Responsabilité de l`ambulancier SMUR et sécurité routière

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Responsabilité de l`ambulancier SMUR et sécurité routière
URGENCES
Chapitre
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Responsabilité
de l’ambulancier SMUR
et sécurité routière
A. BOURIAUD
L
es prémisses du sujet qu’il m’est donné de traiter apparaissent évidentes.
Elles peuvent se résumer en une triple équation : efficacité des secours
égale rapidité. Rapidité égale risque accru d’accident. Risque accru
d’accident égale risque d’engagement de responsabilité.
Que de la rapidité des secours dépende leur efficacité est un truisme ! Tout au
plus peut-on ajouter que cette évidence est aujourd’hui encore plus manifeste
que naguère compte tenu des immenses progrès de la réanimation, que ce soit
en traumatologie ou en pathologie médicale d’urgence. De la rapidité d’une
intervention dépend bien souvent aujourd’hui la survie d’une personne.
Mais – deuxième équation – la rapidité de l’intervention, parce qu’elle implique
de déroger parfois aux règles du code de la route, constitue un facteur de risque
et peut être la cause d’un accident impliquant le véhicule de secours, à l’origine
de blessures pour un tiers, pour une personne transportée ou pour le personnel
embarqué dans le véhicule.
Et – troisième équation – la réalisation d’un tel risque entraîne presque immanquablement une recherche en responsabilité, au moins au plan indemnitaire si
ce n’est au plan pénal. Ceci explique le sentiment d’insécurité juridique que peuvent éprouver les acteurs des secours, doublé d’un sentiment d’injustice bien
compréhensible compte tenu de la nature des missions d’intérêt général qu’ils
accomplissent.
Il nous faut donc exposer dans un premier temps les dérogations réglementaires
dont bénéficient les véhicules des SMUR ; puis analyser les conditions de ces
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recherches en responsabilité sous leurs trois aspects, indemnitaire que nous
examinerons en premier, puis pénal et administratif que nous verrons ensuite.
1. Les dérogations accordées aux véhicules des SMUR
Le Code de la route a connu, en 2001, par voie réglementaire, certaines modifications intéressant les véhicules d’intérêt général 1. Désormais, le Code n’opère
plus la distinction ancienne entre les véhicules de catégorie A et les véhicules de
catégorie B 2. On distingue désormais les véhicules d’intérêt général prioritaire
(VIGP) et les véhicules d’intérêt général bénéficiant de facilités de passage (VIGBFP).
Entrent dans la catégorie des VIGP 3 : les véhicules de police, de gendarmerie, des
douanes, les SMUR et les véhicules de lutte contre l’incendie (concernant cette
dernière catégorie, la question s’est posée de savoir, à plusieurs reprises, si les
ambulances des sapeurs-pompiers [VSAV] faisaient ou non partie des véhicules
de lutte contre l’incendie ou bien entraient dans la catégorie des ambulances de
transport sanitaire. La chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu par
deux fois à cette question en assimilant légitimement les VSAV aux véhicules de
lutte contre l’incendie). Depuis peu, les ambulances privées sont entrées dans la
catégorie des VIGP, mais à la seule condition de leur sollicitation expresse par le
SAMU 4.
Entrent dans la catégorie des VIGBFP 5 : les ambulances de transport sanitaire
(sauf cas de la sollicitation par le SAMU), les véhicules des associations médicales
(SOS médecins) et les véhicules personnels des médecins lorsqu’ils participent à
la garde départementale.
Cette distinction catégorielle n’est pas neutre et implique un certain nombre de
dispositions réglementaires qui s’appliquent différemment selon la catégorie de
véhicule concerné.
1.1. Dispositions concernant les règles de circulation
La priorité de passage n’est ainsi pas acquise de la même façon aux deux catégories. Les VIGP bénéficient en toutes circonstances de la PRIORITÉ 6 de passage
(sous réserve toutefois d’une intervention urgente…) tandis que les VIGBFP
bénéficient quant à eux de FACILITÉS 7 de passage dans des circonstances limitativement énumérées par le Code de la route. Il se dessine ainsi une distinction
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Décrets n˚ 2001-250 et 2001-251 du 22 mars 2001.
Art. R. 92-5 ancien CR.
Article R. 311-1 alinéa 21 CR.
Décret n˚ 2007-786 du 10 mai 2007.
Article R. 311-1 alinéa 22 CR.
Articles R. 412-12, R.414-2, R. 414-9, R.432-2 et R. 432-3 du Code de la route.
Articles R. 414-2 et R. 414-9 du Code de la route.
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de prérogatives fondée soit sur la priorité, soit sur la facilité de passage… Il faut
ici avouer que la distinction reste à ce stade opaque si l’on ne s’intéresse pas
davantage aux articles qui fondent cette distinction.
La facilité de passage renvoie aux croisements et dépassements des véhicules
entre eux. Le Code prévoit : « Dans tous les cas où l’insuffisance de la largeur
de la chaussée ne permet pas le dépassement ou le croisement avec facilité et
sécurité, tout conducteur est tenu de céder le passage aux VIGBFP… ».
Les VIGBFP connaissent également certains assouplissements aux règles de
conduite, notamment l’absence de limitation de vitesse, l’usage autorisé des
avertisseurs sonores la nuit et en agglomération, mais aussi, le demi-tour, la
marche arrière, le stationnement sur autoroute et route express. Les VIGBFP ne
connaissent en revanche pas l’autorisation de franchir les feux tricolores, cette
faculté étant offerte aux seuls VIGP.
1.2. Dispositions concernant l’équipement en dispositifs spéciaux
La distinction catégorielle entraîne également une distinction dans le type de dispositifs spéciaux dont peuvent être équipés les VIG. Les dispositifs lumineux spéciaux équipant les VIGP doivent être conformes à un arrêté du Ministère des
transport 8 prescrivant des « feux spéciaux tournants ou d’une rampe de signalisation de couleur bleue ». Les VIGBFP doivent quant à eux, aux termes de ce
même arrêté, être équipés de « feux spéciaux à éclats de couleur bleue ». Les
dispositifs sonores spéciaux équipant les VIG répondent également à cette distinction catégorielle. Le « modèle » deux tons équipera les VIGP tandis que les
VIGBFP seront eux équipés du « modèle » trois tons.
1.3. Critères de la dérogation
Ces dérogations accordées aux VIGP et aux VIGBFP, même si elles diffèrent selon
la catégorie du véhicule, ne sont accordées que si trois critères cumulatifs sont
réunis 9 :
– Une intervention urgente (ce qui suppose donc une mission, mais également
que celle-ci puisse être qualifiée d’urgente). On notera ici que le critère d’une
intervention « nécessaire » a disparu avec la réforme du Code de la route de
2001 par opposition à l’ancien Code qui prescrivait une « intervention urgente
et nécessaire ». La distinction entre l’urgence et la nécessité n’était alors pas
aisée, les deux notions étant appelées à se confondre. Le caractère urgent de la
mission sera analysé a posteriori par le juge. L’urgence étant une notion subjective, n’obéissant pas seulement à la seule urgence vitale, mais visant également
l’antalgie, il conviendra de rester prudent sur son application. Si l’on s’en tient
à la sémantique du terme, celle-ci fait référence à tout ce qui ne peut attendre,
8. Arrêté du 30 novembre 1987, codifié aux articles. R. 313- 27, R. 313-34 CR.
9. Art. R. 432-2 et R. 432-3 CR.
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du latin, Urgare. La qualification « d’urgent » est donc à géométrie variable et
ainsi intimement liée aux situations factuelles.
– À condition de faire usage des dispositifs spéciaux dont est équipé le véhicule.
Cette nouvelle exigence ne fait ici que donner une force réglementaire à une
jurisprudence qui, de manière constante, impose ce critère pour reconnaître au
véhicule concerné un droit à la priorité. Le texte évoque ici les dispositifs. Il faut
donc ici comprendre qu’il s’agit d’un usage cumulatif et concomitant des avertisseurs sonores et lumineux.
– Sous réserve de ne pas mettre en danger les autres usagers de la route. Il
s’agit ici encore d’un nouveau critère posé par la réforme du Code de la route.
Il renvoie à la qualification du délit de mise en danger de la vie d’autrui, visée
au Code pénal 10. On retrouve aussi l’idée d’une affirmation réglementaire des
dispositions d’origine jurisprudentielle. Les juridictions civiles et pénales ayant
constamment affirmé que le droit de priorité ne dispense pas les conducteurs qui
en bénéficient de l’observation des règles générales de prudence s’imposant aux
usagers du Code de la route.
On notera ainsi un durcissement des critères cumulatifs permettant de bénéficier, selon la catégorie de véhicule concernée, de la priorité ou de la facilité de
passage. Au regard de l’ancien article R. 28 du Code de la route qui octroyait
les prérogatives aux seuls motifs « d’une intervention urgente et nécessaire », les
nouvelles dispositions du Code de la route renforcent sensiblement les conditions d’octroi de la priorité ou facilité de passage.
2. SMUR et responsabilité
2.1. La responsabilité indemnitaire
En matière de responsabilité indemnitaire, il nous faut examiner en premier lieu la
législation applicable. Il nous faudra ensuite, compte tenu de cette législation,
déterminer sur qui et au profit de qui pèse la charge indemnitaire. Nous verrons
que ces deux points sont profondément marqués par la nature du transport, qui
utilise des véhicules terrestres à moteurs, ce qui les fait largement échapper au
droit commun de la responsabilité indemnitaire en général et de la responsabilité
civile en particulier. Mais, en réalité, les règles applicables n’ont rien de spécifiques
aux véhicules d’intérêt général. Elles valent pour tous les véhicules terrestres à
moteur. On nous pardonnera donc la nature très générale des propos qui suivent.
2.1.1. Les dispositions applicables
Concernant la législation applicable, trois points ressortent : compétence judiciaire, autonomie de la loi du 5 juillet 1985 relative à l’indemnisation des victimes
d’accident de la circulation et, enfin, obligation d’assurance.
10. Art. 223-1 CP.
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2.1.1.1. Compétence judiciaire exclusive
Sur le premier point, celui de la compétence des juridictions dans le domaine
considéré, la particularité découle d’une loi du 31 décembre 1957 11. Cette loi a
confié tout le contentieux qui résulte des accidents automobiles à l’ordre judiciaire. Il résulte que la victime d’un accident automobile ne peut agir contre un
éventuel responsable que devant les tribunaux de l’ordre judiciaire, jamais devant
les juridictions de l’ordre administratif, et ce même lorsque le véhicule qui en
cause est un véhicule de l’administration comme l’est le SMUR.
Il en découle naturellement, et le deuxième alinéa de l’article 1er de la loi de 1957 le
précise s’il en était besoin, que l’action de la victime sera jugée selon les règles du
droit civil et non selon les règles que la jurisprudence administrative s’est forgée.
Ainsi, au moins sur ce plan, tous les VIG, quels qu’ils soient, à quelque catégorie
qu’ils appartiennent, VIGP ou VIGBFP, se trouvent sur un pied d’égalité.
2.1.1.2. Autonomie de la loi du 5 juillet 1985
La loi du 5 juillet 1985 12, votée sur l’initiative du Garde des Sceaux Robert Badinter, avait pour objet d’accélérer les procédures d’indemnisation des victimes
d’accidents de la circulation, mais aussi d’instituer des règles de responsabilité
civile spécifiques pour ces accidents. Dans les mois qui ont suivi sa promulgation,
un vif débat a eu lieu entre juristes sur le caractère « autonome » de ces règles
par rapport aux règles du droit commun de la responsabilité civile. La Cour de
cassation a tranché en faveur d’une application « autonomiste » de la loi,
d’abord par quatre arrêts des 28 janvier et 4 février 1987 13, puis avec une particulière netteté par un arrêt du 4 mai 1987 14. Cette jurisprudence écarte, en
matière d’indemnisation d’une victime d’un accident dans lequel est impliqué un
véhicule terrestre à moteur, toute application des articles 1382 et suivants du
Code civil qui régissent le droit commun de la responsabilité civile, la victime ne
pouvant fonder son action que sur les dispositions de la loi de 1985.
2.1.1.3. Obligation d’assurance
Le troisième point est celui de l’obligation d’assurance. Cette obligation existe
depuis la loi du 27 février 1958 15. Elle pèse sur toute personne propriétaire d’un
véhicule, y compris les personnes morales de droit public. Seul y échappe l’état
qui demeure son propre assureur. Mais il convient, à ce propos, de noter que la
loi du 5 janvier 1958 précitée prévoit que la responsabilité de la personne morale
de droit public à l’égard des tiers est substituée à celle de son agent, auteur des
dommages causés dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi, tout véhicule automobile, quel qu’il soit, est couvert par une garantie d’assurance, ou par la garantie
de l’Etat, à l’égard des victimes des accidents qu’il peut causer.
11.
12.
13.
14.
15.
Loi n˚ 57-1424 du 31 décembre 1957, JO du 5 janvier 1958.
Loi n˚ 85-677 du 5 juillet 1985, JO du 6 juillet 1985.
Civ. 2, 28 janv. et 4 févr. 1987 (4 arrêts), D. 1987, 187, note Groutel.
Civ. 2, 4 mai 1987, Gaz. Pal., 19 juillet 1987, p. 8, note Chabas.
Loi n˚ 58-208 du 27 février 1958, JO du 28 février 1958.
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2.1.2. Les garanties offertes
Compte tenu de ce qui précède, il convient de retenir, sans entrer dans le détail,
que les garanties d’assurance offertes aux victimes ainsi qu’aux responsables
éventuels ont un champ d’application extrêmement étendu. Il est, d’autre part,
à noter particulièrement, pour répondre à une fréquente préoccupation des
conducteurs impliqués, que l’éventuelle commission d’une infraction au Code de
la route, dans les conditions habituelles, est sans incidence sur la couverture par
l’assurance de leur responsabilité indemnitaire.
2.1.2.1. Responsables garantis
En ce qui concerne les responsables d’accidents, l’obligation d’assurance combinée aux dispositions de la loi du 5 juillet 1985 relatives à l’assurance offrent une
couverture de responsabilité civile quasiment sans faille. Ces garanties s’appliquent en effet non seulement au propriétaire du véhicule, à son conducteur,
notamment s’il est le préposé du propriétaire et ce, même dans le cas d’une conduite non autorisée, mais aussi, et même, au passager qui par un geste imprudent serait à l’origine de l’accident. Le souci du législateur a été, bien entendu
et prioritairement, de ne pas laisser une victime désarmée face à un responsable
insolvable. Mais le bénéfice en rejaillit automatiquement sur les personnes civilement responsables. A cela il faut ajouter, pour dissiper toute crainte à ce sujet,
que l’article L. 121-12, alinéa 3 du Code des assurances interdit à l’assureur
d’exercer une action récursoire contre le préposé de l’assuré. En clair, l’assureur
qui a indemnisé la victime d’un accident impliquant un véhicule d’intérêt général
au titre de la police souscrite par le propriétaire du véhicule n’a pas la possibilité
de se retourner contre l’employé conducteur du véhicule. La seule exception à
cette règle serait la preuve d’un acte de malveillance du conducteur, c’est-à-dire
la preuve qu’il a volontairement cherché à provoquer l’accident.
Ainsi, dans le domaine qui nous intéresse, l’assurance obligatoire souscrite par
les personnes morales de droit public propriétaires des véhicules SMUR, garantit
les conséquences indemnitaires des accidents que peuvent causer ces véhicules.
Certes l’Etat échappe à l’obligation d’assurance, mais sa responsabilité se substitue, aux termes de la loi du 5 janvier 1958, à celle de son agent, conducteur
d’un véhicule d’intérêt général.
2.1.2.2. Victimes garanties
La loi du 5 juillet 1985 avait pour objet principal d’améliorer le sort des victimes
d’accident de la circulation automobile. Les garanties offertes à ces victimes sont
donc également extrêmement étendues. Elles concernent les tiers piétons ou
autres victimes non motorisées, les occupants d’un véhicule tiers en cas de collision, les passagers du véhicule impliqué et notamment des personnes transportées, que ce soit à titre gratuit ou onéreux.
Cependant, le sort du conducteur victime est traité moins favorablement, avec
des distinctions selon qu’il est, ou non, propriétaire du véhicule et que celui-ci
est, ou non, seul impliqué dans l’accident. Nous ne rentrerons pas dans le débat
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sur ce sujet. Notons cependant que dans la situation envisagée, le conducteur
victime bénéficie du régime accident de travail ou accident de service, et que de
plus, la loi et la jurisprudence ont évolué vers une complémentarité de ces régimes avec celui de la loi de 1985.
2.1.2.3. Absence d’incidence d’une infraction
En ce qui concerne l’éventuelle incidence de la commission d’une infraction sur
l’assurance de responsabilité civile de l’auteur de cette infraction, la formulation
de l’article 113-1 du Code des assurances est souvent source de confusions 16.
Cet article écarte de la garantie les dommages provenant d’une faute intentionnelle. Sa lecture pourrait donc faire croire que, notamment, toute infraction
pénale commise volontairement, telle que, par exemple ne pas respecter sciemment un feu de signalisation routière, permet à l’assureur de refuser sa garantie
au fautif. Il n’en est rien. En effet, c’est en réalité l’intention de causer le dommage qui est ici visée, et non l’intention de commettre une faute. En d’autres
termes, renverser un piéton en brûlant un feu rouge n’est exclu de la garantie
d’assurance que s’il est prouvé que le conducteur avait l’intention de nuire au
piéton. Ce n’est évidemment pas le cas du conducteur d’un véhicule d’intérêt
général qui commet cette infraction pour un motif d’urgence.
Ainsi, pour nous résumer, la responsabilité civile mise en jeu par les accidents
impliquant des véhicules d’intérêt général, quelle que soit leur catégorie, qu’ils
soient prioritaires ou bénéficiant de facilité de passage, qu’ils appartiennent à
une personne privée ou publique, quel que soit le statut de leurs conducteurs,
est entièrement garantie par les mécanismes d’assurance. La seule résurgence
d’une absence de garantie opposable au responsable tiendrait à un défaut de
permis de conduire régulier et adapté au véhicule, hypothèse bien peu crédible
pour ce qui concerne les véhicules des SMUR.
2.2. La responsabilité pénale et administrative
2.2.1. La responsabilité pénale
Le tableau qui peut être brossé pour la responsabilité pénale est plus nuancé car
la responsabilité pénale est toujours une responsabilité personnelle, ce qui
implique ici directement le conducteur d’un véhicule d’intérêt général qui peut
se voir infliger, notamment, des peines d’amendes ou de prison, des suspensions
ou des retraits de permis de conduire, avec toutes les conséquences en termes
d’emploi. D’une manière générale, toutes les infractions routières commises par
un véhicule du SMUR bénéficient de l’autorisation de la loi permettant ainsi de
justifier l’infraction commise. Cependant, cette impunité n’est pas totale et une
responsabilité pénale peut être recherchée à l’encontre du conducteur du SMUR.
La mise en cause pénale d’un conducteur ambulancier de SMUR implique la violation d’un texte. Hors le cas de l’infraction délibérée avec intention de nuire
(peu probable pour la thématique qui nous concerne), il s’agira ici d’une infrac16. Y. Lambert-Faivre, Droit des assurances, Précis Dalloz 10e éd., p. 261.
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tion non intentionnelle. L’art. 121-3 al. 2 du Code pénal envisage la faute
d’imprudence : « lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d’imprudence, de
négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d’autrui ». Le Code
pénal utilise les termes « imprudence » et « négligence » sans les définir. C’est
donc la jurisprudence qui a dû définir la faute de négligence ou d’imprudence.
Cette faute doit être appréciée in concreto, c’est-à-dire en fonction des circonstances et de la personnalité de l’auteur ou de l’acte. Il reviendra ainsi au juge de
déterminer si le conducteur ambulancier a outrepassé les prérogatives dérogatoires qui lui sont offertes à l’occasion de ses misions, et donc retenir une faute
non intentionnelle. Il s’agit là d’une appréciation objective du juge mais qui
semble subjective dans la pratique des SMUR, le risque accidentogène y étant
particulièrement élevé en comparaison d’un véhicule lambda.
En réalité, bien qu’autorisé à s’affranchir de certaines règles du Code de la route,
le conducteur de ce type de véhicule reste soumis à une obligation générale de
prudence et de vigilance 17. Il ne bénéficie pas d’une immunité ou d’une impunité
générale. Son comportement sera examiné concrètement relativement à toutes
les circonstances dans lesquelles un accident a pu se produire, et s’il s’avère qu’il
a négligé les règles générales de prudence qu’il doit observer, il encoure une
sanction pénale.
2.2.2. La responsabilité administrative
Fonctionnaire de la fonction publique hospitalière, le conducteur du SMUR est, en
règle générale « protégé » par la responsabilité du service au profit duquel il exerce.
Mais il ne s’agit que d’une sécurité de façade qui peut s’effacer, notamment dans
le cas des accidents de la circulation trouvant leur origine dans la conduite en
urgence d’un véhicule dit faussement « prioritaire ». Auteur ou co-auteur de l’accident de la circulation impliquant un véhicule du SMUR, le conducteur et agent
public, est en principe, responsable des conséquences dommageables de l’accident.
Or, son statut d’agent public lui assure une certaine protection en fonction de la
qualification fautive ou non, de son comportement et de l’intensité de cette faute.
En l’absence de faute personnelle de l’agent, la personne publique assumera
cette responsabilité et devra verser à la victime les dommages et intérêts alloués
par le tribunal. Il s’agira alors d’une responsabilité administrative et l’agent ne
sera pas inquiété, ni même par une éventuelle mesure disciplinaire et/ou récursoire de son service à son encontre. Les fautes non intentionnelles de faible
importance (imprudences légères) sont qualifiées de faute de service et connaissent alors le jeu de la substitution de responsabilité au bénéfice de l’agent.
En revanche, dans le cas d’une faute personnelle (il s’agira ici d’une faute
personnelle non détachable du service) la victime disposera du choix de l’action
en vue de voir les dommages subis indemnisés : se retourner contre l’agent ou
le service. Il est à noter que l’hypothèse est ici assez rarement rencontrée.
17. Crim., 26 avr. 2000, précité.
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Si une action contre le service est effectuée, ce dernier devra alors indemniser la
victime de ses différents chefs de préjudice, et disposera de la faculté d’exercer
une action récursoire et/ou disciplinaire contre son agent fautif.
L’action répressive peut être préférée au titre de la violation d’une disposition
pénale. Dans le cadre d’un accident impliquant un véhicule se déplaçant en
« urgence », le comportement du conducteur sera étudié. En cas de conduite
disproportionnée et/ou dangereuse, l’agent pourra voir sa responsabilité pénale
engagée sur le fondement, selon les cas, de l’homicide ou des blessures involontaires 18, ou bien d’une violation d’une obligation de prudence et de sécurité 19.
La possibilité d’une action pénale à l’encontre d’un conducteur ambulancier de
SMUR ne constitue pas une hypothèse d’école. Les dernières jurisprudences en
matière de VIGP ainsi que la modification du Code de la route sont autant d’éléments qui traduisent une volonté de mettre un terme à une certaine forme
d’impunité. Les conditions pour rechercher la responsabilité d’un agent à l’occasion d’un déplacement urgent sont aujourd’hui facilitées.
Dans ce cadre, la protection fonctionnelle offerte aux fonctionnaires par l’administration en cas d’infraction non intentionnelle (issue de la loi du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires) ne pourra s’appliquer, et ce au
regard de la nature personnelle de la faute et de la violation délibérée d’une obligation de prudence dans le cas d’une conduite disproportionnée et/ou dangereuse. L’agent sera ainsi seul à assumer les frais de justice. Les condamnations
pénales prononcées par le tribunal seront également à la charge de l’agent en
raison du principe de la personnalité des peines.
En ce qui concerne les dommages et intérêts alloués à la victime, ceux-ci seront
à la charge de l’administration si la faute personnelle est qualifiée de non détachable du service. En revanche, si elle est qualifiée de détachable du service, les
dommages et intérêts seront à la charge de l’agent.
Enfin, et pour conclure en quelques phrases, il ne faut pas perdre de vue lorsque
l’on aborde le sujet des responsabilités encourues, en quelque domaine d’activité
que ce soit, que l’important n’est pas de se demander si une responsabilité peut
être recherchée, car elle peut toujours l’être. Ce qui importe est de savoir si elle
peut être retenue, et si cela arrive fréquemment. Or, s’agissant des véhicules
d’intérêt général intervenant dans le secours aux personnes, une évidence
s’impose lorsqu’on recherche des décisions judiciaires relatives à la responsabilité
civile ou pénale dans lesquelles ils sont impliqués. Il en existe certes, mais très
peu nombreuses. Le contraste paraît manifeste entre le nombre de déplacements
effectués par ces véhicules et le faible contentieux que cela génère. Il y a sans
doute peu d’activités humaines qui offrent un tel contraste.
18. Articles 222-19 et suivants du Code pénal.
19. Article 121-3 alinéa 4 du Code pénal.
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