LA GÉOMÉTRIE DANS LA GÉOMÉTRIE DES NOMBRES
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LA GÉOMÉTRIE DANS LA GÉOMÉTRIE DES NOMBRES
LA GÉOMÉTRIE DANS LA GÉOMÉTRIE DES NOMBRES : QUELQUES ÉLÉMENTS CHEZ MINKOWSKI, MORDELL ET DAVENPORT Sébastien GAUTHIER Université Pierre et Marie Curie – Paris 6 La géométrie dans la géométrie des nombres : quelques éléments chez Minkowski, Mordell et Davenport (Résumé de l’exposé du 23 mai 2005) La géométrie des nombres nous donne un exemple dans lequel la géométrie intervient dans un autre domaine des mathématiques qui est la théorie des nombres. En effet, dans la géométrie des nombres initiée par Hermann Minkowski à la fin du XIXe siècle, la géométrie est employée pour étudier des problèmes arithmétiques. De plus, la géométrie est certainement le domaine des mathématiques qui est le plus souvent attaché à l’intuition par les mathématiciens eux-mêmes sans pour autant que ce qui justifie ce rapprochement soit toujours explicité. Or dans la géométrie des nombres, la géométrie est souvent envisagée dans sa dimension intuitive et cette théorie parait donc être un bon exemple afin d’essayer de mieux comprendre le lien privilégié qu’il y aurait entre géométrie et intuition. Des exemples pris dans les travaux de Hermann Minkowski, Louis Mordell et Harold Davenport sur la géométrie des nombres permettent de préciser comment le terme géométrie est entendu quand il est associé à l’intuition dans ce contexte. Bien qu’elle ait des applications en théorie algébriques des nombres, la géométrie des nombres est un travail qui doit être plutôt placé dans la branche de la théorie des nombres qui concerne la théorie arithmétique des formes. Gauss introduisit en 1831 un point de vue géométrique dans cette théorie dans le cadre de ses travaux sur les formes quadratiques binaires et ternaires. Il proposa en effet de représenter géométriquement à l’aide d’un réseau des formes quadratiques binaires et ternaires définies positives et à coefficients entiers. Cette représentation géométrique lui permettait en particulier d’interpréter géométriquement les notions et les résultats qu’il avait déjà obtenus par des méthodes arithmétiques. C’est dans cette tradition d’utilisation d’un réseau dans la théorie arithmétiques des formes que le travail de Minkowski sur la géométrie des nombres peut être replacé. 1 Dans la géométrie des nombres, le problème est de déterminer des entiers x1 , x2 , ..., xn qui vérifient une inégalité de la forme f (x1 , x2 , ..., xn ) ≤ Kn où f est une fonction de n variables et Kn une constante ne dépendant que de n. Cette question peut être reformulée géométriquement en considérant le domaine défini par l’inégalité f (x1 , x2 , ..., xn ) ≤ Kn et en recherchant des points à coordonnées entières dans cet ensemble. Quand l’entier n est égal à 2 ou à 3 le domaine précédant peut être représenté géométriquement et il fournit donc un appui visuel pour guider le travail du mathématicien. En 1904 au congrès international des mathématiciens, alors qu’il expliquait en quoi consiste la géométrie des nombres, Minkowski précisait comment la géométrie intervenait dans son travail : « Dans ce qui suit je voudrais essayer de donner à grands traits un rapport sur un chapitre spécifique et susceptible de nombreuses applications de la théorie des nombres, un chapitre à propos duquel Charles Hermite a parlé autrefois d’”introduction des variables continues dans la théorie des nombres”. Certains problèmes importants concernent ici l’estimation des plus petites contributions d’expressions variables continument pour des valeurs entières des variables. Etant donné que les faits intervenant dans ce domaine sont pour la plupart susceptibles d’une représentation géométrique, et que cette circonstance a été décisive pour les progrès obtenus dans les derniers temps, j’ai décrit l’ensemble du domaine comme la Géométrie des nombres. » Ainsi pour Minkowski mais c’est aussi le cas pour Mordell et Davenport, il semble que l’intervention de la géométrie passait par ces interprétations géométriques. Dans la géométrie des nombres, l’intuition n’est donc pas associée à la géométrie en tant que domaine des mathématiques avec ses propres méthodes et ses résultats, mais à la géométrie comprise comme représentation géométrique des phénomènes qui sont étudiés. Les problèmes posés en géométrie des nombres peuvent donc être formulés soit en termes analytiques soit en termes géométriques. De plus ces deux points de vue étaient utilisés par les mathématiciens s’intéressant à la géométrie des nombres. Par exemple, Minkowski présentait son théorème relatif aux parties 2 convexes symétriques par rapport à un point parfois de façon analytique et parfois la présentation était géométrique. Quelles étaient les spécificités que Minkowski attribuait à la géométrie qui le conduisait à faire le choix de ce point de vue dans certaines situations ? D’abord, comme cela a été dit, la géométrie intervient dans la géométrie des nombres à travers des représentations géométriques, elle doit donc donner un caractère plus intuitif à la théorie. Cela permettait en particulier à Minkowski de simplifier son travail et ainsi de pouvoir employer la géométrie dans un but pédagogique. Ce rôle de la géométrie dans la communication à l’intention des non spécialistes de théorie des nombres est illustré par les choix différents de présentation faits par Minkowski. Il préférait en effet mettre l’accent sur la géométrie devant un public ne connaissant pas bien les problèmes auxquels il s’intéressait. Ce fut le cas par exemple en 1893 lors d’une conférence présentée à Chicago. Au contraire, quand il s’adressait à un spécialiste des sujets sur lesquels il travaillait, il s’exprimait en utilisant un langage analytique. C’était par exemple le cas dans sa correspondance avec Charles Hermite. Une dernière particularité que Minkowski attribuait à la géométrie par rapport à l’analyse, est la place qu’elle devait occuper dans la découverte. D’autres mathématiciens contemporains de Minkowski, comme Felix Klein, cherchaient à utiliser de manière importante la géométrie en théorie des nombres. Mais la démarche de Minkowski était perçue comme singulière par le rôle que la géométrie devait avoir dans le processus de recherche de résultats nouveaux. Rôle particulier que Minkowski affirmait en 1893 : « Dans la théorie des nombres, comme dans chacun des autres domaines de l’Analyse, la découverte a lieu fréquemment au moyen de considérations géométriques, tandis qu’ensuite les vérifications analytiques sont peut-être seules communiquées. » Malgré quelques travaux isolés comme par exemple ceux de H. F. Blichfeldt, il semble que peu de mathématiciens se soient intéressés à la géométrie des nombres après la mort de Minkowski en 1909. A la fin des années 1930, l’intérêt pour ce sujet est relancé par Mordell et Davenport qui commencent alors à consacrer un grand nombre d’articles à la géométrie des nombres. Qu’est ce que la géométrie apportait pour eux de particulier dans leur travail sur la géométrie des nombres ? 3 D’abord, bien que la simplicité soit un thème revenant souvent dans leurs commentaires, elle n’était pas nécessairement associée à la géométrie. Une preuve arithmétique était parfois jugée plus simple qu’une preuve géométrique. En revanche, la géométrie avait pour eux comme pour Minkowski un rôle à jouer dans l’heuristique. Par exemple, quand Davenport décrit dans un cours du début des années 1940 comment il a trouvé une démonstration pour un de ses principaux théorèmes concernant la géométrie des nombres, il met en avant l’importance qu’a eue la représentation géométrique du problème dans cette découverte. Une dernière particularité qu’avait la géométrie pour Mordell et Davenport est que le point de vue géométrique leur paraissait être le meilleur pour aborder des questions générales. Prenons par exemple le problème de la majoration des formes quadratiques définies positives de n variables. Il s’agit pour une telle forme f (x1 , ..., xn ) de trouver la meilleure constante possible γn pour laquelle il existe des entiers non 1 tous nuls x1 , ..., xn vérifiants l’inégalité f (x1 , ..., xn ) ≤ γn D n , où D désigne la valeur absolue du déterminant de f . Davenport commentait ce problème en expliquant que dans le cas général où n est un entier quelconque les meilleures constantes γn avaient été obtenues par des méthodes géométriques. Mais dans les cas particuliers où cette fois n est un entier fixé, la détermination de la meilleure constante se fait le plus souvent par des voies arithmétiques. Mordell revenait sur cette question de la généralité en 1971 : « Il arrive parfois que des preuves arithmétiques soient plus simples mais elles ne peuvent suggérer la possibilité d’applications plus profondes. La méthode géométrique dépend souvent d’une idée plus simple et plus générale et c’est souvent plus fructueux puisque de nouveaux problèmes peuvent alors être attaqués. » Finalement de l’ensemble des commentaires sur l’analyse et surtout la géométrie faits par Minkowski, Mordell et Davenport dans le cadre de la géométrie des nombres, il ressort l’impression que chacun de ces deux points de vue ont des rôles spécifiques et qu’ils n’interviennent pas exactement au même moment dans le travail mathématique. La géométrie serait du côté de l’intuition et de la découverte et interviendrait donc en amont dans la recherche. Pas seulement dans la recherche de nouveaux résultats mais aussi dans la recherche de plus de 4 généralité. L’analyse arriverait plus tard, ce serait le domaine des vérifications formelles qui intervient donc dans la phase finale de rédaction des résultats et dans la communication de ces résultats à l’intention des spécialistes. 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