Industrie Rhodia-Clairefontaine ou la success story des blocs

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Industrie Rhodia-Clairefontaine ou la success story des blocs
Région
DEF
JEUDI
11 SEPTEMBRE
MARDI
3 JANVIER 2014
2012 40
32
Industrie Rhodia-Clairefontaine ou la success story des blocs-notes made in Mulhouse
En ces temps de rentrée
scolaire, Rhodia et
Clairefontaine sont des
marques très exposées.
Mais qui sait que les
blocs orange et cahiers
d’écoliers sont produits
à Mulhouse,
que le siège social est
à Ottmarsheim et que
Rhodia fête ses 80 ans ?
Rhodia ? Tout le monde connaît
en Alsace. Mais ce qui vient
d’abord à l’esprit, c’est la chimie à
Chalampé et la filiale de RhônePoulenc, créée en 1999 et rachetée par Solvay en 2011. Attention
cependant aux effets d’optique…
Car la marque Rhodia, qui fête
ses 80 ans cette année, concerne
d’abord des blocs agrafés fabriqués, à hauteur de 10 millions
d’exemplaires annuels, à Mulhouse.
La marque Rhodia est en effet
propriété de Rhodia-Clairefontaine (lire ci-dessous) qui emploie
140 personnes en Alsace, sur
deux sites : le centre de production d’Île-Napoléon, à Mulhouse,
et le siège social d’Ottmarsheim,
où sont regroupés les services
administratifs, de ressources humaines, commerciaux, ainsi que
le centre de logistique mondial.
Le tout pèse 76,4 millions d’euros
de chiffre d’affaires (exercice
2012), dont 15 millions pour la
seule marque Rhodia en 2013.
Fort peu au regard des résultats
du groupe Exacompta (523 millions d’euros de chiffre d’affaires
en 2013), énormément en termes
d’image, mais aussi de business,
puisque les produits Rhodia,
Clairefontaine et Calligraphe utilisent tous du papier Clairefontaine en provenance d’Etival, dans
les Vosges.
« Rhodia-Clairefontaine est une société familiale, par son histoire mais
aussi par son fonctionnement », té-
40 personnes travaillent à l’usine d’Île-Napoléon à Mulhouse.
moigne Géraldine Muller, responsable de la marque Rhodia.
Difficile de la contredire au regard de l’organigramme du groupe Exacompta-Clairefontaine, où
la famille Nusse, actionnaire à
80 %, fait prospérer depuis
110 ans les Papeteries de Clairefontaine, fondées par Jean-Baptiste Bichelbergeren en 1858.
Ses marchés de tête :
France puis Japon
L’histoire de Rhodia en Alsace est
bien plus récente puisqu’elle date
du rachat des « Papeteries Vérilhac Frères » en 1997 et du regroupement de la production de
Rhodia sur le site de fabrication
de Clairefontaine.
Rhodia et Clairefontaine sont
donc deux marques d’un même
groupe, mais au positionnement
bien différent. « Rhodia est positionné sur l’adulte, avec une cible
plus masculine, des étudiants aux
catégories socioprofessionnelles supérieures, tandis que Clairefontaine a
une cible plus féminine et un cœur
de gamme tourné vers l’enfant »,
explique Géraldine Muller, responsable d’une marque qui a su
se diversifier, jusqu’à sortir des
produits de maroquinerie et bagagerie réalisés au Maroc. Seule
exception au Made in France de
Rhodia Clairefontaine, « parce
que nous avons trouvé là-bas des
professionnels aguerris avant de
chercher un coût ».
Plus encore que les années précédentes, cette rentrée 2014 a une
importance toute particulière
pour Rhodia qui fête ses 80 ans.
La marque est en effet née en
1934, deux ans après la création à
Lyon des « Papeteries Vérilhac
Le rapport
avec Rhodia-Solvay
Ce bloc, « qui paraît simple et basique mais est un produit d’inventivité », dixit Géraldine Muller, il en
sort dix millions d’exemplaires
par an du centre de production
d’Île-Napoléon à Mulhouse.
« Sans oublier 45 millions de cahiers », précise le directeur, Patrick Sartre. Ce sont 11 000
tonnes de papier qui sont imprimées puis reliées, agrafées et
confectionnées en blocs ou cahiers. Des blocs de la marque
Rhodia mais aussi de marques
distributeurs, vendus moins
chers, évidemment, mais d’une
qualité bien moindre. « Pour
Rhodia et Clairefontaine, le papier
provient exclusivement de la maison
Clairefontaine. Pour les marques
distributeurs, le papier vient d’Espagne et il est beaucoup plus léger »,
Le bloc orange fait la fortune de Rhodia depuis 80 ans.
explique Patrick Sartre, dont l’usine tourne en deux ou trois équipes, cinq ou six jours par
semaine, selon le niveau d’activité. « On tourne toute l’année mais le
pic d’activité se situe d’avril à
juillet », précise le directeur du
site de production.
Concrètement, les rouleaux de
papier (dont le poids dépasse la
tonne et la longueur jusqu’à
20 000 mètres) passent dans des
rotatives qui impriment lignes ou
carreaux à la vitesse de 250 mètres par minute. Les feuilles sont
ensuite réduites en taille et assemblées selon le nombre de pages souhaitées (80 pour les blocs
Rhodia). Vient ensuite le place-
ment de la couverture, puis
l’agrafage. Un coup de massicot
et le produit fini peut partir à
l’emballage, début des opérations
d’expédition. « Notre centre logistique à Ottmarsheim est l’une de nos
forces. Nous sommes réactifs grâce à
un circuit de production locale et, à
l’autre bout de la chaîne, un service
logistique qui nous permet de faire
parvenir nos produits à l’autre bout
de la planète en quelques heures »,
souligne Géraldine Muller, responsable d’une marque bien implantée en France mais qui a
pour ambition de continuer à
conquérir le monde.
Textes : Laurent Bodin
Photos : Darek Szuster
Guillaume Nusse est
le président du groupe
Rhodia-Clairefontaine.
Rencontre.
La longue histoire
du bloc orange
Géraldine Muller jette un coup d’œil à une très élégante collection
multicolore avec papier ivoire en préparation. L’information
est tombée mardi : les Japonais ont décidé de la référencer.
Exposée à la CCI
La Chambre de commerce et
d’industrie, dans le cadre de son
exposition mensuelle « Made in
Sud-Alsace », met à l’honneur la
marque Rhodia à l’occasion de
ses 80 ans. Un grand bloc orange
trône ainsi devant les locaux de la
CCI face à la gare de Mulhouse.
10 millions de blocs
et 45 millions de cahiers
« Une marque premium »
« Aucun », répond Guillaume
Nusse, PDG de Rhodia Clairefontaine, qui précise : « Nous détenons la marque et l’avons concédée à
Rhône-Poulenc à la fin des années
1990, et aujourd’hui à Solvay. »
Mais la confusion va s’estomper
puisque Solvay a décidé d’utiliser
peu à peu son nom propre.
Avant-gardiste dès sa création en
1934, le bloc Rhodia s’est immédiatement démarqué des blocs
existants grâce à la qualité des
matières premières, à sa conception originale et innovante et à sa
couleur orange, unique et inimitable. Les caractéristiques qui
font son succès depuis 80 ans
sont une couverture carte enduite
orange parfaitement imperméable, très souple et repliable facilement vers l’arrière grâce à des
rainures ; un papier vélin surfin
80 g blanc et lisse qui permet un
meilleur confort d’écriture ; des
agrafes qui n’apparaissent pas au
dos et donc éliminent le risque de
se blesser ou encore de rayer son
bureau ; un dessous cartonné ultra-rigide permettant une prise
de notes confortable, même sans
appui ; et des feuilles microperforées facilement détachables.
Frères ». Selon la légende, le nom
de la marque s’inspire des origines rhodaniennes de l’entreprise
et les deux cimes de sapins symbolisent les deux créateurs, Henry et Robert. « Le bloc Rhodia,
80 feuillets de 80 grammes dans un
écrin orange et noir, est un produit
culte qui n’a pas pris une ride en
80 ans. L’orange de Rhodia, on n’y
touche pas car c’est un produit connu dans le monde entier, l’emblème
d’une marque patrimoniale. Après
la France, le Japon est notre deuxième marché, les Coréens l’adorent, la
Mongolie comme le Chili en sont
friands… Parce que l’étoffe de la
gamme est un condensé de savoirfaire, d’authenticité et de qualité
made in France », souligne la responsable de Rhodia qui, pour fêter les 80 ans de la marque, a sorti
une collection en blanc.
Une collection « White » a bien été lancée à l’occasion
du 80e anniversaire, mais le noir, et surtout la couleur orange,
prédominent dans les ventes des produits Rhodia.
À l’heure de la révolution
numérique, comment le bloc
Rhodia peut-il subsister ?
Certes, la prise de notes traditionnelle a pratiquement disparu. Deux causes à cela : moins
de réunions du fait des 35 heures, qui réduisent le temps de
travail, et internet. Les blocs-notes de premier prix ont donc
connu une chute vertigineuse.
Mais cela nous va bien puisque
Rodhia se situe dans le haut de
gamme. Et les blocs Rhodia sont
sur un marché de niche qui cartonne aussi à l’étranger, au Japon, en Mongolie, au Chili… Ce
rapport de prix allant de 1 à 3
par rapport aux produits chinois
est acceptable dans la mesure
où la marque Rhodia est connue
pour la blancheur du papier, sa
douceur à l’écriture et sa résistance. Nous ne sommes pas
dans le luxe mais dans le premium, le haut de gamme.
Est-il facile de maintenir toute
la production en France ?
Nous sommes une industrie locale et participons à l’effort de
guerre industrielle. Mais le Made in France n’est pas une finalité absolue. Le produit doit être
bon par lui-même avant de s’intéresser au lieu de production.
C’est notamment difficile de
produire en France avec un euro
aussi fort, même s’il a un peu
baissé depuis peu. Je regrette
aussi, comme mes salariés, le
retour sur la défiscalisation des
heures supplémentaires. Car si
Guillaume Nusse devant le bloc Rhodia XXL exposé devant la CCI à
Mulhouse. Derrière lui, le modèle de la publicité Clairefontaine n’est
autre que le fils du PDG de Rhodia-Clairefontaine. Photo Denis Sollier
cela ne créait pas d’emplois, cela permettait d’en préserver et
d’accroître le pouvoir d’achat.
Enfin, j’envie nos voisins
d’outre-Rhin qui ont des organisations syndicales avec qui les
chefs d’entreprises peuvent
aboutir à des choses intéressantes par le dialogue et la concertation. Mais il est vrai que
diminuer le coût du travail en
France est indispensable.
Rhodia réalise 60 % de son
chiffre d’affaires en France.
Comment se porte le marché ?
Trois facteurs sont importants :
une crise économique, un produit en perte de vitesse et la
disparition des papeteries de
quartier. En face, il y a la pression des grandes surfaces, qui
savent qu’au retour des congés
d’été, les familles sont plus
ouvertes à changer d’enseignes.
La grande distribution veut récupérer les familles en leur refourguant les cartes d’abonnement. Les produits de rentrée
scolaire servent d’axes de communication aux grandes surfaces qui multiplient les réductions via des bons d’achats.
Lesquels ne nous profitent même pas car nos produits sont
d’abord saisonniers. Mais ça a
tué et continue de tuer le petit
commerce de papeterie. À l’inverse, si on ne vend pas en
grande surface, on va devenir
has been. Mais vis-à-vis des commerces spécialisés, c’est une
concurrence injouable.
Aujourd’hui, le prix moyen d’un
cahier Clairefontaine, c’est 1 €.
Ce n’est pas cher quand on sait
qu’il va servir toute une année
pour permettre aux plus jeunes
d’apprendre…