Chapitre 4
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Chapitre 4
CHAPITRE 4 PRODUCTION DE L’ESSENCE DE CITRONNELLE PAR DES COOPERATIVES VILLAGEOISES EN AFRIQUE DE L’OUEST Kossi Honoré Koumaglo Laboratoire des Extraits Végétaux et Arômes Naturels (LEVAN), Université de Lomé, B. P. 1515, Lomé, Togo [email protected] 1. LE CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE L’activité agricole en Afrique de l’Ouest constitue la principale source d’emplois et de revenus pour les communautés rurales. Elle repose sur des cultures vivrières pour une sécurité alimentaire encore très fragile et des cultures de rente telles que le café, le coton ou le cacao qui se négocient sur les marchés internationaux à des valeurs de plus en plus faibles. Les accords préférentiels qui favorisaient autrefois les pays africains ont disparu dans l’environnement beaucoup plus concurrentiel de la mondialisation. Les structures de transformation des matières premières en produits semi-finis ou finis à haute valeur ajoutée sont pratiquement inexistantes. La plus-value qui normalement devait revenir au premier producteur (le paysan) se perd dans les circuits de commercialisation avec des intervenants de plus en plus nombreux et qui ne sont pas souvent indispensables. La végétation locale offre pourtant une diversité biologique encore mal connue et largement sous exploitée. À cette richesse naturelle s’oppose une pauvreté inquiétante caractérisée par la malnutrition et des taux de mortalité et d’analphabétisme élevés. La gestion durable de cette biodiversité peut cependant constituer une source importante d’emplois et de revenus pour les populations locales. Elle favorisera la diversification des activités agricoles chez les paysans et contribuera à lutter contre la pauvreté. Dans plusieurs pays de la sous région, des stratégies politiques sont adoptées pour la valorisation de nouvelles alternatives pouvant contribuer à un développement économique durable. Des initiatives issues des plans de développement sont exécutées par des organisations de la Société Civile avec l’appui des gouvernements. Le partenariat gouvernement - Organisation Non Gouvernementale remplace progressivement les vieilles structures où seul l’état conçoit, exécute et contrôle. C’est dans ce contexte que, de 1994 à 1998, le projet « Création de petites entreprises (Togo/Bénin/Ghana) » a été conçu, financé par le CDRI et mis en œuvre dans les trois pays. Il avait pour objet la création de conditions favorables et la mise au point de technologies nécessaires à la valorisation des plantes aromatiques et à huiles essentielles dans la sous-région comprenant le Togo, le Bénin et le Ghana. En effet, on peut noter que la production annuelle des huiles essentielles dans le Tiers Monde représente environ 55 % de la production mondiale. Le Maroc, la Côte d’Ivoire, Madagascar, la Zambie, la Tanzanie sont les producteurs les plus importants d’Afrique. Huiles essentielles : de la plante à la commercialisation – Manuel pratique Aujourd’hui, au Togo, au Bénin et au Ghana, la culture des plantes aromatiques et la production d’huiles essentielles commencent à être considérées comme activités génératrices de revenus pour les populations rurales. La production d’essence de citronnelle, en particulier, est intéressante à cause des possibilités de consommation du marché local. La distillation par entraînement à la vapeur est la technique la plus utilisée. Des coopératives villageoises participent au transfert de technologie, à l’élaboration et à la mise en œuvre de nouvelles stratégies de marketing et de commercialisation de leurs produits. 2. LE MARCHÉ DES HUILES ESSENTIELLES DANS LA SOUS-RÉGION Une étude de marché réalisée dans les trois pays (1) a constaté qu’il existe au Bénin, au Togo comme au Ghana un marché potentiel important pour les huiles essentielles. L’essence de citronnelle est de loin le produit le plus consommé. Cette étude estime les besoins en essence de citronnelle dans la sous-région à environ 240 tonnes par année alors que les productions nationales sont encore très faibles. Il est difficile d’apprécier le volume exact et le flux des huiles essentielles consommées dans la sous-région. En général, les statistiques officielles sur les importations d’huiles essentielles ne reflètent qu’une faible part du marché réel. Les réseaux de distribution sont mal structurés et les quelques sociétés qui contrôlent ce commerce divulguent peu les informations à ce sujet. Quelques gros consommateurs ont cependant été identifiés. Ce sont pour la plupart des savonneries dont Sotocog, Palma (Togo), Sonicog (Bénin), Lever Brothers Ltd, Appia Menka Complex –Kumassi (Ghana). Tous les acheteurs rencontrés au cours des enquêtes ont manifesté un grand intérêt pour une production locale garantissant une qualité standard et un approvisionnement régulier. Un producteur local permettrait également d’avoir des délais de livraison plus courts. Cette rapidité a un impact sur les déboursements de l’acheteur qui n’a pas à geler des fonds pour s’assurer une importation. Les règlements sont effectués en devises locales alors que les importations sont réalisées en devises étrangères dont les coûts fluctuent régulièrement sur le marché international. Toutefois, si le marché existe, il est déterminant que les capacités nationales permettent d’obtenir un produit de bonne qualité et en quantité suffisante pour répondre à la demande. Les travaux en laboratoire permettent de déterminer les conditions idéales de culture et de traitement des plantes à huiles essentielles afin d’obtenir le produit souhaité. Pour chaque plante à huile essentielle, il peut exister des variétés, des chimiotypes ou des écotypes dont il faut tenir compte dans une culture industrielle. Des variations chimiques et organoleptiques quelles que soient leurs origines peuvent constituer un handicap sérieux à la commercialisation des huiles essentielles. Les recherches permettent d'obtenir un produit standard avec les mêmes constantes physico-chimiques caractéristiques au cours de chaque campagne de production. 82 Corporation LASEVE Chapitre 4. Production d’essence de citronnelle… en Afrique de l’Ouest 3. CULTURE DE LA CITRONNELLE (Cymbopogon nardus) C. nardus comporte plusieurs variétés dont les plus importantes sont celles de Ceylan et de Java. La citronnelle est une plante de culture facile : elle se développe sur différents types de sol et ne nécessite généralement pas d’engrais ni de pesticides. Les sols sableux avec une forte pluviométrie (200 - 250 mm/an) et beaucoup d’ensoleillement sont les plus adaptés. Les zones inondées ne sont pas recommandables (Photos 1 et 2. Champ de citronnelle et distillerie à Agbadjanakè). Les rejets sont mis en terre pendant la grande saison pluvieuse. Selon le climat et la nature du sol, différents espacements sont envisageables. Pour un sol de fertilité moyenne, on recommande un espacement de 60 cm × 60 cm et pour des sols très fertiles, le paysan peut pratiquer un espacement de 90cm × 90cm voire 100 cm × 100 cm. Les sarclages ont lieu de préférence à intervalle de 3 mois. La culture de la citronnelle peut être associée à la culture du maïs au cours de la première année. La coupe d’égalisation a lieu quatre mois plus tard. Le taux de reprise peut varier en fonction du sol, de la pluviométrie et de la qualité des rejets. Le taux de succès est faible sur des sols infestés de termites et de nématodes. Le repiquage (remplacement des pieds morts) est souvent nécessaire pour réaliser un taux de couverture maximal. 4. LA RÉCOLTE Les coupes subséquentes sont espacées de 2 à 3 mois dépendamment de la fertilité du sol. Il est donc possible de réaliser 4 à 5 coupes par année selon la méthode culturale adoptée et lorsque la pluviométrie est suffisante. La culture irriguée est aussi envisageable. Dans des conditions moyennes, la production de biomasse fraîche peut atteindre 25 tonnes et plus par hectare et par coupe, soit 120 à 125 tonnes au moins par hectare et par année. On obtient les meilleures performances pour la production de biomasse au cours de la deuxième année. Le rendement diminue dès la quatrième année. Il n’est donc pas recommandé de maintenir une plantation au delà de 4 ans. La biomasse peut être distillée immédiatement ou séchée à l’abri des intempéries pendant 4 à 5 jours avant d’être distillée. 5. TECHNIQUES D’EXTRACTION ET DE CARACTÉRISATION DES HUILES ESSENTIELLES EN LABORATOIRE La distillation par entraînement à la vapeur d’eau pour laquelle le générateur de vapeur est séparé de la cuve contenant la biomasse à extraire est la plus indiquée pour l’extraction des huiles essentielles très sensibles à la chaleur. Le ballon d’eau chaude est surmonté d’une cuve contenant la matière végétale, à laquelle on adapte un réfrigérant (Fig. 1). 83 Huiles essentielles : de la plante à la commercialisation – Manuel pratique Photo 1. Champ de citronnelle à la ferme Agbadjanakè (Togo). Photo 2. Distillerie d’Agbadjanakè. Distillerie à deux systèmes d’extraction. À droite, on distingue la vapeur qui s’échappe du système de refroidissement, réservoir bleu. 84 Corporation LASEVE Chapitre 4. Production d’essence de citronnelle… en Afrique de l’Ouest L’huile essentielle brute obtenue est reprise au besoin à l’éther, lavée à l’eau, puis avec une solution de NaCl à 5 %. La phase organique est séchée sur Na2SO4 anhydre puis évaporée et recondensée. L’huile ainsi traitée est caractérisée par sa densité, son indice de réfraction et son pouvoir rotatoire spécifique. Des échantillons d’huiles essentielles sont alors analysés par chromatographie en phase gazeuse (CPG) couplée au besoin avec la spectrométrie de masse (CPG/SM) dans des laboratoires spécialisés. Distillation par entraînement à la vapeur d’eau Figure 1. Dispositif d’extraction des huiles essentielles en laboratoire. L’huile essentielle de C. nardus contient deux constituants majoritaires (Tableau 1) : le citronellal et le géraniol qui représentent 50 à 70 % de l’huile : 25 à 50 % de citronellal et 15 à 45 % de géraniol. Les autres constituants non négligeables sont le citronellol, l’élémol et le limonène. La composition chimique de l’huile varie peu d’un pays à un autre. Les indices de réfractions sont conformes aux valeurs de la littérature: entre 1,4766 et 1,4832 à 20 °C. Pour les variétés de Ceylan et de Java, on obtient respectivement de 1,4790 à 1,4850 et de 1,4660 à 1,4730. On a constaté que des échantillons d’Ashanti (Ghana) ont un taux élevé en géraniol (30 à 41 %) avec du citronellal à 19 à 30 %. Ceux de la région Est du Ghana ont de 30 à 47 % de citronellal avec une plus faible contribution en géraniol (20 - 28 %). L’élémol est présent dans presque tous les échantillons du Ghana (5 à 10 %). Sachant que la variété de Java contient de 32 à 45 % de citronellal et de 12 à 18 % de géraniol, on peut avoir une idée de la variété cultivée dans les différentes régions et dans chaque pays. Au Togo, le taux élevé de citronellal (35 à 48 %) s’apparente à l’huile de la 85 Huiles essentielles : de la plante à la commercialisation – Manuel pratique variété de Java. On enregistre de 6 à 10 % de citronellol et de 18 à 24 % de géraniol. La différence n’est pas vraiment significative par rapport à la variété Java du Ghana. Un mélange des deux huiles permettrait d’obtenir un produit standard caractéristique de la sous région. Tableau 1. Composition chimique (%) de l’essence de citronnelle de différentes régions du Ghana, du Togo et du Bénin. Composés Ghana Togo Bénin a b c d e f limonène 2,3 2,1 2,4 2,4 4,0 2,9 linalol 0,5 0,5 0,6 0,5 0,8 0,7 isopulégol 0,4 0,3 0,8 0,7 1,0 citronellal 26,9 19,4 46,9 35,4 48,0 47,8 citronellol 12,7 11,6 13,1 9,6 6,8 10,3 néral 0,7 0,8 0,4 0,7 géraniol 32,2 41,4 19,8 23,5 18,6 25,9 géranial 1,1 0,7 1,0 0,6 1,0 3,3 acétate de citronellyle 1,3 1,1 0,9 2,4 3,8 1,2 eugénol 0,7 0,7 acétate de géranyle 1,6 1,7 1,5 3,8 6,6 3,4 0,7 1,1 2,8 1,1 0,1 β-élémène germacrène-D 1,3 1,4 1,4 1,2 1,1 0,3 bicyclogermacrène 0,1 0,4 α-farnésène 0,6 α-muurolène 0,7 0,7 1,1 2,3 1,2 δ-cadinène élémol 5,6 7,1 2,7 1,0 dodécanoate 0,2 occidentalol 6,5 2,8 germacrène-D-4-ol 5,4 5,5 1,9 0,7 0,3 0,4 0,3 0,5 γ-eudesmol 0,7 0,4 1,0 0,1 τ-cadinol 0,8 τ-muurolol 0,1 0,7 0,6 β-eudesmol 0,3 0,3 0,2 α-eudesmol 1,2 1,1 1,8 0,6 0,9 0,3 α-cadinol trans-farnésol 0,6 96,9 97,0 98,9 96,6 98,9 99,1 Total Origine : a : Ashanti ; b : Est du Ghana; c : Nkawkaw ; d : Lomé; e : Zévé; f : Porto-Novo. 86 Corporation LASEVE Chapitre 4. Production d’essence de citronnelle… en Afrique de l’Ouest CHO CHO CHO Néral Géranial Citronellal OH HO OH Linalol Géraniol Citronellol Principales structures moléculaires rencontrées dans l’huile essentielle de citronnelle. 6. CONCEPTION ET FABRICATION D’UN ALAMBIC SEMI-INDUSTRIEL Des distilleries artisanales avec extracteur à feu nu sont encore utilisées en milieu rural. Le dispositif est simple et facile à mettre en œuvre à faible coût. Le matériel végétal est trempé dans l’eau que l’on chauffe en continu. Malheureusement, l’huile essentielle produite par cette technique n'est pas toujours de bonne qualité. Les esters sont facilement hydrolysés, tandis que les hydrocarbures monoterpéniques et les aldéhydes se polymérisent sous l’effet conjugué de la chaleur et du pH du milieu. Les composés oxygénés tels que les phénols ont tendance à se dissoudre dans l’eau. Ce dispositif a été amélioré en introduisant une grille de séparation entre la matière végétale et l'eau chaude. 87 Huiles essentielles : de la plante à la commercialisation – Manuel pratique Figure 2. Schéma technique d’une distillerie pilote tel que réalisé dans la sous région. Légende des éléments de la figure 2 : 1 : cylindre de la chaudière ; 2 : cylindre de remplissage ; 3 : joint d’étanchéité ; 4 : boulon HM 12; 5 : bouchon de raccord ; 6 : cône de cheminée ; 7 : cheminée ; 8 : bouchon : vis HM 22-20 ; 9 : tuyaux de dépression ; 10 : robinet ; 11 : manomètre ; 12 : élément du four ; 13 : thermomètre ; 14 : sortie de vapeur d’eau ; 15 : support du manomètre ; 16 : support du thermomètre ; 18 : tuyaux d’évacuation ; 19 : fond de l’alambic ; 20 : conduit de vapeur d’eau ; 21 : paroi externe du four ; 22 : entrée du four ; 23 : support de chaudière ; 24 : ceinture de l’alambic ; 25 : distributeurs diamétraux ; 26 : distributeurs concentriques ; 27 : cadre du porte câble ; 28 : porte câble d’élévation ; 29 : tige filetée 24 × 3 – 17 c ; 30 : grille de séparation ; 31 : couvercle de l’alambic ; 32 : raccordement en T ; 33 : cylindre de l’alambic ; 88 Corporation LASEVE Chapitre 4. Production d’essence de citronnelle… en Afrique de l’Ouest Figure 2 (suite et fin). Schéma technique d’une distillerie pilote tel que réalisé dans la sous région. Légende des éléments de la figure 2 (suite et fin) : 34 : vanne de contrôle ; 35 : support de la tige filetée 29 ; 36 : distributeur de vapeur ; 37 : cornière 50 en U ; 38 : fermeture du cylindre ; 39 : bac de refroidissement ; 40 : serpentin de condensation ; 41 : raccord du serpentin ; 42 : support du joint ; 43 : joint quadrilobe 2000 × 5 ; 44 : centreur du couvercle ; 45 : rondelle carrée M 26 ; 46 : écrou HM 24 × 3 ; 47 : tige ρ 8 (oreilles) ; 48 : axe ; 49 : goupille d’arrêt ; 50 : support de fixation. 89 Huiles essentielles : de la plante à la commercialisation – Manuel pratique Dans un système de distillation par entraînement à la vapeur d’eau, le générateur de vapeur est séparé de l’alambic. L’avantage est que le débit de vapeur peut être contrôlé et que la température du matériel végétal n’excède pas 100 °C. Cette technologie est plus appropriée pour les distillations d’essences végétales à échelle industrielle. L’unité utilisée dans les campagnes comporte un générateur de vapeur séparé, une cuve, un bac de refroidissement ou séparateur et elle peut être utilisée pour la production de différentes essences végétales. Voici une description plus détaillée d'une installation type. 6.1. La chaudière C’est une chaudière tubulaire dont le volume est de 1,5 m3. Elle est traversée d’une rangée double de tuyaux thermiques assurant une bonne répartition de la chaleur. Ces tubes aboutissent au sommet à un collecteur démontable auquel est adaptée une cheminée. Le dessous de la chaudière est fait d’une tôle noire de 10 mm d'épaisseur. Les points de soudure et le tube de vidange sont en acier inoxydable. La chaudière est pourvue en haut d’une soupape de sécurité, d’un manomètre et d’un thermomètre qui permettent le contrôle de la pression de vapeur et de la température. Le four est en briques réfractaires. Le mortier est un mélange de ciment réfractaire et d’argile. Le four est alimenté par du bois de chauffe ou de fuel. Ce dispositif est adapté au travail en milieu rural. Toute personne ayant quelque information de base peut le faire fonctionner. 6.2. La cuve La cuve est le compartiment contenant la matière végétale à distiller. Elle est faite d’une tôle de 5 mm d’épaisseur. Elle a une capacité de 6 000 litres (1,8 m de diamètre et 2,36 m de hauteur). Elle est munie d’un thermomètre. Au fond repose un distributeur de vapeur surmonté d’une grille de séparation démontable. Le rebord supérieur est en forme de U, là où le couvercle vient reposer sur un joint d’étanchéité. La fermeture se fait à l’aide de clamps à vis mobiles soudées sous le rebord en U (Photos 3 à 5). Le couvercle est déplacé à l’aide d’un palan de 1,5 tonnes. La cuve est fixe ou basculante et recouverte sur la paroi externe d’une couche de laine de verre qui en assure l’isolation thermique. 6.3. Le bac de refroidissement Il s’agit d’un bac d’eau cylindrique de 1,5 m de diamètre et de 2 m de hauteur. L’alimentation en eau se fait à l’aide d’une pompe à partir d’une source d’eau. Le bac de refroidissement (réfrigérant) est traversé par un serpentin constitué d’une double hélice. 90 Corporation LASEVE Chapitre 4. Production d’essence de citronnelle… en Afrique de l’Ouest Photos 3. Exemple d’alambic enterré avec son foyer à la base (Photos G. Collin). Note : on aura remarqué que la photo du bas correspond à la vue arrière de la photo d’en haut. 91 Huiles essentielles : de la plante à la commercialisation – Manuel pratique Photo 4. Chargement de l’alambic à la distillerie de Klokpoé (Togo). Photo 5. Décharge de la biomasse après distillation. 92 Corporation LASEVE Chapitre 4. Production d’essence de citronnelle… en Afrique de l’Ouest 6.4. Les conduits Les conduits sont en tuyau à vapeur. De la chaudière à l’alambic, le conduit en T est muni de deux vannes de contrôle pour faciliter l’alimentation de deux cuves. Aux points de raccord sont fixés des bridges. Les joints sont en caoutchouc d’épaisseur convenable. 7. TRANSFERT DES TECHNIQUES DE DISTILLATION DE L’ESSENCE DE CITRONNELLE Au Ghana La première initiative de production d’essence de citronnelle date de 1984 et vient de la Compagnie Lever Brothers du Ghana. Sur la base d’un contrat, les paysans pouvaient bénéficier de l’assistance technique et dans certains cas, de l’appui financier de Lever Brothers qui conserve alors l’exclusivité de rachat de l’essence de citronnelle produite. Le projet a connu une adhésion massive mais les paysans se heurtèrent rapidement à certaines réalités. En effet les distilleries existantes étaient toutes éloignées des exploitants et elles étaient continuellement occupées. Pour faciliter la tâche aux paysans producteurs d’essence de citronnelle, le CRDI dans le cadre du projet « Création de Petites Entreprises », a considéré l’installation d’un alambic de grande capacité à Nkawkaw. Il s’agit d’une zone à forte pluviométrie. L’alambic de Nkawkaw fonctionne par entraînement à la vapeur et comporte une cuve d’extraction de 5 000 litres. Une coopérative de paysans producteurs d’essence de citronnelle a été mise en place. Elle comporte aujourd’hui 60 paysans et c’est elle qui gère la distillerie. De janvier à juin 1997, l’unité pilote de Nkawkaw a produit 1240 litres d’essence de citronnelle. Toute la production a été livrée à Ensure Ltd, négociant de Lever Brothers (Ghana) Ltd. à 1,2 $ US le litre soit 5,45 $ US le gallon. Au cours de l’année cette production a généré au total 1 728 $ US. De ces fonds générés, la coopérative a retenu 291 $ US comme frais de distillation. Aujourd’hui, les acteurs du projet tentent d’identifier des marchés à l’extérieur du pays, en Allemagne et aux États-Unis. Le produit est bien apprécié mais le prix proposé par les paysans n’est pas concurrentiel par rapport au prix du marché international. L’unité pilote de Nkawkaw est devenue un centre d’intérêt pour toutes les collectivités dans un rayon de 20 km. Les écoles primaires et mêmes les églises de la localité s’organisent pour participer au projet. La production et la commercialisation d’essence de citronnelle par les jeunes élèves des écoles primaires peuvent constituer une source de revenus appréciable pour les établissements concernés. 93 Huiles essentielles : de la plante à la commercialisation – Manuel pratique Au Togo et au Bénin Le transfert de technologie aux communautés locales a été supporté en partie par le CRDI et par UNESCO-UNISPAR. Au début du projet, la culture à grande échelle de la citronnelle a été un objet de curiosité de la part des paysans. En effet, les paysans n’avaient aucune connaissance de la production de l’essence de citronnelle. Mais après les premières distillations la curiosité se transforma en intérêt. Il leur a été facile de comparer cette technologie à la méthode traditionnelle de distillation du « Sodabi » une boisson locale obtenue par distillation du vin de palme fermenté. Les femmes travaillant à la distillerie venaient chercher l’eau florale (eau blanche) pour leur usage domestique (lessive, nettoyage domestique). Après deux saisons, les paysans ayant travaillé sur le site savaient planter, entretenir, couper et distiller la citronnelle. Plusieurs d’entre eux ont alors exprimé leur souhait de cultiver leur propre champ de citronnelle. À Zévé, dans la préfecture du Zio (Togo), les paysans se sont constitués en coopérative villageoise. Des formations pratiques sont de temps en temps dispensées dans le village pour aider les paysans à corriger les erreurs et à améliorer leur technique. Un alambic de 6 000 litres a été installé à Zévé. Il a une capacité de chargement de 1,2 tonnes de matière végétale et permet d’obtenir en moyenne 10 litres d’essence de citronnelle par cuisson. La coopérative comporte aujourd’hui 50 membres permanents dont 15 femmes. Pendant les vacances et les congés scolaires, les élèves viennent travailler à la distillerie. Avec l’argent gagné, ils peuvent apprêter leur costume scolaire et acheter des fournitures scolaires (Photos 6). Les données expérimentales du Groupement de Zévé révèlent que la production d’essence de citronnelle est une activité très rentable pour les paysans. Actuellement les paysans de Zévé exploitent six hectares et produisent en moyenne 800 litres d’essence de citronnelle par année. La vente de ce produit sur le marché local génère des revenus bruts de 5 600 000 F CFA (8 000 $ US) par année. Le coût d’exploitation annuel des 6 hectares de citronnelle étant de 1,6 millions F CFA, le revenu net généré est de 4 millions F CFA (5 714 $ US) soit en moyenne 666 667 F CFA (952 $ US) par hectare et par an. Cette performance semble toutefois relativement faible par rapport aux rendements possibles. Un hectare de citronnelle compte 10 000 pieds. Dans les conditions moyennes de pluviométrie, un pied de citronnelle pourrait produire en moyenne 3 kg de feuilles à chaque coupe, soit 30 tonnes par hectare et par coupe ou 120 tonnes de biomasse par ha par année. Sur la base d’un rendement d’extraction moyen de 0,8 %, on obtient 0,96 tonnes d’essence de citronnelle à l’hectare. Avec l’expérience de Zévé, on réalise que la rentabilité du projet dépend en grande partie de l’entretien du champ. Lorsque le taux de reprise est élevé à la plantation, la production en biomasse est importante. D’autres groupements villageois ont bénéficié de l’appui du projet « Création de Petites Entreprises » du CRDI pour développer leur propre unité d’exploitation : • "Senteur D’Afrique" exploite environ 5 hectares de citronnelle. Une vingtaine de paysans participent régulièrement aux travaux de culture et d’extraction à la ferme de Kpoguédé dans la Préfecture de Zio. Ce groupement produit actuellement en 94 Corporation LASEVE Chapitre 4. Production d’essence de citronnelle… en Afrique de l’Ouest Photos 6. Répartition de l’essence de citronnelle produite en fonction de la biomasse fournie par chaque membre du groupement (Tsiviépé et Zévé, Togo). 95 Huiles essentielles : de la plante à la commercialisation – Manuel pratique moyenne 200 litres d’essence de citronnelle par année et dispose d’un alambic de 4 000 litres. • La Coopérative des paysans de Zogbégan dispose d’un champ de trois hectares. Elle est soutenue par le Monastère de Zogbégan sur le plateau de Dayes à 180 km de Lomé. • Les Groupements Mitronugnan et Tsomenenyo de la préfecture de l’Ave exploitent 15 hectares à Tsiviépé et à Agbadjanaké respectivement à 60 km et 70 km de Lomé. Ils bénéficient du soutien financier du PUFS (Programme d’Utilisation des Fonds Suisses). • Il existe également d’autres acteurs dans le domaine dont SOTOPRODER, dont l’objectif principal est la promotion des activités génératrices de revenus auprès des communautés locales. Tous ces groupements se sont organisés en une Organisation Non Gouvernementale dénommée PARHETO (Plantes Aromatiques et Huiles Essentielles du Togo). Au cours d’une étude sommaire, PARHETO a recensé les problèmes auxquels sont confrontés les producteurs. Ils sont de trois ordres : • une mauvaise gestion des espaces cultivés, • une insuffisance de moyens de distillation et • le combustible le plus accessible est le bois de chauffe. Au Bénin l’ONG HUNGER PROJECT s’occupe du transfert des techniques de production d’essence de citronnelle. 8. AUTRES OPPORTUNITÉS Le basilic, Ocimum basilicum L. est une plante herbacée semi-vivace, de forte et agréable odeur assez commune dans le Golfe de Guinée. Probablement introduits d’Asie, les basilics sont maintenant très répandus; du Sénégal à l’Afrique de l’Est. Ce sont des plantes de plein soleil qui préfèrent les sols ferrugineux. Les variétés africaines résistent bien à la sécheresse et s’adaptent aux sols pauvres. Les espèces européennes sont plus exigeantes. Les feuilles et les jeunes pousses de basilic sont utilisées traditionnellement comme aromates dans les sauces et les assaisonnements. Les rendements en huile essentielle dépendent en général des facteurs pédoclimatiques comme l’ensoleillement, la pluviométrie, le type de sol et l’altitude. Il existe plusieurs types de basilic dont les huiles essentielles sont recherchées dans des domaines spécifiques. Il y a entre autres le basilic doux et le basilic exotique ou du type Réunion. L’essence de basilic possède des qualités olfactives très appréciées et est employée dans des compositions spéciales, surtout dans les liqueurs, les parfums de qualité supérieure et les assaisonnements de grand prix. La culture du basilic a connu une expansion considérable au Togo au cours des 10 dernières années grâce à l’instigation de la firme Gyma Cultures. En moyenne le Togo 96 Corporation LASEVE Chapitre 4. Production d’essence de citronnelle… en Afrique de l’Ouest exporte 4 000 tonnes de basilic-feuille chaque année vers les pays d’Europe et d’Amérique sous forme de produits surgelés destinés à la consommation culinaire. La culture du basilic est en partie confiée aux groupements et coopératives de producteurs d’herbes fines à qui Gyma Cultures fournit les semences et les intrants sur la base d’un contrat de monopole de rachat de la production. Le basilic feuille est acheté au producteur à 100 F CFA (0,14 $ US) le kilogramme un prix dérisoire par rapport au prix de vente sur le marché international. Après le tri, il reste une quantité importante de biomasse sous forme de débris qui n’est pas valorisée. La production d’huile de basilic à partir des résidus de biomasse permettra au paysan de générer des revenus additionnels importants. Deux variétés de basilic sont cultivées au Togo : le type français “Géno” dont l’huile est plus riche en linalool (39 à 48 %) et ne contient pas d’estragol et la variété “Tirana” qui contient du linalool à 34 % et de l’estragol à 16 %. D’autres huiles essentielles ont également été produites mais uniquement à l’échelle expérimentale faute de marché. Il s’agit des essences de basilic à estragol, de Cymbopogon schoenanthus, d’Ocimum gratissimum, d’O. canum, d’Eucalyptus sp., etc. 9. MISE EN PLACE D’UN CADRE DE PARTENARIAT INDUSTRIEL Les productions nationales d’essence de citronnelle sont encore très insuffisantes pour répondre à une demande grandissante. Les gros consommateurs, en particulier les savonneries exigent un produit de bonne qualité à un prix concurrentiel et avec une garantie de livraison dans les délais convenus. Au Togo, des négociations sont en cours pour impliquer des opérateurs économiques du secteur industriel. Des partenaires européens et canadiens ont été identifiés pour soutenir les producteurs nationaux. La Société Cro-Em du Canada est une firme spécialisée dans la production et la commercialisation de l’essence de cèdre. Elle produit à elle seule 47 % du volume mondial de l’huile de cèdre. Elle travaille également à la fabrication des équipements d’extraction des huiles essentielles. Une entreprise québécoise est intéressée à la valorisation et à la commercialisation des produits africains sur le marché nord américain. Ce groupe canadien dispose actuellement d’un marché de 20 barils de 180 kg soit environ 4 tonnes d’huile de basilic par année. Le groupe pourrait également acheter de l’essence de citronnelle au Togo pour plus de 8 tonnes par année. 10. LES PERSPECTIVES Face à une dépréciation persistante de produits agricoles conventionnels sur les marchés internationaux, les populations africaines cherchent des activités beaucoup plus prometteuses. La culture des plantes aromatiques et la production des huiles essentielles deviendront l’activité principale des paysans organisés au sein de PARHETO. Il faudra très rapidement normaliser les techniques de production de façon à garantir au 97 Huiles essentielles : de la plante à la commercialisation – Manuel pratique consommateur un produit d’excellente qualité. Face à une demande croissante pour l’essence de citronnelle les producteurs éprouvent le besoin d’accroître leur capacité de production. Il y a cependant quelques contraintes à cette expansion tant souhaitée. Les moyens financiers sont limités et l’appui des institutions financières locales est souvent contraignant. PARHETO a entrepris de formaliser ses unités de production. Le commerce de l’essence de citronnelle se réorganise de façon à garantir une valeur ajoutée plus grande aux producteurs. D'autre part, certains producteurs expérimentent de plus en plus avec les essences de basilic, d’aneth (Anethum graveolens), de Cymbopogon schoenanthus, d’Eucalyptus sp., etc. (2-6). Ces initiatives isolées auront bientôt, on l'espère, un effet d’entraînement dès que des intentions d’achat à l’étranger commenceront à se manifester. 11. RÉFÉRENCES 1. Legault, Grysole et Associés, inc., Étude de marché de certaines huiles essentielles, Bénin-Ghana-Togo, Rapport final, du 19 Octobre 1995, page 30, CRDI, Nairobi, Kénya. 2. K. H. Koumaglo, Koffi Akpagana, Adolé I. Glitho, F.-X. Garneau, H. Gagnon, F.-I. Jean, M. Moudachirou et I. Addae-Mensah, Essential Oil of Diplolophium africanum Turez. J. Essent. Oil Res., 6, 449 - 452, (1994). 3. K. H. Koumaglo, Koffi Akpagana, Adolé I. Glitho, F.-X. Garneau, H. Gagnon, F.-I. Jean, M. Moudachirou, I. Addae-Mensah, Geranial and neral, major constituents of Lippia multiflora Moldenke leaf oil, J. Essent. Oil Res., 8, 237-240 (1996). 4. I. Addae-Mensah, W. A. Asomaning, A. Oteng-Yeboah, F.-X. Garneau, H. Gagnon, F.-I. Jean, M. Moudachirou et K. H. Koumaglo, (E)-Anethole as a major essential oil constituent of Clausena anisata, J. Essent. Oil Res., 8, 513-516 (1996). 5. M. Moudachirou, M. Abel Ayedoun, J. Djimon Gbenou, K. Koumaglo, F.-X. Garneau, H. Gagnon et F.-I. Jean, Composition of the essential oil of Steganotenia araliacea Hochst from Benin and Togo, J. Essent. Oil Res., 7, 685-686 (1995). 6. M. Moudachirou, M. A. Ayédoun, J. Gbénou, F.-X. Garneau, K. H. Koumaglo et I. Addae-Mensah. Composition chimique des huiles essentielles des feuilles de Clausena anisata récoltées dans la sous-région Togo-Bénin-Ghana, J. Soachim., 3, 49-54 (1997). 98 Corporation LASEVE