Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran

Transcription

Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
Cheikh Ahmadou Bamba
et le Coran
Conférence de Serigne Sam Mbaye
(Parcelles assainies - 1993)
Transcrit et traduit par Papa Sall
© 1436h / 2014 - www.serignesam.com
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Serigne Sam MBAYE
Né à Louga vers 1922, de parents dignes et respectés qui ont fondé
une famille réputée par son érudition et sa vertu religieuses, Serigne
Sam fût baptisé Mame Mor Diarra frère utérin de Xadimu-R-Rassoul
Cheikh Ahmadou Bamba.
Son père Ahmadoul Mukhtar, plus connu sous le nom de Ahmadou
Sakhir , fût un savant émérite, un grand adorateur pétri de dons et
de miracles. Sa mère, Sokhna Fatou Thiam, fervente musulmane
très vertueuse, avait coutume de donner de la nourriture à son
entourage et aux nécessiteux. Elle était une femme dévouée corps
et âme à son époux et se distinguait également par son intelligence
rare.
L’Homme : son cursus à la fleure de l’âge, c’est d’abord chez le
marabout Mbaye Touré que Serigne Sam fut initié au Saint Coran
avant d’être envoyé à Koki par son père chez son propre disciple
Cheikh Ahmad Sakhir Lo, pour parachever ce qui lui restait du Coran.
En un temps record, Serigne Sam mémorisa le saint Coran à
la surprise de son maître qui lui enseigna le Droit Islamique, la
grammaire et beaucoup d’autres disciplines.
Serigne Sam voyagea ensuite vers Saint-Louis où il étudia auprès
d’éminents savants parmi lesquels Serigne Diakhaté à Guet Ndar qui
enseignait de célèbres disciplines.
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Préface
Mon très jeune frère Papa Sall m’a fait un insigne honneur en me demandant de préfacer cette première série des Grandes Conférences
Islamiques de Serigne Sam Mbaye. Je suis d’autant plus fondé à l’accepter que Pape m’a impliqué très tôt dans son projet en me faisant
lire au fur et à mesure ses traductions des différentes Conférences
Religieuses de son distingué maître. L’œuvre entreprise avec enthousiasme par Papa Sall mérite d’être encouragée et soutenue. D’importants thèmes comme l’entraide, la prise de conscience par rapport à
la mort, le soufisme, l’orthodoxie, etc.…, y sont passés en revue avec
une érudition rarement égalée. Ceux qui auront le privilège de lire Les
Grandes Conférences Islamiques de Serigne Sam Mbaye en tireront un
profit incommensurable. Ils verront leur pratique religieuse et leurs
comportements s’améliorer notablement. S’ils comprennent correctement le message du maître, ils deviendront,à coup sûr,de meilleurs
musulmans. Ils auront évidemment besoin, pour cela, de faire par
moment de gros efforts surtout pour ceux d’entre eux qui ne comprennent pas bien la langue de Kocc Barma1.
En effet, le message du maître, profond, exprimé dans une langue
exquise et illustré de citations très à propos du Coran et des hadîths,
n’est pas facile à traduire en français. Certaines expressions sont d’ailleurs carrément intraduisibles et Papa pour ne pas trahir la pensée
du maître, les rend telles qu’elles sont exprimées en arabe. De nombreuses autres, pour les mêmes raisons, sont traduites littéralement,
de sorte que les éventuels lecteurs qui ne pratiquent pas correctement le wolof auront du mal à s’en tirer parfois.
Les difficultés que voilà exceptées, la lecture des Grandes Conférences
Islamiques de Serigne Sam Mbaye est captivante. Elle éclaire le lecteur
sur la vie du Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam), sur celle des
Sahaaba2 et d’illustres saints comme Khadìmu-r-Rassoul3. Elle l’aide à
mieux cohabiter avec ses semblables, à mieux entretenir sa famille
1 Sage Wolof (ethnie du Sénégal)
2 Les compagnons du Prophète (PSL)
3 Cheikh Ahmadou Bamba : fondateur de la Muridiyya
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et surtout à mieux traiter l’autre quelles que soient par ailleurs ses
conditions.
Papa Sall a donc été bien inspiré, très bien inspiré d’avoir entrepris
cette œuvre immense. Je le remercie en tout cas de m’y avoir très
tôt associé et d’avoir sollicité ma modeste contribution. Je souhaite
que le Tout Puissant l’assiste et l’aide à poursuivre l’immense travail
entrepris en éclairant son chemin de sa limpide et infaillible lumière.
Qu’il répande sur sa famille, sur ses proches et sur lui-même sa divine
bénédiction.
Enfin, que les nombreux « yiw4 » qu’il ne manquera pas de tirer de
son entreprise profitent largement à nos défunts pères et mères qui
étaient, Ahmad Jamaal, de leur vivant, des amis inséparables. Amen.
Mody Niang,
inspecteur de l’enseignement
à la retraite
4 dons
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Avertissements
As-salaamu anleykum
Chers lecteurs,
Les grandes conférences islamiques de Serigne Sam Mbaye est une série de conférences que ce dernier a tenues à travers le monde. Les
thèmes traités sont aussi nombreux que varié. Ces conférences embrassent la totalité des principes fondamentaux de la religion islamique (Tawhiid5, Fiqh6, Tasawwuf7) ainsi que les règles les plus simples
de bonne conduite qui harmonisent la vie en société.
Le présent document est un essai de traduction de ces conférences
dont la richesse et l’intérêt sont sans conteste. Ces importantes conférences ont eu jusqu’à présent comme seuls support les cassettes magnétiques. Elles ne sont donc pas connues du grand public et surtout
pas des intellectuels qui n’ont pas le temps de les écouter. C’est pour
atteindre en particulier ce milieu, cette cible que Serigne Sam m’a proposé de faire ce travail de traduction.
Je suis conscient de la difficulté qui réside dans la conversion d’une
idée d’une langue donnée à un autre. C’est pour cette raison qu je
voulais me limiter, au départ, à la transcription simple de la conférence telle qu’elle est dite dans la cassette ; le marabout m’en a dissuadé et m’a encouragé à la traduction directe. Celle-ci ne peut donc
être que littérale compte tenu de la richesse de la langue wolof 8que
le marabout a utilisé pour exprimer ses idées.
C’est une tâche redoutable pour moi pour des raisons multiples :
1°) je ne pourrai jamais traduire en bon français, accessible à tous, la
richesse des conférences de Serigne Sam Mbaye. Je ne me fais pas
d’illusion là-dessus ;
2°) je ne suis même pas certain de bien comprendre moi-même l’idée
du conférencier ;
5 6 7 8 Théologie : science qui enseigne l’Unicité de DIEU
Jurisprudence islamique
Soufisme : perfection spirituelle
Langue nationale la plus parlée au Sénégal
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
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3°) mon niveau d’expression française n’est pas des meilleurs.
A ces raisons s’ajoutent d’autres, strictement personnelles que je suis
obligé de taire.
De plus, je connais très bien le conférencier, son itinéraire, son orientation, je ne pourrai jamais relater exactement ce qu’il ressent. Non.
Ce que je peux traduire c’est l’idée que je me fais de la conférence.
J’espère seulement que vous ne serez pas trop déçus de mon essai.
Je voudrais, avant de terminer, solliciter des prières pour moi, ma famille et surtout pour ma mère et mon père.
Le traducteur : Papa Sall,
Moom Bay Sam9
9 Papa Sall disciple de Serigne Sam Mbaye
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La conférence
Bismi-l-Làhi-r-Rahmàni-r-Rahìm
Al hamdu lil-Làhi Rabbil hànlamìn
Wa-s-salàtu wa-s-salàmu anlà ashrafil anbiyà wal mursalìna wa anlà àlihì
wa as’hàbihi ajmahìn. Kullu man tabi’ahum bi ihsànin ilà yawmi-d-dìn.
Chers Parents en Islam, Chers condisciples,
Après avoir remercié DIEU et prié sur son Prophète (Anleyhi-s-salaatu
wa-s-salaam), nous vous saluons, nous vous encourageons, nous vous
demandons de nous pardonner et vous félicitons de cette rencontre
organisée au nom de DIEU, du Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) et de Serigne Touba (Radiy-Allàhu anhu), dans le cadre de l’Islam.
Nous vous en félicitons et vous demandons de nous excuser. Nous
sollicitons vos prières et prions pour vous.
Le sujet de la causerie est très lourd, très important : il s’agit du Coran.
Quant à Serigne Touba, DIEU lui en a fait connaître beaucoup et c’est
ce qui explique la considération qu’il a pour le Coran et la place qu’il
lui réserve.
C’est le secret du Coran qui supporte l’univers, c’est lui qui supporte
les sept cieux et les sept terres. Il n’existe pas sur terre une chose dont
on peut dire qu’elle n’est pas une créature si ce n’est le Coran. Nul ne
peut dire que le Coran c’est DIEU mais personne ne peut affirmer le
contraire, car il constitue la Parole de notre SEIGNEUR (Tabaaraka wa
Tahanlaa) «Jalla jalàlahù wa anzza kamàlahù».
L’importance du Coran a atteint un niveau tel que ‘‘Seyidal awwalìna
wa-l- àhirìna’’10, dont le secret qui constitue des océans dont aucun
prophète ne pourrait supporter d’avaler le contenu d’une cuillère
d’aucun d’entre eux (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam), a enduré beaucoup de peine avant de recevoir le premier verset qui est descendu
sur lui. Il a eu à supporter trois étreintes de Seyidina Jibbril qui voulait
10 Le Prophète Muhammad, anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam
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l’isoler de sa nature humaine («Adamiya») pour faire place à une autre
nature supérieure, la nature angélique, afin que le Coran puisse pénétrer. Si on considére le secret de chaque harf (lettre) du Coran, nous
verrions que trente mille anges ne pourraient pas le soulever (un seul
harf). Les savants rabbaniyùn ont dit que le harf (la lettre) n’est pas
une créature car elle vient du Coran, elle en fait partie.
Les rabbaniyùn disent que le Coran est venu de Ummul Kitaab qui est
le lieu du ‘‘Savoir’’ de notre SEIGNEUR (Tabaaraka wa Tahanlaa), ‘‘al
ilmul qadìm’’, la science qui n’a pas été inventée, qui existe depuis
toujours , qui fait partie des manifestations de notre SEIGNEUR (Tabaaraka wa Tahanlaa). Comme nous avons l’habitude de l’illustrer, par
l’encre dans laquelle on trempe sa plume pour écrire et qui contient
toutes les lettres que l’on veut écrire mais dont les caractères ne sont
pas encore formés. L’encre constitue donc la ‘‘mère’’ de tout ce que
l’on veut écrire. Il en est ainsi pour Ummul Kitaab
Après Ummul Kitaab, le Coran est descendu sur Lawhul Mahfùz puis
au niveau du ciel le plus bas, le plus proche de nous. On dit qu’il existe
sept cieux ; pour illustrer cela il nous faudra un peu plus de temps.
Vous savez que les chiffres 7 et 70 montrent seulement l’importance
d’une chose mais non la quantité (ou le nombre) réelle de celle-ci.
Le Coran quitte alors ce ciel pour descendre munajjinane ; C’est-àdire pour des circonstances tels que rendre un jugement, répondre
aux questions des mushrikùn ou des juifs posées au Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) pour le piéger (ou l’éprouver)...etc. Ou alors
les sahaaba, se situant à un lieu assez éloigné du Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam), font face à un problème précis (pendant
leur absence) et dont ils doivent connaître l’issue, alors, le verset correspondant à la situation descend pour les informer à leur retour.
Donc, selon la façon dont se présentent les évènements, le Coran descend pour les réglementer, ou alors les fils d’Adam font une chose
anormale et il descend pour les corriger. De même, si le Prophète
(Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) prend sur lui la liberté de traiter un
problème donné en l’absence de tout verset sur la question, le Coran
peut descendre soit pour confirmer son jugement soit pour le rectifier comme ce fut le cas par exemple de Asnà Badrin et tant d’autres
8 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
évènements.
Il sera un peu difficile, compte tenu du temps qui nous est imparti
d’une part et de la question posée d’autre part, de faire ici l’historique
de la révélation du Coran. Nous nous attaquons donc directement à la
question, à savoir quelles sont les relations entre le Coran et Serigne
Touba.
Avant l’apparition du Cheikh, les musulmans qui vivaient au Sénégal
apprenaient le Coran et avaient pour lui une très grande considération. Ainsi, tous les doomi soxna11 étaient des kaang. On appelle kaang
celui qui connaît par cœur le Coran de sorte qu’il est capable de réciter et/ou d’écrire la totalité du texte coranique sans le regarder et
sans faire de faute ou alors, ses seules fautes seront des erreurs et
vous savez qu’il n’ y a que DIEU qui ne se trompe pas.
Autrefois celui qui écrivait le Coran possédait plusieurs encres de couleurs différentes. Le plus souvent c’était avec une couleur jaune ou
verte qu’il renforçait les alif, c’est-à-dire les hamz ; la couleur rouge
était utilisée pour mettre les voyelles, la couleur rouge pour marquer
la fin des sourates. Vous savez que la formule ‘‘telle sourate, tel ou tel
verset’’ ne fait pas partie du texte coranique et c’est pour cela raison
qu’elle est écrit le plus souvent en rouge.
Vous savez que la majorité des wolofs ne connaissait pas à cette
époque le Mahàrijul hurùf, c’est-à-dire la façon de prononcer les
lettres en faisant sortir correctement le son à partir de la langue ou
de la gorge. Ainsi, ils prononçaient de la même façon beaucoup de
lettres totalement différentes. Ce qui a fait que pour les écrire, ils
éprouvaient, ou alors pouvaient éprouver, beaucoup de difficultés et
de confusions. Cela les amena à faire ce qu’on appelle le ‘‘boolé’’ en
wolof (l’association) ou le ‘‘wañi’’ (le décompte) qui sont des techniques qu’ils avaient inventées. Ils prononçaient par exemple de la
même façon : s, le za, le sat, le sìn, le ra et bien d’autres lettres qui
devaient avoir une prononciation différente mais qu’ils prononçaient,
eux, de la même manière. Ce qui leur posait une grande difficulté au
moment de les écrire. C’est pourquoi ils inventèrent les associations
11 Les lettrés, et plus précisément les familles qui maîtrisaient et enseignaient le Coran et
les sciences religieuses.
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
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(boole) et les décomptes (wañi) que nous avons relatés tout à l’heure.
Certaines associations indiquent la fin d’un verset d’autres montrent
la fin d’un verset ; mais en précisant le numéro du verset dans la sourate : 5ème verset ici ; 10ème ailleurs... par exemple. D’autres associations montrent l’endroit au niveau duquel on doit couper un alif ou le
mettre en exposant (athi). Il existe également d’autres associations
qui regroupent l’ensemble des lettres qui ont la même prononciation
mais n’ont pas la même orthographe. Ils ont continué dans cette lancée jusqu’à atteindre un niveau tel que leur science ne sert plus à rien
du tout. Vous savez qu’il existe trois sortes de sciences :
- «xam-xam bu ñor ba xëm»
- «xam-xam bu ñor te xëmul»
- «xam-xam bu xëm te ñoragul»
Ils avaient donc atteint dans leur apprentissage du Coran le «xamxam bu xëm te ñoragul», c’est-à-dire les excès ; ils avaient dépassé les
normes.
Vous savez que la meilleure des sciences, la science pure est celle
que véhiculent les hadith : «xam-xam bu ñor te xëmul». La grammaire
(nahwu) correspond au «xam-xam bu ñor ba xëm». Les grammairiens
ont introduit dans les leçons des mas’ala très difficiles qui fatiguent
les gens et ne leur apportent rien , simplement pour les éprouver,
pour voir s’ils ont bien compris la grammaire. On peut citer parmi ces
mas’ala «Al baqà’u bi lazì» «wal alifu bi-l-làmi» et tant d’autres ahkàm
qui n’ont aucune importance pour l’étudiant. Il en est de même pour
le harùd (le vocabulaire arabe) dont la partie principale est théorique
; elle n’a aucune importance pour celui qui veut écrire, composer des
chants ou des poèmes. Mais Khalil Ibn Ahamada l’a inventé et a réussi
à le faire intégrer dans les sciences religieuses.
La science que j’ai appelée «science des extrêmes» («ñor ba xëm») est
la science coranique des gens de ce pays à cette époque. Ils avaient
dépassé les bornes. Ils avaient l’habitude de compter chaque deux
ou trois mots qui se ressemblaient. Cela les conduisit à trouver pour
chaque harf une correspondance dans la langue wolof et à inventer
le ‘‘torr12’’. Celui qui a fini de mémoriser le Coran, et après en avoir
12 expression wolof ; exple : damay torr lu
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écrit un exemplaire, revient en arrière une deuxième fois pour faire
le ‘‘torr’’ c’est-à-dire récapituler toutes (ou une grande partie) les
associations de sorte à être capable de donner une association pour
chaque trois mots de n’importe quel paragraphe du Coran (Rubùh).
Vous voyez bien que cela n’a aucune utilité. Ils poursuivirent cela
jusqu’à atteindre ce qu’on appelle laawan13. Les doomi soxna qui le
pratiquaient étaient pires que les al mùda et les griots. Ils avaient
changeaint. Leurs habitudes et leurs natures ne correspondaient plus
à celles que doit avoir celui qui étudie ou enseigne le Coran. Quand
ces laawankat14 arrivaient dans un village, ils recensaient le nom de
toutes les demoiselles. Tout le monde avait peur d’eux à cause de leur
mauvaise langue. Le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) avait
dit : «Wa sharru-n-nàsi man’it-taqqàma bi lisànihi». Après avoir collecté les noms, ils se mettaient après le dîner, offert par une de ces demoiselles, à la place publique15 du village. Ils sortaient leurs tam-tams
et tout le village et les autres villages environnants venaient assister.
Ils avaient l’habitude de composer des chants. Si une demoiselle leur
avait offert un dîner copieux comportant de la viande et du lait, et si
elle leur avait offert en plus de cela des biens, des habits, des bijoux en
or ou en argent, ils faisaient ses éloges et celles de sa famille dans une
chanson qui fera le tour du pays. Ce qui acquiert une bonne renommée pour elle. Si par contre elle n’avait pas les moyens de satisfaire
tous leurs désirs, ils composaient un chant pour médire d’elle et de sa
famille. Ils continuèrent à se comporter de la sorte et finirent par ressembler à tout point de vue aux poètes antéislamiques, voire étaient
pires qu’eux. On raconte qu’un jour un laawànkat était venu dans un
village pendant l’hivernage. Vous savez que durant cette période les
paysans deviennent plus faibles économiquement. Ils vont dans la
brousse pour couper des feuilles de mbùm16 qu’ils ajoutent au peu de
couscous qu’ils préparent le soir pour dîner. Lorsque le laawankat est
venu, accompagné de ses trois pairs, la famille hôte n’avait pas beaucoup de couscous. Elle leur donna donc toute la nourriture. C’était peu
13 Cérémonie d’étalage de connaissance organisée par les élèves des écoles coraniques
14 ceux qui pratiquent le laawan
15 en wolof : pencc
16 Pour préparer une sauce de feuille de choux ou de « nébédaye » pilé ou haché,
«mboum ». Il se consomme de préférence le soir, au dîner. Le plat s’appelle Tiéré Mbùm
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; mais elle ajouta au couscous beaucoup de mbùm pour compléter le
dîner. Le laawànkat introduisit la main dans l’assiette et ne trouva que
du mbùm ; il poussa la main jusqu’au milieu du récipient et trouva un
tout petit peu de couscous. Il se boucha les oreilles et s’écria : «ana
seen ceree ba ngueeni reere mbùm»17 et les autres en firent de même.
Faire honte à des familles démunies qui ne pouvaient pas satisfaire
leur demande basée sur leur plaisir personnel était devenu la finalité de l’apprentissage du Coran dans ce pays, avant l’avènement du
Cheikh. Les disciples écrivaient le texte coranique avec beaucoup de
fantaisies sur les caractères des nùn, des waaw, des qàf, etc..., on savait plus à quoi cela ressemblait en fin de compte. De même, en lisant
ou en récitant le Coran, ils répétaient chaque association (boolé) qu’ils
rencontraient. Chaque fois qu’un kaang18 rendait visite à son homologue, il disait : «nanu ma yakal» ; c’est-à-dire qu’un des disciples de la
daara19 hôte écrive un chapitre du Coran qu’on va lui remettre pour
correction. Tout le village était invité à la «cérémonie de correction» du
chapitre en question. Cela se déroulait sur la place publique du village.
Les kaang s’habillaient pour la circonstance en pantalon bouffant de
trois pièces qui traînait par terre. Ils mettaient un bonnet dont le pompon dépassait le dos pour venir toucher les reins. En récitant, ils faisaient des va-et-vient et chaque fois qu’ils rencontraient une association, ils se mettaient à chanter et les batteurs de tams-tams faisaient
accompagner le tout par un son de sabar20 bien rythmé ; un cercle
était formé à l’instar des animateurs de tànn-beer21. Il appartenait au
maître de la daara hôte de choisir parmi ses disciples un qui sera chargé d’écrire le chapitre qu’on va remettre au maître visiteur pour correction. Il reste entendu que le maître de la daara hôte ne participe
pas à l’écriture du chapitre. Après que les disciples aient fini de vérifier
le texte écrit par un des leurs, ils le remettaient au kaang chargé de le
corriger. Si celui-ci rencontrait une faute, c’est le dos de la plume (xalima) qu’il avait mâché qu’il utilisait pour la corriger. Chaque fois qu’il
rencontrait une faute il chantait : «Repeelu nga dél bind geesu mbà nga
17 ‘‘Où est le Couscous que vous dinez, Mbùm !’’
18 terme wolof qui désigne celui qui maîtrise le Coran au point de pouvoir d’écrire un
exemplaire sans recopier
19 foyer d’éducation coranique
20 un tambour à fût long et cintré
21 danse traditionnelle organisée en soirée
12 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
dëkké nafar» et on battait les tams-tams à ce rythme et l’assistance se
mettait à répéter : «Repeelu nga dél bind geesu mbà nga dëkké nafar».
Cela constituait une honte pour la daara hôte qui devenait du coup le
sujet de toutes les causeries à travers le pays. En un mot, ils avaient
abâtardi l’apprentissage du Coran. Ainsi, ceux qui l’étudiaient ne manifestaient plus aucune crainte envers DIEU. Ils étaient devenus des
amuseurs, des gens entièrement orientés vers ce bas monde et son
contenu. Ils avaient bâti une royauté sur leur mauvaise langue. Si un
disciple arrivait à écrire un exemplaire du Coran, il mettait en bas de
la dernière page la formule : «Mus’haf écrit par un tel, fils d’un tel et
d’une telle, disciple de tel maître....» et terminait en faisant ses propres
éloges. C’était en quelque sorte ce comportement que les doomi soxna qui apprenaient et enseignaient le Coran avaient fini par adopter.
Lorsque le Cheikh est venu, il a enseigné aussi bien le Coran que les
sciences. Par ‘‘sciences’’, je veux parler de la langue arabe, la grammaire, le balàgha, le vocabulaire, mantiq et les sciences religieuses.
Quand il enseignait le Coran, il se servait la plupart du temps du Al
jawharul munazzam. Vous savez que le recueil des associations créées
par les kaang était appelé Ilmu-r-rasmi, il permettait au kaang d’écrire
le Coran sans faire de faute. Al jawharul munazzam est une partie
du Ilmu-r-rasmi. Chaque fois qu’il terminait de corriger un chapitre
(Rubùh) écrit par un disciple, et qu’il n’y rencontrait aucune faute, il
disait : «Je pense que c’est bien écrit, on peut le lire». Toutes les fois
qu’il trouvait nécessaire de donner des explications ou des exemples,
il ne manquait pas de le faire. Sa première attitude pour ramener les
gens à la raison c’était de réhabiliter le Coran. Pour ce faire, à chaque
fois qu’on lui remettait un Mus’haf, il prenait le pan de son boubou
pour faire disparaître tous les mots qui ne faisaient pas partie du texte
coranique. Il voulait montrer de la sorte que rien ne devait être écrit
à côté de la Parole de DIEU. Il initia une façon d’écrire le Coran. Les
kaang parlaient de la calligraphie de Njareem,c’est à dire la calligraphie
des gens de Njareem22 ; c’est lui qui l’avait initiée. Tous les harfs s’écrivaient correctement sans fantaisie aucune.
Voyons maintenant quel était le point de vue du Cheikh sur l’apprentissage du Coran à cette époque, pourquoi il avait vis-à-vis du Coran,
22 De la région de Diourbel.
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
- 13
dès son avènement, une attitude totalement différente de celle du
reste de ce pays. Nettoyer le Coran, le parfumer, le mettre dans son
lit et se coucher à même le sol, constituaient son attitude vis-à-vis du
Coran. Il savait que le Coran est ce qu’il y a de plus important sur terre
car c’est la Parole de DIEU. Il a un grade très élevé. De tout ce qui est
descendu ici-bas, le Coran est ce qui est plus gradé, il est le plus fort,
le plus puissant et le plus important. Le Coran est tel que celui qui veut
l’utiliser doit être pur aussi bien sur le plan exotérique que sur le plan
ésotérique. Etre pur sur le plan exotérique c’est avoir ses ablutions
mineures et majeures. La pureté ésotérique, c’est avoir un cœur pur,
qui ne comporte aucune chose qui ne se rapporte pas à DIEU. Ressentir la Grandeur de DIEU (Sub’ànahu wa Tahanlaa). Vous savez que
cela débute (le fait de sentir la Présence de DIEU) par le fait de chasser tout ce qui ne se rapporte pas à Lui de ton esprit. Tu n’y songes
même pas. Si tu as l’habitude de faire cela, il te conduit à ce qu’on
appelle le Muràqaba qui est un état dans lequel tu ne sens que DIEU ;
tu as comme l’impression qu’Il est à tout moment devant toi. Chaque
instant, tu as l’impression de porter une lourde charge au niveau de
ton cœur, accompagné d’une peur qui fait trembler tout ton corps. Tu
oublies tout ce qui ne se rapporte pas à DIEU. Si tu persévères dans
cette attitude, elle te conduit au Mushàhada. Mushàhada...... c’est
autre chose..... parlons du Coran d’abord.
Le Coran est différent des premiers livres révélés tels que la Thora,
l’Evangile, ....Vous savez que dans ces livres le message est révélé au
messager qui ensuite est chargé de le transmettre fidèlement aux
peuples dans sa propre expression. Donc, nous pouvons dire que
les premiers livres ont le grade de hadith qudsi. Vous savez que dans
le hadith qudsi c’est le sens du message qui descend dans le cœur
du Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) qui le transmet dans sa
propre expression arabe. Tout ce qui a été révélé avant le Coran, sauf
les dix (10) commandements révélés à Moussa, a été révélé de cette
façon. Les français distinguent le texte inspiré du texte révélé. Pour
ce qui est du Coran, il a été révélé exactement comme il est. Le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) n’y a ajouté ou diminué aucune
lettre (harf). Il est descendu tel qu’il est et c’est comme tel qu’il quittera ce monde.
14 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
Le Coran a toujours constitué une énigme pour les poètes et les
grands écrivains arabes. Si nous considérons la valeur littéraire du
texte coranique, nous verrons que son niveau dépassait de loin celui
des meilleurs poètes et des meilleurs écrivains arabes. Cela continue
d’ailleurs d’étonner les occidentaux et les savants non musulmans.
Vous savez qu’on a toujours dit que le Coran a été l’arme la plus tranchante (la plus redoutable) du Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam). Quiconque l’écoutait lorsqu’il récitait le Coran se convertissait
aussitôt à l’Islam. Les arabes qui réagissaient ainsi ne comprenaient
que la partie exotérique du Coran, c’est-à-dire l’expression arabe. Ce
qui les faisait réagir de la sorte, c’était donc la grandeur des mots.
Les notables de la Mecque interdisaient aux populations d’écouter
Muhammad (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) quand il récitait le Coran
dans sa chambre la nuit. Mais les trois (3) qui étaient les plus acharnés,
ne pouvant plus résister, se cachaient pour l’écouter. Ils finirent par
jurer après concertation qu’ils allaient arrêter d’écouter Muhammad
(Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) car s’ils continuaient de le faire, ils ne
pourraient jamais l’interdir aux autres et par conséquent d’embrasser
la religion musulmane. Et ils ne voulaient pas voir le Prophète Muhammad (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) réussir dans sa mission. Je l’ai dit
tout à l’heure, ces arabes qui se comportaient de la sorte vis-à-vis du
Coran ne comprenaient que l’aspect extérieur du texte. Maintenant,
si nous considérons un individu à qui DIEU a donné la possibilité de
bien comprendre le sens profond, ésotérique, des versets du Coran,
nous verrons qu’il aura peur de celui-ci. Nous avons eu à dire à plusieurs reprises que causer sur le Coran et la théologie constitue un
grand danger pour les musulmans. Rappelez-vous ce que le Cheikh
avait répondu aux savants mauritaniens qui lui demandaient des
éclaircissements sur le sens du vocable Màhiyya. Vous savez que ce
mot fût l’objet d’une grande polémique entre Ould Fatan et Ibn Hanbal. L’un soutenait un point de vue de l’Imam Ghazali et l’autre celui
de Cheikh Ahmad Tidiane (Radiy-Allàhu anhum). Il leur a montré que
le Coran comporte beaucoup de «Mà..» et le sens n’est pas toujours
le même ; mais celui qui ne connaît pas exactement comment est la
Face de notre SEIGNEUR ne peut pas comprendre comment Il s’accompagne avec les créatures. Il ajouta : discuter sur le sens des versets
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
- 15
du Coran et sur les mas’ala de la théologie est une chose extrêmement
grave car cela peut conduire à la mécréance pure et simple. Nous avons
dit et répété plusieurs fois qu’au moment de l’agonie, l’Homme ne
sait plus rien de ce monde qu’il commence à quitter. Il est déjà régi
par les normes et règlements du monde intermédiaire (Barzaq). Il regarde l’ange qui sépare l’âme du corps. Les premières choses qui se
découvrent à lui à cet instant , ce sont ses actions, ses intentions et
ses impressions. S’il voit qu’il avait fait une erreur grave sur l’interprétation d’un verset donné ou d’un mas’ala quelconque, il pourra avoir
peur et sera si découragé qu’il désespérera de la Miséricorde Divine
et vous Savez que le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) avait dit
que notre SEIGNEUR (Tabaaraka wa Tahanlaa) se trouve du côté où Le
situe son serviteur : «Fal yazunna bihi abdì mà shà» ou encore : «Inna
inda zanna abdì aw kamà qàla» ( «Je me trouve du côté où Me situe mon
serviteur» ; qu’il Me situe alors là où il lui plait»). Donc, à cet instant
précis de l’agonie, si l’homme se trouve dans cet état de désespoir et
s’attend à entrer en Enfer à cause des erreurs d’interprétation qu’il
avait faites sur les versets du Coran et certains mas’ala de la Théologie, et sachant que «Yamùtul mar’u anlà mà ànsha anleyhi wa yuh’sharu
anlà mà màta anleyhi», il pourrait aller en Enfer. C’est pour cette raison
que les rabbàniyùn ont peur de la mort subite car il ne savent pas où
était orienté le cœur de l’homme, à quoi il pensait au moment de sa
mort. C’est également à cause de cela que Serigne Touba interdisait
l’interprétation du Coran. C’est pour la même raison qu’il interdisait
aux disciples de s’approfondir sur le sens de certains mas’ala de la
théologie qu’ils ne pouvaient pas comprendre à partir d’une étude de
la langue arabe ou de la méditation mais seulement à partir du Kashf.
Il en est de même pour le sens de certaines lettres qui ne sont pas des
mots arabes et qui se trouvent au début de certaines sourates ; ex. :
Hà mìm, hà mìm hayin sìn qàf etc... les savants simples ne peuvent pas
faire une interprétation correcte de ces lettres (harf)
Celui qui a la possibilité de lire sur la Tablette Bien Gardée (Lawhul
Mahfùz) et qui connaît l’interprétation de ces lettres, découvre beaucoup d’erreurs s’il regarde les livres écrits par les muffasirùna qui sont
des savants de l’exotérique.
16 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
On parle souvent de l’exotérique (zàhir ou charia) et de l’ésotérique
(bàtin ou haqìqa). Certains disent même que l’ésotérique n’existe pas,
ils ne reconnaissent que ce que DIEU a ordonné et ce qu’Il a interdit.
Quiconque fait ses recommandations est dans la bonne direction et
celui qui ne les observe pas est un transgresseur, un pécheur. Ceuxlà n’ont pas fait une analyse correcte ou alors ont un niveau assez
faible ; mais l’ésotérique et l’exotérique sont deux choses réelles qui
ne peuvent pas ne pas exister. La charia est un ensemble de lois, de
règles qui permettent de juger les hommes pour savoir s’ils ont obéi
ou désobéi.
Les règles de la charia sont au nombre de cinq :
- fardu : les obligations : exemple : la prière
- mandùb23 : les choses désirables (préférées) : exemple : se curer les
dents
- makrùh24 : les choses blâmables : exemple : manger la viande du chien
- haraam : les choses prohibées : exemple : l’adultère
- mubàx25 : les choses légales : exemple : manger ce qui est licite
Ce sont ces cinq (5) chapitres qui constituent la charia.
Le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) avait bien distingué l’ésotérique de l’exotérique. N’avait - il pas dit : «Il m’a été ordonné de
combattre les gens jusqu’à ce qu’ils témoignent qu’il n’y a de DIEU que
ALLAH. S’ils s’en acquittent, alors, ils préservent de moi leur personne,
leur sang et leurs biens à moins qu’ils ne transgressent la loi de l’Islam et
DIEU les jugera en dernier ressort.»
De même celui qui prie, s’il respecte les normes établies par la charia
pour observer une prière est quitte avec celle-ci. Elle ne lui demandera pas de la reprendre sous quelque prétexte que ce soit. Donc, ce qui
touche à ton for intérieur ne regarde que toi et ton SEIGNEUR, il n’appartient pas à la charia de s’y immiscer. C’est cette relation intérieure
entre le serviteur et son Maître que l’on appelle haqiqa. Ce n’est pas
le problème de la charia qui ne peut en aucun cas le juger ; on l’appelle
23 en wolof : lu ñu sopp
24 en wolof : lu ñu sibb
25 en wolof : lu dagan
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
- 17
encore bàtin.
Si nous revenons maintenant, après cette parenthèse, sur le sens des
lettres dont nous avions dit qu’elles ne sont pas de la langue arabe
mais du siriaque ; nous dirons que celui qui ne lit pas le Lawhul Mahfùz ne peut pas le comprendre. Les savants ont rapporté là-dessus
beaucoup de Tahminàt mais rien ne prouve qu’ils sont sûrs de ce qu’ils
rapportent de même rien ne montre que ce qu’ils disent est vrai. Si
nous examinons At-tafsìru bil màhsuràt qui est un recueil des interprétations faites sur la base de ce qui a été rapporté, nous verrons qu’il
comporte beaucoup d’insuffisances car, si nous considérons ceux de
qui on dit tenir le sens de certains versets, nous verrons que c’est un
tout petit nombre de versets qu’ils ont expliqué et il y a beaucoup
de versions pour chaque verset. De plus, les chemins que les savants
ont suivis comportent beaucoup de défauts qui font en définitive que
ces versions ne sont pas du tout fiables ou alors ils comportent sur le
plan de la science des hadith, Ilmul hadith, ce que l’on appelle dà’ìf.
Puisque notre SEIGNEUR a fait comprendre à Serigne Touba le sens
du Coran d’une telle façon qu’il n’a jamais accepté que quelqu’un l’interprète. Ce que notre SEIGNEUR lui a fait comprendre du Coran suffit
largement. Il a dit, et vous l’avez vu dans Hikma26, que alif - Làm - Mìm
veut dire d’après l’explication que notre SEIGNEUR lui en a donné
(vous savez que alif ne signifie pas la même chose dans un verset que
dans un autre il en est de même pour Làm et Mìm) pour Serigne Touba
donc :
- alif = awrastukal kitàba («je t’ai fait hériter du Livre»). C’est pourquoi
il a écrit : «Malakanil Qur’àna tamlìkan yadùm» (DIEU m’a fait posséder
le Coran d’une façon permanente). Cela fait partie de la théologie, de
la science de la wilàya qui est un savoir profond. Donc, si Serigne Touba se contente de vous dire tout simplement qu’on lui a fait hériter
du Coran, cela nécessitera plusieurs conférences pour vous le faire
comprendre.
- Làm = «Laqantukal kitàba» («Je t’ai fait connaître le sens du Livre»).
C’est la raison pour laquelle il a écrit : «Naajaaniyal munzilu bil Qur’àni
hattà ghadawtu mawrida-z-zam’ànì» («DIEU m’a fait comprendre le
26 Hikmatul Sheyxul Xadiim
18 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
sens du Coran de telle sorte que je suis devenu l’abreuvoir des assoiffés
(de savoir)»).
- Mìm = Malaktukal kitàba («Je t’ai offert le Livre»). Il a dit : «le Coran
est mon ami : «Huwa halìlun wa habìb, lì mughniyan lì an tabìb», je n’ai
pas besoin de médecin. C’est le Coran qui me rend malade et c’est lui qui
me guérit. Si j’ai des difficultés, c’est lui qui me les explique. C’est lui qui
se trouve à ma droite, à ma gauche, au-dessus et derrière moi. Si nous
examinons les poèmes qu’il a composés (les qasida), nous verrons
que les plus longs Jazbu ; Muqaddimàt... comportent à leur fin, des paroles adressées au Coran uniquement. Observez Jazbu il l’a commencé par «Kitàbu rabbiyal kitàb» et tout au long du poème il l’a répété.
Regardez Mìmiya : «Al qalbu minniya fì zal yawmi qad salimà min kulli
raynin wa bi-r-Rahmàni qad halimà»
«Mà saddanì an kitàbi-l-Làhi hàliqinà faqrun wa là dararun sadda lazì
tuhimà» («Ne m’ont détourné du Livre d’ALLAH qui est notre SEIGNEUR,
ni l’indigence, ni les adversités, qui en ont détourné le suspect»).
«Mà saddanì anhu ashyà’un tu addu ilà sab’hi-r-razà’ili saddat kulla
man hurimà» («Ne m’ont nullement détourné de ce Livre ‘‘d’ALLAH’’
les défauts comptés au nombre de sept (7) qui ont détourné toute personne privée de bien»).
«Zanbun, wa kibrun, wa isràrun anlà lahibbin, hubbun li dunyà ahtimàdun lil warà nahamà» («A savoir : le péchè, la fierté, la persistance dans
la distraction, l’amour du bas monde, le fait de compter sur les autres
créatures par avidité.»)
«Duhful yaqìni-l-lazì saddal barrìyyata an Tawakkulin wab’tidà’un
tarku zì hutimà» («La faiblesse de conviction qui détourne la créature
de l’abandon à DIEU et l’innovation blâmable ; l’exécration de ceux-ci
est obligatoire»).
Il a dit que le Coran constitue le chemin le plus droit pour celui qui
veut se rendre auprès d’ALLAH. Mais nous devons nous demander si
ce chemin est à la portée de tout un chacun. La porte est-elle ouverte
pour tout le monde ? Non ! Celui à qui on a ouvert la porte du Coran
est celui qui ne peut plus avoir de guide (cheikh). Lorsqu’on a demandé à L’imam Ghazali (Radiy-Allàhu anhu) à quel moment l’individu est
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
- 19
dispensé de lire le Coran, il répondit : « au moment où il se trouve à
Hadratul Qudsi, car celui qui s’y trouve (dans la ‘‘cour’’ de DIEU) perd
toutes ses connaissances à cause de la Grandeur du SEIGNEUR (Li
Jalàli-l-Làhi). Mais dès que l’individu sort de ce domaine, lire le Coran
et faire des prières sur le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) ,
deviennent obligatoires pour lui. Quiconque cesse de lire le Coran et
de faire des salaat anlà-n-nabì risque de connaître une grande perte
avant de mourir.
Lorsqu’on a demandé à Cheikh Ahmadou Bamba d’expliquer ses propos, Il répondu : «Le Coran représente tout». J’avais dit au début de
la conférence que le Coran pesait très lourd au début de la révélation. Au moment de la descente des premiers versets, le Prophète
(Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) n’avait pas encore l’habitude de la révélation. S’il se trouvait sur sa chamelle, celle-ci se couchait à chaque
fois, jusqu’à la fin de la révélation du verset en question. De même, s’il
posait sa cuisse sur celle d’une autre personne, si cette dernière ne
retirait pas sa cuisse, elle se casserait sous le poids des versets. Mais
si nous considérons la sourate Tawba, elle lui a été révélée alors qu’il
se trouvait sur sa chamelle (Ghazwà) et se dirigeait vers la Mecque
et personne ne s’en était rendu compte. Vous voyez donc qu’il avait
fini par se familiariser avec la révélation de telle sorte qu’il parvenait
à supporter le poids des versets. Le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-ssalaam) lui-même avait un point de départ et une limite à cause de sa
nature humaine. C’est vrai que la prophétie (Nubuwwa) est plus forte
que la nature angélique mais vous savez qu’il n’y a jamais eu de voile
entre DIEU et l’ange. Vous savez que le corps d’un messager est fait
de sable à l’instar des autres humains. Il n’a pas de voile certes mais
son corps constitue une sorte de rideau pour lui. L’ange, quant à lui,
n’a pas cela car il a été créé à partir de la lumière. Il a une âme et une
raison. Il a aussi des hawàs, c’est-à-dire des sens : l’odorat, le toucher,
l’ouie... il possède donc tous ces sens. L’ange a été créé avec le Fath
(l’ouverture) alors que le Fath du messager a eu lieu après sa création.
Vous avez entendu Serigne Touba dire «Hallamanì mà kàna qablal
halqi man kàna li bi karamin wa tilqi» («DIEU m’a montré ce qui existait
avant la création»). Il a expliqué cela dans Jàwartu qui est le Hàtimatal
20 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
matàf. Il a dit «Ahfàliya-s-sirral masùna-l-Lahu hubban wa Là ilLàha Illal-Làhu». As-sirul masùn est la forme de révélation la plus élevée. Donc
celui qui l’a vu ne connaîtra plus de notion de temps ou d’espace.
Tous les temps : hier, aujourd’hui et demain seront exactement, pour
lui, comme le moment qu’il est en train de vivre. C’est ce qu’explique
Cheikh Abu Yazid al Bustamì (Radiy-Allàhu anhu) lorsqu’il dit que pour
le àrif véritable le matin et le soir sont simultanément présents devant lui. Donc, Serigne Touba connaît exactement ce qui se passait
avant la création de Adam (Anleyhi--salaam) et celle des anges comme
il connaît ce qui se passe sous ses yeux. C’est la raison pour laquelle
il a dit : «Hallamanì mà kàna qablal halqi man kàna li bi karamin wa
tilqi». Donc, celui qui a vu as-sirul masùn est un homme privilégié....
Selon vous, qui a vu as-sirul masùn à part le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) et Serigne Touba qui l’a affirmé ? Donnez-moi un
nom, j’écoute. Vous n’en connaissez pas un autre.... Donc c’est à celui
qui a vu as-sirul masùn que notre SEIGNEUR a fait connaître le sens du
Coran. C’est pour cette raison qu’il avait pour le Coran une considération hors du commun, que nul autre à part lui n’avait. Il n’a jamais rien
pris avec ses deux mains si ce n’est le Coran. Si on lui remettait le coran, il se levait brusquement et laissait tomber tout ce qui se trouvait
sur ses habits, se dirigeait avec le Livre Saint vers le lieu où il mettait
sa collection d’exemplaires de Coran qu’on lui remettait et qui était
un endroit qu’il honorait le plus. Il y versait toutes sortes de parfum....
Il se couchait par terre et réservait son lit aux livres coraniques. Il ne
se parfumait qu’après avoir parfumé ses livres coraniques. Cette attitude est dûe au fait qu’il connaissait très bien le Coran. Il avait donc
commencé par servir le Coran comme il servait DIEU (Sub’ànahu wa
Tahanlaa) et le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam). Il a servi le
Coran :
1°) en changeant (dans le bon sens) la façon de l’écrire et de l’apprendre
2°) en montrant comment on doit le traiter
3°) en encourageant les hommes à l’apprendre....
Si nous considérons qu’à cette époque un homme pouvait cultiver son
champ (avec toutes les peines que cela comporte), vendre le produit
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
- 21
de sa récolte et n’obtenir que deux cents (200) francs ; alors qu’un
autre ayant écrit un exemplaire du Coran recevait de lui la somme
de quatre mille (4000) ou cinq mille (5000) francs. Il ne faisait aucun
doute que celui-ci, une fois de retour chez lui, allait recommencer à
écrire un autre Mus’haf ; et s’il se distinguait, il lui donnait du papier
et l’exhortait à écrire. Il avait fait de sorte que tous les cœurs étaient
orientés vers le Coran. Il avait encouragé tout le monde à vouloir mémoriser le Coran à cause du traitement particulier que l’on obtenait de
lui et de son entourage si on était quelqu’un qui avait mémorisé le Coran. Chacun des doomi soxna se pressait alors d’écrire un exemplaire
du Coran pour aller le lui remettre. Pour illustrer son attitude vis-àvis du Coran, on dirait qu’avant lui, le Coran était comme jeté dans la
poubelle avec les déchets. Lorsqu’il est venu, il le ramassa, le nettoya,
le parfuma, le mit dans son lit et se coucha par terre. Cela est visible
sur le plan exotérique (Zàhir) mais sur le plan ésotérique (bàtin), ce
qu’il possède du Coran est énorme car on dit que les qulùbul hàrifìna
se situent soit au niveau du Al ufùqu-l-anhlà ou bien al ufùqul mubìn
; l’exotérique est différent de l’ésotérique. Le Hussùsiya que Cheikh
Ahmadou Bamba (Radiy-Allàhu anhu) a obtenu à partir du Coran et
des éloges du Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) lui a toujours
procuré bien des avantages.
A chaque fois qu’il prenait sa plume pour faire les éloges du Prophète
(Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) il connaissait une joie si immense qu’il
sentait la considération que notre SEIGNEUR avait pour le Prophète
(Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam). Cela le conduisait au ufùqu-l-anhlà.
Vous savez que la récompense accordée aux deux (2) rakas priés par
celui qui a atteint le ufùqu-l-anhlà est supérieur à celle accordée à la
totalité des rakas priés par l’ensemble de l’humanité depuis le début
des temps jusqu’à nos jours. DIEU a donné à Serigne Touba la possibilité d’atteindre Al ufùqu-l-anhlà chaque fois qu’il faisait les éloges
du Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam). C’est pourqoui, lorsque
notre SEIGNEUR a vu qu’il aimait le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-ssalaam) plus que n’importe quel autre être, Il fit de lui le leader de ses
serviteurs, Xadiimu-r-Rassùl. Et c’est la raison pour laquelle il déclare
«Mulkul hanlì-l-bàqil Xadiim jahànlanì asnà Xadiim liman lahù fad’lul
yadùm wa sànanì fil hidami».....
22 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
HE ! Veuillez m’excuser, je voudrais rentrer à Louga, s’il plait à DIEU,
tout de suite et vous savez qu’il fait un peu nuit. Certes la conférence
est un peu courte mais continuez de prier pour que DIEU nous accorde une longue vie et une bonne santé ; peut être bien qu’un jour,
nous serons en mesure de causer assez longtemps jusqu’à ce que chacun de nous soit totalement satisfait.
As-salàmu anleykum wa-r-Rahmatu-l-Làhi.
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
- 23
Questions
Question 1
Que pensez-vous du serment d’allégence (‘‘jebalu’’ en wolof ) que font les mourides ? Vous savez que beaucoup de nos compatriotes sont contre cet acte alors
que Serigne Touba, lui, l’a accepté.
As-salàmu anleykum.
Les gens n’ont pas attribué au mot jebalu vrai sens. Le mot jebalu
est un mot wolof. La polémique, inutile du reste, qu’il a animée est
la même qu’avait soulevée, il y a quelques années le mot sujòot (la
prosternation). J’avais dit en ce moment que les gens étaient induis en erreur par le mot wolof sujòot. Ce que font les mourides ne
s’appelle pas sujòot mais ce sont les wolofs qui le traduisent ainsi.
Qu’est-ce que la prosternation ? C’est poser par terre le front, le nez,
les genoux, les deux paumes des mains, les pointes des deux pieds
avec la ferme intention d’adorer. Donc ce que font les disciples mourides est soit le takbirul yadì27, soit le tabarùq. Tous les quatre imams
fondateurs de rites sont unanimement d’accord sur le takbirul yadì.
Il n’y a que Imam Malik qui l’a refusé mais il n’a pas dit que c’est la
charia qui l’interdisait mais que c’est lui-même en personne qui, par
modestie, ne l’aime pas. Il ne veut pas se considérer supérieur à un
quelconque être humain. Il en est ainsi pour Cheikh Ahmed Tidiane
(Radiy-Allàhu anhu). Il a la même vision ; vous pourrez voir cela dans
Jawàhirul mahànì. D’ailleurs Cheikh Ahmed Tidiane l’acceptait pour
certains et le refusait pour d’autres. De même, il n’acceptait pas cela
tout le temps. Il existe des moments pendant lesquels il le refusait à
tous. Mais encore une fois, cela est son point de vue personnel qui n’a
rien à voir avec la charia.
Imam Chàfihi n’y a vu aucun inconvénient. Il en est de même pour
Imam Abu Hanifa.
Imam Ahmad ibn Hanbal, quant à lui, a dit que si on le fait pour
quelqu’un à qui on espère une bonté religieuse, c’est légal. Si par
contre, c’est à cause d’une richesse ou d’un grade qui se rapporte à
27 embrasser la main de quelqu’un, ou faire un baiser sur la main de quelqu’un
24 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
ce bas-monde, c’est blâmé (makrùh).
Ils ont tous la même attitude pour ce qui concerne l’allégeance.
L’allégeance (à un cheikh) n’est rien d’autre que se remettre à
quelqu’un (volontairement) et lui obéir. Vous savez que le malade se
remet à son médecin traitant. Si ce dernier lui interdit de déjeuner
ou de dîner, il ne le fera pas. Même s’il lui demande d’ôter son pantalon il s’exécutera sur la champ. C’est cela le jebalu et rien d’autre.
Celui-ci (le cheikh) s’est spécialisé dans un domaine qu’est la religion.
Il a vécu plusieurs expériences. Il a fait ce qu’on appelle le Jihad annafs (la guerre contre son âme charnelle) et obtenu l’agrément de
DIEU. Celui qui n’a pas encore fait ce combat est comme celui (l’enfant) que le papa est venu remettre à un enseignant pour lui demander de le former. Cet enfant suit les recommandations de son maître.
La seule différence entre le Jebalu et cette attitude du malade vis-à-vis
de son médecin ou de l’élève par rapport à son maître c’est que ici,
c’est l’âme (rùh) que l’on remet au cheikh pour qu’il la nettoie pour la
débarrasser de tous les défauts afin de lui procurer la félicité. Et il n’y
a donc que celui qui ignore le tasawwuf qui s’y oppose ou le critique
mais c’est quelque chose de très claire. Le Cheikh a cité dans Hikma28
la nature des trois types de cheikh et les caractéristiques de chacun
d’eux mais le temps très court ne nous permet pas d’en parler ici. Sachez tout simplement que le Cheikh at-Tahlìm c’est l’enseignant, le
Cheikh at-Tarbiya est l’éducateur et le Cheikh at-Tarqiya est celui qui
élève vers DIEU...
Question 2
Serigne Touba a dit que ceux qui ne l’aiment pas n’auront jamais ce qu’ils veulent
ici-bas et dans l’au-delà ; que pensez-vous de ceux-là ?
Pour ce qui est de sa déclaration relative à ceux qui ne l’aiment pas et
dont il dit qu’ils seront malheureux ici-bas et dans l’au-delà, il n’y a rien
à redire là-dessus. En effet, c’est un homme qui n’aimait que DIEU.
Sa vie durant, il l’a passée dans l’adoration de son SEIGNEUR et de
son Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam). Il n’a jamais rien aimé
si ce n’est DIEU (Sub’ànahu wa Tahanlaa). Beaucoup d’anecdotes expliquent cela très clairement. Quels peuvent donc être, selon vous,
28 Hikmatul Sheyxul Xadìm
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
- 25
les motifs de celui qui n’aime pas un tel homme ? Quiconque n’aime
pas Serigne Touba, n’aime pas DIEU ; car toute personne qui aime
DIEU aimera forcément celui qui a les mêmes sentiments que lui. Moi,
en ce qui me concerne, j’aime tous les Qutbul Qaws, tous les awliyà,
tous les musulmans pour la seule Face de DIEU. J’ai la même foi pour
tous les saints et tout en étant du côté où je me trouve.
Détester un musulman quelconque est un grand péché. Cela est d’autant plus grave si le musulman en question est quelqu’un qui aime le
SEIGNEUR. Il existe trois sortes d’amour. L’amour que DIEU a pour
ses créatures est de trois sortes :
- Le premier amour de DIEU pour son serviteur est comme celui que
l’individu a pour son bien. Nul doute que s’il ne l’aimait pas il ne l’aurait pas créé. C’est pour cette raison que le gaspillage et le fait de
causer du tort à quelqu’un sont prohibés. Couper une herbe sans raison valable est un péché car chaque chose célèbre la gloire de notre
SEIGNEUR. On rapporte q’un jour un des compagnons du Prophète
(Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) faisait ses ablutions, le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) lui dit d’éviter le gaspillage. Le Sahaaba
lui répondit : a-t-on interdit de gaspiller même de l’eau ? Le Prophète
(Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) lui dit : en effet, et cela même si tu te
trouvais au bord de la mer. Donc, notre SEIGNEUR aime tout ce qu’Il
a créé, même s’il s’agit d’un idolâtre ou d’un mécréant ou de quoi que
ce soit. C’est cela la première forme d’amour que notre SEIGNEUR a
pour tout ce qui existe : le bien, le mal tout ce qui existe. Rien de ce
qui existe ne doit pas être gaspillé par une autre créature. Mais le fait
de tuer les moutons, les chèvres pour se nourrir est légal. C’est DIEU
qui l’a autorisé. C’est pour cette raison que lorsque Suhayl Ibn Amrin
qui était un grand orateur médisait du Prophète (Anleyhi-s-salaatu was-salaam) et que Seyidina Umar avait demandé au Prophète de lui arracher les deux gencives pour l’amener par ce fait à garder le silence
car, peut-être bien qu’il aura honte d’ouvrir la bouche, le Prophète
(Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) lui répondit : «je ne le ferai pas souffrir
pas car DIEU pourrait en faire autant pour moi».
- Le deuxième type d’amour que notre SEIGNEUR a pour ses créatures
est l’amour envers les croyants uniquement. C’est l’amour qu’Il a pour
26 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
tout individu qui a foi en son existence.
- Le troisième type d’amour est le Hubbul azalì : ceux qu’Il aimait depuis la prééternité, au moment où Il n’avait encore rien créé. Ce sont
ceux là à qui Il donné les grades les plus élevés. C’est pour eux qu’Il
a la plus grande considération. Il existe parmi ceux-là certains qui ont
hérité du Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) ‘‘Zàhiran wa bàtinan’’ et à qui DIEU a demandé de parler pour se faire connaître des
hommes. Celui qui renie un seul parmi eux est comme s’il avait renié
un messager. Quant à ceux à qui DIEU a demandé de cacher leur faveur et de ne rien en laisser apparaître, celui qui les renie n’aura rien
fait de grave car c’est DIEU qui n’a pas voulu qu’on les connaisse.
L’amour du serviteur envers DIEU est également de trois natures. Le
Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) et les autres apôtres n’ont
enseigné que les deux formes ; ils n’ont pas dit un seul mot sur la troisième. Cette troisième forme qui ne s’enseigne pas est le Hubb Zàti
(Hubb Zil Jalàli wal Ikiràmi). L’amour que tu as pour notre SEIGNEUR
(Tabaaraka wa Tahanlaa) et qui n’est subordonné à rien. Il n’est ni subordonné au bien qu’Il fait pour toi, ni à la belle forme dans laquelle
Il t’a créé, ni au fait qu’Il t’a fait adopter la religion Islamique, ni rien
du tout. C’est un amour naturel ; tu l’aimes tout simplement sans aucune raison. C’est Lui-même que tu aimes. Ce sont les siddiqùna et les
àrifùna qui ont atteint ce niveau. C’est ce Hubbul azalì qui constitue le
maximum de bonheur, de grandeur, de considération..... Quiconque
en a obtenu l’équivalent d’un atome fait partie des privilégiés du SEIGNEUR et si quelqu’un le déteste il en sera maudit, s’il n’a pas d’excuse. Donc, si le le Cheikh dit «Shaqà’u man lam yahwanì qad kutibà»
ou «Ajru-l-lazi nàzahanì wa lam yatub shaqàwatun tadùmu fì ummil
kutub», il a dit une vérité absolue que nul ne peut nier.
Le deuxieme type d’amour qui se trouve en-dessous de celui-là est
l’amour qui est subordonné à quelque chose. C’est ce type que les
messagers ont enseigné. Le Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam)
a dit : «Aimez DIEU pour les biens qu’Il vous donne». C’est cet amour qui
se situe au niveau le plus bas.
L’autre type d’amour c’est celui qui est subordonné à sa Grandeur, à
sa Beauté, sa Puissance et à tous Ses Attributs et Ses Beaux Noms que
Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran
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nul ne peut imaginer.
Lorsqu’il a été demandé à Moussa (Anleyhi-s-salaam) : «Toi qui as entendu la Parole de ton SEIGNEUR (ll ne l’a pa vu) comment est-elle ?».
Il répondit : «Tel 70000 coups de tonnerre reçus en même temps sur
la tête couplés à un bonheur inimaginable». Les coups de tonnerre
matérialisent la Grandeur et la Puissance du SEIGNEUR sur laquelle
Il a prélevé la plus petite portion qu’Il a fait écouter à Moussa (Anleyhi-s-salaam). Le bonheur est venu de la Beauté de notre SEIGNEUR
qui est sans limite. Personne ne peut illustrer cela. Je ne parle pas
de la beauté du Prophète (Anleyhi-s-salaatu wa-s-salaam) si on l’avait
dévoilée ; mais la beauté de Seyidina Jibbril. Si tu l’avais vue (Seyidina Jibbril) une seule fois et que tu te détournes pour regarder autre
chose, celle-ci serait si vilaine pour toi que tu aurais envie d’en vomir.
Si tu l’avais entendu (dans sa forme originelle) parler, le plaisir que tu
ressentirais de sa parole te donnerait envie de vomir si tu entendais
un autre parler, et cela pendant des mois.
As-salàmu anleykum wa rahmatu-l-Lahi.
28 - Cheikh Ahmadou Bamba et le Coran