Philippe Courroye: «Je suis victime d`une procédure d`exception»
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Philippe Courroye: «Je suis victime d`une procédure d`exception»
mercred i 25 °uJllet 2012 LE FIGARO Piscin es publiques : encore près de 50 noyad es r;;;, par an www.lefigaro.fr/a ctuali te-fra nce ~ 8 soc iét é Philippe Courroye: «Je suis victime d'une procédure d'exception » Dénonçant une « chas se à l'ho mm e», le procureur de Nanterre a PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE DURAND-SOUFFLAND LE CONSEIL supérieur de la magistra ture {CSM} examinera le 31 jtùllet la proposition de la Chancellerie de nomme r- le procureu r de Nanterre Philippe Courroye avocat général près la Com d'appel de Paris. Objectif : ramener « la sérénité » dans la ju.ri~ction des Hauts -de-Seine, ébranlée par une guerre ouverte entre le chef du parquet et une juge du siège, Isabelle Prévost- Desprez. L'intéressé refuse ce qu'il considère comme tme «mutation-sanction». Et annonce sa volonté de s'inscrire au barreau de Paris. de ces derniers 1 1 Quelles raisons votts a-t-on do1U1ées? Mon interlocu teur en a avancé trois, que j'ai réfutées fermement, considé rant qu'il s'agissait d'tme mutatio n-sanction. Primo, la plainte p énale déposée contre moi par Le Monde clans l'affaire dite des «Cadettes» (le parquet de Nante1Te a obtenu, dans l'affaire Bettencourt, les factu res téléphoniques détaillées de journalistes, alors qu'une loi protège le secret des sources, NDLR). Dois-je rappeler que la cour d'appel de Paris a anmùé ma mise en examen et celle de mon adjointe ? Deusio, la ses collègues, membre de son parti (Laurence Vichnievsky, NDLR) avait reçu la Légion d'honne ur des mains de l'ancien chef de l'État? Cela fait-il d'elle une vendue ou une affidée? Je peux compren dre que le nouveau pouvoir veuille récupér er le parquet de Nanterre, mais il y a des façons de procéder. SI le gouvern ement devait prendre un décret pour me muter contre mon gré à la cour d •appel de Paris, je l'attaquerais devant le Conseil d'État. saisine de la form ation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistr ature (CSM), à la demande du même journal et pour les mêmes faits. Voyant que son parachute pénal était en vrille, en dépit d'un pourvoi en cassation, Le Monde a ouvert le parachute de secours, le ventral ,disciplin~e. Mais si une nullité de procédure constitu e tme faute pénale ou disciplinaire, toits les magistra ts de France vont être tradtûts devant le CSM, à commencer par ceux qtû sont à l'origine de ma mise en examen amnùée par la cotu· d'appel. Tertio, et c'est le plus grave, Je suicide d'un substitut de mon parquet, le 7 mars 20l2. Dans cette affaire, il a été dit, en effet, que ce magistrat avait été victime LE FIGARO. - Conunentréagissez-vous d'nn harcèlement moral ... du l'intérêt dans n mutatio « à votre C'est faux, et cette accusation me révolte. service » envisagée par là Chancellerie? arquet de Philippe COURROYE. - Il s'agit là d'une L'enquête diligenté e par Je p dramati geste ce que e démontr toutes Créteil puisque procédu re d'excep tion, condi- · les mutatio ns à ce jo'ttr, au siège comme que est totaleme nt étrange r aux avait li t. magistra ce de travail de mations des l'accord avec font se au parquet, avec gistrats. J'ai été reçu le 17 jtùllet par récemm ent fait tm bilan de carrière se sans lerie, Chancel la de services cabiles de r directeu ux, Vigouro Christian et travail, de ns conditio ses de annonplaindre net du garde des Sceaux, qui m'a cé que le ministre souhaitait me muter, était candida t à tm avancem ent à Nanterau clans l'intérêt du service, avocat général à re. Je l'avais présenté à deux reprises êt.re Paris. Or, je n'ai pas demand é ce poste, tableau d'avanc ement et il devait aussi convoité soit-il. J'ai pris mes fonc- · promu en septemb re au parquet de Bobigny. Mais certaine s organisations, le Syndica t de la rnagistra tme et l'Union syndicale des m agistrats, vetùent aujourIl y a ceux qui d'htû me faire porter la responsabilité de chois issen t et ceux qui ce suicide. Cette récupér ation abjecte participe de la chasse à l'homme dont je pas uis s ne je : sent subis fais l'objet depuîs plusieurs années. tions à Nanterre en 2007 pour w1e durée de sept ans : je pouvais rester jusqu'en avril 2014 et n'étais candida t à aucune autre fonction. Cette décision est un signal très négatif pour l'indépe ndance de la justice. demandé sa mise en disponib'nité. Vous êtes convoqué aujotu·d'hui par deux juges parisiens, qui souhaite nt vous mettre en examen dans m1 autre dossier : cela ne conunence-t -il pas à faire beaucoup ? ' Ces faits sont liés à l'affaire dite de l'Angolagate, que j'avais instruite au tribunal de Paris, et à une plainte déposée par Charles Pasqua en 2010 pow· « destruction de pièces» qui ressort fort'opp ortunémen t maintenant. Dans Je cache de cette instruction, j'avais demand é aux services de renseigne.ment la transmiss ion de nombre uses notes. Une note déclassiftée de la DST, censée avoir été adressée à mon cabinet en février 2002, n'a pas été jointe au ·d ossier car elle ne m'~t jamais p~enue. On ne sait même pas si elle est par tie de la DST, commen t· et oit elle est arrivée au palais de justice de Paris. Aurais- je été assez fou pour sollid - Votts sentez-vous lâché? Non, lynché. N'avez-vous pas l'impression de votts êb·e laissé piéger; avec l'affaire Bettencourt, dans nne controverse devenue assourdissante avec une magistra le du siège, Isabelle PrévostDesprez, que votts n 'appelez jamais que «la présidente de la XV• chambr e»? Avez.'.. vous jamais entendu le parquet de Nanterre critique r publiqu ement une décision du tribunal ? Le procure ur de Nanterre a-t- il écrit un livre pour attaquer tlll autre magistr at de la juridiction ? Non. Vous parlez de controv erse: si elle existe, ce n'est pas le p arquet·q tû en est à l'origine. e «On me reproche en réalité mon Indépendance d'esprit, ma force de caractèr et ma ténacité », explique Phlllppe Courroye. FRANCOIS BOUCHON /LE FIGARO ter la déclassification d'tme note et la passer ens\ûte à la broyeuse alors que la décision de déclassification est prise par une commission puis publiée au Journal officiel ? Pourquoi ? À quelles fins ? Ce dossier est vide, cette plainte, dénuée de fondement. De surcroît, tout a été dit devant le tribunal correcti onnel (lors du procès de l'Angolagate, NDLR) et je votts rappelle que je m'en suis déjà expliqué le 4 février 2009, lors de ma comparution comme tér~1oin. Selon vous, votre mutation probable obéit à tm motif politique ? Cqmment ne pas le penser? Depuis quatre ans, mon nom est accolé dans la presse à celtû de Nicolas Sarkozy : on a sciemment voulu donner une coloration politique à mon action et à ma personne. Les syndicats qui, eux, ont exprimé des choix politiques au mépris du devoir de réserve des magistrats, ont repris cette anti~nne à leur compte. Afin de préserve r mon indépen dance, je n'ai jamais été affilié à ll1' syndica t ou à un parti. En tant que juge, j'ai renvoyé en correctionnelle bien pltts de personnalités de droite que de gauche: MM. Noir, Carignon, Pasqua, Bédier ... En tant que procure ur de Nanterre, j'ai obtemrla condamnation d'élus de droite des Hauts-.de-Seine (Manuel Aeschimann, NDLR). On a souvent évoqué l'ordre du Mérite que Nicolas Sarkozy m'avait remis. Et alors ? Suis-je le seul magistra t de France qu'il a décoré? Eva Joly, qtû conduisait souvent le bal de la Critique, a- t-elle oublié qu'une de Ne regrette z-votts pas d'êb·e ·souvent apparu comme trop sûr de vous, voire arrogant ? On me reproche en réalité mon indépen dance d'esprit, ma force de caractèr e et ma ténacité. D'aucim s au.raient sans doute aimé que je mette tm genou à terre. Je ne dis pas que je ne me suis jamais trompé - quel homme ne commet -il pas d'erreurs? Mais je ne vais pas regrette r de n'avoir pas cédé à· des injonctions politiques ou syndicales. Je ne stûs pas de ceux qu'on attelle. N'êtes-votts pas tenté, à 53 ans, de qttjtter la magistrature? J'ai déposé lundi une demand e de mise en disponibilité, pour pouvoir m'inscrire au barreau de Paris en septembre. Il y a ceux qui choisissent et ceux qui subissent : je ne suis pas de ces derniers. La fonction qu'on voudrait m'impo ser ne correspond pas à mes souhaits et le traiteme nt dont je fais l'objet est attssi exceptio nnel qu'inique: j'en tire les conséquences. Le CSM dont les décisions ne sont pas motivées doit donner son avis, la décision finale revenan t à la Chancellerie : on peut aussi m'infliger la double peine et refttser ma mise en disponibilité ... •