UV musicologie - Document sans nom

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UV musicologie - Document sans nom
Université Paul Valéry Montpellier 3 - Master 2 professionnel Direction Artistique de Projets Culturels
Année 2005-2006
Céline Thomasset
Coordination Musique!: Carine Perret
From Caribean Jazz
to Roots Music
Reggae Night au Montreux Jazz Festival
Passionné de jazz et grand rêveur, Claude Nobs, alors
employé à l'Office du Tourisme de Montreux en Suisse,
fonde le Festival de Jazz de Montreux en 1967. Pour cette
première édition, le Festival dure 3 jours. En 1973, Claude
Nobs est nommé directeur de WEA pour la Suisse. En 1977,
le Festival atteint sa durée record de 23 jours en proposant
une affiche définitivement éclectique.
+ d’infos http://www.montreuxjazz.com/index_fr.aspx
Cette année, le Festival aura lieu du 30 juin au 15 juillet
2006. Suite au succès de la soirée «!A Reggae Night with
Rootsman!» qui a eu lieu le 1er juillet 2005 au Miles Davis
Hall pour le premier jour du Festival, en même temps que
de nombreux autres concerts, les programmateurs du
Festival retentent l’expérience avec la soirée «!From
Caribean Jazz to the Roots!» programmée le 30 juin 2006
au Miles Davis Hall.
Cette soirée, mêlant rythmes jamaïquains, sonorités
rythm’n blues, soul, funk et jazz caribéen, rassemble les
plus grandes légendes de l’île à la fraîcheur rocksteady de
groupes européens.
Programmation
Vendredi 30 juin 2006
Miles Davis Hall
à partir de 21h
Rico Rodriguez and His Band
Ernest Ranglin
Jim Murple Memorial
Alton Ellis
feat. Dennis Alcapone
Rico Rodriguez and His Band
Plongé dans le ska et les origines du reggae music, Rico
Rodriguez est l’un des meilleurs musiciens d’une île qui
compte déjà tant de prodiges. Né en 1934 à Kingston
Jamaïca, Rico a appris la musique, l’art du trombone tout
particulièrement, à l’Alpha Boys School de Kingston et aux
côtés de Don Drummond. L’influence des percussions
nyabinghi de Count Ossie, lorsqu’il intègre la communauté
rasta des collines de Warricka, complète sa formation pour
donner naissance à un style de reggae très épuré pour un
joueur de cuivre. La personnalité discrète de Rico
Rodriguez, qui a préservé son envie de jouer tout au long
d’une impressionnante carrière de 50 années, marquera
les esprits…
Discographie
«!Reco in Reggae Land!», produit par Edward «!Bunny!»
Lee, Economy/Pama (GB), 1969.
«!Blow Your Horn!», produit par Robert «!Dandy!»
Thompson, Downtown et Trojan (GB), 1969.
«!Brixton Cut!», produit par Joe Mansano, Trojan (GB),
1969.
«!Man From Wareika!», produit par Karl Pitterson, Island
(GB), 1976 et Blue Note (US), 1977.
«!Man From Wareika Dub!», produit par Karl Pitterson,
Blank (GB), 1977.
«!That Man is Forward!», produit par Rico Rodriguez et Dick
Cuthell, Two Tone (GB), 1981.
«!Jama!», produit par Dick Cuthell, Two Tone (GB), 1982.
«!Get Up Your Foot!», produit par HP Setter, Groover
Records (D), 2000.
«!Rico!: Trombone Man. Antology 1961-1971!», Trojan
(GB), 2004.
Rico Rodriguez enregistre également pour un certain
nombre d’artistes jamaïcains et européens, tels que The
Skatalites, Cornell Campbell, Don Drummond, Toots ans
The Maytals, Third World, Burning Spear, The Specials ou
encore Bob Marley pour les plus connus.
Dernières dates
19/03/2004 à la Salle des Fêtes de Palaiseau (91)
24/09/2004 à l’Empreinte à Savigny-le-Temple (77)
12/02/2005 au Hall C à Saint-Etienne (42)
Ernest Ranglin
Quand on parle de la Jamaïque, on pense tout de suite au
reggae et Enest Ranglin ne fait pas exception à la règle, sauf
que lui c’est avec sa guitare qu’il s’exprime!: une patte
propre, un son chaud et précis très jazzy, ce papy guitarheroe fusionne depuis les années 1970 deux styles
musicaux très en vogue aujourd’hui. Très recherché par les
musiciens jazz et reggae des Caraïbes, dont il sort
finalement assez peu, Ranglin se voit proposer entre1971
et 1981 des enregistrements en Allemagne avec l’immense
Monty Alexander, pianiste qui complète parfaitement le
jeu pointu, rapide et savamment saccadé du guitariste. En
compagnie du bassiste allemand Eberhard Weber, le trio
sort en 1990 un album exceptionnel, «!Below The
Bassline!», qui permet à un public encore frileux de
véritablement découvrir les talents du maître, qui reste
malgré tout très discret. Ernest laisse au succès le temps de
prendre ses marques, sans dévier de sa musique de
prédilection, gardant un plaisir qu’on n’achète pas. En
1998, à la recherche du «!son africain!», il sort un album,
«!In Search Of The Lost Riddim!», en compagnie de
l’orchestre sénégalais de Baaba Maal, et de grands comme
Assiane Diop, Mansour Seck, Babacar Seck, Cisse Diamba
Kanoute ou Kawding Cissokho, issus de la tradition des
griots africains. La réussite est immédiate, et le talent
d’Ernest Ranglin pour mélanger sons et rythmes divers est
reconnu en masse par le public. Celui-ci, d’ailleurs, se met
alors à (ré-)écouter la discographie forte de plus de 12
albums du talentueux musicien.
Discographie
«!Wranglin’!», produit par Chris Blackwell, Island (GB),
1964.
«!Reflections!», produit par Chris Blackwell, Island (GB),
1964.
«!A Mod A Mod Ranglin!» produit par Richard Khouri,
Federal (JA), 1967.
«!The Exciting Ranglin!», RCA Victor/Federal (JA), 1968.
«!Today’s Best!», RCA Victor/Federal (JA), 1968.
«!Mr Ranglin!», RCA Victor/Federal (JA), 1968.
«!Boss Reggae!», produit par Richard Khouri, FRM (JA),
1970 et Steady Records (US), 1970.
«!Ranglin Roots!», Water Lilly (JA), 1976.
«!From Kingston JA to Miami USA!», produit par King Sporty
et Ernest Ranglin, Vista Sound (GB), 1983.
«!Below the Bassline!», Island Jamaïca, 1996.
«!Soul d’Ern!», Jazz House, 1997.
«!In Search Of The Lost Riddim!», 1998.
«!Memories of Barber Mack!», Island Jamaica, 1998.
«!EB @ Noon!», 2000.
«!Modern Answers to Old Problems!», Telarc, 2000.
«!Gotcha!!!», Telarc, 2001.
«!Grooving!», 2001.
«!Ultimate Ranglin Roots!», Tropic, 2002.
«!Rocksteady!», Telarc, 2004.
«!Earth Tones!», GSE, 2005.
«!Alextown!», Palm Picture, 2005.
Dernières dates!:
15/06/1996 Central Park à New York (USA)
1997 Montreux Jazz Festival (Suisse)
Jim Murple Memorial
Jim Murple Memorial est un groupe français de rocksteady
(mais aussi de soul, de rythm'n blues, de ska et de jazz),
créé en 1996 et composé de sept musiciens!: contrebasse,
cuivres, guitare, batterie et d'une chanteuse (pensée
particulière au regretté contrebassiste Fabrice Lombardo).
Leur inspiration vient des musiques nord-américaines et
caribéennes des années 1950 à 1960. C’est cette passion
profonde envers ce style de musique qui les entraîna à
vouloir la faire partager et la faire découvrir au public
actuel. Ils commencèrent dans un premier temps à faire
des reprises des classiques alors oubliés du genre, en
concert et sur leur premier album «!Rythm’n Blues
Jamaïcain!» qu’ils enregistrèrent en 1998. Puis vint le
temps des compositions qu’ils eurent le temps d’aboutir au
cours de leurs concerts et tournées, leur deuxième album
est la consécration du groupe avec plus d’une dizaine de
compositions originales dans «!The Story of Jim Murple!»
enregistré en 1999. Les 2 albums «!Play the Roots!» et
«!Let’s Spend Some Love!» sont dans la même lignée
sonore, on y retrouve les ingrédients qui ont fait de ce
groupe un rocksteady band à part entière.
Discographie
«!Rhythm'n Blues Jamaïcain!», Patates Records
/Tripsichord (F), 1998.
«!The Story Of Jim Murple Memorial!», Patate
Records/Tripsichord (F), 1999.
«!Play The Roots!», Patate Records/Tripsichord (F), 2001.
«!Let's Spend Some Love!», Pias France (F), 2003.
«!The Complete Box Set!», Patate Records/Tripsichord (F),
2003.
«!Trop Jolie!», Pias France (F), 2004.
«!Five'n'Yellow!», Pias France (F), 2005.
Prochaines dates
29/04/2006 Marseille (13) Etudiant Euromed festival
05/05/2006 Gap (05) Live Café
07/05/2006 Castelnaudary (11) Alternateuf festival
19/05/2006 Nueil (79) Le Monde de la Mouche
26/05/2006 Crespières (78) Génération Brassens
10/06/2006 Villejuif (94) MPT Gerard Philippe
17/06/2006 Douchy-les-Mines (59) CC Fernand Léger
24/06/2006 Sables d’Olonne (85) Sables Moovants
01/07/2006 Etampes (78) les Sélémites
22/07/2006 Tarnos (40) festival Océanique
13/08/2006 Montsaugeon (52) Le Chien à plumes
25/08/2006 Aubusson (23) Festival Enfermés dehors
26/08/2006 Saulgé-L’hôpital (49) Frais’Tival
Alton Ellis
Alton
Ellis
est
considéré
en
Jamaïque comme le
plus grand chanteur de «!soul!» que le pays ait connu,
jusqu’à ce que Bob Marley se révèle. Ellis commence sa
carrière durant la période Ska, mais c’est au cours de la
période «!Rocksteady!» qu’il se démarque réellement.
Doux, plein d’émotions, il réalise une série de singles Ska
pour le label Studio One de Coxsone Dodd, mais atteint son
apogée en enregistrant des titres Rocksteady pour le label
Treasure Island de Duke Reid.
Ellis nait à Kingston en Jamaïque en 1944. Jeune, il apprend
à chanter et jouer du piano en fréquentant un centre local
pour jeunes la nuit. Au début de l'adolescence, il forme le
duo Alton & Eddie avec Eddie Perkins. En 1959, après avoir
gagné un concours de chant, il enregistra le single
«!Muriel!», qui devint un succès important en Jamaïque.
Peu après cet épisode, Perkins quitta la Jamaïque pour
tenter sa chance aux États-Unis, laissant Ellis seul.
Ellis enregistra pour Studio One au début des années 1960,
mais récolta peu d’argent. Insatisfait, il quitta pour le label
Treasure Island en 1965 et forma un trio de backup vocal
appelé The Flames (avec son frère Leslie, mais les
membres changeront plusieurs fois). Ellis sort rapidement
un succès anti-violent majeur, «!Dance Crasher!», et
l’année suivante, il réalise ce qui est considéré comme
étant le premier titre Rocksteady, «!Get ready! — Rock
Steady!». Son rythme innovant naquit lors d’une session où
le bassiste n’était pas présent, obligeant Jackie Mittoo à
jouer la ligne de basse lui-même. La main gauche de Mitoo
ne pouvant pas suivre le rythme effréné du Ska, il adapte
donc un rythme plus lent.
Parti en Angleterre en 1973, Ellis crée son propre label,
Alltone, qui est destiné à la réalisation de nouveaux
enregistrements et à la sortie de compilations de ses
premiers succès. Il fait un retour triomphant en Jamaïque
au Reggae Sunsplash Festival en 1983 et 1985, et
enregistre un nouveau single intitulé «!Man From Studio
One!» pour Dodd en 1991.
Discographie
«!Alton Ellis sings Rock and Soul!», produit par Coxsone
Dodd, Coxsone (JA), 1967.
«!Mr Soul of Jamica!», produit par Duke Reid, Treasure Isle
(JA), 1967.
«!The Best of Alton Ellis!», produit par Coxsone Dodd,
Coxsone (JA), 1969.
«!Sunday Coming!», produit par Coxsone Dodd, Coxsone
(JA), 1970.
«!Greatest Hits!», produit par Duke Reid, Count Shelly (GB),
1973.
«!Still in Love!», Horse (GB), 1977.
«!Love to Share!», produit par Junior Lincoln et Jackie
Mittoo, Third World (GB), 1979.
«!Jamaica’s Most Soulful Singer!», produit par Bunny Lee,
Third World (GB), 1980.
«!25th Silver Jubilee!», Alton Ellis Musik (JA), 1984.
«!Alton & Hortense Ellis at Studio One!», produit par
Coxsone Dodd, Heartbeat (US), 1990.
«!Reggae Vally of my Decision!», House of Reggae (GB),
1996.
«!Many Moods of Alton Ellis!», Culture Press, 2001.
Dernières dates
17/06/2000 au CAES de Ris-Orangis (91)
20/08/2000 à Central Park à New York (USA)
29/03/2003 à la Salle des Fêtes de Palaiseau (91)
25/03/2006 Festival Léoska à Léognan (33)
08/04/2006 au Cabaret Sauvage à Paris (75)
Dennis Alcapone
Né en 1946 à Crooked River en Jamaïque, Dennis
Alcapone, Smith de son vrai nom, est le petit dernier d’une
famille de neuf enfants. Il fait ses premières armes en 1967
avec le sound-system El Passo, en prenant exemple sur le
King Tubby’s Hometown Hi Fi où U Roy est le DJ. C’est Keith
Hudson qui le fait débuter avec le titre!: «!Spanish Amigo!»
sous son vrai nom. C’est le début d’une belle collaboration
qui voit un certain nombre de tubes sortir, réappropriations
en version DJ des innombrables classiques de Bob Marley,
Ethiopians, Cornell Campbell… Il quitte Keith Hudson pour
rejoindre l’écurie Treasure Isle de Duke Reid. C’est là qu’il
obtient un succès mérité et fonde en même temps l’un des
tout premiers duos de DJs avec Lizzy. C’est Bunny Lee qui
produit son premier album!: «!Guns don’t Argue!». Nommé
meilleur DJ en Jamaïque en 1972 et 1973, sa réputation le
devance et il part en tournée autour du monde. Il s’installe
à la fin des années 1970 en Angleterre même s’il continue
d’enregistrer pour des producteurs jamaïquains. Il reste à
ce jour un des plus grands fondateurs du style DJ.
Le style DJ en Jamaïque ne correspond pas à notre
conception occidentale. Cela ne consiste pas à sélectionner
des morceaux d’artistes et à les passer les uns à la suite des
autres. Les DJs jamaïquains ont pour tradition de se
réapproprier les succès et de chanter par-dessus dans un
style davantage scandé, afin d’encourager le public à
danser. C’est dans cet esprit que Dennis Alcapone
interviendra à la fin du concert de son ami Alton Ellis.
Discographie
«!Forever Version!», produit par Coxsone Dodd, Studio One
(JA), 1970-71.
«!Guns Don’t Argue!», produit par Bunny Lee, Jaguar (JA),
1971.
«!Version Galore Vol. 2!», Trojan (GB), 1972.
«!Soul to Soul - DJ’s Choice!», produit par Duke Reid, Trojan
(GB), 1973.
«!King of the Track!», produit par Bunny Lee, Magnet (GB),
1974.
«!Belch it off!», produit par Sidney Crooks, Attack (GB),
1974.
«!Dread Capone!», produit par Count Shelly, Live and Love
(GB), 1975.
«!Six Million Dollar Man!», produit par Bunny Lee, Third
World (GB), 1977.
«!Investigator Rock!», produit par Bunny Lee, Third World
(GB), 1977.
«!My Voice is Insured for Half a Million Dollars!», Trojan
(GB), 1989.
Dernières dates
15/06/2001 à La Scène de Vernouillet (78)
06-08/07/2001 au Summer Jam 2001 à Köln (Allemagne)
20/09/2003 au Parc Jean Moulin à Aubagne (13)
30/07/2004 au Ja’Sound Festival à Lézan (30)
12/02/2005 au Recyclart à Bruxelles (Belgique)
From Caribean Jazz to Roots Music
La musique jamaïcaine du début des années 1960 à la fin
des années 1970 se révèle d’une richesse extraordinaire,
tant par la quantité de productions sortie à l’époque
(presque autant qu’aux Etats-Unis, ce qui est proprement
incroyable pour une si petite île de 2 millions d’habitants),
que par la qualité artistique et l’innovation permanente
résultant de ses productions. Si vers la fin des années 1950,
les Jamaïcains ne jurent que par la musique noire
américaine (rythm’n blues, soul, gospel…), ils vont très vite
développer leur propre voie en intégrant à cette «!sauce!»
leur culture musicale propre, notamment les styles
c a l y p s o et m e n t o , le tout aboutissant au mélange
détonant qu’est le ska-jazz jamaïcain. Ce nouveau style
musical va faire parler de lui jusqu’en Angleterre avec
notamment le tube international «!My Boy Lollipop!» de
Millie Small (et tant d’autres), avant de céder la place à un
rythme plus lent!: le rocksteady.
Si le ska, dont le tromboniste Rico Rodriguez et le
guitariste Ernest Ranglin seront des fers de lance, est
souvent uniquement instrumental (avec notamment ses
cuivres et ses orgues enflammés), le rocksteady lui, fait la
part belle aux innombrables chanteurs de talent dont l’île
recèle. Citons par exemple Alton Ellis, Ken Boothe ou
encore Toots Hilbert, dont les voix soul transcendent
littéralement n’importe quelle composition. Il faut savoir
qu’en Jamaïque, tout le monde ou presque possède des
talents de vocaliste, souvent acquis par la pratique
régulière du gospel à l’église. A Kingston ou Montego Bay,
une femme de ménage qui chantonne en balayant vous
donne souvent l’impression qu’Aretha Franklin est en train
d’enregistrer dans la pièce d’à côté. Le rocksteady connaît
donc lui aussi son heure de gloire avec un nombre
incalculable de très belles compositions, souvent
sublimées par des chœurs et des harmonies vocales d’une
finesse sans égale (autre spécificité jamaïcaine également
héritée du gospel).
Mais tout va très vite sur cette petite île, et un nouveau style
musical se dessine, l’early-reggae, qui va très vite
devenir le reggae-roots «!classique!» des années 1970,
caractérisé par la mise en avant de la ligne de basse, le
contretemps («!skank!») de la guitare, les «!breaks!»
syncopés de la rythmique et la réapparition des
percussions, un peu oubliées depuis le mento. Les cuivres
sont également toujours très présents, et il est par exemple
impossible de dénombrer exactement le nombre de
morceaux sur lequel Rico Rodriguez, Dean Frazer, ou
encore Tommy McCook (pour ne citer qu’eux) ont pu poser
leurs instruments. Il en va de même pour un guitariste
comme Ernest Ranglin, qui a insufflé son esprit jazzy à
tant de compositions de cette époque, ou encore Jackie
Mitoo, aux influences plus funk, qui fut le claviéristearrangeur du célèbre Studio One où ont énormément
enregistré des chanteurs comme Alton Ellis, Bob Andy, le
trio vocal The Heptones et tant d’autres.
Au cœur de ces évolutions d’un style vers un autre, se situe
un personnage capital dans l’histoire de la musique
jamaïcaine!: l’ingénieur du son, qui est généralement aussi
producteur. Il faut bien voir que ce pays très pauvre ne
dispose pas de moyens techniques exceptionnels, ce qui
implique une forte inventivité pour se débrouiller avec les
moyens du bord. Très souvent on construit dans les studios
son propre matériel d’enregistrement, on fabrique des
amplis ou des boîtes à effet à partir de vieux transistors etc.
Musicalement, cela se traduit également par un certain
nombre d’expérimentations, dont l’une des plus
étonnantes va aboutir sur un concept révolutionnaire!: le
dub. Il s’agit d’un reggae instrumental (où s’immiscent
parfois quelques bribes de voix issues des morceaux
originaux), consistant à remixer d’une manière particulière
un morceau chanté. Dans ces nouvelles versions, la basse
et la batterie sont encore poussées vers l’avant (c’est
l’avènement de la drum’n bass bien avant l’heure), tandis
que les guitares, claviers ou autres instruments sont
retravaillés avec des «!delay!», «!reverb!», «!echo!» etc. et
ne font que des apparitions ponctuelles. Un seul titre peut
donc se décliner en un nombre incroyable de versions,
créant ainsi le concept du «!remix!», avec 15 ans d’avance
sur le reste de l’industrie musicale!! L’utilisation des effets
dans le style «!dub!» est également incroyablement
précoce, et sera massivement copiée dans la musique
électronique des années 1990, tout comme le style de
rythmiques reggae dites «!rocker!» ou «!stepper!» de la fin
des années 1970 en Jamaïque seront d’une influence
certaines sur la musique techno 10 ans plus tard. A titre
anecdotique, le morceau «!Natty Dread!» de Robert Nesta
Marley sur l’album du même nom de 1974 sera le premier
tube international utilisant une boîte à rythme synthétique!!
Mais si la musique jamaïcaine est si innovante, c’est que
c’est également une nécessité vis-à-vis de la concurrence
locale entre les studios. En effet, les morceaux sont tous
destinés à être joués sur des sound-system mobiles en
plein air, et au cours de ces soirées il faut toujours devancer
en nouveauté le producteur concurrent. Il faut savoir que la
minuscule île a produit depuis les années 1960 plus de 45
tours que n’importe quel autre pays!! C’est dans ces soirées
locales, que vont se faire connaître ceux que l’on appelle
les DJs (rien de comparable avec la notion de DJ chez nous,
en Jamaïque ceux-ci sont nommés «!selecters!»). Le DJ
jamaïcain est donc une personne qui prend le micro et
parle entre les disques ou incite la foule à danser en
rajoutant quelques interjections sur le morceau diffusé.
Avec l’avènement des versions dub (un 45 tours est
généralement constitué d’un morceau chanté en face A et
de sa version instrumentale en face B), les DJs vont avoir de
plus en plus de place pour s’exprimer sur les faces B, et
vont développer un style scandé, parlé, en accélérant en
général le débit vocal pour motiver les danseurs. Ces
performances sont de totales improvisations, et si les
premiers DJs officient depuis la fin des années 1950 (mais
plus comme animateur de soirées), il faudra attendre une
bonne dizaine d’année avant que l’on pense à les
enregistrer, certaines versions devenant alors plus
connues que les originales chantées. Dennis Alcapone
est un véritable phénomène dans ce style, au même titre
que d’autres artistes comme U Roy ou Big Youth. Cette
technique n’aura de cesse d’évoluer par la suite, et
donnera vie à ce que l’on appelle aujourd’hui le hip hop, le
premier morceau crédité à ce style musical aux Etats-Unis
à la fin des années 1970 étant d’ailleurs réalisé par un
Jamaïcain installé à New York.