Les Boréales partent en live

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Les Boréales partent en live
les boréales
NORVÈGE * LETTONIE/RIGA
Les Boréales partent en live
Cette année encore, la musique sera au cœur de la programmation du festival. Frissons, douceur et beats endiablés
se compléteront pour offrir un panorama de ce qui se fait de mieux sur la scène artistique scandinave et balte.
THERESE AUNE
À CAEN ET EN RÉGION
DU 13 AU 21 NOVEMBRE
Seule avec son piano, la talentueuse
Norvégienne s’apprête à donner une série
de concerts dans la région, où folk,
musique classique et indie rock vont
se mélanger pour le plus grand plaisir
des oreilles bas-normandes.
JAY-JAY JOHANSON & L’ORCHESTRE RÉGIONAL
DE BASSE-NORMANDIE
À LA COMÉDIE DE CAEN, THÉÂTRE D’HÉROUVILLE
LE VENDREDI 28 NOVEMBRE
Pour la première fois accompagné par un orchestre, Jay-Jay
Johanson – le Suédois qui fait figure de pointure sur la scène
trip-hop mondiale – se prépare à présenter une création
exceptionnelle dans laquelle
il proposera une relecture
complète de ses morceaux.
Une occasion unique de
redécouvrir Believe in Us, I
Miss You Most of All ou Blind
de la plus belle des manières.
WEEK-END BALTIQUE AVEC L’ORCHESTRE RÉGIONAL
DE BASSE-NORMANDIE
À L’ÉGLISE NOTRE-DAME-DE-LA-GLORIETTE, CAEN
LES 22 ET 23 NOVEMBRE
Le temps d’un week-end,
la musique contemporaine
baltique va être mise à
l’honneur grâce à l’Orchestre
régional de BasseNormandie qui va reprendre
les créations de
compositeurs mondialement
connus : Arvo Pärt, PËteris Vasks, Jean Sibelius et Tonu Korvits.
FM BELFAST
AU BIG BAND CAFÉ,
HÉROUVILLE-SAINT-CLAIR
LE SAMEDI 22 NOVEMBRE
Suite à l'annulation de son
concert l’année dernière, l’un
des groupes les plus déjantés
d’Islande tient sa promesse et
est prêt à faire feu et à diffuser ses ondes bienfaisantes sur
le public du festival.
novembre 2 0 1 4 - Livre / éc h a nge I
SOIRÉE DE CLÔTURE
ASTRID ENGBERG & MATTIC,
TRAINSPOTTERS, MOVITS !
AU CARGÖ, CAEN
LE SAMEDI 29 NOVEMBRE
Entre sonorités trip-hop, soul, jazz, rap
et swing, cette soirée s’annonce riche
en découvertes. Ce qui est sûr, c’est
que la fête sera au rendez-vous.
© Daniela Trujillo
Les Boréales
NORVÈGE * LETTONIE/RIGA
Portraits de festivaliers
Depuis plus de vingt ans, une lumière polaire vient éclairer les soirées d’automne de Basse-Normandie.
Le festival Les Boréales réunit en moyenne chaque mois de novembre cinquante mille visiteurs qui s’approprient
une programmation pluridisciplinaire et participative. Originellement littéraire, le festival a, dès 1994,
contribué à la découverte du cinéma, de la musique, du design et du nouveau cirque d’Europe du Nord.
Ce maelström Boréales, ce sont les spectateurs qui en parlent le mieux.
Témoignages et portraits de sept d’entre eux, venus d’horizons divers.
Des festivaliers caennais
Sylvie, enseignante de maternelle, aujourd’hui retraitée,
suit activement le festival sur Facebook. Pour elle, l’entrée
dans la saison hivernale se fait plus facilement grâce aux
Boréales. Elle avoue la traverser avec « plus d’énergie ».
Avec deux années de cours de danois et de norvégien dans
son parcours, ce sont avant tout les débats littéraires qu’elle
attend. Selon elle, la pluridisciplinarité de la programmation
en incarne toute la richesse : « Au fil des ans, notre culture
nordique se construit au gré des pays invités d’honneur du
festival, et je ressens toujours plus d’échos en moi. »
Sandrine
, assistante de direction de 41 ans, suit le festival depuis six ans. Elle apprécie que Les Boréales offrent « une
approche globale d’une culture » même si c’est la musique
qu’elle suit avec la plus grande attention. Cette année, ce sont
les concerts de FM Belfast, Bror Gunnar Jonsson et Waves avec
Peter von Poehl qu’elle ne manquera sous aucun prétexte et
qu’elle viendra voir avec sa « bande » d’une dizaine d’amis.
Sa demande ? Plus de musique classique venue de
Scandinavie.
Son rêve ? Voir les Islandais de Sigur Ros ou Björk programmés un jour à Caen. On la comprend…
Des festivaliers d’Alsace,
de Bretagne et ailleurs…
Emmanuella et Jean-Pierre sont retraités.
Marc
Elea
, animatrice de radio et trentenaire, suit elle aussi
attentivement la programmation musicale des Boréales. Elle
se réjouit d’y découvrir « des groupes qui ne seraient jamais
venus à Caen sans Les Boréales. Des groupes qui parlent des
langues bizarres avec des noms rigolos, super durs à prononcer. Mais aussi super talentueux ». À cet égard, un de ses
meilleurs souvenirs reste le concert des brillants Estoniens
d’Ewert and the Two Dragons à l’université de Caen.
Cette année, elle attend avec impatience le retour de FM
Belfast et sa pop explosive mais aussi les expositions photographiques des Finlandaises Susanna Majuri et Nelli
Palomäki. Car Elea, comme bon nombre des spectateurs des
Boréales, a élargi son centre d’intérêt principal à l’occasion du
festival. Notamment en participant aux ateliers de pratiques
artistiques proposés avec la Comédie de Caen. Le workshop
donné par le circassien suédois Jonas Södergren en 2012
demeure gravé dans son esprit. Elle avoue avoir découvert une
discipline : l’art du clown. « J’ai attrapé le virus, le clown qui
sommeillait en moi s’est révélé lors de cet atelier destiné aux
amateurs. » Pour Elea, ces moments participatifs et intimes
font la singularité des Boréales et permettent des rencontres
et échanges avec les spectateurs. Ils incitent également à la
curiosité : « L’année qui a suivi l’atelier avec Jonas, je suis
allée voir son spectacle, je suis allée au théâtre, moi l’habituée des salles de concert. » Elea a aussi assisté aux Dîners
en Nord proposé par le festival. Le principe est simple : dans
un lieu d’abord tenu secret vous est offerte la possibilité de
dîner avec un écrivain nordique francophone. Près de quinze
personnes se retrouvent ainsi attablées sans se connaître
préalablement. Elle nous raconte son dîner avec le Suédois
Björn Larsson : « J’ai été très bien accueillie, mise à l’aise
immédiatement comme les autres convives. Ce concept, c’est
vraiment un moment privilégié. C’est fondamentalement une
autre façon de se rencontrer et d’échanger. Dans un monde
où tout va vite, on a enfin du temps pour se parler, s’écouter.
J’en garde un très bon souvenir. »
, infirmier libéral de 50 ans, est originaire de Bayeux.
Il vit aujourd’hui à Strasbourg avec sa famille. « Je reste en
contact étroit avec le festival sur Facebook. Lorsque j’habitais à Caen, je ne ratais aucune édition des Boréales. J’y
ai découvert Budam, lors d’un magnifique spectacle à la
Comédie de Caen, Sur la route, bouleversant duo de cirque
franco-finlandais, ou encore Sonja mis en scène par le Letton
Alvis Hermanis. » Marc avoue une relation personnelle aux
pays du Nord. Après un voyage en auto-stop en Norvège, il
a aussi travaillé au Danemark comme saisonnier avant de
passer un séjour enneigé à Stockholm. Comme beaucoup de
fidèles du festival, rien de ce qui vient de Scandinavie ne lui
est indifférent. « Les Boréales, c’est un festival unique par son
thème central et la diversité des formes artistiques proposées.
C’est un joyau au cœur de l’automne, un rendez-vous auquel
j’espère être fidèle cette année. »
Anciens directeurs d’école, ils quittent chaque année leur île
de Batz et ses cinq cents habitants dans le Nord-Finistère pour
passer les deux semaines des Boréales en Basse-Normandie !
Festivaliers intensément gourmands et aventuriers (il y a près
de vingt ans, ils ont visité l’Islande et la Laponie en campingcar avec leurs jumeaux de 6 ans), ils retiennent du festival
sa programmation pluridisciplinaire : « Cela nous convient
parfaitement car nous avons le sentiment d’explorer la culture
d’un pays dans sa totalité, en allant même jusqu’à découvrir
des spécialités culinaires comme la fiskisupa ou le tricot islandais. » Ils sont particulièrement friands du « 24H chrono du
polar nordique » et de la nuit blanche qui en découle, ainsi
que des Dîners en Nord, occasion pour eux de « soirées mémorables et d’une extrême convivialité ». Spectateurs très attentifs et exigeants, nos Bretons n’hésitent pas à faire remonter aux organisateurs leurs remarques et reproches avec le
souci d’améliorer l’organisation pour les visiteurs qui, comme
eux, viennent de loin pour s’installer en Basse-Normandie le
temps du festival. Leur principal regret : l’absence de pass
ou d’abonnement pour Les Boréales. « Il faut jongler avec les
numéros de téléphone et les nombreux chèques à envoyer ici
ou là. » Ils regrettent aussi les concerts qui affichent complet
trop tôt comme celui d’Agnes Obel l’an passé. Cette année
encore, ils prépareront leur venue avec minutie et attention,
car « ce festival est désormais un grand moment de notre
vie et nous aurions beaucoup de mal à nous en passer ».
Ils seront, comme l’année passée, logés chez l’habitant à
Hérouville-Saint-Clair.
Hadrien a quant à lui 18 ans. Il étudie l’islandais et le De nouveaux festivaliers
suédois en licence à la Sorbonne. Il partage sa vie entre Paris
et la Picardie et arbore fièrement au revers de son caban le Véronique, 41 ans, viendra pour la première fois au
badge Boréales, dont il aime le design « sobre et élégant ».
L’édition islandaise de 2013 fut pour lui l’occasion de venir
pour la première fois au festival avec sa petite amie. Comblé
par le concert du génial Ólafur Arnalds au Big Band Café, il
a tout autant apprécié de pouvoir dialoguer avec les auteurs
islandais Jón Kalman Stefánsson et Bergsveinn Birgisson. Sa
rencontre avec le traducteur Éric Boury fut aussi un temps fort
pour lui : « Je suis heureux que le festival m’ait permis de faire
de telles rencontres, que je n’aurais sinon jamais espéré faire
avant plusieurs années d’études. » Pour lui comme pour beaucoup d’autres élèves de langues nordiques venus de Paris
ou d’ailleurs en France, les conférences données pendant le
festival sont d’un intérêt pédagogique précieux. Hadrien, logé
l’an passé dans un hôtel bon marché à Hérouville-Saint-Clair,
ajoute : « Le bas coût des événements, voire leur gratuité, m’a
agréablement surpris. » Un paramètre qui l’incitera à revenir
au festival cette année en famille pour assister notamment
aux concerts dédiés à Arvo Pärt et aux débats littéraires avec
l’Islandaise AuDur Ava Ólafsdóttir.
novembre 2 0 1 4 - Livre / éch a nge I I
festival en novembre. Depuis le Lot, où elle vit, elle a découvert
le festival sur Facebook.
Lectrice assidue de romans nordiques depuis quinze ans, elle
a prolongé ses découvertes littéraires par des voyages en
Norvège, Suède et même aux Lofoten. Sensible aux paysages
et atmosphères du Septentrion, elle passera quatre jours à
Caen avec une amie et souhaite assister aux spectacles de
cirque, au concert de Jay-Jay Johanson ainsi qu’au week-end
littéraire.
Coline, 17 ans, étudiante à la Sorbonne à Paris, a voyagé
dans les pays nordiques à travers des actions de volontariat
international en Estonie, Finlande et Islande. Elle a découvert le festival sur Internet en cherchant à approfondir ses
connaissances sur la culture scandinave. Une amie l’hébergera près de Caen et elle a prévu de consacrer ses week-ends
de novembre aux Boréales. C’est la programmation musicale
« définitivement attirante » qui motive sa venue en train. On
lui souhaite un excellent festival.
DIMANCHE 23 NOVEMBRE À 17 H 30 À L’AUDITORIUM DU MUSÉE DES BEAUX-ARTS, CAEN
Rufus lit La Lettre à Helga
de Bergsveinn Birgisson
Découverte littéraire de l’édition 2013, le texte de Bergsveinn
Birgisson est paru en livre audio aux éditions Audiolib.
Une rencontre inattendue entre Rufus, comédien français
de premier ordre, et la poésie islandaise.
J’ai eu le plaisir de me rendre compte, en lisant
ce roman islandais, qu’on pouvait s’amuser à regarder sa
vie avec un peu de recul. J’ai été surpris en apprenant que
l’auteur n’avait pas attendu l’âge de 70 ans pour se livrer à
cet exercice. C’est-à-dire mon âge ainsi que l’âge du personnage du narrateur.
Ce tout jeune homme semble faire peu de cas des frontières
du possible répertorié en Europe et entretient avec les personnes invisibles de l’au-delà des relations privilégiées. Ceux
qui n’aiment pas les barreaux derrière lesquels nous adorons
être enfermés plongeront avec délices dans les subtilités de
ce livre comme je l’aurai fait.
Quant au travail d’acteur que j’ai fait en réalisant cette lecture à voix haute, ce fut un travail bâclé comme à chaque
fois qu’on fait une lecture sans un seul jour de répétition.
Miraculeusement, ce travail fut rattrapé par le preneur de son
qui a pris cinq mots dans la première prise, quatorze dans
la sixième prise et ainsi de suite pour arriver en collant des
centaines de petits bouts à vous donner l’impression d’une
fluidité et d’une grande aisance.
Heureusement, ma frustration prendra fin lorsque je lirai ce
texte en public sans le recours du montage. Pour préparer
cette brève lecture, il me faudra une semaine de répétition :
votre déplacement jusqu’à moi l’exige. Et puis vous ne savez
pas l’appétit que me donne cette aventure, l’une de mes
cinéastes préférées est Sólveig Anspach, née le 8 décembre
1960 à Heimaey dans les îles Vestmann en Islande.
Rufus
Ru f u s
JUSSI ADLER-OLSEN : LE 29 NOVEMBRE À 19 HEURES À LA BIBLIOTHÈQUE D’HÉROUVILLE-SAINT-CLAIR
Albin Michel en terre scandinave
Quatre questions à Anne Michel, chargée du département de littérature étrangère des éditions
Albin Michel, à l’occasion du week-end littéraire des 22 et 23 novembre 2014, et du prix
Boréales / Région Basse-Normandie du Polar nordique attribué à Jussi Adler-Olsen.
que nous avons eu la chance de pouvoir les acquérir pour
notre maison. Mais nous n’avons pas de « domaine scandinave » à proprement parler.
Jussi Adler-Olsen
Livre/échange : Depuis 2010, les éditions Albin Michel ont
nettement développé leur fonds scandinave. Quel en a été
le déclencheur ?
Anne Michel : 2010 correspond à mon arrivée à la tête du
département de littérature étrangère des éditions Albin
Michel. Ayant auparavant dirigé le département de littérature étrangère des Presses de la Cité, où je publiais déjà des
auteurs scandinaves, j’ai souhaité développer ce domaine
chez Albin Michel, qui avait à son catalogue Johan Theorin,
dans le domaine du polar, et quelques grands auteurs, dont
Tove Jansson, Axel Munthe ou Björn Ranelid. Très vite, j’ai eu
la chance de lire Jussi Adler-Olsen en allemand, avant qu’il
ne devienne une star internationale et de pouvoir l’acheter pour la France, où il a tout de suite trouvé son public.
Puis, de fil en aiguille, nous avons acquis d’autres auteurs
aussi bien dans le domaine policier, tels Viveca Sten, Åsa
Larsson ou Stephen Anheim, que dans celui de la littérature,
avec Riikka Pulkkinen, Philip Teir ou Tommi Kinnunen. Notre
liste commence à être conséquente et j’espère bien qu’elle
s’agrandira encore à l’avenir. Dans l’ensemble, nos dernières
publications scandinaves ont toutes été des succès.
L/é : Pouvez-vous nous parler du site « En terre scandinave » ? Est-ce pour vous un moyen de revendiquer un
choix éditorial ?
A. M. : Devant l’engouement français pour les auteurs de
polar scandinaves, nous nous sommes dit que c’était une
bonne idée de créer un univers visuel qui permettrait de
rassembler nos auteurs sur le Net, pour que les internautes
puissent les découvrir ensemble. Nos auteurs sont très
contents de ce site où nous pouvons présenter des interviews, des extraits des nouveaux livres et des bonus sur les
personnages ou les lieux des romans, donner un contenu
riche sur leurs œuvres.
Je ne cherche pas à revendiquer une ligne éditoriale particulière, parce que pour moi c’est un concept assez flou. J’aime
les livres qui me font vibrer, bien écrits et singuliers, comme
la plupart de mes confrères, je suppose. Je n’ai aucun a priori,
je ne cherche pas particulièrement des romans d’un genre ou
d’un pays particulier, mais des bons livres tout simplement
qui peuvent être défendus par Albin Michel. Il se trouve que
la Scandinavie compte beaucoup d’auteurs formidables tant
dans le domaine du polar que dans le domaine littéraire et
novembre 2 0 1 4 - Livre / é cha nge I I I
L/é : Jussi Adler-Olsen recevra en novembre prochain le
4e prix d’honneur Boréales du polar nordique. Pourriezvous présenter cet écrivain à ceux qui ne se seraient pas
encore plongés dans les affaires du Département V ?
A. M. : Véritable phénomène d’édition dans la quarantaine de
pays où il est désormais publié, Jussi Adler-Olsen s’est imposé en quelques années comme une figure incontournable du
thriller scandinave. Il a été couronné par les prix scandinaves
les plus prestigieux, de la Clé de verre au Golden Laurels
des libraires danois, et, en France, a déjà reçu le grand prix
policier des lectrices de Elle et le prix polar des lecteurs du
Livre de Poche, avant de se voir décerné cette année le prix
du festival des Boréales.
Ce qui fait la force des enquêtes du Département V, c’est le
trio improbable d’enquêteurs qui constitue ce département :
le cynique inspecteur Carl Mørck, son mystérieux assistant
syrien Assad, et Rose, la secrétaire aux multiples personnalités. Ces trois personnages à la fois décalés et touchants,
qu’on apprend à découvrir au fil des enquêtes, s’attaquent
à des cold cases, depuis longtemps oubliés, et réussissent
toujours, en exhumant ces vieilles affaires, à révéler des
aspects sombres de la société danoise. Grand admirateur
de Sjöwall et Wahlöö, Jussi Adler-Olsen compte comme eux
publier dix tomes d’enquêtes du Département V. Quatre sont
déjà parus en français, Miséricorde, Profanation, Délivrance
et Dossier 64. L’Effet papillon, la cinquième enquête, paraîtra
en janvier 2015.
L/é : Jussi Adler-Olsen, Riikka Pulkkinnen et Viveca Sten
seront cette année aux Boréales. Quelles sont les futures
publications nordiques à paraître aux éditions Albin
Michel ?
A. M. : En janvier 2015 paraîtra L’Effet papillon de Jussi
Adler-Olsen, mais également La Guerre d’hiver du Finlandais
suédophone Philip Teir, un grand roman familial caustique
et contemporain, dans la lignée d’un Jonathan Franzen.
Suivront en avril le dernier tome de la tétralogie d’Öland du
Suédois Johan Theorin, en juin un nouveau Viveca Sten, et en
octobre un nouveau Åsa Larsson. De très belles découvertes
attendent donc les lecteurs l’année prochaine !
Les Boréales
NORVÈGE * LETTONIE/RIGA
MUSÉE DES BEAUX-ARTS, CAEN, DU 14 NOVEMBRE 2014
AU 18 JANVIER 2015
RÉGION BASSE-NORMANDIE, ABBAYE-AUX-DAMES, CAEN,
DU 15 NOVEMBRE AU 31 DÉCEMBRE 2014
L’eau en source
d’inspiration
À la frontière des lumières
Territory, Reinis Hofmanis.
Exposition en partenariat avec l’ARDI.
Water is fiction, Susanna Majuri.
Au pourtour
Les paysages
nordiques de
Finlande, d’Islande, de Norvège, de Suède
ou des îles Féroé dans lesquels Susanna
Majuri invite des inconnus à servir de
modèle sont le théâtre de mises en scène
oniriques. Prises à travers une vitre ou à
la surface, les photographies explorent
les propriétés changeantes de l’eau, lui
offrent un rôle multiple et décisif, à la fois
motif, symbole et matériau de l’œuvre.
Dans les créations les plus récentes,
d’immenses toiles cirées tendues au fond
d’une piscine constituent le décor devant
lequel les personnages prennent place. Si
la couleur est un élément essentiel dans
la composition de l’image, c’est à travers
l’eau qu’elle trouve tout son intérêt pour
la photographe finlandaise – qui dit aimer
le turquoise de la piscine. Incolore, transparente, et adoptant pourtant toutes les
teintes, elle est révélatrice de coloris des
plus subtils aux plus profonds. La matière
mouvante porte les corps et sa surface en
perpétuel mouvement distord les images,
efface les contours, perturbe notre perception du monde et accentue, par des jeux
d’optique, le décalage d’échelle entre
les personnages et leur environnement.
L’eau, lieu d’apparitions et de disparitions,
construit la fiction, elle véhicule l’émotion.
Elle instaure une distance avec le réel et
agit comme un voile.
À travers l’atmosphère merveilleuse de ces
fragments de légendes boréales, le monde
intérieur de l’artiste prend forme. Mises
en scène et situations étranges, voire
irréelles, invitent le spectateur à prendre
part à un récit plus long et font appel à
l’imagination. Nombre de ces histoires
trouvent leur origine dans la musique,
les contes de fées et les romans, de
PJ Harvey aux frères Grimm. Le révélé et le
caché, le visible et l’invisible, le réel et le
fantastique, cohabitent ainsi dans l’œuvre
de cette jeune représentante talentueuse
de l’école d’Helsinki.
tural. Ses déambulations nocturnes dans
ces villes d’Europe du Nord lui donnent
l’occasion de rencontres, transcrites dans
des mises en scène lumineuses. En un
seul instant, le cadrage se fige et va à
l’essentiel dans un face-à-face interrogateur. L’écriture photographique s’exerce
avec les rayons artificiels de la lumière
électrique et profite de la réverbération
de la pluie ou de la neige. Loin des paillettes de la vie des noctambules et de la
séduction des paysages sous les étoiles,
Reinis Hofmanis sait retenir notre regard.
Saisissant l’attention de l’homme en faction dans sa guérite, il fixe promptement
les franges blafardes de la cité dans le crépuscule des jours d’hiver. Le photographe
propose ainsi une lecture contemporaine
des sentinelles de la nuit. En se focalisant
sur leurs abris, il enrichit dans une version
nocturne les typologies urbaines.
G i ll es B oussa rd
© Reinis Hofmanis
© Susanna Majuri
de la cité, Reinis
Hofmanis se glisse dans les intervalles
de l’urbanisation soviétique aux atours
néolibéraux. Dans l’incertitude de la nuit,
l’artiste choisit de prélever des parcelles
de paysages sombres, emblématiques des
confins de l’urbanisme. Dans ce dédale, le
photographe tombe en arrêt devant des
constructions incongrues, témoins d’un
choix de société et entre en contact visuel
avec les hommes de la nuit, les guetteurs.
Pour parvenir à ses fins, l’artiste convoque
l’histoire de la photographie : le travail de
Brassaï la nuit, les observations d’Eugène
Atget dans la ville, et le souci de sérier
l’architecture à l’image des Becher, sans
oublier « l’instant décisif » d’Henri CartierBresson. Armé de cette histoire, l’artiste
met au point une série cohérente centrée
sur la fragilité.
La photographie de Reinis Hofmanis appartient aussi à ce style documentaire, avide
d’inventaires du tissu urbain et architec-
Lou i se Le ge leux
© Nelli Palomäki
L'ARTOTHÈQUE, CAEN, DU 14 NOVEMBRE AU 24 DÉCEMBRE 2014
Voyage dans le temps
Breathing the same air, Nelli Palomäki.
Nelli Palomäki
est une jeune artiste finlandaise (née en 1981), diplômée de l’École d’art et de
design d’Helsinki. Dans le cadre de cette 23e édition
du festival Les Boréales, l’Artothèque, Espaces d’art
contemporain de Caen, présente une série de photographies que l’artiste finlandaise a réalisée en 2010
lors d’une résidence en Haute-Normandie.
Spécialiste du portrait et fascinée par les anciennes
photographies, Nelli Palomäki a imaginé la région à
travers les filtres de la nostalgie et du romantisme.
Elle présente ici une série de portraits d’enfants et
de jeunes femmes en tenue d’époque XIXe. « Chaque
portrait que j’ai pu réaliser est aussi une photographie
de moi. Ce que je décide de voir, ou plutôt mon rapport aux choses que je vois, détermine irrémédiablement l’image finale. Mais au-delà, c’est l’intensité du
moment partagé avec le sujet qui domine le portrait. »
Parallèlement est présentée une partie plus récente
de son travail photographique, des portraits, en noir
novembre 2 0 1 4 - Livre / éc ha nge I V
et blanc, de jeunes gens, tous issus d’une institution
militaire russe. Ces portraits, plus classiques dans leur
forme, parlent d’identité et de personnalité à travers le
prisme de l’enfance et du devenir adulte. « Un portrait
est éternel. C’est une manière désespérée de rester
en contact avec des individus qui, même lorsqu’ils me
sont inconnus, me demeurent ainsi familiers. C’est ma
manière de conserver un condensé de cette personne,
de l’embaumer. À travers son portrait, je construis une
relation avec mon sujet. Je porte son souvenir en moi,
intimement lié à cette photographie. Je scrute leurs
visages en secret. C’est ainsi que je me les rappelle. Je
me demande s’ils se souviennent de moi. Tandis que
le temps nous consume lentement, je conserve ces
images d’eux, qui sont l’unique instance de la connaissance que j’ai de leur personne. Et de ce sentiment
pénétrant : je les ai rencontrés, ils vont mourir et je
vais mourir aussi. »
Cor al i e De sm ur s