XXXIIIe Séminaire de Cardiologie Pédiatrique HÉTÉROTAXIES ET
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XXXIIIe Séminaire de Cardiologie Pédiatrique HÉTÉROTAXIES ET
XXXIIIe Séminaire de Cardiologie Pédiatrique Paris, 8 & 9 mars 2012 HÉTÉROTAXIES et CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES Organisé par le Centre de Référence Malformations Cardiaques Congénitales Complexes M3C Hôpital Necker/Enfants-malades – Paris et l’Association pour la Recherche en Cardiologie du Fœtus à l’Adulte Avec le parrainage de la Centre de Référence Malformations Cardiaques Congénitales Complexes Association pour la Recherche en Cardiologie du Fœtus à l’Adulte Société Française de Cardiologie sous la direction de Damien Bonnet, Olivier Raisky, Daniel Sidi et Pascal Vouhé S ur le calendrier Maya, 2012 est l’année de la fin du monde; la date précise est le 21 décembre. Nous avons donc pu encore organiser le XXXIIIème séminaire de cardiologie pédiatrique en mars 2012 en essayant de ne pas être trop manchots dans nos choix mais opportuns dans nos thèmes. Pas manchots, ça tombe bien puisque le premier exercice de deuxième section de maternelle pour différencier la droite de la gauche consiste à identifier ses propres mains. C’est une évidence ou un acquis précoce mais, en cardiologie congénitale, les hétérotaxies sont un des problèmes les plus difficiles et des plus fascinants. Il n’était pas moins opportun de l’aborder en 2012 puisque cette année est en France une année de choix entre la droite, la gauche ou le centre… et aussi celle des arrangements aléatoires. C’est enfin une grande chance d’avoir pu réunir dans le même temps et à la même tribune des spécialistes exceptionnels de toutes générations pour nous éclairer sur l’embryologie, la génétique et l’anatomie pathologique des hétérotaxies, avant d’aborder des problèmes cliniques aussi variés que le diagnostic in utero, l’association à la gémellité, aux malformations extra-cardiaques, à l’asplénie, aux fistules artério-veineuses pulmonaires, au cœur dit de batracien avant le bouquet final sur la chiralité des escargots. Auparavant, nous avons souhaité revenir sur un sujet bateau mais parfois galère : les canaux atrio-ventriculaires, d’autant, et ça tombe à pic, que ces derniers sont tout ou partie des hétérotaxies. De la découverte de la trisomie 21 exposée par son auteur à l’alignement des valves auriculoventriculaires du fœtus, l’histoire de ces canaux est riche d’enseignements et n’est pas si simple qu’on peut souvent le penser. Là encore, nous avons voulu approfondir les liens qui unissent ces malformations à la génétique, comprendre leur embryologie, entrer dans les détails de leur anatomie pathologique, parcourir le chemin clinique du fœtus à l’adulte, opéré ou pas, et, bien entendu, passer en revue ce qui reste de problèmes dans le traitement chirurgical dont les immenses progrès de la fin du siècle dernier ont bouleversé le regard que portent aujourd’hui les spécialistes sur une cardiopathie congénitale longtemps considérée comme gravissime. Opinions contraires, tendances lourdes, vraies convictions, ralliements au consensus ou tribunes libres ont été, comme d’habitude, tous autorisés pendant cette manifestation conviviale et participative ! Il y avait du grain à moudre : nous ne doutons qu’il en reste encore, et du meilleur, pour notre prochain séminaire. L’organisation du XXXIIIe Séminaire de Cardiologie Pédiatrique a bénéficié du partenariat précieux de : ABBOTT GENERAL ELECTRIC LFB PHILIPS HEALTHCARE SIEMENS SOMMAIRE 1. TRISOMIE 21 ET CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 • La longue marche des chromosomes humains • Chromosome 21 et cardiopathies • Génétique clinique des canaux atrio-ventriculaires • Le cœur adulte de la trisomie 21 2. EMBRYOLOGIE ET ANATOMIE DES CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 • Embryologie du canal atrio-ventriculaire • Corrélations anatomo-échocardiographiques 3. CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES AVANT ET APRÈS .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 • Les canaux atrio-ventriculaires du fœtus • Alignement des valves A-V et trisomie 21 : mythe ou réalité ? • Devenir à long terme des canaux atrio-ventriculaires opérés 4. CHIRURGIE DU CANAL ATRIO-VENTRICULAIRE .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 • Informations écho-anatomiques nécessaires au chirurgien • Y a-t-il des formes de canal atrio-ventriculaire redoutées par le chirurgien ? • Obstructions gauches dans les canaux atrio-ventriculaires • Fuites post-opératoires de la valve A-V gauche et reprises opératoires 5. HÉTÉROTAXIES : LES FONDAMENTAUX .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 • La polarité cranio-caudale du cœur : de la drosophile à l’homme • Génétique humaine des hétérotaxies • Les syndromes d’hétérotaxie sont des anomalies de l’asymétrie droite-gauche et non de la symétrie droite-gauche 6. PREMIER ARRANGEMENT DÉSORDONNÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 • Diagnostic antenatal des hétérotaxies • Cardiopathies, gémellité et latéralité • Transpositions des gros vaisseaux et hétérotaxies • Ventricule unique avec valve A-V de canal atrio-ventriculaire 7. SECOND ARRANGEMENT DÉSORDONNÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 • Malformations extracardiaques dans les hétérotaxies • Asplénies • Fistules artério-veineuses pulmonaires • Des escargots et des hommes ORATEURS Philippe ACAR Laurence ISERIN ervice de cardiologie pédiatrique, S Hôpital des Enfants, Toulouse Lindsey ALLAN arris Birthright Fetal Medicine Unit, H King’s College Hospital, London, UK Jean-Marie JOUANNIC Stylianos ANTONARAKIS epartment of Genetic Medicine and Development, D University of Geneva Medical School and University Hospitals, Genève, CH entre de référence national "arthrites juvéniles", C Service d’immunologie, hématologie et rhumatologie pédiatriques, Hôptal Necker, Paris entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique, Hôpital Necker, Paris entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Service de chirurgie cardiaque pédiatrique, Hôpital Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson nité de foeto-pathologie, Service d’histo-embryologie U et de cytogénétique, Hôpital Necker, Paris entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique, Hôpital Necker, Paris aboratoire de cardiogénétique, Centre de Biologie et L Pathologie Est, Hôpitaux de Lyon, Lyon Marthe GAUTIER 6, rue de Douai 75009 Paris Institute of Biology, Leiden University, The Netherlands Centre for Biodiversity Naturalis, Leiden, NL hildren’s Hospital Boston and Harvard Medical School, C Boston, MA, USA Pascal VOUHÉ Lucile HOUYEL entre de référence de l’hypertension artérielle C pulmonaire sévère et INSERM U999 Service de pneumologie et de soins intensifs, Hôpital de Bicêtre, Université Paris Sud, Le Kremlin Bicêtre Richard VAN PRAAGH Edmund GITTENBERGER entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique, Hôpital Necker, Paris Olivier SITBON Patrice BOUVAGNET entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Service de chirurgie cardiaque pédiatrique, Hôpital Necker, Paris Daniel SIDI Damien BONNET épartement de Pédiatrie, Division de cardiologie D pédiatrique, Policlinico Umberto 1, Università "La Sapienza", Roma, IT Olivier RAISKY Bettina BESSIÈRES entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique, Hôpital Necker, Paris Bruno MARINO Emre BELLI entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique, Hôpital Necker, Paris Unité des cardiopathies congénitales de l’adulte, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris Jérôme LE BIDOIS Fanny BAJOLLE ôle de périnatalité et Centre Pluridisciplinaire Prénatal P de l’Est Parisien, Hôpital Armand Trousseau, Paris Magalie LADOUCEUR Brigitte BADER-MEUNIER entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Unité des cardiopathies congénitales de l’adulte, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Service de chirurgie cardiaque pédiatrique, Hôpital Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson entre de référence des malformations cardiaques C complexes (M3C), Service de chirurgie cardiaque pédiatrique, Hôpital Necker, Paris Stéphane ZAFFRAN aboratoire de génétique médicale et de génomique L fonctionnelle, INSERM UMR_S910, Université d’Aix-Marseille, Faculté de médecine de la Timone, Marseille 1ère JOURNÉE : CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES 1. TRISOMIE 21 ET CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES Marthe GAUTIER a honoré l’ouverture de ce séminaire en faisant le récit de la LONGUE MARCHE DES CHROMOSOMES HUMAINS vers la découverte qu’elle fit de la trisomie 21. centres à expériences différentes. Un service de cardiologie infantile doit ouvrir à Bicêtre où un univers médico-chirurgical à créer m’est ouvert. Une place de chef de clinique est prévue pour mon retour. C’est ainsi qu’en 1955 je pars à Harvard pour un an, quittant amour, famille et patrie. Durant le séjour, tout se passe au mieux. On me demande en plus de m’occuper, à temps partiel et à ma discrétion, d’un laboratoire de culture cellulaire. L’objectif est de cultiver des fragments d’aorte, prélevés au cours d’intervention de patients d’âges différents, pour mesurer la synthèse et la qualité du cholestérol suivant l’âge des subcultures. Expérience imprévue. La technicienne sait tout faire, tout est facile et prêt au congélateur. Je tiens les dossiers, je développe les photos, je m’initie au slang. A l’étage, une énorme bibliothèque où je m’instruis dans de nombreux domaines, sauf en génétique, car mon futur n’est pas là. Retour en France. Plus de place de chef : prise par un autre ! Il ne reste qu’un poste, chez le Professeur Turpin que je ne connais pas. Son centre d’intérêt est la génétique et "l’idiotie mongolienne" dont l’étiologie est encore inconnue, sujet qu’il explore depuis des décennies. Il a autrefois suspecté une anomalie des chromosomes, comme le suggère le mode de transmission, mais sans réussir à le prouver. Une triploïdie a déjà été éliminée par d’autres. Un de ses élèves, stagiaire du CNRS, que je ne connais pas, Jérôme Lejeune, étudie les dermatoglyphes des mongoliens et leur transmission. ENIGME pour moi : leur cardiopathie malformative est presque toujours un canal atrio-ventriculaire complet. On peut s’étonner qu’il ait fallu attendre 1956 avant de connaître le nombre exact des chromosomes humains et 1959 pour aborder à leurs premières anomalies. Il a fallu attendre les progrès de l’optique avec les firmes Zeiss et Leitz vers 1850, puis ceux des naturalistes et botanistes à la fin du XIX e siècle puis 30 ans pour les travaux de Mendel. S’agissant des chromosomes, Nettie Stevens identifie en 1905 les chromosomes X et Y chez le coléoptère; entre 1910 et 1933, les travaux de Morgan sur la drosophile décrivent tous les remaniements de structures et calculent la distance entre les gènes. Tout était dit pour les diptères. La cytogénétique humaine fut plus laborieuse : en 1912, Hans von Winivarter estime que le nombre de chromosomes est de 47; en 1921, Painter trouve le chromosome Y chez les mammifères mâles1. Dès lors, on estime à 48 le nombre de chromosomes dans les cellules diploïdes et il faut attendre 1956 pour que Tijo et Levan à Lund (Figure 1.1) établissent avec certitude que l’espèce humaine est dotée de 46 chromosomes2,3. Mais le "Patron" revient tout juste d’un congrès. Révolution : le nombre de chromosomes de l’espèce humaine est 46 et non 48 et la technologie nécessite une culture cellulaire. Une nouvelle voie d’exploration est ouverte, mais considérée comme difficile à réaliser en France. Je pense le contraire et propose de m’en charger, à condition d’avoir un local avec points d’eau. Je ne demande rien d’autre. Aucun crédit de fonctionnement ne m’est alloué. Un ancien laboratoire de routine est libre. On me regarde avec "des yeux ronds", dubitatifs. Pourtant ce n’était pas une boutade. Seule, je monte un labo de fortune (Figure 1.2). De temps en temps, l’assistant du service vient voir, un peu goguenard, en éclaireur, ce qu’est un tube de culture d’embryon de poulet. Il ne faut pas oublier que nous sommes alors à l’hôpital Trousseau, à l’ère où l’on sonne la cloche quand la voiture du Professeur conduite par son chauffeur franchit la grille. Figure 1.1 : Plaque commémorative en hommage à J.H. Tijo et A. Levan à Lund (Suède) Et c’est ici qu’il faut laisser la parole à Marthe : "Après un externat retardé par la guerre et un internat en pédiatrie, je soutiens ma thèse en 1955 chez le Pr Debré : "Contribution à l’étude des formes mortelles du RAA chez l’enfant". Cette affection redoutable est depuis peu l’objet d’un traitement par la cortisone et évitable par la pénicilline à des doses et pendant une durée qui restent à préciser. Une bourse m’est proposée pour aller aux Etats-Unis qui ont de nombreux il faut d’autres cas. Entre temps, un vrai labo s’est installé avec une technicienne AP, car je suis assistant en cardiologie infantile et je dois aussi gagner ma vie. Je numérise les chromosomes au microscope, mais je n’ai pas de photo-microscope. Lejeune, qui fréquente alors le laboratoire, me propose de faire faire les photos ailleurs. J’acquiesce, il prend les lames… Je ne verrai pas les photos, sauf bien plus tard. J’ai su ultérieurement qu’elles auraient été prises au Danemark où JL passait ses vacances dans la famille de son épouse. Le chromosome surnuméraire est de petite taille, il sera ultérieurement baptisé 21. JL a fréquenté des congrès aux Etats-Unis et diffusé la nouvelle, d’abord accueillie avec un certain scepticisme… Le temps passe et je me demande pourquoi on tarde tant à publier. Mystère ! La peur de l’erreur… Pendant ce temps, on apprend que le caryotype du syndrome de Klinefelter va être publié par Patricia Jacobs4… Enfin, un samedi midi, sans que j’aie été prévenue de sa rédaction, JL me montre un papier devant être publié le lundi suivant 29 janvier 1959 à l’Académie des Sciences 5*. Je vois le titre et les signataires : stupeur ! Je suis en second… et JL en premier. J’ai su ultérieurement que cette manœuvre politique calculée avait pour but de confier à JL une chaire de génétique à créer, ce qui fut fait. En tant que CNRS, JL peut voyager facilement aux Etats Unis. Il va dans tous les congrès et établit ainsi SA notoriété, si bien qu’il accepte le Prix Kennedy sans me le faire partager !!! LE GRAND BRICOLAGE Le milieu nutritif BBS Extraits embryonnaires 11 jours Les cultures Fibroblastes (fascia lata) Le plasma de coq Pas de colchicine ni d'antibiotiques, son propre sérum Et toute la verrerie... Pas de squash : choc hypotonique et séchage Figure 1.2 : Le laboratoire de fortune de Marthe Gautier en 1957 Bref, j’ai un local, une étuve, une centrifugeuse, un frigidaire et un vieux microscope de routine, déniché en haut de l’armoire, un tabouret un peu cassé, mais de l’eau, du gaz pour le précieux bec Bunsen qui assure la stérilité. Je commence à inspirer confiance. J’ai peu de temps devant moi, car de nombreuses équipes internationales entrent en compétition dans la course aux anomalies, surtout dans le domaine des anomalies sexuelles3 et ceci en Angleterre. II faut que je réussisse, que je ne me trompe à aucun niveau, et pour cela, que je travaille le plus écologiquement possible pour n’introduire aucune source d’erreur dans le nombre ou la qualité. Travailler sur du verre neutre, laver avec du savon de Marseille, rincer à l’eau distillée sur verre. Il n’y a pas de sérum de veau embryonnaire dans le commerce; plutôt que d’aller dans les abattoirs, des œufs embryonnés me sont gracieusement fournis tous les samedis par un technicien de l’Institut Pasteur. Le chicken plasma ? J’achète un coq à la campagne, il est logé-nourri dans le jardin d’une de mes infirmières à l’hôpital même : il se permet, dans les nuits d’été, des cocoricos retentissants au grand dam de l’interne de garde. Le sérum humain, c’est le mien, toujours disponible. Je ne veux pas utiliser de colchicine : je ne la connais pas…J’en ai peur. Je bénéficie des récentes améliorations techniques2 avec le "choc hypotonique". Les témoins me sont fournis par le service de chirurgie à l’étage. Les cultures poussent et les mitoses témoins (dont les miennes) ont bien 46 chromosomes, même après des mois de subcultures. La machine est en route. Je n’étais pas armée, ni décidée à passer ma vie à faire dans un laboratoire un catalogue de toutes les malformations. Mon chemin clinique prévu de cardio-pédiatre me fascine plus que jamais. L’heure avait sonné de l’assumer. Chemin faisant, je réussis le concours d’assistanat, mais pas le médicat, encore rarement accordé aux femmes." * Cerise sur le gâteau, mon nom est orthographié "Marie GAUTHIER" sur le tiré à part. Trop c’est trop. Reste à étudier des tissus de mongoliens. Il me faut attendre au moins deux mois avant de les obtenir. Je veux du tissu conjonctif de fascia lata, mais le Patron tarde à demander l’autorisation de prélèvement aux parents. Enfin, en 1958, j’obtiens UN prélèvement et je vois 47 chromosomes dans les mitoses. Mais Figure 1.3 : Plaque commémorative posée à l’hôpital Trousseau de Paris en 2009 lors du cinquantenaire de la découverte de la trisomie 21 à l’ensemble du génome eQTLs. On a ainsi identifié une paire d’eQTL interagissant sur les chromosomes 21 et 11. De plus, une recherche de CNV du chromosome 21 à risque de malformation cardiaque a été conduite à l’aide d’une batterie de sondes personnalisées couvrant le chromosome 21 chez 55 patients trisomiques avec cardiopathies et 53 contrôles, ce qui a conduit à identifier deux régions à CNV (risque relatif = 0,04) situées dans la région précédemment associée au risque de cardiopathie congénitale dans le mongolisme et une autre région à CNV (risque relatif = 0,03) en amont du gène POFUT2. Références (L’ensemble de l’histoire de la cytogénétique humaine se trouve dans l’excellent livre de Peter Harper3.) 1. Painter TS. The Y chromosome in mammals. Science 1921; 53:503-4. 2. Tijo JH, Levan A. The chromosome number of man. Hereditas 1956; 42:1-6. 3. H arper PS. First years of human chromosomes. The beginnings of human cytogenetics. 2006, Scion Publishing Ltd, Banbury, UK. 4. Jacobs PA, Strong JA. A case of human intersexuality having a possible XXY détermination mecanism. Nature 1959; 183:302-3. 5. Lejeune J, Gauthier M, Turpin R. Les chromosomes humains en culture de tissus. CR Acad Sci. R 1959; 248:1721-2. D’où la proposition que le risque de cardiopathie congénitale dans la trisomie 21 soit déterminé par des variations spécifiques de polymorphismes génétiques et de CNV sur le chromosome 21 et l’interaction de variants génomiques non-chr21. Dans un second temps mais sans quitter le domaine de la génétique approfondie, Stylianos ANTONARAKIS a abordé le problème des liens entre CHROMOSOME 21 ET CARDIOPATHIES et, plus généralement, celui des déterminants génétiques des cardiopathies congénitales dans la trisomie 21, en sachant que 40% des patients affectés de cette aneuploïdie le sont aussi d’une malformation cardiaque. Certes, le fait d’avoir trois exemplaires de gènes ou d’autres éléments génomiques sur le chromosome 21 accroît le risque de survenue d’une cardiopathie congénitale, mais la trisomie 21 en soi ne suffit pas à la causer. D’autres variations génétiques et/ou facteurs d’environnement pourraient aussi contribuer au risque de cardiopathie. Ce sont des études d’association qui sont résumées ici : elles visent à identifier les variations génomiques qui, conjointement à la trisomie 21, déterminent le risque de cardiopathies congénitales chez les sujets mongoliens. La GÉNÉTIQUE CLINIQUE DES CANAUX ATRIOVENTRICULAIRES a été abordée par Bruno MARINO qui a rappelé que le canal atrio-ventriculaire (CAV) représente environ 7,4% de toutes les malformations cardiaques congénitales 1 . D’un point de vue pathogénique, les patients qui en sont atteints peuvent être classés en trois groupes2 : ceux associés à une trisomie 21 (45% des cas), ou à d’autres syndromes génétiques (30%) et ceux qui n’ont qu’un canal atrio-ventriculaire isolé non syndromique (25%). Ces données soulignent l’impact considérable des facteurs génétiques dans cette cardiopathie et son hétérogénéité génétique2 (Figure 1.4). L’étude-contrôle de tout le génome ici rapportée a enrôlé 187 patients trisomiques 21 atteints d’une cardiopathie congénitale (canal atrio-ventriculaire dans 69 cas, communication inter-auriculaire dans 53 cas et communication interventriculaire dans 65 cas) comparés à 151 trisomiques sans cardiopathie. L’étude d’association spécifique du chromosome 21 a montré que rs2832616 et rs1943950 (tous deux cis-eQTLs pour le gène KRTAP7-1) étaient des allèles de risque de cardiopathies congénitales (p ajusté < 0,05). De plus, rs21833593 et rs7282991 (tous deux cis-eQTLs pour le gène ADARBI) se sont révélés des facteurs de risque de communication inter-auriculaire. Dans la mesure où le mongolisme est probablement un trouble d’expression génique, une interaction entre deux loci a été appliquée Figure 1.4 : Canaux atrio-ventriculaires et syndromes (D’après Digilio MC2) Down S = prévalence dans la trisomie 21. Other S = prévalence dans d’autres syndromes. Non S = prévalence en l’absence de syndrome. Le CAV de la trisomie 21 est particulier. Il est bien connu que les CAV des patients eusomiques comportent une prévalence d’anomalies obstructives gauches comme des anomalies de la valve mitrale, une hypoplasie du ventricule gauche, une sténose sous-aortique, une coarctation de l’aorte3-5. À l’inverse, le trisomique semble protégé de ces anomalies associées 3-6, comme il l’est d’autres anomalies du situs viscéral et de la boucle ventriculaire ainsi que de la transposition des gros vaisseaux6,7. Le phénotype cardiaque spécifique du CAV de la trisomie 21 associe un canal atrio-ventriculaire complet, des ventricules bien équilibrés et, parfois, une tétralogie de Fallot6-8. Il est de plus intéressant de noter qu’il y a des prévalences différentes de cardiopathies selon les populations de trisomiques : CAV chez les caucasiens, mais communication interventriculaire chez les sudaméricains et les asiatiques. Sur 150 cas de ce groupe de syndromes, 13 (9%) avaient un CAV. La majorité avaient une mutation dans PTPN11, gène le plus important de ces syndromes, et la présence d’un CAV était constamment liée à des mutations dans les exons 2 et 3. Le phénotype spécifique des CAV des Ras-opathies est un CAV partiel, éventuellement associé à des anomalies de la valve mitrale qui peuvent être à l’origine d’une obstruction sous-aortique par tissu accessoire fibreux ou insertions anormales 20,21 . Ce type d’anomalies rappelle celles qu’on observe dans les cardiomyopathies hypertrophiques, de telle sorte qu’un mécanisme de développement anormal du myocarde ventriculaire gauche et de la valve mitrale participe peut-être à la pathogénie de la cardiopathie de ces patients. Dans l’éventail malformatif des défauts de latéralisation (hétérotaxies), la place du CAV est bien connue et cette association compte pour près de 25% de tous les cas de CAV2. Asplénie et polysplénie partagent des caractéristiques cardiaques : oreillette unique, veines supérieures bilatérales, sinus coronaire "à ciel ouvert", boucle ventriculaire variable. Dans l’asplénie, le CAV est complet et on trouve encore un retour veineux pulmonaire anormal total, une dominance ventriculaire droite, une transposition des gros vaisseaux ou un ventricule droit à double issue, une sténose ou atrésie pulmonaire22. Au contraire, la polysplénie est habituellement affectée d’un CAV partiel, d’une interruption de la veine cave inférieure avec continuation azygos, de ventricules équilibrés et de gros vaisseaux en relation normale23. On connaît aussi un sous-type spécifique de CAV dans le syndrome d’hétérotaxie avec asplénie, où la valve atrio-ventriculaire a un aspect primitif avec réduction du nombre et dysplasie des valvules et des piliers24. Il peut y avoir une récurrence familiale dans les CAV non-syndromiques, ce qui suggère une possible ségrégation des mutations géniques héréditaires autosomiques dominantes. Des analyses de liaison dans ces familles ont montré que le chromosome 21 n’était pas impliqué. Ces résultats sont en accord avec les différences du phénotype des CAV des trisomiques et des non-trisomiques et ont ouvert la voie à la recherche de gènes impliqués dans la pathogénie des CAV des non-trisomiques, familiaux mais aussi sporadiques. Au cours des dernières années, deux gènes ont été identifiés dans quelques cas de CAV non-syndromiques : CREDL 9,10 et GATA4 10,11. Il est intéressant de noter que ces deux gènes sont dans la voie du développement gauche-droite. Les observations anatomiques et les données chirurgicales apprennent qu’en dépit de problèmes immunologiques et respiratoires, la trisomie 21 n’est pas un facteur de risque opératoire ni dans les formes partielles12 ni dans les formes complètes13 de CAV, mais qu’au contraire elle protège des risques de la chirurgie : la mortalité est moins élevée et les complications sont moins sérieuses que chez les enfants eusomiques12,13. Bien plus, la fonction cardiaque et pulmonaire postopératoire est adéquate chez les trisomiques et autorise une activité sportive contrôlée14,15. Au cours des dernières années, beaucoup de gènes, exprimés asymétriquement dans les phases précoces du développement et impliqués dans les mécanismes de latéralisation, ont été identifiés. Chez l’homme, les premières mutations de CRIPTIC et de NODAL ont été rapportées chez des patients en hétérotaxie avec asplénie25. La délétion terminale du bras court du chromosome 8 (del8p) est l’anomalie chromosomique la plus fréquemment en cause après la trisomie 21 dans le CAV26 et le nombre de patients atteints s’accroît parallèlement avec l’amélioration de la reconnaissance clinique du phénotype et aux progrès des techniques de génétique moléculaire et de cytogénétique27 qui permettent de dépister de petits déséquilibres. Le gène GATA4 qui se situe dans la région 8p23.1 est souvent délété chez ces patients et c’est l’un des gènes candidats à la cardiopathie de ce syndrome28. Le CAV est très fréquent chez les enfants del8p : 40% des cas. Le phénotype cardiaque associe une forme complète de CAV, avec parfois une tétralogie de Fallot mais aussi à une dextrocardie et des anomalies des retours veineux systémique et pulmonaire, ce qui n’est pas sans rappeler le phénotype cardiaque des hétérotaxies. À côté de la trisomie 21, d’autres affections génétiques incluent un CAV dans leur catalogue malformatif2 et vont maintenant être abordés. Le syndrome de Noonan et les affections qui lui sont liées comme le syndrome LEOPARD, le syndrome cardio-facio-cutané et le syndrome de Costello, sont dus à des mutations de différents gènes participant à la voie de signalisation RAS, d’où leur regroupement sous le nom de Ras-opathies. Le CAV arrive en troisième rang de fréquence des cardiopathies de ces patients après la sténose valvulaire pulmonaire et la cardiomyopahie hypertrophique16-21. La délétion du bras court du chromosome 3 (del3p) est aussi constamment associée à une forme en général complète de CAV29,30. Une molécule d’adhésion cellulaire codée par CREDL1 a été proposée comme candidat probable du CAV dans ce syndrome en raison de sa position dans la région délétée. On notera que tout comme GATA4, CREDL1 fait partie de la voie génétique des défauts de latéralisation et que les mutations de ces gènes ont été identifiés dans un petit nombre de CAV non-syndromiques9,10. On peut dès lors suggérer un lien possible entre CREDL1, delp3 et des défauts de latéralisation. montré que les gènes responsables du syndrome orofacio-squelettique et du syndrome d’Ellis-van Creveld sont impliqués dans la formation des cils et dans la spécification de l’axe gauche-droite par contribution à la signalisation Hedgehog39-42. Les souris transgéniques ont le phénotype des syndromes de polydactylie mais également des défauts de latéralisation et des anomalies de la boucle ventriculaire, ce qui confirme les observations initiales sur les similitudes entre l’anatomie cardiaque des syndromes de polysplénie et de polydactylie. On voit ainsi que l’observation d’un phénotype peut aider à comprendre les regroupements et les divisions de conditions génétiques, puis guider et précipiter des découvertes moléculaires. Les syndromes CHARGE-VACTERL sont tous deux de nature génétique et significativement associés à des CAV. Le phénotype cardiaque spécifique du syndrome CHARGE comporte un CAV complet souvent associé à une tétralogie de Fallot, et celui du syndrome VACTERL se superpose en partie avec l’hétérotaxie puisqu’il décline un CAV complet, une tétralogie de Fallot et une dextrocardie. En conclusion, il est évident qu’au moins pour certaines catégories de CAV, les mécanismes pathogéniques sont les mêmes puisque l’hétérotaxie et certains syndromes génétiques ont le même phénotype cardiaque et quelques chevauchements génétiques. Les syndromes del8p, del3p, CHARGE et VACTERL chevauchent aussi un peu avec l’asplénie tandis que les syndromes de polydactylie ont plus d’une similitude avec la polysplénie (Figure 1.5). Le CAV est le phénotype cardiaque commun qui réunit tous ces syndromes43. Le CAV a été décrit dans quelques syndromes de polydactylie post-axiale comme le syndrome d’Ellisvan Creveld, le syndrome oro-facio-squelettique et les syndromes de Bardet-Biedl et de Smith-LemliOpitz 31-37 . Ces affections ont en commun des phénotypes cardiaques spécifiques associant oreillette unique, CAV partiel, veine cave supérieure bilatérale et sinus coronaire à ciel ouvert31. La similitude avec la morphologie du cœur de l’hétérotaxie avec polysplénie suggère une similitude de voie génétique33. La reconnaissance du "second champ cardiaque" a été la découverte la plus importante de ces dernières années en embryologie cardiaque et elle permet aujourd’hui d’éclairer d’un jour embryologique et génétique nouveau les anomalies de la voie de sortie du cœur et la jonction entre ventricules et gros vaisseaux. Comme le CAV est la jonction entre les ventricules et le segment viscéro-atrial, on peut affirmer que la partie dorsale du second champ cardiaque est nécessaire au développement complet de la partie d’admission du cœur. C’est probablement pourquoi beaucoup de CAV sont liés à des hétérotaxies et des défauts de latéralisation. Le recours au clonage positionnel et la contribution de cas personnels ont permis de découvrir que le gène EVC était muté chez la plupart des patients atteints de syndrome d’Ellis-van Creveld38, et des études expérimentales chez la souris ont récemment Figure 1.5 : Phénotype et classification pathogénique des canaux atrio-ventriculaires AVC = canal atrio-ventriculaire 13. Formigari R, Di Donato RM, Gargiulo G, Di Carlo D, Feltri C, Picchio, FM, Marino B. Better surgical prognosis for patients with complete atrioventricular septal defect and Down’s syndrome. Ann Thorac Surg 2004; 78:666-72. 14. R usso MG, Pacileo G, Marino B, Pisacane C, Calabro P, Ammirati A, Calabro R. Echocardiographic evaluation of left ventricular systolic function in the Down syndrome. Am J Cardiol 1998; 81:1215-7. 15. Pastore E, Marino B, Calzolari A, Digilio MC, Giannotti A, Turchetta A. Clinical and cardiorespiratory assessment in children with Down syndrome without congenital heart disease. 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L’espérance de vie de ces patients a nettement augmenté ces dernières décennies pour passer de 12 ans en 1940 à 60 ans de nos jours, bien que la mortalité infantile et néonatale soit 5 à 8 fois plus importante que celle de la population générale, précisément à cause des cardiopathies congénitales. L’incidence de ces dernières est de 45 à 50%, canal atrio-ventriculaire surtout (45%), puis communication interventriculaire (35%) et communication inter-auriculaire (10%). La tétralogie de Fallot et le canal artériel concernent 10% des cardiopathies associées à la trisomie 21. Chez l’adulte trisomique, l’incidence des cardiopathies congénitales est moins importante, estimée à 33% aux Pays Bas1, inconnue en France. Aujourd’hui dans la plupart des pays développés, les nouveau-nés trisomiques 21 ont systématiquement un bilan cardiologique pour rechercher une cardiopathie congénitale, mais cette recommandation n’est appliquée que depuis 1980. De plus, il est étonnant de constater que 17% des patients mongoliens vivant en Institutions 11 ont une cardiopathie non diagnostiquée dont un quart nécessitant des soins en semi-urgence. de Fallot, de canaux artériels, de coarctations ou de dysplasies valvulaires aortiques isolées. Une réparation chirurgicale a été faite dans 36% des cas mais 55% n’ont pas été réparés et ont évolué vers un syndrome d’Eisenmenger. Les 9% restants avaient des cardiopathies mineures ne justifiant aucun traitement. Le taux de mortalité globale lié à la cardiopathie est de 16,3% après l’âge de 15 ans. De façon non surprenante, les patients Eisenmenger ont un taux de survie plus bas (73%) que les patients réparés (95%, p = 0,05). Bien qu’on ne connaisse pas les résultats de la réparation du canal atrio-ventriculaire chez l’adulte, une série pédiatrique2 fait état d’une survie actuarielle à 12 ans après l’opération de 94% chez les trisomiques 21 contre 86% chez les patients à caryotype normal. Un déséquilibre ventriculaire, plus fréquent chez les eusomiques, est le principal facteur de cette différence de pronostic. De même, les eusomiques accusent une plus forte mortalité après chirurgie palliative en cas de CAV déséquilibré et un plus grand risque de réintervention que chez les normaux en raison d’une prévalence beaucoup plus élevée d’anomalies de la valve mitrale ou de la voie d’éjection ventriculaire gauche. Il est fort possible que ces résultats perdurent dans une population d’adultes. Les canaux atrio-ventriculaires opérés dans ce groupe avaient un âge moyen de 23,7 ans et il s’agissait surtout de formes complètes dont 6 avec une tétralogie de Fallot ou des ventricules déséquilibrés. Les complications ont été rares en dehors de la nécessité de pose d’un pacemaker pour BAV complet postopératoire (15%). Une fuite mitrale de bas grade (I-II) n’est notée que chez 18% des patients. Il n’y a pas eu d’hypertension artérielle du fait d’une bonne sélection hémodynamique préopératoire. La seule cause de décès est l’endocardite, retrouvée chez 12% des opérés. Enfin, si le taux de survie post-opératoire est le même chez les trisomiques et les eusomiques (n=50; p=0,4), l’incidence des complications est très supérieure chez les eusomiques (70% vs. 40%, p < 0,02) qui sont beaucoup plus souvent réopérés sur la valve mitrale, font presque toujours des troubles du rythme surtout ventriculaires, des morts subites ou une insuffisance cardiaque grave conduisant à la transplantation. Ainsi, le patient trisomique atteint de canal atrio-ventriculaire doit bénéficier d’une réparation chirurgicale en raison d’une nette amélioration de sa survie au prix d’un taux faible de complications. La survie des patients trisomiques avec shunt intracardiaque non réparé ayant conduit à un syndrome d’Eisenmenger vient de faire l’objet d’une importante publication 3. L’évolution est la même que chez les patients à caryotype normal et l’âge moyen de survie dans les deux groupes est de 44,5 ans. Leur prise en charge ne diffère pas non plus mais, pour l’heure, l’intérêt du bosentan n’a pas fait ses preuves4. La prévalence des valvulopathies est estimée entre 10 et 45% chez le trisomique adulte et augmente avec l’âge. Il s’agit essentiellement de prolapsus valvulaire mitral mais aussi d’insuffisance aortique isolée, de type II selon la classification de Carpentier 1,5,6, peut-être à cause d’anomalies du collagène liées à une surexpression du chromosome 21 et de la localisation sur le chromosome 21 de gènes codant les chaines a-1 et a-2 du collagène de type VI prédominant dans le cœur fœtal du trisomique 21. Le syndrome d’Eisenmenger de l’adolescent et de l’adulte trisomique est affecté d’un taux de survie significativement diminué par rapport à l’eusomique (Figure 1.6) : 50% vs. 66% à 40 ans, en raison essentiellement de la cardiopathie congénitale complexe qu’est le CAV (86% chez les trisomiques vs. 61 % chez les eusomiques) et cette différence de taux de survie entre cardiopathies complexes et simples est bien connue14. La première cause de décès est la mort subite (40%), suivie de l’insuffisance cardiaque (25%) et des accidents vasculaires cérébraux (15%). Suivent les hémorragies et les infections. Les complications liées à la cardiopathie sont rares (10% d’insuffisances mitrales de faible grade) et les autres complications sont liées à la cyanose du shunt droite-gauche : thrombo-embolies, hyperuricémie et crises de goutte, hémoptysies, hyperviscosité. Un essai de traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire par vaso-dilatateurs spécifiques a été introduit chez 13 des 31 patients de la série Necker-HEGP avec une une amélioration du périmètre de marche dans 5 des 6 cas testés. Nombre de facteurs de risque cardiovasculaire affectent les mongoliens : déficit intellectuel, vie en Institution, surpoids dans 31 à 47% des cas, anomalie du métabolisme lipidique. Pourtant ces patients sont connus comme des modèles échappant à l’athérosclérose7. De plus, le tabac et l’hypertension artérielle sont rares et le taux de mortalité d’origine coronarienne n’est que de 3,9% contre 24 à 28% pour les leucémies8. Une surexpression de facteurs protecteurs de l’athérosclérose9-11, comme le gène de la cystathioninebéta synthétase qui code une protéine diminuant le taux d’homocystéine et, partant, celui des coronaropathies, joue peut-être aussi un rôle favorable12,13. L’analyse des données personnelles porte sur une population de 129 patients trisomiques 21 de ≥15 ans, avec cardiopathie congénitale et suivis par le Centre de Référence M3C (Necker, HEGP, Marie-Lannelongue). Le sex-ratio est de 1,2 (H/F). L’âge moyen est de 24,6 ± 7,1 ans (15-45). Les cardiopathies sont des canaux atrio-ventriculaires (75%), des communications interventriculaires (19%) et une minorité de tétralogies Les comorbidités extracardiaques ne sont pas rares dans la trisomie 21 de l’adulte, à commencer par les cancers (leucémies, cancer du testicule) qui multiplient par quatre la mortalité de ces patients. Après 40 ans, 12 A B Figure 1.6 : Courbes de survie du syndrome d’Eisenmenger (patients de > 15 ans) A : Comparaison des trisomiques (T21) et des non-trisomiques (nl) B : Comparaison des eusomiques (Nl) à cardiopathie congénitale (CC) simple et complexe, et des trisomiques (T21) à cardiopathie congénitale simple et complexe 36 à 66% des patients sont atteints de démence, un certain nombre sont touchés par des pathologies respiratoires, des syndromes d’apnée du sommeil dont on sait qu’ils peuvent aggraver l’hypertension artérielle pulmonaire. L’hypothyroïdie, plus que l’hyperthyroïdie, doit être systématiquement recherchée. L’obésité, fréquente chez ces patients, doit être surveillée. La cataracte, l’ostéoporose et les troubles de croissance sont plus rares mais méritent d’être connus. 5. Pueschel SM, Werner JC. Mitral valve prolapse in persons with Down syndrome. Res Dev Disabil 1994; 15:91-7. 6. Geggel RL, O’Brien JE, Feingold M. 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Le canal atrio-ventriculaire est la cardiopathie congénitale la plus fréquente dans cette population et doit être réparée dans l’enfance, étant donnés les bons résultats chez le patient adulte et la gravité du syndrome d’Eisenmenger en cas d’abstention. Il faut améliorer le suivi et l’accès aux soins de ces patients et les traiter comme des eusomiques. Références 1. Vis JC, de Bruin-Bon RH, Bouma BJ, Huisman SA, Imschoot L, van den Brink K, Mulder BJ. Congenital heart defects are under-recognised in adult patients with Down’s syndrome. Heart 2010; 96:1480-4. 2. Formigari R, Di Donato RM, Gargiulo G, Di Carlo D, Feltri C, Picchio FM, Marino B. Better surgical prognosis for patients with complete atrioventricular septal defect and Down’s syndrome. Ann Thorac Surg 2004; 78:666-72. 3. Troost E, Van De Bruaene A, Lampropoulos K, Post M, Gewillig M, Moons P, Delcroix M, Budts W. The outcome of Eisenmenger patients with trisomy 21 does not differ from patients without trisomy 21. 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EMBRYOLOGIE ET ANATOMIE DES CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES La séance morphologique s’est ouverte sur L’EMBRYOLOGIE DES CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES et c’est bien entendu Lucile HOUYEL qui s’est chargée de cette mise au point en commençant par donner du terme canal atrio-ventriculaire (CAV) une triple définition : 1/ anatomique : zone de jonction entre les oreillettes et les ventricules, composée des valves auriculoventriculaires (AV), de la partie basse du septum inter-auriculaire (septum vestibulaire) et de la partie inférieure du septum interventriculaire (septum d’admission); 2/ pathologique : la cardiopathie congénitale "CAV" associe une jonction AV commune (un seul anneau), une communication inter-auriculaire type ostium primum et une comminication interventriculaire d’admission; 3/ e mbryologique : l’ensemble de cette jonction s’organise autour du mésenchyme des bourgeons endocardiques du canal atrio-ventriculaire. endocardiques, relie l’oreillette commune au seul ventricule gauche en développement. Il n’y a pas à ce stade de connexion entre la partie droite de l’oreillette commune et le futur ventricule droit, encore très rudimentaire. En même temps que la croissance du ventricule droit à partir des myocytes du second champ cardiaque antérieur, la continuité oreillette droite – ventricule droit va s’établir progressivement à partir du myocarde de la partie dorsale de l’anneau primitif, entre courbure interne et CAV. Cet "entonnoir tricuspidien" va croître vers le bas, vers l’avant et vers la droite, entraînant avec lui la partie droite du mésenchyme des bourgeons endocardiques du CAV, qui tapisse l’entonnoir myocardique et formera la tricuspide par délamination (disparition du myocarde) en même temps que les bandes musculaires du ventricule droit (bande modératrice, pilier antérieur de la tricuspide, bande septale). Les trois feuillets de la valve tricuspide sont donc d’origine à la fois musculaire et mésenchymateuse (Figure 2.1). La septation normale du canal atrio-ventriculaire comprend trois séquences : En revanche, le feuillet antérieur de la mitrale est d’origine exclusivement mésenchymateuse, se trouvant d’emblée séparé du septum interventriculaire par la rotation de la valve aortique qui s’encastre entre les valves AV (wedging) et l’établissement de la continuité mitro-aortique. Seul le feuillet mural est, comme la tricuspide, d’origine mixte et se forme par 1. Formation des valves auriculo-ventriculaires Au stade le plus précoce du développement cardiaque, immédiatement après la boucle (loop), le CAV, constitué du mésenchyme des bourgeons Figure 2.1 : Établissement de la connexion auriculo-ventriculaire droite et formation de la valve tricuspide AV = canal atrio-ventriculaire primitif. CT = cono-truncus. O = oreillette commune. VD = futur ventricule droit. VG = ventricule gauche. 1 = anneau primitif. 2 = courbure interne de la boucle. 3 = BM = bande modératrice. 4 = BS = bande septale. 15 délamination. La continuité mitro-aortique s’établit par disparition (absorption) de la partie gauche de la courbure interne (conus embryologique). Une partie de ce conus sous-aortique peut persister dans le ventricule gauche, constituant le muscle antéro-latéral anomal du ventricule gauche ou muscle de Moulaert, présent dans environ 30% des cœurs normaux. le bas et de l’épine vestibulaire vers l’avant, et par la fusion des bourgeons atrio-ventriculaires (Figure 2.2). L’alignement de ces trois éléments aboutit, à sept semaines de vie intra-utérine, à la fermeture définitive de l’ostium primum. Cette zone mésenchymateuse va ensuite se musculariser, par invasion du mésenchyme par les cellules myocardiques avoisinantes, créant ainsi le rebord antéro-inférieur de la fosse ovale, musculaire, que l’on pourrait appeler "septum vestibulaire"3. 2. Formation du septum vestibulaire Au début de la cinquième semaine de vie intrautérine, à la partie médiane du toit de l’oreillette primitive, se développe le septum inter-auriculaire primitif, en forme de croissant (Figure 2.2). A la partie postérieure de l’oreillette primitive se situe le mésocarde dorsal, encore appelé "protrusion mésenchymateuse dorsale"1 ou "épine vestibulaire"2, dérivée du second champ cardiaque postérieur. La partie libre (inférieure) du septum inter-auriculaire primitif est recouverte d’une capsule de tissu mésenchymateux, considérée comme l’extension antéro-postérieure de l’épine vestibulaire. A sa partie antérieure, cette capsule mésenchymateuse est en continuité avec le bourgeon endocardique antéro-supérieur du CAV, structure également mésenchymateuse. Avant la fermeture de l’ostium primum, des fenestrations apparaissent par apoptose à la partie supérieure du septum inter-auriculaire primitif. Leur coalescence crée l’ostium secundum ou foramen ovale (Figure 2.2). Le septum secundum apparaît plus tardivement (huit semaines de vie intra-utérine) par invagination du toit de l’oreillette, à droite du septum primum. L’apport du second champ cardiaque postérieur au développement des oreillettes est donc crucial : septation auriculaire (épine vestibulaire), tunnel pour la veine pulmonaire commune (oreillette gauche), valves veineuses (oreillette droite). 3. Formation du septum d’admission La partie postéro-inférieure du septum interventriculaire ou septum d’admission se forme grâce à la fusion des bourgeons endocardiques du CAV. Ce septum est donc d’origine mésenchymateuse et va se musculariser secondairement. L’ensemble de ces éléments mésenchymateux (épine vestibulaire, bord libre du septum inter-auriculaire primitif, bourgeons endocardiques du CAV) délimite le foramen inter-auriculaire primitif ou ostium primum (Figure 2.2). Ces éléments vont converger, par croissance du septum inter-auriculaire primitif vers Figure 2.2 : Éléments contribuant à la formation du septum inter-auriculaire 16 Les concepts sur la morphogenèse du CAVmalformation ont évolué : on pensait auparavant que le CAV était dû à un défaut de fusion des bourgeons endocardiques, d’où le terme endocardial cushion defect. Le concept actuel est que le CAV résulte d’une anomalie de formation de la jonction auriculoventriculaire dans son ensemble par défaut de septation AV (atrioventricular septal defect), auquel s’ajoute la valve AV commune. Le développement de la jonction atrio-ventriculaire est, en effet, un phénomène complexe qui peut être perturbé par plusieurs mécanismes, ce qui aboutit au CAV "malformation"4 : anomalie mésenchymateuse, anomalies myocardiques, malalignement des septa inter-auriculaire et interventriculaire. 2. L e défaut myocardique résulte d’une anomalie de formation des bourgeons endocardiques à laquelle le myocarde contribue par l’envoi de signaux susceptibles d’induire la transformation épithélio-mésenchymateuse. D’autre part, la muscularisation (invasion du mésenchyme par les cellules myocardiques) est nécessaire à la formation du septum vestibulaire et du septum d’admission. De nombreux modèles animaux, comme les souris dont les gènes GATA4, FOG2, Tbx5, Tbx1 ont été inactivés, incluent dans leur phénotype un CAV par défaut de muscularisation de la jonction AV. 3. Enfin, le défaut d’alignement des septa inter-auriculaire et interventriculaire, tel qu’il peut se produire dans les anomalies de latéralisation gauche-droite (anomalies de la boucle, syndromes d’hétérotaxie), peut aboutir à un CAV. Ce dernier est présent dans 96% des asplénies et 45% des polysplénies nous dira plus loin Richard Van Praagh (voir p. 49). La précocité de la survenue de ces anomalies dans le développement cardiaque explique leur association fréquente à d’autres anomalies "primitives" : ventricule droit à double issue, hypoplasies ventriculaires, anomalies des retours veineux. Plusieurs modèles animaux avec déficience des gènes de latéralité reproduisent ces phénotypes : isomérisme gauche chez la souris Shh-/- 8, isomérisme droit chez la souris Pitx2c-/-9. 1. Le défaut mésenchymateux fait intervenir au premier chef l’épine vestibulaire dont le rôle dans la fermeture de l’ostium primum et donc la septation normale de la jonction AV a été mis en évidence chez l’embryon de souris et chez l’embryon humain trisomique 21. On a constaté chez ce dernier une nette diminution de la taille de l’épine vestibulaire, un défaut de muscularisation, un défaut de fusion des bourgeons endocardiques du canal qui sont néanmoins de taille et d’aspect normaux, et un sous-développement du septum d’admission5. Mêmes constatations chez des embryons murins Shh-/- : le CAV résulterait donc d’un défaut du mésocarde dorsal6 et donc du second champ cardiaque postérieur. Ce dernier participe également à l’incorporation des veines pulmonaires à l’oreillette gauche et à la formation des valves veineuses dans l’oreillette droite7. Les conséquences anatomiques de l’embryologie du CAV sont nombreuses (Figure 2.3), mais toutes les formes ont en commun une jonction auriculoventriculaire commune avec une valve AV à cinq feuillets, dont deux bridging leaflets ou hémivalves Figure 2.3 : Septation auriculoventriculaire : les différents types de CAV À gauche, cœur normal : la partie postérosupérieure du septum interventriculaire sépare en fait le ventricule gauche de l’oreillette droite et les deux orifices auriculo-ventrioculaires sont décalés. Au milieu, canal atrio-ventriculaire complet : il n’ya qu’un anneau atrio-ventriculaire et les valves sont toutes dans le même plan horizontal; large communication interauriculaire ostium primum en haut, en continuité avec une large communication interventriculaire d’admission en bas. À droite et en haut, canal atrio-ventriculaire partiel : le septum interventriculaire est intact et tout se résume à l’ostium primum. À droite et en bas : communication interventriculaire d’admission isolée. (OD = oreillette droite. OG = oreillette gauche. VD = ventricule droit. VG = ventricule gauche) 17 antéro-supérieure et postéro-inférieure, et, selon le degré de fusion des hémivalves avec les septa interauriculaire et interventriculaire10 : • un CAV complet : un seul anneau, une seule valve AV, pas de fusion des hémivalves avec les crêtes des septa interventriculaire ou inter-auriculaire; • un CAV partiel sans communication interventriculaire : fusion des hémivalves entre elles et avec la crête du septum interventriculaire, communication inter-auriculaire type ostium primum et cleft du composant gauche de la VAV commune; • u n CAV "intermédiaire" avec persistance de petits défauts de fusion avec la crête du septum interventriculaire et des communications intervenriculaires restrictives; • une communication interventriculaire d’admission sans communication inter-auriculaire : fusion des hémivalves avec le septum inter-auriculaire; • voire une cleft mitrale isolée qui sera perpendiculaire au septum; • ou même peut-être, mais cela reste à démontrer par une étude anatomique, une simple insertion linéaire des valves auriculo-ventriculaires (ILVAV). Ce défaut de formation du septum d’admission est aussi responsable de la situation anormale de la valve aortique au-dessus du ventricule gauche, car elle ne peut s’encastrer entre mitrale et tricuspide et reste donc anormalement haut située, unwedged. D’où une voie d’éjection plus longue et plus étroite que dans un cœur normal, avec néanmoins une continuité mitroaortique conservée (Figure 2.5) 10; une perturbation fréquente de la résorption du conus sous-aortique (ventriculo-infundibular fold) : le muscle de Moulaert est particulièrement fréquent dans les CAV11. Cette anomalie du wedging normal de la valve aortique n’est en fait qu’une conséquence de la persistance du CAV embryologique, elle-même déterminée bien avant le stade du wedging, dès le stade de convergence ou dans certains cas dès le stade de boucle précoce ou même de la boucle, stades où la résorption du conus sous-aortique n’est pas achevée. On connaît de nombreux modèles murins de CAV. La plupart associent un CAV et un ventricule droit à double issue, indiquant une perturbation du développement dès le stade de boucle précoce ou de la convergence : souris T16 (hypoplasie ventriculaire), GATA4 et FOG2 (défaut de muscularisation, anomalies coronaires), TGF-b2 (défaut de muscularisation, perturbations de la phase finale de la boucle). Peu de modèles reproduisent le CAV isolé avec ventricules équilibrés de la trisomie 21, très différent anatomiquement des autres types de CAV12. Une autre caractéristique commune à tous les CAV découle directement de l’embryologie et elle est parfaitement visible sur tous les spécimens quel que soit le type anatomique du CAV : le défaut de formation du septum d’admission, identifié au niveau du ventricule gauche avec aspect scooped-out de ce septum (Figure 2.4). Figure 2.4 : Défaut du septum d’admission Le septum interventriculaire, vu par le ventricule gauche, a un aspect "scooped out". (Ao = orifice aortique. Cleft = fente de la vave atrioventriculaire gauche). 18 Figure 2.5 : Élongation de la voie d’éjection du ventricule gauche (D’après Anderson10) À gauche, cœur normal. La voie d’entrée du ventricule (inlet) et la voie de sortie (outlet) ont des dimensions sensiblement égales. (Ao = orifice aortique. M = valve mitrale). À droite, canal atrio-ventriculaire complet (atrioventricular septal defect). La voie de sortie est nettement plus longue que la voie d’entrée. anomalie du mésenchyme et/ou du myocarde de la jonction AV, ou défaut d’alignement des septa interventriculaire et inter-auriculaire. En conclusion, la septation auriculo-ventriculaire est un processus particulièrement complexe du développement cardiaque. Elle se fait en plusieurs étapes, de la boucle au wedging : établissement de la continuité entre oreillette droite et ventricule droit, alignement des septa inter-auriculaire et interventriculaire, septation atriale et du septum d’admission, wedging de la valve aortique entre mitrale et tricuspide. Ses perturbations sont fréquentes et le CAV-malformation fait partie du phénotype de nombreux syndromes (trisomie 21, syndrome CHARGE, syndrome d’Ellis-Van Creveld, etc.). C’est surtout bien plus qu’un défaut de formation des bourgeons endocardiques du CAV, comme le souligne la contribution majeure du second champ cardiaque postérieur et des gènes de latéralité dans sa morphogenèse, avec trois mécanismes principaux : Références 1. Wessels A, Anderson RH, Markwald RR, Webb S, Brown NA, Viragh SZ, Moorman AFM, Lamers WH. Atrial development in the human heart : immunohistochemical study with emphasis on the role of mesenchymal tissue. Anat Record 2000; 259:288-300. 2. Anderson RH, Brown NA, Webb S. Development and structure of the atrial septum. Heart 2002; 88:10410. 19 3. K im JS, Viragh S, Moormn AFM, Anderson RH, Lamers WH. Development of the myocardium of the atrioventricular canal and the vestibular spine in the human heart. Circ Res 2001; 88:395-402. 4. B enson DW, Sund KL. Looking down the atrioventricular canal. Cardiovasc Res 2010; 88:205-6. 5. Blom NA, Ottenkamp J, Wenink AGC, Gittenbergerde Groot AC. Deficiency of the vestibular spine in atrioventricular septal defects in human fetuses with Down syndrome. Am J Cardiol 2003; 91:180-4. 6. G oddeeris MM, Rho S, Petiet A, Davenport CL, Johnson AG, Meyers EN, Klingensmith J. Intracardiac septation requires hedgehog-dependent cellular contributions from outside the heart. Development 2008; 135:1887-95. 7. Vincent SD, Buckingham ME. How to make a heart: the origin and regulation of cardiac progenitor cells. Curr Top Dev Biol 2010; 90:1-41. 8. Hildreth V, Webb S, Chaudhry B, Peat JD, Phillips HM, Brown N, Anderson RH, Henderson DJ. Left cardiac isomerism in the Sonic hedgehog null mouse. J Anat 2009; 214: 894-904. 9. C ampione M, Ros MA, Icardo JM, Piedra E, Christoffels VM, Schweickert A, Blum M, Franco D, Moorman AF. Pitx2 expression defines a left cardiac lineage of cells: evidence for atrial and ventricular molecular isomerism in the iv/iv mice. Dev Biol 2001; 231:252-64. 10. Anderson RH, Baker EJ, Ho SY, Rigby ML, Ebels T. The morphology and diagnosis of atrioventricular septal defects. Cardiol Young 1991; 1:290-305. 11. D raulans-Noë HAY, Weninck ACG. Anterolateral muscle bundle of the left ventricle in atrioventricular septal defect: left ventricular outflow tract and subaortic stenosis. Pediatr Cardiol 1991; 12:83-8. 12. V an Praagh R, Litovsky S. Pathology and embryology of common atrioventricular canal. Prog Pediatr Cardiol 1999; 10:115-27. Comme l’an dernier, la matinée s’est terminée par une séance de CORRÉLATIONS ANATOMO-ÉCHOCARDIOGRAPHIQUES animée par Lucile HOUYEL pour les démonstrations de pièces anatomiques et Damien BONNET pour les documents écho-cardiographiques correspondants. Montrer en images fixes des cardiopathies comme les canaux atrio-ventriculaires où la troisième dimension est indispensable, est une gageure. N’ont donc été sélectionnées ici que quelques images caractéristiques en tentant de superposer la photographie du spécimen avec une image 2D d’échographie, en bouleversant parfois les vues classiques. N’ont été conservées que les formes typiques ou fréquentes (Figures 2.6 à 2.12). 20 « Cleft » Ao Orifice AV gauche Hémivalve antéro-supérieure Orifice AV droit Septum IV « scooped-out » Hémivalve postéro-inférieure A B C Figure 2.6 : Canal atrio-ventriculaire (CAV) partiel En haut à gauche, vue auriculaire droite (OD) : les deux hémivalves sont fusionnées entre elles et sur la crête septale, créant deux orifices valvulaires distincts. En haut à droite, vue ventriculaire gauche (VG) : la fente ("cleft") est large avec des bords épais et enroulés, signes d’une fuite importante. Échocardiographies : A : CAV partiel en 4 cavités avec aspect typique d’alignement linéaire des valves auriculo-ventriculaires. B : CAV partiel en 4 cavités avec alignement des valves "en triangle". C, vue en petit axe des deux orifices distincts. 21 A B Figure 2.7 : CAV "intermédiaire" En haut, vues anatomiques de l’oreillette droite (OD) et du ventricule gauche (VG). La communication interventriculaire d’admission (CIV) est presque entièrement fermée par l’accolement des deux hémivalves sur la crête du septum interventriculaire (IV); seules persistent quelques très petites CIV restrictives. Ao = orifice aortique, CIA = communication inter-auriculaire, IA = inter-auriculaire, IV = interventriculaire, VCI = veine cave inférieure. En bas, l’échographie A montre un aspect pseudo-anévrismal des attaches sur la crête septale (flèche) qui ferment partiellement la CIV. En vue sous sous-costale (B), on voit le peigne d’attaches (flèche) sur la crête septale qui ferment partiellement la CIV d’admission. 22 Ao Hémivalve antéro-supérieure Septum IV « scooped-out » Hémivalve postéro-inférieure CAV complet type A A B C D Figure 2.8 : CAV complet, type A de Rastelli En haut à gauche, vue auriculaire (OD) montrant l’orifice atrio-ventriculaire (AV) commun, les deux grandes hémivalves et la crête septale (SIV). En haut à droite, la vue ventriculaire gauche (VG) montre clairement des attaches de l’hémivalve antérieure sur la crête septale. Au milieu, vues échographiques d’un CAV complet en 4 cavités, en diastole à gauche (A) et en systole à droite (B). En bas, le CAV complet est vu en petit axe par voie sous-costale : à gauche (C) en protodiastole avec la "fente mitrale" (flèche), à droite (D) en télédiastole après ouverture complète de la valve. 23 Ao Hémivalve antéro-supérieure Voie d'éjection Septum IV « scooped-out » Hémivalve postéro-inférieure CIV d'admission CAV complet type C Figure 2.9 : CAV complet, type C de Rastelli À gauche, vue anatomique du ventricule gauche : l’hémivalve antéro-supérieure n’a pas d’attaches sur la crête septale. À droite, l’échocardiographie montre le passage en pont de l’hémivalve antérieure au-dessus de la crête septale. Attaches anormales de l'hémivalve antéro-supérieure Valve aortique Muscle de Moulaert Ao Muscle de Moulaert Voie sous-aortique étroite Voie d'éjection étroite Septum IV « scooped-out » Bande musculaire anormale CIV Figure 2.10 : CAV complet (type C) avec sténose sous-aortique En haut à gauche, sténose sous-aortique complexe. En haut à droite, sténose sous-aortique due à une restriction de la chambre de chasse par des attaches anormales de l’hémivalve antérieure. En bas, les échographies montrent une voie sous-aortique en "col de cygne". A gauche en diastole dans un CAV sans obstacle sous-aortique et à droite (en systole) avec un aspect de voie sous-aortique étroite. 24 Orifice accessoire Hémivalve postéro-inférieure Figure 2.11 : CAV complet avec double orifice mitral En haut, les vues anatomiques du ventricule gauche (VG) et de l’oreillette gauche (OG) font voir un orifice principal comprenant la "cleft" et un orifice accessoire plus externe et développé dans l’hémivalve postéro-inférieure. En échographie, on voit l’orifice antérieur fendu de grande taille (flèche pleine) et l’orifice postérieur petit dans l’hémivalve postérieure (flèche pointillée). 25 Hémivalve antéro-supérieure Valve aortique Septum IV « scooped-out » Hémivalve postéro-inférieure Figure 2.12 : CAV complet type C avec composant AV gauche en parachute En haut, la vue anatomique ventriculaire gauche (VG) montre que tous les cordages des deux deux hémivalves (flèches) s’insèrent sur le pilier antéro-externe (P). En bas, l’échographie montre la valve gauche s’ouvrir sur un seul pilier avec une fente (flèche noire) alors que l’autre pilier ne reçoit aucun composant valvulaire (flèche blanche). 26 3. CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES AVANT ET APRÈS Cette séance avait l’ambition d’explorer les problèmes posés par les canaux atrio-ventriculaires aux deux extrémités de l’existence. Et d’abord, Jérôme LE BIDOIS s’est intéressé aux CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES DU FŒTUS en commençant par le diagnostic anténatal des canaux atrio-ventriculaires (CAV) qui repose aujourd’hui sur une stratégie bien établie. En effet, le Comité national technique de l’échographie de diagnostic prénatal préconise en France la réalisation de trois échographies de dépistage à 12, 22 et 32 semaines d’aménorrhée (SA). Une échographie d’expertise est indiquée : 1/ si une anomalie cardiaque est suspectée ou démontrée, ou si une structure normale ne peut être mise en évidence, lors des échographies de 22 et 32 SA; 2/ si la clarté nucale mesurée à l’échographie de 12 SA est anormalement épaisse. L’échographie de dépistage vérifie les cavités cardiaques, les gros vaisseaux, le septum interventriculaire et le décalage mitro-tricuspidien dont l’absence fait suspecter un CAV. En cas d’anomalie de la clarté nucale, une échographie est fréquemment proposée vers 17-18 SA, terme auquel il est très souvent possible de diagnostiquer avec précision les principales malformations, dont le CAV. Figure 3.1 : Échocardiographie fœtale d’un CAV complet Coupes des 4 cavités en diastole. Image typique montrant un seul anneau auriculo-ventriculaire, deux valves ouvertes à gauche et à droite dans deux ventricules équilibrés, une large communication interventriculaire se poursuivant par un large ostium primum. Figure 3.2 : Échocardiographie fœtale d’un CAV complet : l’alignement des valves Coupe des 4 cavités en systole. Les valves atrioventriculaires équipant l’orifice commun sont alignées dans le même plan horizontal et séparent la communication interventriculaire en bas de l’ostium primum en haut. L’échocardiographie "experte" permet de voir la jonction auriculo-ventriculaire commune avec un seul orifice dans les formes complètes (Figures 3.1 et 3.2) ou deux orifices avec aspect de fente mitrale dans les formes partielles de la malformation. La communication interauriculaire de type ostium primum est quasi-constante. La communication interventriculaire d’admission peut être plus ou moins large mais elle manque parfois comme dans les CAV partiels. L’examen doit rechercher des éléments qui peuvent modifier le pronostic : déséquilibre ventriculaire, fuite auriculo-ventriculaire importante, anatomie défavorable de la valve auriculoventriculaire étudiée en petit axe, isomérisme, sténose infundibulo-pulmonaire faisant parler de CAV+Fallot, coarctation. 27 Le diagnostic est relativement facile en cas de CAV complet ou de CAV partiel avec large ostium primum (Figure 3.3). Mais les faux négatifs ne sont pas exceptionnels, en cas de petit ostium primum et/ou de petite communication interventriculaire; on peut parfois construire des images de décalage mitro-tricuspidien dans des formes authentiques de CAV. À l’inverse, même un échographiste expert peut hésiter entre une petite communication inter-auriculaire ostium primum et l’image du sinus coronaire (Figure 3.4), bien que cette dernière soit plus postérieure que l’ostium primum (faux positif). Les conséquences de ces faux positifs ou faux négatifs peuvent être graves : en cas de faux négatif, on risque de manquer un diagnostic d’anomalie chromosomique et, notamment, de trisomie 21 dont le CAV est parfois le seul signe d’appel; un faux positif va conduire à une proposition d’amniocentèse, examen non dénué de risque et générateur d’angoisse pour le couple. peuvent être associées au CAV en dehors de tout syndrome répertorié : anomalies neurologiques, rénales, squelettiques, fentes labio-palatines, omphalocèle, hernie diaphragmatique, atrésie duodénale, etc1. Une étude récente du devenir de 141 fœtus atteints de CAV diagnostiqués dans la région parisienne entre 1996 et 2002 fait état de 80 cas (57%) à caryotype normal et de 61 (43%) à caryotype anormal 2 . Le Tableau 3.1 montre les principales comorbidités et, en particulier, la fréquence des formes syndromiques (40%) chez les fœtus euploïdes et celle de la trisomie 21 chez les fœtus aneuploïdes (80%). De plus, l’incidence de trisomie 21 était nettement plus élevée dans les CAV complets que dans les CAV partiels (48% vs. 13%). Enfin, la comparaison des CAV à caryotype normal et de ceux à caryotype anormal soulignait deux différences majeures : la plus grande fréquence des déséquilibres ventriculaires (59% vs. 20%) et des malformations cardiaques associées (55% vs. 36%) en cas de caryotype normal. Enfin, les comorbidités sont fréquentes : le CAV est associé dans environ 50% des cas à une anomalie chromosomique, trisomie 21 le plus souvent, mais également trisomie 13 ou 18. Cette malformation peut également faire partie de syndromes divers : VACTERL, CHARGE, Ellis-van Creveld, Cornelia de Lange. Par ailleurs, des anomalies extracardiaques Le pronostic est désastreux : fréquence très élevée des interruptions volontaires de grossesse, que le caryotype soit anormal (76%) ou normal (54%), en raison, dans ce dernier groupe, de la grande fréquence des formes complexes de CAV et des anomalies extracardiaques associées; fréquence non négligeable de morts in utero (14% pour les caryotypes anormaux, 16% pour les Figure 3.4 : Faux-positif par sinus coronaire dilaté La coupe des 4 cavités (OD = oreillette droite, OG = oreillette gauche, VD = ventricule droit, VG = ventricule gauche) a été faite dans un plan un peu trop postérieur qui fait apparaître le sinus coronaire (flèche) au dessus du plan des valves. D’où une fausse image d’ostium primum et un aspect d’alignement des valves auriculoventriculaires. Figure 3.3 : Échocardiographie fœtale d’un CAV partiel Coupe des 4 cavités en systole. Les valves atrioventriculaires sont alignées sur le même plan mais la crête du septum interventriculaire les rejoint : il n’y a pas de communication interventriculaire. En revanche, large ostium primum au dessus des valves. 28 Caryotype Anomalie associée Nombre (%) Normal (n=80) Aucune Syndrome avec hétérotaxie sans anomalie de latéralité 48 (60%) 32 (40%) 27 5 Anormal (n=61) Trisomie 21 Trisomie 18 Autre 49 10 2 (80%) (16%) (4%) Tableau 3.1 : Phénotype fœtal dans 141 cas de CAV dépistés in utero caryotypes normaux) et de mortalité post-natale non chirurgicale (14% pour les caryotypes anormaux, 16% pour les caryotypes normaux). La mortalité opératoire était nulle dans le groupe des caryotypes anormaux contre 8% (3 patients) dans les groupe des caryotypes anormaux. Il en résulte que le taux d’enfants survivants est faible : 17% chez les fœtus aneuploïdes (71% des grossesses poursuivies) et 27% pour les fœtus euploïdes (58% des grossesses poursuivies). Références 1. 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Population-based evaluation of a suggested anatomic and clinical classification of congenital heart defects based on the International Paediatric and Congenital Cardiac Code. Orphanet J Rare Dis 2011; 6:64. 6. P aladini D, Volpe P, Sglavo G, Russo MG, De Robertis V, Penner I, Nappi C. Partial atrioventricular septal defect in the fetus: diagnostic features and associations in a multicenter series of 30 cases. Ultrasound Obstet Gynecol 2009; 34:268-73. La littérature confirme ces données et, en particulier, la sévérité globale des CAV diagnostiqués avant la naissance ainsi que la plus grande fréquence des anomalies cardiaques associées chez les fœtus à caryotype normal, avec pour conséquence une survie diminuée et une plus grande fréquence de réinterventions dans ce groupe4. Dans le groupe des anomalies des valves atrio-ventriculaires où le CAV est de loin la principale malformation, l’étude en population de la région parisienne portant sur plus de 300 000 grossesses entre 2005 et 2008 (EPICARD)5, a recruté 212 fœtus avec un taux d’interruptions de grossesse de 42,5% et un taux de morts fœtales in utero de 6,1%, d’où une proportion de naissances vivantes de 51,4%. Les malformations de ce groupe n’étaient diagnostiquées que dans deux-tiers des cas, ce qui indique que ce diagnostic reste difficile et que les efforts de formation des échographistes doivent être poursuivis. En cas de diagnostic anténatal de CAV partiel, les anomalies chromosomiques sont moins fréquentes mais les données sont plus rares6 : si on exclut six cas adressés pour bilan de trisomie 21, sur 24 diagnostics anténataux de CAV partiel, sept étaient associés à des anomalies chromosomiques, dont trois trisomies 21; les anomalies cardiaques (17%) et extra-cardiaques (33%) associées sont fréquentes. La prise en charge périnatale en cas de poursuite de la grossesse est en pratique assez simple, car la bonne tolérance néonatale est la règle, en dehors des rares formes avec fuite auriculo-ventriculaire importante et/ou bloc auriculo-ventriculaire, qui n’aboutissent qu’exceptionnellement à une naissance vivante. L’accouchement peut donc avoir lieu normalement : par voie basse, à terme, dans une maternité normale, c’est à dire sans environnement médical spécifique. Sans quitter le fœtus, Jean-Marie JOUANNIC a fait le point sur le problème très débattu de L’ALIGNEMENT DES VALVES AURICULO-VENTRICULAIRES EN RELATION AVEC LA TRISOMIE 21 : MYTHE OU RÉALITÉ ? L’histoire commence il y a une dizaine d’années par la description d’un alignement des valves auriculo-ventriculaires ("ILVAV" pour insertion linéaire des valves auriculo-ventriculaires) lors de la vérification anatomique d’un cœur de fœtus dans les suites d’une 29 interruption médicale de la grossesse pour trisomie 21. Dans ce dossier, l’échographie prénatale avait suspecté l’existence d’un canal atrio-ventriculaire. A l’ouverture de cavités gauches, le septum primum paraissait intact. Une coupe du cœur similaire à la coupe quatre-cavités réalisée en prénatal, partant de l’apex et passant au niveau des veines pulmonaires inférieures (Figure 3.5) fut réalisée sur cette même pièce. Il n’y avait pas le décalage habituel entre la valve mitrale et la valve tricuspide : au contraire, les valves étaient parfaitement alignées. Dans une étude complémentaire de 41 fœtus examinés après interruption médicale de grossesse dans les suites d’un diagnostic prénatal de trisomie 21, cet aspect d’ILVAV a été observé dans près de 70% des cas qui n’avaient par ailleurs aucune anomalie de la structure du coeur1; une nouvelle série de 213 examens fœto-pathologiques de cœurs de trisomie 21 confirmait ces observations avec 63% d’ILVAV sur les 113 cœurs par ailleurs normaux de ces fœtus2. 21. Ce même aspect d’ILVAV a été observé chez le nouveau-né dans six cas, dont quatre avaient une trisomie 213. De manière similaire, deux études ont montré le lien entre une diminution de la distance séparant l’insertion des feuillets septaux des valves et l’existence d’un canal atrio-ventriculaire d’une part et l’augmentation du risque de trisomie 21 d’autre part4,5. Ces observations suggérent que l’aspect historiquement décrit par Catherine Frédouille pourrait correspondre à une forme fruste d’anomalie de la jonction auriculoventriculaire. Références 1. Fredouille C, Piercecchi-Marti MD, Liprandi A, Duyme M, Gonzales M, Bigi N, Rouault F, Pelissier JF. Linear insertion of the atrioventricular valves without septal defect: A new anatomical landmark for Down’s syndrome? Fetal Diagn Ther 2002; 17:188-92. 2. F redouille C, Baschet N, Morice JE, Soulier M, Liprandi A, Piercecchi-Marti MD, Gonzales M, Duyme M. Insertion linéaire des valves atrioventriculaires sans defect. À propos d’une nouvelle série anatomique de 213 cœurs de fœtus trisomiques Arch Mal Coeur Vaiss 2005; 98:549-55. Dans les suites de ces observations, une étude échographique a été conduite au sein du Collège Français d’Echographie Fœtale (CFEF). A partir de 39 385 examens de dépistage des deuxième et troisième trimestres de gestation, un aspect d’ILVAV a été mis en évidence sur la coupe quatre-cavités dans 63 cas. Dans ce groupe, 30 cas de cardiopathies ont été identifiés et, au total, il y avait 27 cas de trisomie A B Figure 3.5 : Coupes de spécimens en "quatre cavités" Dans les deux cas, le cœur est coupé frontalement de l’apex aux veines pulmonaires inférieures, comme dans une coupe quatre-cavités d’échocardographie. A : La croix du cœur est très visible et l’attache de la valve septale de la tricuspide est plus basse que celle de la grande valve mitrale. Ce décalage est normal. B : Les deux valves septales, droite et gauche s’attachent au même plan du septum : on dit que les valves sont alignées (insertion linéaire des valves atrio-ventriculaires ou ILVAV). 30 Les complications au long cours sont bien connues2,3 : 3. Kaski JP, Wolfenden J, Josen M, Daubeney PEF, Shinebourne EA. Can atrioventricular septal defects exist with intact septal strutures? Heart 2006; 92:832-5. 4. B olnick AD, Zelop CM, Milewski B, Gianferrari EA, Borgida AF, Egan JFX. Use of the mitral valve-tricuspid valve distance as a marker of fetal endocardial cushion defects. Am J Obstet Gynecol 2004; 191:1483-5. 5. Grace D, Eggers P, Glantz JC, Ozcan T. Mitral valvetricuspid distance as a sonographic marker of trisomy 21. Ultrasound Obstet Gynecol 2010; 35:172-7. • la principale est une fuite mitrale assez importante pour indiquer une réintervention dont le taux est de l’ordre de 10% à 25 ans dans les CAV complets et de 15% dans les CAV partiels (Figure 3.7), ce qui semble paradoxal mais s’explique en partie par la plus grande fréquence des CAV complets chez les trisomiques 21 dont on sait qu’ils bénéficient d’une anatomie plus favorable que les eusomiques 4. Les anomalies complexes et les anomalies associées ∆ Cette communication a été suivie d’un débat animé et prolongé avec les spécialistes d’échocardiographie fœtale présents dans la salle. L’enjeu essentiel est en effet de savoir si le dépistage d’une ILVAV chez un fœtus lors d’un examen systématique et chez lequel aucune autre anomalie structurelle du cœur ou de quelque organe que ce soit n’est reconnue, doit conduire à une amniocentèse pour recherche de trisomie 21. Le moins qu’on puisse dire est que le consensus est loin d’être fait car, pour beaucoup, la spécificité et la sensibilité de ce signe sont discutables (voir Figure 3.4, page 28). Figure 3.6 : Courbes de survie actuarielle à 30 ans des CAV opérés (D’après Hoohenkerk J.3) c-AVSD = CAV complet; i-AVSD = CAV intermédiaire; pAVSD = CAV partiel. À l’autre extrêmité de la vie, Laurence ISERIN s’est intéressée au DEVENIR À LONG TERME DES CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES (CAV) OPÉRÉS. La première réparation d’un CAV date des tout débuts de la chirurgie à cœur ouvert (Lillehei, 1955) mais la mortalité postopératoire était de l’ordre de 50% et les complications de type bloc auriculo-ventriculaire et fuite mitrale très fréquentes. Il faut attendre 1958 et la description par Lev de l’anatomie des voies de conduction pour que diminue l’incidence des blocs auriculo-ventriculaires post-opératoires, et les années 1970 pour qu’à la faveur des progrès techniques, s’abaissent mortalité et morbidité à des taux acceptables. L’objectif est donc de fermer les défauts atriaux et ventriculaires et de préserver la fonction de la valve auriculo-ventriculaire au long cours. L’idée initiale était de ne pas forcément fermer une "fente" si elle ne fuyait pas mais on sait maintenant qu’il vaut mieux la suturer pour obtenir un meilleur résultat au long cours1. Depuis les années 1980, la mortalité en phase aiguë d’un CAV partiel est de l’ordre de 0-0,6%, mais elle atteint 4 à 6% en cas de fuite pré-opératoire de la valve auriculo-ventriculaire. Dans les CAV complets, la mortalité est de l’ordre de 5% et peut s’élever jusqu’à 13% en cas de fuite de la valve auriculo-ventriculaire (Figure 3.6). Figure 3.7 : Courbes de risque de réinterventions tardives (D’après Hoohenkerk J.3) c-AVSD = CAV complet; i-AVSD = CAV intermédiaire; pAVSD = CAV partiel. 31 modifient aussi le pronostic de cette cardiopathie5. Les plus communes sont le canal artériel, la tétralogie de Fallot, mais surtout des anomalies mitrales de type pilier unique ou valve en parachute (2 à 6% des cas), double orifice mitral (8 à 14% des cas). Les formes les plus sévères s’apparentent à un ventricule unique avec valve auriculo-ventriculaire unique et oreillette unique; détériorer, 19% ont eu des arythmies symptomatiques pendant la grossesse et 2% ont souffert d’insuffisance cardiaque. Sur les 62 grossesses, la récurrence d’une cardiopathie dans la descendance a atteint 12%. Enfin, il y a eu deux décès néonataux par hypoplasie du cœur gauche. Ainsi, la grossesse d’une femme opérée d’un CAV doit être étroitement surveillée. • l a sténose sous-aortique est rapportée avec une fréquence de 5% au cours du suivi; En conclusion, on savait déjà que le CAV n’était pas une cardiopathie simple : même après réparation, elle reste sérieuse et les opérés nécessitent une surveillance à vie. On doit en particulier veiller à la survenue de troubles conductifs et rythmiques, d’une sténose sousaortique, d’une fuite mitrale résiduelle. Si cette dernière requiert une ré-intervention, d’autres questions se posent comme le choix de la prothèse, l’éventualité d’un trouble de conduction faisant anticiper une stimulation épicardique pour ne pas prendre le risque de faire apparaître ou d’aggraver une fuite tricuspide par l’insertion d’une sonde, et surtout l’altération au long cours de la fonction ventriculaire gauche faisant discuter une resynchronisation surtout en cas de plastie mitrale sur un ventricule gauche dont la fonction systolique est déjà détériorée. • l es complications les plus fréquentes sont les troubles du rythme et de la conduction : dysrythmies auriculaires liées à la fois aux cicatrices créées sur les oreillettes mais aussi à l’importance de la fuite mitrale résiduelle, bloc auriculo-ventriculaire complet qui peut s’installer à distance de la cure complète. L’expérience de Necker-HEGP a ensuite été analysée à partir des patients opérés avant 1995 d’un CAV complet. On dispose ainsi de 257 cas dont 81 trisomiques qui ont été exclus car étudiés à part au début de ce Séminaire (voir p. 11). Sur les 176 opérés "eusomiques", 34 ont eu une correction à un seul ventricule et 142 patients une réparation complète à deux ventricules avec 29 décès immédiats (20%) en raison d’une forte proportion d’interventions avant les années 1970. Surtout, on déplore un nombre considérable de perdus de vue (environ 75%). Pour finir, il n’a été possible de statuer sur l’avenir lointain que chez 17 opérés de cette cohorte + 15 suivis à l’HEGP. Ces 32 adultes étaient âgés en moyenne de 33 ans. Une ré-opération avec remplacement valvulaire mitral a été nécessaire dans quatre cas, mais surtout on note des troubles du rythme auriculaire et parfois ventriculaire avec deux évènements rythmiques graves dans 50% de la population. Dans cette série, les sténoses sousaortiques n’ont pas récidivé au long cours. En revanche, on a été frappé par la fréquence des insuffisances tricuspides importantes liées non seulement à la cure du CAV mais aussi à des sondes d’électro-entraînement ou de défibrillation automatique. La défaillance cardiaque droite apparaît surtout quand les patients sont en arythmie par fibrillation auriculaire chronique. Références 1. Hoohenkerk GJ, Bruggemans EF, Koolbergen DR, Rijlaarsdam ME, Hazekamp MG. Long-term results of reoperation for left atrioventricular valve regurgitation after correction of atrioventricular septal defects. Ann Thorac Surg 2012; 93:849-55. 2. B oening A, Scheewe J, Heine K, Hedderich J, Regensburger D, Kramer HH, Cremer J. Long-term results after surgical correction of atrioventricular septal defects. Eur J Cardiothorac Surg 2002; 22:167-73. 3. H oohenkerk GJ, Bruggemans EF, Rijlaarsdam M, Schoof PH, Koolbergen DR, Hazekamp MG. More than 30 years’ experience with surgical correction of atrioventricular septal defects. Ann Thorac Surg 2010; 90:1554-61. 4. Formigari R, Di Donato RM, Gargiulo G, Di Carlo D, Feltri C, Picchio FM, Marino B. Better surgical prognosis for patients with complete atrioventricular septal defect and Down’s syndrome. Ann Thorac Surg 2004; 78:666-72. 5. Shuhaiber JH, Ho SY, Rigby M, Sethia B. Current options and outcomes for the management of atrioventricular septal defect. Eur J Cardiothorac Surg 2009; 35:891-900. 6 D renthen W, Pieper PG, van der Tuuk K, RoosHesselink JW, Voors AA, Mostert B, Mulder BJ, Moons P, Ebels T, van Veldhuisen DJ; Zahara Investigators. Cardiac complications relating to pregnancy and recurrence of disease in the offspring of women with atrioventricular septal defects. Eur Heart J 2005; 26:2581-7. En ce qui concerne les CAV partiels, on compte 195 patients dont 9 % de trisomiques 21. La mortalité opératoire ou péri-opératoire a été de l’ordre de 4% et, à nouveau, 60% des patients ont été perdus de vue. La cohorte restante des adultes suivis ont des troubles du rythme dans 35% des cas et 20% des patients ont dû subir un remplacement valvulaire mitral par une prothèse mécanique. Enfin, deux patients ont fini par nécessiter une transplantation cardiaque après de multiples opérations (correction complète puis plastie mitrale). Le problème des grossesses chez les femmes atteintes de CAV n’est pas à la hauteur de sa réputation de bonne tolérance comme l’a montré le groupe de Groningen à partir du registre CONCOR6. En effet, 23% des 29 patientes ont vu leur classe fonctionnelle se 32 4. CHIRURGIE DES CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES La première mise au point de cette séance chirurgicale a été celle de Philippe ACAR qui a répondu à la question : QUELLES SONT LES INFORMATIONS ÉCHO-ANATOMIQUES NÉCESSAIRES POUR LE CHIRURGIEN ? L’échocardiographie trans-thoracique (ETT) bidimensionnelle (2D) et, désormais, tridimensionnelle (3D) grâce aux sondes matricielles1, se doit de répondre à quatre groupes de questions avant la chirurgie du canal atrio-ventriculaire : A B Figure 4.1 : Mesure des volumes ventriculaires réel et potentiel en IRM chez des nouveau-nés avec canal atrio-ventriculaire déséquilibré (D’après Grosse-Wortmann L2) A : Mesure des volumes réels pré-opératoires avec le ventricule droit en bleu et le ventricule gauche hypoplasique en rouge. B : Calcul des mêmes volumes tels qu’on les attend après intervention. L’intérêt théorique est celui d’aider au choix de la chirurgie bi- ou uni-ventriculaire. 1/ Les deux ventricules sont-ils suffisamment équilibrés pour assurer chacun le débit après septation chirurgicale ? 2/ Quelles sont la taille et les extensions des défauts septaux qui conditionnent le retentissement hémodynamique et donc l’heure de la chirurgie ? 3/ Quelle est l’anatomie de la valve atrio-ventriculaire gauche afin d’optimiser le geste opératoire et la fonction valvulaire après chirurgie ? 4/ L a voie d’éjection ventriculaire gauche est-elle obstruée (coarctation associée) ou potentiellement obstructive après chirurgie ? ventriculaire intermédiaire). Elle peut aussi être périmembraneuse, ce qui rend impérieuse la recherche d’une fente de la valve atrio-ventriculaire gauche qui doit être suturée lors du geste opératoire. L’équilibre ventriculaire est facile à voir en ETT 2D quand il est respecté. Il est beaucoup plus difficile à quantifier quand une des deux cavités est hypoplasique. En effet, les critères de Rhodes utilisés dans les obstacles du cœur gauche sont difficilement applicables dans le canal atrio-ventriculaire tant l’anatomie y est différente (anneau atrio-ventriculaire unique, déformation de la voie d’éjection). Afin de poser ou récuser une indication de septation, l’IRM a été proposée pour faire une évaluation pré-opératoire des petits ventricules gauches 2. Le volume ventriculaire réel, et surtout le volume potentiel que devrait avoir le ventricule après septation, peuvent être calculés et ainsi aider à la décision opératoire. Mais se pose la question de la faisabilité de l’IRM chez le petit enfant ainsi que celle du modèle géométrique utilisé pour le calcul des volumes (Figure 4.1). La valve atrio-ventriculaire gauche (Figures 4.5 à 4.8) a une anatomie très variable dans le canal atrioventriculaire et elle est le plus souvent défavorable à la réparation chez l’enfant eusomique. Ando4 (Tableau 4.1) a rapporté quatre lésions ayant une incidence sur la fonction post-opératoire de la valve : 1/ l’asymétrie de surface des feuillets valvulaires responsable de fuite post-opératoire et elle est au mieux appréciée par ETT 3D; 2/ l’anomalie de position des piliers et l’hypoplasie de la valve murale qui en résulte avec un risque de sténose valvulaire en cas de suture complète de la fente; 3/ l’insertion excessive de cordages sur le composant antéro-supérieur de la valve atrio-ventriculaire entraînant une protrusion du patch dans le ventricule gauche; 4/ le double orifice de la valve atrio-ventriculaire gauche plus rare mais redoutable car difficile à diagnostiquer et souvent responsable de fuites valvulaires postopératoires résiduelles. Les défauts septaux (Figures 4.2 à 4.4) ne sont pas constamment présents dans les anomalies de la jonction atrio-ventriculaire. La communication interauriculaire de type ostium primum, habituellement large et responsable d’un shunt gauche-droite significatif, parfois majoré par une fuite de la valve atrio-ventriculaire gauche, fait porter l’indication opératoire et permet une bonne exposition de la valve pour la plastie (Figure 4.2). Cette communication inter-auriculaire peut être absente ou restrictive 3. Quant à la communication interventriculaire, elle est souvent d’admission et large, mais elle peut être absente ou restrictive (canal atrio- En per-opératoire, l’échocardiographie trans-œsophagienne peut aider à comprendre le mécanisme d’une fuite résiduelle. Cela dit, la quantification du volume régurgitant, qui importe à la décision d’une reprise chirurgicale, est difficile tant les conditions de charge sont variables au décours de la circulation extracorporelle. Après l’opération, l’ETT 2D et 3D en soins intensifs a toute sa place dans l’évaluation post-opératoire des 33 Figure 4.2 : Shunt gauche-droite auriculaire Coupe des quatre cavités en échographie trans-thoracique bidmensionnelle. À droite, le Doppler couleur permet d’identifier un shunt gauche-droite significatif au travers d’une communication inter-auriculaire de type ostium primum. Figure 4.3 : Canal atrio-ventriculaire complet en échocardiographie tridimensionnelle (D’après Simpson JM1) À gauche, la malformation est vue du ventricule droit (RV); à droite, elle est vue du ventricule gauche (LV). Noter l’obstruction d’une partie de la communication interventriculaire d’admission par les cordages de la valve atrioventriculaire. 34 Figure 4.6 : Mesure des surfaces des feuillets valvulaires (D’après Acar P5) L’écho tridimensionnelle permet la mesure des surfaces valvulaires des canaux atrio-ventriculaires. Noter que la surface du composant mural est réduite et n’occupe qu’un quart de l’orifice valvulaire. Figure 4.4 : Canal atrio-ventriculaire complet en échocardiographie tridimensionnelle Il s’agit d’une coupe épaisse qui identifie la valve atrioventriculaire unique au dessus de la communication interventriculaire d’admission. Figure 4.5 : Valve atrio-ventriculaire gauche en échcardiographie tridimensionnelle Vue du ventricule gauche, une fente divise le feuillet antérieur en deux composants supérieur et inférieur et pointe vers le septum interventriculaire. Malformation Piliers anormaux Insertion de cordages denses de la valve septale Double orifice valvulaire Disparité de longueur de la fente Autres Total Figure 4.7 : Double orifice de la valve atrio-ventriculaire gauche Vue tridimensionnelle du ventricule gauche chez un nourrisson eusomique avec canal atrio-ventriculaire complet. Les deux orifices sont bien distincts (1 et 2). Nombre de cas 15 13 7 5 98 138 Fermeture de la fente Fuite de la VAVG Sténose de la VAVG 6 11 1 3 91 (40,0%) (84,6%) (14,3%) (60,0%) (92,9%) 4 (26,7%) 6 (46,2%) 3 (42,9%) 4 (80,0%) 10 (10,2%) 2 (13,3%) 0 0 0 4 (4,1%) 112 (81,2%) 27 (19,6%) 6 (4,3%) Tableau 4.1 : Anomalies de la valve atrio-ventriculaire gauche dans le CAV4. (VAVG = valve auriculo-ventriculaire gauche) 35 Figure 4.8 : Fuite post-opératoire de la valve atrio-ventriculaire gauche L’échocardiographie trans-thoracique bidimensionnelle (en haut) et tridimensionnelle (en bas) identifie deux jets et les orifices : l’un près du septum et l’autre au point de coaptation avec la valve murale. lésions résiduelles : fuite ou sténose de la valve atrioventriculaire, obstruction à l’éjection ventriculaire gauche, shunt résiduel, fonction et volumes ventriculaires, pressions artérielles pulmonaires. Elle est aussi l’outil précieux de surveillance au long cours des enfants et permet de porter l’indication d’une ré-intervention, principalement sur la valve atrio-ventriculaire gauche5. Références 1. S i m p s o n J M , M i l l e r O . T h r e e - d i m e n s i o n a l echocardiography in congenital heart disease. Arch Cardiovasc Dis 2011; 104:45-56. 2. Grosse-Wortmann L, Yun TJ, Al-Radi O, Kim S, Nii M, Lee KJ, Redington A, Yoo SJ, van Arsdell G. Borderline hypoplasia of the left ventricle in neonates : insights for decision-making from functional assessment with magnetic resonance imaging. J Thorac Cardiovasc Surg 2008; 136:1429-36. 3. Kaur A, Srivastava S, Lytrivi ID, Nguyen K, Lai WW, Parness IA. Echocardiographic evaluation and surgical implications of common atrioventricular canal defects with absent or diminutive ostium primum defect. Am J Cardiol 2008; 101:1648-51. 4. Ando M, Takahashi Y. Variations of atrioventricular septal defects predisposing to regurgitation and stenosis. Ann Thorac Surg 2010; 90:614-21. 5. Acar P, Laskari C, Rhodes J, Pandian NG, Warner K, Marx G. Determinants of mitral regurgitation after atrioventricular septal defect surgery : a threedimensional echocardiographic study. Am J Cardiol 1999; 83:745-9. En conclusion, l’échocardiographie tient une place essentielle dans toutes les étapes de la prise en charge de l’enfant atteint de canal atrio-ventriculaire : 1/ diagnostic, souvent fait chez le fœtus et imposant la recherche d’une anomalie chromosomique; 2/ évaluation hémodynamique post-natale permettant d’optimiser le timing opératoire (shunt, pressions pulmonaires); 3/ d escription pré-opératoire précise des lésions, principalement de la valve atrio-ventriculaire gauche et des défauts septaux; 4/ analyse per-opératoire de la plastie valvulaire; 5/ d épistage post-opératoire de lésions résiduelles potentiellement évolutives, fuite valvulaire atrio-ventriculaire, obstruction à l’éjection aortique surtout. 36 2/ les formes propres à certains patients : petits poids, très jeune âge, mauvaise tolérance clinique requérant une ventilation artificielle, eusomiques; 3/ l es formes complexes frustes comportant des hémivalves fragiles, des attaches multiples et courtes sur la crête septale, un seul pilier fonctionnel, une hypoplasie de la valve murale, une asymétrie de longueur des deux hémivalves, pas d’ostium primum. Autre question à laquelle Olivier RAISKY a entrepris de répondre : Y A-T-IL DES FORMES DE CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES (CAV) REDOUTÉES PAR LE CHIRURGIEN ? Il faut lui savoir gré d’avoir commencé par un facteur de risque rarement évalué mais probablement crucial dans ce type de pathologie : la compétence du chirurgien, c’est-à-dire ses qualités techniques, son aptitude d’appréciation de la pathologie, celle aussi à réaliser le geste chirurgical et son expérience dans ce domaine. En définitive, le résultat final d’une intervention est la zone de convergence entre difficultés de réparation d’une pathologie et compétences du chirurgien. Dans le groupe des formes complexes classiques, les CAV avec double orifice à gauche ont tenu une place de choix. La difficulté de prise en charge de ces formes ne réside pas dans l’orifice accessoire qui pose rarement problème, mais plutôt dans l’orifice principal dont la réparation est difficile soit qu’on ne puisse fermer complètement la fente sans risquer une sténose significative, soit qu’on ne puisse distinguer la fente des commissures, d’où l’impossibilité de réaliser une annuloplastie commissurale complémentaire. Dans la série de Necker1 portant sur 25 cas (3% des CAV de 1985 à 2000) comparés à 30 CAV témoins, il s’agissait plutôt de CAV partiels et déséquilibrés, l’orifice accessoire se situant le plus souvent dans la zone de la commissure postérieure (Figure 4.9) et, dans la moitié des cas, l’orifice principal fuyait de façon significative, plus que dans le groupe témoin. La mortalité opératoire a été de 3 cas (12%), mais il n’y a pas eu de morts tardives. L’orifice accessoire ne fuyait guère avant l’opération et est resté continent après. Si les fuites de l’orifice principal ont diminué de moitié, une sténose mitrale est apparue six fois (24%) surtout en cas de fente non ou partiellement fermée (5/6). Cinq Revenir aux spécificités des CAV consiste à dire que certaines formes sont plus redoutables que d’autres car les objectifs suivants y seront probablement plus difficiles à atteindre : 1/ réparation optimale des valves auriculo-ventriculaires (AV) gauche et droite en terme de continence et d’ouverture; 2/ absence de défaut septal ventriculaire résiduel; 3/ pas d’obstacle sousaortique; 4/ conservation d’une bonne fonction des deux ventricules; 5/ pas de bloc auriculo-ventriculaire. Ainsi, trois formes de CAV peuvent être considérées comme chirurgicalement plus redoutables : 1/ les formes complexes classiques avec double orifice AV gauche, ventricules asymétriques, fuite AV préopératoire importante; Figure 4.9 : Canal atrio-ventriculaire avec double orifice atrio-ventriculaire gauche Ce schéma en coupe horizontale vue du dessous montre que l’oreillette gauche s’ouvre dans le ventricule gauche par deux orifices (mitral orifices) : l’un, principal, en avant, recevant la fente (mitral cleft), l’autre, accessoire, majoritairement sur l’hémivalve postérieure aux dépens de la valve murale. En pointillés : la crête du septum interventriculaire (ventricular septum). 37 patients ont dû être réopérés (21%) : plastie mitrale (1), remplacement valvulaire mitral (3), sténose sousaortique (1). Ces résultats sont très voisins de ceux obtenus dans le groupe témoin et en accord avec ceux récemment publiés par le groupe de Leiden2. En conclusion, la réparation complète des CAV est devenue une chirurgie à très faible risque de mortalité et à risque raisonnable de complications à long terme. Cela dit, la connaissance de certaines formes anatomiquement "peu favorables" doit conduire à différer de quelques mois une intervention plus complexe quand la tolérance est acceptable et que le traitement médical suffit à stabiliser la situation. Le cerclage pulmonaire n’a aucune indication dans cette malformation dont toutes les variétés peuvent être réparées à partir de 6-8 mois. D’autres CAV complexes sont fréquents dans ce groupe «classique» : ce sont des formes à petit ventricule gauche et anomalies de l’appareil sous-valvulaire avec principalement un pilier unique ou prédominant ou des piliers rapprochés qui n’autorisent pas toujours la fermeture complète de la fente pour éviter la sténose. Ces patients conjuguent d’autres facteurs de risque d’un mauvais résultat chirurgical : CAV partiel3-6, enfants eusomiques, fuite valvulaire pré-opératoire importante, tissu valvulaire peu étoffé et fragile, état clinique précaire avec une pression artérielle pulmonaire élevée. La mortalité est directement liée à la qualité de la réparation de la valve AV gauche, moins qu’à la taille du ventricule7 si bien que l’indication n’est portée que quand un traitement médical intensif ne parvient pas à stabiliser la situation pour gagner quelques mois et permettre ainsi une chirurgie plus facile avec recours éventuel à des techniques plus complexes d’extension des deux hémivalves8 (Figure 4.10). En tout état de cause, le risque de fuite AV gauche après l’intervention et, partant, celui d’avoir à réintervenir est ici plus élevé qu’ailleurs9-11. Il constitue du reste un facteur sérieux de surmortalité5,12. Faut-il redouter le petit poids et le jeune âge ? On sait maintenant depuis le début de ce siècle que le risque opératoire n’est pas lié au jeune âge13, et qu’au contraire il vaut mieux opérer les formes complètes avant trois mois14. Un poids < 5 kg ne joue pas non plus15. Mais tous s’accordent pour dire que le risque de fuite post-opératoire de la VAV gauche et de réintervention sur cette valve est plus élevé dans ces classes d’âge et de poids13-16. Le troisième groupe comprend des formes qualifiées de complexes "frustes", c’est-à-dire de CAV apparemment banals mais où certaines anomalies subtiles touchant surtout les valves et l’appareil sous-valvulaire conduisent à des difficultés de positionnement du patch de fermeture de la communication interventriculaire et d’apposition symétrique des deux hémivalves. D’où aussi la fréquence désespérément stagnante 17 des régurgitations mitrales post-opératoires et … la grande déception des cardiologues. Il en va ainsi des hémivalves fragiles, des attaches multiples et courtes sur la crête septale, des variétés avec deux piliers à gauche, mais un seul réellement fonctionnel, de l’hypoplasie de la valve murale avec ouverture incomplète de la commissure, de l’asymétrie de longueur des deux hémivalves. Enfin, c’est aussi le cas des formes sans ostium primum ce qui complique l’exposition des lésions, rend compte d’anomalies d’angulation entre les hémivalves et la jonction atrio-ventriculaire et d’attaches au plafond de la cloison inter-atriale18. Figure 4.10 : Réparation de CAV avec extension des hémivalves par un patch (D’après Luk A et al8) A : valve AV gauche après réparation d’un CAV classique. B : la même réparation d’un CAV à hémivalves hypoplasiques laisserait subsister un large défaut entre ventricule et oreillette gauches. C : ce défaut est comblé par un patch de péricarde. 38 13. Hoohenkerk GJ, Bruggemans EF, Rijlaarsdam M, Schoof PH, Koolbergen DR, Hazekamp MG. More than 30 years’ experience with surgical correction of atrioventricular septal defects. Ann Thorac Surg 2010; 90:1554-61. 14. Stellin G, Vida VL, Milanesi O, Rizzoli G, Rubino M, Padalino MA, Bonato R, Casarotto D. Surgical treatment of complete A-V canal defects in children before 3 months of age. Eur J Cardiothorac Surg 2003; 23:187-93. 15. Prifti E, Bonacchi M, Bernabei M, Crucean A, Murzi B, Bartolozzi F, Luisi VS, Leacche M, Vanini V. Repair of complete atrioventricular septal defects in patients weighing less than 5 kg. Ann Thorac Surg 2004; 77:1717-26. 16. Dodge-Khatami A, Herger S, Rousson V, Comber M, Knirsch W, Bauersfeld U, Prêtre R. Outcomes and reoperations after total correction of complete atrioventricular septal defect. Eur J Cardiothorac Surg 2008; 34:745-50. 17. Kanani M, Elliott M, Cook A, Juraszek A, Devine W, Anderson RH. Late incompetence of the left atrioventricular valve after repair of atrioventricular septal defects: the morphologic perspective. J Thorac Cardiovasc Surg 2006; 132:640-6, 646.e1-3. 18. A dachi I, Uemura H, McCarthy KP, Ho SY. Morphologic features of atrioventricular septal defect with only ventricular component: further observations pertinent to surgical repair. J Thorac Cardiovasc Surg 2009;137:132-8, 138.e1-2. Références 1. Gerelli S, Maldonado D, van Steenberghe M, Haydar E, Bonnet D, Raisky O, Vouhé. Double orifice et canal atrio-ventriculaire: résultats chirurgicaux. 64ème Congr Soc Franç Chir Thorac Cardiovasc. Lyon, 25-27 mai 2011. 2. Hoohenkerk GJ, Wenink AC, Schoof PH, Koolbergen DR, Bruggemans EF, Rijlaarsdam M, Hazekamp MG. Results of surgical repair of atrioventricular septal defect with double-orifice left atrioventricular valve. J Thorac Cardiovasc Surg 2009; 138:1167-71. 3. Al-Hay AA, Lincoln CR, Shore DF, Shinebourne EA. The left atrioventricular valve in partial atrioventricular septal defect: management strategy and surgical outcome. Eur J Cardiothorac Surg 2004; 26:754-61. 4. K anani M, Anderson RH, Elliott MJ. Clinical and morphologic evidence points to closure of the zone of apposition in atrioventricular septal defects. Letter to the Editor. Eur J Cardiothorac Surg 2005; 27:932-3. 5. Baufreton C, Journois D, Leca F, Khoury W, Tamisier D, Vouhé P. Ten-year experience with surgical treatment of partial atrioventricular septal defect: risk factors in the early postoperative period. J Thorac Cardiovasc Surg1996; 112:14-20. 6. Stulak JM, Burkhart HM, Dearani JA, Cetta F, Barnes RD, Connolly HM, Schaff HV. Reoperations after repair of partial atrioventricular septal defect: a 45year single-center experience. Ann Thorac Surg 2010; 89:1352-9. 7. Delmo Walter EM, Ewert P, Hetzer R, Hübler M, AlexiMeskishvili V, Lange P, Berger F. Biventricular repair in children with complete atrioventricular septal defect and a small left ventricle. Eur J Cardiothorac Surg 2008; 33:40-7. 8. L uk A, Ahn E, Soor GS, Williams WG, Mezody M, Butany J. Pericardial patch repair of the left atrioventricular valve in atrioventricular septal defect: long-term changes in the patch. Cardiovasc Pathol 2009; 18:119-22. 9. Moran A, Daebritz S, Keane JF, Mayer JE. Surgical management of mitral regurgitation after repair of endocardial cushion defects : early and midterm results. Circulation 2000; 102, suppl III:III-160-5. 10. Ten Harkel AD, Cromme-Dijkhuis AH, Heinerman BC, Hop WC, Bogers AJ. Development of left atrioventricular valve regurgitation after correction of atrioventricular septal defect. Ann Thorac Surg 2005; 79:607-12. 11. Hoohenkerk GJ, Bruggemans EF, Koolbergen DR, Rijlaarsdam ME, Hazekamp MG. Long-term results of reoperation for left atrioventricular valve regurgitation after correction of atrioventricular septal defects. Ann Thorac Surg 2012; 93:849-55. 12. S uzuki K, Tatsuno K, Kikuchi T, Mimori S. Predisposing factors of valve regurgitation in complete atrioventricular septal defect. J Am Coll Cardiol 1998; 32:1449-53. Le problème des OBSTRUCTIONS GAUCHES DANS LES CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES a fait l’objet d’une mise au point de Pascal VOUHÉ. Dans tout canal atrio-ventriculaire quelle qu’en soit la forme, le canal sous-aortique est allongé et étroit : c’est la classique déformation en "col de cygne". Cette anomalie est liée à deux caractéristiques essentielles de la malformation : 1/ la valve aortique reste à distance de l’orifice auriculoventriculaire commun car elle ne descend pas entre l’orifice tricuspide et l’orifice mitral et reste "unwedged"; 2/ l’excavation du septum d’admission ("scooping out") raccourcit le septum d’admission et augmente le rapport des longueurs des segments d’admission et de sortie du ventricule gauche (outlet/inlet)1 (Figure 4.11). Toute anomalie morphologique de la voie sous-aortique pouvant induire le développement d’une sténose autonome, le risque de sténose sous-aortique est, en théorie, très élevé dans le canal atrio-ventriculaire. En fait, de façon étonnante, l’incidence de sténose sousaortique est très faible dans les formes non opérées de la malformation et faible dans les formes opérées. 39 Lorsqu’une sténose sous-aortique se développe, il y a dans au moins trois quarts des cas des anomalies évidentes de l’appareil valvulaire auriculo-ventriculaire gauche. Ces anomalies incluent et associent souvent2 : 1/ des anomalies du tissu valvulaire lui-même (véritable tissu accessoire ou excroissances fibreuses); 2/ des anomalies des cordages (cordages anormaux entre le tissu valvulaire et le septum sous-aortique ou cordages surnuméraires dans le canal sous-aortique); 3/ des anomalies des piliers (position anormale du pilier supérieur dans la chambre de chasse ou extension d’une bandelette musculaire anormale jusque dans la région sous-aortique). Certaines de ces anomalies sont illustrées dans la Figure 4.12. Leur présence dans un canal sous-aortique morphologiquement anormal peut être le point de départ du développement d’une sténose sous-aortique fibromusculaire secondaire et évolutive. Figure 4.11 : Déformation du canal sous-aortique du canal atrio-ventriculaire (D’après Adachi et al.1) La valve aortique est "unwedged" et le rapport des longueurs de la chambre d’admission (inlet) à celle de la chambre de sortie (outlet) est augmenté. L’incidence des obstructions gauches des canaux atrio-ventriculaires non opérés atteint au maximum 1% des cas. Elles se rencontrent dans deux circonstances : 1/ des canaux atrio-ventriculaires partiels entrant dans le cadre du syndrome de Shone avec coarctation aortique, valve auriculo-ventriculaire gauche en parachute, hypoplasie de la voie d’éjection gauche et "petit" ventricule gauche. La sténose sous-aortique n’est qu’un élément de l’ensemble syndromique. Le traitement doit souvent être agressif et inclure une intervention de Ross-Konno, si la taille du ventricule gauche autorise une réparation bi-ventriculaire; 2/ des canaux atrio-ventriculaires complets avec tissu valvulaire accessoire développé sur le composant gauche de la valve auriculo-ventriculaire commune et faisant obstacle en systole sous la valve aortique. Le traitement comprend la résection du tissu accessoire en même temps que la réparation de la cardiopathie. Figure 4.12 : Anomalies multiples de l’appareil valvulaire gauche (D’après Kanani M et al.2) Canal atrio-ventriculaire complet de type A de Rastelli. On voit des excroissances fibreuses, des cordages anormaux, une bandelette musculaire anormale. Le risque d’obstruction gauche après cure chirurgicale de canal atrio-ventriculaire est faible. Une compilation de six publications récentes montre une incidence de réopération pour sténose sous-aortique de 1,8 % (0% à 3,3%). Fait essentiel, les sténoses sous-aortiques postopératoires ne se voient que dans les formes partielles de la malformation où l’hémivalve antérieure est fixée sur la crête septale, fermant ainsi la CIV; et dans les formes complètes type A de Rastelli où l’hémivalve antérieure est attachée à la crête septale par une série de cordages fibreux. Au contraire, le risque de sténose sous-aortique est quasiment nul dans les formes complètes type C de Rastelli où l’hémivalve antérieure flotte librement audessus de la communication interventriculaire et dans les rares canaux atrio-ventriculaires sans communication inter-auriculaire où l’hémivalve antérieure est fixée au bord inférieur du septum inter-auriculaire. Cette simple constatation souligne le rôle joué par les rapports entre la partie gauche de l’hémivalve antérieure et le canal sousaortique. Ces anomalies de l’appareil valvulaire gauche doivent être recherchées avant toute réparation, en particulier dans les canaux atrio-ventriculaires partiels ou complets de type A. Elles doivent être supprimées dans la mesure du possible par résection de tissu anormal, section de cordages ou piliers anormaux sans compromettre la fonction valvulaire. C’est sans doute le meilleur moyen de prévenir le développement d’une sténose sous-aortique secondaire. Une attitude agressive systématique (section de tous les cordages dans les canaux atrio-ventriculaires complets de type A ou détachement du feuillet antérieur dans les formes partielles visant à élargir la voie sousaortique) ne parait pas justifiée; le risque de déstabiliser gravement l’appareil valvulaire gauche est sans doute supérieur à celui de voir apparaître une sténose sousaortique. Par contre, la technique "australienne" de réparation des canaux atrio-ventriculaires complets qui consiste à fermer la communication interventriculaire en appliquant le feuillet valvulaire sur la crête septale doit 40 être évitée car elle augmente le risque d’obstruction sous-aortique3. La dernière contribution de cette séance a été apportée par Emre BELLI qui a traité la question des FUITES POST-OPÉRATOIRES DE LA VALVE AURICULOVENTRICULAIRE GAUCHE ET DES REPRISES CHIRURGICALES. En effet, la reconstruction de deux valves auriculo-ventriculaires (VAV) fonctionnelles constitue le principal défi chirurgical de la réparation anatomique de toute forme de canal atrio-ventriculaire1. Par rapport à d’autres pathologies, les techniques opératoires ont peu évolué depuis les débuts de la chirurgie cardiaque pédiatrique et congénitale et les progrès dans ce domaine peuvent finalement se résumer à la nécessité évidente de la fermeture de la cleft, quand c’est possible, le plus possible; et, pour la majorité des équipes, à la fermeture des défauts septaux des formes complètes par deux patchs2, l’un pour la communication interventriculaire et l’autre pour la communication interauriculaire. Néanmoins, les alternatives d’un patch unique pour les deux défauts3 et la fermeture sans patch de la communication interventriculaire ont été proposées. Les reprises d’une dysfonction de la VAV droite sont rares; le taux de reprise pour une dysfonction de VAV gauche atteint 10% dans les séries publiées1,4-6 et les facteurs de risque de reprise chirurgicale sont discordants7 : le jeune âge, l’eusomie, la fuite valvulaire préopératoire, les formes intermédiaires et/ou déséquilibrées ne paraissent pas toujours plus défavorables. Le traitement des sténoses sous-aortiques après cure chirurgicale de canal atrio-ventriculaire n’est pas facile à codifier en raison de la rareté des lésions et des publications : 35 patients dans la série de Boston3, 19 dans celle de Toronto4 et 20 dans celle de Necker. Lors d’une première intervention pour sténose sousaortique, une attitude "raisonnable" s’impose. Les lésions secondaires doivent être supprimées de façon agressive (énucléation complète de la composante fibreuse associée à une myectomie septale large) et les anomalies valvulaires "primitives" doivent être recherchées et traitées (résection de tissu accessoire, suppression de cordages ou piliers anormaux). Parfois, seul le remplacement prothétique de la valve "mitrale" permet le traitement des lésions responsables : c’est le cas des malformations graves de cette valve. Le risque de récidive de la sténose n’est pas nul mais reste faible si ce programme est respecté. Lors d’une nouvelle intervention pour récidive de la sténose sous-aortique, une approche plus agressive est nécessaire. L’intervention de Konno modifiée qui permet un élargissement important du canal sous-aortique est préférée. L’autre solution consiste à agrandir le feuillet antérieur de la valve auriculo-ventriculaire gauche à l’aide d’un patch péricardique5; cette technique élargit parfaitement la voie sous-aortique mais fait peser une lourde hypothèque sur l’avenir à long terme de la valve. L’analyse des résultats obtenus à Marie-Lannelongue porte sur 393 cas de canal atrio-ventriculaire opérés entre janvier 2000 et août 2011, à l’exclusion des formes de type ventricule unique ou associées à une autre malformation majeure comme une tétralogie de Fallot ou un ventricule droit à double issue. Les principales caractéristiques de ces patients à l’admission sont résumées sur le Tableau 4.2. Références 1. Adachi I, Uemura H, McCarthy KP, Ho SY. Surgical anatomy of atrioventricular septal defect. Asian Cardiovasc Thorac Ann 2008; 16:497-502. 2. K anani M, Cook A, Kostolny M. Left ventricular outflow tract obstruction after the modified single patch repair of atrioventricular septal defects: teasing fact from fiction. Ann Thorac Surg 2010; 89:1339-40. 3. Myers PO, del Nido PJ, Marx GR, Emani S, Mayer JE, Pigula FA, Baird CW. Improving left ventricular outflow tract obstruction repair in common atrioventricular canal defects. Ann Thorac Surg 2012; 93: in press. 4. Van Arsdell GS, Williams WG, Boutin C, Trusler GA, Coles JG, Rebeyka IM, Freedom RM. Subaortic stenosis in the spectrum of atrioventricular septal defects. J Thorac Cardiovasc Surg 1995; 110:1534-42. 5. Starr A, Hovaguimian H. Surgical repair of subaortic stenosis in atrioventricular canal defects. J Thorac Cardiovasc Surg 1994; 108:373-6. Les formes complètes ont été réparées selon la technique des deux patchs. Une dysfonction de la VAV gauche requérant une reprise opératoire est survenue dans 10% des cas (n=42). La reprise a été précoce (avant la fin du premier mois post-opératoire) chez un peu moins de la moitié d’entre eux (n=20). Une analyse statistique des facteurs de risque (Tableau 4.3) a permis d’identifier l’eusomie et la fuite résiduelle importante à la sortie de Données • Âge médian • Poids médian • % de trisomies 21 • Formes complètes • Formes intermédiaires • Formes partielles • Fuite VAV pré-opératoire >2+ Ensemble des patients CAV complets 7 mois 5,6 kgs 43,5% 58% 10% 32% 4,6 mois 4,7 kgs 64% - 19% - CAV = canal atrio-ventriculaire, VAV = valve atrio-ventriculaire Tableau 4.2 : Caractéristiques de la population opératoire (n=393) 41 l’hôpital comme facteurs prédictifs de reprise chirurgicale de la VAV gauche. Le facteur "chirurgien" qui paraissait significatif à l’analyse univariée a perdu cet effet à l’analyse multivariée certainement à cause du biais du rapport eusomique-trisomique variable entre les chirurgiens. Les formes intermédiaires ont eu des résultats moins favorables (univarié) et les formes partielles des résultats plus favorables (multivarié) mais les taux de significativité n’ont pas été atteints. Enfin, les effets de l’hypoplasie relative du ventricule gauche ainsi que de l’hypoplasie de la portion de VAV commune qui correspond à son admission n’ont malheureusement pas pu être analysés. 3. L a mise en place d’une prothèse valvulaire mécanique en position mitrale est de pronostic très défavorable et constitue la principale cause de mortalité et de morbidité chez ces patients. Grâce aux progrès de l’expertise chirurgicale, de la CEC et la protection myocardique, la chirurgie réparatrice de la VAV gauche fuyante et/ou sténosante est devenue possible dans la grande majorité des cas, parfois au prix de plusieurs réinterventions. Références La fuite de la VAV gauche justifiant une reprise était la principale cause de mortalité : plus de 2 % par rapport à une mortalité globale de 4% observée pendant la durée de l’étude. 1. Hanley FL, Fenton KN, Jonas RA, Mayer JE, Cook NR, Wernovsky G, Castaneda AR. Surgical repair of complete atrioventricular canal defects in infancy. Twenty-year trends. J Thorac Cardiovasc Surg 1993; 106:387-94. 2. Backer CL, Mavroudis C, Alboliras ET, Zales VR. Repair of complete atrioventricular canal defects: results with the two-patch technique. Ann Thorac Surg 1995; 60:530-7. 3. D ragulescu A, Fouilloux V, Ghez O, Fraisse A, Kreitmann B, Metras D. Complete atrioventricular canal repair under 1 year: Rastelli one-patch procedure yields excellent long-term results. Ann Thorac Surg 2008; 86:1599-604. 4. Malhotra SP, Lacour-Gayet F, Mitchell MB, Clarke DR, Dines ML, Campbell DN. Reoperation for left atrioventricular valve regurgitation after atrioventricular septal defect repair. Ann Thorac Surg 2008; 86:147-51. 5. Ten Harkel AD, Cromme-Dijkhuis AH, Heinerman BC, Hop WC, Bogers AJ. Development of left atrioventricular valve regurgitation after correction of atrioventricular septal defect. Ann Thorac Surg 2005; 79:607-12. 6. Suzuki T, Bove EL, Devaney EJ, Ishizaka T, Goldberg CS, Hirsch JC, Ohye RG. Results of definitive repair of complete atrioventricular septal defect in neonates and infants. Ann Thorac Surg 2008; 86:596-602. 7. Shuhaiber JH, Ho SY, Rigby M, Sethia B. Current options and outcomes for the management of atrioventricular septal defect. Eur J Cardiothorac Surg 2009; 35:891-900. Certains patients avaient été initialement réparés ailleurs et 48 d’entre eux ont eu une réintervention sur la VAV gauche. Dans 70% des cas, la préservation de la valve native a été possible, parfois au prix de plusieurs reprises : chez 10% d’entre eux, l’obtention d’une fonction valvulaire satisfaisante ne fut possible qu'après la troisième réintervention. En conclusion, les techniques chirurgicales développées au cours de cette expérience ont progressivement permis d’obtenir des résultats fonctionnels satisfaisants même dans les formes anatomiques les plus défavorables. Quelques principes de base de la prise en charge des canaux atrio-ventriculaires sont rappelés : 1. Il n’y a pas d’âge idéal pour la réparation des formes complètes et/ou fuyantes de canal atrio-ventriculaire. 2. La VAV gauche a des caractéristiques anatomiques plus ou moins défavorables qui justifient des gestes lors de la réparation anatomique : la "cleft" doit être complètement fermée, le plus possible à tout le moins; l’appareil sous-valvulaire doit bénéficier de gestes destinés à favoriser une bonne mobilité des feuillets et à diminuer la tension sur la zone de la cleft et des commissures; le nouvel anneau de la VAV gauche doit être remodelé de façon à optimiser la coaptation valvulaire. Donnée étudiée Âge Poids Eusomie Forme anatomique (P/I/C) Fuite VAVg pré-op. >2+ Chirurgien Fuite VAVg post-op. ≥2+ Type Rastelli Toutes formes (n=393) analyse univ analyse multiv NS p = 0,02 p = 0,01 NS NS p = 0,01 p < 0,0001 - NS NS p = 0,05 NS NS NS p < 0,0001 - Formes complètes (n=227) analyse univ analyse multiv NS NS p = 0,003 - NS p = 0,02 p < 0,0001 NS NS NS p = 0,04 NS NS p < 0,0001 NS C = formes complètes; I = formes intermédiaires; multiv = multi-variée; NS = non significatif; P = formes partielles; post-op. = postopératoire à la sortie; pré-op. = pré-opératoire à l’admission; univ = uni-variée; VAVg = valve auriculo-ventriculaire gauche. Tableau 4.3 : Facteurs de risque de survenue d’une fuite post-opératoire de la VAVg 42 2ème JOURNÉE : HÉTÉROTAXIES 5. HÉTÉROTAXIES : LES FONDAMENTAUX La mise en place de LA POLARITÉ CRANIO-CAUDALE OU ANTÉRO-POSTÉRIEURE DU TUBE CARDIAQUE EMBRYONNAIRE DES VERTÉBRÉS est cruciale pour la morphogenèse correcte du cœur mature, mais les détails moléculaires de ce processus sont encore mal compris. L’élucidation de ce processus devrait être facilitée par les résultats d’études récentes concernant la mise en place de la polarité dans l’équivalent du cœur chez la drosophile, le canal dorsal. C’est le point sur les principales études qui ont conduit à mieux définir les facteurs impliqués dans la mise en place de la polarité antéro-postérieure du canal dorsal de drosophile et du territoire cardiaque chez les vertébrés qui a été fait par Stéphane ZAFFRAN. L’organisation antéro-postérieure du canal dorsal de la drosophile a d’abord été décrite. Au contraire des vertébrés, le système de circulation des insectes comme la drosophile, est ouvert, ce qui permet le brassage du liquide sanguin appelé hémolymphe de la partie caudale (postérieure) vers la tête (antérieure) de l’animal. Ainsi, les organes absorbent les nutriments nécessaires à leur développement et leur fonctionnement. Ce brassage est assuré par un tube contractile appelé canal dorsal. Ce dernier est fait de 52 paires de cellules cardiaques, appelées cardioblastes, formant un myo-endothélium qui s’étale du 3ème segment thoracique au 8ème segment abdominal, et d’une trentaine de cellules péricardiaques (non-myogéniques) entourant ce myo-endothélium1,2 (Figure 5.1). Figure 5.1 : Le canal dorsal de drosophile Représentation schématique de l’équivalent du cœur chez la drosophile, le canal dorsal. Les numéros des segments épidermiques thoraciques et abdominaux sont indiqués le long du canal dorsal. Le canal dorsal est divisé en deux régions, l’aorte (antérieure) et le cœur (postérieure). Il est constitué de différents types de cellules cardiaques appelées les cardioblastes. Les gènes homéotiques sélecteurs, Antenapedia (Ant), Ultrabithorax (Ubx), Abdominal-A (Abd-A) et Abdominal-B (Abd-B) sont exprimés le long de l’axe antéro-postérieur du canal dorsal. Dans la région antérieure, les facteurs Dorsocross (Doc) et Seven-up (Svp) sont exprimés par défaut dans deux paires de cardioblastes et contribuent à la répression de Tinman (Tin). Dans les autres cardioblastes, le facteur Tin réprime ces mêmes gènes alors qu’il active le facteur Ladybird (Lb) dans deux paires de cardioblastes. Dans la région postérieure, Tin empêche l’expression du facteur Wingless (Wg). Wg est détecté uniquement dans les cellules exprimant Doc dans la région postérieure. Ces cellules formeront des valves appelées ostia. Cette différenciation n’est possible que dans le domaine d’expression du facteur Abd-A. 43 Les études d’expression des gènes dans le canal dorsal ont montré que les cellules cardiaques de la drosophile ne sont pas toutes identiques le long de l’axe antéropostérieur. De plus, l’observation de la structure du canal dorsal révèle une division entre sa partie antérieure (l’aorte) qui est plus étroite et sa partie postérieure (le cœur) qui est plus large (Figure 5.1). L’organisation intersegmentale est définie par l’expression des facteurs de transcription Tinman (Tin), Ladybird (Lb), Dorsocross (Doc) et du récepteur nucléaire Seven-up (Svp)3. L’analyse de l’expression de ces marqueurs montre que du 2ème au 7ème segment abdominal, le canal dorsal est composé de 6 paires de cardioblastes par segment dont 4 paires sont positives pour Tin et 2 paires pour Svp/Doc. Du 3ème segment thoracique au 1er segment abdominal seules 4 paires de cardioblastes positives pour Tin sont detectées. Enfin, le 8ème segment abdominal ne contient que quatre cardioblastes. La diversité des cardioblastes est donc déterminée par la combinaison d’expression de facteurs cardiaques. Les études sur les mutants tin-/- et Svp-/- ont permis de montrer que les facteurs Tin et Svp (ou Doc) s’inhibent mutuellement4. dans l’organisation antéro-postérieure du canal dorsal de la drosophile. Le facteur Abd-A est sans doute un déterminant clé de cette polarité, en raison de sa fonction dans la spécification de la région postérieure du canal dorsal. L’organisation antéro-postérieure du second champ cardiaque chez les vertébrés a ensuite été passée en revue. Le cœur des vertébrés est un organe très complexe formé de plusieurs chambres cardiaques dont la formation dépend de la bonne organisation cranio-caudale (antéro-postérieure) du tube cardiaque embryonnaire. Les études chez la souris et le poulet ont montré que la croissance du tube cardiaque embryonnaire se faisait grâce à l’addition de nouvelles cellules cardiaques à ses deux extrémités, les pôles artériel et veineux11. Les cellules progénitrices cardiaques contribuant à l’expansion du tube cardiaque embryonnaire proviennent du mésoderme splanchnique (mésoderme pharyngé) localisé sous le tube cardiaque et ce territoire est appelé le second champ cardiaque (SCC) 12 . Les expériences de culture d’explants cardiaques et de marquage des cellules progénitrices par le colorant DiI chez la souris ont montré que le domaine antérieur du SCC contribue à la formation du pôle artériel et du ventricule droit, alors que son domaine postérieur contribue à la formation des oreillettes13,14. Ces résultats révèlent une organisation antéro-postérieure du SCC qui déterminera celle du tube cardiaque embryonnaire. Le deuxième niveau de polarité du canal dorsal est déterminé par sa division structurelle et fonctionnelle. Celle-ci se caractérise par l’expression élevée dans la région postérieure (cœur) du gène de la tropomyosine cardiaque, tina-1, et par la présence d’un pacemaker à l’extrémité postérieure du canal 5. Un autre gène, wingless (wg), homologue de Wnt, est exprimé uniquement dans les cardioblastes positives pour Svp/ Doc de la partie postérieure (cœur) du canal dorsal 6. De même, l’étude d’expression des canaux ioniques a révélé que la présence des gènes Ndae1 (échangeur sodium-calcium) et Ork1 (canal potassique) dans la partie postérieure est associée à l’activité électrique du canal dorsal7,8. Toutes ces observations indiquent qu’une information de position est nécessaire à l’organisation antéro-postérieure du canal dorsal de la drosophile. Les études d’expression ont montré que les gènes qui fonctionnent au sein du réseau génétique du SCC ne sont pas tous exprimés dans la totalité de ce domaine. En effet, alors que le gène Islet1 (Isl1) est exprimé dans tout le SCC15, l’expression des gènes FGF8, FGF1016 et Tbx117 n’est détectée que dans la partie antérieure de ce territoire. L’analyse de la contribution des cellules qui ont transcrit ces gènes montre que le domaine antérieur du SCC contribue à la formation du pôle artériel (Figure 5.2). Au sein de cette région, plusieurs sous-populations peuvent être distinguées. En effet, l’étude du mutant Tbx1-/- chez la souris montre que ce facteur contrôle l’addition de cellules qui constituent le myocarde souspulmonaire 18 . Dans les malformations cardiaques congénitales chez l’Homme, les défauts d’alignement des gros vaisseaux, comme la tétralogie de Fallot, sont fréquentes et résultent probablement d’un déficit de la région sous-pulmonaire du myocarde19. Une autre étude a mis en évidence une origine différente des cellules progénitrices du myocarde sous-pulmonaire et sousaortique. En effet, une analyse clonale retrospective a révélé que les régions supérieures et inférieures de la voie efférente sont respectivement à l’origine du myocarde sous-aortique et sous-pulmonaire20. Dans l’ectoderme de la drosophile, les gènes homéotiques sélecteurs (Hox) du complexe Antennapedia et Bithorax sont des régulateurs clés de l’identité spécifique des segments le long de l’axe antéropostérieur 9. Les gènes Hox, Antennapedia (Antp), Ultrabithorax (Ubx), Abdominal-A (Abd-A) et AbdominalB (Abd-B) sont exprimés respectivement au niveau des glandes lymphoïdes (extrémité antérieure), de l’aorte (région antérieure), du cœur (région postérieure) et de l’extrémité postérieure du canal dorsal (Figure 5.1)10. L’observation de la structure du canal dorsal dans les embryons mutants pour Abd-A montre qu’il y a une transformation de la partie postérieure en une structure de type aorte (antérieure). Au contraire, l’expression ectopique du facteur Abd-A dans la partie antérieure du canal dorsal transforme ce domaine en une structure qui ressemble à celle du domaine "cœur"10. Ainsi, les membres de la famille des gènes homéotiques sélecteurs (Hox) jouent un rôle important Ces études confirment ainsi l’organisation antéropostérieure du SCC et suggèrent son importance pour la formation du cœur mature. L’organisation antéropostérieure du SCC dépend de la voie de signalisation de l’acide rétinoïque, comme indiqué par l’expansion 44 postérieure anormale de l’expression des marqueurs antérieurs du SCC, comme Tbx1, les FGF8 et FGF10 dans les embryons mutants pour Raldh2, qui codent la rétinaldéhyde déshydrogénase (enzyme catalysant la synthèse de l’acide rétinoïque)21. Nos travaux sur la souris viennent de montrer que les gènes Hox, aussi connus pour répondre à l’acide rétinoïque, sont exprimés dans le SCC selon l’axe antéro-postérieur22. En effet, l’expression des gènes Hoxb1, Hoxa1 et Hoxa3 est détectée dans le mésoderme splanchnique avec les cellules progénitrices positives pour Isl1. Dans l’embryon de souris, les expériences de traçage génétiques Crelox, confirment que les cellules progénitrices exprimant les gènes Hoxb1, Hoxa1 et Hoxa3 contribuent à la formation du myocarde sous-pulmonaire (Figure 5.2). Ces résultats révèlent pour la première fois le rôle potentiel des facteurs Hox dans le développement du cœur chez les vertébrés. Le rôle des facteurs Hox dans la mise en place de l’organisation antéro-postérieure du SCC reste à être précisé. De manière intéressante, une étude récente chez l’homme a décrit des malformations cardiovasculaires, dont une tétralogie de Fallot, chez des patients ayant une mutation homozygote dans HOXA123. La tétralogie de Fallot observée chez ces patients pourrait indiquer le rôle du facteur HOXA1 lors de la formation précoce du cœur chez l’homme. mutants qui affectent les différentes parties du cœur. L’existence de sous-domaines au sein du SCC est en train d’émerger, avec des conséquences potentiellement importantes pour le diagnostic et le pronostic des malformations cardiaques congénitales chez l’homme ainsi que pour la compréhension de l’étiologie de ces malformations. Références 1. Bodmer R, Frasch M. in Harvey RP, N. Rosenthal N. Heart development, 1999, Academi Press, 65-90., 2. Rugendorff A, Younossi-Hartenstein A, Hartenstein V. Embryonic origin and differentiation of the Drosophila heart. Roux’s Arch Dev Biol 1994; 203:266-80. 3. Reim I, Frasch M. Genetic and genomic dissection of cardiogenesis in the Drosophila model. Pediatr Cardiol 2010; 31:325-34, doi:10.1007/s00246-009-9612-1. 4. Zaffran S, Reim I, Qian L, Lo PC, Bodmer R, Frasch M. Cardioblast-intrinsic Tinman activity controls proper diversification and differentiation of myocardial cells in Drosophila. Development 2006; 133:4073-83, doi:10.1242/dev.02586. 5. Lovato TL, Nguyen TP, Molina MR, Cripps RM. The Hox gene abdominal-A specifies heart cell fate in the Drosophila dorsal vessel. Development 2002; 129:5019-27. En conclusion, les études sur l’embryon de souris ont fourni des informations détaillées sur les phénotypes Figure 5.2 : Contributions cardiaques des cellules progénitrices exprimant les gènes Hox dans le second champ cardiaque L’analyse du traçage génétique a été faite avec les lignées Hoxb1Cre, Hoxa1-EnhIII-Cre, Hoxa3Cre et le rapporteur d’expression R26R-lacZ. Les cellules exprimant ou ayant exprimées les gènes Hoxa1, Hoxa3 et Hoxb1 sont représentées par des les différents tons de bleu, comme indiqué par les codes couleurs. Les cellules cardiaques exprimant Hoxb1 contribuent à la partie inférieure de la voie efférente (VE) qui donnera plus tard le myocarde souspulmonaire. Ao = aorte, CC = croissant cardiaque, ep = épicarde, OD = oreillette droite, OG = oreillette gauche, r4 = rhombomère 4, SCC = second champ cardiaque, tp = tronc pulmonaire. 45 6. Lo PC, Frasch MA. Role for the COUP-TF-related gene seven-up in the diversification of cardioblast identities in the dorsal vessel of Drosophila. Mech Dev 2001; 104:49-60. 7. Perrin L, Monier B, Ponzielli R, Astier M, Semeriva M. Drosophila cardiac tube requires multiple phases of Hox activity. Dev Biol 2004; 272:419-31. 8. Lalevée N, Monier B, Senatore S, Perrin L, Semeriva M. Control of cardiac rhythm by ORK1, a Drosophila two-pore domain potassium channel. Curr Biol 2006; 16:1502-8, doi:10.1016/j.cub.2006.05.064. 9. G raba Y, Aragnol D, Pradel J. Drosophila Hox complex downstream targets and the function of homeotic genes. BioEssays 1997; 19:379-88, doi:10.1002/bies.950190505. 10. Lo PC, Frasch M. Establishing a-p polarity in the embryonic heart tube. A conserved function of hox genes in Drosophila and vertebrates? Trends Cardiovasc Med 2003; 13:182-7. 11. Vincent SD, Buckingham ME. How to make a heart: the origin and regulation of cardiac progenitor cells. Curr Top Dev Biol 2010; 90:1-41. doi:10.1016/ S0070-2153(10)90001-X. 12. Buckingham M, Meilhac S, Zaffran S. Building the mammalian heart from two sources of myocardial cells. Nat Rev Genet 2005; 6:826-35. 13. Zaffran S, Kelly RG, Meilhac SM, Buckingham ME, Brown NA. Right ventricular myocardium derives from the anterior heart field. Circ Res 2004; 95: 261-8. 14. Galli D, Domínguez JN, Zaffran S, Munk A, Brown NA, Buckingham ME. Atrial myocardium derives from the posterior region of the second heart field, which acquires left-right identity as Pitx2c is expressed. Development 2008; 135:1157-67. 15. Galli D, Domínguez JN, Zaffran S, Munk A, Brown NA, Buckingham ME. Isl1 identifies a cardiac progenitor population that proliferates prior to differentiation and contributes a majority of cells to the heart. Dev Cell 2003; 5:877-889. 16. K elly RG, Brown NA, Buckingham ME. The arterial pole of the mouse heart forms from Fgf10expressing cells in pharyngeal mesoderm. Dev Cell 2001; 1:435-40. 17. X u H, Morishima M, Wylie JN, Schwartz RJ, Bruneau BG, Lindsay EA, Baldini A. Tbx1 has a dual role in the morphogenesis of the cardiac outflow tract. Development 2004; 131:3217-27. 18. T héveniau-Ruissy M, Dandonneau M, Mesbah K, Ghez O, Mattei MG, Miquerol L, Kelly RG. The del22q11.2 candidate gene Tbx1 controls regional outflow tract identity and coronary artery patterning. Circ Res 2008; 103:142-8, doi:10.1161/ CIRCRESAHA.108.172 189. 19. Van Praagh R. The first Stella van Praagh memorial lecture: the history and anatomy of tetralogy of Fallot. Semin Thorac Cardiovasc Surg Pediatr Card Surg Annu. 2009:19-38. doi:10.1053/ j.pcsu.2009.01.004. 20. Bajolle F, Zaffran S, Meilhac SM, Dandonneau M, Chang T, Kelly RG, Buckingham ME. Myocardium at the base of the aorta and pulmonary trunk is prefigured in the outflow tract of the heart and in subdomains of the second heart field. Dev Biol 2008; 313:25-34. 21. Ryckebusch L, Wang Z, Bertrand N, Lin SC, Chi X, Schwartz R, Zaffran S, Niederreither K. Retinoic acid deficiency alters second heart field formation. Proc Natl Acad Sci USA 2008; 105:2913-18. 22. Bertrand N, Roux M, Ryckebüsch L, Niederreither K, Dollé P, Moon A, Capecchi M, Zaffran S. Hox genes define distinct progenitor sub-domains within the second heart field. Dev Biol 2011; 353:266-74, doi:10.1016/j.ydbio.2011.02.029. 23. Tischfield MA, Bosley TM, Salih MA, Alorainy IA, Sener EC, Nester MJ, Oystreck DT, Chan WM, Andrews C, Erickson RP, Engle EC.. Homozygous HOXA1 mutations disrupt human brainstem, inner ear, cardiovascular and cognitive development. Nat Genet 2005; 37: 1035-7, doi:10.1038/ng1636. LA GÉNÉTIQUE HUMAINE DES HÉTÉROTAXIES a été développée par Patrice BOUVAGNET qui a commencé par rappeler l’étymologie d’hétérotaxie : heteros (différent) et taxos (position). L’hétérotaxie inclut tous les types de défaut de latéralisation y compris le situs inversus. La dextrocardie correspond à une pointe du cœur du côté droit et utiliser ce terme dans un cas de situs inversus est une sorte de pléonasme. L’implication de facteurs génétiques dans l’hétérotaxie est suggérée par les nombreux cas familiaux et l’importance du risque relatif chez les apparentés d’une personne hétérotaxique d’avoir une malformation cardiaque ou une hétérotaxie qui est multiplié par 80 par rapport au risque de la population générale1. Les mécanismes embryonnaires du développement de la latéralisation permettent de mieux comprendre les anomalies aboutissant à l’hétérotaxie (Figure 5.3)2,3. Le nœud embryonnaire est une dépression à la surface de l’embryon tapissée de cellules monociliées. Ces cils ont un mouvement de vortex. Ils sont composés de 9 paires de microtubules périphériques sans microtubule central (9+0) contrairement aux cils de l’épithélium respiratoire qui a en plus une paire de microtubules centrale (9+2). La plupart de nos organes ont des cellules monociliées. Ces monocils sont immobiles. Ils sont des sortes d’antennes actives et ont une structure 9+0. Le rôle du nœud du cil embryonnaire est de créer en tournant un flux de liquide péri-embryonnaire 46 de la droite vers la gauche. Ce flux induit dans l’hémi-embryon gauche une cascade moléculaire de signalisation TGFb avec Nodal, ACVR1B, ACVR2A, CFC1, SMAD, FAST… Le défaut d’une protéine du monocil du nœud embryonnaire peut annuler ce flux et induire une hétérotaxie. Si la protéine déficiente est aussi utilisée par les cils de l’épithélium respiratoire, une dyskinésie ciliaire sera aussi présente. Les hétérotaxies correspondant à un défaut de signalisation TGFb peuvent entraîner un isomérisme droit (par diminution du signal TGFb à gauche, par exemple) ou un isomérisme gauche (si les signaux qui inhibent Nodal à droite sont affaiblis, par exemple). Des molécules exprimées sur la ligne médiane de l’embryon servent de barrière chimique qui empêche le signal TGFb d’atteindre l’hémiembryon droit (Shh, Lefty1). Un isomérisme gauche est observé en cas de défaut de cette barrière chimique, en association à des anomalies de développement de la ligne médiane (Figure 5.4). Figure 5.3 : Établissement de la latéralisation au cours du développement des mammifères Figure 5.4 : Exemple d’un défaut de développement de la ligne médiane Hypertélorisme et pli épicanthique (la peau de la paupière supérieure recouvre la peau de la paupière inférieure comme chez les asiatiques) dans un cas d’hétérotaxie. 47 Des mutations des gènes de la cascade TGFb ont été identifiées dans l’hétérotaxie : une dizaine de gènes ont été impliqués, expliquant au maximum 15% des hétérotaxies (Tableau 5.1). En particulier, les mutations du gène ZIC3 sont responsables d’environ 5% des cas d’hétérotaxie : elle a été trouvée dans 8 cas par le groupe de l’orateur et le conseil génétique a été transformé pour ces familles. Le seul cas d’une hérédité mendélienne chez l’homme a été rapporté dans une famille finlandaise avec des mutations hétérozygotes composées dans le gène GDF1. Gène hétérotaxie Prévalence de la mutation NODAL 5-10% ZIC3 ≈1% si sporadique, 75% si familial lié au sexe CFC1 6-21% CRELD1 <1% FOXH1 Inconnue SESN1 <1% LEFTY A 1,6% GDF1 2,1% ACVR2B 2,4% NKX2.5 Inconnue sont aussi utilisées par le cil embryonnaire dont la déficience conduit à des cas de situs inversus associé (Kartagener). Le gène de DNAH11 est particulier parce que les mutations s’accompagnent de cils sans anomalie visible en microscopie électronique et les cils sont hyperkinétiques et rigides. Au contraire, les mutations dans les autres gènes de dynéine sont associées à une absence de bras externe de dynéine et des cils immobiles. Les mutations dans les gènes de protéine des fibres radiaires sont associées à une perte de la paire de microtubule centrale et d’un mouvement en vortex des cils respiratoires (comme ceux du nœud embryonnaire). Les mutations des gènes des fibres radiaires ne sont pas associées à un situs inversus ce qui est normal car ces protéines ne sont pas présentes dans le cil embryonnaire dont le fonctionnement n’est donc pas perturbé. Référence Mohapatra (2009), Roessler (2008) Ware (2004) Un essai de thérapie génique dans la DCP a réussi à restaurer un battement ciliaire normal sur une biopsie de muqueuse nasale d’un malade atteint de mutations hétérozygotes composées du gène DNAI1, en transfectant ses cellules avec un lentivirus qui contenait l’ADNc normal de DNAI1. Ainsi, en apportant une copie normale d’un gène, on peut restaurer une fonction cellulaire altérée par des mutations à expression récessive. Bamford (2000), Roessler (2008), Selamet Tiemey (2007) Robinson (2003) Roessler (2008) Peeters (2003, 2006) Kosaki (1999) Karkera (2007), Roessler (2008) Kosaki (1999) Watanabe (2002) En conclusion, les manifestations extracardiaques et extrahétérotaxie sont importantes pour approcher la cause génétique d’une hétérotaxie. L’enquête familiale avec échographie cardiaque et abdominale chez les parents et frères/sœurs permet éventuellement de préciser le mode de transmission et de dépister une forme familiale. La DCP est une maladie mendélienne autosomique récessive mais l’hétérotaxie est le plus souvent oligogénique (double ou triple hétérozygotie). L’identification des mutations causales dans l’hétérotaxie permet de tranformer le conseil génétique. En cas de dyskinésie ciliaire, l’identification du gène responsable est le préalable à tout essai de thérapie génique. Une mutation est présente dans 15% des cas (ZIC3 ≈3%) Tableau 5.1 : Gènes impliqués dans les hétérotaxies sans atteinte ciliaire ∆ Le laboratoire dirigé par le Pr Bouvagnet peut tester ZIC3 et Le syndrome de Kartagener (polypose nasale, dilatation des bronches et situs inversus) est une forme évoluée de dyskinésie ciliaire primitive (DCP) avec situs inversus. La DCP correspond à un dysfonctionnement des cils de l’épithélium des voies respiratoires inférieures et supérieures responsable d’infections respiratoires récidivantes débutant dès la naissance et évoluant vers des complications graves. La DCP est une maladie autosomique récessive de prévalence 1/20 000 dont le diagnostic est difficile. Il était habituellement dépendant de la microscopie électronique avec, cependant, environ 30% de faux-négatifs mais a été progressivement remplacé par l’observation du battement ciliaire sous microscope avec une caméra numérique à haute vitesse d’enregistrement. d’autres gènes impliqués dans les malformations cardiaques et/ou l’hétérotaxie dans les formes familiales (deux atteints quel que soit leur type d’hétérotaxie et/ou de malformation cardiaque et quel que soit leur lien de parenté). On peut aussi, à partir d’un brossage ou d’une biopsie nasale ou bronchique, faire la culture des cellules ciliées et observer le battement ciliaire pour établir le diagnostic de DCP. Les gènes DNAI1 et DNAH5 sont testés dans la DCP. Références 1. Øyen N, Poulsen G, Boyd HA, Wohlfahrt J, Jensen PK, Melbye M. Recurrence of congenital heart defects in families. Circulation 2009; 120:295-301. 2. Cardenas-Rodriguez M, Badano JL. Ciliary biology: understanding the cellular and genetic basis of human ciliopathies. Am. J Med Genet C Semin Med Genet 2009; 151C:263-80. De nombreux gènes ont été impliqués dans la pathogénie du syndrome de Kartagener et de la DCP (Tableau 5.2), notamment des gènes codant des composants des bras de dynéine. Ces protéines 48 Tableau 5.2 : Mutations identifiées à ce jour dans la dyskinésie ciliaire primitive Le terme d’hétérotaxie vient du grec heteros (autre) et taxis (arrangement). Il signifie que l’arrangement des organes et des oreillettes est "autre que" (différent de) l’arrangement usuel ou normal appelé situs solitus viscéro-atrial, mais différent aussi du situs inversus ou image en miroir du situs solitus. Quand le situs atrial d’une hétérotaxie est incertain ou inconnu, on parle de situs ambiguus. 3. El Zein L, Chhin B, Bozon D, Bouvagnet P. Défauts de latéralisation et hétérotaxie. Encycl Méd Chir, Cardiologie, 2003, 11-940-F-50, 10p. Le concept qui réduit les syndromes d’hétérotaxie à un isomérisme viscéro-atrial (image en miroir), droit avec asplénie ou gauche avec polysplénie, est anatomiquement erroné. Plus précisément, une oreillette morphologiquement droite n’a jamais été documentée de manière bilatérale chez un seul individu. De même, une oreillette morphologiquement gauche n’a jamais été documentée de manière bilatérale chez un seul individu. La notion d’isomérisme partiel soit des seules auricules, soit des seuls muscles pectinés atriaux, est une erreur conceptuelle. Isomérisme signifie image en miroir complète (et non partielle) de structures complexes comme, par exemple, les molécules de D-glucose et de L-glucose. L’isomérisme est un concept binaire : il est Enfin, nous avons eu le grand honneur d’entendre Richard VAN PRAAGH démontrer que LES SYNDROMES D’HÉTÉROTAXIE AVEC ASPLÉNIE, POLYSPLÉNIE OU RATE SITUÉE À DROITE SONT DES ANOMALIES DE L’ASYMÉTRIE DROITEGAUCHE. Il a commencé par rappeler que ces syndromes sont des anomalies du situs viscéro-atrial comportant : 1/ des malformations de l’asymétrie droite-gauche1, 2/ des défauts des structures médianes associées2, 3/ des anomalies de la rate qui peut être absente (asplénie), hypoplasique (polysplénie) ou normalement formée mais située à droite3-5. 49 ou il n’est pas, oui ou non : l’isomérisme partiel n’est pas un isomérisme. sont donc complètement opposés et asymétriques. La croissance du conus sous-pulmonaire élève vers le haut la valve pulmonaire et le tronc de l’artère pulmonaire, au-dessus du ventricule droit, à distance du foramen (ou communication) interventriculaire. À l’inverse, la résorption du conus sous-aortique permet à la valve aortique et à l’aorte ascendante de se déplacer vers le bas et l’arrière. La valve aortique passe essentiellement à travers le foramen interventriculaire pour se mettre en continuité fibreuse directe avec la valve mitrale en développement et chevaucher le ventricule gauche. Les syndromes d’hétérotaxie sont des anomalies de l’asymétrie droite-gauche. L’asymétrie droite-gauche complète normale est illustrée par le processus embryologique normal de switch aortique qui survient in utero entre 38 et 45 jours d’âge gestationnel (Figure 5.5)1,6. Après la formation de la boucle D, la paroi libre du conus sous-aortique situé à droite se résorbe complètement tandis que la paroi libre du conus sous-pulmonaire situé à gauche se développe. On peut chiffrer par 0 le développement de la paroi libre du conus sous-aortique et par 4+ celui de son homologue sous-pulmonaire : ces développements Il n’y a qu’une formule compatible avec un processus embryologique de switch aortique normal : conus sousaortique = 0 et conus sous-pulmonaire = 4+, avec deux Figure 5.5 : Le processus embryonnaire normal de switch aortique chez l’homme La figure se lit de bas en haut. Après la formation de la boucle D (D-loop), la valve aortique en développement et l’aorte ascendante (Ao) sont à droite de la valve pulmonaire en développement et du tronc artériel pulmonaire (PA). Les deux gros vaisseaux sont situés au-dessus du ventricule morphologiquement droit en développement. La paroi libre du conus sous-aortique, située sur la plus grande courbure de la boucle D se résorbe (valeur 0) tandis que celle du conus sous-pulmonaire, située sur la petite courbure de la boucle, se développe (valeur 4+). Ainsi, la voie pulmonaire s’élève en haut et en avant, au dessus du ventricule droit, loin du foramen interventriculaire. À l’inverse, la voie aortique descend en bas et en arrière, passe en grande partie par le foramen interventriculaire, se met en continuité fibreuse avec la valve mitrale en développement et chevauche le ventricule gauche. Ce développement normal est lié à une asymétrie complète du développement droite-gauche, dans le rapport 0/4+, du devenir des parois conales. En cas de développement inverse des parois conales (sous-aortique = 4+ et sous-pulmonaire = 0), la voie aortique s’élève en haut et en avant au-dessus du ventricule droit tandis que la voie pulmonaire descend en bas et en arrière au-dessus du ventricule gauche : c’est la transposition des gros vaisseaux (TGA). Si les deux conus se développent dans un rapport 4+/4+, les deux gros vaisseaux sont en position supérieure et antérieure au-dessus du ventricule droit et aucun ne peut se connecter au ventricule gauche : c’est un ventricule droit à double issue du type Taussig-Bing8,9. Beaucoup plus rarement, la résorption conale est bilatérale (rapport 0/0) avec continuité fibreuse entre aorte, artère pulmonaire et mitrale : c’est le ventricule gauche à double issue de type Paul10. Toutes ces anomalies, plutôt conales que cono-truncales, sont communes dans les syndromes d’hétérotaxie, à l’exception de la dernière. Il en va de même du tronc artériel commun persistant11. 50 isomères, solitus (boucle D) et inversus (boucle L). Il y a en revanche de nombreuses formules conduisant à un processus anormal et ce sont les malformations conotruncales. Par exemple, un développement opposé des parois libres des conus sous-artériels (sous-aortique = 4+ et sous-pulmonaire = 0) conduit à une transposition des gros vaisseaux (Figure 5.5): la valve aortique et l’aorte ascendante s’élèvent au-dessus du ventricule droit tandis que la la valve pulmonaire et le tronc de l’artère pulmonaire s’inversent vers le ventricule gauche. Les malformations cono-truncales sont fréquentes dans les syndromes d’hétérotaxie (67%)7 comme on le verra sur les tableaux suivants. 45% en cas d’asplénie et 52% en cas de polysplénie. On sait en effet que la ligne médiane joue un rôle crucial dans l’établissement de l’asymétrie droite-gauche dans le corps humain. Les données anatomiques d’une série non publiée de 168 cas autopsiés de syndrome d’hétérotaxie sont présentées dans les Tableaux 5.3 à 5.8. Il y avait asplénie dans 95 cas, polysplénie dans 68 cas et une rate normalement formée mais située à droite dans 5 cas. On voit qu’il y a beaucoup de différences hautement significatives entre les hétérotaxies avec asplénie et les hétérotaxies avec polysplénie, deux conditions qui ont à la fois des ressemblances et des différences caractéristiques. Ces tableaux permettent de décrire un profil particulier à chacun de ces deux Les défauts des structures médianes associées sont également fréquents dans les syndromes d’hétérotaxie : asplénie (%) polysplénie (%) p 9 67 22 69 24 6 <0,0001 <0,0001 <0,005 Normalement posés Ventricule droit à double issue Transposition des gros vaisseaux % : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie : asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). Tableau 5.3 : Relation des gros vaisseaux asplénie (%) polysplénie (%) p 32 37 3 20 9 55 32 10 56 45 12 43 NS <0,001 <0,0001 <0,005 NS NS Veine cave inférieure à droite Veine cave inférieure à gauche Interruption de la veine cave inférieure Veine cave supérieure droite seule Veine cave supérieure gauche seule Deux veines caves supérieures % : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie : asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). NS : statitisquement non significatif. Tableau 5.4 : Veines systémiques asplénie (%) polysplénie (%) p Situs atrial solitus Situs atrial inversus Situs atrial solitus + situs viscéral inversus Situs ambiguus (non diagnostiqué) 42 31 1 26 72 22 4 1 <0,001 NS <0,0001 Auricules en situs solitus Auricules en situs inversus Deux auricules droites Deux auricules gauches 51 28 21 0 50 19 0 31 NS NS 0,04 0,0009 % : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie : asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). NS : statitisquement non significatif. Tableau 5.5 : Situs atrial et auricules 51 grands types d’hétérotaxie. Les caractéristiques anatomiques spécifiques du syndrome d’hétérotaxie avec rate normale mais à droite n’ont pas été recherchées en raison du trop faible nombre de cas dans la série présentée (5 cas). Enfin, il n’est question ici que d’anomalies cardiovasculaires et les autres anomalies de l’asymétrie droite-gauche telles que le foie médian anormalement symétrique, la segmentation anormale des poumons et toutes les malformations non-cardiaques bien connues dans les syndromes d’hétérotaxie, ont été volontairement négligées. Références 1. Van Praagh R. The cardiovascular keys to air-breathing and permanent land-living in vertebrates : the normal human embryonic aortic switch procedure produced by complete right-left asymmetry in the development of subarterial conal free walls, and the evolution of the right ventricular conus. Kardiochirurgia i Torakochirurgia Polska 2011; 8:1-22. 2. Ticho BS, Goldstein AM, Van Praagh R. Extracardiac anomalies in the heterotaxy syndromes with focus on anomalies of midline-associated structures. Am J Cardiol 2000; 85:729-34. asplénie (%) polysplénie (%) p Canal atrio-ventriculaire commun Complet Partiel 96 81 15 45 33 12 <0,0001 <0,001 NS Valves normales (canal atrio-ventriculaire divisé) 4 55 <0,0001 % : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie : asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). NS : statitisquement non significatif. Tableau 5.6 : Valves atrio-ventriculaires asplénie (%) polysplénie (%) p 31 29 18 4 18 79 16 0 3 1 <0,0001 0,056 <0,001 <0,01 Concordance atrio-ventriculaire Discordance atrio-ventriculaire Ventricule droit à entrée commune Ventricule gauche à entrée commune Formes intermédiaires % : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie : asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). Tableau 5.7 : Connections atrio-vertriculaires asplénie (%) polysplénie (%) p Boucle ventriculaire Ventricules en boucle D Ventricules en boucle L 65 35 75 25 NS NS Crosse aortique À gauche À droite 40 60 70 30 <0,001 <0,001 Canal artériel Perméable Fermé Absent 49 24 27 55 33 12 NS NS <0,05 % : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie : asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). NS : statitisquement non significatif. Tableau 5.8 : Autres données 52 3. Van Praagh R, Van Praagh S. Atrial isomerism in the heterotaxy syndromes with asplenia, or polysplenia, or normally formed spleen: an erroneous concept. Am J Cardiol 1990; 66:1504-6. 4. Van Praagh S, Kreutzer J, Alday L, Van Praagh R. Systemic and pulmonary venous connections in visceral heterotaxy, with emphasis on the diagnosis of the atrial situs : a study of 109 postmortem cases. In : Clark EB, Takao A (eds), Developmental Cardiology : Morphogenesis and Function. Mt Kisco, NY, Futura Publishing Co Inc 1990; 671-728. 5. Van Praagh S, Santini F, Sanders SP. Cardiac malpositions with special emphasis on visceral heterotaxy (asplenia and polysplenia syndromes). In : Nadas AS, Fyler DC (eds), Pediatric Cardiology. Philadelphia, Hanley & Belfus Inc., 1991; 589-608. 6. Van Praagh R. Human evolution from fish to mankind and the cardiovascular changes that made it possible. World Soc Cardio-thorac Surg, Conference News 2011, June 12-15, pp 6-7. 7. V an Praagh R. The diagnostic and surgical pathology of heart disease in infants and children : A clinico-pathologic study of 3400 autopsied cases. Philadelphia, Elesevier, in press. 8. Taussig HB, Bing RJ. Complete transposition of the aorta and a levoposition of the pulmonary artery; clinical, physiological, and pathological findings. Am Heart J 1949; 37:551-9. 9. V a n P r a a g h R . W h a t i s t h e Ta u s s i g - B i n g malformation? Circulation 1968; 38:445-9. 10. P aul MH, Muster AJ, Sinha SN, Cole RB, Van Praagh R. Double-outlet left ventricle with an intact ventricular septum. Clinical and autopsy diagnosis and developmental implications. Circulation 1970; 41:129-39. 11. Vizcaino A, Campbell J, Litovsky S, Van Praagh R. Single origin of right and left pulmonary artery branches from ascending aorta with nonbranching main pulmonary artery: relevance to a new understanding of truncus arteriosus. Pediatr Cardiol 2002; 23:230-4. 53 54 6. PREMIER ARRANGEMENT DÉSORDONNÉ Le premier thème choisi pour ce sous-ensemble a été le DIAGNOSTIC PRÉNATAL DES HÉTÉROTAXIES et c’est Lindsey ALLAN qui lui a rendu justice. Elle a commencé par définir l’hétérotaxie comme un trouble du situs ou de la latéralité. Contrairement aux membres et à la tête qui sont plus ou moins symétriques dans le sens droite-gauche, les structures intra-abdominales et intra-thoraciques sont différentes selon le côté du corps. Il y a essentiellement quatre types possibles de situs : le situs solitus, normal; le situs inversus ou image en miroir où les organes sont latéralisés mais à l’inverse de la normale; l’isomérisme atrial droit, aussi appelé syndrome d’asplénie; et l’isomérisme atrial gauche, encore appelé polysplénie ou syndrome d’Ivemark. On donne aussi le nom de syndromes d’hétérotaxie ou de situs ambiguus aux isomérismes. Les organes à "forte personnalité" de latéralité sont les bronches, les lobes pulmonaires, les auricules et le cœur lui-même, le foie, la rate, l’estomac et l’intestin. Il faut noter que bien des caractères de latéralité ne peuvent être identifiés que par l’étude anatomique des spécimens. diaphragme, un vaisseau d’une taille analogue à celle de l’aorte dont il est proche. Les veines sus-hépatiques se jettent directement à la base des oreillettes. Dans les deux variétés d’isomérisme, une discordance entre la position respective de l’estomac et du cœur est habituelle : autour de 65% dans l’isomérisme droit et de 50% dans le gauche. Les auricules d’un cœur normal sont de forme différente selon le côté : la droite est émoussée et s’implante largement dans le cœur tandis que la gauche est pointue, digitiforme et a une implantation étroite. Ces caractères ne sont pas faciles à apprécier en échocardiographie fœtale sauf quand un épanchement péricardique les souligne. Une étude récente suggère que l’assimilation des oreillettes à des volumes pouvait aider à les différencier 1. Mais il faut alors disposer d’images de très haute qualité en 3D/4D et y consacrer beaucoup de temps et d’efforts alors même qu’une différenciation claire de la forme des auricules est souvent impossible sur des pièces anatomiques. Les anomalies intracardiaques de l’isomérisme droit sont presque toujours les mêmes : canal atrioventriculaire, ventricule droit à double issue, sténose ou atrésie pulmonaire et retour veineux pulmonaire anormal. Comme, par définition, il n’y a pas d’oreillette Le situs inversus de type image en miroir (cœur normal et estomac tous deux à droite) n’a pas d’implications cardiaques bien qu’il puisse parfois s’inclure dans un syndrome de Kartagener. Isomérisme signifie que les deux côtés sont identiques : bronches, lobes pulmonaires, auricules ont la même morphologie à droite et à gauche. Un foie median et une malrotation intestinale font partie des deux syndromes d’isomérisme, mais l’asplénie est caractéristique du dextro-isomérisme tandis que la polysplénie l’est du lévo-isomérisme. Ces isomérismes sont importants à reconnaître chez le fœtus car ils sont associés à une proportion faible mais significative des anomalies cardiaques dépistées pendant la vie intra-utérine, soit entre 3 et 10%. En échocardiographie fœtale, le repère le plus utile à la détermination du situs est la position relative de l’aorte et de la veine cave inférieure dans la partie supérieure de l’abdomen : normalement, l’aorte est en arrière et à gauche de la veine cave inférieure (Figure 6.1). En cas d’isomérisme droit, l’aorte et la veine cave inférieure ont tendance à se situer du même côté, plus proches l’une de l’autre que normalement (Figure 6.2). En cas d’isomérisme gauche, on ne trouve pas de veine cave inférieure dans la partie supérieure de l’abdomen et le retour veineux de la partie inférieure du corps se draine dans le cœur par la veine azygos (Figure 6.3). Cette dernière est une structure constante mais n’est pas toujours facile à voir en raison de sa petite taille : en cas d’interruption de la veine cave inférieure, elle se dilate au point qu’on distingue, traversant le Figure 6.1 : Échocardiographie fœtale d’un situs atrial normal Coupe transverse de la partie supérieure de l’abdomen. D = droite. L’estomac (est) est à gauche, l’aorte (Ao) est juste en face et à gauche de la colonne vertébrale et la veine cave inférieure (VCI) est à droite de l’aorte. 55 Figure 6.2 : Échocardiographie fœtale d’un isomérisme atrial droit Coupe transverse de la partie supérieure de l’abdomen. D = droite. L’estomac (est) est à gauche, l’aorte (Ao) est juste en face et à gauche de la colonne vertébrale et la veine cave inférieure (VCI) est à droite de l’aorte. Figure 6.3 : Échocardiographie fœtale d’un isomérisme atrial gauche Coupe transverse de la partie supérieure de l’abdomen. D = droite. L’estomac (est) est à droite. On ne peut identifier de veine cave inférieure mais il y a une structure veineuse supplémentaire située derrière l’aorte (Ao) : c’est une veine azygos dilatée (Az), plus grosse que normalement car elle doit drainer tout le débit de la veine cave inférieure interrompue à travers le thorax dans la veine cave supérieure. 56 morphologiquement gauche, les veines pulmonaires ne peuvent s’y drainer et dans 50% des cas, elles forment une confluence qui se jette sans sténose dans le massif atrial; dans les autres cas, le drainage passe par un collecteur ascendant ou, surtout, descendant, mais toujours obstructif, d’où un flux Doppler anormal sur la veine pulmonaire. Ce n’est qu’en cas d’atrésie pulmonaire associée que le retour veineux pulmonaire peut être difficile à identifier. Références 1. Paladini D, Sglavo G, Masucci A, Pastore G, Nappi C. Role of four-dimensional ultrasound (spatiotemporal image correlation and sonography-based automated volume count) in prenatal assessment of atrial morphology in cardiosplenicsyndromes. Ultrasound Obstet Gynecol 2011; 38:337-43. 2. Pepes S, Zidere V, Allan LD. Prenatal diagnosis of left atrial isomerism. Heart 2009; 95:1974-7. 3. Yates RW, Raymond FL, Cook A, Sharland GK. Isomerism of the atrial appendages associated with 22q11 deletion in a fetus. Heart 1996; 76:548-9. 4. B erg C, Geipel A, Kamil D, Krapp M, Breuer J, Baschat AA, Knöpfle G, Germer U, Hansmann M, Gembruch U. The syndrome of right isomerism prenatal diagnosis and outcome. Ultraschall Med 2006; 27:225-33. 5. Eronen MP, Aittomäki KA, Kajantie EO, Sairanen HI. Outcome of left atrial isomerism at a single institution. Pediatr Cardiol 2012; 33:596-600. 6. Serraf A, Bensari N, Houyel L, Capderou A, Roussin R, Lebret E, Ly M, Belli E. Surgical management of congenital heart defects associated with heterotaxy syndrome. Eur J Cardiothorac Surg 2010; 38:721-7. 7. Sinzobahamvya N, Arenz C, Reckers J, Photiadis J, Murin P, Schindler E, Hraska V, Asfour B. Poor outcome for patients with totally anomalous pulmonary venous connection and functionally single ventricle. Cardiol Young 2009; 19:594-600. En revanche, les anomalies intracardiaques des isomérismes gauches sont plus variables2. Il peut ne s’agir que d’une interruption de la veine cave inférieure sur cœur normal. Cependant, un canal atrio-ventriculaire survient dans 68% des cas, un ventricule droit à double issue dans 23%, une obstruction gauche dans 21%, une obstruction droite dans 35% et un retour veineux pulmonaire anormal dans 5%. Comme il n’y a pas d’oreillette morphologiquement droite, le nœud sinusal est souvent hypoplasique voire absent, ce qui conduit habituellement à un bloc atrio-ventriculaire complet (38%). Quand ce dernier est repéré tôt, au moment de l’échographie nucale, le diagnostic de loin le plus probable est lévo-isomérisme, dans la mesure où il n’y a pas de bloc complet par auto-anticorps maternels avant la seizième semaine de gestation. La série du King’s College des 13 dernières années comprenait 60 cas de lévo-isomérisme et 39 de dextroisomérisme, les premiers ayant eu tendance a apparaître plus tôt dans la grossesse (18,4 SA vs. 21,6 SA) probablement en raison, du moins en partie, de la plus grande proportion d’hyperclartés nucales dans les isomérismes gauches (63% vs. 45%). On ne trouve pas d’anomalies chromosomiques communes dans les syndromes d’isomérisme bien qu’on ait rapporté un cas de microdélétion 22q1.1 associé à un isomérisme gauche3. Les perspectives qu’offrent ces deux syndromes sont également différentes. En raison d’un pronostic sombre2,4-7, le taux d’interruption de grossesse a été élevé dans les deux grandes variétés de cette série. De plus, en cas de poursuite de la grossesse, la mort intrautérine est commune dans les isomérismes gauches (28% ici), surtout en cas de survenue d’un bloc atrioventriculaire conduisant souvent à un anasarque fœtoplacentaire vers la 30ème semaine de gestation. Dans les isomérismes droits, la mortalité intra-utérine est rare mais la mortalité néo-natale beaucoup plus élevée (50% vs. 22%) et, chez les survivants, la cardiopathie est si complexe que le pronostic à long terme est très compromis. En revanche, certains survivants atteints d’isomérisme gauche peuvent n’éprouver que peu ou pas de problèmes cardiaques. Notons qu’une atrésie biliaire peut compliquer 10% des cas d’isomérisme gauche et qu’une malrotation intestinale obstructive est commune dans les deux syndromes. Le problème des relations unissant CARDIOPATHIES, GÉMELLITÉ ET LATÉRALITÉ a ensuite été abordé par Damien BONNET. On sait que les grossesses gémellaires représentent environ 2 à 3% de l’ensemble des grossesses. Deux tiers d’entre elles sont dizygotes et donc bichoriales (BC) et le dernier tiers concerne des jumeaux monozygotes. Pour ces derniers, le caractère tardif de la scission embryonnaire définit la chorionicité et le nombre de poches amniotiques. On sait aussi depuis longtemps que le nombre de cardiopathies congénitales est plus élevé chez les jumeaux issus de grossesses monochoriales que chez les autres. Si on ajoute l’information de zygotie, les cardiopathies congénitales sont plus fréquentes chez les jumeaux monozygotes que chez les dizygotes1-3. Cependant, certains aspects de cette prévalence augmentée dans les grossesses monochoriales sont surprenants puisque les discordances entre jumeaux (un jumeau atteint et l’autre pas) sont très fréquentes et ne reçoivent que peu d’explications. Ces discordances sont en tous cas contradictoires avec le poids En résumé, il est important de détecter les syndromes d’isomérisme avant la naissance en raison de leur complexité et de leurs implications pronostiques. 57 supposé des facteurs génétiques dans l’origine des cardiopathies congénitales. Il est proposé ici de tenter de comprendre pourquoi les cardiopathies congénitales sont plus fréquentes chez les jumeaux que chez les singletons, mais aussi de montrer que l’interprétation des discordances entre jumeaux monozygotes n’est pas liée (ou pas totalement liée) à des phénomènes d’expressivité ou de pénétrance. MCMA). Les jumeaux MCBA étaient plus nombreux en cas d’obstacles droits, en particulier de sténoses pulmonaires (33/48 soit 69%; p<0.01), et la discordance entre les jumeaux était constante dans ces situations presque toujours associée à un syndrome transfuseurtransfusé4. Les jumeaux MCMA étaient plus souvent atteints de défauts de latéralité (12/36 soit 33%; p<0.01) et une discordance entre jumeaux était observée dans 10 cas sur 12. Toutes les grossesses gémellaires sont associées à une mortalité fœtale et périnatale plus élevée que celle des grossesses uniques. Il est également admis qu’il existe un risque plus élevé de malformations congénitales chez les jumeaux mais sa magnitude n’est pas parfaitement connue en raison d’un manque de données lié à la rareté des malformations et aux faibles séries de jumeaux. Ce risque est estimé selon les études entre 4,3% et 18,3%1-3. L’excès de malformations congénitales touche essentiellement les grossesses gémellaires monozygotes : 1,5 à 2% chez les singletons contre 3,7% chez les jumeaux dizygotes et 8,5% chez les monozygotes, soit quatre fois plus. Les malformations les plus fréquemment rencontrées sont les cardiopathies, les hydrocéphalies, les troubles de fermeture du tube neural, les fentes faciales et certaines associations comme les syndromes VATER et VACTERL. Le devenir des grossesses n’a pas été brillant : 47 fœtus victimes d’interruption médicale de grossesse, 20 morts fœtales in utero et 24 décès néonataux sur les 385 nés vivants. Au cours de la première année de vie, 116 patients ont été opérés avec une mortalité de 13%. En conclusion, on observe que la concordance entre les jumeaux est faible même dans les grossesses monochoriales, donc monozygotes. Cette discordance est liée au processus de gémellité pour les défauts de latéralité des MCMA et pour les sténoses pulmonaires des MCBA. En effet, le poids des cardiopathies fonctionnelles sans lien avec une cause moléculaire est considérable dans ces situations. Si on exclut ces cardiopathies fonctionnelles des jumeaux, la génétique retrouve sa part habituelle dans les formes concordantes entre jumeaux monochoriaux. Si l’augmentation du risque de cardiopathie congénitale dans les grossesses gémellaires est connue de longue date, elle a été diversement interprétée. En effet, la constatation d’une discordance fréquente entre jumeaux (un jumeau atteint et l’autre sain) à fait dire que le poids de la génétique dans l’apparition d’une cardiopathie chez un des individus de la paire était faible ou fait recourir à l’explication universelle du caractère multifactoriel de la survenue d’une cardiopathie congénitale chez l’un et pas chez l’autre. Ces deux idées soulignent à l’évidence les difficultés à comprendre ce qui pourtant se vérifie aujourd’hui : les jumeaux ont plus souvent des malformations cardiaques que les singletons et même quand ils sont génétiquement identiques, ils sont cardiologiquement différents. Références 1. Myrianthopoulos NC. 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À noter que 28 grossesses avaient été obtenues par assistance médicale à la procréation (12.3% vs. 2.6% pour l’ensemble des grossesses). Les liens unissant TRANSPOSITIONS DES GROS VAISSEAUX ET HÉTÉROTAXIES ont ensuite été développés par Bruno MARINO. Chez les vertébrés et les humains, le situs solitus est caractérisé par un arrangement spécifique des organes internes : vus de la pointe du cœur, les gros vaisseaux on une spiralisation "droitière" dans le sens des aiguilles d’une montre1,2 (Figure 6.4 A). Au contraire, chez les sujets en situs Les deux jumeaux étaient atteints dans 35 cas (15.4%), avec concordance de la cardiopathie chez 23 (65,7%). Les deux fœtus avaient une cardiopathie dans 35% des MCMA, 14.1% des MCBA et 10.7% seulement des BCBA. Les cardiopathies les plus fréquentes étaient des malformations cono-truncales (n=71) avec une concordance dans 13/71 (8/20 MCBA, 3/5 58 sens inverse et leur spiralisation est de type situs inversus5. Une récurrence familiale a été récemment décrite6 dans 10% des cas de TGV et, fait intéressant, la cardiopathie récurrente la plus fréquente était la TGV elle-même (six familles), la suivante étant la double discordance (5 familles). Ces faits suggèrent une hérédité monogénique ou oligogénique et un lien pathogénique entre TGV et double discordance. On peut même considérer que la TGV appartient au groupe pathogénique des défauts de latéralisation plutôt qu’à celui des malformations cono-truncales6. inversus, tous les organes internes, y compris le cœur, sont arrangés "en miroir" et les gros vaisseaux s’enroulent de façon "gauchère" dans le sens contraire des aiguilles d’une montre (Figure 6.4 B). Les défauts de latéralisation qui altèrent cette asymétrie sont à l’origine d’un autre type de situs qu’on appelle hétérotaxie et qui comporte de multiples anomalies extracardiaques et cardiaques avec tendance à une morphologie symétrique de certains organes3. Dans ces cas, le cœur est généralement affecté d’anomalies des retours veineux systémique et pulmonaire, d’une oreillette et d’un ventricule uniques, d’un canal atrioventriculaire complet et d’une boucle ventriculaire variable 4 (Figure 6.4 C). Les gros vaisseaux sont transposés et non spiralés chez pratiquement tous les patients en asplénie et quand la connexion ventriculoartérielle est de type ventricule droit à double issue ou atrésie pulmonaire, l’aorte est pratiquement toujours antérieure et entourée de muscle infundibulaire5 (Figure 6.4 C). La transposition des gros vaisseaux (TGV) est significativement plus rare dans la polysplénie : en cas de boucle ventriculaire de type D, les gros vaisseaux sont normalement posés et spiralés en situs solitus; en cas de boucle L, ils restent normalement posés mais en Bien plus, les observations morphologiques des cardiopathies, dont la TGV, dans l’hétérotaxie, soulignent des similitudes phénotypiques entre l’enroulement normal (droitier) des gros vaisseaux et la spiralisation prédominante droitière des coquilles d’escargot5. Ce type spiral droitier des gros vaisseaux est inversé chez les sujets en situs inversus comme dans une minorité de coquilles. Ce qui suggère que ces dispositions anatomiques normales et anormales sont comparables chez les humains et les coquillages et qu’elles pourraient partager un mécanisme génétique commun5. Foie Estomac A B Figure 6.4 : Les trois grands types de situs 59 C La reproduction expérimentale de la TGV est difficile mais on sait que Thomas Pexieder réussit à obtenir des TGV fœtales par l’administration d’acide rétinoïque à des souris enceintes. La poursuite de ces études a permis d’obtenir des TGV par l’administration d’un antagoniste de l’acide rétinoïque à des souris enceintes, ce qui montre qu’une gamme spécifique et un niveau critique d’acide rétinoïque sont nécessaires à la spiralisation normale du cono-truncus chez l’embryon7. On sait bien par ailleurs que l’acide rétinoïque est fortement impliqué dans le déterminisme gauche-droite, boucle ventriculaire y compris, et que ces données expérimentales anciennes et récentes confirment le lien entre TGV et défauts de latéralisation. escargots, en une spirale droitière de la coquille (Figure 6.5 A). À l’inverse, une expression gauchère inversée de ce gène conduit une spirale gauchère des gros vaisseaux et des coquilles (Figure 6.5 B). Chez l’enfant, la mutation spontanée de NODAL est cause de TGV sans enroulement des gros vaisseaux de même que l’inhibition pharmacologique du même gène chez l’embryon d’escargot produit une coquille non spiralée (Figure 6.5 C). Bien des indices suggèrent que, chez l’homme, la TGV et certaines formes de canal atrioventriculaire pourraient être considérées comme des signes phénotypiques d’un défaut de latéralisation20-23. Références Ces dernières années, beaucoup de gènes asymétriquement exprimés pendant les phases précoces du développement embryonnaire et impliqués dans les processus de latéralisation normale et anormale ont été identifiés 8-10. NODAL est, à ce jour, la voie de signalisation la plus importante pour l’établissement de la chiralité. Son rôle crucial dans le développement embryonnaire précoce, en particulier dans l’induction mésodermique et neurale et dans la formation de l’axe gauche-droite des vertébrés, est désormais relativement bien connu8-10. NODAL a été d’abord découvert chez la souris mais ses orthologues ont été décrits depuis chez l’embryon de poulet, les oursins et des ascidiens avec la même fonction de spécification gauche-droite dans les premiers stades de l’embryogénèse. 1. Goor DA, Edwards JE. The spectrum of transposition of the great arteries: with specific reference to developmental anatomy of the conus. Circulation 1973; 48:406-15. 2. Bajolle F, Zaffran S, Kelly RG, Hadchouel J, Bonnet D, Brown NA, Buckingham ME. Rotation of the myocardial wall of the outflow tract Is implicated in the normal positioning of the great arteries. Circ Res 2006; 98:421-8. 3. Lin AE, Ticho BS, Houde K, Westgate MN, Holmes LB. Heterotaxy: associated conditions and hospitalbased prevalence in new borns. 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L’ensemble de ces données a conduit à tester les gènes de latéralisation dans les familles de TGV récurrentes et, sur sept de ces familles, deux avaient des mutations multiples de ces gènes, en particulier de NODAL, ce qui confirme qu’au moins certains cas familiaux de TGV peuvent être considérés comme des défauts de latéralisation17. En 2005, une élégante étude du groupe de Leiden a montré pour la première fois que cinq gènes de chiralité, dont NODAL, ayant leurs homologues chez les vertébrés, étaient aussi impliqués dans le déterminisme de la chiralité des escargots18. L’expression droitière de NODAL chez l’embryon d’escargot a pour résultat une spiralisation droitière de la coquille et son expression gauchère conduit à une spiralisation gauchère. De plus, il a été montré que l’inhibition pharmacologique de NODAL produisait un développement symétrique de la coquille sans aucune spiralisation comme les gros vaisseaux parallèles de la TGV19. En conclusion, l’expression droitière normale de NODAL consiste chez les vertébrés et les humains en une spirale droitière des gros vaisseaux et, chez les 60 Solitus Inversus Ambiguus A B C Figure 6.5 : Chiralité des coquilles d’escargots et latéralité des viscères humains 11. M ohapatra B, Casey B, Li H, Ho-Dawson T, Smith L, Fernbach SD, Molinari L, Niesh SR, Jefferies JL, Craigen WJ, Towbin JA, Belmont JW, Ware SM. Identification and functional characterization of NODAL rare variants in heterotaxy and isolated cardiovascular malformations. Hum Mol Genet 2009; 18:861-71. 12. R oessler E, Ouspenskaia MV, Karkera JD, Vélez JI, Kantipong A, Lacbawan F, Bowers P, Belmont JW, Towbin JA, Goldmuntz E, Feldman B, Muenke M. Reduced NODAL signaling strength via mutation of several pathway members including FOXH1 is linked to human heart defects and holoprosencephaly. Am J Hum Genet 2008; 83:18-29. 13. Bedard JE, Haaning AM, Ware SM. 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Le facteur de risque de mortalité était ici la présence d’un retour veineux pulmonaire anormal total. Enfin, la survie après réparation uni ou bi-ventriculaire des CAV est d’environ 90% à 12 ans dans la série italienne6, plus élevée chez les trisomiques 21 (94%) que chez les eusomiques (86%). Suit une étude rétrospective du devenir à long terme des ventricules uniques avec valve de CAV, incluant les hétérotaxies avec CAV complet et ventricule droit à double issue justiciables d’une réparation uni-ventriculaire d’emblée, les ventricules droits à double issue avec CAV dont la cure complète a paru très incertaine lorsque le diagnostic a été fait in utero et les CAV déséquilibrés, estimés non réparables à deux ventricules. Ont ainsi été analysés 185 dossiers dont 68 fœtus vus à l’Institut de Puériculture de Paris entre 2002 et 2012 (série IPP) et 117 patients nés entre 1968 et 2012, suivis à l’hôpital Necker (série Necker). Fanny BAJOLLE a clos cette séance par l’étude du VENTRICULE UNIQUE AVEC VALVE AURICULOVENTRICULAIRE "DE CAV". En se basant sur la classification clinique et anatomique des cardiopathies congénitales (ACC-CHD) qui vient d’être proposée, les ventricules fonctionnellement ou anatomiquement uniques avec valve auriculo-ventriculaire unique de canal atrioventriculaire (CAV) peuvent appartenir à trois groupes : 1 (Heterotaxy, including isomerism and mirror-imagery), 4 (Anomalies of atrioventricular junctions and valves) et 6 (Functionally univentricular hearts)1. En effet, un grand nombre de malformations congénitales appartenant au groupe des hétérotaxies comporte une valve de CAV associée à d’autres malformations qui empêchent une réparation bi-ventriculaire. De plus, les CAV déséquilibrés aux dépens des cavités gauches ou des cavités droites, sont parfois réparés comme des cardiopathies univentriculaires car une septation chirurgicale complète ne serait pas viable. L’appréciation de ce déséquilibre ventriculaire est souvent assez approximative bien que le calcul d’un index atrio-ventriculaire (AVVI) puisse aider à la prise en charge2 : s’il est < 0,19, la réparation doit être de type uni-ventriculaire; s’il est > 0,4, elle peut être biventriculaire; entre 0,19 et 0,39, la décision est difficile. La série IPP concerne donc 68 grossesses d’âge maternel moyen au diagnostic de 28±5 ans [17,6-41] et d’âge fœtal au diagnostic de 24 SA [13-36]. Il y a eu 50 interruptions médicales de grossesse (73,5%) et ce taux n’est pas plus élevé en cas de facteur de mauvais pronostic3,4 (Tableau 6.1). On compte encore deux morts fœtales sur les 18 grossesses poursuivies (polymalformés). Le taux de récurrence dans cette série est de 2,9 % et il y a eu 24 grossesses normales dans les suites de ces 68 cas. Facteur de risque Les données de la littérature sur les isomérismes ne manquent pas. Le groupe de Toronto en a publié deux séries3,4 faisant apparaître un taux de CAV de 81% dans les isomérismes droits (contre 96% nous a dit Richard Van Praagh p. 49) et de 49% dans les isomérismes gauches (contre 46% chez Van Praagh). Les facteurs de risques de mortalité identifiés dans les dextroisomérismes sont : l’absence d’obstruction pulmonaire, la fuite valvulaire et les retours veineux pulmonaires anormaux bloqués; dans les lévo-isomérismes : le Bloc auriculo-ventriculaire Atrésie ou sténose pulmonaire Fuite de la valve atrio-ventriculaire Coarctation de l’aorte Nombre % de cas d’IMG 9 38 18 1 66,6% 76,5% 77,7% 100,0% Tableau 6.1: Interruptions de grossesse (IMG) en fonction des facteurs de risques associés aux hétérotaxies La série Necker regroupe 117 patients nés vivants avec 28 diagnostics anténataux et 89 diagnostics postnataux répartis entre 1968 et 2012. Le sex ratio est de 1,1 (62/55). Les phénotypes cardiaques se répartissent en 62 97 hétérotaxies et 20 CAV déséquilibrés. La mortalité globale est considérable avec 69 décès sur 117 (59%). Pour le groupe des hétérotaxies, la mortalité globale est de 65% (63/97), un peu moindre (58%) en cas de retour veineux pulmonaire anormal associé que sans (70%) ce qui diffère de la littérature5. Le sous-groupe des CAV déséquilibrés est moins sombre puisque la mortalité y est de 6/20 (30%) ce qui reste très au-dessus de la mortalité globale des CAV réparés en uni ou bi-ventriculaire 6. La courbe de survie globale de notre population montre une médiane à 8,1 ans [5,4-16,7] et une survie globale à 13,6% [3,2-57,5] (Figure 6.6). Contrairement à certaines cardiopathies congénitales7, le diagnostic prénatal n’exerce pas "d’effet protecteur" dans ce groupe (p<0.13) (Figure 6.7). La prise en charge se répartit en 28 évolutions spontanées, 25 interventions palliatives seules, 61 programmes uni-ventriculaires et trois patients ont été transplantés (Tableau 6.2). atteints), l’autre un syndrome de Ito; et cinq autres avec syndrome polymalformatif dont deux avec anomalies gastro-intestinales. En conclusion, le devenir à long terme des ventricules uniques avec valve de CAV est sombre : taux d’IMG à 73.5%, taux de mortalité à 59% et taux de survie à 13 % à 35 ans. Comparé au pronostic d’autres cardiopathies telles que la tétralogie de Fallot9, le tronc artériel commun10 ou les malpositions vasculaires11, celui de ces cardiopathies est autrement plus grave. On doit également retenir qu’il ne faut pas attendre pour faire la dérivation cavo-pulmonaire totale lorsqu’on engage le patient dans un programme de cœur uni-ventriculaire car la mortalité est moindre que celle des patients en chirurgie palliative ou en dérivation cavo-pulmonaire partielle. 1. Sur les 28 non opérés, 24 sont décédés (85%), ce qui est significativement différent des patients opérés p<0,0001 (Figure 6.8), avec un âge médian au décès de 57,5 jours [0-10,5 ans] dont une grande partie néonatale. Sur les quatre survivants, une jeune femme de 34 ans s’est trouvée enceinte en 2006 avec une très bonne tolérance hémodynamique. 2. L e groupe des 25 palliatives n’est pas moins catastrophique : 93% de décès en cas d’anastomose de Blalock seule, 89% en cas de cerclage pulmonaire. Le patient ayant eu une simple ligature du canal artériel est toujours en vie. 3. S ur les 61 patients inscrits dans un programme chirurgical de cœur uni-ventriculaire, 37 patients ont eu divers types de dérivations cavo-pulmonaires et 18 sont décédés (49%). Le stade de la dérivation cavopulmonaire totale a été atteint par 24 patients, soit 20% de la population initiale. Le phénotype cardiaque sous-jacent était 17 fois une hétérotaxie et 7 fois un CAV déséquilibré. La mortalité a été plus faible que dans les autres groupes : 4/24, soit 20%. L’âge moyen à la dérivation totale a été 7,6±4 ans [1,7-16] et le taux de survie de 71,6 % [50,7-100] (Figure 6.9). 4. Q uant aux trois patients transplantés, deux sont décédés, dont un par plaie sur son montage de Norwood, ce qui confirme le mauvais pronostic de la transplantation cardiaque chez les patients ayant un Fontan8. Figure 6.6 : Courbe de survie globale des 117 patients (série Necker) On doit ajouter que cinq des 117 patients (4,2%), tous atteints d’hétérotaxies, ont eu un remplacement valvulaire mécanique. Trois enfants (2,5%) ont eu un pacemaker (deux hétérotaxies et un CAV déséquilibré). Trois autres (hétérotaxies) ont développé des fistules artério-veineuses pulmonaires. La série compte huit trisomiques 21 et tous avaient un CAV déséquilibré avec hypoplasie franche des cavités droites (6 cas) ou gauches (2 cas). Il y a deux cardiopathies familiales et trois grossesses gémellaires dans cette série. Enfin, les atteintes extracardiaques ont affecté deux patients avec CAV et petit ventricule gauche : l’un avait un Holt Oram familial (père et 3 sœurs Figure 6.7: Courbe de survie des 117 patients en fonction de la date du diagnostic DAN = diagnostic anténatal; DPN = diagnostic postnatal 63 Tableau 6.2 : Prise en charge des 117 patients de la série Necker Figure 6.8 : Courbe de survie des 117 patients en fonction de la prise en charge La différence en faveur des opérés est très hautement significative. Figure 6.9 : Courbe de survie après dérivation cavo-pulmonaire totale 64 6. Formigari R, Di Donato RM, Gargiulo G, Di Carlo D, Feltri C, Picchio FM, Marino B. Better surgical prognosis for patients with complete atrioventricular septal defect and Down’s syndrome. Ann Thorac Surg 2004; 78:666-72. 7. Bonnet D, Coltri A, Butera G, Fermont L, Le Bidois J, Kachaner J, Sidi D. 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L’hétérotaxie s’accompagne souvent de cardiopathies et d’anomalies extracardiaques. Ces dernières associent des anomalies du situs broncho-pulmonaire avec parfois absence de l’asymétrie droite-gauche (isomérisme), des anomalies du situs des viscères abdominaux (situs ambiguus) et des malformations extracardiaques intéressant essentiellement des structures de la ligne médiane1, axe selon lequel s’établit l’asymétrie droite-gauche des viscères. de chaque coté, et de type gauche dans l’isomérisme gauche avec deux lobes pulmonaires de chaque coté. Les anomalies du situs viscéral abdominal sont communes dans l’hététérotaxie2-5 par opposition à l’arrangement habituel en situs solitus, normal (Figure 7.3) ou en miroir (inversus). Les deux principales souscatégories sont le situs ambiguus avec polysplénie, associant des anomalies de rotation intestinale (mésentère commun) et deux lobes pulmonaires de chaque côté ou isomérisme gauche (Figure 7.4); et le situs ambiguus avec asplénie associant anomalies de rotation du tube digestif (estomac à droite, mésentère commun), foie médian et trois lobes pulmonaires de chaque côté ou isomérisme droit (Figure 7.5). Les malformations extracardiaques sont décrites dans environ 50% des hétérotaxies. Il s’agit de malformations affectant des structures de la ligne médiane ou découlant de la rupture de la barrière médiane qui sépare gauche et droite. Les atteintes sont multiples, principalement gastro-intestinales, génito-urinaires, système nerveux central, cranio-faciales, squelettiques, endocrines. Les anomalies broncho-pulmonaires sont donc des anomalies de situs. Dans l’arrangement normal, appelé situs solitus, les bronches souches sont asymétriques du fait de caractéristiques propres (Figure 7.1). À gauche, la bronche souche est longue, de type hypartériel et sa division se fait après le croisement avec l’artère pulmonaire; le poumon comporte deux lobes. A droite, la bronche souche est courte, épartérielle et se divise rapidement; le poumon comporte trois lobes. En cas d’hétérotaxie, l’asymétrie bronchopulmonaire disparaît parfois au profit d’une symétrie appelée isomérisme, d’où des bronches souches identiques de chaque coté (Figure 7.2) : de type droit dans l’isomérisme droit avec trois lobes pulmonaires Pour illustrer ce propos, l’analyse des dossiers d’hétérotaxie des fœtus de la cohorte EPICARD, étude épidémiologique en population de 2867 enfants atteints de cardiopathies congénitales nés vivants (82%), morts in utero (1,8%) ou ayant fait l’objet d’une interruption médicale de grossesse (16,2%), de mai 2005 à avril 2008 à Paris ou sa petite couronne6, a permis de recueillir les données suivantes. Les Figure 7.1 : Anatomie de la division bronchique en situs solitus Il s’agit d’une vue postérieure. La bronche droite, à droite sur la pièce et le schéma, est moins horizontale et courte car elle se divise vite. La bronche gauche, à gauche sur la pièce et le schéma, est plus horizontale et plus longue. 67 Figure 7.2 : Isomérismes bronchiques À gauche, les deux bronches sont courtes et se divisent vite, de type droit : c’est un isomérisme droit. À droite, les deux bronches sont plus horizontales et s’étendent jusqu’aux hiles sans se diviser, de type gauche : c’est un isomérisme gauche. Figure 7.3 : Viscères en situs solitus (normal) Remarquer le situs solitus bronchique, l’asymétrie pulmonaire, le foie à droite, une seule rate normale à gauche. Le grêle et le colon ont une disposition normale. Figure 7.4 : Viscères en situs ambiguus avec polysplénie (isomérisme gauche) Remarquer l’isomérisme bronchique gauche, les deux poumons bilobés (type gauche), le foie normal à droite, mais de nombreuses petites rates à gauche (pièce). Grêle et colon sont de part et d’autre de l’abdomen en raison d’un mésentère commun. 68 Figure 7.5 : Viscères en situs ambiguus avec asplénie (isomérisme droit) Remarquer l’isomérisme bronchique droit, les deux poumons trilobés (type droit), le foie à droite et pas de rate. La malrotation intestinale est la même du fait d’un mésentère commun. En bas au milieu, pièce montrant une variante avec foie médian (deux lobes droits) et toujours le mésentère commun. 69 hétérotaxies représentent 1,3% de la cohorte et concernent 29 fœtus : 28 interruptions de grossesse et une mort fœtale in utero; tous ont eu un examen fœtopathologique; le diagnostic d’hétérotaxie était suspecté pour 13 d’entre eux en anténatal, majoritairement par les cardio-pédiatres à l’échographie; neuf avaient un bloc auriculo-ventriculaire et deux cas étaient familiaux (récidive connue dans la fratrie). imperforation anale), les anomalies génito-urinaire (14%) sont surtout des anomalies rénales (agénésie, hypoplasie, fusion) et des anomalies utérines. Les malformations du système nerveux central (7%) concernent également surtout la ligne médiane, sont associées parfois à des anomalies vertébrales et peuvent également toucher le système endocrine avec surrénales fusionnées. Les anomalies de situs affectaient presque toujours la rate : polysplénie gauche dans 49%, asplénie dans 34%, polysplénie droite dans 7%, rate unique à gauche (normale) dans 7% et rate unique à droite dans 3%. Dans 57% des cas de polysplénie, il y avait un isomérisme pulmonaire gauche (58% dans la littérature 1) et dans 60% des cas d’asplénie, un isomérisme broncho-pulmonaire droit (contre 84% dans la littérature1). L’étiologie des hétérotaxies est loin d’être tout à fait comprise. Habituellement sporadiques, elles peuvent aussi se transmettre sur un mode autosomique récessif, dominant ou lié à l’X. Elles sont observées également en cas de diabète maternel ou de prise d’acide rétinoïque. La position des organes asymétriques se décide très tôt chez l’embryon, au moment de la gastrulation, grâce à des courants liquides orchestrés par des cils vibratiles à mouvement rotatoire vers la gauche, présents à la surface du nœud de Hensen. Un défaut du cil conduit à une anomalie de mise en place de la latéralité des organes. Le mouvement des cils explique la dynamique de migration; mais ce sont vraisemblablement les molécules et gènes de latéralité qui détiennent le plan de notre asymétrie. Le seul gène dont l’implication soit prouvée chez l’homme est ZIC 3 (transmission liée à l’X). Les variations de situs, tant abdominal que bronchopulmonaire, étaient nombreuses et ne suivaient pas les schémas des deux principales catégories. Une malrotation intestinale à type de mésentère commun complet ou incomplet était observée dans 70% des cas. Les malformations extra-cardiaques associées ont été retrouvées dans environ la moitié des cas de la cohorte, essentiellement gastro-intestinales (8), génito-urinaires (5) et du système nerveux central (4). En revanche, il n’y avait pas de malformations crânio-faciales majeures ni d’anomalies endocrines dans la cohorte. Dans le détail : L’hétérotaxie est également décrite dans certaines anomalies chromosomiques et certaines maladies plus pléiotropes comme le syndrome de Meckel ou BardetBiedl ou le syndrome de Kartagener qui sont des ciliopathies atteignant d’autres organes et dans lesquels il peut y avoir des anomalies de situs. • l es malformations gastro-intestinales étaient plus fréquentes en cas de polysplénie que d’asplénie (sept vs. une) et elles étaient toutes associées à une malrotation intestinale dans cette série. Ont été observés un pancréas annulaire (deux cas), une agénésie de la queue du pancréas, une atrésie duodénale, une atrésie jéjunale, une bride de Ladd et une éventration diaphragmatique avec empreinte hépatique; • les malformations génito-urinaires étaient des reins pelviens, une dilatation pyélique, une duplication urétérale, une hypertrophie rénale avec quelques dilatations tubulaires et une malformation périnéale complexe avec anomalies sacrées; • les anomalies du système nerveux central consistaient en deux défauts de fermeture du tube neural de type myélo-méningocèle, une dilatation ventriculaire et une hypoplasie cérebelleuse; • e nfin, aucune anomalie chromosomique n’a été décélée au sein de la cohorte et aucun cas ne s’inscrivait au sein d’un syndrome étiqueté connu; deux ont fait l’objet de récidive. En conclusion, l’hétérotaxie est un large spectre d’anomalies de développement où le placement des organes est différent de l’arrangement habituel. Il convient de la suspecter en anténatal3,5 devant une cardiopathie de type canal atrio-ventriculaire avec ventricule droit à double issue, des anomalies du retour veineux systémique et/ou pulmonaire, un bloc atrio-ventriculaire, car son pronostic est plus péjoratif que celui d’une cardiopathie isolée 3, en raison des malformations extracardiaques souvent graves qui lui sont associées dans 50% des cas. L’échographie fœtale recherche les éléments diagnostiques et pronostiques pour orienter la prise en charge néonatale, notamment une malrotation ou obstruction intestinale, une rate absente ou une polysplénie, les cardiopathies étant plus graves dans l’asplénie, une continuation azygos de la veine cave inférieure, des signes d’atrésie biliaire5. En cas d’interruption de grossesse, un examen fœto-pathologique est indispensable pour compléter la description phénotypique et progresser dans la compréhension du mécanisme. Enfin, la cohorte EPICARD corrobore les données de la littérature quant à l’hétérogénéité des anomalies extracardiaques dans l’hétérotaxie, défiant la catégorisation en asplénie ou polysplénie. Dans la littérature1-5, les principales autres malformations décrites sont des anomalies crânio-faciales (9%), essentiellement de la ligne médiane à type de fentes (5.6%) ou d’hypertélorisme. Les malformations gastrointestinales atteignent 10% des cas (omphalocèle, absence de vésicule biliaire, atrésie des voies biliaires, 70 pneumocoque, l’hémophilus influenzae, N. méningitidis. Dans une étude pédiatrique menée entre 1993 et 1999 aux Etats-Unis, on a trouvé 22 patients aspléniques dans 2580 épisodes infectieux à pneumocoque, dont 12 avaient une asplénie congénitale, isolée trois fois1. L’infection à pneumocoque survenait à un âge médian de 12,5 mois. Références 1. Ticho BS, Goldstein AM, Van Praagh R. Extracardiac anomalies in the heterotaxy syndromes with focus on anomalies of midline-associated structures. Am J Cardiol 2000; 85:729-34. 2. Ferdman B, States L. Abnormalities of intestinal rotation in patients with congenital heart disease and the heterotaxy syndrome. Cong Heart Dis 2007; 2:12-8. 3. L im JS, McCrindle BW, Smallhorn JF, Golding F, Caldarone CA, Taketazu M, Jaeggi ET. Clinical features ,management, and outcome of children with fetal and postnatal diagnoses of isomerism syndromes. Circulation 2005;112:2454-61. 4. Fulcher AS, Turner MA. Abdominal manifestations of situs anomalies in adults. Radiographics 2002; 22:1439-56. 5. Salomon LJ, Baumann C, Delezoide AL, Oury JF, Pariente D, Sebag G, Garel C. Abnormal abdominal situs: what and how should we look for ? Prenat Diagn 2006; 26:282-5. 6. Houyel L, Khoshnood B, Anderson RH, Lelong N, Thieulin AC, Goffinet F, Bonnet D; EPICARD Study group. Population-based evaluation of a suggested anatomic and clinical classification of congenital heart defects based on the International Paediatric and Congenital Cardiac Code. Orphanet J Rare Dis 2011; 6:64. Parmi les facteurs de risques de survenue d’une infection sévère, le jeune âge (< 2 ans) est critique du fait du défaut de production d’anticorps antipolysaccharides et certaines causes sont plus exposées, comme la thalassémie ou la maladie de Hodgkin, puis la sphérocytose et l’asplénie posttraumatique où le risque est plus faible. En fait, la vaccination anti-pneumococcique, la prophylaxie antiinfectieuse et l’information des patients ont permis une diminution importante de la mortalité et de l’incidence des infections invasives sévères. S’agissant des asplénies congénitales isolées, le risque infectieux est également accru : une étude récente de 20 patients ayant une asplénie congénitale isolée2 fait état d’une infection invasive chez 75% des patients (à pneumocoque dans 61%) avec une mortalité de 45% à l’âge médian de 12 mois chez les sujets n’ayant reçu ni vaccination ni antibio-prophylaxie anti-pneumococcique. De même, les asplénies/hyposplénies associées à une hétérotaxie ont un risque accru d’infection puisque que sur une série de 29 patients3, un sepsis est survenu dans 24%, ce qui est nettement plus que les 12% observés dans une cohorte d’enfants opérés pour cardiopathies complexes : les sept patients atteints avaient cinq fois une asplénie et deux fois une polysplénie. Le diagnostic d’asplénie ou d’hyposplénie repose sur l’échographie abdominale en cas d’asplénie anatomique et sur l’étude du pourcentage de "pitted erythrocytes" (érythrocytes avec des encoches) dont le taux normal est < 4% sur le frottis sanguin. Un taux > 4% témoigne d’une asplénie ou d’une hyposplénie et il est entre 15 et 70% en cas d’asplénie. Ce test est simple, reproductible et fournit des données quantitatives mais requiert un microscope spécifique d’interférence de phase peu disponible. La présence répétée de corps de Jolly sur le frottis sanguin alors qu’ils en sont normalement absents témoigne d’une asplénie fonctionnelle, mais ce test est peu sensible et ne détecte pas une hyposplénie modérée. On conseille alors de recourir à une scintigraphie splénique au technétium99 qui permet d’apprécier la fonction phagocytaire de la rate. Brigitte BADER-MEUNIER a ensuite fait une mise au point sur les ASPLÉNIES en commençant par rappeler que le syndrome d’hétérotaxie peut être associé à une absence de rate ou une polysplénie ayant pour conséquence une asplénie anatomique ou fonctionnelle. Dans tous les cas, l’asplénie expose à un risque infectieux et de thrombose. Le risque infectieux est primordial. On sait que la rate joue un rôle majeur dans les défenses anti-infectieuses : clearance des bactéries opsonisées du sang par les cellules phagocytaires, phagocytose des bactéries, activation du complément, production d’activateur (properdine…), d’anticorps anti-polysaccharides (lymphocytes B de la zone marginale), de lymphocytes B mémoire. L’incidence annuelle des infections graves chez les sujets aspléniques est 50 à 500 fois supérieure à celle de la population générale. Les infections invasives surviennent dans 80% des cas dans les trois premières années après une splénectomie et elles sont très graves (environ 50% de mortalité dans les infections fulminantes). Les principaux germes responsables de ces infections sont des germes encapsulés tel que le La prévention des infections sévères est donc essentielle chez les patients hétérotaxiques avec asplénie ou hyposplénie. Elle repose sur : 1/ l’information des patients et de leurs familles du risque infectieux persistant à vie, de la nécessité d’une antibiothérapie rapide en cas de fièvre, de la prévention du paludisme en cas de voyage, d’un traitement rapide en cas de morsures de chien ou de chat par Augmentin ®; une carte signalant l’asplénie doit être également remise 71 au patient; 2/ la vaccination anti-pneumocoque par le Pneumo 23® et le Prevenar 13® et la vaccination contre l’hémophilus, le méningocoque et la grippe; 3/ l’antibiothérapie prophylactique recommandée chez les enfants < 5 ans et si possible après, reposant sur la prise d’Oraciline® (ou d’Erythromycine ou de Bactrim® en cas d’allergie). L’antibiothérapie curative doit être effectuée rapidement en cas de signes d’infection et il est recommandé d’avoir en permanence à domicile de la Rocephine® à injecter en cas de signes de sepsis et du Clamoxyl® en cas de fièvre isolée avec consultation médicale rapide. Parce que certaines hétérotaxies peuvent, du fait de leur traitement chirurgical particulier, se compliquer de FISTULES ARTÉRIO-VEINEUSES PULMONAIRES, nous avons demandé à Olivier SITBON de traiter ce sujet rare mais fascinant. Plus précisément, il s’agit de shunts artério-veineux pulmonaires qui se rencontrent dans deux situations pathologiques : le syndrome hépato-pulmonaire et les malformations artério-veineuses pulmonaires (MAVP) dont l’étiologie principale est la maladie de Rendu-Osler (90% des cas). Ces shunts et MAVP peuvent également se rencontrer au décours de certains montages chirurgicaux dans des cardiopathies congénitales complexes, un des plus connus étant l’anastomose de Glenn entre la veine cave supérieure et l’artère pulmonaire droite. Le risque de thromboses est fortement suggéré par plusieurs études récentes, thrombose veineuse et survenue d’hypertension artérielle pulmonaire à l’âge adulte chez les patients ayant subi une splénectomie plusieurs années auparavant. La maladie de Rendu-Osler ou télangiectasie hémorragique héréditaire est une maladie dysplasique vasculaire génétique associant épistaxis spontanées récurrentes, télangiectasies cutanées et malformations artério-veineuses viscérales (pulmonaires, cérébrales, hépatiques)1. Sa prévalence minimale en France est estimée à 1/10 000 habitants. Sa transmission est autosomique dominante, l’expression est variable et la pénétrance liée à l’âge (complète vers 40-50 ans). Les signes sont absents à la naissance, les épistaxis surviennent avant l’âge de 20 ans dans 50% cas, les MAVP vers la puberté et les télangiectasies cutanées et viscérales sont souvent plus tardives. Trois gènes et cinq locus ont été identifiés : les mutations les plus fréquentes sont celles du gène ENG (9q33-34) qui code l’endogline et celles du gène ACVRL1 (12q11-14) qui code un récepteur membranaire à activité sérinethréonine kinase, ALK-12. En conclusion, les patients atteints d’hétérotaxie doivent être soumis à une évaluation anatomique et fonctionnelle de la rate par échographie splénique, recherche de corps de Jolly et scintigraphie au technétium. En cas d’asplénie ou d’hyposplénie, l’éducation thérapeutique, la vaccination et l’antibiothérapie prophylactique et curative sont essentielles. Enfin, en raison de la très forte probabilité d’un risque accru de thrombose, l’anticoagulation prophylactique dans les situations à risque de thrombose et la détection répétée prolongée de survenue d’hypertension artérielle pulmonaire sont également souhaitables. Références Les MAVP (15 à 30% des patients) sont la principale complication viscérale de la maladie de Rendu-Osler3. Elles sont responsables d’accidents neurologiques infectieux et ischémiques par embolie paradoxale parfois révélateurs. La fréquence des accidents neurologiques chez des sujets asymptomatiques justifie le dépistage systématique de MAVP chez les patients atteints de cette maladie : la radiographie thoracique, l’échographie cardiaque de contraste et/ou la tomodensitométrie jouent ici un rôle essentiel2. Le traitement actuel des MAVP est la vaso-occlusion de l’artère afférente par voie endovasculaire percutanée3. 1. Schutze GE, Mason EO Jr, Barson WJ, Kim KS, Wald ER, Givner LB, Tan TQ, Bradley JS, Yogev R, Kaplan SL. Invasive pneumococcal infections in children with asplenia. Pediatr Infect Dis J 2002; 21:278-82. 2. Mahlaoui N, Minard-Colin V, Picard C, Bolze A, Ku CL, Tournilhac O, Gilbert-Dussardier B, Pautard B, Durand P, Devictor D, Lachassinne E, Guillois B, Morin M, Gouraud F, Valensi F, Fischer A, Puel A, Abel L, Bonnet D, Casanova JL. Isolated congenital asplenia: a French nationwide retrospective survey of 20 cases. J Pediatr 2011; 158:142-8. 3. Prendiville J, Rogers M, Kan A, de Castro F, Wong M, Junker A, Becknell C, Schultz K. Pigmented hypertrichotic dermatosis and insulin dependent diabetes: manifestations of a unique genetic disorder? Pediatr Dermatol 2007; 24:101-7. Le syndrome hépato-pulmonaire est défini par une triade 4 associant : 1/ hypertension portale avec ou sans hépatopathie; 2/ augmentation de la différence alvéolo-artérielle en oxygène (DAaO2 > 15 mmHg en air ambiant); 3/ dilatations vasculaires intra-pulmonaires responsables d’un shunt artério-veineux pulmonaire. La fréquence du syndrome hépato-pulmonaire est de l’ordre de 10-15% au cours de l’hypertension portale, plus élevée chez l’enfant. Sa mortalité est élevée avec une médiane de survie de 30 mois après le diagnostic5. La principale caractéristique de ce syndrome est un remodelage vasculaire important traduisant 72 l’augmentation de l’angiogenèse pulmonaire. On observe ainsi en anatomo-pathologie une dilatation diffuse des vaisseaux capillaires pulmonaires avec un diamètre pouvant atteindre 500 µm pour une normale < 10 µm. Ces anomalies prédominent aux bases. À ces vaisseaux dilatés peuvent parfois s’associer de vraies fistules artério-veineuses pulmonaires micro- ou macroscopiques, notamment sous-pleurales. Il est intéressant de noter que ces patients ont de manière significative plus d’angiomes stellaires cutanés, ce qui suggère que l’angiogenèse est également plus importante au niveau des vaisseaux périphériques5,6. gauches après au moins trois battements cardiaques, ce qui est bien différent du passage immédiat en cas de shunt intracardiaque. La scintigraphie pulmonaire aux macro-agrégats d’albumine marquée au technétium99 est un autre moyen de diagnostic. L’évolution se fait habituellement vers l’aggravation, de façon indépendante de la gravité de la maladie hépatique. Le seul traitement efficace est la transplantation hépatique permettant la régression du syndrome dans 80 % des cas5,6. Plusieurs raisons expliquent pourquoi un défaut de fonctionnement du foie a des conséquences majeures sur la circulation pulmonaire5,7,8 (Figure 7.6). Ces anomalies vasculaires pulmonaires entraînent une hypoxémie par deux mécanismes4 : effets shunt (perfusion augmentée avec ventilation normale) et trouble de la diffusion (pour l’oxygène, l’espace à franchir est augmenté dans le capillaire dilaté, et le temps de transit des hématies est raccourci du fait du syndrome hyperkinétique). La prédominance des lésions vasculaires aux lobes inférieurs explique le phénomène d’orthodéoxie et de platypnée (aggravation de l’hypoxémie et de la platypnée en orthostatisme). 1. Le poumon est placé en première ligne de défense contre les agressions toxi-infectieuses d’origine digestive : l’hypertension portale qui accompagne la plupart des hépatopathies chroniques conduit au développement d’anastomoses porto-caves qui exposent le poumon à diverses substances d’origine digestive (endotoxines, cytokines, facteurs vasoactifs) habituellement métabolisées par le foie. Le système phagocytaire de Kupffer étant shunté, c’est au poumon que revient la charge d’épurer les bactéries et toxines circulantes. D’où le recrutement et l’accumulation d’un nombre considérable de macrophages dans la circulation pulmonaire. Ces macrophages activés par les endotoxines et les cytokines circulantes d’origine digestive sont responsables, via la stimulation de la NO synthase inductible (iNOS), d’une production très augmentée de monoxyde d’azote dans les vaisseaux pulmonaires, avec pour conséquence une intense vasodilatation pulmonaire 9. Outre le La dyspnée d’effort est le maître symptôme du syndrome hépato-pulmonaire, volontiers associée à des angiomes stellaires, un hippocratisme digital et une cyanose. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une augmentation de la DAaO2 > 15 mmHg en air ambiant (> 20 mmHg chez les sujets de plus de 64 ans). La simple mesure des gaz du sang artériel permet de la calculer : DAaO2 = 150 - PaO2 - [PaCO2/0,8]. Les dilatations vasculaires intrapulmonaires sont facilement mises en évidence par l’échocardiographie de contraste qui montre le passage des microbulles dans les cavités Figure 7.6 : Interaction entre l’hypertension portale des hépatopathies chroniques et la vascularisation pulmonaire 73 monoxyde d’azote, les macrophages sécrètent de nombreux autres facteurs vaso-actifs, des cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-a et des facteurs stimulant l’angiogenèse comme le VEGF. 8. Hervé P, Le Pavec J, Sztrymf B, Decante B, Savale L, Sitbon O. Pulmonary vascular abnormalities in cirrhosis. Best Pract Res Clin Gastroenterol. 2007; 21:141-59. 9. Nunes H, Lebrec D, Mazmanian M, Capron F, Heller J, Tazi KA, Zerbib E, Dulmet E, Moreau R, Dinh-Xuan AT, Simonneau G, Hervé P. Role of nitric oxide in hepatopulmonary syndrome in cirrhotic rats. Am J Respir Crit Care Med 2001; 164:879-85. 10. Srivastava D, Preminger T, Lock JE, Mandell V, Keane JF, Mayer JE, Jr., Kozakewich H, Spevak PJ. Hepatic venous blood and the development of pulmonary arteriovenous malformations in congenital heart disease. Circulation 1995; 92:1217-22. 11. D uncan BW, Desai S. Pulmonary arteriovenous malformations after cavopulmonary anastomosis. Ann Thorac Surg 2003; 76:1759-66. 12. Clément B, Musso O, Liétard J, Théret N. Homeostatic control of angiogenesis: A newly identified function of the liver? Hepatology 1999; 29:621-3. 2. L e foie est un organe essentiel de contrôle de l’angiogenèse pulmonaire : la diminution du débit sus-hépatique et/ou l’insuffisance hépatocellulaire privent le poumon de facteurs circulants normalement synthétisés par le foie et déversés dans la veine cave inférieure (cytokines, hormones, facteurs vasoactifs). Ce phénomène est reproduit dans d’autres situations comme les interruptions du flux cave sushépatique (syndrome de Budd-Chiari par exemple) et certains montages chirurgicaux dont le plus connu est l’anastomose cavo-pulmonaire droite (Glenn) où le poumon droit, contrairement au gauche, ne reçoit plus de sang d’origine hépatique10,11. Un de ces facteurs hépatiques faisant défaut au poumon est un facteur de régulation de l’angiogenèse pulmonaire dont la nature exacte est inconnue mais l’importance bien démontrée. Ainsi, les enfants bénéficiant de ce type d’anastomose développent dans les mois suivants et dans la majorité des cas des MAVP microscopiques, voire macroscopiques, réalisant un shunt intrapulmonaire. La réintroduction par anastomose chirurgicale du sang veineux sushépatique dans l’artère pulmonaire droite les fait régresser. Ces observations prouvent qu’un facteur inhibiteur de l’angiogenèse produit par le foie exerce un contrôle négatif sur l’angiogenèse pulmonaire. Il pourrait s’agir de l’endostatine ou de l’angiostatine12. Enfin, le Séminaire s’est clos sur une sorte de feu d’artifice tiré par Edmund GITTENBERGER et mystérieusement intitulé "DES ESCARGOTS ET DES HOMMES". Mais le mystère a été vite levé. Les coquilles spiralées des escargots sont bien connues des enfants et des adultes mais le fait que ces enroulements puissent être “droitiers” ou “gauchers” l’est moins couramment1. La plupart des escargots sont droitiers : quand on regarde la coquille la pointe en haut, son orifice se trouve à droite dans l’immense majorité des espèces (Figure 7.7). Le sens de l’enroulement est un caractère spécifique de l’espèce dans tous les genres d’escargots sauf un : Amphidromus, qui a une chiralité aberrante car, dans ce genre, on voit cohabiter dans beaucoup d’espèces des individus droitiers ou gauchers dans une proportion plus ou moins stable au sein d’une même population. Dans beaucoup d’espèces, on a parfois identifié, parmi des d’individus normalement spiralés, un ou (rarement) plusieurs individus spiralés “en miroir”. On ne sait pas si ces spécimens au phénotype déviant sont toujours de vrais mutants pour la chiralité. Références 1. Guttmacher AE, Marchuk DA, White RI, Jr. Hereditary hemorrhagic telangiectasia. N Engl J Med 1995; 333:918-24. 2. C ottin V, Blanchet AS, Cordier JF. Manifestations pulmonaires de la telangiectasie hémorragique héréditaire. Rev Mal Respir 2006; 23 Suppl 2:4S53-4S66. 3. Cottin V, Chinet T, Lavole A, Corre R, Marchand E, Reynaud-Gaubert M, Plauchu H, Cordier JF. Pulmonary arteriovenous malformations in hereditary hemorrhagic telangiectasia: a series of 126 patients. Medicine (Baltimore) 2007; 86:1-17. 4. Rodriguez-Roisin R, Krowka MJ, Herve P, Fallon MB. Pulmonary-Hepatic vascular Disorders (PHD). Eur Respir J 2004; 24:861-80. 5. Hervé P, Lebrec D, Brenot F, Simonneau G, Humbert M, Sitbon O, Duroux P. Pulmonary vascular disorders in portal hypertension. Eur Respir J 1998; 11:1153-66. 6. T hévenot T, Pastor CM, Cervoni JP, Jacquelinet C, Nguyen-Khac E, Richou C, Heyd B, Vanlemmens C, Mantion G, Di Martino V, Cadranel J. Syndrome hépatopulmonaire. Gastroenterol Clin Biol 2009; 33:565-79. 7. Panos RJ, Baker SK. Mediators, cytokines, and growth factors in liver-lung interactions. Clin Chest Med 1996; 17:151-69. Un fait ne manque pas de surprendre : les coquilles réalisées par l’homme sont beaucoup plus souvent gauchères que celles qu’on observe dans la nature. Ce phénomène a à voir avec la chiralité humaine. Quand on demande à une dizaine d’enfants d’une crèche de dessiner des escargots, tous sauf un leur font une coquille spiralée à gauche alors qu’ils sont droitiers; la petite fille qui avait dessiné une coquille droitière avait, pour faire sa spirale, été aidée par un enseignant gaucher ! Dans la mesure où, à quelques exceptions 74 près, il n’y a rien de fonctionnel dans la chiralité, on peut en conclure que le divin Créateur est probablement gaucher2. Rembrandt et d’autres artistes de son temps ne se préoccupaient pas de chiralité : sa célèbre gravure représentant une coquille (Conus marmoreus) est incorrecte car dans certaines familles d’escargots, la protoconque, c’est-à-dire la partie de la coquille formée à l’intérieur de l’oeuf, est spiralée dans le sens inverse de ce qu’on nomme la téléconque, formée après l’éclosion. Ainsi, l’apex d’une telle coquille possède des spires initiales à angle droit avec celles du reste de la coquille. en miroir et c’est ce qui a été récemment observé dans la jungle malaisienne (Figure 7.8) par l’inspection de couples d’escargots5. Un autre cas de fonctionnalité liée à la chiralité a été rapporté qui concerne des serpents prédateurs spécialisés dans la capture d’escargots6 : l’asymétrie de leur mandibule et de leurs dents leur permet de mieux agripper les coquilles droitières, d’où une sélection en faveur de la sinistralité lorsqu’apparaissent ces serpents et l’origine de certaines espèces gauchères dans cette région. Quand les coquilles sont sinistroïdes, la courbure irrégulière de la dernière spire rétrécit cette dernière, ce qui obstrue la voie de capture par les prédateurs des petits arthropodes. Les parties molles d’un escargot sont largement (quoique pas tout-à-fait) symétriques de manière bilatérale. L’orifice génital et le pneumostome se font face dans presque toutes les espèces à coquille droitière. On dit alors que le corps est droitier. Mais cette règle a des exceptions et toutes les variantes concernant la courbure de la proto- et de la téléconque ainsi que l’asymétrie du corps ont été inventoriées il y a près de 20 ans3. Un autre type d’enroulement, nommé “sinistroïde”, a été ajouté plus tard4 pour les coquilles qui ont l’air gauchères mais uniquement parce que la moitié distale de la dernière spire a une courbure irrégulière, de telle sorte qu’en vue frontale, l’apex pointant vers le haut, l’orifice est situé du côté gauche bien que la presque totalité de la coquille est spiralée de façon droitière. Dans de très rares espèces, les spires s’enroulent de manière encore plus irrégulière. Les escargots conspécifiques en miroir sont en situs inversus complet, ce qui est une condition très rare chez l’humain. Ceci a des implications dans un mécanisme original de spéciation, à savoir la division d’une population particulière (ou d’une espèce) en deux sous-populations reproductibles isolées qui peuvent éventuellement être considérées comme des espèces différentes. Ainsi, chez les escargots à coquilles globuleuses comme “l’escargot” bien connu, les individus en miroir ne peuvent pas copuler car leurs orifices génitaux restent trop éloignés au cours du processus de pénétration lorsqu’ils s’approchent l’un de l’autre de manière frontale (Figures 7.9 et 7.10). C’est ici qu’intervient le contexte génétique de la chiralité. Le concept d’une régulation du sens d’enroulement des spirales des coquilles d’escargots par un gène maternel unique avec deux allèles est accepté depuis près d’un siècle7. Maternel signifie que le génotype de la “mère” (presque tous les escargots dotés de poumons sont hermaphrodites) determine le phénotype de toute sa descendance. Cette hérédité “retardée” a des conséquences complexes sur le Dans certains cas, la chiralité peut avoir des conséquences fonctionnelles et intervenir dans la sélection et l’adaptation. Chez Amphidromus, des escargots conspécifiques en miroir ont des organes génitaux qui se correspondent mieux, ce qui favorise la fertilisation, contrairement aux individus dont les spirales sont identiques. En conséquence, il est avantageux pour ces individus de s’accoupler avec un partenaire Figure 7.8 : Individus en miroir d’Amphidromus La copulation d’individus en miroir est possible et même avantageuse dans cette espèce. L’escargot de gauche est droitier et celui de droite est gaucher. (Document dû à l’obligeance du Prof. Dr. M. Schilthuizen). Figure 7.7 : Coquille "droitière" typique d’Helix pomatia (l’escargot) 75 à certains gènes connus chez l’homme pour leur liaison à la latéralité. Il s’avéra que leurs équivalents homologues étaient aussi présents chez les escargots. Ces expériences commencèrent en juillet, période active de reproduction pour ces animaux, et durèrent jusqu’en décembre, c’est-à-dire plus longtemps que prévu, ce qui fournit des informations supplémentaires. Il apparut que cinq gènes, à savoir Nodal, Bone Morphogenetic Protein 4, Fibroblast Growth Factor 8, Inversin, et LeftRight Dynein, s’exprimèrent de façon inégale chez les escargots droitiers ou gauchers, mais uniquement pendant les premiers mois de l’expérimentation, alors que les animaux étaient toujours en période active de reproduction9, fait confirmé plus récemment pour Nodal10. Mais l’identité du gène situé au sommet de la cascade de gènes associés à la chiralité ou à la latéralité d’une vaste gamme de groupes animaux reste inconnue. Pour l’heure, on ne peut conclure, une fois de plus, qu’un nombre relativement restreint de gènes régulateurs détermine la différenciation d’un individu en escargot, en poulet ou en être humain. Il est évidemment tentant de supposer11 que la latéralité des humains et la chiralité des escargots est contrôlée par les mêmes gènes maternels. Figures 7.9 : Individus en miroir d’Arantia arbustorum Début des "avances", l’escargot de gauche est gaucher et celui de droite est droitier. Références 1. Gittenberger E. Sympatric speciation in snails, a largely neglected model. Evolution 1988; 42:826-8. 2. Gittenberger E. A left-handed Creator. Mollusc World 2006; 11:16. 3. Robertson R. Snail handedness. Nat Geogr Res & Expl 1993; 9:104-19. 4. G ittenberger E. On the other hand. Nature 1995; 373:19. 5. Schilthuizen M, Craze PG, Cabansan AS, Davison A, Stone J, Gittenberger E, Scott BJ. Sexual selection maintains whole-body chiral dimorphism in snails. J Evol Biol 2007; 20:1941-9. 6. H oso M, Asami T, Hori M. Right-handed snakes: convergent evolution of asymmetry for functional specialization. Biol Lett 2007; 3:169-73. 7. S turtevant A. Inheritance of direction of coiling in Limnaea. 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Par exemple, en cas de dextralité (D) dominante et de sinistralité (s) récessive, le croisement Ds x Ds donnera des génotypes DD, Ds et ss, mais tous auront un phénotype droitier, y compris les individus ss. Les cellules des oeufs produits par ces homozygotes ss donneront toutes, après fertilisation spermatique, des individus de phénotype gaucher, même si leur génotype est Ds. Les problèmes de copulation des individus en miroir et l’effet maternel ont été simulés ensemble au cours d’expériences informatiques : elles ont montré qu’une spéciation monogénique est un évènement improbable bien que pas tout-à-fait impossible8. Dans le but d’identifier le gène maternel de la chiralité postulé dès 19237, on a utilisé des spécimens sauvages droitiers homozygotes de Lymnaea stagnalis et des mutants gauchers homozygotes conspécifiques. L’expression génique de ces escargots a été comparée 76