XXXIIIe Séminaire de Cardiologie Pédiatrique HÉTÉROTAXIES ET

Transcription

XXXIIIe Séminaire de Cardiologie Pédiatrique HÉTÉROTAXIES ET
XXXIIIe Séminaire de Cardiologie Pédiatrique
Paris, 8 & 9 mars 2012
HÉTÉROTAXIES et
CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES
Organisé par le Centre de Référence
Malformations Cardiaques Congénitales Complexes M3C
Hôpital Necker/Enfants-malades – Paris
et l’Association pour la Recherche en Cardiologie du Fœtus à l’Adulte
Avec le parrainage de la
Centre de Référence Malformations
Cardiaques Congénitales Complexes
Association pour la Recherche en
Cardiologie du Fœtus à l’Adulte
Société
Française
de Cardiologie
sous la direction de
Damien Bonnet, Olivier Raisky, Daniel Sidi et Pascal Vouhé
S
ur le calendrier Maya, 2012 est l’année de la fin du monde; la date
précise est le 21 décembre. Nous avons donc pu encore organiser
le XXXIIIème séminaire de cardiologie pédiatrique en mars 2012 en
essayant de ne pas être trop manchots dans nos choix mais opportuns dans
nos thèmes.
Pas manchots, ça tombe bien puisque le premier exercice de deuxième
section de maternelle pour différencier la droite de la gauche consiste à
identifier ses propres mains. C’est une évidence ou un acquis précoce mais,
en cardiologie congénitale, les hétérotaxies sont un des problèmes les plus
difficiles et des plus fascinants. Il n’était pas moins opportun de l’aborder en
2012 puisque cette année est en France une année de choix entre la droite, la
gauche ou le centre… et aussi celle des arrangements aléatoires. C’est enfin
une grande chance d’avoir pu réunir dans le même temps et à la même tribune
des spécialistes exceptionnels de toutes générations pour nous éclairer sur
l’embryologie, la génétique et l’anatomie pathologique des hétérotaxies, avant
d’aborder des problèmes cliniques aussi variés que le diagnostic in utero,
l’association à la gémellité, aux malformations extra-cardiaques, à l’asplénie,
aux fistules artério-veineuses pulmonaires, au cœur dit de batracien avant le
bouquet final sur la chiralité des escargots.
Auparavant, nous avons souhaité revenir sur un sujet bateau mais parfois
galère : les canaux atrio-ventriculaires, d’autant, et ça tombe à pic,
que ces derniers sont tout ou partie des hétérotaxies. De la découverte de
la trisomie 21 exposée par son auteur à l’alignement des valves auriculoventriculaires du fœtus, l’histoire de ces canaux est riche d’enseignements
et n’est pas si simple qu’on peut souvent le penser. Là encore, nous avons
voulu approfondir les liens qui unissent ces malformations à la génétique,
comprendre leur embryologie, entrer dans les détails de leur anatomie
pathologique, parcourir le chemin clinique du fœtus à l’adulte, opéré ou
pas, et, bien entendu, passer en revue ce qui reste de problèmes dans le
traitement chirurgical dont les immenses progrès de la fin du siècle dernier
ont bouleversé le regard que portent aujourd’hui les spécialistes sur une
cardiopathie congénitale longtemps considérée comme gravissime.
Opinions contraires, tendances lourdes, vraies convictions, ralliements au
consensus ou tribunes libres ont été, comme d’habitude, tous autorisés
pendant cette manifestation conviviale et participative ! Il y avait du grain à
moudre : nous ne doutons qu’il en reste encore, et du meilleur, pour notre
prochain séminaire.
L’organisation du XXXIIIe Séminaire de Cardiologie Pédiatrique
a bénéficié du partenariat précieux de :
ABBOTT
GENERAL ELECTRIC
LFB
PHILIPS HEALTHCARE
SIEMENS
SOMMAIRE
1. TRISOMIE 21 ET CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
• La longue marche des chromosomes humains
• Chromosome 21 et cardiopathies
• Génétique clinique des canaux atrio-ventriculaires
• Le cœur adulte de la trisomie 21
2. EMBRYOLOGIE ET ANATOMIE DES CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
• Embryologie du canal atrio-ventriculaire
• Corrélations anatomo-échocardiographiques
3. CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES AVANT ET APRÈS
.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
27
• Les canaux atrio-ventriculaires du fœtus
• Alignement des valves A-V et trisomie 21 : mythe ou réalité ?
• Devenir à long terme des canaux atrio-ventriculaires opérés
4. CHIRURGIE DU CANAL ATRIO-VENTRICULAIRE .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
• Informations écho-anatomiques nécessaires au chirurgien
• Y a-t-il des formes de canal atrio-ventriculaire redoutées par le chirurgien ?
• Obstructions gauches dans les canaux atrio-ventriculaires
• Fuites post-opératoires de la valve A-V gauche et reprises opératoires
5. HÉTÉROTAXIES : LES FONDAMENTAUX .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
• La polarité cranio-caudale du cœur : de la drosophile à l’homme
• Génétique humaine des hétérotaxies
• Les syndromes d’hétérotaxie sont des anomalies de l’asymétrie droite-gauche
et non de la symétrie droite-gauche
6. PREMIER ARRANGEMENT DÉSORDONNÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
• Diagnostic antenatal des hétérotaxies
• Cardiopathies, gémellité et latéralité
• Transpositions des gros vaisseaux et hétérotaxies
• Ventricule unique avec valve A-V de canal atrio-ventriculaire
7. SECOND ARRANGEMENT DÉSORDONNÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
• Malformations extracardiaques dans les hétérotaxies
• Asplénies
• Fistules artério-veineuses pulmonaires
• Des escargots et des hommes
ORATEURS
Philippe ACAR
Laurence ISERIN
ervice de cardiologie pédiatrique,
S
Hôpital des Enfants, Toulouse
Lindsey ALLAN
arris Birthright Fetal Medicine Unit,
H
King’s College Hospital, London, UK
Jean-Marie JOUANNIC
Stylianos ANTONARAKIS
epartment of Genetic Medicine and Development,
D
University of Geneva Medical School and
University Hospitals, Genève, CH
entre de référence national "arthrites juvéniles",
C
Service d’immunologie, hématologie et rhumatologie
pédiatriques, Hôptal Necker, Paris
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique,
Hôpital Necker, Paris
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C), Service de chirurgie cardiaque
pédiatrique, Hôpital Marie-Lannelongue,
Le Plessis-Robinson
nité de foeto-pathologie, Service d’histo-embryologie
U
et de cytogénétique, Hôpital Necker, Paris
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique,
Hôpital Necker, Paris
aboratoire de cardiogénétique, Centre de Biologie et
L
Pathologie Est, Hôpitaux de Lyon, Lyon
Marthe GAUTIER
6, rue de Douai 75009 Paris
Institute of Biology, Leiden University,
The Netherlands Centre for Biodiversity Naturalis,
Leiden, NL
hildren’s Hospital Boston and Harvard Medical School,
C
Boston, MA, USA
Pascal VOUHÉ
Lucile HOUYEL
entre de référence de l’hypertension artérielle
C
pulmonaire sévère et INSERM U999
Service de pneumologie et de soins intensifs, Hôpital
de Bicêtre, Université Paris Sud, Le Kremlin Bicêtre
Richard VAN PRAAGH
Edmund GITTENBERGER
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique,
Hôpital Necker, Paris
Olivier SITBON
Patrice BOUVAGNET
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C), Service de chirurgie cardiaque
pédiatrique, Hôpital Necker, Paris
Daniel SIDI
Damien BONNET
épartement de Pédiatrie, Division de cardiologie
D
pédiatrique, Policlinico Umberto 1,
Università "La Sapienza", Roma, IT
Olivier RAISKY
Bettina BESSIÈRES
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique,
Hôpital Necker, Paris
Bruno MARINO
Emre BELLI
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique,
Hôpital Necker, Paris
Unité des cardiopathies congénitales de l’adulte,
Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris
Jérôme LE BIDOIS
Fanny BAJOLLE
ôle de périnatalité et Centre Pluridisciplinaire Prénatal
P
de l’Est Parisien, Hôpital Armand Trousseau, Paris
Magalie LADOUCEUR
Brigitte BADER-MEUNIER
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C),
Unité des cardiopathies congénitales de l’adulte,
Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C), Service de chirurgie cardiaque
pédiatrique, Hôpital Marie-Lannelongue,
Le Plessis-Robinson
entre de référence des malformations cardiaques
C
complexes (M3C), Service de chirurgie cardiaque
pédiatrique, Hôpital Necker, Paris
Stéphane ZAFFRAN
aboratoire de génétique médicale et de génomique
L
fonctionnelle, INSERM UMR_S910, Université
d’Aix-Marseille, Faculté de médecine de la Timone,
Marseille
1ère JOURNÉE : CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES
1. TRISOMIE 21 ET CANAUX
ATRIO-VENTRICULAIRES
Marthe GAUTIER a honoré l’ouverture de ce séminaire
en faisant le récit de la LONGUE MARCHE DES
CHROMOSOMES HUMAINS vers la découverte
qu’elle fit de la trisomie 21.
centres à expériences différentes. Un service de
cardiologie infantile doit ouvrir à Bicêtre où un univers
médico-chirurgical à créer m’est ouvert. Une place
de chef de clinique est prévue pour mon retour. C’est
ainsi qu’en 1955 je pars à Harvard pour un an, quittant
amour, famille et patrie. Durant le séjour, tout se passe
au mieux. On me demande en plus de m’occuper, à
temps partiel et à ma discrétion, d’un laboratoire de
culture cellulaire. L’objectif est de cultiver des fragments
d’aorte, prélevés au cours d’intervention de patients
d’âges différents, pour mesurer la synthèse et la
qualité du cholestérol suivant l’âge des subcultures.
Expérience imprévue. La technicienne sait tout faire,
tout est facile et prêt au congélateur. Je tiens les
dossiers, je développe les photos, je m’initie au slang.
A l’étage, une énorme bibliothèque où je m’instruis
dans de nombreux domaines, sauf en génétique, car
mon futur n’est pas là. Retour en France. Plus de
place de chef : prise par un autre ! Il ne reste qu’un
poste, chez le Professeur Turpin que je ne connais
pas. Son centre d’intérêt est la génétique et "l’idiotie
mongolienne" dont l’étiologie est encore inconnue,
sujet qu’il explore depuis des décennies. Il a autrefois
suspecté une anomalie des chromosomes, comme le
suggère le mode de transmission, mais sans réussir à le
prouver. Une triploïdie a déjà été éliminée par d’autres.
Un de ses élèves, stagiaire du CNRS, que je ne connais
pas, Jérôme Lejeune, étudie les dermatoglyphes des
mongoliens et leur transmission. ENIGME pour moi :
leur cardiopathie malformative est presque toujours un
canal atrio-ventriculaire complet.
On peut s’étonner qu’il ait fallu attendre 1956 avant
de connaître le nombre exact des chromosomes
humains et 1959 pour aborder à leurs premières
anomalies. Il a fallu attendre les progrès de l’optique
avec les firmes Zeiss et Leitz vers 1850, puis ceux des
naturalistes et botanistes à la fin du XIX e siècle puis
30 ans pour les travaux de Mendel. S’agissant des
chromosomes, Nettie Stevens identifie en 1905 les
chromosomes X et Y chez le coléoptère; entre 1910 et
1933, les travaux de Morgan sur la drosophile décrivent
tous les remaniements de structures et calculent la
distance entre les gènes. Tout était dit pour les diptères.
La cytogénétique humaine fut plus laborieuse : en
1912, Hans von Winivarter estime que le nombre de
chromosomes est de 47; en 1921, Painter trouve le
chromosome Y chez les mammifères mâles1. Dès lors,
on estime à 48 le nombre de chromosomes dans les
cellules diploïdes et il faut attendre 1956 pour que Tijo et
Levan à Lund (Figure 1.1) établissent avec certitude que
l’espèce humaine est dotée de 46 chromosomes2,3.
Mais le "Patron" revient tout juste d’un congrès.
Révolution : le nombre de chromosomes de l’espèce
humaine est 46 et non 48 et la technologie nécessite
une culture cellulaire. Une nouvelle voie d’exploration
est ouverte, mais considérée comme difficile à réaliser
en France. Je pense le contraire et propose de m’en
charger, à condition d’avoir un local avec points
d’eau. Je ne demande rien d’autre. Aucun crédit de
fonctionnement ne m’est alloué. Un ancien laboratoire
de routine est libre. On me regarde avec "des yeux
ronds", dubitatifs. Pourtant ce n’était pas une boutade.
Seule, je monte un labo de fortune (Figure 1.2). De
temps en temps, l’assistant du service vient voir, un
peu goguenard, en éclaireur, ce qu’est un tube de
culture d’embryon de poulet. Il ne faut pas oublier que
nous sommes alors à l’hôpital Trousseau, à l’ère où l’on
sonne la cloche quand la voiture du Professeur conduite
par son chauffeur franchit la grille.
Figure 1.1 : Plaque commémorative en hommage à
J.H. Tijo et A. Levan à Lund (Suède)
Et c’est ici qu’il faut laisser la parole à Marthe :
"Après un externat retardé par la guerre et un internat
en pédiatrie, je soutiens ma thèse en 1955 chez le
Pr Debré : "Contribution à l’étude des formes mortelles
du RAA chez l’enfant". Cette affection redoutable est
depuis peu l’objet d’un traitement par la cortisone
et évitable par la pénicilline à des doses et pendant
une durée qui restent à préciser. Une bourse m’est
proposée pour aller aux Etats-Unis qui ont de nombreux
il faut d’autres cas. Entre temps, un vrai labo s’est
installé avec une technicienne AP, car je suis assistant
en cardiologie infantile et je dois aussi gagner ma
vie. Je numérise les chromosomes au microscope,
mais je n’ai pas de photo-microscope. Lejeune, qui
fréquente alors le laboratoire, me propose de faire faire
les photos ailleurs. J’acquiesce, il prend les lames…
Je ne verrai pas les photos, sauf bien plus tard. J’ai su
ultérieurement qu’elles auraient été prises au Danemark
où JL passait ses vacances dans la famille de son
épouse. Le chromosome surnuméraire est de petite
taille, il sera ultérieurement baptisé 21. JL a fréquenté
des congrès aux Etats-Unis et diffusé la nouvelle,
d’abord accueillie avec un certain scepticisme… Le
temps passe et je me demande pourquoi on tarde
tant à publier. Mystère ! La peur de l’erreur… Pendant
ce temps, on apprend que le caryotype du syndrome
de Klinefelter va être publié par Patricia Jacobs4…
Enfin, un samedi midi, sans que j’aie été prévenue
de sa rédaction, JL me montre un papier devant être
publié le lundi suivant 29 janvier 1959 à l’Académie
des Sciences 5*. Je vois le titre et les signataires :
stupeur ! Je suis en second… et JL en premier. J’ai su
ultérieurement que cette manœuvre politique calculée
avait pour but de confier à JL une chaire de génétique à
créer, ce qui fut fait. En tant que CNRS, JL peut voyager
facilement aux Etats Unis. Il va dans tous les congrès et
établit ainsi SA notoriété, si bien qu’il accepte le Prix
Kennedy sans me le faire partager !!!
LE GRAND BRICOLAGE
Le milieu nutritif
BBS
Extraits embryonnaires
11 jours
Les cultures
Fibroblastes
(fascia lata)
Le plasma de coq
Pas de colchicine
ni d'antibiotiques,
son propre sérum
Et toute la verrerie...
Pas de squash : choc
hypotonique et séchage
Figure 1.2 : Le laboratoire de fortune
de Marthe Gautier en 1957
Bref, j’ai un local, une étuve, une centrifugeuse, un
frigidaire et un vieux microscope de routine, déniché en
haut de l’armoire, un tabouret un peu cassé, mais de
l’eau, du gaz pour le précieux bec Bunsen qui assure
la stérilité. Je commence à inspirer confiance. J’ai peu
de temps devant moi, car de nombreuses équipes
internationales entrent en compétition dans la course
aux anomalies, surtout dans le domaine des anomalies
sexuelles3 et ceci en Angleterre. II faut que je réussisse,
que je ne me trompe à aucun niveau, et pour cela,
que je travaille le plus écologiquement possible pour
n’introduire aucune source d’erreur dans le nombre
ou la qualité. Travailler sur du verre neutre, laver avec
du savon de Marseille, rincer à l’eau distillée sur verre.
Il n’y a pas de sérum de veau embryonnaire dans le
commerce; plutôt que d’aller dans les abattoirs, des
œufs embryonnés me sont gracieusement fournis tous
les samedis par un technicien de l’Institut Pasteur. Le
chicken plasma ? J’achète un coq à la campagne, il
est logé-nourri dans le jardin d’une de mes infirmières
à l’hôpital même : il se permet, dans les nuits d’été,
des cocoricos retentissants au grand dam de l’interne
de garde. Le sérum humain, c’est le mien, toujours
disponible. Je ne veux pas utiliser de colchicine : je ne
la connais pas…J’en ai peur. Je bénéficie des récentes
améliorations techniques2 avec le "choc hypotonique".
Les témoins me sont fournis par le service de chirurgie
à l’étage. Les cultures poussent et les mitoses témoins
(dont les miennes) ont bien 46 chromosomes, même
après des mois de subcultures.
La machine est en route. Je n’étais pas armée, ni
décidée à passer ma vie à faire dans un laboratoire un
catalogue de toutes les malformations. Mon chemin
clinique prévu de cardio-pédiatre me fascine plus que
jamais. L’heure avait sonné de l’assumer. Chemin
faisant, je réussis le concours d’assistanat, mais pas le
médicat, encore rarement accordé aux femmes."
* Cerise sur le gâteau, mon nom est orthographié "Marie
GAUTHIER" sur le tiré à part. Trop c’est trop.
Reste à étudier des tissus de mongoliens. Il me faut
attendre au moins deux mois avant de les obtenir. Je
veux du tissu conjonctif de fascia lata, mais le Patron
tarde à demander l’autorisation de prélèvement aux
parents. Enfin, en 1958, j’obtiens UN prélèvement
et je vois 47 chromosomes dans les mitoses. Mais
Figure 1.3 : Plaque commémorative posée à
l’hôpital Trousseau de Paris en 2009 lors du
cinquantenaire de la découverte de la trisomie 21
à l’ensemble du génome eQTLs. On a ainsi identifié une
paire d’eQTL interagissant sur les chromosomes 21 et
11. De plus, une recherche de CNV du chromosome
21 à risque de malformation cardiaque a été conduite à
l’aide d’une batterie de sondes personnalisées couvrant
le chromosome 21 chez 55 patients trisomiques
avec cardiopathies et 53 contrôles, ce qui a conduit
à identifier deux régions à CNV (risque relatif = 0,04)
situées dans la région précédemment associée au
risque de cardiopathie congénitale dans le mongolisme
et une autre région à CNV (risque relatif = 0,03) en
amont du gène POFUT2.
Références
(L’ensemble de l’histoire de la cytogénétique humaine
se trouve dans l’excellent livre de Peter Harper3.)
1. Painter TS. The Y chromosome in mammals. Science
1921; 53:503-4.
2. Tijo JH, Levan A. The chromosome number of man.
Hereditas 1956; 42:1-6.
3. H arper PS. First years of human chromosomes.
The beginnings of human cytogenetics. 2006, Scion
Publishing Ltd, Banbury, UK.
4. Jacobs PA, Strong JA. A case of human intersexuality
having a possible XXY détermination mecanism.
Nature 1959; 183:302-3.
5. Lejeune J, Gauthier M, Turpin R. Les chromosomes
humains en culture de tissus. CR Acad Sci. R 1959;
248:1721-2.
D’où la proposition que le risque de cardiopathie
congénitale dans la trisomie 21 soit déterminé par des
variations spécifiques de polymorphismes génétiques
et de CNV sur le chromosome 21 et l’interaction de
variants génomiques non-chr21.
Dans un second temps mais sans quitter le domaine de
la génétique approfondie, Stylianos ANTONARAKIS
a abordé le problème des liens entre CHROMOSOME
21 ET CARDIOPATHIES et, plus généralement, celui
des déterminants génétiques des cardiopathies
congénitales dans la trisomie 21, en sachant que
40% des patients affectés de cette aneuploïdie le sont
aussi d’une malformation cardiaque. Certes, le fait
d’avoir trois exemplaires de gènes ou d’autres éléments
génomiques sur le chromosome 21 accroît le risque
de survenue d’une cardiopathie congénitale, mais la
trisomie 21 en soi ne suffit pas à la causer. D’autres
variations génétiques et/ou facteurs d’environnement
pourraient aussi contribuer au risque de cardiopathie.
Ce sont des études d’association qui sont résumées
ici : elles visent à identifier les variations génomiques
qui, conjointement à la trisomie 21, déterminent le
risque de cardiopathies congénitales chez les sujets
mongoliens.
La GÉNÉTIQUE CLINIQUE DES CANAUX ATRIOVENTRICULAIRES a été abordée par Bruno MARINO
qui a rappelé que le canal atrio-ventriculaire (CAV)
représente environ 7,4% de toutes les malformations
cardiaques congénitales 1 . D’un point de vue
pathogénique, les patients qui en sont atteints peuvent
être classés en trois groupes2 : ceux associés à une
trisomie 21 (45% des cas), ou à d’autres syndromes
génétiques (30%) et ceux qui n’ont qu’un canal
atrio-ventriculaire isolé non syndromique (25%). Ces
données soulignent l’impact considérable des facteurs
génétiques dans cette cardiopathie et son hétérogénéité
génétique2 (Figure 1.4).
L’étude-contrôle de tout le génome ici rapportée
a enrôlé 187 patients trisomiques 21 atteints d’une
cardiopathie congénitale (canal atrio-ventriculaire
dans 69 cas, communication inter-auriculaire dans
53 cas et communication interventriculaire dans 65 cas)
comparés à 151 trisomiques sans cardiopathie. L’étude
d’association spécifique du chromosome 21 a montré
que rs2832616 et rs1943950 (tous deux cis-eQTLs
pour le gène KRTAP7-1) étaient des allèles de risque de
cardiopathies congénitales (p ajusté < 0,05). De plus,
rs21833593 et rs7282991 (tous deux cis-eQTLs pour le
gène ADARBI) se sont révélés des facteurs de risque de
communication inter-auriculaire. Dans la mesure où le
mongolisme est probablement un trouble d’expression
génique, une interaction entre deux loci a été appliquée
Figure 1.4 : Canaux atrio-ventriculaires et
syndromes (D’après Digilio MC2)
Down S = prévalence dans la trisomie 21.
Other S = prévalence dans d’autres syndromes.
Non S = prévalence en l’absence de syndrome.
Le CAV de la trisomie 21 est particulier. Il est
bien connu que les CAV des patients eusomiques
comportent une prévalence d’anomalies obstructives
gauches comme des anomalies de la valve mitrale,
une hypoplasie du ventricule gauche, une sténose
sous-aortique, une coarctation de l’aorte3-5. À l’inverse,
le trisomique semble protégé de ces anomalies
associées 3-6, comme il l’est d’autres anomalies du
situs viscéral et de la boucle ventriculaire ainsi que de
la transposition des gros vaisseaux6,7. Le phénotype
cardiaque spécifique du CAV de la trisomie 21 associe
un canal atrio-ventriculaire complet, des ventricules
bien équilibrés et, parfois, une tétralogie de Fallot6-8.
Il est de plus intéressant de noter qu’il y a des
prévalences différentes de cardiopathies selon les
populations de trisomiques : CAV chez les caucasiens,
mais communication interventriculaire chez les sudaméricains et les asiatiques.
Sur 150 cas de ce groupe de syndromes, 13 (9%)
avaient un CAV. La majorité avaient une mutation dans
PTPN11, gène le plus important de ces syndromes,
et la présence d’un CAV était constamment liée à
des mutations dans les exons 2 et 3. Le phénotype
spécifique des CAV des Ras-opathies est un CAV
partiel, éventuellement associé à des anomalies de
la valve mitrale qui peuvent être à l’origine d’une
obstruction sous-aortique par tissu accessoire fibreux
ou insertions anormales 20,21 . Ce type d’anomalies
rappelle celles qu’on observe dans les cardiomyopathies
hypertrophiques, de telle sorte qu’un mécanisme de
développement anormal du myocarde ventriculaire
gauche et de la valve mitrale participe peut-être à la
pathogénie de la cardiopathie de ces patients.
Dans l’éventail malformatif des défauts de
latéralisation (hétérotaxies), la place du CAV est
bien connue et cette association compte pour près de
25% de tous les cas de CAV2. Asplénie et polysplénie
partagent des caractéristiques cardiaques : oreillette
unique, veines supérieures bilatérales, sinus coronaire
"à ciel ouvert", boucle ventriculaire variable. Dans
l’asplénie, le CAV est complet et on trouve encore un
retour veineux pulmonaire anormal total, une dominance
ventriculaire droite, une transposition des gros vaisseaux
ou un ventricule droit à double issue, une sténose
ou atrésie pulmonaire22. Au contraire, la polysplénie
est habituellement affectée d’un CAV partiel, d’une
interruption de la veine cave inférieure avec continuation
azygos, de ventricules équilibrés et de gros vaisseaux
en relation normale23. On connaît aussi un sous-type
spécifique de CAV dans le syndrome d’hétérotaxie
avec asplénie, où la valve atrio-ventriculaire a un aspect
primitif avec réduction du nombre et dysplasie des
valvules et des piliers24.
Il peut y avoir une récurrence familiale dans les CAV
non-syndromiques, ce qui suggère une possible
ségrégation des mutations géniques héréditaires
autosomiques dominantes. Des analyses de liaison
dans ces familles ont montré que le chromosome 21
n’était pas impliqué. Ces résultats sont en accord
avec les différences du phénotype des CAV des
trisomiques et des non-trisomiques et ont ouvert la voie
à la recherche de gènes impliqués dans la pathogénie
des CAV des non-trisomiques, familiaux mais aussi
sporadiques. Au cours des dernières années, deux
gènes ont été identifiés dans quelques cas de CAV
non-syndromiques : CREDL 9,10 et GATA4 10,11. Il est
intéressant de noter que ces deux gènes sont dans la
voie du développement gauche-droite.
Les observations anatomiques et les données
chirurgicales apprennent qu’en dépit de problèmes
immunologiques et respiratoires, la trisomie 21 n’est
pas un facteur de risque opératoire ni dans les formes
partielles12 ni dans les formes complètes13 de CAV, mais
qu’au contraire elle protège des risques de la chirurgie :
la mortalité est moins élevée et les complications sont
moins sérieuses que chez les enfants eusomiques12,13.
Bien plus, la fonction cardiaque et pulmonaire postopératoire est adéquate chez les trisomiques et autorise
une activité sportive contrôlée14,15.
Au cours des dernières années, beaucoup de gènes,
exprimés asymétriquement dans les phases précoces
du développement et impliqués dans les mécanismes
de latéralisation, ont été identifiés. Chez l’homme, les
premières mutations de CRIPTIC et de NODAL ont été rapportées chez des patients en hétérotaxie avec asplénie25.
La délétion terminale du bras court du chromosome 8
(del8p) est l’anomalie chromosomique la plus
fréquemment en cause après la trisomie 21 dans
le CAV26 et le nombre de patients atteints s’accroît
parallèlement avec l’amélioration de la reconnaissance
clinique du phénotype et aux progrès des techniques
de génétique moléculaire et de cytogénétique27 qui
permettent de dépister de petits déséquilibres. Le
gène GATA4 qui se situe dans la région 8p23.1 est
souvent délété chez ces patients et c’est l’un des gènes
candidats à la cardiopathie de ce syndrome28. Le CAV
est très fréquent chez les enfants del8p : 40% des cas.
Le phénotype cardiaque associe une forme complète
de CAV, avec parfois une tétralogie de Fallot mais
aussi à une dextrocardie et des anomalies des retours
veineux systémique et pulmonaire, ce qui n’est pas
sans rappeler le phénotype cardiaque des hétérotaxies.
À côté de la trisomie 21, d’autres affections
génétiques incluent un CAV dans leur catalogue
malformatif2 et vont maintenant être abordés.
Le syndrome de Noonan et les affections qui lui sont
liées comme le syndrome LEOPARD, le syndrome
cardio-facio-cutané et le syndrome de Costello, sont
dus à des mutations de différents gènes participant à la
voie de signalisation RAS, d’où leur regroupement sous
le nom de Ras-opathies. Le CAV arrive en troisième rang
de fréquence des cardiopathies de ces patients après
la sténose valvulaire pulmonaire et la cardiomyopahie
hypertrophique16-21.
La délétion du bras court du chromosome 3 (del3p)
est aussi constamment associée à une forme en
général complète de CAV29,30. Une molécule d’adhésion
cellulaire codée par CREDL1 a été proposée comme
candidat probable du CAV dans ce syndrome en raison
de sa position dans la région délétée. On notera que
tout comme GATA4, CREDL1 fait partie de la voie
génétique des défauts de latéralisation et que les
mutations de ces gènes ont été identifiés dans un petit
nombre de CAV non-syndromiques9,10. On peut dès
lors suggérer un lien possible entre CREDL1, delp3 et
des défauts de latéralisation.
montré que les gènes responsables du syndrome orofacio-squelettique et du syndrome d’Ellis-van Creveld
sont impliqués dans la formation des cils et dans la
spécification de l’axe gauche-droite par contribution à
la signalisation Hedgehog39-42. Les souris transgéniques
ont le phénotype des syndromes de polydactylie
mais également des défauts de latéralisation et des
anomalies de la boucle ventriculaire, ce qui confirme
les observations initiales sur les similitudes entre
l’anatomie cardiaque des syndromes de polysplénie
et de polydactylie. On voit ainsi que l’observation d’un
phénotype peut aider à comprendre les regroupements
et les divisions de conditions génétiques, puis guider et
précipiter des découvertes moléculaires.
Les syndromes CHARGE-VACTERL sont tous deux
de nature génétique et significativement associés à des
CAV. Le phénotype cardiaque spécifique du syndrome
CHARGE comporte un CAV complet souvent associé à
une tétralogie de Fallot, et celui du syndrome VACTERL
se superpose en partie avec l’hétérotaxie puisqu’il
décline un CAV complet, une tétralogie de Fallot et une
dextrocardie.
En conclusion, il est évident qu’au moins pour
certaines catégories de CAV, les mécanismes
pathogéniques sont les mêmes puisque l’hétérotaxie et
certains syndromes génétiques ont le même phénotype
cardiaque et quelques chevauchements génétiques.
Les syndromes del8p, del3p, CHARGE et VACTERL
chevauchent aussi un peu avec l’asplénie tandis que
les syndromes de polydactylie ont plus d’une similitude
avec la polysplénie (Figure 1.5). Le CAV est le phénotype
cardiaque commun qui réunit tous ces syndromes43.
Le CAV a été décrit dans quelques syndromes de
polydactylie post-axiale comme le syndrome d’Ellisvan Creveld, le syndrome oro-facio-squelettique et
les syndromes de Bardet-Biedl et de Smith-LemliOpitz 31-37 . Ces affections ont en commun des
phénotypes cardiaques spécifiques associant oreillette
unique, CAV partiel, veine cave supérieure bilatérale
et sinus coronaire à ciel ouvert31. La similitude avec la
morphologie du cœur de l’hétérotaxie avec polysplénie
suggère une similitude de voie génétique33.
La reconnaissance du "second champ cardiaque" a été
la découverte la plus importante de ces dernières années
en embryologie cardiaque et elle permet aujourd’hui
d’éclairer d’un jour embryologique et génétique nouveau
les anomalies de la voie de sortie du cœur et la jonction
entre ventricules et gros vaisseaux. Comme le CAV est la
jonction entre les ventricules et le segment viscéro-atrial,
on peut affirmer que la partie dorsale du second champ
cardiaque est nécessaire au développement complet
de la partie d’admission du cœur. C’est probablement
pourquoi beaucoup de CAV sont liés à des hétérotaxies
et des défauts de latéralisation.
Le recours au clonage positionnel et la contribution
de cas personnels ont permis de découvrir que le
gène EVC était muté chez la plupart des patients
atteints de syndrome d’Ellis-van Creveld38, et des
études expérimentales chez la souris ont récemment
Figure 1.5 : Phénotype et classification pathogénique des canaux atrio-ventriculaires
AVC = canal atrio-ventriculaire
13. Formigari R, Di Donato RM, Gargiulo G, Di Carlo
D, Feltri C, Picchio, FM, Marino B. Better surgical
prognosis for patients with complete atrioventricular
septal defect and Down’s syndrome. Ann Thorac Surg
2004; 78:666-72.
14. R usso MG, Pacileo G, Marino B, Pisacane C,
Calabro P, Ammirati A, Calabro R. Echocardiographic
evaluation of left ventricular systolic function in the
Down syndrome. Am J Cardiol 1998; 81:1215-7.
15. Pastore E, Marino B, Calzolari A, Digilio MC, Giannotti
A, Turchetta A. Clinical and cardiorespiratory
assessment in children with Down syndrome without
congenital heart disease. Arch Pediatr Adolesc Med
2000; 154:408-10.
16. Tartaglia M, Zampino G, Gelb BD. Noonan syndrome:
clinical aspects and molecular pathogenesis. Molec
Syndromol 2010; 1:2-26.
17. Digilio MC, Conti E, Sarkozy A, Mingarelli R, Dottorini
T, marino B, Pizzuti A, Dallapiccola B. Grouping of
multiple-lentigines/LEOPARD and Noonan syndromes
on the PTPN11 gene. Am J Hum Genet 2002; 71:38994.
18. Sarkozy A, Conti E, Digilio MC, Marino B, Morini E,
Pacileo G, Wilson M, Calabro R, Pirruti A, Dallapiccola
B. Clinical and molecular analysis of 30 patients with
multiple lentigines LEOPARD syndrome. J Med Genet
2004; 41(5):e68.
19. Sarkozy A, Conti E, Seripa D, Digilio MC, Grifone N,
Tandoi C, Fazio VM, Di Ciommo V, Marino B, Pizzuti
A, Dallapiccola B. Correlation between PTPN11 gene
mutations and congenital heart defects in Noonan and
LEOPARD syndromes. J Med Genet 2003; 40:704-8.
20. M arino B, Digilio MC, Toscano A, Giannotti A,
Dallapiccola B. Congenital heart diseases in children
with Noonan syndrome: An expanded cardiac
spectrum with high prevalence of atrioventricular canal.
J Pediatr 1999; 135:703-6.
21. Marino B, Gagliardi MG, Digilio MC, Polletta B, Grazioli
S, Agostino D, Giannotti A, Dallapiccola B. Noonan
syndrome: structural abnormalities of the mitral valve
causing subaortic obstruction. Eur J Pediatr 1995;
154:949-52.
22. Phoon CK, Neill CA. Asplenia syndrome: insight
into embryology through an analysis of cardiac and
extracardiac anomalies. Am J Cardiol 1994; 73:581-7.
23. Peoples WM, Moller JH, Edwards JE. Polysplenia: a
review of 146 cases. Pediatr Cardiol 1983; 4:129-38.
24. Francalanci P, Marino B, Boldrini R, Abella R, Iorio F,
Bosman C. Morphology of the atrioventricular valve in
asplenia syndrome: A peculiar type of atrioventricular
canal defect. Cardiovasc Pathol 1996; 5:145.
25. Bamford RN, Roessler E, Burdine RD, Saplakoglu
U, dela Cruz J, Splitt M, Goodship JA, Towbin J,
Bowers P, Perrero GB, Marino B, Schier AF, Shen MM,
Muenke M, Casey B. Loss-of function mutations in the
EGF-CFC gene CFC1 are associated with human leftright laterality defects. Nat Genet 2000; 26:365-9.
26. Marino B, Reale A,Giannotti A, Digilio MC, Dallapiccola
B. Nonrandom association of atrioventricular canal and
del (8p) syndrome. Am J Med Genet 1992; 42:424-7.
Références
1. Carmi R, Boughman JA, Ferencz C. 1992. Endocardial
cushion defect: further studies of «isolated» versus
«syndromic» occurrence. Am J Med Genet 1992;
43:569-75.
2. D igilio MC, Marino B, Toscano A, Giannotti A.
Dallapiccola B. Atrioventricular canal defect without
Down syndrome: a heterogeneous malformation. Am J
Med Genet 1999; 85:140-6.
3. De Biase L, Di Ciommo V, Ballerini L, Bevilacqua
M, Marcelletti C, Marino B. Prevalence of left-sided
obstructive lesions in patients with atrioventricular canal
without Down’s syndrome. J Thorac Cardiovasc Surg
1986; 467-9.
4. Marino B. Left-sided cardiac obstruction in patients with
non Down syndrome. J Pediatr 1989; 115:834-5.
5. Ferencz C, Loffredo CA, Correa-Villasenor A, Wilson
PD, Correa-Villasenor A. Genetic and environmental
risk factors of major cardiovascular malformations. The
Baltimore-Washington Infant Study 1981-1989. 1997;
Armonk, New York: Futura Publishing Company Inc.
6. Marino B, Vairo U, Corno A, Nava S, Guccione P,
Calabro R, Marcelletti C. Atrioventricular canal in
Down syndrome. Prevalence of associated cardiac
malformations compared with patients without Down
syndrome. Am J Dis Child 1990; 144:1120-2.
7. Vergara P, Digilio MC, De Zorzi A, Di Carlo D, Capolino
R, Rimini A, Pelegrini M, Calabro R, Marino B. Genetic
heterogeneity and phenotypic anomalies in children
with atrioventricular canal and tetralogy of Fallot. Clin
Dysmorphol 2006; 15:65-70.
8. Marino B. 1996. Patterns of congenital heart disease
and associated cardiac anomalies in children with
Down syndrome. In: Marino B, Pueschel SM (eds).
Heart Disease in Persons with Down Syndrome. 1996;
Baltimore: Brookes Publishing; pp. 33-140.
9. R obinson SW, Morris CD, Goldmuntz E, Reller
MD, Jones MA, Steiner MD, Maslen CL. Missense
mutations in CRELD1 are associated with cardiac
atrioventricularseptal defects. Am J Hum Genet 2003;
72:1047-52.
10. Sarkozy A, Esposito G, Conti E, Digilio MC, Marino B,
Calabro R, Pizzuuti A, Dallapiccola B. CRELD1 and
GATA4 gene analysis in patients with nonsyndromic
atrioventricular canal defects. Am J Med Genet A 15
2005;139:236-8.
11. Garg V, Kathiriya IS, Barnes R, Schluterman MK, King
IN, Butler CA, Rothrock CR, Eapen RS, HirayamaYamada K, Matsuoka R, Cohen JC, Srivasta D:.
GATA4 mutations cause human congenital heart
defects and reveal an interaction with TBX5. Nature
2003; 424:443-7.
12. Giamberti A, Marino B, Di Carlo D, Iorio FS, Formigari
R, De Zorzi A, Marcelletti C. Partial atrioventricular
canal with congestive heart failure in the first year of life:
surgical options. Ann Thorac Surg 1996; 62:151-4.
10
27. Wu B-L, Schneider GH, Sabatino DE, Bozovic LZ,
Cao B, Korf BR. Distal 8p deletion (8)(p23.1): an
easily missed chromosomal abnormality that may be
associated with congenital heart defect and mental
retardation. Am J Med Genet 1996; 62:77-83.
28. Giglio S, Graw SL, Gimelli G, Pirola B, Varone P,
Voullaire L, Lerzo F, Rossi E, Dellavecchia C, Bonaglia
MC, Digilio MC,Giannotti A, Marino B, Carrozzo
R, Kronenberg JR, Danesino C, Sujansky E,
Dallapiccola B, Zuffardi O. Deletion of a 5-cM region
at chromosome 8p23 is associated with a spectrum of
congenital heart defects. Circulation 2000; 102:432-7.
29. Phipps ME, Latif F, Prowse A, P a y n e S J , D i e t z Band J, Leversha M, Affara NA, Moore AT, Tolmie J,
Schinzel A, Lerman MI, Ferguson-Smith MA, Maher
ER. Molecular genetic analysis of the 3p- syndrome.
Hum Molec Genet 1994; 3:903-8.
30. Green EK, Priestley MD, Waters J, Maliszewska C,
Latif F, Maher ER. Detailed mapping of a congenital
heart disease gene in chromosome 3p25. J Med
Genet 2000; 37:581-7.
31. Digilio MC, Marino B, Giannotti A, Dallapiccola B.
Single atrium, atrioventricular canal/postaxial
hexodactyly indicating Ellis-van Creveld syndrome.
Human Genet 1995; 96:251-3.
32. Digilio MC, Marino B, Giannotti A, Dallapiccola B.
Orocardiodigital sindrome: an oral-facial-digital type
II-variant associated with atrioventricular canal. J Med
Genet 1996; 33:416-8.
33. Digilio MC, Marino B, Ammirati A, Borzaga U, Giannotti
A, Dallapiccola B. Cardiac malformations in patients
with oral-facial-skeletal syndromes: clinical similarities
with heterotaxia. Am J Med Genet 1999; 84:350-6.
34. Digilio MC, Marino B, Giannotti A, Dallapiccola B, Opitz
JM. Specific congenital heart defects in RSH/SmithLemli-Opitz syndrome: postulated involvement of the
sonic hedgehog pathway in syndromes with postaxial
polydactyly or heterotaxia. Birth Defects Res A Clin
Mol Teratol 2003; 67:149-53.
35. Digilio MC, Dallapiccola B, Marino B. Atrioventricular
canal defect in Bardet- Biedl syndrome: clinical
evidence supporting the link between atrioventricular
canal defect and polydactyly syndromes with ciliary
dysfunction. Genet Med 2006; 8:536-8.
36. Lin AE, Ardinger HH, Ardinger RH Jr, Cunniff C, Kelley
RI. Cardiovascular malformations in Smith-Lemli-Opitz
syndrome. Am J Med Genet 1997; 68:270-8.
37. Neri G, Guerrieri F, Genuardi M. Oralfacial-skeletal
syndromes. Am J Med Genet 1995; 59:365-8.
38. Ruiz-Perez VL, Ide SE, Strom TM, Lorenz B, Wilson D,
Woods K, King L, Francomano C, Reisinger P, Spranfer
S, Marino B, Dallapiccola B, Wright M, Meitinger T,
Polymeropoulos MH, Goodship J. Mutations in a
new gene in Ellis-van Creveld syndrome and Weyers
acrodental dysostosis. Nat Genet 2000; 24:283-6.
39. Ferrante MI, Zullo A, Barra A, Bimonte S, Messaddeq
N, Studer M, Dollé P, Franco B. Oralfacial-digital type I
protein is required for primary cilia formation and leftright axis specification. Nat Genet 2006; 38:112-7.
40. R uiz-Perez VL, Blair HJ, Rodriguez-Andres
ME,Blanco MJ, Wilson A, Liu YN, Miles C, Peters
H, Goodship JA. EVC is a positive mediator of Ihhregulated bone growth that localises at the base of
chondrocyte cilia. Development 2007; 134:2903-12.
41. R uiz-Perez VL, Goodship JA. Ellis-van Creveld
syndrome and Weyers acrodental dysostosis are
caused by cilia-mediated diminished response to
hedgehog ligands. Am J Med Genet 2009; 151C:34151.
42. Mill P, Lockhart PJ, Fitzpatrick E, Montford HS, Hall
EA, Reijns MA, Keighren M, Bahlo M, Bromhead
CJ, Budd P, Aftimos S, Delatycki MB, Savarirayan R,
Jackson IJ, Amor DJ. Human and mouse mutations
in WDR35 cause short-rib polydactyly syndromes
due to abnormal ciliogenesis. Am J Hum Genet 2011;
88:508-15.
43. Digilio MC, Dallapiccola B, Marino B. Atrioventricular
canal defect as a sign of laterality defect in Ellis-van
Creveld and polydactyly syndromes with ciliary and
hedgehog signaling dysfunction. Pediatr Cardiol 2012
Mar 6. (Epub ahead of print).
Magalie LADOUCEUR a clôturé cette première séance
par une mise au point sur LE CŒUR ADULTE DE LA
TRISOMIE 21. La trisomie 21 (ou syndrome de Down)
est l’anomalie chromosomique la plus commune chez
les nouveau-nés et la cause la plus fréquente de déficit
intellectuel. Dû à une trisomie partielle ou complète du
chromosome 21, ce syndrome associe une dysmorphie,
des désordres organiques et, souvent, une malformation
cardiaque.
La prévalence de la trisomie 21 est estimée à 1 à
2 pour 1000 naissances vivantes. L’espérance de vie
de ces patients a nettement augmenté ces dernières
décennies pour passer de 12 ans en 1940 à 60 ans
de nos jours, bien que la mortalité infantile et néonatale
soit 5 à 8 fois plus importante que celle de la population
générale, précisément à cause des cardiopathies
congénitales. L’incidence de ces dernières est de 45 à
50%, canal atrio-ventriculaire surtout (45%), puis
communication interventriculaire (35%) et communication
inter-auriculaire (10%). La tétralogie de Fallot et le canal
artériel concernent 10% des cardiopathies associées
à la trisomie 21. Chez l’adulte trisomique, l’incidence
des cardiopathies congénitales est moins importante,
estimée à 33% aux Pays Bas1, inconnue en France.
Aujourd’hui dans la plupart des pays développés, les
nouveau-nés trisomiques 21 ont systématiquement un
bilan cardiologique pour rechercher une cardiopathie
congénitale, mais cette recommandation n’est appliquée
que depuis 1980. De plus, il est étonnant de constater
que 17% des patients mongoliens vivant en Institutions
11
ont une cardiopathie non diagnostiquée dont un quart
nécessitant des soins en semi-urgence.
de Fallot, de canaux artériels, de coarctations ou de
dysplasies valvulaires aortiques isolées. Une réparation
chirurgicale a été faite dans 36% des cas mais 55%
n’ont pas été réparés et ont évolué vers un syndrome
d’Eisenmenger. Les 9% restants avaient des
cardiopathies mineures ne justifiant aucun traitement.
Le taux de mortalité globale lié à la cardiopathie est de
16,3% après l’âge de 15 ans. De façon non surprenante,
les patients Eisenmenger ont un taux de survie plus bas
(73%) que les patients réparés (95%, p = 0,05).
Bien qu’on ne connaisse pas les résultats de la
réparation du canal atrio-ventriculaire chez l’adulte,
une série pédiatrique2 fait état d’une survie actuarielle à
12 ans après l’opération de 94% chez les trisomiques
21 contre 86% chez les patients à caryotype normal.
Un déséquilibre ventriculaire, plus fréquent chez les
eusomiques, est le principal facteur de cette différence de
pronostic. De même, les eusomiques accusent une plus
forte mortalité après chirurgie palliative en cas de CAV
déséquilibré et un plus grand risque de réintervention que
chez les normaux en raison d’une prévalence beaucoup
plus élevée d’anomalies de la valve mitrale ou de la voie
d’éjection ventriculaire gauche. Il est fort possible que ces
résultats perdurent dans une population d’adultes.
Les canaux atrio-ventriculaires opérés dans ce groupe
avaient un âge moyen de 23,7 ans et il s’agissait surtout
de formes complètes dont 6 avec une tétralogie de
Fallot ou des ventricules déséquilibrés. Les complications
ont été rares en dehors de la nécessité de pose d’un
pacemaker pour BAV complet postopératoire (15%).
Une fuite mitrale de bas grade (I-II) n’est notée que chez
18% des patients. Il n’y a pas eu d’hypertension artérielle
du fait d’une bonne sélection hémodynamique préopératoire. La seule cause de décès est l’endocardite,
retrouvée chez 12% des opérés. Enfin, si le taux de survie
post-opératoire est le même chez les trisomiques et les
eusomiques (n=50; p=0,4), l’incidence des complications
est très supérieure chez les eusomiques (70% vs. 40%,
p < 0,02) qui sont beaucoup plus souvent réopérés
sur la valve mitrale, font presque toujours des troubles
du rythme surtout ventriculaires, des morts subites
ou une insuffisance cardiaque grave conduisant à la
transplantation. Ainsi, le patient trisomique atteint de
canal atrio-ventriculaire doit bénéficier d’une réparation
chirurgicale en raison d’une nette amélioration de sa
survie au prix d’un taux faible de complications.
La survie des patients trisomiques avec shunt intracardiaque non réparé ayant conduit à un syndrome
d’Eisenmenger vient de faire l’objet d’une importante
publication 3. L’évolution est la même que chez les
patients à caryotype normal et l’âge moyen de survie
dans les deux groupes est de 44,5 ans. Leur prise en
charge ne diffère pas non plus mais, pour l’heure, l’intérêt
du bosentan n’a pas fait ses preuves4.
La prévalence des valvulopathies est estimée entre 10 et
45% chez le trisomique adulte et augmente avec l’âge.
Il s’agit essentiellement de prolapsus valvulaire mitral
mais aussi d’insuffisance aortique isolée, de type II selon
la classification de Carpentier 1,5,6, peut-être à cause
d’anomalies du collagène liées à une surexpression du
chromosome 21 et de la localisation sur le chromosome
21 de gènes codant les chaines a-1 et a-2 du collagène
de type VI prédominant dans le cœur fœtal du trisomique
21.
Le syndrome d’Eisenmenger de l’adolescent et
de l’adulte trisomique est affecté d’un taux de survie
significativement diminué par rapport à l’eusomique
(Figure 1.6) : 50% vs. 66% à 40 ans, en raison
essentiellement de la cardiopathie congénitale complexe
qu’est le CAV (86% chez les trisomiques vs. 61 % chez
les eusomiques) et cette différence de taux de survie entre
cardiopathies complexes et simples est bien connue14.
La première cause de décès est la mort subite (40%),
suivie de l’insuffisance cardiaque (25%) et des accidents
vasculaires cérébraux (15%). Suivent les hémorragies et
les infections. Les complications liées à la cardiopathie
sont rares (10% d’insuffisances mitrales de faible grade)
et les autres complications sont liées à la cyanose du
shunt droite-gauche : thrombo-embolies, hyperuricémie
et crises de goutte, hémoptysies, hyperviscosité. Un
essai de traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire
par vaso-dilatateurs spécifiques a été introduit chez 13
des 31 patients de la série Necker-HEGP avec une une
amélioration du périmètre de marche dans 5 des 6 cas
testés.
Nombre de facteurs de risque cardiovasculaire
affectent les mongoliens : déficit intellectuel, vie en
Institution, surpoids dans 31 à 47% des cas, anomalie du
métabolisme lipidique. Pourtant ces patients sont connus
comme des modèles échappant à l’athérosclérose7.
De plus, le tabac et l’hypertension artérielle sont rares
et le taux de mortalité d’origine coronarienne n’est
que de 3,9% contre 24 à 28% pour les leucémies8.
Une surexpression de facteurs protecteurs de
l’athérosclérose9-11, comme le gène de la cystathioninebéta synthétase qui code une protéine diminuant le taux
d’homocystéine et, partant, celui des coronaropathies,
joue peut-être aussi un rôle favorable12,13.
L’analyse des données personnelles porte sur une
population de 129 patients trisomiques 21 de ≥15 ans,
avec cardiopathie congénitale et suivis par le Centre de
Référence M3C (Necker, HEGP, Marie-Lannelongue).
Le sex-ratio est de 1,2 (H/F). L’âge moyen est de
24,6 ± 7,1 ans (15-45). Les cardiopathies sont des
canaux atrio-ventriculaires (75%), des communications
interventriculaires (19%) et une minorité de tétralogies
Les comorbidités extracardiaques ne sont pas rares
dans la trisomie 21 de l’adulte, à commencer par les
cancers (leucémies, cancer du testicule) qui multiplient
par quatre la mortalité de ces patients. Après 40 ans,
12
A
B
Figure 1.6 : Courbes de survie du syndrome d’Eisenmenger (patients de > 15 ans)
A : Comparaison des trisomiques (T21) et des non-trisomiques (nl)
B : Comparaison des eusomiques (Nl) à cardiopathie congénitale (CC) simple et complexe, et des trisomiques (T21) à
cardiopathie congénitale simple et complexe
36 à 66% des patients sont atteints de démence,
un certain nombre sont touchés par des pathologies
respiratoires, des syndromes d’apnée du sommeil dont
on sait qu’ils peuvent aggraver l’hypertension artérielle
pulmonaire. L’hypothyroïdie, plus que l’hyperthyroïdie,
doit être systématiquement recherchée. L’obésité,
fréquente chez ces patients, doit être surveillée. La
cataracte, l’ostéoporose et les troubles de croissance
sont plus rares mais méritent d’être connus.
5. Pueschel SM, Werner JC. Mitral valve prolapse in
persons with Down syndrome. Res Dev Disabil 1994;
15:91-7.
6. Geggel RL, O’Brien JE, Feingold M. Development of
valve dysfunction in adolescents and young adults
with Down syndrome and no known congenital heart
disease. J Pediatr 1993; 122:821-3.
7. M urdoch JC, Rodger JC, Rao SS, Fletcher CD,
Dunnigan MG. Down’s syndrome: an atheroma-free
model ? Br Med J 1977; 2:226–8.
8. Baird P, Sadovnick A. Causes of death to age 30 in
Down syndrome. Am J Hum Genet 1988; 43:239-48.
9. Nagyova A., Sustrova M, Raslova K. Serum lipid
resistance to oxidation and uric acid levels in subjects
with Down’s syndrome. Physiol Res 2000; 49:227–31.
10. Goi G, Baquero-Herrera C, Licastro F, Dogliotti G,
Corsi MM. Advanced oxidation protein products
(AOPP) and high-sensitive C-reactive protein (hs-CRP)
in an ‘atheroma-free model’: Down’s syndrome. Intern
J Cardiol 2006; 113:427–9.
11. Licastro F, Dogliotti G, Goi G, Malavazos AE, Chiappelli
M, Corsi MM. Oxidated low-density lipoproteins
(oxLDL) and peroxides in plasma of Down syndrome
patients. Arch Gerontol Geriatr 2007; 44(Suppl 1):
225–32.
12. Pogribna M, Melnyk S, Pogribny I, Chango A, Yi P,
James SJ. Homocysteine metabolism in children with
Down syndrome: in vitro modulation. Am J Hum Genet
2001; 69:88-95.
13. Licastro F, Marocchi A, Penco S, Porcellini E, Lio
D, Dogliotti G, Corsi MM. Does Down’s syndrome
support the homocysteine theory of atherogenesis?
Experience in elderly subjects with trisomy 21. Arch
Gerontol Geriatr 2006; 43:381-7.
14. Diller GP, Dimopoulos K, Broberg CS, Kaya MG,
Naghotra US, Uebing A, Harries C, Goktekin O, Gibbs
JS, Gatzoulis MA. Presentation, survival prospects,
and predictors of death in Eisenmenger syndrome: a
combined retrospective and case-control study. Eur
Heart J 2006; 27:1737-42.
En conclusion, les adultes trisomiques sont souvent
perdus de vue ou non diagnostiqués. Il est donc
nécessaire de les soumettre à un bilan cardiologique
systématique. Le canal atrio-ventriculaire est la
cardiopathie congénitale la plus fréquente dans cette
population et doit être réparée dans l’enfance, étant
donnés les bons résultats chez le patient adulte et la
gravité du syndrome d’Eisenmenger en cas d’abstention.
Il faut améliorer le suivi et l’accès aux soins de ces
patients et les traiter comme des eusomiques.
Références
1. Vis JC, de Bruin-Bon RH, Bouma BJ, Huisman SA,
Imschoot L, van den Brink K, Mulder BJ. Congenital
heart defects are under-recognised in adult patients
with Down’s syndrome. Heart 2010; 96:1480-4.
2. Formigari R, Di Donato RM, Gargiulo G, Di Carlo D, Feltri
C, Picchio FM, Marino B. Better surgical prognosis for
patients with complete atrioventricular septal defect and
Down’s syndrome. Ann Thorac Surg 2004; 78:666-72.
3. Troost E, Van De Bruaene A, Lampropoulos K, Post
M, Gewillig M, Moons P, Delcroix M, Budts W. The
outcome of Eisenmenger patients with trisomy 21 does
not differ from patients without trisomy 21. Acta Cardiol
2011; 66:293-301.
4. D uffels MG, Vis JC, van Loon RL, Berger RM,
Hoendermis ES, van Dijk AP, Bouma BJ, Mulder BJ.
Down patients with Eisenmenger syndrome: is bosentan
treatment an option? Int J Cardiol 2009; 134:378-83.
13
14
2. EMBRYOLOGIE ET ANATOMIE DES
CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES
La séance morphologique s’est ouverte sur L’EMBRYOLOGIE DES CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES et
c’est bien entendu Lucile HOUYEL qui s’est chargée
de cette mise au point en commençant par donner
du terme canal atrio-ventriculaire (CAV) une triple
définition :
1/ anatomique : zone de jonction entre les oreillettes
et les ventricules, composée des valves auriculoventriculaires (AV), de la partie basse du septum
inter-auriculaire (septum vestibulaire) et de la partie
inférieure du septum interventriculaire (septum
d’admission);
2/ pathologique : la cardiopathie congénitale "CAV"
associe une jonction AV commune (un seul anneau),
une communication inter-auriculaire type ostium primum
et une comminication interventriculaire d’admission;
3/ e mbryologique : l’ensemble de cette jonction
s’organise autour du mésenchyme des bourgeons
endocardiques du canal atrio-ventriculaire.
endocardiques, relie l’oreillette commune au seul
ventricule gauche en développement. Il n’y a pas
à ce stade de connexion entre la partie droite de
l’oreillette commune et le futur ventricule droit, encore
très rudimentaire. En même temps que la croissance
du ventricule droit à partir des myocytes du second
champ cardiaque antérieur, la continuité oreillette
droite – ventricule droit va s’établir progressivement
à partir du myocarde de la partie dorsale de l’anneau
primitif, entre courbure interne et CAV. Cet "entonnoir
tricuspidien" va croître vers le bas, vers l’avant et
vers la droite, entraînant avec lui la partie droite du
mésenchyme des bourgeons endocardiques du CAV,
qui tapisse l’entonnoir myocardique et formera la
tricuspide par délamination (disparition du myocarde)
en même temps que les bandes musculaires du
ventricule droit (bande modératrice, pilier antérieur
de la tricuspide, bande septale). Les trois feuillets
de la valve tricuspide sont donc d’origine à la fois
musculaire et mésenchymateuse (Figure 2.1).
La septation normale du canal atrio-ventriculaire
comprend trois séquences :
En revanche, le feuillet antérieur de la mitrale est
d’origine exclusivement mésenchymateuse, se
trouvant d’emblée séparé du septum interventriculaire
par la rotation de la valve aortique qui s’encastre
entre les valves AV (wedging) et l’établissement de
la continuité mitro-aortique. Seul le feuillet mural est,
comme la tricuspide, d’origine mixte et se forme par
1. Formation des valves auriculo-ventriculaires
Au stade le plus précoce du développement
cardiaque, immédiatement après la boucle (loop),
le CAV, constitué du mésenchyme des bourgeons
Figure 2.1 : Établissement de la connexion auriculo-ventriculaire droite et formation de la valve tricuspide
AV = canal atrio-ventriculaire primitif. CT = cono-truncus. O = oreillette commune. VD = futur ventricule droit. VG = ventricule
gauche. 1 = anneau primitif. 2 = courbure interne de la boucle. 3 = BM = bande modératrice. 4 = BS = bande septale.
15
délamination. La continuité mitro-aortique s’établit
par disparition (absorption) de la partie gauche de la
courbure interne (conus embryologique). Une partie
de ce conus sous-aortique peut persister dans le
ventricule gauche, constituant le muscle antéro-latéral
anomal du ventricule gauche ou muscle de Moulaert,
présent dans environ 30% des cœurs normaux.
le bas et de l’épine vestibulaire vers l’avant, et par la
fusion des bourgeons atrio-ventriculaires (Figure 2.2).
L’alignement de ces trois éléments aboutit, à sept
semaines de vie intra-utérine, à la fermeture définitive
de l’ostium primum. Cette zone mésenchymateuse va
ensuite se musculariser, par invasion du mésenchyme
par les cellules myocardiques avoisinantes, créant
ainsi le rebord antéro-inférieur de la fosse ovale,
musculaire, que l’on pourrait appeler "septum
vestibulaire"3.
2. Formation du septum vestibulaire
Au début de la cinquième semaine de vie intrautérine, à la partie médiane du toit de l’oreillette
primitive, se développe le septum inter-auriculaire
primitif, en forme de croissant (Figure 2.2). A la
partie postérieure de l’oreillette primitive se situe
le mésocarde dorsal, encore appelé "protrusion
mésenchymateuse dorsale"1 ou "épine vestibulaire"2,
dérivée du second champ cardiaque postérieur. La
partie libre (inférieure) du septum inter-auriculaire
primitif est recouverte d’une capsule de tissu
mésenchymateux, considérée comme l’extension
antéro-postérieure de l’épine vestibulaire. A sa
partie antérieure, cette capsule mésenchymateuse
est en continuité avec le bourgeon endocardique
antéro-supérieur du CAV, structure également
mésenchymateuse.
Avant la fermeture de l’ostium primum, des
fenestrations apparaissent par apoptose à la partie
supérieure du septum inter-auriculaire primitif. Leur
coalescence crée l’ostium secundum ou foramen
ovale (Figure 2.2). Le septum secundum apparaît
plus tardivement (huit semaines de vie intra-utérine)
par invagination du toit de l’oreillette, à droite du
septum primum.
L’apport du second champ cardiaque postérieur
au développement des oreillettes est donc crucial :
septation auriculaire (épine vestibulaire), tunnel pour
la veine pulmonaire commune (oreillette gauche),
valves veineuses (oreillette droite).
3. Formation du septum d’admission
La partie postéro-inférieure du septum interventriculaire
ou septum d’admission se forme grâce à la fusion
des bourgeons endocardiques du CAV. Ce septum
est donc d’origine mésenchymateuse et va se
musculariser secondairement.
L’ensemble de ces éléments mésenchymateux (épine
vestibulaire, bord libre du septum inter-auriculaire
primitif, bourgeons endocardiques du CAV) délimite
le foramen inter-auriculaire primitif ou ostium primum
(Figure 2.2). Ces éléments vont converger, par
croissance du septum inter-auriculaire primitif vers
Figure 2.2 : Éléments contribuant à la formation du septum inter-auriculaire
16
Les concepts sur la morphogenèse du CAVmalformation ont évolué : on pensait auparavant que
le CAV était dû à un défaut de fusion des bourgeons
endocardiques, d’où le terme endocardial cushion
defect. Le concept actuel est que le CAV résulte
d’une anomalie de formation de la jonction auriculoventriculaire dans son ensemble par défaut de
septation AV (atrioventricular septal defect), auquel
s’ajoute la valve AV commune. Le développement de la
jonction atrio-ventriculaire est, en effet, un phénomène
complexe qui peut être perturbé par plusieurs
mécanismes, ce qui aboutit au CAV "malformation"4 :
anomalie mésenchymateuse, anomalies myocardiques,
malalignement des septa inter-auriculaire et interventriculaire.
2. L e défaut myocardique résulte d’une anomalie
de formation des bourgeons endocardiques à
laquelle le myocarde contribue par l’envoi de
signaux susceptibles d’induire la transformation
épithélio-mésenchymateuse. D’autre part, la
muscularisation (invasion du mésenchyme par les
cellules myocardiques) est nécessaire à la formation
du septum vestibulaire et du septum d’admission.
De nombreux modèles animaux, comme les souris
dont les gènes GATA4, FOG2, Tbx5, Tbx1 ont été
inactivés, incluent dans leur phénotype un CAV par
défaut de muscularisation de la jonction AV.
3. Enfin, le défaut d’alignement des septa inter-auriculaire
et interventriculaire, tel qu’il peut se produire dans les
anomalies de latéralisation gauche-droite (anomalies
de la boucle, syndromes d’hétérotaxie), peut aboutir
à un CAV. Ce dernier est présent dans 96% des
asplénies et 45% des polysplénies nous dira plus loin
Richard Van Praagh (voir p. 49). La précocité de la
survenue de ces anomalies dans le développement
cardiaque explique leur association fréquente à
d’autres anomalies "primitives" : ventricule droit à
double issue, hypoplasies ventriculaires, anomalies
des retours veineux. Plusieurs modèles animaux
avec déficience des gènes de latéralité reproduisent
ces phénotypes : isomérisme gauche chez la souris
Shh-/- 8, isomérisme droit chez la souris Pitx2c-/-9.
1. Le défaut mésenchymateux fait intervenir au premier
chef l’épine vestibulaire dont le rôle dans la fermeture
de l’ostium primum et donc la septation normale de
la jonction AV a été mis en évidence chez l’embryon
de souris et chez l’embryon humain trisomique 21.
On a constaté chez ce dernier une nette diminution
de la taille de l’épine vestibulaire, un défaut de
muscularisation, un défaut de fusion des bourgeons
endocardiques du canal qui sont néanmoins de taille
et d’aspect normaux, et un sous-développement du
septum d’admission5. Mêmes constatations chez
des embryons murins Shh-/- : le CAV résulterait donc
d’un défaut du mésocarde dorsal6 et donc du second
champ cardiaque postérieur. Ce dernier participe
également à l’incorporation des veines pulmonaires
à l’oreillette gauche et à la formation des valves
veineuses dans l’oreillette droite7.
Les conséquences anatomiques de l’embryologie
du CAV sont nombreuses (Figure 2.3), mais toutes
les formes ont en commun une jonction auriculoventriculaire commune avec une valve AV à cinq
feuillets, dont deux bridging leaflets ou hémivalves
Figure 2.3 : Septation auriculoventriculaire : les différents types
de CAV
À gauche, cœur normal : la partie postérosupérieure du septum interventriculaire
sépare en fait le ventricule gauche de
l’oreillette droite et les deux orifices
auriculo-ventrioculaires sont décalés.
Au milieu, canal atrio-ventriculaire complet :
il n’ya qu’un anneau atrio-ventriculaire et
les valves sont toutes dans le même plan
horizontal; large communication interauriculaire ostium primum en haut, en
continuité avec une large communication
interventriculaire d’admission en bas.
À droite et en haut, canal atrio-ventriculaire partiel : le septum interventriculaire
est intact et tout se résume à l’ostium
primum.
À droite et en bas : communication
interventriculaire d’admission isolée.
(OD = oreillette droite. OG = oreillette
gauche. VD = ventricule droit. VG =
ventricule gauche)
17
antéro-supérieure et postéro-inférieure, et, selon le
degré de fusion des hémivalves avec les septa interauriculaire et interventriculaire10 :
• un CAV complet : un seul anneau, une seule valve
AV, pas de fusion des hémivalves avec les crêtes
des septa interventriculaire ou inter-auriculaire;
• un CAV partiel sans communication interventriculaire : fusion des hémivalves entre elles et avec la
crête du septum interventriculaire, communication
inter-auriculaire type ostium primum et cleft du
composant gauche de la VAV commune;
• u n CAV "intermédiaire" avec persistance de
petits défauts de fusion avec la crête du septum
interventriculaire et des communications intervenriculaires restrictives;
• une communication interventriculaire d’admission
sans communication inter-auriculaire : fusion des
hémivalves avec le septum inter-auriculaire;
• voire une cleft mitrale isolée qui sera perpendiculaire
au septum;
• ou même peut-être, mais cela reste à démontrer
par une étude anatomique, une simple insertion
linéaire des valves auriculo-ventriculaires (ILVAV).
Ce défaut de formation du septum d’admission est
aussi responsable de la situation anormale de la valve
aortique au-dessus du ventricule gauche, car elle ne
peut s’encastrer entre mitrale et tricuspide et reste
donc anormalement haut située, unwedged. D’où une
voie d’éjection plus longue et plus étroite que dans un
cœur normal, avec néanmoins une continuité mitroaortique conservée (Figure 2.5) 10; une perturbation
fréquente de la résorption du conus sous-aortique
(ventriculo-infundibular fold) : le muscle de Moulaert
est particulièrement fréquent dans les CAV11. Cette
anomalie du wedging normal de la valve aortique n’est
en fait qu’une conséquence de la persistance du CAV
embryologique, elle-même déterminée bien avant le
stade du wedging, dès le stade de convergence ou
dans certains cas dès le stade de boucle précoce ou
même de la boucle, stades où la résorption du conus
sous-aortique n’est pas achevée.
On connaît de nombreux modèles murins de CAV. La
plupart associent un CAV et un ventricule droit à double
issue, indiquant une perturbation du développement
dès le stade de boucle précoce ou de la convergence :
souris T16 (hypoplasie ventriculaire), GATA4 et FOG2
(défaut de muscularisation, anomalies coronaires),
TGF-b2 (défaut de muscularisation, perturbations de la
phase finale de la boucle). Peu de modèles reproduisent
le CAV isolé avec ventricules équilibrés de la trisomie
21, très différent anatomiquement des autres types de
CAV12.
Une autre caractéristique commune à tous les CAV
découle directement de l’embryologie et elle est
parfaitement visible sur tous les spécimens quel que soit
le type anatomique du CAV : le défaut de formation du
septum d’admission, identifié au niveau du ventricule
gauche avec aspect scooped-out de ce septum (Figure 2.4).
Figure 2.4 : Défaut du septum d’admission
Le septum interventriculaire, vu par le ventricule gauche, a un aspect "scooped out". (Ao = orifice aortique. Cleft = fente
de la vave atrioventriculaire gauche).
18
Figure 2.5 : Élongation de la voie d’éjection du ventricule gauche (D’après Anderson10)
À gauche, cœur normal. La voie d’entrée du ventricule (inlet) et la voie de sortie (outlet) ont des dimensions sensiblement
égales. (Ao = orifice aortique. M = valve mitrale).
À droite, canal atrio-ventriculaire complet (atrioventricular septal defect). La voie de sortie est nettement plus longue que
la voie d’entrée.
anomalie du mésenchyme et/ou du myocarde de
la jonction AV, ou défaut d’alignement des septa
interventriculaire et inter-auriculaire.
En conclusion, la septation auriculo-ventriculaire est un
processus particulièrement complexe du développement
cardiaque. Elle se fait en plusieurs étapes, de la
boucle au wedging : établissement de la continuité
entre oreillette droite et ventricule droit, alignement des
septa inter-auriculaire et interventriculaire, septation
atriale et du septum d’admission, wedging de la valve
aortique entre mitrale et tricuspide. Ses perturbations
sont fréquentes et le CAV-malformation fait partie du
phénotype de nombreux syndromes (trisomie 21,
syndrome CHARGE, syndrome d’Ellis-Van Creveld,
etc.). C’est surtout bien plus qu’un défaut de formation
des bourgeons endocardiques du CAV, comme le
souligne la contribution majeure du second champ
cardiaque postérieur et des gènes de latéralité dans
sa morphogenèse, avec trois mécanismes principaux :
Références
1. Wessels A, Anderson RH, Markwald RR, Webb
S, Brown NA, Viragh SZ, Moorman AFM, Lamers
WH. Atrial development in the human heart :
immunohistochemical study with emphasis on the
role of mesenchymal tissue. Anat Record 2000;
259:288-300.
2. Anderson RH, Brown NA, Webb S. Development and
structure of the atrial septum. Heart 2002; 88:10410.
19
3. K im JS, Viragh S, Moormn AFM, Anderson RH,
Lamers WH. Development of the myocardium of the
atrioventricular canal and the vestibular spine in the
human heart. Circ Res 2001; 88:395-402.
4. B enson DW, Sund KL. Looking down the atrioventricular canal. Cardiovasc Res 2010; 88:205-6.
5. Blom NA, Ottenkamp J, Wenink AGC, Gittenbergerde Groot AC. Deficiency of the vestibular spine in
atrioventricular septal defects in human fetuses with
Down syndrome. Am J Cardiol 2003; 91:180-4.
6. G oddeeris MM, Rho S, Petiet A, Davenport CL,
Johnson AG, Meyers EN, Klingensmith J. Intracardiac
septation requires hedgehog-dependent cellular
contributions from outside the heart. Development
2008; 135:1887-95.
7. Vincent SD, Buckingham ME. How to make a heart:
the origin and regulation of cardiac progenitor cells.
Curr Top Dev Biol 2010; 90:1-41.
8. Hildreth V, Webb S, Chaudhry B, Peat JD, Phillips
HM, Brown N, Anderson RH, Henderson DJ. Left
cardiac isomerism in the Sonic hedgehog null mouse.
J Anat 2009; 214: 894-904.
9. C ampione M, Ros MA, Icardo JM, Piedra E,
Christoffels VM, Schweickert A, Blum M, Franco D,
Moorman AF. Pitx2 expression defines a left cardiac
lineage of cells: evidence for atrial and ventricular
molecular isomerism in the iv/iv mice. Dev Biol 2001;
231:252-64.
10. Anderson RH, Baker EJ, Ho SY, Rigby ML, Ebels T.
The morphology and diagnosis of atrioventricular
septal defects. Cardiol Young 1991; 1:290-305.
11. D raulans-Noë HAY, Weninck ACG. Anterolateral
muscle bundle of the left ventricle in atrioventricular
septal defect: left ventricular outflow tract and
subaortic stenosis. Pediatr Cardiol 1991; 12:83-8.
12. V an Praagh R, Litovsky S. Pathology and
embryology of common atrioventricular canal. Prog
Pediatr Cardiol 1999; 10:115-27.
Comme l’an dernier, la matinée s’est terminée par une séance de CORRÉLATIONS ANATOMO-ÉCHOCARDIOGRAPHIQUES animée par Lucile HOUYEL pour les démonstrations de pièces anatomiques et Damien
BONNET pour les documents écho-cardiographiques correspondants. Montrer en images fixes des cardiopathies
comme les canaux atrio-ventriculaires où la troisième dimension est indispensable, est une gageure. N’ont donc
été sélectionnées ici que quelques images caractéristiques en tentant de superposer la photographie du spécimen
avec une image 2D d’échographie, en bouleversant parfois les vues classiques. N’ont été conservées que les formes
typiques ou fréquentes (Figures 2.6 à 2.12).
20
« Cleft »
Ao
Orifice AV gauche
Hémivalve
antéro-supérieure
Orifice AV droit
Septum IV
« scooped-out »
Hémivalve
postéro-inférieure
A
B
C
Figure 2.6 : Canal atrio-ventriculaire (CAV) partiel
En haut à gauche, vue auriculaire droite (OD) : les deux hémivalves sont fusionnées entre elles et sur la crête septale,
créant deux orifices valvulaires distincts.
En haut à droite, vue ventriculaire gauche (VG) : la fente ("cleft") est large avec des bords épais et enroulés, signes d’une
fuite importante.
Échocardiographies : A : CAV partiel en 4 cavités avec aspect typique d’alignement linéaire des valves auriculo-ventriculaires.
B : CAV partiel en 4 cavités avec alignement des valves "en triangle". C, vue en petit axe des deux orifices distincts.
21
A
B
Figure 2.7 : CAV "intermédiaire"
En haut, vues anatomiques de l’oreillette droite (OD) et du ventricule gauche (VG). La communication interventriculaire
d’admission (CIV) est presque entièrement fermée par l’accolement des deux hémivalves sur la crête du septum
interventriculaire (IV); seules persistent quelques très petites CIV restrictives. Ao = orifice aortique, CIA = communication
inter-auriculaire, IA = inter-auriculaire, IV = interventriculaire, VCI = veine cave inférieure.
En bas, l’échographie A montre un aspect pseudo-anévrismal des attaches sur la crête septale (flèche) qui ferment
partiellement la CIV. En vue sous sous-costale (B), on voit le peigne d’attaches (flèche) sur la crête septale qui ferment
partiellement la CIV d’admission.
22
Ao
Hémivalve
antéro-supérieure
Septum IV
« scooped-out »
Hémivalve
postéro-inférieure
CAV complet type A
A
B
C
D
Figure 2.8 : CAV complet, type A de Rastelli
En haut à gauche, vue auriculaire (OD) montrant l’orifice atrio-ventriculaire (AV) commun, les deux grandes hémivalves et
la crête septale (SIV).
En haut à droite, la vue ventriculaire gauche (VG) montre clairement des attaches de l’hémivalve antérieure sur la crête septale.
Au milieu, vues échographiques d’un CAV complet en 4 cavités, en diastole à gauche (A) et en systole à droite (B).
En bas, le CAV complet est vu en petit axe par voie sous-costale : à gauche (C) en protodiastole avec la "fente mitrale"
(flèche), à droite (D) en télédiastole après ouverture complète de la valve.
23
Ao
Hémivalve antéro-supérieure
Voie
d'éjection
Septum IV
« scooped-out »
Hémivalve
postéro-inférieure
CIV
d'admission
CAV complet type C
Figure 2.9 : CAV complet, type C de Rastelli
À gauche, vue anatomique du ventricule gauche : l’hémivalve antéro-supérieure n’a pas d’attaches sur la crête septale.
À droite, l’échocardiographie montre le passage en pont de l’hémivalve antérieure au-dessus de la crête septale.
Attaches anormales
de l'hémivalve antéro-supérieure
Valve aortique
Muscle de
Moulaert
Ao
Muscle de
Moulaert
Voie sous-aortique
étroite
Voie d'éjection
étroite
Septum IV
« scooped-out »
Bande musculaire
anormale
CIV
Figure 2.10 : CAV complet (type C) avec sténose sous-aortique
En haut à gauche, sténose sous-aortique complexe.
En haut à droite, sténose sous-aortique due à une restriction de la chambre de chasse par des attaches anormales de
l’hémivalve antérieure.
En bas, les échographies montrent une voie sous-aortique en "col de cygne". A gauche en diastole dans un CAV sans
obstacle sous-aortique et à droite (en systole) avec un aspect de voie sous-aortique étroite.
24
Orifice
accessoire
Hémivalve
postéro-inférieure
Figure 2.11 : CAV complet avec double orifice mitral
En haut, les vues anatomiques du ventricule gauche (VG) et de l’oreillette gauche (OG) font voir un orifice principal
comprenant la "cleft" et un orifice accessoire plus externe et développé dans l’hémivalve postéro-inférieure.
En échographie, on voit l’orifice antérieur fendu de grande taille (flèche pleine) et l’orifice postérieur petit dans l’hémivalve
postérieure (flèche pointillée).
25
Hémivalve
antéro-supérieure
Valve aortique
Septum IV
« scooped-out »
Hémivalve
postéro-inférieure
Figure 2.12 : CAV complet type C avec composant AV gauche en parachute
En haut, la vue anatomique ventriculaire gauche (VG) montre que tous les cordages des deux
deux hémivalves (flèches) s’insèrent sur le pilier antéro-externe (P).
En bas, l’échographie montre la valve gauche s’ouvrir sur un seul pilier avec une fente (flèche
noire) alors que l’autre pilier ne reçoit aucun composant valvulaire (flèche blanche).
26
3. CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES
AVANT ET APRÈS
Cette séance avait l’ambition d’explorer les problèmes
posés par les canaux atrio-ventriculaires aux deux
extrémités de l’existence. Et d’abord, Jérôme LE BIDOIS
s’est intéressé aux CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES
DU FŒTUS en commençant par le diagnostic anténatal des canaux atrio-ventriculaires (CAV) qui repose
aujourd’hui sur une stratégie bien établie. En effet,
le Comité national technique de l’échographie de
diagnostic prénatal préconise en France la réalisation de
trois échographies de dépistage à 12, 22 et 32 semaines
d’aménorrhée (SA). Une échographie d’expertise est
indiquée : 1/ si une anomalie cardiaque est suspectée
ou démontrée, ou si une structure normale ne peut
être mise en évidence, lors des échographies de 22 et
32 SA; 2/ si la clarté nucale mesurée à l’échographie
de 12 SA est anormalement épaisse. L’échographie
de dépistage vérifie les cavités cardiaques, les gros
vaisseaux, le septum interventriculaire et le décalage
mitro-tricuspidien dont l’absence fait suspecter un CAV.
En cas d’anomalie de la clarté nucale, une échographie
est fréquemment proposée vers 17-18 SA, terme
auquel il est très souvent possible de diagnostiquer
avec précision les principales malformations, dont le
CAV.
Figure 3.1 : Échocardiographie fœtale d’un CAV
complet
Coupes des 4 cavités en diastole. Image typique montrant
un seul anneau auriculo-ventriculaire, deux valves ouvertes
à gauche et à droite dans deux ventricules équilibrés, une
large communication interventriculaire se poursuivant par
un large ostium primum.
Figure 3.2 : Échocardiographie fœtale d’un CAV
complet : l’alignement des valves
Coupe des 4 cavités en systole. Les valves atrioventriculaires équipant l’orifice commun sont
alignées dans le même plan horizontal et séparent la
communication interventriculaire en bas de l’ostium
primum en haut.
L’échocardiographie "experte" permet de voir la jonction
auriculo-ventriculaire commune avec un seul orifice
dans les formes complètes (Figures 3.1 et 3.2) ou deux
orifices avec aspect de fente mitrale dans les formes
partielles de la malformation. La communication interauriculaire de type ostium primum est quasi-constante.
La communication interventriculaire d’admission peut
être plus ou moins large mais elle manque parfois
comme dans les CAV partiels. L’examen doit rechercher
des éléments qui peuvent modifier le pronostic :
déséquilibre ventriculaire, fuite auriculo-ventriculaire
importante, anatomie défavorable de la valve auriculoventriculaire étudiée en petit axe, isomérisme, sténose
infundibulo-pulmonaire faisant parler de CAV+Fallot,
coarctation.
27
Le diagnostic est relativement facile en cas de CAV
complet ou de CAV partiel avec large ostium primum
(Figure 3.3). Mais les faux négatifs ne sont pas
exceptionnels, en cas de petit ostium primum et/ou de
petite communication interventriculaire; on peut parfois
construire des images de décalage mitro-tricuspidien
dans des formes authentiques de CAV. À l’inverse,
même un échographiste expert peut hésiter entre une
petite communication inter-auriculaire ostium primum
et l’image du sinus coronaire (Figure 3.4), bien que
cette dernière soit plus postérieure que l’ostium primum
(faux positif). Les conséquences de ces faux positifs
ou faux négatifs peuvent être graves : en cas de faux
négatif, on risque de manquer un diagnostic d’anomalie
chromosomique et, notamment, de trisomie 21 dont le
CAV est parfois le seul signe d’appel; un faux positif va
conduire à une proposition d’amniocentèse, examen
non dénué de risque et générateur d’angoisse pour le
couple.
peuvent être associées au CAV en dehors de tout
syndrome répertorié : anomalies neurologiques, rénales,
squelettiques, fentes labio-palatines, omphalocèle,
hernie diaphragmatique, atrésie duodénale, etc1.
Une étude récente du devenir de 141 fœtus atteints
de CAV diagnostiqués dans la région parisienne entre
1996 et 2002 fait état de 80 cas (57%) à caryotype
normal et de 61 (43%) à caryotype anormal 2 . Le
Tableau 3.1 montre les principales comorbidités et, en
particulier, la fréquence des formes syndromiques (40%)
chez les fœtus euploïdes et celle de la trisomie 21
chez les fœtus aneuploïdes (80%). De plus, l’incidence
de trisomie 21 était nettement plus élevée dans les
CAV complets que dans les CAV partiels (48% vs.
13%). Enfin, la comparaison des CAV à caryotype
normal et de ceux à caryotype anormal soulignait
deux différences majeures : la plus grande fréquence
des déséquilibres ventriculaires (59% vs. 20%) et des
malformations cardiaques associées (55% vs. 36%) en
cas de caryotype normal.
Enfin, les comorbidités sont fréquentes : le CAV est
associé dans environ 50% des cas à une anomalie
chromosomique, trisomie 21 le plus souvent, mais
également trisomie 13 ou 18. Cette malformation
peut également faire partie de syndromes divers :
VACTERL, CHARGE, Ellis-van Creveld, Cornelia de
Lange. Par ailleurs, des anomalies extracardiaques
Le pronostic est désastreux : fréquence très élevée des
interruptions volontaires de grossesse, que le caryotype
soit anormal (76%) ou normal (54%), en raison, dans
ce dernier groupe, de la grande fréquence des formes
complexes de CAV et des anomalies extracardiaques
associées; fréquence non négligeable de morts in utero
(14% pour les caryotypes anormaux, 16% pour les
Figure 3.4 : Faux-positif par sinus coronaire dilaté
La coupe des 4 cavités (OD = oreillette droite, OG =
oreillette gauche, VD = ventricule droit, VG = ventricule
gauche) a été faite dans un plan un peu trop postérieur
qui fait apparaître le sinus coronaire (flèche) au dessus
du plan des valves. D’où une fausse image d’ostium
primum et un aspect d’alignement des valves auriculoventriculaires.
Figure 3.3 : Échocardiographie fœtale
d’un CAV partiel
Coupe des 4 cavités en systole. Les valves atrioventriculaires sont alignées sur le même plan mais la
crête du septum interventriculaire les rejoint : il n’y a pas
de communication interventriculaire. En revanche, large
ostium primum au dessus des valves.
28
Caryotype
Anomalie associée
Nombre
(%)
Normal (n=80)
Aucune
Syndrome
avec hétérotaxie
sans anomalie de latéralité
48
(60%)
32
(40%)
27
5
Anormal (n=61)
Trisomie 21
Trisomie 18
Autre
49
10
2
(80%)
(16%)
(4%)
Tableau 3.1 : Phénotype fœtal dans 141 cas de CAV dépistés in utero
caryotypes normaux) et de mortalité post-natale non
chirurgicale (14% pour les caryotypes anormaux, 16%
pour les caryotypes normaux). La mortalité opératoire
était nulle dans le groupe des caryotypes anormaux
contre 8% (3 patients) dans les groupe des caryotypes
anormaux. Il en résulte que le taux d’enfants survivants
est faible : 17% chez les fœtus aneuploïdes (71%
des grossesses poursuivies) et 27% pour les fœtus
euploïdes (58% des grossesses poursuivies).
Références
1. Berg C, Kaiser C, Bender F, Geipel A, Kohl T, AxtFliedner R, Krapp M, Knöpfle G, Herberg U, Breuer
J, Schmitz C, Gembruch U. Atrioventricular septal
defect in the fetus - Associated conditions and
outcome in 246 cases. Ultraschall Med 2009; 30:2532.
2. Maltret A, Moura C, Le Bidois J, Fermont L, Bajolle F,
Stos B, Azancot A, Bonnet D. Pronostic des canaux
atrio-ventriculaires chez les fœtus euploïdes sans
anomalie du situs atrial. Arch Mal Coeur Vaiss 2007;
100:411-5.
3. Allan L. Atrioventricular septal defect in the fetus. Am
J Obstet Gynecol 1999; 181:1250-3.
4. Formigari R, Di Donato RM, Gargiulo G, Di Carlo
D, Feltri C, Picchio FM, Marino B. Better surgical
prognosis for patients with complete atrioventricular
septal defect and Down’s syndrome. Ann Thorac
Surg 2004; 78:666-72.
5. Houyel L, Khoshnood B, Anderson RH, Lelong N,
Thieulin AC, Goffinet F, Bonnet D; EPICARD Study
group. Population-based evaluation of a suggested
anatomic and clinical classification of congenital heart
defects based on the International Paediatric and
Congenital Cardiac Code. Orphanet J Rare Dis 2011;
6:64.
6. P aladini D, Volpe P, Sglavo G, Russo MG, De
Robertis V, Penner I, Nappi C. Partial atrioventricular
septal defect in the fetus: diagnostic features and
associations in a multicenter series of 30 cases.
Ultrasound Obstet Gynecol 2009; 34:268-73.
La littérature confirme ces données et, en particulier,
la sévérité globale des CAV diagnostiqués avant la
naissance ainsi que la plus grande fréquence des
anomalies cardiaques associées chez les fœtus
à caryotype normal, avec pour conséquence une
survie diminuée et une plus grande fréquence de réinterventions dans ce groupe4. Dans le groupe des
anomalies des valves atrio-ventriculaires où le CAV est
de loin la principale malformation, l’étude en population
de la région parisienne portant sur plus de 300 000
grossesses entre 2005 et 2008 (EPICARD)5, a recruté
212 fœtus avec un taux d’interruptions de grossesse
de 42,5% et un taux de morts fœtales in utero de
6,1%, d’où une proportion de naissances vivantes
de 51,4%. Les malformations de ce groupe n’étaient
diagnostiquées que dans deux-tiers des cas, ce qui
indique que ce diagnostic reste difficile et que les
efforts de formation des échographistes doivent être
poursuivis.
En cas de diagnostic anténatal de CAV partiel, les
anomalies chromosomiques sont moins fréquentes
mais les données sont plus rares6 : si on exclut six cas
adressés pour bilan de trisomie 21, sur 24 diagnostics
anténataux de CAV partiel, sept étaient associés à des
anomalies chromosomiques, dont trois trisomies 21; les
anomalies cardiaques (17%) et extra-cardiaques (33%)
associées sont fréquentes.
La prise en charge périnatale en cas de poursuite
de la grossesse est en pratique assez simple, car la
bonne tolérance néonatale est la règle, en dehors des
rares formes avec fuite auriculo-ventriculaire importante
et/ou bloc auriculo-ventriculaire, qui n’aboutissent
qu’exceptionnellement à une naissance vivante.
L’accouchement peut donc avoir lieu normalement : par
voie basse, à terme, dans une maternité normale, c’est
à dire sans environnement médical spécifique.
Sans quitter le fœtus, Jean-Marie JOUANNIC a fait le
point sur le problème très débattu de L’ALIGNEMENT
DES VALVES AURICULO-VENTRICULAIRES EN
RELATION AVEC LA TRISOMIE 21 : MYTHE OU
RÉALITÉ ? L’histoire commence il y a une dizaine
d’années par la description d’un alignement des valves
auriculo-ventriculaires ("ILVAV" pour insertion linéaire
des valves auriculo-ventriculaires) lors de la vérification
anatomique d’un cœur de fœtus dans les suites d’une
29
interruption médicale de la grossesse pour trisomie 21.
Dans ce dossier, l’échographie prénatale avait suspecté
l’existence d’un canal atrio-ventriculaire. A l’ouverture
de cavités gauches, le septum primum paraissait intact.
Une coupe du cœur similaire à la coupe quatre-cavités
réalisée en prénatal, partant de l’apex et passant au
niveau des veines pulmonaires inférieures (Figure 3.5)
fut réalisée sur cette même pièce. Il n’y avait pas le
décalage habituel entre la valve mitrale et la valve
tricuspide : au contraire, les valves étaient parfaitement
alignées. Dans une étude complémentaire de 41 fœtus
examinés après interruption médicale de grossesse
dans les suites d’un diagnostic prénatal de trisomie 21,
cet aspect d’ILVAV a été observé dans près de 70%
des cas qui n’avaient par ailleurs aucune anomalie de la
structure du coeur1; une nouvelle série de 213 examens
fœto-pathologiques de cœurs de trisomie 21 confirmait
ces observations avec 63% d’ILVAV sur les 113 cœurs
par ailleurs normaux de ces fœtus2.
21. Ce même aspect d’ILVAV a été observé chez le
nouveau-né dans six cas, dont quatre avaient une
trisomie 213.
De manière similaire, deux études ont montré le lien
entre une diminution de la distance séparant l’insertion
des feuillets septaux des valves et l’existence d’un canal
atrio-ventriculaire d’une part et l’augmentation du risque
de trisomie 21 d’autre part4,5.
Ces observations suggérent que l’aspect historiquement
décrit par Catherine Frédouille pourrait correspondre
à une forme fruste d’anomalie de la jonction auriculoventriculaire.
Références
1. Fredouille C, Piercecchi-Marti MD, Liprandi A, Duyme
M, Gonzales M, Bigi N, Rouault F, Pelissier JF. Linear
insertion of the atrioventricular valves without septal
defect: A new anatomical landmark for Down’s
syndrome? Fetal Diagn Ther 2002; 17:188-92.
2. F redouille C, Baschet N, Morice JE, Soulier M,
Liprandi A, Piercecchi-Marti MD, Gonzales M, Duyme
M. Insertion linéaire des valves atrioventriculaires sans
defect. À propos d’une nouvelle série anatomique de
213 cœurs de fœtus trisomiques Arch Mal Coeur
Vaiss 2005; 98:549-55.
Dans les suites de ces observations, une étude
échographique a été conduite au sein du Collège
Français d’Echographie Fœtale (CFEF). A partir de
39 385 examens de dépistage des deuxième et
troisième trimestres de gestation, un aspect d’ILVAV a
été mis en évidence sur la coupe quatre-cavités dans
63 cas. Dans ce groupe, 30 cas de cardiopathies ont
été identifiés et, au total, il y avait 27 cas de trisomie
A
B
Figure 3.5 : Coupes de spécimens en "quatre cavités"
Dans les deux cas, le cœur est coupé frontalement de l’apex aux veines pulmonaires inférieures, comme dans une coupe
quatre-cavités d’échocardographie.
A : La croix du cœur est très visible et l’attache de la valve septale de la tricuspide est plus basse que celle de la grande
valve mitrale. Ce décalage est normal.
B : Les deux valves septales, droite et gauche s’attachent au même plan du septum : on dit que les valves sont alignées
(insertion linéaire des valves atrio-ventriculaires ou ILVAV).
30
Les complications au long cours sont bien connues2,3 :
3. Kaski JP, Wolfenden J, Josen M, Daubeney PEF,
Shinebourne EA. Can atrioventricular septal defects
exist with intact septal strutures? Heart 2006;
92:832-5.
4. B olnick AD, Zelop CM, Milewski B, Gianferrari
EA, Borgida AF, Egan JFX. Use of the mitral
valve-tricuspid valve distance as a marker of fetal
endocardial cushion defects. Am J Obstet Gynecol
2004; 191:1483-5.
5. Grace D, Eggers P, Glantz JC, Ozcan T. Mitral valvetricuspid distance as a sonographic marker of trisomy
21. Ultrasound Obstet Gynecol 2010; 35:172-7.
• la principale est une fuite mitrale assez importante
pour indiquer une réintervention dont le taux est de
l’ordre de 10% à 25 ans dans les CAV complets et
de 15% dans les CAV partiels (Figure 3.7), ce qui
semble paradoxal mais s’explique en partie par la
plus grande fréquence des CAV complets chez les
trisomiques 21 dont on sait qu’ils bénéficient d’une
anatomie plus favorable que les eusomiques 4. Les
anomalies complexes et les anomalies associées
∆ Cette communication a été suivie d’un débat animé
et prolongé avec les spécialistes d’échocardiographie
fœtale présents dans la salle. L’enjeu essentiel est
en effet de savoir si le dépistage d’une ILVAV chez
un fœtus lors d’un examen systématique et chez
lequel aucune autre anomalie structurelle du cœur
ou de quelque organe que ce soit n’est reconnue,
doit conduire à une amniocentèse pour recherche
de trisomie 21. Le moins qu’on puisse dire est que
le consensus est loin d’être fait car, pour beaucoup,
la spécificité et la sensibilité de ce signe sont
discutables (voir Figure 3.4, page 28).
Figure 3.6 : Courbes de survie actuarielle à 30 ans
des CAV opérés (D’après Hoohenkerk J.3)
c-AVSD = CAV complet; i-AVSD = CAV intermédiaire;
pAVSD = CAV partiel.
À l’autre extrêmité de la vie, Laurence ISERIN s’est
intéressée au DEVENIR À LONG TERME DES CANAUX
ATRIO-VENTRICULAIRES (CAV) OPÉRÉS. La première
réparation d’un CAV date des tout débuts de la chirurgie
à cœur ouvert (Lillehei, 1955) mais la mortalité postopératoire était de l’ordre de 50% et les complications
de type bloc auriculo-ventriculaire et fuite mitrale très
fréquentes. Il faut attendre 1958 et la description par
Lev de l’anatomie des voies de conduction pour que
diminue l’incidence des blocs auriculo-ventriculaires
post-opératoires, et les années 1970 pour qu’à la
faveur des progrès techniques, s’abaissent mortalité et
morbidité à des taux acceptables. L’objectif est donc
de fermer les défauts atriaux et ventriculaires et de
préserver la fonction de la valve auriculo-ventriculaire
au long cours. L’idée initiale était de ne pas forcément
fermer une "fente" si elle ne fuyait pas mais on sait
maintenant qu’il vaut mieux la suturer pour obtenir un
meilleur résultat au long cours1.
Depuis les années 1980, la mortalité en phase aiguë
d’un CAV partiel est de l’ordre de 0-0,6%, mais elle
atteint 4 à 6% en cas de fuite pré-opératoire de la
valve auriculo-ventriculaire. Dans les CAV complets, la
mortalité est de l’ordre de 5% et peut s’élever jusqu’à
13% en cas de fuite de la valve auriculo-ventriculaire
(Figure 3.6).
Figure 3.7 : Courbes de risque de réinterventions
tardives (D’après Hoohenkerk J.3)
c-AVSD = CAV complet; i-AVSD = CAV intermédiaire;
pAVSD = CAV partiel.
31
modifient aussi le pronostic de cette cardiopathie5.
Les plus communes sont le canal artériel, la tétralogie
de Fallot, mais surtout des anomalies mitrales de type
pilier unique ou valve en parachute (2 à 6% des cas),
double orifice mitral (8 à 14% des cas). Les formes
les plus sévères s’apparentent à un ventricule unique
avec valve auriculo-ventriculaire unique et oreillette
unique;
détériorer, 19% ont eu des arythmies symptomatiques
pendant la grossesse et 2% ont souffert d’insuffisance
cardiaque. Sur les 62 grossesses, la récurrence d’une
cardiopathie dans la descendance a atteint 12%. Enfin,
il y a eu deux décès néonataux par hypoplasie du cœur
gauche. Ainsi, la grossesse d’une femme opérée d’un
CAV doit être étroitement surveillée.
• l a sténose sous-aortique est rapportée avec une
fréquence de 5% au cours du suivi;
En conclusion, on savait déjà que le CAV n’était pas
une cardiopathie simple : même après réparation, elle
reste sérieuse et les opérés nécessitent une surveillance
à vie. On doit en particulier veiller à la survenue de
troubles conductifs et rythmiques, d’une sténose sousaortique, d’une fuite mitrale résiduelle. Si cette dernière
requiert une ré-intervention, d’autres questions se
posent comme le choix de la prothèse, l’éventualité
d’un trouble de conduction faisant anticiper une
stimulation épicardique pour ne pas prendre le risque
de faire apparaître ou d’aggraver une fuite tricuspide par
l’insertion d’une sonde, et surtout l’altération au long
cours de la fonction ventriculaire gauche faisant discuter
une resynchronisation surtout en cas de plastie mitrale
sur un ventricule gauche dont la fonction systolique est
déjà détériorée.
• l es complications les plus fréquentes sont les
troubles du rythme et de la conduction : dysrythmies
auriculaires liées à la fois aux cicatrices créées sur les
oreillettes mais aussi à l’importance de la fuite mitrale
résiduelle, bloc auriculo-ventriculaire complet qui peut
s’installer à distance de la cure complète.
L’expérience de Necker-HEGP a ensuite été analysée
à partir des patients opérés avant 1995 d’un CAV
complet. On dispose ainsi de 257 cas dont 81
trisomiques qui ont été exclus car étudiés à part au
début de ce Séminaire (voir p. 11). Sur les 176 opérés
"eusomiques", 34 ont eu une correction à un seul
ventricule et 142 patients une réparation complète
à deux ventricules avec 29 décès immédiats (20%)
en raison d’une forte proportion d’interventions avant
les années 1970. Surtout, on déplore un nombre
considérable de perdus de vue (environ 75%). Pour
finir, il n’a été possible de statuer sur l’avenir lointain que
chez 17 opérés de cette cohorte + 15 suivis à l’HEGP.
Ces 32 adultes étaient âgés en moyenne de 33 ans.
Une ré-opération avec remplacement valvulaire mitral
a été nécessaire dans quatre cas, mais surtout on note
des troubles du rythme auriculaire et parfois ventriculaire
avec deux évènements rythmiques graves dans 50%
de la population. Dans cette série, les sténoses sousaortiques n’ont pas récidivé au long cours. En revanche,
on a été frappé par la fréquence des insuffisances
tricuspides importantes liées non seulement à la cure du
CAV mais aussi à des sondes d’électro-entraînement ou
de défibrillation automatique. La défaillance cardiaque
droite apparaît surtout quand les patients sont en
arythmie par fibrillation auriculaire chronique.
Références
1. Hoohenkerk GJ, Bruggemans EF, Koolbergen DR,
Rijlaarsdam ME, Hazekamp MG. Long-term results of
reoperation for left atrioventricular valve regurgitation
after correction of atrioventricular septal defects. Ann
Thorac Surg 2012; 93:849-55.
2. B oening A, Scheewe J, Heine K, Hedderich J,
Regensburger D, Kramer HH, Cremer J. Long-term
results after surgical correction of atrioventricular
septal defects. Eur J Cardiothorac Surg 2002;
22:167-73.
3. H oohenkerk GJ, Bruggemans EF, Rijlaarsdam M,
Schoof PH, Koolbergen DR, Hazekamp MG. More
than 30 years’ experience with surgical correction
of atrioventricular septal defects. Ann Thorac Surg
2010; 90:1554-61.
4. Formigari R, Di Donato RM, Gargiulo G, Di Carlo
D, Feltri C, Picchio FM, Marino B. Better surgical
prognosis for patients with complete atrioventricular
septal defect and Down’s syndrome. Ann Thorac
Surg 2004; 78:666-72.
5. Shuhaiber JH, Ho SY, Rigby M, Sethia B. Current
options and outcomes for the management of
atrioventricular septal defect. Eur J Cardiothorac Surg
2009; 35:891-900.
6 D renthen W, Pieper PG, van der Tuuk K, RoosHesselink JW, Voors AA, Mostert B, Mulder
BJ, Moons P, Ebels T, van Veldhuisen DJ; Zahara
Investigators. Cardiac complications relating to
pregnancy and recurrence of disease in the offspring
of women with atrioventricular septal defects. Eur
Heart J 2005; 26:2581-7.
En ce qui concerne les CAV partiels, on compte 195
patients dont 9 % de trisomiques 21. La mortalité
opératoire ou péri-opératoire a été de l’ordre de 4% et,
à nouveau, 60% des patients ont été perdus de vue. La
cohorte restante des adultes suivis ont des troubles du
rythme dans 35% des cas et 20% des patients ont dû
subir un remplacement valvulaire mitral par une prothèse
mécanique. Enfin, deux patients ont fini par nécessiter
une transplantation cardiaque après de multiples
opérations (correction complète puis plastie mitrale).
Le problème des grossesses chez les femmes
atteintes de CAV n’est pas à la hauteur de sa réputation
de bonne tolérance comme l’a montré le groupe de
Groningen à partir du registre CONCOR6. En effet, 23%
des 29 patientes ont vu leur classe fonctionnelle se
32
4. CHIRURGIE DES CANAUX
ATRIO-VENTRICULAIRES
La première mise au point de cette séance chirurgicale
a été celle de Philippe ACAR qui a répondu à la
question : QUELLES SONT LES INFORMATIONS
ÉCHO-ANATOMIQUES NÉCESSAIRES POUR LE
CHIRURGIEN ? L’échocardiographie trans-thoracique
(ETT) bidimensionnelle (2D) et, désormais, tridimensionnelle (3D) grâce aux sondes matricielles1, se
doit de répondre à quatre groupes de questions avant
la chirurgie du canal atrio-ventriculaire :
A
B
Figure 4.1 : Mesure des volumes ventriculaires réel et
potentiel en IRM chez des nouveau-nés avec canal
atrio-ventriculaire déséquilibré
(D’après Grosse-Wortmann L2)
A : Mesure des volumes réels pré-opératoires avec
le ventricule droit en bleu et le ventricule gauche
hypoplasique en rouge.
B : Calcul des mêmes volumes tels qu’on les attend
après intervention. L’intérêt théorique est celui d’aider
au choix de la chirurgie bi- ou uni-ventriculaire.
1/ Les deux ventricules sont-ils suffisamment équilibrés
pour assurer chacun le débit après septation
chirurgicale ?
2/ Quelles sont la taille et les extensions des défauts
septaux qui conditionnent le retentissement hémodynamique et donc l’heure de la chirurgie ?
3/ Quelle est l’anatomie de la valve atrio-ventriculaire
gauche afin d’optimiser le geste opératoire et la
fonction valvulaire après chirurgie ?
4/ L a voie d’éjection ventriculaire gauche est-elle
obstruée (coarctation associée) ou potentiellement
obstructive après chirurgie ?
ventriculaire intermédiaire). Elle peut aussi être périmembraneuse, ce qui rend impérieuse la recherche
d’une fente de la valve atrio-ventriculaire gauche qui
doit être suturée lors du geste opératoire.
L’équilibre ventriculaire est facile à voir en ETT 2D
quand il est respecté. Il est beaucoup plus difficile à
quantifier quand une des deux cavités est hypoplasique.
En effet, les critères de Rhodes utilisés dans les obstacles
du cœur gauche sont difficilement applicables dans le
canal atrio-ventriculaire tant l’anatomie y est différente
(anneau atrio-ventriculaire unique, déformation de la voie
d’éjection). Afin de poser ou récuser une indication de
septation, l’IRM a été proposée pour faire une évaluation
pré-opératoire des petits ventricules gauches 2. Le
volume ventriculaire réel, et surtout le volume potentiel
que devrait avoir le ventricule après septation, peuvent
être calculés et ainsi aider à la décision opératoire. Mais
se pose la question de la faisabilité de l’IRM chez le petit
enfant ainsi que celle du modèle géométrique utilisé pour
le calcul des volumes (Figure 4.1).
La valve atrio-ventriculaire gauche (Figures 4.5 à
4.8) a une anatomie très variable dans le canal atrioventriculaire et elle est le plus souvent défavorable à
la réparation chez l’enfant eusomique. Ando4 (Tableau
4.1) a rapporté quatre lésions ayant une incidence sur
la fonction post-opératoire de la valve : 1/ l’asymétrie
de surface des feuillets valvulaires responsable de fuite
post-opératoire et elle est au mieux appréciée par ETT
3D; 2/ l’anomalie de position des piliers et l’hypoplasie
de la valve murale qui en résulte avec un risque de
sténose valvulaire en cas de suture complète de la fente;
3/ l’insertion excessive de cordages sur le composant
antéro-supérieur de la valve atrio-ventriculaire entraînant
une protrusion du patch dans le ventricule gauche;
4/ le double orifice de la valve atrio-ventriculaire gauche
plus rare mais redoutable car difficile à diagnostiquer
et souvent responsable de fuites valvulaires postopératoires résiduelles.
Les défauts septaux (Figures 4.2 à 4.4) ne sont
pas constamment présents dans les anomalies de la
jonction atrio-ventriculaire. La communication interauriculaire de type ostium primum, habituellement large
et responsable d’un shunt gauche-droite significatif,
parfois majoré par une fuite de la valve atrio-ventriculaire
gauche, fait porter l’indication opératoire et permet une
bonne exposition de la valve pour la plastie (Figure
4.2). Cette communication inter-auriculaire peut être
absente ou restrictive 3. Quant à la communication
interventriculaire, elle est souvent d’admission et large,
mais elle peut être absente ou restrictive (canal atrio-
En per-opératoire, l’échocardiographie trans-œsophagienne peut aider à comprendre le mécanisme d’une
fuite résiduelle. Cela dit, la quantification du volume
régurgitant, qui importe à la décision d’une reprise
chirurgicale, est difficile tant les conditions de charge sont
variables au décours de la circulation extracorporelle.
Après l’opération, l’ETT 2D et 3D en soins intensifs
a toute sa place dans l’évaluation post-opératoire des
33
Figure 4.2 : Shunt gauche-droite auriculaire
Coupe des quatre cavités en échographie trans-thoracique bidmensionnelle. À droite, le Doppler couleur permet
d’identifier un shunt gauche-droite significatif au travers d’une communication inter-auriculaire de type ostium primum.
Figure 4.3 : Canal atrio-ventriculaire complet en échocardiographie tridimensionnelle (D’après Simpson JM1)
À gauche, la malformation est vue du ventricule droit (RV); à droite, elle est vue du ventricule gauche (LV). Noter
l’obstruction d’une partie de la communication interventriculaire d’admission par les cordages de la valve atrioventriculaire.
34
Figure 4.6 : Mesure des surfaces des feuillets
valvulaires (D’après Acar P5)
L’écho tridimensionnelle permet la mesure des surfaces
valvulaires des canaux atrio-ventriculaires. Noter que la
surface du composant mural est réduite et n’occupe
qu’un quart de l’orifice valvulaire.
Figure 4.4 : Canal atrio-ventriculaire complet en
échocardiographie tridimensionnelle
Il s’agit d’une coupe épaisse qui identifie la valve atrioventriculaire unique au dessus de la communication
interventriculaire d’admission.
Figure 4.5 : Valve atrio-ventriculaire gauche en
échcardiographie tridimensionnelle
Vue du ventricule gauche, une fente divise le feuillet
antérieur en deux composants supérieur et inférieur et
pointe vers le septum interventriculaire.
Malformation
Piliers anormaux
Insertion de cordages denses de la valve septale
Double orifice valvulaire
Disparité de longueur de la fente
Autres
Total
Figure 4.7 : Double orifice de la valve
atrio-ventriculaire gauche
Vue tridimensionnelle du ventricule gauche chez un
nourrisson eusomique avec canal atrio-ventriculaire
complet. Les deux orifices sont bien distincts (1 et 2).
Nombre
de cas
15
13
7
5
98
138
Fermeture
de la fente
Fuite
de la VAVG
Sténose
de la VAVG
6
11
1
3
91
(40,0%)
(84,6%)
(14,3%)
(60,0%)
(92,9%)
4 (26,7%)
6 (46,2%)
3 (42,9%)
4 (80,0%)
10 (10,2%)
2 (13,3%)
0
0
0
4 (4,1%)
112 (81,2%)
27 (19,6%)
6 (4,3%)
Tableau 4.1 : Anomalies de la valve atrio-ventriculaire gauche dans le CAV4. (VAVG = valve auriculo-ventriculaire gauche)
35
Figure 4.8 : Fuite post-opératoire de la valve atrio-ventriculaire gauche
L’échocardiographie trans-thoracique bidimensionnelle (en haut) et tridimensionnelle (en bas) identifie
deux jets et les orifices : l’un près du septum et l’autre au point de coaptation avec la valve murale.
lésions résiduelles : fuite ou sténose de la valve atrioventriculaire, obstruction à l’éjection ventriculaire gauche,
shunt résiduel, fonction et volumes ventriculaires,
pressions artérielles pulmonaires. Elle est aussi l’outil
précieux de surveillance au long cours des enfants
et permet de porter l’indication d’une ré-intervention,
principalement sur la valve atrio-ventriculaire gauche5.
Références
1. S i m p s o n J M , M i l l e r O . T h r e e - d i m e n s i o n a l
echocardiography in congenital heart disease. Arch
Cardiovasc Dis 2011; 104:45-56.
2. Grosse-Wortmann L, Yun TJ, Al-Radi O, Kim S, Nii
M, Lee KJ, Redington A, Yoo SJ, van Arsdell G.
Borderline hypoplasia of the left ventricle in neonates :
insights for decision-making from functional
assessment with magnetic resonance imaging. J
Thorac Cardiovasc Surg 2008; 136:1429-36.
3. Kaur A, Srivastava S, Lytrivi ID, Nguyen K, Lai WW,
Parness IA. Echocardiographic evaluation and
surgical implications of common atrioventricular canal
defects with absent or diminutive ostium primum
defect. Am J Cardiol 2008; 101:1648-51.
4. Ando M, Takahashi Y. Variations of atrioventricular
septal defects predisposing to regurgitation and
stenosis. Ann Thorac Surg 2010; 90:614-21.
5. Acar P, Laskari C, Rhodes J, Pandian NG, Warner
K, Marx G. Determinants of mitral regurgitation
after atrioventricular septal defect surgery : a threedimensional echocardiographic study. Am J Cardiol
1999; 83:745-9.
En conclusion, l’échocardiographie tient une place
essentielle dans toutes les étapes de la prise en
charge de l’enfant atteint de canal atrio-ventriculaire :
1/ diagnostic, souvent fait chez le fœtus et imposant la
recherche d’une anomalie chromosomique;
2/ évaluation hémodynamique post-natale permettant
d’optimiser le timing opératoire (shunt, pressions
pulmonaires);
3/ d escription pré-opératoire précise des lésions,
principalement de la valve atrio-ventriculaire gauche
et des défauts septaux;
4/ analyse per-opératoire de la plastie valvulaire;
5/ d épistage post-opératoire de lésions résiduelles
potentiellement évolutives, fuite valvulaire atrio-ventriculaire, obstruction à l’éjection aortique surtout.
36
2/ les formes propres à certains patients : petits poids,
très jeune âge, mauvaise tolérance clinique requérant
une ventilation artificielle, eusomiques;
3/ l es formes complexes frustes comportant des
hémivalves fragiles, des attaches multiples et courtes
sur la crête septale, un seul pilier fonctionnel, une
hypoplasie de la valve murale, une asymétrie de
longueur des deux hémivalves, pas d’ostium primum.
Autre question à laquelle Olivier RAISKY a entrepris
de répondre : Y A-T-IL DES FORMES DE CANAUX
ATRIO-VENTRICULAIRES (CAV) REDOUTÉES
PAR LE CHIRURGIEN ? Il faut lui savoir gré d’avoir
commencé par un facteur de risque rarement évalué
mais probablement crucial dans ce type de pathologie :
la compétence du chirurgien, c’est-à-dire ses
qualités techniques, son aptitude d’appréciation de
la pathologie, celle aussi à réaliser le geste chirurgical
et son expérience dans ce domaine. En définitive,
le résultat final d’une intervention est la zone de
convergence entre difficultés de réparation d’une
pathologie et compétences du chirurgien.
Dans le groupe des formes complexes classiques,
les CAV avec double orifice à gauche ont tenu une
place de choix. La difficulté de prise en charge de
ces formes ne réside pas dans l’orifice accessoire qui
pose rarement problème, mais plutôt dans l’orifice
principal dont la réparation est difficile soit qu’on ne
puisse fermer complètement la fente sans risquer une
sténose significative, soit qu’on ne puisse distinguer la
fente des commissures, d’où l’impossibilité de réaliser
une annuloplastie commissurale complémentaire.
Dans la série de Necker1 portant sur 25 cas (3% des
CAV de 1985 à 2000) comparés à 30 CAV témoins,
il s’agissait plutôt de CAV partiels et déséquilibrés,
l’orifice accessoire se situant le plus souvent dans
la zone de la commissure postérieure (Figure 4.9)
et, dans la moitié des cas, l’orifice principal fuyait de
façon significative, plus que dans le groupe témoin. La
mortalité opératoire a été de 3 cas (12%), mais il n’y a
pas eu de morts tardives. L’orifice accessoire ne fuyait
guère avant l’opération et est resté continent après.
Si les fuites de l’orifice principal ont diminué de moitié,
une sténose mitrale est apparue six fois (24%) surtout
en cas de fente non ou partiellement fermée (5/6). Cinq
Revenir aux spécificités des CAV consiste à dire que
certaines formes sont plus redoutables que d’autres
car les objectifs suivants y seront probablement plus
difficiles à atteindre : 1/ réparation optimale des valves
auriculo-ventriculaires (AV) gauche et droite en terme
de continence et d’ouverture; 2/ absence de défaut
septal ventriculaire résiduel; 3/ pas d’obstacle sousaortique; 4/ conservation d’une bonne fonction des
deux ventricules; 5/ pas de bloc auriculo-ventriculaire.
Ainsi, trois formes de CAV peuvent être considérées
comme chirurgicalement plus redoutables :
1/ les formes complexes classiques avec double orifice
AV gauche, ventricules asymétriques, fuite AV préopératoire importante;
Figure 4.9 : Canal atrio-ventriculaire avec double orifice atrio-ventriculaire gauche
Ce schéma en coupe horizontale vue du dessous montre que l’oreillette gauche s’ouvre dans le ventricule
gauche par deux orifices (mitral orifices) : l’un, principal, en avant, recevant la fente (mitral cleft), l’autre,
accessoire, majoritairement sur l’hémivalve postérieure aux dépens de la valve murale. En pointillés : la crête
du septum interventriculaire (ventricular septum).
37
patients ont dû être réopérés (21%) : plastie mitrale
(1), remplacement valvulaire mitral (3), sténose sousaortique (1). Ces résultats sont très voisins de ceux
obtenus dans le groupe témoin et en accord avec ceux
récemment publiés par le groupe de Leiden2.
En conclusion, la réparation complète des CAV est
devenue une chirurgie à très faible risque de mortalité
et à risque raisonnable de complications à long
terme. Cela dit, la connaissance de certaines formes
anatomiquement "peu favorables" doit conduire
à différer de quelques mois une intervention plus
complexe quand la tolérance est acceptable et que
le traitement médical suffit à stabiliser la situation. Le
cerclage pulmonaire n’a aucune indication dans cette
malformation dont toutes les variétés peuvent être
réparées à partir de 6-8 mois.
D’autres CAV complexes sont fréquents dans ce groupe
«classique» : ce sont des formes à petit ventricule
gauche et anomalies de l’appareil sous-valvulaire
avec principalement un pilier unique ou prédominant ou
des piliers rapprochés qui n’autorisent pas toujours la
fermeture complète de la fente pour éviter la sténose.
Ces patients conjuguent d’autres facteurs de risque
d’un mauvais résultat chirurgical : CAV partiel3-6, enfants
eusomiques, fuite valvulaire pré-opératoire importante,
tissu valvulaire peu étoffé et fragile, état clinique précaire
avec une pression artérielle pulmonaire élevée. La
mortalité est directement liée à la qualité de la réparation
de la valve AV gauche, moins qu’à la taille du ventricule7
si bien que l’indication n’est portée que quand un
traitement médical intensif ne parvient pas à stabiliser la
situation pour gagner quelques mois et permettre ainsi
une chirurgie plus facile avec recours éventuel à des
techniques plus complexes d’extension des deux hémivalves8 (Figure 4.10). En tout état de cause, le risque
de fuite AV gauche après l’intervention et, partant, celui
d’avoir à réintervenir est ici plus élevé qu’ailleurs9-11. Il
constitue du reste un facteur sérieux de surmortalité5,12.
Faut-il redouter le petit poids et le jeune âge ? On
sait maintenant depuis le début de ce siècle que le
risque opératoire n’est pas lié au jeune âge13, et qu’au
contraire il vaut mieux opérer les formes complètes
avant trois mois14. Un poids < 5 kg ne joue pas non
plus15. Mais tous s’accordent pour dire que le risque
de fuite post-opératoire de la VAV gauche et de réintervention sur cette valve est plus élevé dans ces
classes d’âge et de poids13-16.
Le troisième groupe comprend des formes qualifiées
de complexes "frustes", c’est-à-dire de CAV apparemment banals mais où certaines anomalies subtiles
touchant surtout les valves et l’appareil sous-valvulaire
conduisent à des difficultés de positionnement du patch
de fermeture de la communication interventriculaire
et d’apposition symétrique des deux hémivalves.
D’où aussi la fréquence désespérément stagnante 17
des régurgitations mitrales post-opératoires et … la
grande déception des cardiologues. Il en va ainsi des
hémivalves fragiles, des attaches multiples et courtes sur
la crête septale, des variétés avec deux piliers à gauche,
mais un seul réellement fonctionnel, de l’hypoplasie
de la valve murale avec ouverture incomplète de la
commissure, de l’asymétrie de longueur des deux
hémivalves. Enfin, c’est aussi le cas des formes sans
ostium primum ce qui complique l’exposition des
lésions, rend compte d’anomalies d’angulation entre les
hémivalves et la jonction atrio-ventriculaire et d’attaches
au plafond de la cloison inter-atriale18.
Figure 4.10 : Réparation de CAV avec extension des
hémivalves par un patch (D’après Luk A et al8)
A : valve AV gauche après réparation d’un CAV
classique.
B : la même réparation d’un CAV à hémivalves
hypoplasiques laisserait subsister un large défaut entre
ventricule et oreillette gauches.
C : ce défaut est comblé par un patch de péricarde.
38
13. Hoohenkerk GJ, Bruggemans EF, Rijlaarsdam M,
Schoof PH, Koolbergen DR, Hazekamp MG. More
than 30 years’ experience with surgical correction
of atrioventricular septal defects. Ann Thorac Surg
2010; 90:1554-61.
14. Stellin G, Vida VL, Milanesi O, Rizzoli G, Rubino
M, Padalino MA, Bonato R, Casarotto D. Surgical
treatment of complete A-V canal defects in children
before 3 months of age. Eur J Cardiothorac Surg
2003; 23:187-93.
15. Prifti E, Bonacchi M, Bernabei M, Crucean A, Murzi
B, Bartolozzi F, Luisi VS, Leacche M, Vanini V. Repair
of complete atrioventricular septal defects in patients
weighing less than 5 kg. Ann Thorac Surg 2004;
77:1717-26.
16. Dodge-Khatami A, Herger S, Rousson V, Comber M,
Knirsch W, Bauersfeld U, Prêtre R. Outcomes and
reoperations after total correction of complete atrioventricular septal defect. Eur J Cardiothorac Surg
2008; 34:745-50.
17. Kanani M, Elliott M, Cook A, Juraszek A, Devine
W, Anderson RH. Late incompetence of the left
atrioventricular valve after repair of atrioventricular
septal defects: the morphologic perspective. J Thorac
Cardiovasc Surg 2006; 132:640-6, 646.e1-3.
18. A dachi I, Uemura H, McCarthy KP, Ho SY.
Morphologic features of atrioventricular septal defect
with only ventricular component: further observations
pertinent to surgical repair. J Thorac Cardiovasc Surg
2009;137:132-8, 138.e1-2.
Références
1. Gerelli S, Maldonado D, van Steenberghe M, Haydar
E, Bonnet D, Raisky O, Vouhé. Double orifice et canal
atrio-ventriculaire: résultats chirurgicaux. 64ème Congr
Soc Franç Chir Thorac Cardiovasc. Lyon, 25-27 mai
2011.
2. Hoohenkerk GJ, Wenink AC, Schoof PH, Koolbergen
DR, Bruggemans EF, Rijlaarsdam M, Hazekamp MG.
Results of surgical repair of atrioventricular septal
defect with double-orifice left atrioventricular valve. J
Thorac Cardiovasc Surg 2009; 138:1167-71.
3. Al-Hay AA, Lincoln CR, Shore DF, Shinebourne EA.
The left atrioventricular valve in partial atrioventricular
septal defect: management strategy and surgical
outcome. Eur J Cardiothorac Surg 2004; 26:754-61.
4. K anani M, Anderson RH, Elliott MJ. Clinical and
morphologic evidence points to closure of the zone of
apposition in atrioventricular septal defects. Letter to
the Editor. Eur J Cardiothorac Surg 2005; 27:932-3.
5. Baufreton C, Journois D, Leca F, Khoury W, Tamisier D,
Vouhé P. Ten-year experience with surgical treatment
of partial atrioventricular septal defect: risk factors in
the early postoperative period. J Thorac Cardiovasc
Surg1996; 112:14-20.
6. Stulak JM, Burkhart HM, Dearani JA, Cetta F, Barnes
RD, Connolly HM, Schaff HV. Reoperations after
repair of partial atrioventricular septal defect: a 45year single-center experience. Ann Thorac Surg 2010;
89:1352-9.
7. Delmo Walter EM, Ewert P, Hetzer R, Hübler M, AlexiMeskishvili V, Lange P, Berger F. Biventricular repair in
children with complete atrioventricular septal defect
and a small left ventricle. Eur J Cardiothorac Surg
2008; 33:40-7.
8. L uk A, Ahn E, Soor GS, Williams WG, Mezody
M, Butany J. Pericardial patch repair of the left
atrioventricular valve in atrioventricular septal defect:
long-term changes in the patch. Cardiovasc Pathol
2009; 18:119-22.
9. Moran A, Daebritz S, Keane JF, Mayer JE. Surgical
management of mitral regurgitation after repair of
endocardial cushion defects : early and midterm
results. Circulation 2000; 102, suppl III:III-160-5.
10. Ten Harkel AD, Cromme-Dijkhuis AH, Heinerman
BC, Hop WC, Bogers AJ. Development of left
atrioventricular valve regurgitation after correction of
atrioventricular septal defect. Ann Thorac Surg 2005;
79:607-12.
11. Hoohenkerk GJ, Bruggemans EF, Koolbergen DR,
Rijlaarsdam ME, Hazekamp MG. Long-term results of
reoperation for left atrioventricular valve regurgitation
after correction of atrioventricular septal defects. Ann
Thorac Surg 2012; 93:849-55.
12. S uzuki K, Tatsuno K, Kikuchi T, Mimori S.
Predisposing factors of valve regurgitation in
complete atrioventricular septal defect. J Am Coll
Cardiol 1998; 32:1449-53.
Le problème des OBSTRUCTIONS GAUCHES DANS
LES CANAUX ATRIO-VENTRICULAIRES a fait l’objet
d’une mise au point de Pascal VOUHÉ. Dans tout canal
atrio-ventriculaire quelle qu’en soit la forme, le canal
sous-aortique est allongé et étroit : c’est la classique
déformation en "col de cygne". Cette anomalie est liée à
deux caractéristiques essentielles de la malformation :
1/ la valve aortique reste à distance de l’orifice auriculoventriculaire commun car elle ne descend pas entre
l’orifice tricuspide et l’orifice mitral et reste "unwedged";
2/ l’excavation du septum d’admission ("scooping out")
raccourcit le septum d’admission et augmente le
rapport des longueurs des segments d’admission et de
sortie du ventricule gauche (outlet/inlet)1 (Figure 4.11).
Toute anomalie morphologique de la voie sous-aortique
pouvant induire le développement d’une sténose
autonome, le risque de sténose sous-aortique est, en
théorie, très élevé dans le canal atrio-ventriculaire. En
fait, de façon étonnante, l’incidence de sténose sousaortique est très faible dans les formes non opérées de la
malformation et faible dans les formes opérées.
39
Lorsqu’une sténose sous-aortique se développe, il y
a dans au moins trois quarts des cas des anomalies
évidentes de l’appareil valvulaire auriculo-ventriculaire
gauche. Ces anomalies incluent et associent souvent2 :
1/ des anomalies du tissu valvulaire lui-même (véritable
tissu accessoire ou excroissances fibreuses);
2/ des anomalies des cordages (cordages anormaux
entre le tissu valvulaire et le septum sous-aortique ou
cordages surnuméraires dans le canal sous-aortique);
3/ des anomalies des piliers (position anormale du pilier
supérieur dans la chambre de chasse ou extension
d’une bandelette musculaire anormale jusque dans la
région sous-aortique).
Certaines de ces anomalies sont illustrées dans la
Figure 4.12. Leur présence dans un canal sous-aortique
morphologiquement anormal peut être le point de départ
du développement d’une sténose sous-aortique fibromusculaire secondaire et évolutive.
Figure 4.11 : Déformation du canal sous-aortique
du canal atrio-ventriculaire (D’après Adachi et al.1)
La valve aortique est "unwedged" et le rapport des
longueurs de la chambre d’admission (inlet) à celle de la
chambre de sortie (outlet) est augmenté.
L’incidence des obstructions gauches des canaux
atrio-ventriculaires non opérés atteint au maximum 1%
des cas. Elles se rencontrent dans deux circonstances :
1/ des canaux atrio-ventriculaires partiels entrant dans
le cadre du syndrome de Shone avec coarctation
aortique, valve auriculo-ventriculaire gauche en
parachute, hypoplasie de la voie d’éjection gauche et
"petit" ventricule gauche. La sténose sous-aortique
n’est qu’un élément de l’ensemble syndromique. Le
traitement doit souvent être agressif et inclure une
intervention de Ross-Konno, si la taille du ventricule
gauche autorise une réparation bi-ventriculaire;
2/ des canaux atrio-ventriculaires complets avec tissu
valvulaire accessoire développé sur le composant
gauche de la valve auriculo-ventriculaire commune et
faisant obstacle en systole sous la valve aortique. Le
traitement comprend la résection du tissu accessoire
en même temps que la réparation de la cardiopathie.
Figure 4.12 : Anomalies multiples de l’appareil
valvulaire gauche (D’après Kanani M et al.2)
Canal atrio-ventriculaire complet de type A de Rastelli.
On voit des excroissances fibreuses, des cordages
anormaux, une bandelette musculaire anormale.
Le risque d’obstruction gauche après cure chirurgicale
de canal atrio-ventriculaire est faible. Une compilation
de six publications récentes montre une incidence de
réopération pour sténose sous-aortique de 1,8 % (0% à
3,3%). Fait essentiel, les sténoses sous-aortiques postopératoires ne se voient que dans les formes partielles
de la malformation où l’hémivalve antérieure est fixée sur
la crête septale, fermant ainsi la CIV; et dans les formes
complètes type A de Rastelli où l’hémivalve antérieure
est attachée à la crête septale par une série de cordages
fibreux. Au contraire, le risque de sténose sous-aortique
est quasiment nul dans les formes complètes type C
de Rastelli où l’hémivalve antérieure flotte librement audessus de la communication interventriculaire et dans
les rares canaux atrio-ventriculaires sans communication
inter-auriculaire où l’hémivalve antérieure est fixée au
bord inférieur du septum inter-auriculaire. Cette simple
constatation souligne le rôle joué par les rapports entre la
partie gauche de l’hémivalve antérieure et le canal sousaortique.
Ces anomalies de l’appareil valvulaire gauche doivent
être recherchées avant toute réparation, en particulier
dans les canaux atrio-ventriculaires partiels ou complets
de type A. Elles doivent être supprimées dans la mesure
du possible par résection de tissu anormal, section de
cordages ou piliers anormaux sans compromettre la
fonction valvulaire. C’est sans doute le meilleur moyen de
prévenir le développement d’une sténose sous-aortique
secondaire. Une attitude agressive systématique (section
de tous les cordages dans les canaux atrio-ventriculaires
complets de type A ou détachement du feuillet antérieur
dans les formes partielles visant à élargir la voie sousaortique) ne parait pas justifiée; le risque de déstabiliser
gravement l’appareil valvulaire gauche est sans doute
supérieur à celui de voir apparaître une sténose sousaortique. Par contre, la technique "australienne" de
réparation des canaux atrio-ventriculaires complets qui
consiste à fermer la communication interventriculaire en
appliquant le feuillet valvulaire sur la crête septale doit
40
être évitée car elle augmente le risque d’obstruction
sous-aortique3.
La dernière contribution de cette séance a été apportée
par Emre BELLI qui a traité la question des FUITES
POST-OPÉRATOIRES DE LA VALVE AURICULOVENTRICULAIRE GAUCHE ET DES REPRISES
CHIRURGICALES. En effet, la reconstruction de
deux valves auriculo-ventriculaires (VAV) fonctionnelles
constitue le principal défi chirurgical de la réparation
anatomique de toute forme de canal atrio-ventriculaire1.
Par rapport à d’autres pathologies, les techniques
opératoires ont peu évolué depuis les débuts de la
chirurgie cardiaque pédiatrique et congénitale et les
progrès dans ce domaine peuvent finalement se résumer
à la nécessité évidente de la fermeture de la cleft, quand
c’est possible, le plus possible; et, pour la majorité des
équipes, à la fermeture des défauts septaux des formes
complètes par deux patchs2, l’un pour la communication
interventriculaire et l’autre pour la communication interauriculaire. Néanmoins, les alternatives d’un patch unique
pour les deux défauts3 et la fermeture sans patch de la
communication interventriculaire ont été proposées. Les
reprises d’une dysfonction de la VAV droite sont rares;
le taux de reprise pour une dysfonction de VAV gauche
atteint 10% dans les séries publiées1,4-6 et les facteurs
de risque de reprise chirurgicale sont discordants7 : le
jeune âge, l’eusomie, la fuite valvulaire préopératoire, les
formes intermédiaires et/ou déséquilibrées ne paraissent
pas toujours plus défavorables.
Le traitement des sténoses sous-aortiques après
cure chirurgicale de canal atrio-ventriculaire n’est pas
facile à codifier en raison de la rareté des lésions et des
publications : 35 patients dans la série de Boston3, 19
dans celle de Toronto4 et 20 dans celle de Necker.
Lors d’une première intervention pour sténose sousaortique, une attitude "raisonnable" s’impose. Les lésions
secondaires doivent être supprimées de façon agressive
(énucléation complète de la composante fibreuse
associée à une myectomie septale large) et les anomalies
valvulaires "primitives" doivent être recherchées et traitées
(résection de tissu accessoire, suppression de cordages
ou piliers anormaux). Parfois, seul le remplacement
prothétique de la valve "mitrale" permet le traitement des
lésions responsables : c’est le cas des malformations
graves de cette valve. Le risque de récidive de la sténose
n’est pas nul mais reste faible si ce programme est
respecté.
Lors d’une nouvelle intervention pour récidive de la
sténose sous-aortique, une approche plus agressive est
nécessaire. L’intervention de Konno modifiée qui permet
un élargissement important du canal sous-aortique est
préférée. L’autre solution consiste à agrandir le feuillet
antérieur de la valve auriculo-ventriculaire gauche à
l’aide d’un patch péricardique5; cette technique élargit
parfaitement la voie sous-aortique mais fait peser une
lourde hypothèque sur l’avenir à long terme de la valve.
L’analyse des résultats obtenus à Marie-Lannelongue
porte sur 393 cas de canal atrio-ventriculaire opérés
entre janvier 2000 et août 2011, à l’exclusion des formes
de type ventricule unique ou associées à une autre
malformation majeure comme une tétralogie de Fallot
ou un ventricule droit à double issue. Les principales
caractéristiques de ces patients à l’admission sont
résumées sur le Tableau 4.2.
Références
1. Adachi I, Uemura H, McCarthy KP, Ho SY. Surgical
anatomy of atrioventricular septal defect. Asian
Cardiovasc Thorac Ann 2008; 16:497-502.
2. K anani M, Cook A, Kostolny M. Left ventricular
outflow tract obstruction after the modified single
patch repair of atrioventricular septal defects: teasing
fact from fiction. Ann Thorac Surg 2010; 89:1339-40.
3. Myers PO, del Nido PJ, Marx GR, Emani S, Mayer JE,
Pigula FA, Baird CW. Improving left ventricular outflow
tract obstruction repair in common atrioventricular
canal defects. Ann Thorac Surg 2012; 93: in press.
4. Van Arsdell GS, Williams WG, Boutin C, Trusler GA,
Coles JG, Rebeyka IM, Freedom RM. Subaortic
stenosis in the spectrum of atrioventricular septal
defects. J Thorac Cardiovasc Surg 1995; 110:1534-42.
5. Starr A, Hovaguimian H. Surgical repair of subaortic
stenosis in atrioventricular canal defects. J Thorac
Cardiovasc Surg 1994; 108:373-6.
Les formes complètes ont été réparées selon la technique
des deux patchs. Une dysfonction de la VAV gauche
requérant une reprise opératoire est survenue dans 10%
des cas (n=42). La reprise a été précoce (avant la fin
du premier mois post-opératoire) chez un peu moins
de la moitié d’entre eux (n=20). Une analyse statistique
des facteurs de risque (Tableau 4.3) a permis d’identifier
l’eusomie et la fuite résiduelle importante à la sortie de
Données
• Âge médian
• Poids médian
• % de trisomies 21
• Formes complètes
• Formes intermédiaires
• Formes partielles
• Fuite VAV
pré-opératoire >2+
Ensemble des patients
CAV
complets
7 mois
5,6 kgs
43,5%
58%
10%
32%
4,6 mois
4,7 kgs
64%
-
19%
-
CAV = canal atrio-ventriculaire, VAV = valve atrio-ventriculaire
Tableau 4.2 : Caractéristiques de la population
opératoire (n=393)
41
l’hôpital comme facteurs prédictifs de reprise chirurgicale
de la VAV gauche. Le facteur "chirurgien" qui paraissait
significatif à l’analyse univariée a perdu cet effet à l’analyse
multivariée certainement à cause du biais du rapport
eusomique-trisomique variable entre les chirurgiens.
Les formes intermédiaires ont eu des résultats moins
favorables (univarié) et les formes partielles des résultats
plus favorables (multivarié) mais les taux de significativité
n’ont pas été atteints. Enfin, les effets de l’hypoplasie
relative du ventricule gauche ainsi que de l’hypoplasie de la
portion de VAV commune qui correspond à son admission
n’ont malheureusement pas pu être analysés.
3. L a mise en place d’une prothèse valvulaire
mécanique en position mitrale est de pronostic
très défavorable et constitue la principale cause de
mortalité et de morbidité chez ces patients. Grâce
aux progrès de l’expertise chirurgicale, de la CEC et
la protection myocardique, la chirurgie réparatrice de
la VAV gauche fuyante et/ou sténosante est devenue
possible dans la grande majorité des cas, parfois au
prix de plusieurs réinterventions.
Références
La fuite de la VAV gauche justifiant une reprise était la
principale cause de mortalité : plus de 2 % par rapport
à une mortalité globale de 4% observée pendant la
durée de l’étude.
1. Hanley FL, Fenton KN, Jonas RA, Mayer JE, Cook
NR, Wernovsky G, Castaneda AR. Surgical repair
of complete atrioventricular canal defects in infancy.
Twenty-year trends. J Thorac Cardiovasc Surg 1993;
106:387-94.
2. Backer CL, Mavroudis C, Alboliras ET, Zales VR.
Repair of complete atrioventricular canal defects:
results with the two-patch technique. Ann Thorac
Surg 1995; 60:530-7.
3. D ragulescu A, Fouilloux V, Ghez O, Fraisse A,
Kreitmann B, Metras D. Complete atrioventricular
canal repair under 1 year: Rastelli one-patch
procedure yields excellent long-term results. Ann
Thorac Surg 2008; 86:1599-604.
4. Malhotra SP, Lacour-Gayet F, Mitchell MB, Clarke
DR, Dines ML, Campbell DN. Reoperation for left
atrioventricular valve regurgitation after atrioventricular
septal defect repair. Ann Thorac Surg 2008; 86:147-51.
5. Ten Harkel AD, Cromme-Dijkhuis AH, Heinerman BC,
Hop WC, Bogers AJ. Development of left atrioventricular
valve regurgitation after correction of atrioventricular
septal defect. Ann Thorac Surg 2005; 79:607-12.
6. Suzuki T, Bove EL, Devaney EJ, Ishizaka T, Goldberg
CS, Hirsch JC, Ohye RG. Results of definitive repair
of complete atrioventricular septal defect in neonates
and infants. Ann Thorac Surg 2008; 86:596-602.
7. Shuhaiber JH, Ho SY, Rigby M, Sethia B. Current
options and outcomes for the management of
atrioventricular septal defect. Eur J Cardiothorac Surg
2009; 35:891-900.
Certains patients avaient été initialement réparés ailleurs
et 48 d’entre eux ont eu une réintervention sur la VAV
gauche. Dans 70% des cas, la préservation de la
valve native a été possible, parfois au prix de plusieurs
reprises : chez 10% d’entre eux, l’obtention d’une
fonction valvulaire satisfaisante ne fut possible qu'après
la troisième réintervention.
En conclusion, les techniques chirurgicales développées
au cours de cette expérience ont progressivement
permis d’obtenir des résultats fonctionnels satisfaisants
même dans les formes anatomiques les plus
défavorables. Quelques principes de base de la prise en
charge des canaux atrio-ventriculaires sont rappelés :
1. Il n’y a pas d’âge idéal pour la réparation des formes
complètes et/ou fuyantes de canal atrio-ventriculaire.
2. La VAV gauche a des caractéristiques anatomiques
plus ou moins défavorables qui justifient des gestes
lors de la réparation anatomique : la "cleft" doit être
complètement fermée, le plus possible à tout le
moins; l’appareil sous-valvulaire doit bénéficier de
gestes destinés à favoriser une bonne mobilité des
feuillets et à diminuer la tension sur la zone de la cleft
et des commissures; le nouvel anneau de la VAV
gauche doit être remodelé de façon à optimiser la
coaptation valvulaire.
Donnée étudiée
Âge
Poids
Eusomie
Forme anatomique (P/I/C)
Fuite VAVg pré-op. >2+
Chirurgien
Fuite VAVg post-op. ≥2+
Type Rastelli
Toutes formes (n=393)
analyse univ
analyse multiv
NS
p = 0,02
p = 0,01
NS
NS
p = 0,01
p < 0,0001
-
NS
NS
p = 0,05
NS
NS
NS
p < 0,0001
-
Formes complètes (n=227)
analyse univ
analyse multiv
NS
NS
p = 0,003
-
NS
p = 0,02
p < 0,0001
NS
NS
NS
p = 0,04
NS
NS
p < 0,0001
NS
C = formes complètes; I = formes intermédiaires; multiv = multi-variée; NS = non significatif; P = formes partielles; post-op. = postopératoire à la sortie; pré-op. = pré-opératoire à l’admission; univ = uni-variée; VAVg = valve auriculo-ventriculaire gauche.
Tableau 4.3 : Facteurs de risque de survenue d’une fuite post-opératoire de la VAVg
42
2ème JOURNÉE : HÉTÉROTAXIES
5. HÉTÉROTAXIES : LES FONDAMENTAUX
La mise en place de LA POLARITÉ CRANIO-CAUDALE
OU ANTÉRO-POSTÉRIEURE DU TUBE CARDIAQUE
EMBRYONNAIRE DES VERTÉBRÉS est cruciale pour
la morphogenèse correcte du cœur mature, mais les
détails moléculaires de ce processus sont encore mal
compris. L’élucidation de ce processus devrait être
facilitée par les résultats d’études récentes concernant
la mise en place de la polarité dans l’équivalent du cœur
chez la drosophile, le canal dorsal. C’est le point sur les
principales études qui ont conduit à mieux définir les
facteurs impliqués dans la mise en place de la polarité
antéro-postérieure du canal dorsal de drosophile et du
territoire cardiaque chez les vertébrés qui a été fait par
Stéphane ZAFFRAN.
L’organisation antéro-postérieure du canal dorsal de
la drosophile a d’abord été décrite. Au contraire des
vertébrés, le système de circulation des insectes comme
la drosophile, est ouvert, ce qui permet le brassage du
liquide sanguin appelé hémolymphe de la partie caudale
(postérieure) vers la tête (antérieure) de l’animal. Ainsi,
les organes absorbent les nutriments nécessaires à leur
développement et leur fonctionnement. Ce brassage
est assuré par un tube contractile appelé canal dorsal.
Ce dernier est fait de 52 paires de cellules cardiaques,
appelées cardioblastes, formant un myo-endothélium
qui s’étale du 3ème segment thoracique au 8ème segment
abdominal, et d’une trentaine de cellules péricardiaques
(non-myogéniques) entourant ce myo-endothélium1,2
(Figure 5.1).
Figure 5.1 : Le canal dorsal de drosophile
Représentation schématique de l’équivalent du cœur chez la drosophile, le canal dorsal. Les numéros des segments
épidermiques thoraciques et abdominaux sont indiqués le long du canal dorsal. Le canal dorsal est divisé en deux
régions, l’aorte (antérieure) et le cœur (postérieure). Il est constitué de différents types de cellules cardiaques appelées
les cardioblastes. Les gènes homéotiques sélecteurs, Antenapedia (Ant), Ultrabithorax (Ubx), Abdominal-A (Abd-A) et
Abdominal-B (Abd-B) sont exprimés le long de l’axe antéro-postérieur du canal dorsal. Dans la région antérieure, les
facteurs Dorsocross (Doc) et Seven-up (Svp) sont exprimés par défaut dans deux paires de cardioblastes et contribuent à la
répression de Tinman (Tin). Dans les autres cardioblastes, le facteur Tin réprime ces mêmes gènes alors qu’il active le facteur
Ladybird (Lb) dans deux paires de cardioblastes. Dans la région postérieure, Tin empêche l’expression du facteur Wingless
(Wg). Wg est détecté uniquement dans les cellules exprimant Doc dans la région postérieure. Ces cellules formeront des
valves appelées ostia. Cette différenciation n’est possible que dans le domaine d’expression du facteur Abd-A.
43
Les études d’expression des gènes dans le canal dorsal
ont montré que les cellules cardiaques de la drosophile
ne sont pas toutes identiques le long de l’axe antéropostérieur. De plus, l’observation de la structure du
canal dorsal révèle une division entre sa partie antérieure
(l’aorte) qui est plus étroite et sa partie postérieure (le
cœur) qui est plus large (Figure 5.1). L’organisation
intersegmentale est définie par l’expression des
facteurs de transcription Tinman (Tin), Ladybird (Lb),
Dorsocross (Doc) et du récepteur nucléaire Seven-up
(Svp)3. L’analyse de l’expression de ces marqueurs
montre que du 2ème au 7ème segment abdominal, le
canal dorsal est composé de 6 paires de cardioblastes
par segment dont 4 paires sont positives pour Tin et 2
paires pour Svp/Doc. Du 3ème segment thoracique au
1er segment abdominal seules 4 paires de cardioblastes
positives pour Tin sont detectées. Enfin, le 8ème segment
abdominal ne contient que quatre cardioblastes. La
diversité des cardioblastes est donc déterminée par
la combinaison d’expression de facteurs cardiaques.
Les études sur les mutants tin-/- et Svp-/- ont permis de
montrer que les facteurs Tin et Svp (ou Doc) s’inhibent
mutuellement4.
dans l’organisation antéro-postérieure du canal dorsal
de la drosophile. Le facteur Abd-A est sans doute
un déterminant clé de cette polarité, en raison de sa
fonction dans la spécification de la région postérieure
du canal dorsal.
L’organisation antéro-postérieure du second
champ cardiaque chez les vertébrés a ensuite
été passée en revue. Le cœur des vertébrés est un
organe très complexe formé de plusieurs chambres
cardiaques dont la formation dépend de la bonne
organisation cranio-caudale (antéro-postérieure) du
tube cardiaque embryonnaire. Les études chez la souris
et le poulet ont montré que la croissance du tube
cardiaque embryonnaire se faisait grâce à l’addition de
nouvelles cellules cardiaques à ses deux extrémités,
les pôles artériel et veineux11. Les cellules progénitrices
cardiaques contribuant à l’expansion du tube cardiaque
embryonnaire proviennent du mésoderme splanchnique
(mésoderme pharyngé) localisé sous le tube cardiaque
et ce territoire est appelé le second champ cardiaque
(SCC) 12 . Les expériences de culture d’explants
cardiaques et de marquage des cellules progénitrices
par le colorant DiI chez la souris ont montré que le
domaine antérieur du SCC contribue à la formation
du pôle artériel et du ventricule droit, alors que son
domaine postérieur contribue à la formation des
oreillettes13,14. Ces résultats révèlent une organisation
antéro-postérieure du SCC qui déterminera celle du
tube cardiaque embryonnaire.
Le deuxième niveau de polarité du canal dorsal est
déterminé par sa division structurelle et fonctionnelle.
Celle-ci se caractérise par l’expression élevée dans la
région postérieure (cœur) du gène de la tropomyosine
cardiaque, tina-1, et par la présence d’un pacemaker
à l’extrémité postérieure du canal 5. Un autre gène,
wingless (wg), homologue de Wnt, est exprimé
uniquement dans les cardioblastes positives pour Svp/
Doc de la partie postérieure (cœur) du canal dorsal 6.
De même, l’étude d’expression des canaux ioniques a
révélé que la présence des gènes Ndae1 (échangeur
sodium-calcium) et Ork1 (canal potassique) dans la
partie postérieure est associée à l’activité électrique
du canal dorsal7,8. Toutes ces observations indiquent
qu’une information de position est nécessaire à
l’organisation antéro-postérieure du canal dorsal de la
drosophile.
Les études d’expression ont montré que les gènes qui
fonctionnent au sein du réseau génétique du SCC ne
sont pas tous exprimés dans la totalité de ce domaine.
En effet, alors que le gène Islet1 (Isl1) est exprimé dans
tout le SCC15, l’expression des gènes FGF8, FGF1016 et
Tbx117 n’est détectée que dans la partie antérieure de
ce territoire. L’analyse de la contribution des cellules qui
ont transcrit ces gènes montre que le domaine antérieur
du SCC contribue à la formation du pôle artériel (Figure
5.2). Au sein de cette région, plusieurs sous-populations
peuvent être distinguées. En effet, l’étude du mutant
Tbx1-/- chez la souris montre que ce facteur contrôle
l’addition de cellules qui constituent le myocarde souspulmonaire 18 . Dans les malformations cardiaques
congénitales chez l’Homme, les défauts d’alignement
des gros vaisseaux, comme la tétralogie de Fallot, sont
fréquentes et résultent probablement d’un déficit de la
région sous-pulmonaire du myocarde19. Une autre étude
a mis en évidence une origine différente des cellules
progénitrices du myocarde sous-pulmonaire et sousaortique. En effet, une analyse clonale retrospective
a révélé que les régions supérieures et inférieures de
la voie efférente sont respectivement à l’origine du
myocarde sous-aortique et sous-pulmonaire20.
Dans l’ectoderme de la drosophile, les gènes homéotiques sélecteurs (Hox) du complexe Antennapedia
et Bithorax sont des régulateurs clés de l’identité
spécifique des segments le long de l’axe antéropostérieur 9. Les gènes Hox, Antennapedia (Antp),
Ultrabithorax (Ubx), Abdominal-A (Abd-A) et AbdominalB (Abd-B) sont exprimés respectivement au niveau
des glandes lymphoïdes (extrémité antérieure), de
l’aorte (région antérieure), du cœur (région postérieure)
et de l’extrémité postérieure du canal dorsal (Figure
5.1)10. L’observation de la structure du canal dorsal
dans les embryons mutants pour Abd-A montre qu’il
y a une transformation de la partie postérieure en
une structure de type aorte (antérieure). Au contraire,
l’expression ectopique du facteur Abd-A dans la partie
antérieure du canal dorsal transforme ce domaine
en une structure qui ressemble à celle du domaine
"cœur"10. Ainsi, les membres de la famille des gènes
homéotiques sélecteurs (Hox) jouent un rôle important
Ces études confirment ainsi l’organisation antéropostérieure du SCC et suggèrent son importance pour
la formation du cœur mature. L’organisation antéropostérieure du SCC dépend de la voie de signalisation
de l’acide rétinoïque, comme indiqué par l’expansion
44
postérieure anormale de l’expression des marqueurs
antérieurs du SCC, comme Tbx1, les FGF8 et FGF10
dans les embryons mutants pour Raldh2, qui codent
la rétinaldéhyde déshydrogénase (enzyme catalysant
la synthèse de l’acide rétinoïque)21. Nos travaux sur
la souris viennent de montrer que les gènes Hox,
aussi connus pour répondre à l’acide rétinoïque, sont
exprimés dans le SCC selon l’axe antéro-postérieur22.
En effet, l’expression des gènes Hoxb1, Hoxa1 et Hoxa3
est détectée dans le mésoderme splanchnique avec les
cellules progénitrices positives pour Isl1. Dans l’embryon
de souris, les expériences de traçage génétiques Crelox, confirment que les cellules progénitrices exprimant
les gènes Hoxb1, Hoxa1 et Hoxa3 contribuent à la
formation du myocarde sous-pulmonaire (Figure 5.2).
Ces résultats révèlent pour la première fois le rôle
potentiel des facteurs Hox dans le développement du
cœur chez les vertébrés. Le rôle des facteurs Hox dans
la mise en place de l’organisation antéro-postérieure du
SCC reste à être précisé. De manière intéressante, une
étude récente chez l’homme a décrit des malformations
cardiovasculaires, dont une tétralogie de Fallot, chez
des patients ayant une mutation homozygote dans
HOXA123. La tétralogie de Fallot observée chez ces
patients pourrait indiquer le rôle du facteur HOXA1 lors
de la formation précoce du cœur chez l’homme.
mutants qui affectent les différentes parties du cœur.
L’existence de sous-domaines au sein du SCC est en
train d’émerger, avec des conséquences potentiellement
importantes pour le diagnostic et le pronostic des
malformations cardiaques congénitales chez l’homme
ainsi que pour la compréhension de l’étiologie de ces
malformations.
Références
1. Bodmer R, Frasch M. in Harvey RP, N. Rosenthal N.
Heart development, 1999, Academi Press, 65-90.,
2. Rugendorff A, Younossi-Hartenstein A, Hartenstein V.
Embryonic origin and differentiation of the Drosophila
heart. Roux’s Arch Dev Biol 1994; 203:266-80.
3. Reim I, Frasch M. Genetic and genomic dissection of
cardiogenesis in the Drosophila model. Pediatr Cardiol
2010; 31:325-34, doi:10.1007/s00246-009-9612-1.
4. Zaffran S, Reim I, Qian L, Lo PC, Bodmer R, Frasch
M. Cardioblast-intrinsic Tinman activity controls
proper diversification and differentiation of myocardial
cells in Drosophila. Development 2006; 133:4073-83,
doi:10.1242/dev.02586.
5. Lovato TL, Nguyen TP, Molina MR, Cripps RM. The
Hox gene abdominal-A specifies heart cell fate in
the Drosophila dorsal vessel. Development 2002;
129:5019-27.
En conclusion, les études sur l’embryon de souris ont
fourni des informations détaillées sur les phénotypes
Figure 5.2 : Contributions cardiaques des cellules progénitrices exprimant les gènes Hox
dans le second champ cardiaque
L’analyse du traçage génétique a été faite avec les lignées Hoxb1Cre, Hoxa1-EnhIII-Cre, Hoxa3Cre et le rapporteur
d’expression R26R-lacZ. Les cellules exprimant ou ayant exprimées les gènes Hoxa1, Hoxa3 et Hoxb1 sont
représentées par des les différents tons de bleu, comme indiqué par les codes couleurs. Les cellules cardiaques
exprimant Hoxb1 contribuent à la partie inférieure de la voie efférente (VE) qui donnera plus tard le myocarde souspulmonaire.
Ao = aorte, CC = croissant cardiaque, ep = épicarde, OD = oreillette droite, OG = oreillette gauche, r4 = rhombomère 4,
SCC = second champ cardiaque, tp = tronc pulmonaire.
45
6. Lo PC, Frasch MA. Role for the COUP-TF-related
gene seven-up in the diversification of cardioblast
identities in the dorsal vessel of Drosophila. Mech
Dev 2001; 104:49-60.
7. Perrin L, Monier B, Ponzielli R, Astier M, Semeriva M.
Drosophila cardiac tube requires multiple phases of
Hox activity. Dev Biol 2004; 272:419-31.
8. Lalevée N, Monier B, Senatore S, Perrin L, Semeriva
M. Control of cardiac rhythm by ORK1, a Drosophila
two-pore domain potassium channel. Curr Biol 2006;
16:1502-8, doi:10.1016/j.cub.2006.05.064.
9. G raba Y, Aragnol D, Pradel J. Drosophila Hox
complex downstream targets and the function
of homeotic genes. BioEssays 1997; 19:379-88,
doi:10.1002/bies.950190505.
10. Lo PC, Frasch M. Establishing a-p polarity in the
embryonic heart tube. A conserved function of
hox genes in Drosophila and vertebrates? Trends
Cardiovasc Med 2003; 13:182-7.
11. Vincent SD, Buckingham ME. How to make a heart:
the origin and regulation of cardiac progenitor cells.
Curr Top Dev Biol 2010; 90:1-41. doi:10.1016/
S0070-2153(10)90001-X.
12. Buckingham M, Meilhac S, Zaffran S. Building the
mammalian heart from two sources of myocardial
cells. Nat Rev Genet 2005; 6:826-35.
13. Zaffran S, Kelly RG, Meilhac SM, Buckingham ME,
Brown NA. Right ventricular myocardium derives
from the anterior heart field. Circ Res 2004; 95:
261-8.
14. Galli D, Domínguez JN, Zaffran S, Munk A, Brown
NA, Buckingham ME. Atrial myocardium derives
from the posterior region of the second heart
field, which acquires left-right identity as Pitx2c is
expressed. Development 2008; 135:1157-67.
15. Galli D, Domínguez JN, Zaffran S, Munk A, Brown
NA, Buckingham ME. Isl1 identifies a cardiac
progenitor population that proliferates prior to
differentiation and contributes a majority of cells to
the heart. Dev Cell 2003; 5:877-889.
16. K elly RG, Brown NA, Buckingham ME. The
arterial pole of the mouse heart forms from Fgf10expressing cells in pharyngeal mesoderm. Dev Cell
2001; 1:435-40.
17. X u H, Morishima M, Wylie JN, Schwartz RJ,
Bruneau BG, Lindsay EA, Baldini A. Tbx1 has a dual
role in the morphogenesis of the cardiac outflow
tract. Development 2004; 131:3217-27.
18. T héveniau-Ruissy M, Dandonneau M, Mesbah
K, Ghez O, Mattei MG, Miquerol L, Kelly RG.
The del22q11.2 candidate gene Tbx1 controls
regional outflow tract identity and coronary artery
patterning. Circ Res 2008; 103:142-8, doi:10.1161/
CIRCRESAHA.108.172 189.
19. Van Praagh R. The first Stella van Praagh memorial
lecture: the history and anatomy of tetralogy of
Fallot. Semin Thorac Cardiovasc Surg Pediatr
Card Surg Annu. 2009:19-38. doi:10.1053/
j.pcsu.2009.01.004.
20. Bajolle F, Zaffran S, Meilhac SM, Dandonneau M,
Chang T, Kelly RG, Buckingham ME. Myocardium
at the base of the aorta and pulmonary trunk is
prefigured in the outflow tract of the heart and in
subdomains of the second heart field. Dev Biol
2008; 313:25-34.
21. Ryckebusch L, Wang Z, Bertrand N, Lin SC, Chi X,
Schwartz R, Zaffran S, Niederreither K. Retinoic acid
deficiency alters second heart field formation. Proc
Natl Acad Sci USA 2008; 105:2913-18.
22. Bertrand N, Roux M, Ryckebüsch L, Niederreither
K, Dollé P, Moon A, Capecchi M, Zaffran S. Hox
genes define distinct progenitor sub-domains within
the second heart field. Dev Biol 2011; 353:266-74,
doi:10.1016/j.ydbio.2011.02.029.
23. Tischfield MA, Bosley TM, Salih MA, Alorainy IA,
Sener EC, Nester MJ, Oystreck DT, Chan WM,
Andrews C, Erickson RP, Engle EC.. Homozygous
HOXA1 mutations disrupt human brainstem, inner
ear, cardiovascular and cognitive development. Nat
Genet 2005; 37: 1035-7, doi:10.1038/ng1636.
LA GÉNÉTIQUE HUMAINE DES HÉTÉROTAXIES a
été développée par Patrice BOUVAGNET qui a
commencé par rappeler l’étymologie d’hétérotaxie :
heteros (différent) et taxos (position). L’hétérotaxie inclut
tous les types de défaut de latéralisation y compris
le situs inversus. La dextrocardie correspond à une
pointe du cœur du côté droit et utiliser ce terme dans
un cas de situs inversus est une sorte de pléonasme.
L’implication de facteurs génétiques dans l’hétérotaxie
est suggérée par les nombreux cas familiaux et
l’importance du risque relatif chez les apparentés
d’une personne hétérotaxique d’avoir une malformation
cardiaque ou une hétérotaxie qui est multiplié par 80
par rapport au risque de la population générale1.
Les mécanismes embryonnaires du développement
de la latéralisation permettent de mieux comprendre
les anomalies aboutissant à l’hétérotaxie (Figure 5.3)2,3.
Le nœud embryonnaire est une dépression à la surface
de l’embryon tapissée de cellules monociliées. Ces cils
ont un mouvement de vortex. Ils sont composés de
9 paires de microtubules périphériques sans microtubule
central (9+0) contrairement aux cils de l’épithélium
respiratoire qui a en plus une paire de microtubules
centrale (9+2). La plupart de nos organes ont des
cellules monociliées. Ces monocils sont immobiles. Ils
sont des sortes d’antennes actives et ont une structure
9+0. Le rôle du nœud du cil embryonnaire est de
créer en tournant un flux de liquide péri-embryonnaire
46
de la droite vers la gauche. Ce flux induit dans
l’hémi-embryon gauche une cascade moléculaire de
signalisation TGFb avec Nodal, ACVR1B, ACVR2A,
CFC1, SMAD, FAST… Le défaut d’une protéine du
monocil du nœud embryonnaire peut annuler ce flux
et induire une hétérotaxie. Si la protéine déficiente est
aussi utilisée par les cils de l’épithélium respiratoire, une
dyskinésie ciliaire sera aussi présente. Les hétérotaxies
correspondant à un défaut de signalisation TGFb
peuvent entraîner un isomérisme droit (par diminution du
signal TGFb à gauche, par exemple) ou un isomérisme
gauche (si les signaux qui inhibent Nodal à droite sont
affaiblis, par exemple). Des molécules exprimées sur
la ligne médiane de l’embryon servent de barrière
chimique qui empêche le signal TGFb d’atteindre l’hémiembryon droit (Shh, Lefty1). Un isomérisme gauche est
observé en cas de défaut de cette barrière chimique, en
association à des anomalies de développement de la
ligne médiane (Figure 5.4).
Figure 5.3 : Établissement de la latéralisation au cours du développement des mammifères
Figure 5.4 : Exemple d’un défaut de développement de la ligne médiane
Hypertélorisme et pli épicanthique (la peau de la paupière supérieure recouvre la peau de la
paupière inférieure comme chez les asiatiques) dans un cas d’hétérotaxie.
47
Des mutations des gènes de la cascade TGFb
ont été identifiées dans l’hétérotaxie : une dizaine
de gènes ont été impliqués, expliquant au maximum
15% des hétérotaxies (Tableau 5.1). En particulier, les
mutations du gène ZIC3 sont responsables d’environ
5% des cas d’hétérotaxie : elle a été trouvée dans 8 cas
par le groupe de l’orateur et le conseil génétique a été
transformé pour ces familles. Le seul cas d’une hérédité
mendélienne chez l’homme a été rapporté dans une
famille finlandaise avec des mutations hétérozygotes
composées dans le gène GDF1.
Gène hétérotaxie
Prévalence
de la mutation
NODAL
5-10%
ZIC3
≈1% si sporadique, 75% si familial
lié au sexe
CFC1
6-21%
CRELD1
<1%
FOXH1
Inconnue
SESN1
<1%
LEFTY A
1,6%
GDF1
2,1%
ACVR2B
2,4%
NKX2.5
Inconnue
sont aussi utilisées par le cil embryonnaire dont la
déficience conduit à des cas de situs inversus associé
(Kartagener). Le gène de DNAH11 est particulier
parce que les mutations s’accompagnent de cils sans
anomalie visible en microscopie électronique et les
cils sont hyperkinétiques et rigides. Au contraire, les
mutations dans les autres gènes de dynéine sont
associées à une absence de bras externe de dynéine
et des cils immobiles. Les mutations dans les gènes de
protéine des fibres radiaires sont associées à une perte
de la paire de microtubule centrale et d’un mouvement
en vortex des cils respiratoires (comme ceux du nœud
embryonnaire). Les mutations des gènes des fibres
radiaires ne sont pas associées à un situs inversus ce
qui est normal car ces protéines ne sont pas présentes
dans le cil embryonnaire dont le fonctionnement n’est
donc pas perturbé.
Référence
Mohapatra (2009),
Roessler (2008)
Ware (2004)
Un essai de thérapie génique dans la DCP a réussi
à restaurer un battement ciliaire normal sur une biopsie
de muqueuse nasale d’un malade atteint de mutations
hétérozygotes composées du gène DNAI1, en transfectant
ses cellules avec un lentivirus qui contenait l’ADNc normal
de DNAI1. Ainsi, en apportant une copie normale d’un
gène, on peut restaurer une fonction cellulaire altérée par
des mutations à expression récessive.
Bamford (2000),
Roessler (2008),
Selamet Tiemey
(2007)
Robinson (2003)
Roessler (2008)
Peeters (2003,
2006)
Kosaki (1999)
Karkera (2007),
Roessler (2008)
Kosaki (1999)
Watanabe (2002)
En conclusion, les manifestations extracardiaques et
extrahétérotaxie sont importantes pour approcher la
cause génétique d’une hétérotaxie. L’enquête familiale
avec échographie cardiaque et abdominale chez les
parents et frères/sœurs permet éventuellement de
préciser le mode de transmission et de dépister une
forme familiale. La DCP est une maladie mendélienne
autosomique récessive mais l’hétérotaxie est le plus
souvent oligogénique (double ou triple hétérozygotie).
L’identification des mutations causales dans l’hétérotaxie
permet de tranformer le conseil génétique. En cas de
dyskinésie ciliaire, l’identification du gène responsable
est le préalable à tout essai de thérapie génique.
Une mutation est présente dans 15% des cas (ZIC3 ≈3%)
Tableau 5.1 : Gènes impliqués dans les hétérotaxies
sans atteinte ciliaire
∆ Le laboratoire dirigé par le Pr Bouvagnet peut tester ZIC3 et
Le syndrome de Kartagener (polypose nasale, dilatation
des bronches et situs inversus) est une forme évoluée de
dyskinésie ciliaire primitive (DCP) avec situs inversus.
La DCP correspond à un dysfonctionnement des cils
de l’épithélium des voies respiratoires inférieures et
supérieures responsable d’infections respiratoires
récidivantes débutant dès la naissance et évoluant vers
des complications graves. La DCP est une maladie
autosomique récessive de prévalence 1/20 000 dont le
diagnostic est difficile. Il était habituellement dépendant
de la microscopie électronique avec, cependant, environ
30% de faux-négatifs mais a été progressivement
remplacé par l’observation du battement ciliaire sous
microscope avec une caméra numérique à haute vitesse
d’enregistrement.
d’autres gènes impliqués dans les malformations cardiaques
et/ou l’hétérotaxie dans les formes familiales (deux atteints
quel que soit leur type d’hétérotaxie et/ou de malformation
cardiaque et quel que soit leur lien de parenté). On peut
aussi, à partir d’un brossage ou d’une biopsie nasale ou
bronchique, faire la culture des cellules ciliées et observer
le battement ciliaire pour établir le diagnostic de DCP. Les
gènes DNAI1 et DNAH5 sont testés dans la DCP.
Références
1. Øyen N, Poulsen G, Boyd HA, Wohlfahrt J, Jensen
PK, Melbye M. Recurrence of congenital heart
defects in families. Circulation 2009; 120:295-301.
2. Cardenas-Rodriguez M, Badano JL. Ciliary biology:
understanding the cellular and genetic basis of
human ciliopathies. Am. J Med Genet C Semin Med
Genet 2009; 151C:263-80.
De nombreux gènes ont été impliqués dans la
pathogénie du syndrome de Kartagener et de la
DCP (Tableau 5.2), notamment des gènes codant
des composants des bras de dynéine. Ces protéines
48
Tableau 5.2 : Mutations identifiées à ce jour dans la dyskinésie ciliaire primitive
Le terme d’hétérotaxie vient du grec heteros (autre)
et taxis (arrangement). Il signifie que l’arrangement
des organes et des oreillettes est "autre que" (différent
de) l’arrangement usuel ou normal appelé situs solitus
viscéro-atrial, mais différent aussi du situs inversus ou
image en miroir du situs solitus. Quand le situs atrial
d’une hétérotaxie est incertain ou inconnu, on parle de
situs ambiguus.
3. El Zein L, Chhin B, Bozon D, Bouvagnet P. Défauts
de latéralisation et hétérotaxie. Encycl Méd Chir,
Cardiologie, 2003, 11-940-F-50, 10p.
Le concept qui réduit les syndromes d’hétérotaxie
à un isomérisme viscéro-atrial (image en miroir),
droit avec asplénie ou gauche avec polysplénie, est
anatomiquement erroné. Plus précisément, une oreillette
morphologiquement droite n’a jamais été documentée
de manière bilatérale chez un seul individu. De même,
une oreillette morphologiquement gauche n’a jamais été
documentée de manière bilatérale chez un seul individu.
La notion d’isomérisme partiel soit des seules auricules,
soit des seuls muscles pectinés atriaux, est une erreur
conceptuelle. Isomérisme signifie image en miroir
complète (et non partielle) de structures complexes
comme, par exemple, les molécules de D-glucose et de
L-glucose. L’isomérisme est un concept binaire : il est
Enfin, nous avons eu le grand honneur d’entendre
Richard VAN PRAAGH démontrer que LES
SYNDROMES D’HÉTÉROTAXIE AVEC ASPLÉNIE,
POLYSPLÉNIE OU RATE SITUÉE À DROITE SONT
DES ANOMALIES DE L’ASYMÉTRIE DROITEGAUCHE. Il a commencé par rappeler que ces
syndromes sont des anomalies du situs viscéro-atrial
comportant : 1/ des malformations de l’asymétrie
droite-gauche1, 2/ des défauts des structures médianes
associées2, 3/ des anomalies de la rate qui peut être
absente (asplénie), hypoplasique (polysplénie) ou
normalement formée mais située à droite3-5.
49
ou il n’est pas, oui ou non : l’isomérisme partiel n’est
pas un isomérisme.
sont donc complètement opposés et asymétriques. La
croissance du conus sous-pulmonaire élève vers le haut
la valve pulmonaire et le tronc de l’artère pulmonaire,
au-dessus du ventricule droit, à distance du foramen
(ou communication) interventriculaire. À l’inverse, la
résorption du conus sous-aortique permet à la valve
aortique et à l’aorte ascendante de se déplacer vers le
bas et l’arrière. La valve aortique passe essentiellement
à travers le foramen interventriculaire pour se mettre
en continuité fibreuse directe avec la valve mitrale en
développement et chevaucher le ventricule gauche.
Les syndromes d’hétérotaxie sont des anomalies de
l’asymétrie droite-gauche. L’asymétrie droite-gauche
complète normale est illustrée par le processus
embryologique normal de switch aortique qui
survient in utero entre 38 et 45 jours d’âge gestationnel
(Figure 5.5)1,6. Après la formation de la boucle D, la
paroi libre du conus sous-aortique situé à droite se
résorbe complètement tandis que la paroi libre du
conus sous-pulmonaire situé à gauche se développe.
On peut chiffrer par 0 le développement de la paroi
libre du conus sous-aortique et par 4+ celui de son
homologue sous-pulmonaire : ces développements
Il n’y a qu’une formule compatible avec un processus
embryologique de switch aortique normal : conus sousaortique = 0 et conus sous-pulmonaire = 4+, avec deux
Figure 5.5 : Le processus embryonnaire normal de switch aortique chez l’homme
La figure se lit de bas en haut. Après la formation de la boucle D (D-loop), la valve aortique en développement et
l’aorte ascendante (Ao) sont à droite de la valve pulmonaire en développement et du tronc artériel pulmonaire (PA). Les
deux gros vaisseaux sont situés au-dessus du ventricule morphologiquement droit en développement. La paroi libre
du conus sous-aortique, située sur la plus grande courbure de la boucle D se résorbe (valeur 0) tandis que celle du
conus sous-pulmonaire, située sur la petite courbure de la boucle, se développe (valeur 4+). Ainsi, la voie pulmonaire
s’élève en haut et en avant, au dessus du ventricule droit, loin du foramen interventriculaire. À l’inverse, la voie aortique
descend en bas et en arrière, passe en grande partie par le foramen interventriculaire, se met en continuité fibreuse
avec la valve mitrale en développement et chevauche le ventricule gauche. Ce développement normal est lié à une
asymétrie complète du développement droite-gauche, dans le rapport 0/4+, du devenir des parois conales.
En cas de développement inverse des parois conales (sous-aortique = 4+ et sous-pulmonaire = 0), la voie aortique
s’élève en haut et en avant au-dessus du ventricule droit tandis que la voie pulmonaire descend en bas et en arrière
au-dessus du ventricule gauche : c’est la transposition des gros vaisseaux (TGA). Si les deux conus se développent
dans un rapport 4+/4+, les deux gros vaisseaux sont en position supérieure et antérieure au-dessus du ventricule droit
et aucun ne peut se connecter au ventricule gauche : c’est un ventricule droit à double issue du type Taussig-Bing8,9.
Beaucoup plus rarement, la résorption conale est bilatérale (rapport 0/0) avec continuité fibreuse entre aorte, artère
pulmonaire et mitrale : c’est le ventricule gauche à double issue de type Paul10. Toutes ces anomalies, plutôt conales
que cono-truncales, sont communes dans les syndromes d’hétérotaxie, à l’exception de la dernière. Il en va de même
du tronc artériel commun persistant11.
50
isomères, solitus (boucle D) et inversus (boucle L). Il y a
en revanche de nombreuses formules conduisant à un
processus anormal et ce sont les malformations conotruncales. Par exemple, un développement opposé des
parois libres des conus sous-artériels (sous-aortique =
4+ et sous-pulmonaire = 0) conduit à une transposition
des gros vaisseaux (Figure 5.5): la valve aortique et
l’aorte ascendante s’élèvent au-dessus du ventricule
droit tandis que la la valve pulmonaire et le tronc de
l’artère pulmonaire s’inversent vers le ventricule gauche.
Les malformations cono-truncales sont fréquentes dans
les syndromes d’hétérotaxie (67%)7 comme on le verra
sur les tableaux suivants.
45% en cas d’asplénie et 52% en cas de polysplénie.
On sait en effet que la ligne médiane joue un rôle crucial
dans l’établissement de l’asymétrie droite-gauche dans
le corps humain.
Les données anatomiques d’une série non publiée
de 168 cas autopsiés de syndrome d’hétérotaxie
sont présentées dans les Tableaux 5.3 à 5.8. Il y avait
asplénie dans 95 cas, polysplénie dans 68 cas et
une rate normalement formée mais située à droite
dans 5 cas. On voit qu’il y a beaucoup de différences
hautement significatives entre les hétérotaxies avec
asplénie et les hétérotaxies avec polysplénie, deux
conditions qui ont à la fois des ressemblances et des
différences caractéristiques. Ces tableaux permettent
de décrire un profil particulier à chacun de ces deux
Les défauts des structures médianes associées sont
également fréquents dans les syndromes d’hétérotaxie :
asplénie
(%)
polysplénie
(%)
p
9
67
22
69
24
6
<0,0001
<0,0001
<0,005
Normalement posés
Ventricule droit à double issue
Transposition des gros vaisseaux
% : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie :
asplénie (n=95) et polysplénie (n=68).
Tableau 5.3 : Relation des gros vaisseaux
asplénie
(%)
polysplénie
(%)
p
32
37
3
20
9
55
32 10
56
45
12
43
NS
<0,001
<0,0001
<0,005
NS
NS
Veine cave inférieure à droite
Veine cave inférieure à gauche
Interruption de la veine cave inférieure
Veine cave supérieure droite seule
Veine cave supérieure gauche seule
Deux veines caves supérieures
% : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie :
asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). NS : statitisquement non significatif.
Tableau 5.4 : Veines systémiques
asplénie
(%)
polysplénie
(%)
p
Situs atrial solitus
Situs atrial inversus
Situs atrial solitus + situs viscéral inversus
Situs ambiguus (non diagnostiqué)
42
31
1
26
72
22
4
1
<0,001
NS
<0,0001
Auricules en situs solitus
Auricules en situs inversus
Deux auricules droites
Deux auricules gauches
51
28
21
0
50
19
0
31
NS
NS
0,04
0,0009
% : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie :
asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). NS : statitisquement non significatif.
Tableau 5.5 : Situs atrial et auricules
51
grands types d’hétérotaxie. Les caractéristiques
anatomiques spécifiques du syndrome d’hétérotaxie
avec rate normale mais à droite n’ont pas été
recherchées en raison du trop faible nombre de cas
dans la série présentée (5 cas). Enfin, il n’est question
ici que d’anomalies cardiovasculaires et les autres
anomalies de l’asymétrie droite-gauche telles que le
foie médian anormalement symétrique, la segmentation
anormale des poumons et toutes les malformations
non-cardiaques bien connues dans les syndromes
d’hétérotaxie, ont été volontairement négligées.
Références
1. Van Praagh R. The cardiovascular keys to air-breathing
and permanent land-living in vertebrates : the normal
human embryonic aortic switch procedure produced
by complete right-left asymmetry in the development
of subarterial conal free walls, and the evolution of the
right ventricular conus. Kardiochirurgia i Torakochirurgia
Polska 2011; 8:1-22.
2. Ticho BS, Goldstein AM, Van Praagh R. Extracardiac
anomalies in the heterotaxy syndromes with focus
on anomalies of midline-associated structures. Am J
Cardiol 2000; 85:729-34.
asplénie
(%)
polysplénie
(%)
p
Canal atrio-ventriculaire commun
Complet
Partiel
96
81
15
45
33
12
<0,0001
<0,001
NS
Valves normales (canal atrio-ventriculaire divisé)
4
55
<0,0001
% : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie :
asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). NS : statitisquement non significatif.
Tableau 5.6 : Valves atrio-ventriculaires
asplénie
(%)
polysplénie
(%)
p
31
29
18
4
18
79
16
0
3
1
<0,0001
0,056
<0,001
<0,01
Concordance atrio-ventriculaire
Discordance atrio-ventriculaire
Ventricule droit à entrée commune
Ventricule gauche à entrée commune
Formes intermédiaires
% : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie :
asplénie (n=95) et polysplénie (n=68).
Tableau 5.7 : Connections atrio-vertriculaires
asplénie
(%)
polysplénie
(%)
p
Boucle ventriculaire
Ventricules en boucle D
Ventricules en boucle L 65
35
75
25
NS
NS
Crosse aortique
À gauche
À droite 40
60
70
30
<0,001
<0,001
Canal artériel
Perméable
Fermé
Absent
49
24
27
55
33
12
NS
NS
<0,05
% : pourcentage de cas à partir des deux principaux groupes de la série de 168 cas autopsiés de syndromes d’hétérotaxie :
asplénie (n=95) et polysplénie (n=68). NS : statitisquement non significatif.
Tableau 5.8 : Autres données
52
3. Van Praagh R, Van Praagh S. Atrial isomerism in the
heterotaxy syndromes with asplenia, or polysplenia,
or normally formed spleen: an erroneous concept.
Am J Cardiol 1990; 66:1504-6.
4. Van Praagh S, Kreutzer J, Alday L, Van Praagh R.
Systemic and pulmonary venous connections in
visceral heterotaxy, with emphasis on the diagnosis of
the atrial situs : a study of 109 postmortem cases. In :
Clark EB, Takao A (eds), Developmental Cardiology :
Morphogenesis and Function. Mt Kisco, NY, Futura
Publishing Co Inc 1990; 671-728.
5. Van Praagh S, Santini F, Sanders SP. Cardiac
malpositions with special emphasis on visceral
heterotaxy (asplenia and polysplenia syndromes).
In : Nadas AS, Fyler DC (eds), Pediatric Cardiology.
Philadelphia, Hanley & Belfus Inc., 1991; 589-608.
6. Van Praagh R. Human evolution from fish to mankind
and the cardiovascular changes that made it
possible. World Soc Cardio-thorac Surg, Conference
News 2011, June 12-15, pp 6-7.
7. V an Praagh R. The diagnostic and surgical
pathology of heart disease in infants and children :
A clinico-pathologic study of 3400 autopsied cases.
Philadelphia, Elesevier, in press.
8. Taussig HB, Bing RJ. Complete transposition of the
aorta and a levoposition of the pulmonary artery;
clinical, physiological, and pathological findings. Am
Heart J 1949; 37:551-9.
9. V a n P r a a g h R . W h a t i s t h e Ta u s s i g - B i n g
malformation? Circulation 1968; 38:445-9.
10. P aul MH, Muster AJ, Sinha SN, Cole RB, Van
Praagh R. Double-outlet left ventricle with an intact
ventricular septum. Clinical and autopsy diagnosis
and developmental implications. Circulation 1970;
41:129-39.
11. Vizcaino A, Campbell J, Litovsky S, Van Praagh
R. Single origin of right and left pulmonary artery
branches from ascending aorta with nonbranching
main pulmonary artery: relevance to a new
understanding of truncus arteriosus. Pediatr Cardiol
2002; 23:230-4.
53
54
6. PREMIER ARRANGEMENT
DÉSORDONNÉ
Le premier thème choisi pour ce sous-ensemble a été
le DIAGNOSTIC PRÉNATAL DES HÉTÉROTAXIES
et c’est Lindsey ALLAN qui lui a rendu justice. Elle a
commencé par définir l’hétérotaxie comme un trouble
du situs ou de la latéralité. Contrairement aux membres
et à la tête qui sont plus ou moins symétriques dans le
sens droite-gauche, les structures intra-abdominales
et intra-thoraciques sont différentes selon le côté du
corps. Il y a essentiellement quatre types possibles de
situs : le situs solitus, normal; le situs inversus ou image
en miroir où les organes sont latéralisés mais à l’inverse
de la normale; l’isomérisme atrial droit, aussi appelé
syndrome d’asplénie; et l’isomérisme atrial gauche,
encore appelé polysplénie ou syndrome d’Ivemark. On
donne aussi le nom de syndromes d’hétérotaxie ou de
situs ambiguus aux isomérismes. Les organes à "forte
personnalité" de latéralité sont les bronches, les lobes
pulmonaires, les auricules et le cœur lui-même, le foie,
la rate, l’estomac et l’intestin. Il faut noter que bien des
caractères de latéralité ne peuvent être identifiés que
par l’étude anatomique des spécimens.
diaphragme, un vaisseau d’une taille analogue à celle
de l’aorte dont il est proche. Les veines sus-hépatiques
se jettent directement à la base des oreillettes.
Dans les deux variétés d’isomérisme, une discordance
entre la position respective de l’estomac et du cœur est
habituelle : autour de 65% dans l’isomérisme droit et de
50% dans le gauche.
Les auricules d’un cœur normal sont de forme différente
selon le côté : la droite est émoussée et s’implante
largement dans le cœur tandis que la gauche est
pointue, digitiforme et a une implantation étroite.
Ces caractères ne sont pas faciles à apprécier en
échocardiographie fœtale sauf quand un épanchement
péricardique les souligne. Une étude récente suggère
que l’assimilation des oreillettes à des volumes pouvait
aider à les différencier 1. Mais il faut alors disposer
d’images de très haute qualité en 3D/4D et y consacrer
beaucoup de temps et d’efforts alors même qu’une
différenciation claire de la forme des auricules est
souvent impossible sur des pièces anatomiques.
Les anomalies intracardiaques de l’isomérisme
droit sont presque toujours les mêmes : canal atrioventriculaire, ventricule droit à double issue, sténose
ou atrésie pulmonaire et retour veineux pulmonaire
anormal. Comme, par définition, il n’y a pas d’oreillette
Le situs inversus de type image en miroir (cœur normal
et estomac tous deux à droite) n’a pas d’implications
cardiaques bien qu’il puisse parfois s’inclure dans
un syndrome de Kartagener. Isomérisme signifie que
les deux côtés sont identiques : bronches, lobes
pulmonaires, auricules ont la même morphologie à
droite et à gauche. Un foie median et une malrotation
intestinale font partie des deux syndromes d’isomérisme,
mais l’asplénie est caractéristique du dextro-isomérisme
tandis que la polysplénie l’est du lévo-isomérisme.
Ces isomérismes sont importants à reconnaître chez
le fœtus car ils sont associés à une proportion faible
mais significative des anomalies cardiaques dépistées
pendant la vie intra-utérine, soit entre 3 et 10%.
En échocardiographie fœtale, le repère le plus utile à
la détermination du situs est la position relative de l’aorte
et de la veine cave inférieure dans la partie supérieure
de l’abdomen : normalement, l’aorte est en arrière
et à gauche de la veine cave inférieure (Figure 6.1).
En cas d’isomérisme droit, l’aorte et la veine cave
inférieure ont tendance à se situer du même côté, plus
proches l’une de l’autre que normalement (Figure 6.2).
En cas d’isomérisme gauche, on ne trouve pas de veine
cave inférieure dans la partie supérieure de l’abdomen
et le retour veineux de la partie inférieure du corps se
draine dans le cœur par la veine azygos (Figure 6.3).
Cette dernière est une structure constante mais n’est
pas toujours facile à voir en raison de sa petite taille :
en cas d’interruption de la veine cave inférieure,
elle se dilate au point qu’on distingue, traversant le
Figure 6.1 : Échocardiographie fœtale d’un situs
atrial normal
Coupe transverse de la partie supérieure de l’abdomen.
D = droite.
L’estomac (est) est à gauche, l’aorte (Ao) est juste en
face et à gauche de la colonne vertébrale et la veine cave
inférieure (VCI) est à droite de l’aorte.
55
Figure 6.2 : Échocardiographie fœtale d’un isomérisme atrial droit
Coupe transverse de la partie supérieure de l’abdomen. D = droite.
L’estomac (est) est à gauche, l’aorte (Ao) est juste en face et à gauche de la colonne vertébrale et la veine cave inférieure
(VCI) est à droite de l’aorte.
Figure 6.3 : Échocardiographie
fœtale d’un isomérisme atrial
gauche
Coupe transverse de la partie
supérieure de l’abdomen.
D = droite.
L’estomac (est) est à droite. On ne
peut identifier de veine cave inférieure
mais il y a une structure veineuse
supplémentaire située derrière l’aorte
(Ao) : c’est une veine azygos dilatée
(Az), plus grosse que normalement
car elle doit drainer tout le débit de
la veine cave inférieure interrompue
à travers le thorax dans la veine cave
supérieure.
56
morphologiquement gauche, les veines pulmonaires
ne peuvent s’y drainer et dans 50% des cas, elles
forment une confluence qui se jette sans sténose dans
le massif atrial; dans les autres cas, le drainage passe
par un collecteur ascendant ou, surtout, descendant,
mais toujours obstructif, d’où un flux Doppler anormal
sur la veine pulmonaire. Ce n’est qu’en cas d’atrésie
pulmonaire associée que le retour veineux pulmonaire
peut être difficile à identifier.
Références
1. Paladini D, Sglavo G, Masucci A, Pastore G, Nappi C.
Role of four-dimensional ultrasound (spatiotemporal
image correlation and sonography-based automated
volume count) in prenatal assessment of atrial
morphology in cardiosplenicsyndromes. Ultrasound
Obstet Gynecol 2011; 38:337-43.
2. Pepes S, Zidere V, Allan LD. Prenatal diagnosis of left
atrial isomerism. Heart 2009; 95:1974-7.
3. Yates RW, Raymond FL, Cook A, Sharland GK.
Isomerism of the atrial appendages associated with
22q11 deletion in a fetus. Heart 1996; 76:548-9.
4. B erg C, Geipel A, Kamil D, Krapp M, Breuer J,
Baschat AA, Knöpfle G, Germer U, Hansmann M,
Gembruch U. The syndrome of right isomerism prenatal diagnosis and outcome. Ultraschall Med
2006; 27:225-33.
5. Eronen MP, Aittomäki KA, Kajantie EO, Sairanen HI.
Outcome of left atrial isomerism at a single institution.
Pediatr Cardiol 2012; 33:596-600.
6. Serraf A, Bensari N, Houyel L, Capderou A, Roussin
R, Lebret E, Ly M, Belli E. Surgical management of
congenital heart defects associated with heterotaxy
syndrome. Eur J Cardiothorac Surg 2010; 38:721-7.
7. Sinzobahamvya N, Arenz C, Reckers J, Photiadis
J, Murin P, Schindler E, Hraska V, Asfour B. Poor
outcome for patients with totally anomalous
pulmonary venous connection and functionally single
ventricle. Cardiol Young 2009; 19:594-600.
En revanche, les anomalies intracardiaques des
isomérismes gauches sont plus variables2. Il peut ne
s’agir que d’une interruption de la veine cave inférieure
sur cœur normal. Cependant, un canal atrio-ventriculaire
survient dans 68% des cas, un ventricule droit à double
issue dans 23%, une obstruction gauche dans 21%,
une obstruction droite dans 35% et un retour veineux
pulmonaire anormal dans 5%. Comme il n’y a pas
d’oreillette morphologiquement droite, le nœud sinusal
est souvent hypoplasique voire absent, ce qui conduit
habituellement à un bloc atrio-ventriculaire complet
(38%). Quand ce dernier est repéré tôt, au moment
de l’échographie nucale, le diagnostic de loin le plus
probable est lévo-isomérisme, dans la mesure où il n’y
a pas de bloc complet par auto-anticorps maternels
avant la seizième semaine de gestation.
La série du King’s College des 13 dernières années comprenait 60 cas de lévo-isomérisme et 39 de dextroisomérisme, les premiers ayant eu tendance a apparaître
plus tôt dans la grossesse (18,4 SA vs. 21,6 SA) probablement en raison, du moins en partie, de la plus grande
proportion d’hyperclartés nucales dans les isomérismes
gauches (63% vs. 45%). On ne trouve pas d’anomalies
chromosomiques communes dans les syndromes
d’isomérisme bien qu’on ait rapporté un cas de
microdélétion 22q1.1 associé à un isomérisme gauche3.
Les perspectives qu’offrent ces deux syndromes
sont également différentes. En raison d’un pronostic
sombre2,4-7, le taux d’interruption de grossesse a été
élevé dans les deux grandes variétés de cette série. De
plus, en cas de poursuite de la grossesse, la mort intrautérine est commune dans les isomérismes gauches
(28% ici), surtout en cas de survenue d’un bloc atrioventriculaire conduisant souvent à un anasarque fœtoplacentaire vers la 30ème semaine de gestation. Dans
les isomérismes droits, la mortalité intra-utérine est
rare mais la mortalité néo-natale beaucoup plus élevée
(50% vs. 22%) et, chez les survivants, la cardiopathie
est si complexe que le pronostic à long terme est très
compromis. En revanche, certains survivants atteints
d’isomérisme gauche peuvent n’éprouver que peu ou
pas de problèmes cardiaques. Notons qu’une atrésie
biliaire peut compliquer 10% des cas d’isomérisme
gauche et qu’une malrotation intestinale obstructive est
commune dans les deux syndromes.
Le problème des relations unissant CARDIOPATHIES,
GÉMELLITÉ ET LATÉRALITÉ a ensuite été abordé
par Damien BONNET. On sait que les grossesses
gémellaires représentent environ 2 à 3% de l’ensemble
des grossesses. Deux tiers d’entre elles sont dizygotes
et donc bichoriales (BC) et le dernier tiers concerne des
jumeaux monozygotes. Pour ces derniers, le caractère
tardif de la scission embryonnaire définit la chorionicité
et le nombre de poches amniotiques.
On sait aussi depuis longtemps que le nombre de
cardiopathies congénitales est plus élevé chez les
jumeaux issus de grossesses monochoriales que chez
les autres. Si on ajoute l’information de zygotie, les
cardiopathies congénitales sont plus fréquentes chez
les jumeaux monozygotes que chez les dizygotes1-3.
Cependant, certains aspects de cette prévalence
augmentée dans les grossesses monochoriales sont
surprenants puisque les discordances entre jumeaux
(un jumeau atteint et l’autre pas) sont très fréquentes et
ne reçoivent que peu d’explications. Ces discordances
sont en tous cas contradictoires avec le poids
En résumé, il est important de détecter les syndromes
d’isomérisme avant la naissance en raison de leur
complexité et de leurs implications pronostiques.
57
supposé des facteurs génétiques dans l’origine des
cardiopathies congénitales. Il est proposé ici de tenter
de comprendre pourquoi les cardiopathies congénitales
sont plus fréquentes chez les jumeaux que chez les
singletons, mais aussi de montrer que l’interprétation
des discordances entre jumeaux monozygotes n’est
pas liée (ou pas totalement liée) à des phénomènes
d’expressivité ou de pénétrance.
MCMA). Les jumeaux MCBA étaient plus nombreux
en cas d’obstacles droits, en particulier de sténoses
pulmonaires (33/48 soit 69%; p<0.01), et la discordance
entre les jumeaux était constante dans ces situations
presque toujours associée à un syndrome transfuseurtransfusé4. Les jumeaux MCMA étaient plus souvent
atteints de défauts de latéralité (12/36 soit 33%; p<0.01)
et une discordance entre jumeaux était observée dans
10 cas sur 12.
Toutes les grossesses gémellaires sont associées
à une mortalité fœtale et périnatale plus élevée que
celle des grossesses uniques. Il est également admis
qu’il existe un risque plus élevé de malformations
congénitales chez les jumeaux mais sa magnitude
n’est pas parfaitement connue en raison d’un manque
de données lié à la rareté des malformations et aux
faibles séries de jumeaux. Ce risque est estimé
selon les études entre 4,3% et 18,3%1-3. L’excès de
malformations congénitales touche essentiellement les
grossesses gémellaires monozygotes : 1,5 à 2% chez
les singletons contre 3,7% chez les jumeaux dizygotes
et 8,5% chez les monozygotes, soit quatre fois plus. Les
malformations les plus fréquemment rencontrées sont
les cardiopathies, les hydrocéphalies, les troubles de
fermeture du tube neural, les fentes faciales et certaines
associations comme les syndromes VATER et VACTERL.
Le devenir des grossesses n’a pas été brillant : 47 fœtus
victimes d’interruption médicale de grossesse, 20 morts
fœtales in utero et 24 décès néonataux sur les 385 nés
vivants. Au cours de la première année de vie, 116 patients
ont été opérés avec une mortalité de 13%.
En conclusion, on observe que la concordance entre
les jumeaux est faible même dans les grossesses
monochoriales, donc monozygotes. Cette discordance
est liée au processus de gémellité pour les défauts de
latéralité des MCMA et pour les sténoses pulmonaires
des MCBA. En effet, le poids des cardiopathies
fonctionnelles sans lien avec une cause moléculaire
est considérable dans ces situations. Si on exclut
ces cardiopathies fonctionnelles des jumeaux, la
génétique retrouve sa part habituelle dans les formes
concordantes entre jumeaux monochoriaux.
Si l’augmentation du risque de cardiopathie congénitale
dans les grossesses gémellaires est connue de
longue date, elle a été diversement interprétée. En
effet, la constatation d’une discordance fréquente
entre jumeaux (un jumeau atteint et l’autre sain) à fait
dire que le poids de la génétique dans l’apparition
d’une cardiopathie chez un des individus de la paire
était faible ou fait recourir à l’explication universelle
du caractère multifactoriel de la survenue d’une
cardiopathie congénitale chez l’un et pas chez l’autre.
Ces deux idées soulignent à l’évidence les difficultés
à comprendre ce qui pourtant se vérifie aujourd’hui :
les jumeaux ont plus souvent des malformations
cardiaques que les singletons et même quand ils sont
génétiquement identiques, ils sont cardiologiquement
différents.
Références
1. Myrianthopoulos NC. Congenital malformations in
twins: epidemiologic survey. Birth Defects Orig Artic
Ser 1975; 11:1-39.
2. B urn J, Corney G. Congenital heart defects and
twinning. Acta Genet Med Gemellol 1984; 34: 61-69.
3. Berg KA, Astemborski JA. Congenital cardiovascular
malformations in twins and triplets from a populationbased study. Am J Dis Child 1989; 143:1461-63.
4. Lougheed J, Sinclair BG, Fung Kee Fung K, Bigras
JL, Ryan G, Smallhorn JF, Hornberger LK. Acquired
right ventricular outflow tract obstruction in the
recipient twin in twin-twin transfusion syndrome. J
Am Coll Cardiol 2001; 38: 1533-1538.
Suit la présentation d’une étude enrôlant depuis 10 ans
toutes les paires de jumeaux dont un au moins avait
une cardiopathie congénitale. On a ainsi recruté
226 paires de jumeaux dont 103 étaient issus de
grossesses bichoriales-biamniotiques (BCBA) et 112 de
grossesses monochoriales dont 92 biamniotiques
(MCBA) et 20 monoamniotiques (MCMA); 11 n’ont pas
pu être classées. À noter que 28 grossesses avaient
été obtenues par assistance médicale à la procréation
(12.3% vs. 2.6% pour l’ensemble des grossesses).
Les liens unissant TRANSPOSITIONS DES GROS
VAISSEAUX ET HÉTÉROTAXIES ont ensuite été
développés par Bruno MARINO. Chez les vertébrés
et les humains, le situs solitus est caractérisé par un
arrangement spécifique des organes internes : vus de la
pointe du cœur, les gros vaisseaux on une spiralisation
"droitière" dans le sens des aiguilles d’une montre1,2
(Figure 6.4 A). Au contraire, chez les sujets en situs
Les deux jumeaux étaient atteints dans 35 cas (15.4%),
avec concordance de la cardiopathie chez 23 (65,7%).
Les deux fœtus avaient une cardiopathie dans 35%
des MCMA, 14.1% des MCBA et 10.7% seulement
des BCBA. Les cardiopathies les plus fréquentes
étaient des malformations cono-truncales (n=71)
avec une concordance dans 13/71 (8/20 MCBA, 3/5
58
sens inverse et leur spiralisation est de type situs inversus5.
Une récurrence familiale a été récemment décrite6 dans
10% des cas de TGV et, fait intéressant, la cardiopathie
récurrente la plus fréquente était la TGV elle-même
(six familles), la suivante étant la double discordance
(5 familles). Ces faits suggèrent une hérédité
monogénique ou oligogénique et un lien pathogénique
entre TGV et double discordance. On peut même
considérer que la TGV appartient au groupe
pathogénique des défauts de latéralisation plutôt qu’à
celui des malformations cono-truncales6.
inversus, tous les organes internes, y compris le
cœur, sont arrangés "en miroir" et les gros vaisseaux
s’enroulent de façon "gauchère" dans le sens contraire
des aiguilles d’une montre (Figure 6.4 B).
Les défauts de latéralisation qui altèrent cette asymétrie
sont à l’origine d’un autre type de situs qu’on appelle
hétérotaxie et qui comporte de multiples anomalies
extracardiaques et cardiaques avec tendance à une
morphologie symétrique de certains organes3. Dans
ces cas, le cœur est généralement affecté d’anomalies
des retours veineux systémique et pulmonaire, d’une
oreillette et d’un ventricule uniques, d’un canal atrioventriculaire complet et d’une boucle ventriculaire
variable 4 (Figure 6.4 C). Les gros vaisseaux sont
transposés et non spiralés chez pratiquement tous les
patients en asplénie et quand la connexion ventriculoartérielle est de type ventricule droit à double issue ou
atrésie pulmonaire, l’aorte est pratiquement toujours
antérieure et entourée de muscle infundibulaire5 (Figure
6.4 C). La transposition des gros vaisseaux (TGV) est
significativement plus rare dans la polysplénie : en cas
de boucle ventriculaire de type D, les gros vaisseaux
sont normalement posés et spiralés en situs solitus; en
cas de boucle L, ils restent normalement posés mais en
Bien plus, les observations morphologiques des
cardiopathies, dont la TGV, dans l’hétérotaxie,
soulignent des similitudes phénotypiques entre
l’enroulement normal (droitier) des gros vaisseaux et
la spiralisation prédominante droitière des coquilles
d’escargot5. Ce type spiral droitier des gros vaisseaux
est inversé chez les sujets en situs inversus comme
dans une minorité de coquilles. Ce qui suggère que
ces dispositions anatomiques normales et anormales
sont comparables chez les humains et les coquillages
et qu’elles pourraient partager un mécanisme génétique
commun5.
Foie
Estomac
A
B
Figure 6.4 : Les trois grands types de situs
59
C
La reproduction expérimentale de la TGV est difficile
mais on sait que Thomas Pexieder réussit à obtenir
des TGV fœtales par l’administration d’acide rétinoïque
à des souris enceintes. La poursuite de ces études
a permis d’obtenir des TGV par l’administration d’un
antagoniste de l’acide rétinoïque à des souris enceintes,
ce qui montre qu’une gamme spécifique et un niveau
critique d’acide rétinoïque sont nécessaires à la
spiralisation normale du cono-truncus chez l’embryon7.
On sait bien par ailleurs que l’acide rétinoïque est
fortement impliqué dans le déterminisme gauche-droite,
boucle ventriculaire y compris, et que ces données
expérimentales anciennes et récentes confirment le lien
entre TGV et défauts de latéralisation.
escargots, en une spirale droitière de la coquille (Figure
6.5 A). À l’inverse, une expression gauchère inversée
de ce gène conduit une spirale gauchère des gros
vaisseaux et des coquilles (Figure 6.5 B). Chez l’enfant,
la mutation spontanée de NODAL est cause de TGV
sans enroulement des gros vaisseaux de même que
l’inhibition pharmacologique du même gène chez
l’embryon d’escargot produit une coquille non spiralée
(Figure 6.5 C). Bien des indices suggèrent que, chez
l’homme, la TGV et certaines formes de canal atrioventriculaire pourraient être considérées comme des
signes phénotypiques d’un défaut de latéralisation20-23.
Références
Ces dernières années, beaucoup de gènes asymétriquement exprimés pendant les phases précoces du
développement embryonnaire et impliqués dans les
processus de latéralisation normale et anormale ont
été identifiés 8-10. NODAL est, à ce jour, la voie de
signalisation la plus importante pour l’établissement
de la chiralité. Son rôle crucial dans le développement
embryonnaire précoce, en particulier dans l’induction
mésodermique et neurale et dans la formation de l’axe
gauche-droite des vertébrés, est désormais relativement
bien connu8-10. NODAL a été d’abord découvert chez la
souris mais ses orthologues ont été décrits depuis chez
l’embryon de poulet, les oursins et des ascidiens avec
la même fonction de spécification gauche-droite dans
les premiers stades de l’embryogénèse.
1. Goor DA, Edwards JE. The spectrum of transposition
of the great arteries: with specific reference to
developmental anatomy of the conus. Circulation
1973; 48:406-15.
2. Bajolle F, Zaffran S, Kelly RG, Hadchouel J, Bonnet
D, Brown NA, Buckingham ME. Rotation of the
myocardial wall of the outflow tract Is implicated in
the normal positioning of the great arteries. Circ Res
2006; 98:421-8.
3. Lin AE, Ticho BS, Houde K, Westgate MN, Holmes
LB. Heterotaxy: associated conditions and hospitalbased prevalence in new borns. Genet Med 2000;
2:157-72.
4. Bamford RN, Roessler E, Burdine RD, Saplakog_lu U,
dela Cruz J, Splitt M, Goodship JA, Towbin J, Bowers
P, Ferrero GB, Marino B, Schier AF, Shen MM, Muenke
M, Casey B. Loss-of-function mutations in the EGFCFC gene CFC1 are associated with human left-right
laterality defects. Nat Genet 2000; 26:365-9.
5. M arino B, Capolino R, Digilio MC, Di Donato R.
Transposition of the great arteries in asplenia and
polysplenia phenotypes. Am J Med Genet 2002;
110:292-4.
6. Digilio MC, Casey B, Toscano A, Calabrò R, Pacileo
G, Marasini M, Banaudi E, Giannotti A, Dallapiccola
B, Marino B. Complete transposition of the great
arteries: patterns of congenital heart disease in
familial recurrence. Circulation 2001; 104:2809-14.
7. Cipollone D, Amati F, Carsetti R, Placidi S, Biancolella
M, D’Amati G, Novelli G, Siracusa G, Marino B. A
multiple retinoic acid antagonist induced conotruncal
anomalies, including transposition of the great arteries,
in mice. Cardiovasc Pathol 2006; 15:194-202.
8. Lowe LA, Supp DM, Sampath K, Yokoyama T, Wright
CV, Potter SS, Overbeek P, Kuehn MR. Conserved leftright asymmetry of nodal expression and alterations in
murine situs inversus. Nature 1996; 381:158-61.
9. H amada H, Meno C, Watanabe D, Saijoh Y.
Establishment of vertebrate left-right asymmetry. Nat
Rev Genet 2002; 3:103-13.
10. Duboc V, Lepage T. A conserved role for the nodal
signaling pathway in the establishment of dorsoventral and left-right axes in deuterostomes. Exp
Zool B (Mol Dev Evol) 2002; 310B:41-53.
Des mutations de NODAL chez l’homme ont été
primitivement rapportées chez des patients atteints
d’hétérotaxie 4 et, plus récemment, dans d’autres
types de cardiopathies comme des TGV isolées 11,12.
L’implication d’autres mutations de gènes de la même
voie a été décrite dans la pathogénie de la TGV : ZIC313,
CFC114, PROSIT24015 et GDF116. L’ensemble de ces
données a conduit à tester les gènes de latéralisation
dans les familles de TGV récurrentes et, sur sept de
ces familles, deux avaient des mutations multiples de
ces gènes, en particulier de NODAL, ce qui confirme
qu’au moins certains cas familiaux de TGV peuvent être
considérés comme des défauts de latéralisation17.
En 2005, une élégante étude du groupe de Leiden
a montré pour la première fois que cinq gènes de
chiralité, dont NODAL, ayant leurs homologues chez les
vertébrés, étaient aussi impliqués dans le déterminisme
de la chiralité des escargots18. L’expression droitière
de NODAL chez l’embryon d’escargot a pour résultat
une spiralisation droitière de la coquille et son expression
gauchère conduit à une spiralisation gauchère. De plus,
il a été montré que l’inhibition pharmacologique de
NODAL produisait un développement symétrique de
la coquille sans aucune spiralisation comme les gros
vaisseaux parallèles de la TGV19.
En conclusion, l’expression droitière normale de NODAL
consiste chez les vertébrés et les humains en une
spirale droitière des gros vaisseaux et, chez les
60
Solitus
Inversus
Ambiguus
A
B
C
Figure 6.5 : Chiralité des coquilles d’escargots et latéralité des viscères humains
11. M
ohapatra B, Casey B, Li H, Ho-Dawson T, Smith
L, Fernbach SD, Molinari L, Niesh SR, Jefferies
JL, Craigen WJ, Towbin JA, Belmont JW, Ware
SM. Identification and functional characterization
of NODAL rare variants in heterotaxy and isolated
cardiovascular malformations. Hum Mol Genet
2009; 18:861-71.
12. R
oessler E, Ouspenskaia MV, Karkera JD, Vélez JI,
Kantipong A, Lacbawan F, Bowers P, Belmont JW,
Towbin JA, Goldmuntz E, Feldman B, Muenke M.
Reduced NODAL signaling strength via mutation of
several pathway members including FOXH1 is linked
to human heart defects and holoprosencephaly. Am
J Hum Genet 2008; 83:18-29.
13. Bedard JE, Haaning AM, Ware SM. Identification
of a novel ZIC3 isoform and mutation screening
in patients with heterotaxy and congenital heart
disease. Am J Hum Genet 2004; 74:93-105.
14. G
oldmuntz E, Bamford R, Karkera JD, de la Cruz J,
Roessler E, Muenke M. CFC1 mutations in patients
with transposition of the great arteries and doubleoutlet right ventricle. Am J Hum Genet 2002;
70:776-80.
15. Muncke N, Jung C, Rudiger H, Ulmer H, Roeth
R, Hubert A, Goldmuntz E, Dricoll D, Goodship J,
Schon K, Rappold G. Missense mutation and gene
interruption in PROSIT240, a novel TRAP240-like gene,
in patients with congenital heart defect (Transposition
of the Great Arteries). Circulation 2003; 108:2843-50.
16. Kerkera JD, Lee JS, Roessler E, Banerjee-Basu S,
Ouspenskaia M.V, Mez J, Goldmuntz E, Bowers P,
Towbin J, Belmont J.W, Baxevanis A.D, Schier A.F,
Muenke M. Loss-of-function mutations in growth
differentiation factor-1 (GDF1) are associated with
congenital heart defects in humans. Am J Hum
Genet 2007; 81:987-94.
17. De Luca A, Sarkozy A, Consoli F, Ferese R, Guida
V, Dentici ML, Mingarelli R, Bellacchio E, Tuo G,
Limongelli G, Digilio MC, Marino B, Dallapiccola B.
Familial transposition of the great arteries caused by
multiple mutations in laterality genes. Heart 2010;
96:673-7.
18. Hierck BP, Witte B, Poelmann RE, Gittenbergerde Groot AC, Gittenberger E. Chirality in snails is
determined by higly conserved asymmetry genes. J
Molluscan Stud 2005; 71:192-5.
61
bloc auriculo-ventriculaire, la coarctation de l’aorte, le
ventricule unique, l’atrésie des voies biliaires et les autres
malformations gastro-intestinales.
19. Grande C, Patel NH. Nodal signaling is involved
in left-right asymmetry in snails. Nature 2005;
457:1007-11.
20. Marino B, Corno AF. Spiral pattern: universe, normal
heart, and complex congenital defects. J Thorac
Cardiovasc Surg 2003; 126:1225-6.
21. M arino B, Digilio MC, Versacci P, Anaclerio
S,Dallapiccola B. Transposition of great arteries.
Understanding its pathogenesis. Ital Heart J 2002;
Suppl 3:154-60.
22. Versacci P, Digilio MC, Oliverio M, Dallapiccola B,
Marino B. The heart and shell. Anatomical and
genetic similarities. Am Heart J 2011; 161:647-9.
23. Amodeo A, Oliverio M, Versacci P, Marino B. Spiral
shapes in heart and shells: when form and function
do matter. Eur J Cardiothorac Surg 2012; 41:473-5.
La série chirurgicale d’hétérotaxies de Marie-Lannelongue
regroupe 139 patients avec un projet de cœur univentriculaire pour 60 d’entre eux5. La mortalité globale
s’est élevée à 25,5% contre 18,2% pour les patients de
cette série réparés à deux ventricules (p<0.05). Le taux
de survie dans le groupe des patients à projet de cœur
uni-ventriculaire était de 93,5%, 93,5%, 90,3% et 85.1%
à 15 mois, 5, 10 et 15 ans. Ces taux sont bien meilleurs
que ceux des patients n’ayant eu que des interventions
palliatives : 45%, 31,2%, 31,2 % et 15 % à 15 mois, 5,
10 et 15 ans. Le facteur de risque de mortalité était ici
la présence d’un retour veineux pulmonaire anormal total.
Enfin, la survie après réparation uni ou bi-ventriculaire des
CAV est d’environ 90% à 12 ans dans la série italienne6,
plus élevée chez les trisomiques 21 (94%) que chez les
eusomiques (86%).
Suit une étude rétrospective du devenir à long terme
des ventricules uniques avec valve de CAV, incluant
les hétérotaxies avec CAV complet et ventricule droit à
double issue justiciables d’une réparation uni-ventriculaire
d’emblée, les ventricules droits à double issue avec CAV
dont la cure complète a paru très incertaine lorsque le
diagnostic a été fait in utero et les CAV déséquilibrés,
estimés non réparables à deux ventricules. Ont ainsi été
analysés 185 dossiers dont 68 fœtus vus à l’Institut de
Puériculture de Paris entre 2002 et 2012 (série IPP) et
117 patients nés entre 1968 et 2012, suivis à l’hôpital
Necker (série Necker).
Fanny BAJOLLE a clos cette séance par l’étude du
VENTRICULE UNIQUE AVEC VALVE AURICULOVENTRICULAIRE "DE CAV". En se basant sur la
classification clinique et anatomique des cardiopathies
congénitales (ACC-CHD) qui vient d’être proposée, les
ventricules fonctionnellement ou anatomiquement uniques
avec valve auriculo-ventriculaire unique de canal atrioventriculaire (CAV) peuvent appartenir à trois groupes :
1 (Heterotaxy, including isomerism and mirror-imagery),
4 (Anomalies of atrioventricular junctions and valves) et
6 (Functionally univentricular hearts)1. En effet, un grand
nombre de malformations congénitales appartenant au
groupe des hétérotaxies comporte une valve de CAV
associée à d’autres malformations qui empêchent une
réparation bi-ventriculaire. De plus, les CAV déséquilibrés
aux dépens des cavités gauches ou des cavités droites,
sont parfois réparés comme des cardiopathies univentriculaires car une septation chirurgicale complète
ne serait pas viable. L’appréciation de ce déséquilibre
ventriculaire est souvent assez approximative bien que le
calcul d’un index atrio-ventriculaire (AVVI) puisse aider à
la prise en charge2 : s’il est < 0,19, la réparation doit être
de type uni-ventriculaire; s’il est > 0,4, elle peut être biventriculaire; entre 0,19 et 0,39, la décision est difficile.
La série IPP concerne donc 68 grossesses d’âge
maternel moyen au diagnostic de 28±5 ans [17,6-41]
et d’âge fœtal au diagnostic de 24 SA [13-36]. Il y a
eu 50 interruptions médicales de grossesse (73,5%)
et ce taux n’est pas plus élevé en cas de facteur de
mauvais pronostic3,4 (Tableau 6.1). On compte encore
deux morts fœtales sur les 18 grossesses poursuivies
(polymalformés). Le taux de récurrence dans cette série
est de 2,9 % et il y a eu 24 grossesses normales dans
les suites de ces 68 cas.
Facteur de risque
Les données de la littérature sur les isomérismes ne
manquent pas. Le groupe de Toronto en a publié deux
séries3,4 faisant apparaître un taux de CAV de 81% dans
les isomérismes droits (contre 96% nous a dit Richard
Van Praagh p. 49) et de 49% dans les isomérismes
gauches (contre 46% chez Van Praagh). Les facteurs
de risques de mortalité identifiés dans les dextroisomérismes sont : l’absence d’obstruction pulmonaire,
la fuite valvulaire et les retours veineux pulmonaires
anormaux bloqués; dans les lévo-isomérismes : le
Bloc auriculo-ventriculaire
Atrésie ou sténose pulmonaire
Fuite de la valve atrio-ventriculaire
Coarctation de l’aorte
Nombre
%
de cas d’IMG
9
38
18
1
66,6%
76,5%
77,7%
100,0%
Tableau 6.1: Interruptions de grossesse (IMG) en
fonction des facteurs de risques associés aux
hétérotaxies
La série Necker regroupe 117 patients nés vivants avec
28 diagnostics anténataux et 89 diagnostics postnataux
répartis entre 1968 et 2012. Le sex ratio est de 1,1
(62/55). Les phénotypes cardiaques se répartissent en
62
97 hétérotaxies et 20 CAV déséquilibrés. La mortalité
globale est considérable avec 69 décès sur 117 (59%).
Pour le groupe des hétérotaxies, la mortalité globale est
de 65% (63/97), un peu moindre (58%) en cas de retour
veineux pulmonaire anormal associé que sans (70%)
ce qui diffère de la littérature5. Le sous-groupe des CAV
déséquilibrés est moins sombre puisque la mortalité y est
de 6/20 (30%) ce qui reste très au-dessus de la mortalité
globale des CAV réparés en uni ou bi-ventriculaire 6.
La courbe de survie globale de notre population
montre une médiane à 8,1 ans [5,4-16,7] et une survie
globale à 13,6% [3,2-57,5] (Figure 6.6). Contrairement
à certaines cardiopathies congénitales7, le diagnostic
prénatal n’exerce pas "d’effet protecteur" dans ce groupe
(p<0.13) (Figure 6.7). La prise en charge se répartit en 28
évolutions spontanées, 25 interventions palliatives seules,
61 programmes uni-ventriculaires et trois patients ont été
transplantés (Tableau 6.2).
atteints), l’autre un syndrome de Ito; et cinq autres avec
syndrome polymalformatif dont deux avec anomalies
gastro-intestinales.
En conclusion, le devenir à long terme des ventricules
uniques avec valve de CAV est sombre : taux d’IMG à
73.5%, taux de mortalité à 59% et taux de survie à 13 % à
35 ans. Comparé au pronostic d’autres cardiopathies telles
que la tétralogie de Fallot9, le tronc artériel commun10 ou
les malpositions vasculaires11, celui de ces cardiopathies
est autrement plus grave. On doit également retenir qu’il ne
faut pas attendre pour faire la dérivation cavo-pulmonaire
totale lorsqu’on engage le patient dans un programme
de cœur uni-ventriculaire car la mortalité est moindre que
celle des patients en chirurgie palliative ou en dérivation
cavo-pulmonaire partielle.
1. Sur les 28 non opérés, 24 sont décédés (85%), ce
qui est significativement différent des patients opérés
p<0,0001 (Figure 6.8), avec un âge médian au décès
de 57,5 jours [0-10,5 ans] dont une grande partie
néonatale. Sur les quatre survivants, une jeune femme
de 34 ans s’est trouvée enceinte en 2006 avec une
très bonne tolérance hémodynamique.
2. L e groupe des 25 palliatives n’est pas moins
catastrophique : 93% de décès en cas d’anastomose
de Blalock seule, 89% en cas de cerclage pulmonaire.
Le patient ayant eu une simple ligature du canal artériel
est toujours en vie.
3. S ur les 61 patients inscrits dans un programme
chirurgical de cœur uni-ventriculaire, 37 patients ont
eu divers types de dérivations cavo-pulmonaires et 18
sont décédés (49%). Le stade de la dérivation cavopulmonaire totale a été atteint par 24 patients, soit
20% de la population initiale. Le phénotype cardiaque
sous-jacent était 17 fois une hétérotaxie et 7 fois un
CAV déséquilibré. La mortalité a été plus faible que
dans les autres groupes : 4/24, soit 20%. L’âge moyen
à la dérivation totale a été 7,6±4 ans [1,7-16] et le taux
de survie de 71,6 % [50,7-100] (Figure 6.9).
4. Q uant aux trois patients transplantés, deux sont
décédés, dont un par plaie sur son montage de
Norwood, ce qui confirme le mauvais pronostic de la
transplantation cardiaque chez les patients ayant un
Fontan8.
Figure 6.6 : Courbe de survie globale des 117
patients (série Necker)
On doit ajouter que cinq des 117 patients (4,2%), tous
atteints d’hétérotaxies, ont eu un remplacement valvulaire
mécanique. Trois enfants (2,5%) ont eu un pacemaker
(deux hétérotaxies et un CAV déséquilibré). Trois autres
(hétérotaxies) ont développé des fistules artério-veineuses
pulmonaires.
La série compte huit trisomiques 21 et tous avaient
un CAV déséquilibré avec hypoplasie franche des
cavités droites (6 cas) ou gauches (2 cas). Il y a deux
cardiopathies familiales et trois grossesses gémellaires
dans cette série. Enfin, les atteintes extracardiaques
ont affecté deux patients avec CAV et petit ventricule
gauche : l’un avait un Holt Oram familial (père et 3 sœurs
Figure 6.7: Courbe de survie des 117 patients en
fonction de la date du diagnostic
DAN = diagnostic anténatal; DPN = diagnostic postnatal
63
Tableau 6.2 : Prise en charge des 117 patients de la série Necker
Figure 6.8 : Courbe de survie des 117 patients en
fonction de la prise en charge
La différence en faveur des opérés est très hautement
significative.
Figure 6.9 : Courbe de survie après dérivation
cavo-pulmonaire totale
64
6. Formigari R, Di Donato RM, Gargiulo G, Di Carlo
D, Feltri C, Picchio FM, Marino B. Better surgical
prognosis for patients with complete atrioventricular
septal defect and Down’s syndrome. Ann Thorac
Surg 2004; 78:666-72.
7. Bonnet D, Coltri A, Butera G, Fermont L, Le Bidois J,
Kachaner J, Sidi D. Detection of transposition of the
great arteries in fetuses reduces neonatal morbidity
and mortality. Circulation 1999; 99:916-8.
8. Lamour JM, Kanter KR, Naftel DC, Chrisant MR,
Morrow WR, Clemson BS, Kirklin JK; Cardiac
Transplant Registry Database; Pediatric Heart
Transplant Study. The effect of age, diagnosis, and
previous surgery in children and adults undergoing
heart transplantation for congenital heart disease. J
Am Coll Cardiol 2009; 54:160-5.
9. Lindberg HL, Saatvedt K, Seem E, Hoel T, Birkeland
S. Single-center 50 years’ experience with surgical
management of tetralogy of Fallot. Eur J Cardiothorac
Surg 2011; 40:538-42.
10. Vohra HA, Whistance RN, Chia AX, Janusauskas
V, Nikolaidis N, Roubelakis A, Veldtman G, Roman
K, Vettukattil JJ, Gnanapragasam J, Salmon AP,
Monro JL, Haw MP. Long-term follow-up after
primary complete repair of common arterial trunk
with homograft: a 40-year experience. J Thorac
Cardiovasc Surg 2010; 140:325-9.
11. D i Carlo D, Tomasco B, Cohen L, Vouhé P,
Lecompte Y. Long-term results of the REV
(réparation à l’étage ventriculaire) operation.
J Thorac Cardiovasc Surg 2011; 142:336-43.
Références
1. Houyel L, Khoshnood B, Anderson RH, Lelong N,
Thieulin AC, Goffinet F, Bonnet D; EPICARD Study
group. Population-based evaluation of a suggested
anatomic and clinical classification of congenital heart
defects based on the International Paediatric and
Congenital Cardiac Code. Orphanet J Rare Dis 2011;
6:64.
2. J egatheeswaran A, Pizarro C, Caldarone CA,
Cohen MS, Baffa JM, Gremmels DB, Mertens L,
Morell VO, Williams WG, Blackstone EH, McCrindle
BW, Overman DM. Echocardiographic definition
and surgical decision-making in unbalanced
atrioventricular septal defect: a Congenital Heart
Surgeons’ Society multiinstitutional study. Circulation
2010; 122(11 Suppl):S209-15.
3. Hashmi A, Abu-Sulaiman R, McCrindle BW, Smallhorn
JF, Williams WG, Freedom RM. Management
and outcomes of right atrial isomerism: a 26-year
experience. J Am Coll Cardiol 1998; 31:1120-6.
4. Gilljam T, McCrindle BW, Smallhorn JF, Williams WG,
Freedom RM. Outcomes of left atrial isomerism over
a 28-year period at a single institution. J Am Coll
Cardiol 2000; 36:908-16.
5. Serraf A, Bensari N, Houyel L, Capderou A, Roussin
R, Lebret E, Ly M, Belli E. Surgical management of
congenital heart defects associated with heterotaxy
syndrome. Eur J Cardiothorac Surg 2010; 38:721-7.
65
66
7. SECOND ARRANGEMENT
DÉSORDONNÉ
Le second pot-pourri du programme s’est ouvert sur le
bilan des MALFORMATIONS EXTRA-CARDIAQUES
DES HÉTÉROTAXIES par Bettina BESSIÈRES.
À nouveau, elle rappelle que le terme hétérotaxie
signifie anomalie de l’asymétrie viscérale et vient
du grec hétéros = autre et taxis = arrangement. Le
placement des organes est anormal, différent, par
opposition à l’arrangement habituel (situs solitus)
ou inversus (en miroir). L’hétérotaxie s’accompagne
souvent de cardiopathies et d’anomalies extracardiaques. Ces dernières associent des anomalies
du situs broncho-pulmonaire avec parfois absence de
l’asymétrie droite-gauche (isomérisme), des anomalies
du situs des viscères abdominaux (situs ambiguus)
et des malformations extracardiaques intéressant
essentiellement des structures de la ligne médiane1,
axe selon lequel s’établit l’asymétrie droite-gauche des
viscères.
de chaque coté, et de type gauche dans l’isomérisme
gauche avec deux lobes pulmonaires de chaque coté.
Les anomalies du situs viscéral abdominal sont
communes dans l’hététérotaxie2-5 par opposition à
l’arrangement habituel en situs solitus, normal (Figure
7.3) ou en miroir (inversus). Les deux principales souscatégories sont le situs ambiguus avec polysplénie,
associant des anomalies de rotation intestinale
(mésentère commun) et deux lobes pulmonaires de
chaque côté ou isomérisme gauche (Figure 7.4); et le
situs ambiguus avec asplénie associant anomalies de
rotation du tube digestif (estomac à droite, mésentère
commun), foie médian et trois lobes pulmonaires de
chaque côté ou isomérisme droit (Figure 7.5).
Les malformations extracardiaques sont décrites dans
environ 50% des hétérotaxies. Il s’agit de malformations
affectant des structures de la ligne médiane ou
découlant de la rupture de la barrière médiane qui
sépare gauche et droite. Les atteintes sont multiples,
principalement gastro-intestinales, génito-urinaires,
système nerveux central, cranio-faciales, squelettiques,
endocrines.
Les anomalies broncho-pulmonaires sont donc des
anomalies de situs. Dans l’arrangement normal, appelé
situs solitus, les bronches souches sont asymétriques
du fait de caractéristiques propres (Figure 7.1).
À gauche, la bronche souche est longue, de type
hypartériel et sa division se fait après le croisement avec
l’artère pulmonaire; le poumon comporte deux lobes.
A droite, la bronche souche est courte, épartérielle
et se divise rapidement; le poumon comporte trois
lobes. En cas d’hétérotaxie, l’asymétrie bronchopulmonaire disparaît parfois au profit d’une symétrie
appelée isomérisme, d’où des bronches souches
identiques de chaque coté (Figure 7.2) : de type droit
dans l’isomérisme droit avec trois lobes pulmonaires
Pour illustrer ce propos, l’analyse des dossiers
d’hétérotaxie des fœtus de la cohorte EPICARD,
étude épidémiologique en population de 2867 enfants
atteints de cardiopathies congénitales nés vivants
(82%), morts in utero (1,8%) ou ayant fait l’objet d’une
interruption médicale de grossesse (16,2%), de mai
2005 à avril 2008 à Paris ou sa petite couronne6, a
permis de recueillir les données suivantes. Les
Figure 7.1 : Anatomie de la division bronchique en situs solitus
Il s’agit d’une vue postérieure. La bronche droite, à droite sur la pièce et le schéma, est moins horizontale et courte car
elle se divise vite. La bronche gauche, à gauche sur la pièce et le schéma, est plus horizontale et plus longue.
67
Figure 7.2 : Isomérismes bronchiques
À gauche, les deux bronches sont courtes et se divisent vite, de type droit : c’est un isomérisme droit.
À droite, les deux bronches sont plus horizontales et s’étendent jusqu’aux hiles sans se diviser, de type gauche : c’est
un isomérisme gauche.
Figure 7.3 : Viscères en situs solitus (normal)
Remarquer le situs solitus bronchique,
l’asymétrie pulmonaire, le foie à droite, une seule
rate normale à gauche. Le grêle et le colon ont
une disposition normale.
Figure 7.4 : Viscères en situs ambiguus avec polysplénie
(isomérisme gauche)
Remarquer l’isomérisme bronchique gauche, les deux poumons
bilobés (type gauche), le foie normal à droite, mais de nombreuses
petites rates à gauche (pièce). Grêle et colon sont de part et
d’autre de l’abdomen en raison d’un mésentère commun.
68
Figure 7.5 : Viscères en situs ambiguus avec asplénie (isomérisme droit)
Remarquer l’isomérisme bronchique droit, les deux poumons trilobés (type droit), le foie à droite et pas de rate. La
malrotation intestinale est la même du fait d’un mésentère commun.
En bas au milieu, pièce montrant une variante avec foie médian (deux lobes droits) et toujours le mésentère commun.
69
hétérotaxies représentent 1,3% de la cohorte et
concernent 29 fœtus : 28 interruptions de grossesse et
une mort fœtale in utero; tous ont eu un examen fœtopathologique; le diagnostic d’hétérotaxie était suspecté
pour 13 d’entre eux en anténatal, majoritairement par
les cardio-pédiatres à l’échographie; neuf avaient un
bloc auriculo-ventriculaire et deux cas étaient familiaux
(récidive connue dans la fratrie).
imperforation anale), les anomalies génito-urinaire
(14%) sont surtout des anomalies rénales (agénésie,
hypoplasie, fusion) et des anomalies utérines. Les
malformations du système nerveux central (7%)
concernent également surtout la ligne médiane, sont
associées parfois à des anomalies vertébrales et
peuvent également toucher le système endocrine avec
surrénales fusionnées.
Les anomalies de situs affectaient presque toujours
la rate : polysplénie gauche dans 49%, asplénie
dans 34%, polysplénie droite dans 7%, rate unique
à gauche (normale) dans 7% et rate unique à droite
dans 3%. Dans 57% des cas de polysplénie, il y
avait un isomérisme pulmonaire gauche (58% dans
la littérature 1) et dans 60% des cas d’asplénie, un
isomérisme broncho-pulmonaire droit (contre 84% dans
la littérature1).
L’étiologie des hétérotaxies est loin d’être tout à fait
comprise. Habituellement sporadiques, elles peuvent
aussi se transmettre sur un mode autosomique récessif,
dominant ou lié à l’X. Elles sont observées également en
cas de diabète maternel ou de prise d’acide rétinoïque.
La position des organes asymétriques se décide très tôt
chez l’embryon, au moment de la gastrulation, grâce à
des courants liquides orchestrés par des cils vibratiles
à mouvement rotatoire vers la gauche, présents à la
surface du nœud de Hensen. Un défaut du cil conduit
à une anomalie de mise en place de la latéralité des
organes. Le mouvement des cils explique la dynamique
de migration; mais ce sont vraisemblablement les
molécules et gènes de latéralité qui détiennent le plan
de notre asymétrie. Le seul gène dont l’implication soit
prouvée chez l’homme est ZIC 3 (transmission liée à l’X).
Les variations de situs, tant abdominal que bronchopulmonaire, étaient nombreuses et ne suivaient pas
les schémas des deux principales catégories. Une
malrotation intestinale à type de mésentère commun
complet ou incomplet était observée dans 70% des
cas.
Les malformations extra-cardiaques associées ont été
retrouvées dans environ la moitié des cas de la cohorte,
essentiellement gastro-intestinales (8), génito-urinaires
(5) et du système nerveux central (4). En revanche, il n’y
avait pas de malformations crânio-faciales majeures ni
d’anomalies endocrines dans la cohorte. Dans le détail :
L’hétérotaxie est également décrite dans certaines
anomalies chromosomiques et certaines maladies plus
pléiotropes comme le syndrome de Meckel ou BardetBiedl ou le syndrome de Kartagener qui sont des
ciliopathies atteignant d’autres organes et dans lesquels
il peut y avoir des anomalies de situs.
• l es malformations gastro-intestinales étaient plus
fréquentes en cas de polysplénie que d’asplénie
(sept vs. une) et elles étaient toutes associées à
une malrotation intestinale dans cette série. Ont
été observés un pancréas annulaire (deux cas),
une agénésie de la queue du pancréas, une atrésie
duodénale, une atrésie jéjunale, une bride de Ladd
et une éventration diaphragmatique avec empreinte
hépatique;
• les malformations génito-urinaires étaient des reins
pelviens, une dilatation pyélique, une duplication
urétérale, une hypertrophie rénale avec quelques
dilatations tubulaires et une malformation périnéale
complexe avec anomalies sacrées;
• les anomalies du système nerveux central consistaient
en deux défauts de fermeture du tube neural de type
myélo-méningocèle, une dilatation ventriculaire et une
hypoplasie cérebelleuse;
• e nfin, aucune anomalie chromosomique n’a été
décélée au sein de la cohorte et aucun cas ne
s’inscrivait au sein d’un syndrome étiqueté connu;
deux ont fait l’objet de récidive.
En conclusion, l’hétérotaxie est un large spectre
d’anomalies de développement où le placement des
organes est différent de l’arrangement habituel. Il
convient de la suspecter en anténatal3,5 devant une
cardiopathie de type canal atrio-ventriculaire avec
ventricule droit à double issue, des anomalies du
retour veineux systémique et/ou pulmonaire, un bloc
atrio-ventriculaire, car son pronostic est plus péjoratif
que celui d’une cardiopathie isolée 3, en raison des
malformations extracardiaques souvent graves qui
lui sont associées dans 50% des cas. L’échographie
fœtale recherche les éléments diagnostiques et
pronostiques pour orienter la prise en charge néonatale,
notamment une malrotation ou obstruction intestinale,
une rate absente ou une polysplénie, les cardiopathies
étant plus graves dans l’asplénie, une continuation
azygos de la veine cave inférieure, des signes d’atrésie
biliaire5. En cas d’interruption de grossesse, un examen
fœto-pathologique est indispensable pour compléter
la description phénotypique et progresser dans
la compréhension du mécanisme. Enfin, la cohorte
EPICARD corrobore les données de la littérature quant
à l’hétérogénéité des anomalies extracardiaques dans
l’hétérotaxie, défiant la catégorisation en asplénie ou
polysplénie.
Dans la littérature1-5, les principales autres malformations
décrites sont des anomalies crânio-faciales (9%),
essentiellement de la ligne médiane à type de fentes
(5.6%) ou d’hypertélorisme. Les malformations gastrointestinales atteignent 10% des cas (omphalocèle,
absence de vésicule biliaire, atrésie des voies biliaires,
70
pneumocoque, l’hémophilus influenzae, N. méningitidis.
Dans une étude pédiatrique menée entre 1993 et 1999
aux Etats-Unis, on a trouvé 22 patients aspléniques
dans 2580 épisodes infectieux à pneumocoque, dont
12 avaient une asplénie congénitale, isolée trois fois1.
L’infection à pneumocoque survenait à un âge médian
de 12,5 mois.
Références
1. Ticho BS, Goldstein AM, Van Praagh R. Extracardiac
anomalies in the heterotaxy syndromes with focus
on anomalies of midline-associated structures. Am J
Cardiol 2000; 85:729-34.
2. Ferdman B, States L. Abnormalities of intestinal rotation
in patients with congenital heart disease and the
heterotaxy syndrome. Cong Heart Dis 2007; 2:12-8.
3. L im JS, McCrindle BW, Smallhorn JF, Golding F,
Caldarone CA, Taketazu M, Jaeggi ET. Clinical
features ,management, and outcome of children
with fetal and postnatal diagnoses of isomerism
syndromes. Circulation 2005;112:2454-61.
4. Fulcher AS, Turner MA. Abdominal manifestations
of situs anomalies in adults. Radiographics 2002;
22:1439-56.
5. Salomon LJ, Baumann C, Delezoide AL, Oury JF,
Pariente D, Sebag G, Garel C. Abnormal abdominal
situs: what and how should we look for ? Prenat
Diagn 2006; 26:282-5.
6. Houyel L, Khoshnood B, Anderson RH, Lelong N,
Thieulin AC, Goffinet F, Bonnet D; EPICARD Study
group. Population-based evaluation of a suggested
anatomic and clinical classification of congenital heart
defects based on the International Paediatric and
Congenital Cardiac Code. Orphanet J Rare Dis 2011;
6:64.
Parmi les facteurs de risques de survenue d’une
infection sévère, le jeune âge (< 2 ans) est critique
du fait du défaut de production d’anticorps antipolysaccharides et certaines causes sont plus
exposées, comme la thalassémie ou la maladie de
Hodgkin, puis la sphérocytose et l’asplénie posttraumatique où le risque est plus faible. En fait, la
vaccination anti-pneumococcique, la prophylaxie antiinfectieuse et l’information des patients ont permis une
diminution importante de la mortalité et de l’incidence
des infections invasives sévères.
S’agissant des asplénies congénitales isolées, le risque
infectieux est également accru : une étude récente de
20 patients ayant une asplénie congénitale isolée2 fait
état d’une infection invasive chez 75% des patients (à
pneumocoque dans 61%) avec une mortalité de 45% à
l’âge médian de 12 mois chez les sujets n’ayant reçu ni
vaccination ni antibio-prophylaxie anti-pneumococcique.
De même, les asplénies/hyposplénies associées à une
hétérotaxie ont un risque accru d’infection puisque que
sur une série de 29 patients3, un sepsis est survenu
dans 24%, ce qui est nettement plus que les 12%
observés dans une cohorte d’enfants opérés pour
cardiopathies complexes : les sept patients atteints
avaient cinq fois une asplénie et deux fois une
polysplénie.
Le diagnostic d’asplénie ou d’hyposplénie repose sur
l’échographie abdominale en cas d’asplénie anatomique
et sur l’étude du pourcentage de "pitted erythrocytes"
(érythrocytes avec des encoches) dont le taux normal
est < 4% sur le frottis sanguin. Un taux > 4% témoigne
d’une asplénie ou d’une hyposplénie et il est entre 15 et
70% en cas d’asplénie. Ce test est simple, reproductible
et fournit des données quantitatives mais requiert un
microscope spécifique d’interférence de phase peu
disponible. La présence répétée de corps de Jolly
sur le frottis sanguin alors qu’ils en sont normalement
absents témoigne d’une asplénie fonctionnelle,
mais ce test est peu sensible et ne détecte pas une
hyposplénie modérée. On conseille alors de recourir à
une scintigraphie splénique au technétium99 qui permet
d’apprécier la fonction phagocytaire de la rate.
Brigitte BADER-MEUNIER a ensuite fait une mise
au point sur les ASPLÉNIES en commençant par
rappeler que le syndrome d’hétérotaxie peut être
associé à une absence de rate ou une polysplénie
ayant pour conséquence une asplénie anatomique ou
fonctionnelle. Dans tous les cas, l’asplénie expose à un
risque infectieux et de thrombose.
Le risque infectieux est primordial. On sait que la rate
joue un rôle majeur dans les défenses anti-infectieuses :
clearance des bactéries opsonisées du sang par les
cellules phagocytaires, phagocytose des bactéries,
activation du complément, production d’activateur
(properdine…), d’anticorps anti-polysaccharides
(lymphocytes B de la zone marginale), de lymphocytes
B mémoire. L’incidence annuelle des infections graves
chez les sujets aspléniques est 50 à 500 fois supérieure
à celle de la population générale. Les infections
invasives surviennent dans 80% des cas dans les trois
premières années après une splénectomie et elles sont
très graves (environ 50% de mortalité dans les infections
fulminantes). Les principaux germes responsables de
ces infections sont des germes encapsulés tel que le
La prévention des infections sévères est donc essentielle
chez les patients hétérotaxiques avec asplénie ou
hyposplénie. Elle repose sur : 1/ l’information des
patients et de leurs familles du risque infectieux
persistant à vie, de la nécessité d’une antibiothérapie
rapide en cas de fièvre, de la prévention du paludisme
en cas de voyage, d’un traitement rapide en cas de
morsures de chien ou de chat par Augmentin ®; une
carte signalant l’asplénie doit être également remise
71
au patient; 2/ la vaccination anti-pneumocoque par
le Pneumo 23® et le Prevenar 13® et la vaccination
contre l’hémophilus, le méningocoque et la grippe;
3/ l’antibiothérapie prophylactique recommandée chez
les enfants < 5 ans et si possible après, reposant sur la
prise d’Oraciline® (ou d’Erythromycine ou de Bactrim®
en cas d’allergie). L’antibiothérapie curative doit être
effectuée rapidement en cas de signes d’infection et il
est recommandé d’avoir en permanence à domicile de
la Rocephine® à injecter en cas de signes de sepsis et
du Clamoxyl® en cas de fièvre isolée avec consultation
médicale rapide.
Parce que certaines hétérotaxies peuvent, du fait de
leur traitement chirurgical particulier, se compliquer de
FISTULES ARTÉRIO-VEINEUSES PULMONAIRES,
nous avons demandé à Olivier SITBON de traiter
ce sujet rare mais fascinant. Plus précisément, il
s’agit de shunts artério-veineux pulmonaires qui
se rencontrent dans deux situations pathologiques :
le syndrome hépato-pulmonaire et les malformations
artério-veineuses pulmonaires (MAVP) dont l’étiologie
principale est la maladie de Rendu-Osler (90% des cas).
Ces shunts et MAVP peuvent également se rencontrer
au décours de certains montages chirurgicaux dans
des cardiopathies congénitales complexes, un des plus
connus étant l’anastomose de Glenn entre la veine cave
supérieure et l’artère pulmonaire droite.
Le risque de thromboses est fortement suggéré par
plusieurs études récentes, thrombose veineuse et
survenue d’hypertension artérielle pulmonaire à l’âge
adulte chez les patients ayant subi une splénectomie
plusieurs années auparavant.
La maladie de Rendu-Osler ou télangiectasie
hémorragique héréditaire est une maladie dysplasique
vasculaire génétique associant épistaxis spontanées
récurrentes, télangiectasies cutanées et malformations
artério-veineuses viscérales (pulmonaires, cérébrales,
hépatiques)1. Sa prévalence minimale en France est
estimée à 1/10 000 habitants. Sa transmission est
autosomique dominante, l’expression est variable et
la pénétrance liée à l’âge (complète vers 40-50 ans).
Les signes sont absents à la naissance, les épistaxis
surviennent avant l’âge de 20 ans dans 50% cas, les
MAVP vers la puberté et les télangiectasies cutanées
et viscérales sont souvent plus tardives. Trois gènes
et cinq locus ont été identifiés : les mutations les plus
fréquentes sont celles du gène ENG (9q33-34) qui
code l’endogline et celles du gène ACVRL1 (12q11-14)
qui code un récepteur membranaire à activité sérinethréonine kinase, ALK-12.
En conclusion, les patients atteints d’hétérotaxie doivent
être soumis à une évaluation anatomique et fonctionnelle
de la rate par échographie splénique, recherche de
corps de Jolly et scintigraphie au technétium. En cas
d’asplénie ou d’hyposplénie, l’éducation thérapeutique,
la vaccination et l’antibiothérapie prophylactique et
curative sont essentielles. Enfin, en raison de la très
forte probabilité d’un risque accru de thrombose, l’anticoagulation prophylactique dans les situations à risque
de thrombose et la détection répétée prolongée de
survenue d’hypertension artérielle pulmonaire sont
également souhaitables.
Références
Les MAVP (15 à 30% des patients) sont la principale
complication viscérale de la maladie de Rendu-Osler3.
Elles sont responsables d’accidents neurologiques
infectieux et ischémiques par embolie paradoxale parfois
révélateurs. La fréquence des accidents neurologiques
chez des sujets asymptomatiques justifie le dépistage
systématique de MAVP chez les patients atteints de
cette maladie : la radiographie thoracique, l’échographie
cardiaque de contraste et/ou la tomodensitométrie
jouent ici un rôle essentiel2. Le traitement actuel des
MAVP est la vaso-occlusion de l’artère afférente par
voie endovasculaire percutanée3.
1. Schutze GE, Mason EO Jr, Barson WJ, Kim KS, Wald
ER, Givner LB, Tan TQ, Bradley JS, Yogev R, Kaplan
SL. Invasive pneumococcal infections in children with
asplenia. Pediatr Infect Dis J 2002; 21:278-82.
2. Mahlaoui N, Minard-Colin V, Picard C, Bolze A, Ku CL,
Tournilhac O, Gilbert-Dussardier B, Pautard B, Durand
P, Devictor D, Lachassinne E, Guillois B, Morin M,
Gouraud F, Valensi F, Fischer A, Puel A, Abel L, Bonnet
D, Casanova JL. Isolated congenital asplenia: a French
nationwide retrospective survey of 20 cases. J Pediatr
2011; 158:142-8.
3. Prendiville J, Rogers M, Kan A, de Castro F, Wong
M, Junker A, Becknell C, Schultz K. Pigmented
hypertrichotic dermatosis and insulin dependent
diabetes: manifestations of a unique genetic disorder?
Pediatr Dermatol 2007; 24:101-7.
Le syndrome hépato-pulmonaire est défini par une
triade 4 associant : 1/ hypertension portale avec ou
sans hépatopathie; 2/ augmentation de la différence
alvéolo-artérielle en oxygène (DAaO2 > 15 mmHg en
air ambiant); 3/ dilatations vasculaires intra-pulmonaires
responsables d’un shunt artério-veineux pulmonaire.
La fréquence du syndrome hépato-pulmonaire est de
l’ordre de 10-15% au cours de l’hypertension portale,
plus élevée chez l’enfant. Sa mortalité est élevée avec
une médiane de survie de 30 mois après le diagnostic5.
La principale caractéristique de ce syndrome est
un remodelage vasculaire important traduisant
72
l’augmentation de l’angiogenèse pulmonaire. On
observe ainsi en anatomo-pathologie une dilatation
diffuse des vaisseaux capillaires pulmonaires avec un
diamètre pouvant atteindre 500 µm pour une normale
< 10 µm. Ces anomalies prédominent aux bases. À
ces vaisseaux dilatés peuvent parfois s’associer de
vraies fistules artério-veineuses pulmonaires micro- ou
macroscopiques, notamment sous-pleurales. Il est
intéressant de noter que ces patients ont de manière
significative plus d’angiomes stellaires cutanés, ce
qui suggère que l’angiogenèse est également plus
importante au niveau des vaisseaux périphériques5,6.
gauches après au moins trois battements cardiaques,
ce qui est bien différent du passage immédiat en cas de
shunt intracardiaque. La scintigraphie pulmonaire aux
macro-agrégats d’albumine marquée au technétium99
est un autre moyen de diagnostic. L’évolution se fait
habituellement vers l’aggravation, de façon indépendante
de la gravité de la maladie hépatique. Le seul traitement
efficace est la transplantation hépatique permettant la
régression du syndrome dans 80 % des cas5,6.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi un défaut
de fonctionnement du foie a des conséquences
majeures sur la circulation pulmonaire5,7,8 (Figure 7.6).
Ces anomalies vasculaires pulmonaires entraînent
une hypoxémie par deux mécanismes4 : effets shunt
(perfusion augmentée avec ventilation normale)
et trouble de la diffusion (pour l’oxygène, l’espace
à franchir est augmenté dans le capillaire dilaté, et
le temps de transit des hématies est raccourci du
fait du syndrome hyperkinétique). La prédominance
des lésions vasculaires aux lobes inférieurs explique le
phénomène d’orthodéoxie et de platypnée (aggravation
de l’hypoxémie et de la platypnée en orthostatisme).
1. Le poumon est placé en première ligne de défense
contre les agressions toxi-infectieuses d’origine
digestive : l’hypertension portale qui accompagne
la plupart des hépatopathies chroniques conduit
au développement d’anastomoses porto-caves
qui exposent le poumon à diverses substances
d’origine digestive (endotoxines, cytokines, facteurs
vasoactifs) habituellement métabolisées par le
foie. Le système phagocytaire de Kupffer étant
shunté, c’est au poumon que revient la charge
d’épurer les bactéries et toxines circulantes. D’où
le recrutement et l’accumulation d’un nombre
considérable de macrophages dans la circulation
pulmonaire. Ces macrophages activés par les
endotoxines et les cytokines circulantes d’origine
digestive sont responsables, via la stimulation de
la NO synthase inductible (iNOS), d’une production
très augmentée de monoxyde d’azote dans les
vaisseaux pulmonaires, avec pour conséquence
une intense vasodilatation pulmonaire 9. Outre le
La dyspnée d’effort est le maître symptôme du
syndrome hépato-pulmonaire, volontiers associée à
des angiomes stellaires, un hippocratisme digital et une
cyanose. Le diagnostic repose sur la mise en évidence
d’une augmentation de la DAaO2 > 15 mmHg en air
ambiant (> 20 mmHg chez les sujets de plus de 64 ans).
La simple mesure des gaz du sang artériel permet de
la calculer : DAaO2 = 150 - PaO2 - [PaCO2/0,8]. Les
dilatations vasculaires intrapulmonaires sont facilement
mises en évidence par l’échocardiographie de contraste
qui montre le passage des microbulles dans les cavités
Figure 7.6 : Interaction entre l’hypertension portale des hépatopathies chroniques et la vascularisation pulmonaire
73
monoxyde d’azote, les macrophages sécrètent de
nombreux autres facteurs vaso-actifs, des cytokines
pro-inflammatoires comme le TNF-a et des facteurs
stimulant l’angiogenèse comme le VEGF.
8. Hervé P, Le Pavec J, Sztrymf B, Decante B, Savale L,
Sitbon O. Pulmonary vascular abnormalities in cirrhosis.
Best Pract Res Clin Gastroenterol. 2007; 21:141-59.
9. Nunes H, Lebrec D, Mazmanian M, Capron F, Heller J,
Tazi KA, Zerbib E, Dulmet E, Moreau R, Dinh-Xuan AT,
Simonneau G, Hervé P. Role of nitric oxide in hepatopulmonary syndrome in cirrhotic rats. Am J Respir Crit
Care Med 2001; 164:879-85.
10. Srivastava D, Preminger T, Lock JE, Mandell V, Keane
JF, Mayer JE, Jr., Kozakewich H, Spevak PJ. Hepatic
venous blood and the development of pulmonary
arteriovenous malformations in congenital heart
disease. Circulation 1995; 92:1217-22.
11. D uncan BW, Desai S. Pulmonary arteriovenous
malformations after cavopulmonary anastomosis. Ann
Thorac Surg 2003; 76:1759-66.
12. Clément B, Musso O, Liétard J, Théret N. Homeostatic
control of angiogenesis: A newly identified function of
the liver? Hepatology 1999; 29:621-3.
2. L e foie est un organe essentiel de contrôle de
l’angiogenèse pulmonaire : la diminution du débit
sus-hépatique et/ou l’insuffisance hépatocellulaire
privent le poumon de facteurs circulants normalement
synthétisés par le foie et déversés dans la veine
cave inférieure (cytokines, hormones, facteurs vasoactifs). Ce phénomène est reproduit dans d’autres
situations comme les interruptions du flux cave sushépatique (syndrome de Budd-Chiari par exemple)
et certains montages chirurgicaux dont le plus connu
est l’anastomose cavo-pulmonaire droite (Glenn)
où le poumon droit, contrairement au gauche, ne
reçoit plus de sang d’origine hépatique10,11. Un de
ces facteurs hépatiques faisant défaut au poumon
est un facteur de régulation de l’angiogenèse
pulmonaire dont la nature exacte est inconnue mais
l’importance bien démontrée. Ainsi, les enfants
bénéficiant de ce type d’anastomose développent
dans les mois suivants et dans la majorité des cas
des MAVP microscopiques, voire macroscopiques,
réalisant un shunt intrapulmonaire. La réintroduction
par anastomose chirurgicale du sang veineux sushépatique dans l’artère pulmonaire droite les fait
régresser. Ces observations prouvent qu’un facteur
inhibiteur de l’angiogenèse produit par le foie exerce
un contrôle négatif sur l’angiogenèse pulmonaire. Il
pourrait s’agir de l’endostatine ou de l’angiostatine12.
Enfin, le Séminaire s’est clos sur une sorte de feu
d’artifice tiré par Edmund GITTENBERGER et
mystérieusement intitulé "DES ESCARGOTS ET DES
HOMMES". Mais le mystère a été vite levé. Les
coquilles spiralées des escargots sont bien connues des
enfants et des adultes mais le fait que ces enroulements
puissent être “droitiers” ou “gauchers” l’est moins
couramment1. La plupart des escargots sont droitiers :
quand on regarde la coquille la pointe en haut, son
orifice se trouve à droite dans l’immense majorité des
espèces (Figure 7.7). Le sens de l’enroulement est un
caractère spécifique de l’espèce dans tous les genres
d’escargots sauf un : Amphidromus, qui a une chiralité
aberrante car, dans ce genre, on voit cohabiter dans
beaucoup d’espèces des individus droitiers ou gauchers
dans une proportion plus ou moins stable au sein d’une
même population. Dans beaucoup d’espèces, on a
parfois identifié, parmi des d’individus normalement
spiralés, un ou (rarement) plusieurs individus spiralés “en
miroir”. On ne sait pas si ces spécimens au phénotype
déviant sont toujours de vrais mutants pour la chiralité.
Références
1. Guttmacher AE, Marchuk DA, White RI, Jr. Hereditary
hemorrhagic telangiectasia. N Engl J Med 1995;
333:918-24.
2. C ottin V, Blanchet AS, Cordier JF. Manifestations
pulmonaires de la telangiectasie hémorragique héréditaire.
Rev Mal Respir 2006; 23 Suppl 2:4S53-4S66.
3. Cottin V, Chinet T, Lavole A, Corre R, Marchand E,
Reynaud-Gaubert M, Plauchu H, Cordier JF. Pulmonary
arteriovenous malformations in hereditary hemorrhagic
telangiectasia: a series of 126 patients. Medicine
(Baltimore) 2007; 86:1-17.
4. Rodriguez-Roisin R, Krowka MJ, Herve P, Fallon MB.
Pulmonary-Hepatic vascular Disorders (PHD). Eur Respir
J 2004; 24:861-80.
5. Hervé P, Lebrec D, Brenot F, Simonneau G, Humbert
M, Sitbon O, Duroux P. Pulmonary vascular disorders in
portal hypertension. Eur Respir J 1998; 11:1153-66.
6. T hévenot T, Pastor CM, Cervoni JP, Jacquelinet C,
Nguyen-Khac E, Richou C, Heyd B, Vanlemmens C,
Mantion G, Di Martino V, Cadranel J. Syndrome hépatopulmonaire. Gastroenterol Clin Biol 2009; 33:565-79.
7. Panos RJ, Baker SK. Mediators, cytokines, and growth
factors in liver-lung interactions. Clin Chest Med 1996;
17:151-69.
Un fait ne manque pas de surprendre : les coquilles
réalisées par l’homme sont beaucoup plus souvent
gauchères que celles qu’on observe dans la nature. Ce
phénomène a à voir avec la chiralité humaine. Quand
on demande à une dizaine d’enfants d’une crèche
de dessiner des escargots, tous sauf un leur font une
coquille spiralée à gauche alors qu’ils sont droitiers;
la petite fille qui avait dessiné une coquille droitière
avait, pour faire sa spirale, été aidée par un enseignant
gaucher ! Dans la mesure où, à quelques exceptions
74
près, il n’y a rien de fonctionnel dans la chiralité, on
peut en conclure que le divin Créateur est probablement
gaucher2. Rembrandt et d’autres artistes de son temps
ne se préoccupaient pas de chiralité : sa célèbre
gravure représentant une coquille (Conus marmoreus)
est incorrecte car dans certaines familles d’escargots, la
protoconque, c’est-à-dire la partie de la coquille formée
à l’intérieur de l’oeuf, est spiralée dans le sens inverse
de ce qu’on nomme la téléconque, formée après
l’éclosion. Ainsi, l’apex d’une telle coquille possède des
spires initiales à angle droit avec celles du reste de la
coquille.
en miroir et c’est ce qui a été récemment observé dans
la jungle malaisienne (Figure 7.8) par l’inspection de
couples d’escargots5.
Un autre cas de fonctionnalité liée à la chiralité a
été rapporté qui concerne des serpents prédateurs
spécialisés dans la capture d’escargots6 : l’asymétrie de
leur mandibule et de leurs dents leur permet de mieux
agripper les coquilles droitières, d’où une sélection en
faveur de la sinistralité lorsqu’apparaissent ces serpents
et l’origine de certaines espèces gauchères dans cette
région. Quand les coquilles sont sinistroïdes, la courbure
irrégulière de la dernière spire rétrécit cette dernière, ce
qui obstrue la voie de capture par les prédateurs des
petits arthropodes.
Les parties molles d’un escargot sont largement
(quoique pas tout-à-fait) symétriques de manière
bilatérale. L’orifice génital et le pneumostome se font
face dans presque toutes les espèces à coquille
droitière. On dit alors que le corps est droitier. Mais
cette règle a des exceptions et toutes les variantes
concernant la courbure de la proto- et de la téléconque
ainsi que l’asymétrie du corps ont été inventoriées il y a
près de 20 ans3. Un autre type d’enroulement, nommé
“sinistroïde”, a été ajouté plus tard4 pour les coquilles
qui ont l’air gauchères mais uniquement parce que
la moitié distale de la dernière spire a une courbure
irrégulière, de telle sorte qu’en vue frontale, l’apex
pointant vers le haut, l’orifice est situé du côté gauche
bien que la presque totalité de la coquille est spiralée de
façon droitière. Dans de très rares espèces, les spires
s’enroulent de manière encore plus irrégulière.
Les escargots conspécifiques en miroir sont en
situs inversus complet, ce qui est une condition très
rare chez l’humain. Ceci a des implications dans un
mécanisme original de spéciation, à savoir la division
d’une population particulière (ou d’une espèce) en
deux sous-populations reproductibles isolées qui
peuvent éventuellement être considérées comme
des espèces différentes. Ainsi, chez les escargots à
coquilles globuleuses comme “l’escargot” bien connu,
les individus en miroir ne peuvent pas copuler car leurs
orifices génitaux restent trop éloignés au cours du
processus de pénétration lorsqu’ils s’approchent l’un
de l’autre de manière frontale (Figures 7.9 et 7.10).
C’est ici qu’intervient le contexte génétique de la
chiralité. Le concept d’une régulation du sens
d’enroulement des spirales des coquilles d’escargots
par un gène maternel unique avec deux allèles est
accepté depuis près d’un siècle7. Maternel signifie que
le génotype de la “mère” (presque tous les escargots
dotés de poumons sont hermaphrodites) determine le
phénotype de toute sa descendance. Cette hérédité
“retardée” a des conséquences complexes sur le
Dans certains cas, la chiralité peut avoir des
conséquences fonctionnelles et intervenir dans la
sélection et l’adaptation. Chez Amphidromus, des
escargots conspécifiques en miroir ont des organes
génitaux qui se correspondent mieux, ce qui favorise la
fertilisation, contrairement aux individus dont les spirales
sont identiques. En conséquence, il est avantageux
pour ces individus de s’accoupler avec un partenaire
Figure 7.8 : Individus en miroir d’Amphidromus
La copulation d’individus en miroir est possible et même
avantageuse dans cette espèce. L’escargot de gauche
est droitier et celui de droite est gaucher.
(Document dû à l’obligeance du Prof. Dr. M. Schilthuizen).
Figure 7.7 : Coquille "droitière" typique d’Helix
pomatia (l’escargot)
75
à certains gènes connus chez l’homme pour leur
liaison à la latéralité. Il s’avéra que leurs équivalents
homologues étaient aussi présents chez les escargots.
Ces expériences commencèrent en juillet, période active
de reproduction pour ces animaux, et durèrent jusqu’en
décembre, c’est-à-dire plus longtemps que prévu, ce
qui fournit des informations supplémentaires. Il apparut
que cinq gènes, à savoir Nodal, Bone Morphogenetic
Protein 4, Fibroblast Growth Factor 8, Inversin, et LeftRight Dynein, s’exprimèrent de façon inégale chez
les escargots droitiers ou gauchers, mais uniquement
pendant les premiers mois de l’expérimentation, alors
que les animaux étaient toujours en période active
de reproduction9, fait confirmé plus récemment pour
Nodal10. Mais l’identité du gène situé au sommet de
la cascade de gènes associés à la chiralité ou à la
latéralité d’une vaste gamme de groupes animaux
reste inconnue. Pour l’heure, on ne peut conclure,
une fois de plus, qu’un nombre relativement restreint
de gènes régulateurs détermine la différenciation d’un
individu en escargot, en poulet ou en être humain. Il est
évidemment tentant de supposer11 que la latéralité des
humains et la chiralité des escargots est contrôlée par
les mêmes gènes maternels.
Figures 7.9 : Individus en miroir d’Arantia
arbustorum
Début des "avances", l’escargot de gauche est gaucher
et celui de droite est droitier.
Références
1. Gittenberger E. Sympatric speciation in snails, a largely
neglected model. Evolution 1988; 42:826-8.
2. Gittenberger E. A left-handed Creator. Mollusc World
2006; 11:16.
3. Robertson R. Snail handedness. Nat Geogr Res & Expl
1993; 9:104-19.
4. G ittenberger E. On the other hand. Nature 1995;
373:19.
5. Schilthuizen M, Craze PG, Cabansan AS, Davison A,
Stone J, Gittenberger E, Scott BJ. Sexual selection
maintains whole-body chiral dimorphism in snails. J Evol
Biol 2007; 20:1941-9.
6. H oso M, Asami T, Hori M. Right-handed snakes:
convergent evolution of asymmetry for functional
specialization. Biol Lett 2007; 3:169-73.
7. S turtevant A. Inheritance of direction of coiling in
Limnaea. Science 1923; 58:269-70.
8. Batenburg FHD van, Gittenberger E. Ease of fixation of
a change in coiling: computer experiments on chirality in
snails. Heredity 1996, 76:278-86.
9. Hierck BP, Witte B, Poelmann RE, Gittenberger-de Groot
AC, Gittenberger E. Chirality in snails is determined by
highly conserved asymmetry genes. J. Moll Stud 2005;
71:192-5.
10. Grande C, Patel NH. Nodal signaling is involved in leftright asymmetry in snails. Nature 2009; 57:1007-11.
11. O liverio M, Digilio MC, Versacci P, Dallapiccola B,
Marino B. Shells and heart: Are human laterality and
chirality of snails controlled by the same maternal
genes? Am J Med Genetics A 2010; 152A:2419-25.
Figures 7.10 : Individus en miroir d’Arantia
arbustorum
Moment critique : les organes génitaux ne peuvent
entrer en contact et les escargots vont éventuellement
se séparer.
flux génique et la spéciation. Par exemple, en cas de
dextralité (D) dominante et de sinistralité (s) récessive,
le croisement Ds x Ds donnera des génotypes DD, Ds
et ss, mais tous auront un phénotype droitier, y compris
les individus ss. Les cellules des oeufs produits par ces
homozygotes ss donneront toutes, après fertilisation
spermatique, des individus de phénotype gaucher,
même si leur génotype est Ds. Les problèmes de
copulation des individus en miroir et l’effet maternel
ont été simulés ensemble au cours d’expériences
informatiques : elles ont montré qu’une spéciation
monogénique est un évènement improbable bien que
pas tout-à-fait impossible8.
Dans le but d’identifier le gène maternel de la chiralité
postulé dès 19237, on a utilisé des spécimens sauvages
droitiers homozygotes de Lymnaea stagnalis et des
mutants gauchers homozygotes conspécifiques.
L’expression génique de ces escargots a été comparée
76