans titre – Hitler (1934), cahier photos, p. 6 Analyser des œuvres d’art engagées dans la lutte contre le nazisme – Lecture d’images – Lecture analytique 8 Histoire des arts : les arts au service de la lutte contre le nazisme Objectifs Activités Inconnu à cette adresse | 3 Meta-systems - 13-04-12 17:39:14 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 4 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x Séances Supports Objectifs Activités – Dossier, groupement de textes « Dire l’indicible : le nazisme raconté par la littérature », p. 103-109 9 Évaluation finale Lettres du 1er et du 18 août 1933, p. 65-68 – Entraînement aux épreuves du brevet – Évaluer les acquis de la séquence Devoir surveillé de type brevet en 4 heures III. Déroulement de la séquence Séance no 1 : évaluation initiale Objectif Supports → → → → Vérifier la compréhension de l’œuvre. L’ensemble du récit. Présentation de l’édition (p. 9-27). « Avez-vous bien lu ? » (p. 94-95). Avant d’aborder la première séance, les élèves devront avoir lu l’ensemble de l’œuvre ainsi que la présentation, et répondu au questionnaire du dossier « Avez-vous bien lu ? ». La correction du questionnaire permettra de vérifier la compréhension des éléments principaux de l’intrigue. ■ Corrigé du questionnaire 1. Max Eisenstein est un galeriste juif installé aux États-Unis, à San Francisco. 2. Martin Schulse est l’associé de Max. Il est allemand, et rentre s’installer dans son pays d’origine. 3. Elsa est l’épouse de Martin. 4. Griselle est la sœur de Max. Elle a entretenu une liaison amoureuse avec Martin. 5. Martin refuse soudain de correspondre avec Max parce que ce dernier est juif. D’une part, Martin est devenu nazi, donc antisémite. D’autre part, dans l’Allemagne nazie, le courrier est 4 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:14 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 5 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x surveillé et censuré : correspondre avec un juif devient dangereux (comme Martin l’indique à Max dans sa lettre du 9 juillet 1933 : « Il devient impossible pour moi de correspondre avec un juif ; et ce le serait même si je n’avais pas une position officielle à défendre », p. 61). 6. Griselle est poursuivie par la SA parce que, bien qu’elle soit juive, elle s’est produite sur scène en Allemagne (lettre du 8 décembre 1933 : « Elle avait montré sur scène son corps impur à des jeunes Allemands : je devais la retenir et la remettre sur-lechamp aux SA », p. 76). 7. Griselle demande de l’aide à Martin. Ce dernier, embrigadé par l’idéologie nazie, refuse pourtant de l’aider. 8. Max envoie à Martin un câblogramme dans lequel il s’adresse à lui comme s’il était juif. Les indications qu’il y donne sur la vente de tableaux sont tellement peu réalistes qu’elles ne peuvent que donner l’impression aux censeurs, qui contrôlent les courriers, que ce télégramme est rédigé dans un langage codé. 9. Tout est fait pour que les nazis, en interceptant la lettre, imaginent qu’elle est destinée à fomenter un attentat. 10. La dernière lettre de Max est renvoyée à l’expéditeur avec la mention « Inconnu à cette adresse ». Cela signifie que, comme Griselle, Martin a été arrêté par la SA. Afin de préparer la séance no 2, les élèves sont invités à relire la lettre du 12 novembre (p. 43-46) et à répondre aux questions de la microlecture no 1 (p. 95-96). Séance no 2 : le seuil du récit Objectifs Supports → → → → → → Lire un incipit. Étudier le schéma narratif du texte. Connaître la structure d’une lettre. Examiner la situation d’énonciation. Lettre du 12 novembre 1932 (p. 43-46). Microlecture no 1 (p. 95-96). On trouvera ci-dessous les réponses corrigées de la microlecture no 1. Inconnu à cette adresse | 5 Meta-systems - 13-04-12 17:39:14 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 6 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x ■ Les caractéristiques de l’incipit L’incipit est le début d’un récit (les premiers mots, les premières lignes, voire les premières pages). Il donne souvent des informations importantes pour comprendre la suite du récit : personnages principaux, sujet de l’intrigue, date et lieu de l’action. 1. Dans le cas d’Inconnu à cette adresse, le cadre spatial est partagé entre la Californie et l’Allemagne ; l’histoire prend place en 1932 ; elle s’étend jusqu’en 1933. Les noms des personnages, les mots allemands employés, ainsi que l’en-tête de la lettre permettent de relever ces informations. 2. Grâce au travail effectué au cours de la séance no 1, les élèves auront été introduits au contexte politique de Allemagne des années 1930 – contexte illustré dans la lettre du 12 novembre 1932 puisque Max y évoque les quatorze années moroses qu’a connues le pays depuis la fin de la Première Guerre mondiale, ainsi qu’une nouvelle « Allemagne démocratique » (p. 43), qui désigne la République de Weimar. 3. Le principe de l’incipit est d’engager l’histoire. Ici, on peut dire que le départ de Martin est l’élément déclencheur. Le début de l’histoire correspond à un début in media res : le lecteur est plongé dans une action en cours. Cependant, les rappels nostalgiques de Max permettent de recréer la situation initiale. Ce texte peut être l’occasion de voir ou de revoir le schéma narratif et ses cinq étapes : 1. Situation initiale : Martin et Max travaillent ensemble en Californie. 2. Élément déclencheur : Martin rentre en Allemagne au moment où Hitler prend progressivement le pouvoir. 3. Péripéties : la montée progressive des nazis, les difficultés de Griselle et sa mort. 4. Élément de résolution : la vengeance de Max. 5. Situation finale : la disparition de Martin. ■ Présentation des personnages 1. Max : apparaît comme un personnage sympathique et nostalgique, très attaché à son ami et à son pays. Il travaille dans 6 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:14 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 7 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x une galerie de tableaux et il est juif. Il a une sœur, Griselle. Il proclame ouvertement son attachement à la démocratie. 2. Martin : rentre dans son pays. Il est meilleur vendeur que Max, plus roublard sans doute. Il est également artiste peintre (comme l’était Hitler dans sa jeunesse). Il a une famille nombreuse : sa femme, Elsa, et ses deux fils, dont l’un se nomme Heinrich. – Griselle : elle est artiste et sœur de Max. Elle est donc un trait d’union entre les deux personnages. On apprend d’ailleurs que Martin a eu une liaison avec elle et qu’il s’est pourtant marié avec une autre. Cela apporte un premier éclairage sur le caractère de Martin, qui se range du côté de la discipline et des convenances. Les premières ombres apparaissent déjà sur le personnage. ■ La mise en place des éléments de l’intrigue 1. L’insistance de Max sur les changements politiques en Allemagne annonce la montée du nazisme. 2. La mention de l’identité juive de Max annonce la rupture prochaine entre les deux amis. 3. Les débuts prometteurs de Griselle dans le monde du spectacle annoncent sa mort à venir. On pourrait même aller plus loin en montrant que la description des tableaux vendus (toiles de Picasso, achetées par les Fleshman) annonce le dénouement puisque Max reprendra les mêmes termes pour se venger. ■ La structure d’une lettre L’étude de l’incipit sera l’occasion d’apprendre aux élèves à distinguer les différents éléments d’une lettre : l’en-tête : « Galerie Eisenstein, USA… » ; l’adresse du destinataire : « Herrn Martin Schulse, Munich… » ; l’objet : aucun ; le lieu et la date : « 12 novembre 1932 » ; la formule d’appel : « Mon cher Martin » ; la formule d’introduction : « Te voilà de retour en Allemagne » ; la formule finale : « Mon cher Martin, laisse-moi […] et aux garçons » ; la signature : « Ton fidèle Max » ; le postscriptum : aucun. Inconnu à cette adresse | 7 Meta-systems - 13-04-12 17:39:15 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 8 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x On définira les notions d’émetteur (destinateur) et de récepteur (destinataire). La situation d’énonciation met en relation un émetteur, un destinataire et s’enracine dans un cadre spatiotemporel. Le message délivré doit s’adapter à la situation d’énonciation. On parle d’énoncé ancré dans la situation d’énonciation lorsque l’énoncé se réfère au moment de l’énonciation. C’est en général un texte au présent (les dialogues, les lettres…). On parle d’énoncé coupé de la situation d’énonciation lorsque l’énoncé ne se réfère pas au moment de l’énonciation. C’est en général un récit au passé. Il est évident que nous avons sous les yeux une lettre intime : son sujet, le tutoiement, les formules utilisées le prouvent. Le texte est ponctué de nombreux points d’interrogation et d’exclamation qui témoignent des sentiments de l’énonciateur. On fera relever aux élèves le vocabulaire des sentiments. À l’inverse, une lettre officielle doit respecter des codes plus précis de mise en page et être respectueuse de son destinataire, écrite dans un style soutenu et dans un ton neutre. Afin de préparer la séance no 3, les élèves sont invités à relire la lettre du 25 mars 1933 (p. 55-58) et à répondre aux questions de la microlecture no 2 (p. 96). Ils doivent également rechercher des exemples de formules de politesse employées dans une lettre officielle. Séance no 3 : écrire une lettre Objectifs Supports → → → → → → Réviser l’impératif. Écrire une lettre officielle. Étudier la comparaison et la métaphore. Lettre du 25 mars 1933 (p. 55-58). Microlecture no 2 (p. 96). Dossier, Valérie Zenatti, Une bouteille dans la mer de Gaza (p. 114-118). ■ La lettre officielle On commencera la séance en reprenant la recherche sur les formules de politesse. On évalue ensemble celles qui sont 8 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:15 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 9 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x correctes. On peut alors les classer en deux catégories : celles que l’on adresse à un interlocuteur connu et celles que l’on adresse à un interlocuteur inconnu. C’est l’occasion aussi de réviser l’impératif présent à partir de ces formules. Pour réinvestir ce qui aura été vu, on demandera aux élèves de s’adapter à une nouvelle situation d’énonciation : ils devront écrire (éventuellement en groupes) une lettre au ministre de l’Éducation nationale afin de lui soumettre des propositions sur l’amélioration du collège. On étudiera ensuite le dernier texte du corpus « Affrontement et récit épistolaire » présent dans le dossier (p. 114-118) : le texte de Valérie Zenatti illustrera les conséquences d’une erreur de destinataire. ■ La montée du nazisme On trouvera ci-dessous un corrigé synthétique des questions de la microlecture no 2. Le portrait de Hitler dressé par Martin est assez fidèle au personnage historique. Les persécutions ont commencé et le pouvoir totalitaire se met en place. En relisant la fin de la lettre précédente de Max (p. 53), il apparaît nettement que Martin ne fait à présent que répondre à la question : « Qui est cet Hitler ? » La réponse balance entre doute et enthousiasme. S’il est clairement fasciné par Hitler, Martin tend à nuancer son optimisme. Malgré tout, les arguments en faveur du nazisme l’emportent. Le personnage reproduit politiquement la conversion qui a déjà eu lieu dans son intimité : il épouse la cause officielle. Son vocabulaire est déjà déformé par la propagande nazie puisqu’il parle de sa « race ». De plus, obsédé par les apparences et la réussite sociale, il se réjouit que le maire soit son invité alors que le nouveau régime persécute toute une catégorie de la population. De même, le discours qu’il tient sur sa femme, que la grossesse empêcherait de réfléchir, est assez odieux. ■ Comparaison et métaphore La comparaison est une figure de style qui met en relation deux éléments : le comparé (élément que l’on compare) et le Inconnu à cette adresse | 9 Meta-systems - 13-04-12 17:39:15 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 10 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x comparant (élément auquel on compare) pour en souligner le point commun. Elle nécessite un outil de comparaison (du type : comme, tel que, pareil à, ressembler à, etc.). Exemples : « Ils se sont débarrassés de leur désespoir comme on enlève un vieux manteau » (p. 56) ; « […] que l’avenir s’élance vers nous telle une vague prête à déferler » (p. 56). La métaphore est une figure de style qui met en relation deux éléments (le comparé et le comparant) sans outil de comparaison. Exemples : « […] la petite écume trouble qui se forme en surface quand bout le chaudron (p. 56) ; « […] dans les sables mouvants du désespoir » (p. 57). L’abondance de ces figures imagées dans la lettre de Martin indique que le personnage s’éloigne désormais de la réflexion et, au contraire, pratique l’amalgame et le raccourci. Il n’est plus dans le raisonnement intellectuel, mais dans le ressenti – logique qui est également celle de la propagande nazie. Séance no 4 : histoire des arts – l’art allemand au service de la propagande Objectif Supports → Analyser une œuvre de propagande. → Arno Breker, Der Wächter (La Garde), cahier photos, p. 3. → Dossier, questionnaire (p. 120). Au cours de la séance précédente, les élèves ont aperçu la première étape de la transformation de Martin. Cette première séance d’histoire des arts leur permettra de mettre en relation cette transformation avec le contexte historique de l’intrigue (dès la prise du pouvoir par les nazis, les artistes sont en effet encouragés à mettre leur art au service de la propagande, afin d’exalter les valeurs du national-socialisme). On s’attachera plus particulièrement à l’étude du bas-relief d’Arno Breker, Der Wächter (La Garde), conduite à l’aide du questionnaire présent dans le dossier de l’édition (p. 120) et dont on indique ci-dessous les réponses. ■ Introduction Der Wächter (La Garde) est un bas-relief de l’Allemand Arno Breker, un artiste favorable au nazisme. L’œuvre a été sculptée 10 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:15 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 11 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x en 1938. Les nazis sont alors au pouvoir depuis cinq ans, et ont entrepris de « mettre au pas » la culture, en créant des institutions qui contrôlent le monde de l’art : désormais, ce dernier ne doit servir qu’à exalter les valeurs du national-socialisme. ■ Description 1. Le personnage est nu, seulement vêtu d’une cape qui vole au vent, sans recouvrir son corps. 2. Son corps est musclé et vigoureux. Son visage présente des traits durs. 3. Il est représenté avec un bouclier et un glaive. ■ Interprétation 1. À travers ce personnage, Arno Breker a voulu représenter le courage et la détermination. 2. Le guerrier peut être rapproché de l’Aryen type dessiné par Elvira Bauer : ces deux personnages ont la même carrure et des traits semblables. 3. Ce personnage représente un Aryen idéal. L’image d’Elvira Bauer sert à inculquer aux enfants la différence qui, selon les nazis, oppose les Aryens aux juifs : ces derniers sont désignés comme des ennemis des Aryens, car leur « race impure » risquerait de contaminer le « sang pur » des Allemands. En rapprochant cette œuvre de celle d’Arno Breker, on comprend que le personnage sculpté est bien « le gardien » de la « race aryenne », au sens où sa mission est de combattre tous ceux qui risquent de la mettre en péril, au premier rang desquels se trouvent, selon les nazis, les juifs. 4. Les éléments antiques – le bouclier rond (semblable à celui des hoplites grecs) et le glaive romain – font de la lutte de la race aryenne pour sa propre préservation un combat ancestral. ■ Conclusion Il s’agit bien d’une œuvre de propagande car, d’une part, elle est destinée à propager dans l’esprit des Allemands le stéréotype de l’Aryen surpuissant et, d’autre part, elle indique aux hommes une conduite modèle : celle du guerrier. Inconnu à cette adresse | 11 Meta-systems - 13-04-12 17:39:15 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 12 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x Séance no 5 : la rupture Objectif Supports → → → → Étudier les temps du récit et leurs valeurs. Lettres du 5 et 23 novembre 1933 (p. 71-74). Microlecture no 3 (p. 97). Lettre du 9 juillet 1933 (p. 61-63). ■ Une fin anticipée On trouvera ci-dessous un corrigé synthétique des questions de la microlecture no 3. Un fossé entre les deux amis. À la suite des lettres du 5 et 23 novembre 1933 (p. 71-74), la rupture est consommée entre les deux amis. Les intitulés de l’expéditeur et du destinataire se sont modifiés depuis la lettre du 18 août 1933, dans laquelle Martin demandait à Max de ne plus lui écrire chez lui. On remarque que deux lettres de Max se suivent, ce qui indique que, malgré la gravité du sujet, Martin refuse désormais de correspondre avec son « ami ». Le roman de Griselle. Dès le début du récit, Griselle est au centre de la relation entre les deux hommes, notamment en raison de l’affection qu’ils lui portent tous deux. Mais elle est également le symbole des valeurs que Martin rejette, bien qu’elles aient été les siennes. En effet, malgré l’amour que Martin portait à la jeune fille, il a épousé une femme plus docile ; de même, il abandonne peu à peu ses idéaux libéraux pour adhérer au nazisme, faisant de Griselle une victime : la rupture provoque son chagrin, la trahison entraînera sa mort. Une étape importante dans le récit. Ces lettres constituent un roman dans le roman, une mise en abyme révélant l’histoire de Griselle. Les dates sont floues car Max manque cruellement d’informations. Il plaide pour que Martin aide sa sœur. Le tragique de la situation fait basculer la nouvelle dans le drame familial. Ce passage anticipe également la fin du récit car y apparaît pour la première fois la mention « Inconnu à cette adresse », qui renvoie au titre même de l’œuvre. Le lecteur pourrait donc s’attendre à ce que l’histoire s’achève, alors que ces lettres constituent au contraire un tournant clé de l’intrigue : elles annoncent la mort de Griselle et la vengeance de Max. 12 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:15 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 13 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x ■ Les temps du récit La correction de la microlecture no 3 sera l’occasion de faire le point sur les temps du récit et sur leurs valeurs respectives : les temps n’indiquent pas seulement la simultanéité (deux événements ont lieu en même temps), la postériorité (un événement a lieu après un autre) ou l’antériorité (un événement a lieu avant un autre), ils ont aussi des valeurs. Les valeurs du présent a. Le présent d’énonciation : c’est le présent de celui qui parle ou qui raconte des événements : « Je regrette beaucoup d’avoir de mauvaises nouvelles à t’apprendre » (lettre du 8 décembre 1933, p. 75). b. Le présent de vérité générale : c’est le présent qui sert à énoncer des vérités toujours valables (ou supposées telles) : « Hitler est bon pour l’Allemagne » (lettre du 5 mars 1933, p. 55). c. Le présent de narration : dans un récit au passé, il sert à rendre plus intense ce qui est raconté. Par exemple : Martin ouvrit la porte : Griselle est sur le seuil. Les valeurs du passé simple et de l’imparfait Le passé simple est utilisé pour décrire des événements de premier plan. Ces événements sont uniques, datés, à durée déterminée. Par exemple : Griselle arriva à Munich à trois heures. L’imparfait est utilisé pour évoquer des événements de second plan (description, décor). Ces événements peuvent être répétés, durables ou à durée indéterminée : « Elle devait être épuisée » (lettre du 8 décembre 1933, p. 76). Les valeurs des temps composés Ils sont employés pour évoquer des faits achevés ou accomplis au moment de l’action. On observera que l’auteur emploie surtout les temps du présent, du futur et du passé composé. Cela est dû au fait que le récit est ancré dans la situation d’énonciation. Écrire au présent (récit ancré) Le système des temps verbaux utilisés dans un discours ancré dans la situation d’énonciation est organisé autour du présent. Inconnu à cette adresse | 13 Meta-systems - 13-04-12 17:39:16 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 14 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x Afin d’en rendre compte, on proposera aux élèves un exercice de repérage : relevez les verbes conjugués dans la lettre du 9 juillet 1933 (p. 61-63) et classez-les selon leur temps. Écrire au passé (récit coupé) Le système des temps verbaux utilisés dans un discours coupé de la situation dénonciation est organisé autour du passé simple. Pour entraîner les élèves à maîtriser le système temporel du passé, on leur proposera de transposer au passé et à la troisième personne du singulier le passage suivant (lettre du 9 juillet 1933, p. 61-63) : « Après la défaite, ils avaient plié l’échine pendant quatorze ans. Pendant quatorze ans, ils avaient mangé le pain amer de la honte et bu le brouet clair de la pauvreté. Mais maintenant, ils étaient des hommes libres. Ils se redressèrent, conscients de leur pouvoir ; ils relevèrent la tête face aux autres nations. […] Il ne s’attacherait qu’aux ennuis de son propre peuple. Il refuserait de concevoir que quelques-uns devaient souffrir pour que des millions fussent sauvés… » Les correspondances entre les deux systèmes de temps, passé et présent, peuvent être illustrées par le tableau suivant : Narration au présent Imparfait et passé composé Présent Futur simple Narration au passé Plus-que-parfait Passé simple ou imparfait Conditionnel présent Séance no 6 : histoire des arts : art officiel allemand et « art dégénéré » Objectifs Supports 14 | → Comparer deux tableaux. → Analyser des œuvres représentatives de l’art officiel et de l’« art dégénéré ». → Wolf Willrich, La Famille, cahier photos, p. 3. → Otto Dix, La Famille de l’artiste, cahier photos, p. 5. → Dossier, questionnaires (p. 122-123). Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:16 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 15 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x La présente séance vise à approfondir l’étude des arts sous le nazisme, en menant l’analyse comparée de deux tableaux mettant en scène la famille, le premier relevant de l’art officiel nazi, tandis que le second, réalisé par Otto Dix (un artiste considéré comme dangereux par les nazis), illustrera la notion d’« art dégénéré ». La lecture d’images sera menée grâce aux deux questionnaires d’analyse des œuvres présents dans le dossier (p. 122123). ■ L’art officiel nazi : la famille vue par Wolf Willrich Introduction La Famille est un tableau peint par Wolf Willrich en 1939. À l’époque, les nazis sont au pouvoir en Allemagne. Wolf Willrich leur est favorable. Description 1. Le tableau représente tous les membres d’une famille : la mère donne le sein à un nourrisson sous le regard du père. Trois autres enfants du couple sont représentés : une fille, qui regarde le nourrisson, une autre, plus jeune, qui joue avec une poupée et un garçon qui, au sol, semble jouer à planter quelque chose dans la terre. 2. Ils sont placés dans un décor champêtre, dans lequel la nature est harmonieuse et maîtrisée par l’homme : les fleurs, comme les légumes, ont été soigneusement cultivées. 3. Les couleurs choisies par l’artiste sont à la fois chatoyantes et douces. Le jaune, en accord avec le blond de la chevelure de tous les membres de la famille, domine. Interprétation 1. D’après ce tableau, le rôle de la mère est de mettre au monde les enfants, puis de s’en occuper, et en particulier de les nourrir. Les deux fillettes sont d’ailleurs exhortées à suivre le modèle de leur mère : la plus âgée observe attentivement la manière dont elle donne le sein au nourrisson, tandis que la plus jeune se prépare à son futur rôle de mère en jouant à la poupée. Le rôle du père est quant à lui de veiller sur sa famille : il est le plus grand personnage du tableau et entoure de ses bras Inconnu à cette adresse | 15 Meta-systems - 13-04-12 17:39:16 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 16 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x à la fois son épouse et sa fille. Le garçon de la famille sait qu’il est destiné à assurer les revenus du ménage qu’il fondera : contrairement à sa petite sœur qui joue, il est déjà occupé à planter des graines qui assureront sa subsistance. 2. On peut dire que l’artiste a cherché à embellir la réalité, pour donner l’impression d’harmonie et de bonheur, dans cette famille qui représente l’idéal aryen. 3. Il cherche à susciter l’admiration du spectateur et l’envie d’atteindre l’idéal représenté. Conclusion On peut faire un rapprochement entre ce tableau et l’évolution du personnage de Martin dans la nouvelle. Dans les premières lettres, on apprend qu’il a entretenu, bien que marié, une liaison avec Griselle. Pourtant, une fois arrivé en Allemagne, il se conforme peu à peu au rôle de mari que lui assigne l’idéologie nazie. Sa femme met au monde plusieurs enfants et reste à la maison pour les élever, tandis que lui se consacre à sa carrière de haut dignitaire nazi. Il prend soin d’inculquer l’idéologie nazie à ses enfants, et en particulier à ses fils, qui sont inscrits dans les Jeunesses hitlériennes – institution en charge de la formation des jeunes Allemands, dont elle entend faire de parfaits nazis. ■ « L’art dégénéré » : la famille vue par Otto Dix Introduction La Famille de l’artiste est un tableau peint par Otto Dix en 1927, c’est-à-dire six ans avant l’arrivée des nazis au pouvoir. Une fois Hitler nommé chancelier, Otto Dix sera considéré comme un artiste « dégénéré », et ses œuvres condamnées. Description 1. Le tableau représente les quatre membres d’une même famille : la mère, le père (Otto Dix lui-même) et leurs deux enfants, une petite fille et un nourrisson. Le père et la mère observent le nourrisson, tandis que la petite fille lui tend une fleur. 2. Loin des figures longilignes et des corps idéaux des membres de la famille peinte par Willrich, la famille d’Otto Dix 16 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:16 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 17 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x est représentée avec des corps imparfaits, rebondis, comme celui de la mère, ou tordus, comme celui du père. De même, leurs visages ne sont pas sereins : si la mère et la petite fille esquissent un sourire, le père comme le nourrisson affichent une figure grimaçante. 3. C’est le rouge qui domine dans ce tableau. Interprétation L’autoportrait d’Otto Dix n’est absolument pas flatteur. En effet, il ne s’agit pas, pour l’artiste, d’embellir la réalité, mais de la montrer sous un jour inédit. Ainsi, cette peinture ne suscite guère d’admiration pour le sujet représenté, mais diffuse plutôt un sentiment de malaise (renforcé par l’utilisation de la couleur rouge). Conclusion C’est précisément parce que Otto Dix n’a pas cherché à embellir la réalité que son œuvre a été assimilée à « l’art dégénéré » : bien loin de vouloir propager, comme le fait l’art allemand officiel, une idéologie reposant sur un modèle univoque et imitable, l’artiste a veillé à représenter la réalité de manière inattendue. Sa toile donne l’impression d’une famille aimante, mais provoque toutefois un sentiment d’étrangeté, voire de malaise, chez le spectateur. Il ne s’agit pas d’imposer une façon de penser au public, mais au contraire de l’inciter à réfléchir par lui-même en s’éloignant des stéréotypes attendus. On comprend dès lors pourquoi cette forme d’art pouvait apparaître comme un danger aux yeux des nazis, qui s’employaient à formater une société uniforme. Séance no 7 : la vengeance Objectifs Supports → → → → → Le genre épistolaire. Le schéma actanciel. Lettres du 15 février et du 3 mars 1933 (p. 87-89). Microlecture no 4 (p. 98) Dossier, groupement de textes « Affrontement et récit épistolaire » (p. 109-118). Inconnu à cette adresse | 17 Meta-systems - 13-04-12 17:39:16 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 18 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x ■ L’excipit On trouvera ci-dessous les réponses corrigées de la microlecture no 4. Un retour au point de départ ? La fin de la nouvelle opère une boucle avec le début. Les adresses de l’expéditeur et du destinataire reprennent leur forme d’origine. L’identité juive de Max est devenue manifeste puisqu’il signe désormais « Eisenstein ». L’ellipse du prénom montre également qu’il ne se considère plus comme l’ami de Martin. Quant à la formule « Notre très cher Martin », elle consacre le caractère universel de la vengeance : elle n’est pas seulement d’ordre privé mais est instaurée au nom de tous les juifs persécutés en Allemagne. Le « code ». Tout semble indiquer que Max utilise un code : l’abondance de chiffres, l’insistance sur des éléments insignifiants, l’utilisation d’un vocabulaire relatif au monde de la contrebande. L’évocation de Picasso et la mention de Fleshman font écho à la première lettre de Max (p. 43-46). De même, l’allusion aux deux garçons renvoie aux deux fils de Martin, également évoqués dans la première lettre. Une vengeance par lettres. La lettre, qui formait un lien entre les deux hommes, devient ici le support de la vengeance. Tous les éléments sont ici renversés. Picasso évoque l’art « dégénéré » rejeté par les nazis. Le poids des enfants, peu vraisemblable, fait penser à un message codé. La formule de politesse finale laisse entendre que Martin fomente un attentat, et la signature elle-même, aux consonances juives, est dangereuse pour Martin car elle suggère son alliance avec « l’ennemi ». De même que Max tentait de redevenir allemand via sa première lettre, il transforme Martin en juif par la force du discours dans la dernière lettre. ■ Le schéma actanciel Le schéma actanciel permet de distinguer les rapports entre les actants d’un récit : le sujet (le plus souvent le personnage principal du récit) ; l’objet (ce que cherche à obtenir le sujet, sachant qu’il peut être concret – un anneau par exemple – ou abstrait – la sagesse, l’amour, etc.) ; les adjuvants (personnages 18 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:17 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 19 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x amis, valeurs ou sentiments) qui aident le sujet dans sa quête ; les opposants (personnages ennemis, maladies ou autre péripéties) qui gênent le sujet dans sa quête. À partir de ces informations, les élèves peuvent établir le schéma actanciel de la nouvelle : sujet (Max) ; objet (survie de Griselle, puis vengeance de Griselle) ; adjuvants (Martin, puis le nazisme) ; opposants (le nazisme, puis Martin). La grande force de cette histoire est de renverser les opposants et les adjuvants. ■ Le genre épistolaire On pourra conclure la séance en présentant aux élèves d’autres exemples d’histoires construites à travers une série de lettres : les Lettres persanes, de Montesquieu (p. 111-112), qui s’achèvent aussi par une vengeance, et Les Liaisons dangereuses, de Laclos (p. 113-114), roman épistolaire mettant en scène une situation d’affrontement entre deux personnages. Dans les deux cas, les lettres n’ont pas pour seul objectif de raconter une histoire mais ont un but argumentatif. Elles évoquent le thème de la condition des femmes – sujet présent en filigrane dans Inconnu à cette adresse. En effet, Roxane proclame sa liberté en se suicidant, et Mme de Merteuil refuse de se soumettre à son égal masculin, M. de Valmont. On peut rapprocher ces deux figures de Griselle, qui s’affirme comme une femme libre, en opposition avec Elsa, la femme soumise, dévouée à la maternité. Cependant, dans les trois cas, les femmes sont punies de leur désir de liberté par la mort (dans le cas de Mme de Merteuil, la mort est symbolique : l’héroïne est défigurée). On pourra faire remarquer aux élèves que, à la différence de Roxane et de Mme de Merteuil, Griselle ne prend pas la parole dans Inconnu à cette adresse. Il serait donc intéressant d’imaginer quel pourrait être son discours. Inconnu à cette adresse | 19 Meta-systems - 13-04-12 17:39:17 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 20 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x Séance no 8 : histoire des arts – les arts au service de la lutte contre le nazisme Objectif Supports → Analyser des œuvres d’art engagées dans la lutte contre le nazisme. → John Heartfield, Comme au Moyen Âge… et sous le Troisième Reich, cahier photos, p. 7. → Victor Brauner, Sans titre – Hitler, cahier photos, p. 6. → Dossier, groupement de textes : « Dire l’indicible : le nazisme raconté par la littérature » (p. 103-109). L’étude du roman Inconnu à cette adresse fait apparaître la dimension argumentative de l’œuvre : il s’agit, pour l’écrivain, de mettre en garde l’Amérique contre la violence de l’État nazi et le danger qu’il représente. C’est pourquoi on prolongera l’étude de la nouvelle par une dernière séance d’histoire des arts, consacrée aux moyens mis en œuvre par les artistes pour lutter contre le régime nazi. À travers l’étude de deux œuvres plastiques, on inscrira Inconnu à cette adresse dans le courant des œuvres qui, dès le début des années 1930, s’engagèrent, par des moyens artistiques, dans la lutte contre l’idéologie nazie. ■ John Heartfield, Comme au Moyen Âge… et sous le Troisième Reich Introduction Ce photomontage, intitulé Comme au Moyen Âge… et sous le Troisième Reich est l’œuvre de l’artiste allemand John Heartfield. Il date de 1934. Les nazis sont alors au pouvoir depuis moins d’un an. Description 1. La partie supérieure de l’œuvre représente un homme subissant la torture de la roue. 2. De même, on observe, dans la partie inférieure de l’œuvre, un homme supplicié. 20 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:17 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 21 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x 3. Un élément important a changé : dans la partie inférieure, la croix gammée a remplacé la roue. Interprétation 1. L’artiste rapproche le Troisième Reich qu’entend créer Hitler du Moyen Âge, considéré dans l’imaginaire collectif comme une période violente et irrationnelle. 2. C’est la violence utilisée par les nazis pour prendre et préserver leur pouvoir qui justifie ce rapprochement. 3. Heartfield reproche aux nazis de faire régresser l’Allemagne et de la faire entrer dans un nouvel âge sombre. Conclusion L’artiste cherche à choquer le spectateur afin de l’inciter à se défaire du carcan idéologique imposé par la propagande nazie. ■ Victor Brauner, Sans titre – Hitler (1934) Introduction Ce portrait de Hitler est l’œuvre du peintre roumain Victor Brauner. Comme le photomontage de John Heartfield, il a été réalisé en 1934, un an après l’arrivée au pouvoir de Hitler. Description 1. On reconnaît Hitler à la forme de son visage, et surtout à sa moustache caractéristique. 2. Son visage est transpercé par une multitude d’objets : on reconnaît par exemple un glaive, un marteau, un clou et un parapluie. 3. Les couleurs dominantes sont le noir et le marron, qui contrastent avec le rouge du sang de Hitler. Interprétation 1. Cette toile évoque une scène onirique grâce à sa dimension surréaliste. Tout se passe comme si le peintre réussissait, dans un monde imaginaire, à retourner contre Hitler toute la violence de son programme. 2. Elle témoigne ainsi d’un sentiment de haine profonde envers Hitler. Inconnu à cette adresse | 21 Meta-systems - 13-04-12 17:39:17 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 22 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x 3. On peut mettre en perspective ce tableau avec l’affiche mettant en scène un portrait de Hitler, légendé du slogan Ein Volk, ein Reich, ein Führer (cahier photos, p. 1). Alors que l’image de propagande met en scène un chef tout-puissant et vise à susciter l’admiration, Victor Brauner dégrade la figure du Führer et dénonce sa violence. Conclusion Avec cette œuvre, il s’agit certainement pour Victor Brauner de lutter contre la propagande nazie, en proposant une alternative qui dévoile un autre visage – le vrai visage – du nouveau chancelier allemand. On peut rapprocher le travail de Brauner de celui de Charlie Chaplin dans Le Dictateur, quelques années plus tard. Bien qu’il s’agisse d’une comédie à l’esthétique bien éloignée de celle du peintre roumain, le réalisateur américain prend également le contre-pied de l’image officielle de Hitler (telle que la présente la propagande), en tournant sa volonté de puissance en ridicule. ■ Prolongement : groupement de textes « Dire l’indicible : le nazisme raconté par la littérature » On pourra prolonger la séquence en lisant trois textes qui, écrits après la chute du régime de Hitler, témoignent chacun à leur manière de ce que fut le nazisme. On répondra aux questions qui suivent les extraits (comme ci-dessous). Stefan Zweig, Le Monde d’hier (1941) 1. Stefan Zweig fait allusion à la mise en place du pouvoir nazi, à la mise au pas de la société et de la culture (par exemple à travers les autodafés) et à la persécution des juifs et des opposants au système nazi. 2. Selon Zweig, les intellectuels se sont montrés indifférents à la progression du national-socialisme car ils ont sous-estimé son caractère radical. D’après lui, cette erreur de jugement s’explique par la confiance que les intellectuels portaient dans la culture allemande et européenne : selon eux, celle-ci devait empêcher les Européens de tomber dans la barbarie. 22 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:17 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 23 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x 3. Les nazis ont pris soin d’éviter de soulever l’indignation de la communauté internationale en prenant des mesures progressives. Primo Levi, Si c’est un homme (1947) 1. Ce poème s’adresse aux hommes qui n’ont pas fait l’expérience des camps de concentration. 2. Il évoque les souffrances infligées aux juifs dans ces camps de concentration : le travail forcé, la faim, le froid, les coups, les humiliations et la mort. 3. Primo Levi a voulu témoigner pour que les hommes tirent une leçon de l’histoire, afin que la barbarie mise en place par les nazis ne puisse plus se reproduire. Kressmann Taylor, Jours d’orage (1978) 1. Grussmann justifie les atrocités commises par les nazis au nom de la raison de la guerre. 2. Comme Martin, Grussmann est un dignitaire nazi qui perçoit la persécution des juifs et des ennemis de l’Allemagne comme un mal nécessaire, qu’on ne peut pas lui reprocher. 3. Après Inconnu à cette adresse, Kressmann Taylor choisit à nouveau la forme romanesque pour mener sa réflexion sur le nazisme. Cela lui permet de transcrire les pensées mêmes de nazis et, ainsi, de faire apparaître leur logique propre, afin de mieux la combattre. Séance no 9 : évaluation finale Objectifs Supports → Entraînement aux épreuves du brevet. → Évaluer les acquis de la séquence. → Lettres du 1er et du 18 août 1933 (p. 65-68). Voici un devoir de type brevet à réaliser en quatre heures en classe ou bien à répartir entre questions en classe et rédaction à la maison. ■ Questions et corrigés 1. Quelle précaution prend Max pour envoyer sa lettre à Martin ? Pourquoi ? (1 point) Max prend la précaution de Inconnu à cette adresse | 23 Meta-systems - 13-04-12 17:39:17 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 24 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x confier sa lettre « aux bons soins de J. Lederer » pour éviter la censure. 2. a. Pouvez-vous formuler la question que pose Max à Martin dans sa lettre ? (1 point) La question que formule Martin dans sa lettre est la suivante : « Est-ce que tu joues le jeu de l’opportunisme ? » b. Quelle réponse Max attend-il ? (0,5 point) Il attend un « oui » (première lettre). c. Quelle est la réponse de Martin ? (0,5 point) Martin répond par un « non » (seconde lettre). 3. Dans sa réponse, Martin cite deux fois la lettre de Max. Relevez ces deux citations en indiquant à quelle ligne elles se trouvent dans la première lettre. (2 points) Martin cite deux fois Max : avec le mot « libéral » (seconde lettre, l. 5), qui renvoie aux lignes 15 et 20 de la première lettre ; et avec l’expression « la vue à long terme » (seconde lettre, l. 20-21), qui renvoie à la ligne 21 de la première lettre. 4. a. Relevez les formules d’appel, les formules finales et les signatures des deux lettres. (2 points) On trouve les formules d’appel suivantes : « Mon cher Martin » (première lettre) et « Cher Max » (seconde lettre). La formule finale de la première lettre est : « Mes amitiés à vous tous » ; il n’y en a pas dans la seconde lettre. Les signatures sont : « Max » (première lettre) et « Martin Schulse » (seconde lettre). b. En comparant ces formules, décrivez les sentiments des deux amis. (2 points) Max est beaucoup plus chaleureux que Martin : il emploie « mon cher » au lieu de « cher ». Martin au contraire n’utilise pas de formule finale et signe de son nom entier. Martin ne veut plus de l’amitié de Max. 5. a. Quelle est la situation d’énonciation de la première lettre (énonciateur, destinataire, cadre spatio-temporel) ? (2 points) Dans la première lettre, l’énonciateur est Max, le destinataire est Martin. Elle est écrite le 1er août 1933 à San Francisco. b. Quelle est la situation d’énonciation de la seconde lettre (énonciateur, destinataire, cadre spatio-temporel) ? (2 points) Dans la seconde lettre, l’énonciateur est Martin, le destinataire est Max. Elle est écrite le 9 septembre 1933 à Munich. 24 | Étonnants Classiques Meta-systems - 13-04-12 17:39:18 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 25 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x 6. Ces lettres sont-elles des énoncés coupés de la situation d’énonciation ou ancrés dans la situation d’énonciation ? Justifiez votre réponse (1 point). Ces lettres sont des énoncés ancrés dans la situation d’énonciation car l’énonciateur fait référence au moment de l’énonciation. De plus, ce sont des textes au présent. 7. Relisez la première lettre, de « Je confie cette missive » à « ta peur de la censure ». a. Quel est le temps principal employé dans ces phrases ? (0,5 point) C’est le présent de l’indicatif qui est principalement employé dans ces phrases. b. Quelle est la valeur de ce temps ? (0,5 point) C’est un présent d’énonciation. 8. Relisez la seconde lettre, de « Un libéral est un homme » à « Non ». a. Quel est le temps principal employé dans ces phrases ? (0,5 point) C’est le présent de l’indicatif qui est principalement employé dans ces phrases. b. Quelle est la valeur de ce temps ? (0,5 point) C’est un présent de vérité générale. 9. Relisez la seconde lettre, de « Tu devrais te réveiller » à « sans états d’âme ». a. Quel est le nom de cette figure de style ? (0,5 point) Cette figure de style est une métaphore. b. Quel est le comparé et quel est le comparant ? (1 point) Martin compare les nazis (comparé) à un chirurgien (comparant). 10. « Je confie cette missive à Jimmy Lederer qui doit brièvement séjourner à Munich lors de ses vacances européennes. Je ne trouve plus le repos après la lettre que tu m’as envoyée. Elle te ressemble si peu que je ne peux attribuer son contenu qu’à ta peur de la censure ». Réécrivez ce texte au passé et à la troisième personne en commençant de la manière suivante : « Il confia cette missive à Jimmy Lederer. » (2,5 points) Il confia cette missive à Jimmy Lederer qui devait brièvement séjourner à Munich lors de ses vacances européennes. Il ne trouvait plus le repos après la lettre qu’il lui Inconnu à cette adresse | 25 Meta-systems - 13-04-12 17:39:18 FL1431 U114 - Oasys 19.00x - Page 26 - BAT Guide de l’enseignant - Etonnants classiques - Dynamic layout 125x × 178x avait envoyée. Elle lui ressemblait si peu qu’il ne put attribuer son contenu qu’à sa peur de la censure. ■ Sujet de rédaction Imaginez la lettre que Griselle a écrite à Max en partant pour Berlin. Dans cette lettre, elle lui explique les raisons de son départ, décrit ses sentiments et expose ses espoirs au sujet de la situation actuelle de l’Allemagne. Lors de ce travail rédaction, vous devrez : 1. Respecter les règles de présentation de la lettre. – 2. Vous mettre à la place de Griselle. – 3. Rester cohérent avec les informations données dans l’œuvre de K. Taylor. Fabien CLAVEL, professeur de français au lycée Julie-Victoire Daubié, à Argenteuil (Val-d’Oise), et Claire JOUBAIRE, professeur de français au lycée Paul Eluard, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).