TEXTES de commentaire niveau 2nde année 2011 2012

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TEXTES de commentaire niveau 2nde année 2011 2012
TEXTES en vue de préparer l’épreuve de commentaire littéraire,
année 2011/2012, classes de mme Blanc : niveau SECONDE
dans l’ordre des séquences et des devoirs
Séquence ARGUMENTATION
Charles Perrault, Contes de ma mère l’Oye (1697) : Les fées
(…) Vraiment, dit la mère, il faut que j'y envoie ma fille. Tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche
de votre sœur quand elle parle ; ne seriez-vous pas bien aise d'avoir le même don ? Vous n'avez qu'à
aller puiser de l'eau à la fontaine, et, quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner
bien honnêtement. - Il me ferait beau voir, répondit la brutale, aller à la fontaine ! - Je veux que vous y
alliez, reprit la mère, et tout à l'heure. "
Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau flacon d'argent qui fut au logis. Elle ne fut pas
plus tôt arrivée à la fontaine, qu'elle vit sortir du bois une dame magnifiquement vêtue, qui vint lui
demander à boire. C'était la même fée qui avait apparu à sa sœur, mais qui avait pris l'air et les habits
d'une princesse, pour voir jusqu'où irait la malhonnêteté de cette fille. " Est-ce que je suis ici venue, lui
dit cette brutale orgueilleuse, pour vous donner à boire ? Justement j'ai apporté un flacon d'argent tout
exprès pour donner à boire à Madame ! J'en suis d'avis : buvez à même si vous voulez. - Vous n'êtes
guère honnête, reprit la fée, sans se mettre en colère. Eh bien ! Puisque vous êtes si peu obligeante, je
vous donne pour don qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou un serpent, ou
un crapaud. "
D'abord que sa mère l'aperçut, elle lui cria : " Eh bien ! Ma fille ! - Eh bien ! Ma mère ! Lui répondit la
brutale, en jetant deux vipères et deux crapauds. - O ciel, s'écria la mère, que vois-je là ? C'est sa sœur
qui est en cause : elle me le paiera " ; et aussitôt elle courut pour la battre. La pauvre enfant s'enfuit et
alla se sauver dans la forêt prochaine. Le fils du roi, qui revenait de la chasse, la rencontra et, la voyant si
belle, lui demanda ce qu'elle faisait là toute seule et ce qu'elle avait à pleurer ! " Hélas, Monsieur, c'est
ma mère qui m'a chassée du logis. " Le fils du roi, qui vit sortir de sa bouche cinq ou six perles et autant
de diamants, lui pria de lui dire d'où cela lui venait. Elle lui conta toute son aventure. Le fils du roi en
devint amoureux ; et, considérant qu'un tel don valait mieux que tout ce qu'on pouvait donner en
mariage à une autre, l'emmena au palais du roi son père, où il l'épousa.
Pour sa sœur, elle se fit tant haïr, que sa propre mère la chassa de chez elle ; et la malheureuse, après
avoir bien couru sans trouver personne qui voulut la recevoir, alla mourir au coin d'un bois.
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SEQUENCE THEATRE ET REPRESENTATION
Molière, le Misanthrope (1666) : Acte I scène 1, vers 102-144
PHILINTE.
Non : tout de bon, quittez toutes ces incartades.
Le monde par vos soins ne se changera pas ;
Et puisque la franchise a pour vous tant d’appas,
Je vous dirai tout franc que cette maladie,
Partout où vous allez, donne la comédie,
Et qu'un si grand courroux contre les mœurs du temps
Vous tourne en ridicule auprès de bien des gens.
ALCESTE.
Tant mieux, morbleu ! Tant mieux, c'est ce que je demande ;
Ce m'est un fort bon signe, et ma joie en est grande :
Tous les hommes me sont à tel point odieux,
Que je serais fâché d'être sage à leurs yeux.
PHILINTE.
Vous voulez un grand mal à la nature humaine !
ALCESTE.
Oui, j'ai conçu pour elle une effroyable haine.
PHILINTE.
Tous les pauvres mortels, sans nulle exception,
Seront enveloppés dans cette aversion ?
Encore en est-il bien, dans le siècle où nous sommes...
ALCESTE.
Non : elle est générale, et je hais tous les hommes :
Les uns, parce qu'ils sont méchants et malfaisants,
Et les autres, pour être aux méchants complaisants,
Et n'avoir pas pour eux ces haines vigoureuses
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.
De cette complaisance on voit l'injuste excès
Pour le franc scélérat avec qui j'ai procès :
Au travers de son masque on voit à plein le traître ;
Partout il est connu pour tout ce qu'il peut être ;
Et ses roulements d'yeux et son ton radouci
N'imposent qu'à des gens qui ne sont point d'ici.
On sait que ce pied plat, digne qu'on le confonde,
Par de sales emplois s'est poussé dans le monde,
Et que par eux son sort de splendeur revêtu
Fait gronder le mérite et rougir la vertu.
Quelques titres honteux qu'en tous lieux on lui donne,
Son misérable honneur ne voit pour lui personne ;
Nommez-le fourbe, infâme et scélérat maudit,
Tout le monde en convient, et nul n'y contredit.
Cependant sa grimace est partout bienvenue :
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On l'accueille, on lui rit, partout il s'insinue ;
Et s'il est, par la brigue, un rang à disputer,
Sur le plus honnête homme on le voit l'emporter.
Têtebleu ! Ce me sont de mortelles blessures,
De voir qu'avec le vice on garde des mesures ;
Et parfois il me prend des mouvements soudains
De fuir dans un désert l'approche des humains.
SEQUENCE LE RECIT REALISTE ET NATURALISTE
Emile Zola, Nouveaux contes à Ninon (1874) : le forgeron
Le Forgeron était un grand, le plus grand du pays, les épaules noueuses, la face et les bras noirs
des flammes de la forge et de la poussière de fer des marteaux. Il avait, dans son crâne carré, sous
l’épaisse broussaille de ses cheveux, de gros yeux bleus d’enfant, clairs comme de l’acier. Sa mâchoire
large roulait avec des rires, des bruits d’haleine qui ronflaient, pareils à la respiration et aux gaietés
géantes de son soufflet ; et, quand il levait les bras, dans un geste de puissance satisfaite, - geste dont le
travail de l’enclume lui avait donné l’habitude, - il semblait porter ses cinquante ans plus gaillardement
encore qu’il ne soulevait « la Demoiselle », une masse pesant vingt-cinq livres, une terrible fillette qu’il
pouvait seul mettre en danse, de Vernon à Rouen.
J’ai vécu une année chez le Forgeron, toute une année de convalescence. J’avais perdu mon
cœur, perdu mon cerveau, j’étais parti, allant devant moi, me cherchant, cherchant un coin de paix et de
travail, où je pusse retrouver ma virilité. C’est ainsi qu’un soir, sur la route, après avoir dépassé le village,
j’ai aperçu la forge, isolée, toute flambante, plantée de travers à la croix des Quatre-Chemins. La lueur
était telle, que la porte charretière, grande ouverte, incendiait le carrefour, et que les peupliers, rangés
en face, le long du ruisseau, fumaient comme des torches. Au loin, au milieu de la douceur du
crépuscule, la cadence des marteaux sonnait à une demi-lieue, semblable au galop de plus en plus
rapproché de quelque régiment de fer. Puis, là, sous la porte béante, dans la clarté, dans le vacarme,
dans l’ébranlement de ce tonnerre, je me suis arrêté, heureux, consolé déjà, à voir ce travail, à regarder
ces mains d’homme tordre et aplatir les barres rouges.
J’ai vu, par ce soir d’automne, le Forgeron pour la première fois. Il forgeait le soc d’une charrue.
La chemise ouverte, montrant sa rude poitrine, où les côtes, à chaque souffle, marquaient leur carcasse
de métal éprouvé, il se renversait, prenait un élan, abattait le marteau. Et cela, sans un arrêt, avec un
balancement souple et continu du corps, avec une poussée implacable des muscles. Le marteau tournait
dans un cercle régulier, emportant des étincelles, laissant derrière lui un éclair. C’était « la Demoiselle »,
à laquelle le Forgeron donnait ainsi le branle, à deux mains ; tandis que son fils, un gaillard de vingt ans,
tenait le fer enflammé au bout de la pince, et tapait de son côté, tapait des coups sourds qu’étouffait la
danse éclatante de la terrible fillette du vieux. Toc, toc, - toc, toc, on eût dit la voix grave d’une mère
encourageant les premiers bégaiements d’un enfant. « La Demoiselle » valsait toujours, en secouant les
paillettes de sa robe, en laissant ses talons marqués dans le soc qu’elle façonnait, chaque fois qu’elle
rebondissait sur l’enclume. Une flamme saignante coulait jusqu’à terre, éclairant les arêtes saillantes des
deux ouvriers, dont les grandes ombres s’allongeaient dans les coins sombres et confus de la forge. Peu
à peu, l’incendie pâlit, le Forgeron s’arrêta. Il resta noir, debout, appuyé sur le manche du marteau, avec
une sueur au front qu’il n’essuyait même pas. J’entendais le souffle de ses côtes encore ébranlées, dans
le grondement du soufflet que son fils tirait, d’une main lente.
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SEQUENCE LA POESIE
Baudelaire, Le spleen de Paris (1869) : Un hémisphère dans une chevelure
Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l'odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage,
comme un homme altéré dans l'eau d'une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir
odorant, pour secouer des souvenirs dans l'air.
Si tu pouvais savoir tout ce que je vois! Tout ce que je sens! Tout ce que j'entends dans tes
cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique.
Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures; ils contiennent de
grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l'espace est plus bleu et plus
profond, où l'atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.
Dans l'océan de ta chevelure, j'entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques,
d'hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures
fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l'éternelle chaleur.
Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un
divan, dans la chambre d'un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de
fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.
Dans l'ardent foyer de ta chevelure, je respire l'odeur du tabac mêlé à l'opium et au sucre; dans
la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l'infini de l'azur tropical; sur les rivages duvetés de ta chevelure
je m'enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco.
Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques
et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs.
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