les tableaux d`une exposition

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LES TABLEAUX D’UNE EXPOSITION de Modest Moussorgski
Projet de documentaire proposé par Christian Labrande
A l’instar de la Symphonie fantastique de Berlioz, Les Tableaux d’une
Exposition de Modest Moussorgski semblent une œuvre venue de nulle part,
miraculeuse, inclassable.
Elle fait partie depuis un demi-siècle des chefs d’œuvre les plus joués de la
littérature pianistique. Or leur auteur fut avant tout un compositeur d’opéra
(Boris Godounov, La Kovantchina, etc. ) dont la seule autre œuvre instrumentale
est la fameuse Nuit sur le Mont Chauve.
Un bel exemple de la « correspondance des arts » : le peintre inspire le
musicien
Les circonstances mêmes de la composition sont uniques. Moussorgski est dans
un profond état de dépression à la suite de la mort de son grand ami et confident
le peintre et architecte Viktor Hartman. Après avoir visité une exposition
organisée quelques mois plus tard en l’honneur du défunt, Moussorgski écrit,
dans la tradition des « tombeaux musicaux », une œuvre inspirée par celle de
son ami disparu : une suite de croquis, maquettes, etc.
Les Tableaux est une Suite pour piano de dix miniatures d’une durée d’environ
trois minutes chacune, reliées par une pièce récurrente intitulée « Promenade »
qui figure la déambulation de Moussorgski durant la visite de l’exposition.
Le compositeur écrit son œuvre au printemps 1874 en trois semaines, comme
dans un jaillissement irrépressible ; c’est une forme totalement nouvelle, même
si on peut en trouver de lointains échos dans des œuvres comme Le Carnaval ou
Les Papillons de Schumann.
Rarissimes sont les œuvres musicales inspirées par la peinture : le Sposalizio de
Liszt avec Raphael et Rakes Progress de Stravinsky avec Hogarth en sont les
seuls autres exemples notables.
Les Tableaux de Hartmann s’apparentent à des croquis, des notations de sujets
glanés au fil de ses voyages en Russie et en Europe. Moussorgski en retient
essentiellement des sujets et des impressions qui vont nourrir sa musique.
Moussorgski et Hartmann étaient unis dans la passion du génie national russe.
Chacune des pièces a sa propre couleur, d’une profonde originalité, qui croise
souvent des thèmes du folklore. Le génie dramatique du compositeur excelle à
« peindre » en musique tour à tour le portrait inquiétant de Gnomus, celui de
Baba Yaga la Sorcière, puis La Cabane sur des Pattes de poule, la Grande
Porte de Kiev, etc.
Audace, humour et modernité
Les contrastes de climat et de couleurs d’une pièce à l’autre convoquent toutes
les ressources du langage pianistique et en font par conséquent une des œuvres
les plus difficiles et novatrices du répertoire.
Car, à la manière de Berlioz dans la Fantastique, Moussorgski construit son
langage musical directement à partir de son imagination et non en fonction des
règles académiques. Pour restituer le caquètement d’une conversation en
musique ou les piaulements comiques du ballet des poussins, le compositeur
n’hésite pas à proposer des inventions rythmiques qui nous paraissent toujours
d’une étonnante modernité.
Le souci réaliste qui commande l’inspiration du musicien aboutit
paradoxalement à une poétique musicale libérée de toutes les conventions de
l’époque.Une œuvre déconcertante pour le public !
Métamorphoses des Tableaux
C’est sans doute ce qui explique que les Tableaux d’une Exposition ne seront
jamais exécutés en concert du vivant du compositeur (mort prématurément
d’alcoolisme en 1881, à l’âge de 42 ans) et qu’ils trouveront le chemin du
succès à travers des orchestrations.
La plus fameuse demeure celle que Maurice Ravel réalisa en 1922 pour le chef
d’orchestre Serge Koussevitzky. Mais l’œuvre de Moussorgski sonne tellement
bien à l’orchestre que la concurrence est pléthorique. Plus d’une dizaine
d’orchestrations, plus ou moins fidèles à l’esthétique du compositeur, sont
réalisées, dont celle du chef d’orchestre américain Leopold Stokowski qui
semble faite pour exalter les ressources de la haute fidélité dont Stokowski (le
chef de Fantasia de Disney) est un ardent propagandiste.
Il faudra attendre les années 1950 pour que les versions piano reviennent en
vogue grâce à Vladimir Horowitz : il en enregistre une version édulcorée qui
semble plus une transcription de la version pour orchestre de Ravel qu’à
l’original de Moussorgski !
La véritable révélation et le « retour aux sources » avec respect de l’œuvre
originelle est l’enregistrement d’un concert historique donné par Sviatoslav
Richter à Sofia en 1959.
Mais la saga des Tableaux n’est pas terminée. Dans les années soixante-dix, le
pianiste et chef d’orchestre Vladimir Ashkenazi établit une édition définitive de
l’œuvre qu’il corrige de ses scories et qu’il enregistre à la fois au piano et dans
sa propre orchestration. Il dénonce à cette occasion les « dénaturations »
coloristes que Ravel a fait subir à l’œuvre de Moussorgski.
Parallèlement, le groupe rock progressif Emerson, Lake and Palmer, spécialisé
dans les détournements de favoris du répertoire classique, signe sa propre
version des Tableaux qui deviennent également un tube du répertoire pour
ensemble de cuivres. Le grandiose final des Tableaux - la grande porte de Kiev -
est quant à lui très prisé des formations heavy metal et des divers arrangements
électroniques.
Preuve ultime de l’increvable popularité de l’œuvre de Moussorgski, elle est
utilisée par Michael Jackson lui-même en introduction de son album History.
Conclusion : correspondance des arts ? Une histoire à rebondissements
Les Tableaux sont l’occasion unique de réaliser un film qui soit nourri en
filigrane d’une réflexion sur les rapports entre les arts : comment un musicien
peut-il trouver son inspiration dans l’œuvre d’un peintre ? Et comment cette
même œuvre musicale va-t-elle inspirer un autre peintre ?
Car l’histoire ne s’arrête pas à la « rencontre » entre les croquis de Viktor
Hartmann et le piano de Modeste Moussorgski : elle se perpétue…
Quelques trente années après la composition des « Tableaux d’une exposition »
Vassili Kandinsky propose une magnifique suite de peintures illustrant chacune
des pièces de Moussorgski. Son idée est d’aboutir à un « spectacle total » à la
manière dont des musiciens comme Scriabine l’ont rêvé. Les œuvres de
Kandinsky étaient conservées dans les archives de Dessau. Elles seront exposées
pour la première fois en France à la Cité de la musique à l’occasion d’une
exécution des Tableaux par le pianiste Michael Ruhdy. Une mise en abyme
musicalo-picturale qui méritera d’être filmée.

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