La 2ème lettre aux Corinthiens

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La 2ème lettre aux Corinthiens
La 2ème lettre aux Corinthiens
Quelques pistes de réflexion sur 2 Co 4,1-6,18
2 Corinthiens est la lettre par excellence de l’apostolat. Après avoir rappelé les raisons
qui lui ont fait retarder son voyage à Corinthe (2,1-13), Paul s’est lancé dans un vibrant
hommage de ce qu’est être « apôtre du Christ Jésus ».
Etre apôtre, nous a-t-il dit, c'est répandre la bonne odeur du Christ (2,14-16). Tous n'en
ont pas la capacité : la parole doit être proclamée avec sincérité (2,17). Tout le chapitre 3
a ensuite été consacré à établir la supériorité de la nouvelle Alliance sur l'ancienne, au
moyen d'un parallèle entre le Christ et Moïse. Dans ce chapitre, saint Paul parle
d'expérience : lui-même a conservé pendant longtemps un voile sur les yeux, alors qu'il
professait la religion juive. Mais avec l'appel du Seigneur, ce voile est tombé comme nous
le relate le récit des Actes en parlant des écailles tombant des yeux de Saül (Ac 9,18).
Avec les chapitres 4 et 5, nous en arrivons à la partie centrale de ce grand
développement sur le ministère apostolique. On peut y distinguer plusieurs parties :
-
Le premier paragraphe conclut la partie précédente (4,1-6).
Ensuite (4,7-18), Paul va insister sur la double fragilité dans laquelle se poursuit
l'apostolat.
Les 10 premiers versets du chapitre cinq prépareront l'appel à la réconciliation
(5,11-21) où culmine tout l’ensemble.
Le chapitre 6, et le chapitre 7 que nous lirons la prochaine fois, viennent conclure ce
grand débat sur le ministère apostolique en prenant à nouveau un tour plus personnel.
Lire 1 Co 4,1-18
La lettre visant à défendre l'apôtre des critiques dont il se sait l'objet, l'exposé objectif de
ce qu'est le ministère apostolique se mêle à une apologie plus personnelle, même si Paul
emploie le « nous » du pluriel.
Les versets 1-2 reprennent l'attestation de la franche vérité de la conduite de Paul
comme de sa prédication.
Le verser 3 reprend l’image du « voile » qui recouvre la Bonne Nouvelle pour « ceux qui
vont à leur perte » (cf. 2,15). Le voile qui recouvrait les yeux des Juifs empêche
maintenant certains des corinthiens, sans doute des chrétiens d'origine juive, qui
s'opposent à son Évangile, peut-être à cause de l'ouverture de Paul envers les païens.
Prolongeant cette image, Paul démontre (v. 5-6) que le rôle du prédicateur est de faire
« resplendir la connaissance de la gloire de Dieu ».
Le ministère apostolique apparaît avant tout comme une transformation intérieure. Sur
le « visage » de l'apôtre, tout homme doit voir resplendir « le visage du Christ ».
Pourquoi ? Non pas à cause de l’apôtre lui-même, mais de « l’Evangile » qu’il annonce et
dont il n’est que le serviteur. Ainsi, le visage de l’apôtre n’est que le reflet de la lumière
du visage du Christ, grâce à l’action de Dieu (le Père) en lui. Cette lumière du Christ
n’est elle-même que l’image de la lumière du Dieu unique, lui qui a dit : « la lumière
brillera dans les ténèbres ». Puisqu'il en est ainsi, l'apostolat ne vient pas de dons
particuliers d’origine humaine mais de l'initiative de Dieu qui illumine intérieurement
ceux qu'il veut envoyer comme il l'a fait pour Paul sur le chemin de Damas.
Paul attribue l’aveuglement de certains à l’action de Satan, évoqué également à travers la
citation de l’Ecriture comme « les ténèbres ». Celui-ci ne peut cependant empêcher la
lumière de Dieu de se répandre.
Tel est ce « trésor » dont il est question au verset 4,7 et que les apôtres sont chargés de
révéler. Ce trésor est caché dans des « poteries sans valeur » : l'image de la poterie veut
nous rappeler la parabole du potier que l'on trouve en Jr 18,1-12. Comme toujours dans
les lettres aux corinthiens, Paul s'appuie sur cette « fragilité de l’apôtre » dans laquelle il
veut voir la manifestation de la puissance de Dieu.
Paul met en parallèle ses souffrances avec celles du Christ (4,10-15) : il est convaincu
que son sacrifice produit des fruits comme celui du Fils ; le serviteur ne fait que suivre
son maître. Il y a donc une double solidarité de l'apôtre : avec Jésus mais aussi avec
ceux vers lesquels il est envoyé. La mort produit la vie.
Le verset 4,16 reprend l’expression du verset 4,1 : « Nous ne perdons pas courage ». Ce
verset vient à la fois conclure le développement précédent (inclusion) et ouvrir sur ce qui
va être développé au chapitre 5. Paul veut exprimer la disparité entre le « vase sans
valeur » qu’il est et le « trésor » qui lui a été confié, entre « l’homme extérieur » et
« l’homme intérieur », entre « ce qui se voit » et « ce qui ne se voit pas », entre le
« provisoire » et « l’éternel ». Il nous invite à élever nos regards, trop souvent tournés vers
la Terre, pour nous tourner vers ce qui est la vraie réalité, une réalité invisible certes
mais éternelle et non plus temporaire.
Lire 1 Co 5,1-21
5,1 sert d’introduction au développement qui suit et qui va deux sortes de réalité.
Celle que nous percevons immédiatement est terrestre et éphémère, celle qui est dans
les cieux est éternelle. La certitude exprimée par Paul (« nous le savons ») ne vient pas de
l'évidence puisque le monde céleste est invisible ; elle vient de la foi en la révélation que
le Seigneur nous en a faite. Le mot de « demeure » répété deux fois (et repris encore deux
fois par la suite) vient du début du discours après la Cène : « dans la maison de mon
père, il y a beaucoup de demeures » (Jn14,2).
Ce qui angoisse tout homme, aussi croyant soit-il, c'est le passage de la mort1, un
passage où nous serons dépouillés non seulement de tout ce que nous possédons, mais
également de notre corps, à l’image d’un « vêtement » (attention cependant à ne pas mal
interpréter cette image).
Paul envisage l’avenir eschatologique de manière proche, d’où son allusion à ceux qui
seront encore « vêtus » de leur corps.
Ce caractère tragique de la mort et de la corruption, Dieu a voulu le partager avec nous pour le
transformer en une épreuve de rédemption.
1
Nous ne sommes pas faits pour une vie terrestre mais pour un avenir « dans les cieux ».
Notre vie terrestre a-t-elle alors un sens ou bien n’est-elle qu’une épreuve que l’on
pourrait considérer comme inutile ? Par l’Esprit reçu, nous bénéficions dès maintenant
sur cette terre de la vie et de la joie éternelle, même si ce n'est pas en plénitude : il s’agit
« d’arrhes », d’un acompte qui nous permet de vivre « en pleine confiance ».
Notre vraie patrie est au ciel ; dans notre corps terrestre, nous sommes des exilés, des
émigrés, qui ont à cheminer en allant cependant de l'avant.
Le verset 6 nous décrivait « installés » dans notre corps ; le verset 8 reprend l'image de
l'émigration mais en sens inverse pour souligner que notre vraie patrie est le ciel. Le mot
« exil » exprime la douleur que nous ressentons lorsque nous devons quitter ce corps
pour nous installer chez le Seigneur. La double comparaison montre combien la
condition humaine est « déchirée » entre ce pour quoi elle est faite et ce à quoi la pousse
sa condition charnelle. Que nous nous sentions « installés » ou en « exil », nous devons
agir de la même manière : en essayant de plaire au Seigneur dans la perspective du
jugement.
Au verset 10, Paul ne précise pas s'il parle du jugement particulier ou du jugement
dernier le mont tout ferait pencher plutôt vers la deuxième hypothèse. Mais n'oublions
pas qu'avec Paul, la perspective eschatologique est toujours proche. Ce qui compte, c’est
que chacun sera jugé selon ses œuvres personnelles. Et puisque c'est dans et par notre
corps que nous avons fait le bien ou le mal, il est juste qu'à la résurrection, les corps
aient leur part au triomphe ou à la damnation de la personne dont ils auront été
l’instrument.
Mais ce tribunal n'intervenant de toute manière qu’à la mort, notre vie terrestre laisse
donc le temps de la réponse dont il va maintenant être question (5,11-21).
Nous en arrivons maintenant à la définition de ce qui est l'essentiel du ministère
apostolique. Les versets 11 à 13 font le lien avec ce qui précède, en même temps qu’ils
préparent la suite. La perspective du jugement doit provoquer « la crainte du Seigneur »,
qu’il faut comprendre comme un mélange de révérence et de confiance.
Au verset 13, Paul reprend un thème qui faisait déjà l’objet de sa 1ère lettre, le thème de
la « folie » et de la « raison », qu’il met en parallèle avec celui des « apparences » et de la
« réalité ».
« être à découvert » exprime à la fois l’idée de vérité et celle de vulnérabilité.
5,14-21 marque un changement de ton, devenant plus solennel ; passage du « vous » au
« nous » : il s’agit d’un vibrant appel à la réconciliation avec Dieu, fondé sur le fait que le
Christ est venu, qu’il est mort et ressuscité pour le salut de tous. Le ministère
apostolique est présenté comme un ministère de salut.
Lire 1 Co 6,1-18
Les premiers versets font la transition : puisque Paul travaille pour le salut de tous, il est
en droit (et il a le devoir) d’inviter les corinthiens à « laisser agir la grâce », i.e. à entrer
dans ce mouvement de réconciliation avec Dieu. Dans la perspective paulinienne, « le
jour favorable », c’est « aujourd’hui » !
Citation d’Is 49,8 tirée du 2ème chant du Serviteur.
Paul revient ensuite à son apologie personnelle : il le fait sans orgueil mais avec la
certitude de n’être que celui sur lequel « resplendit la gloire du Christ » (cf. 4,4-6). Ce
passage apparaît comme une « litanie » bien construite où se met en œuvre de manière
admirable la rhétorique paulinienne.
Les versets 11-13 semblent introduire les recommandations que Paul va maintenant
donner aux corinthiens. Après avoir annoncé « le jour favorable » et s’être présenté
comme « vrai ministre de Dieu » (6,4), Paul s’adresse aux Corinthiens pour qu’ils
s’ouvrent (enfin) sans réserve à sa prédication.
Le dernier paragraphe invite à ne pas accepter de compromissions. Dans la ligne du
portrait précédent, Paul poursuit par antithèses, arrivant à définir l’Eglise (ou chacun
des croyants) comme le Temple du Dieu vivant.
Paul appuie son argumentaire par trois citations bibliques successives :
-
La première rappelle la parole prophétique de « Dieu avec nous » = Emmanuel
La deuxième exclue toute compromission avec l’impureté et l’idolâtrie
La troisième exprime la paternité de Dieu
Le verset 7,1 vient conclure cette série par un appel à la sanctification.

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