DEVOIR N°2 : ANALYSE DE DOCUMENTS Document n°1
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DEVOIR N°2 : ANALYSE DE DOCUMENTS Document n°1
DEVOIR N°2 : ANALYSE DE DOCUMENTS De Gaulle et la République en 1958 : Après avoir présenté les documents, vous les analyserez pour montrer en quoi en 1958 le général de Gaulle apparaît au milieu des difficultés comme un homme providentiel et la manière dont il entend montrer sa fidélité aux idées républicaines tout en les adaptant. Vous terminerez en concluant et en présentant les limites de ce petit dossier documentaire. Document n°1 : Intervention du général de Gaulle (19 mai 1958) Avant les questions des journalistes, le général de Gaulle entame sa conférence de presse par une introduction. Mesdames, messieurs, Il y aura bientôt trois années que j’ai eu le plaisir de vous voir. Lors de notre dernière rencontre, je vous avais fait part de mes prévisions et de mes inquiétudes quant au cours des événements et de mes résolutions de garder le silence jusqu’au moment où, en le rompant, je pourrais servir le pays. Depuis lors, en effet, les événements ont été de plus en plus lourds. […] Ce qui se passe en ce moment en Algérie par rapport à la métropole et en métropole par rapport à l’Algérie peut conduire à une crise nationale extrêmement grave. Mais aussi ce peut être le début d’une sorte de résurrection. Voilà pourquoi le moment m’a semblé venu où il pourrait m’être possible d’être utile encore une fois directement à la France. Utile, pourquoi ? Parce que, naguère, certaines choses nt été accomplies, que les Français savent bien, que les peuples qui sont associés au nôtre ne l’ont pas oublié et que l’étranger s’en souvient. Devant les difficultés qui nous assaillent et les malheurs qui nous menacent peut-être ce capital moral pourrait-il avoir son poids dans la politique, dans un moment de dangereuse confusion. Utile, aussi, parce que c’est un fait que le régime exclusif des partis n’a pas résolu, ne résout pas, ne résoudra pas, les énormes problèmes avec lesquels nous sommes confrontés ; notamment celui de l’association de la France avec les peuples d’Afrique, celui aussi de la vie en commun des diverses communautés en Algérie et, même, celui de la concorde à l’intérieur de chacune de ces communautés. Les combats qui se livrent en Algérie et la fièvre qui y bouillonne ne sont que les conséquences de cette carence. Si les choses continuent de la façon dont elles sont engagées, nous savons tous que le régime, tel qu’il est, pourra faire des programmes, manifester des intentions, exercer des efforts en sens divers, mais qui n’ira pas à des aboutissements. Nous risquerons que ces aboutissements ne soient un jour imposés du dehors ce qui serait sans aucun doute la solution la plus désastreuse possible. Utile, enfin, parce que je suis un homme seul, que je ne me confonds avec aucun parti, avec aucune organisation, que depuis cinq ans je n’exerce aucune action politique, que depuis trois ans je n’ai fait aucune déclaration, que je suis un homme qui n’appartient à personne et qui appartient à tout le monde. Utile, comment ? Eh bien ! si le peuple le veut, comme dans la précédente crise nationale, à la tête du gouvernement de la République française. Charles de Gaulle, Discours et messages (tome III) Document n°2 : Discours de de Gaulle le 4 septembre 1958 pour présenter la nouvelle constitution GRILLE DE CORRECTION Présentation du document La nature des documents et les destinataires sont identifiés [211] La proximité des dates est relevée [211] Le contexte est précisé [112] L’auteur est nommé et - même vaguement – présenté [211] La fiabilité des documents est questionnée [214] Le sujet des documents est mis en évidence [211] S S S S S S M+ M+ M+ M+ M+ M+ MMMMMM- I I I I I I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S S M+ M+ MM- I I Thème 1 : De Gaulle, un homme providentiel au milieu des difficultés Une France aux prises avec la question algérienne A relever : « les événements ont été de plus en plus lourds » ; « en Algérie » ; « crise nationale extrêmement grave » ; « difficultés » ; « malheurs » ; « vie en commun des diverses communautés en Algérie » ; « les combats qui se livrent en Algérie » ; « la fièvre » A mettre en relation avec : un conflit de décolonisation qui dure, la guerre d’Algérie ; soulèvement du 13 mai 58 des Français d’Algérie Une Quatrième République impuissante A relever : « en métropole » ; « début d’une sorte de résurrection » ; « dangereuse confusion » ; « difficultés » ; « malheurs » ; « régime exclusif des partis n’a pas résolu » ; « carence » ; « le régime tel qu’il est… aboutissements » A mettre en relation avec : un système instable (fréquente chute des gouvernements) ; grandes importances des partis (coalitions gouvernementales) ; un régime faiblement soutenu par les Français Un héros national volontairement mis en retrait A relever : « bientôt trois années » ; « mes prévisions, mes inquiétudes » ; « garder le silence… servir le pays » ; « peut conduire à une crise nationale » ; « utile encore une fois directement à la France » ; « naguère certaines choses ont été accomplies » ; « un homme seul » ; « qui n’appartient à personne » A mettre en relation avec : rôle de de Gaulle pendant la guerre et jusqu’en 1946 ; échec de ses idées de projets institutionnels en 1945 ; « traversée du désert » (repli hors du monde du pouvoir) Thème 2 : De Gaulle, fidèle aux idées républicaines, mais réformateur de la République De Gaulle montre son attachement à la République… A relever : « naguère certaines choses ont été accomplies » ; « les Français savent bien » ; « si le peuple le veut » ; « comme dans la précédente crise nationale » ; nombreuses indications RF ; jour du discours (4 septembre) et lieu (place de la République) ; présence de la garde républicaine A mettre en relation avec : rôle de de Gaulle dans le rétablissement de la République (1944 : GPRF) et dans son progrès (programme du CNR qu’il fait appliquer) ; multiplication des signes pour contrer ceux qui voient en lui un dictateur. … mais de Gaulle impose sa vision des institutions A relever : « début d’une sorte de résurrection » ; « le régime exclusif des partis n’a pas résolu » ; « je ne me confonds avec aucun parti » ; « je suis un homme qui n’appartient à personne » ; « à la tête du gouvernement » ; de Gaulle seul sur une tribune immense qui le fait dominer A mettre en relation avec : une vision connue depuis le discours de Bayeux (1946) ; primauté de l’exécutif sur le législatif ; rôle majeur du chef de l’Etat ; méfiance à l’égard des hommes politiques Méthode de l’analyse documentaire Des informations sont prélevées dans le texte et apparaissent dans la réponse sous forme de citations entre guillemets (ou de descriptions pour la photo) [212] Le sens général des documents est compris [213] La réponse apporte des connaissances qui explicitent le contenu du document et permettent l’analyse [215] Conclusion et limites Les grandes idées issues de l’analyse sont synthétisées [227] Les limites des documents (plaidoyer de de Gaulle en sa faveur dans le document n°1 ; mise en scène dans le document n°2 ; ne couvrent pas la fin de 1958) sont montrées [214] S S M+ M+ MM- I I S S S M+ M+ M+ MMM- I I I Présentation / Expression / Orthographe Le devoir est bien présenté (écriture, lignes séparant les différentes parties...) [411] Le devoir est correctement exprimé [412] Le devoir est correctement orthographié [413] Appréciation ……. / 20 CORRIGE REDIGE En 1958, la France connaît un important changement institutionnel. C’est ce passage entre Quatrième et Cinquième République qu’évoquent les deux documents proposés. Dans un discours prononcé le 19 mai, le général Charles de Gaulle, figure marquante de l’Histoire de la France pendant la Seconde Guerre mondiale, offre ses services au pays afin de l’aider à faire face aux difficultés qu’il rencontre. Le 4 septembre de cette même année, la photographie du document n°2 le montre présentant dans un nouveau discours son projet de nouvelle constitution. En ces deux occasions, de Gaulle cherche à convaincre les Français de se rallier à ses idées ; les deux documents ne peuvent donc être considérés comme totalement fiables. Face aux difficultés que connaît la France en 1958, le général de Gaulle apparaît dans le document n°1 comme un homme providentiel, pratiquement le seul pouvant débloquer la situation. Pour justifier ses offres de service, il dépeint l’état du pays qui se trouve aux prises depuis quatre ans avec la question algérienne (« difficultés », « malheurs », « en Algérie »). La volonté d’une partie des Algériens d’obtenir l’indépendance a débouché sur ce qu’on n’appelle pas encore la guerre d’Algérie, conflit de décolonisation (de Gaulle parle des « combats qui se livrent en Algérie ». La situation s’est encore tendue (« les événements ont été de plus en plus lourds ») lorsque le 13 mai 1958, les Français d’Algérie, hostiles à l’indépendance, se sont dressés contre le pouvoir de Paris. Il y a bien là en Algérie les bases de ce que de Gaulle appelle une « crise nationale extrêmement grave ». Le conflit algérien se trouve compliqué par l’impuissance de la Quatrième République à imposer une solution. Les problèmes sont donc aussi selon de Gaulle « en métropole » où règne une « dangereuse confusion ». Il existe donc pour l’auteur un problème institutionnel que le « régime tel qu’il est » ne peut pas résoudre. De Gaulle fait ici allusion à l’instabilité chronique de la Quatrième République qui voit les gouvernements se succéder rapidement faute de majorités solides. C’est ce que de Gaulle appelle ici « le régime exclusif des partis », les intérêts de chaque formation politique se faisant selon lui au détriment des intérêts de la France. Voilà pourquoi il pense pouvoir affirmer que le système de la Quatrième République « n’a pas résolu, ne résout pas et ne résoudra pas » les problèmes. Ces difficultés majeures ne peuvent être résolues que par quelqu’un qui serait au-dessus des intérêts politiques et serait désintéressé. C’est ainsi que de Gaulle se présente dans son discours, comme une sorte de héros sortant de sa retraite pour sauver le pays. De Gaulle ne cesse de se présenter comme uniquement intéressé par l’idée de « servir le pays » tout en rappelant qu’il avait prévu la situation dans laquelle se trouve le pays (« mes prévisions », « mes inquiétudes ») et que, faute d’être écouté, il avait préféré se mettre en retrait (« garder le silence ») ; c’est ce qu’on appelle sa traversée du désert. Désormais, il pense pouvoir « être utile encore une fois directement à la France » ; c’est là faire un rappel de son rôle pendant la Seconde Guerre mondiale lorsque, rompant avec le gouvernement de Pétain, il a incarné la résistance puis a dirigé la France au moment de la libération. Parti du pouvoir en 1946, faute de pouvoir faire accepter ses idées, de Gaulle ne consent à revenir que si on lui donne l’occasion de les mettre enfin en œuvre. Le retour du général de Gaulle aux affaires pose la question de sa fidélité aux idées républicaines. Dans son discours du 19 mai, tout comme dans la cérémonie du 4 septembre 1958, il multiplie les signes montrant son attachement à la République. Il rappelle fréquemment son rôle dans la renaissance de la République à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Derrière des expressions comme « naguère certaines choses ont été accomplies » ou « les Français savent bien » ou bien encore lorsqu’il évoque « la précédente crise nationale », on retrouve les actions de de Gaulle défenseur de la République, puis président à partir de 1944 du GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française) et, à ce titre, l’homme qui a mis en place les idées de la charte du CNR rénovant la République. Le 4 septembre 1958, alors que des opposants critiquent les projets constitutionnels d’un de Gaulle assimilé à un dictateur, celui-ci répond par une mise en scène qui voit se multiplier les grandes lettres RF pour République Française, l’orateur entouré par la garde républicaine le tout sur un lieu symbolique (place de la République et un jour lié lui aussi à l’histoire républicaine (le 4 septembre est le jour où la Troisième République fut proclamée). Derrière ces différentes manifestations du républicanisme de de Gaulle, on trouve toutefois ses propres idées pour réformer la République. Pour le général, son arrivée au pouvoir serait « une sorte de résurrection » donc une rupture avec la République précédente et ce « régime exclusif des partis » qu’il condamne. De Gaulle se présente en effet comme « un homme qui n’appartient à personne », qui ne se confond « avec aucun parti ». C’est un moyen pour lui d’affirmer que son action n’est pas dicté par des intérêts partisans mais par le seul intérêt du pays. De Gaulle n’a pas besoin de détailler le 19 mai ses projets, ils sont déjà connus depuis son discours de Bayeux de juin 1946 et ce sont ces idées qui figurent dans la constitution présentée aux Français le 4 septembre. La mise en scène est ici encore éloquente : de Gaulle apparaît seul sur une tribune immense d’où il domine ; c’est une préfiguration de ce que doit être son rôle dans la nouvelle République, un système dans lequel le pouvoir exécutif l’emporte sur le législatif (c’est-à-dire les partis politiques traditionnels) et où le chef de l’Etat dispose d’un pouvoir renforcé. De Gaulle cherche à nouer un lien particulier avec le peuple par ce discours. N’a-t-il pas annoncé le 19 mai qu’il serait au pouvoir « si le peuple le veut » ? Face aux difficultés que connaît la France en 1958, le général de Gaulle se présente comme une sorte d’homme providentiel pouvant résoudre les problèmes. Il entend mener à bien cette mission en respectant les bases de la République mais aussi en imposant sa conception des institutions. L’année 1958 correspond bien au basculement, grâce au poids de de Gaulle, d’une République à une autre. Toutefois, les documents proposés ne peuvent être pleinement satisfaisants pour étudier cette période. En effet, ils sont tous deux marqués par la « communication » gaullienne, le document n°1 étant un plaidoyer en faveur de de Gaulle (de son action passée à ce qu’il pourrait faire) tandis que la photographie s’inscrit dans le cadre d’une cérémonie mise en scène). De plus, en s’arrêtant le 4 septembre 1958, ces documents ne permettent pas de voir que de Gaulle verra sa constitution adoptées par les Français ce qui permettra son élection à la Présidence de la République par un collège de 80 000 grands électeurs à la fin de l’année.