espace civil, espace religieux en ÉgÉe durant la pÉriode

Transcription

espace civil, espace religieux en ÉgÉe durant la pÉriode
Liste des contributeurs
espace civil, espace religieux en Égée
durant la période mycénienne (tmo 54)
TMO
travaux de la maison de l’orient et de la méditerranée
54
N°  5 4
Fritz Blakolmer
Université de Vienne, Autriche
Isabelle Boehm
Université Lumière-Lyon 2
Cécile Boëlle
Docteur en Mycénologie
Yves Duhoux
Université Catholique de Louvain,
Belgique
Y a-t-il une distinction entre civil et religieux en Grèce à l’âge du Bronze ?
Les auteurs des contributions réunies dans ce volume abordent cette
délicate question en suivant une démarche originale, croiser les points
de vue de l’archéologue, de l’épigraphiste et du linguiste. Leur approche
innovante de matériaux tels que fresques, archives en linéaire A et
linéaire B, espaces construits et non construits, met en évidence les
problèmes de définition et fait table rase des idées reçues. Ils montrent
comment civil et religieux sont imbriqués dans certaines pratiques
collectives assimilables à des rituels et font apparaître ces derniers
comme une clé d’interprétation indépendante d’une dichotomie
civil / religieux parfois plus réductrice que fructueuse.
José Luis García Ramón
Université de Cologne, Allemagne
Nicole Guilleux
Université de Caen
Sylvie Müller-Celka
CNRS, Archéorient, Lyon
Ilse Schoep
Université Catholique de Louvain,
Belgique
Helena Tomas
Université de Zagreb, Croatie
Andreas Vlachopoulos
Université de Ioannina, Grèce
© 2010 – Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux
7 rue Raulin, F-69365 Lyon CEDEX 07
Julien Zurbach
École Normale Supérieure, Paris
ISSN 0766-0510
ISBN 978-2-35668-012-9
Espace civil, espace religieux en Égée durant la période mycénienne
Vassilis Aravantinos
Éphorie de Thèbes, Grèce
espace civil, espace religieux
Isabelle Boehm est professeur de
linguistique grecque à l’Université
Lumière-Lyon 2 et directrice adjointe
du laboratoire HiSoMA (Histoire
et Sources des Mondes Antiques,
UMR 5189).
Sylvie Müller-Celka est archéo­
logue, chargée de recherche (CNRS,
UMR 5133). Elle est spécialiste des
questions touchant à l’Égée à l’âge du
Bronze.
en égée durant la période mycénienne
Édité par
Isabelle Boehm et Sylvie Müller-Celka
Illustration de couverture
Prix : 32 €
Thèbes, La Cadmée. Fresque de la
Procession des femmes, provenant du
Kadmeion.
Liste des contributeurs
espace civil, espace religieux en Égée
durant la période mycénienne (tmo 54)
TMO
travaux de la maison de l’orient et de la méditerranée
54
N°  5 4
Fritz Blakolmer
Université de Vienne, Autriche
Isabelle Boehm
Université Lumière-Lyon 2
Cécile Boëlle
Docteur en Mycénologie
Yves Duhoux
Université Catholique de Louvain,
Belgique
Y a-t-il une distinction entre civil et religieux en Grèce à l’âge du Bronze ?
Les auteurs des contributions réunies dans ce volume abordent cette
délicate question en suivant une démarche originale, croiser les points
de vue de l’archéologue, de l’épigraphiste et du linguiste. Leur approche
innovante de matériaux tels que fresques, archives en linéaire A et
linéaire B, espaces construits et non construits, met en évidence les
problèmes de définition et fait table rase des idées reçues. Ils montrent
comment civil et religieux sont imbriqués dans certaines pratiques
collectives assimilables à des rituels et font apparaître ces derniers
comme une clé d’interprétation indépendante d’une dichotomie
civil / religieux parfois plus réductrice que fructueuse.
José Luis García Ramón
Université de Cologne, Allemagne
Nicole Guilleux
Université de Caen
Sylvie Müller-Celka
CNRS, Archéorient, Lyon
Ilse Schoep
Université Catholique de Louvain,
Belgique
Helena Tomas
Université de Zagreb, Croatie
Andreas Vlachopoulos
Université de Ioannina, Grèce
© 2010 – Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux
7 rue Raulin, F-69365 Lyon CEDEX 07
Julien Zurbach
École Normale Supérieure, Paris
ISSN 0766-0510
ISBN 978-2-35668-012-9
Espace civil, espace religieux en Égée durant la période mycénienne
Vassilis Aravantinos
Éphorie de Thèbes, Grèce
espace civil, espace religieux
Isabelle Boehm est professeur de
linguistique grecque à l’Université
Lumière-Lyon 2 et directrice adjointe
du laboratoire HiSoMA (Histoire
et Sources des Mondes Antiques,
UMR 5189).
Sylvie Müller-Celka est archéo­
logue, chargée de recherche (CNRS,
UMR 5133). Elle est spécialiste des
questions touchant à l’Égée à l’âge du
Bronze.
en égée durant la période mycénienne
Édité par
Isabelle Boehm et Sylvie Müller-Celka
Illustration de couverture
Prix : 32 €
Thèbes, La Cadmée. Fresque de la
Procession des femmes, provenant du
Kadmeion.
Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux
(Université Lumière-Lyon 2 – CNRS)
Publications dirigées par Jean-Baptiste Yon
Derniers titres parus dans la série TMO (Travaux de la Maison de l’Orient)
TMO 42
Dédan et Liḥyān. Histoire des Arabes aux confins des pouvoirs perse et hellénistique (ive-iie s. avant l’ère
chrétienne), S. Farès-Drappeau, Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, 2005.
TMO 43
Les Marges arides du Croissant fertile, peuplements, exploitation et contrôle des ressources en Syrie du Nord,
sous la dir. de R. Jaubert et B. Geyer, Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, 2006.
TMO 44
Le Maṭrūf, le Madras et le Beqūf. La fabrication de l’huile d’olive au Liban. Essai d’anthropologie
des techniques, M. Chanesaz, Préface de R. Cresswell, Maison de l’Orient et de la Méditerranée –
Jean Pouilloux, 2006.
TMO 45
10 000 ans d’évolution des paysages en Adriatique et en Méditerranée orientale. Géomorphologie,
Paléoenvironnements, Histoire, É. Fouache, Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, 2006.
TMO 46
La Coroplastie chypriote archaïque. Identités culturelles et politiques à l’époque des royaumes, S. Fourrier,
Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, 2007.
TMO 47
Ras Shamra-Ougarit au Bronze moyen et au Bronze récent (Actes du Colloque international tenu à Lyon
en novembre 2001 « Ougarit au IIe millénaire av. J.-C. État des recherches »), éd. par Y. Calvet et M. Yon,
en hommage à Gabriel Saadé, Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, 2008.
TMO 48
Failaka, Fouilles françaises 1984-1988, Matériel céramique du temple-tour et épigraphie, sous la dir.
d’Y. Calvet et M. Pic, édition bilingue français-anglais, trad. par E. Willcox, Maison de l’Orient et de la
Méditerranée – Jean Pouilloux, 2008.
TMO 49
Archaeozoology of the Near East VIII (Actes des huitièmes Rencontres internationales d’Archéozoologie
de l’Asie du Sud-Ouest et des régions adjacentes, Lyon, 28 juin-1er juillet 2006 / Proceedings of the
eighth international Symposium on the Archaeozoology of southwestern Asia and adjacent areas, Lyon,
June 28th-July 1st 2006), ed. by E. Vila, L. Gourichon, A.M. Choyke and H. Buitenhuis, Maison de
l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, 2008.
TMO 50
Actes de vente dans le monde grec. Témoignages épigraphiques des ventes immobilières, J. Game,
Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, 2008.
TMO 51
Amphores vinaires de Narbonnaise. Production et grand commerce. Création d’une base de données
géochimiques des ateliers, F. Laubenheimer et A. Schmitt, Maison de l’Orient et de la Méditerranée –
Jean Pouilloux, 2009.
TMO 52
Fronts de scène et lieux de culte dans le théâtre antique, éd. par J.-Ch. Moretti, Maison de l’Orient et de la
Méditerranée – Jean Pouilloux, 2009.
TMO 53
Espace ecclésial et liturgie en Occident médiéval, éd. par A. Baud, Maison de l’Orient et de la Méditerranée –
Jean Pouilloux, 2009.
Espace civil, espace religieux en Égée durant la période mycénienne. Approches épigraphique, linguistique
et archéolo­gique. Actes des journées d’archéologie et de philologie mycéniennes tenues à la Maison de
l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux les 1er février 2006 et 1er mars 2007 / Isabelle Boehm et
Sylvie Müller-Celka (éds). – Lyon : Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, 2010. – 240 p.,
30 cm. (Travaux de la Maison de l’Orient ; 54).
Mots-clés : administration, âge du Bronze, Crète, fresque, Grèce, linéaire A, linéaire B, palais, religion, rituel.
ISSN 0766-0510
ISBN 978-2-35668-012-9
© 2010 Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, 7 Rue Raulin, F-69365 Lyon CEDEX 07
Les ouvrages de la Collection de la Maison de l’Orient sont en vente à :
Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Publications, 7 Rue Raulin, F-69365 Lyon CEDEX 07
www.mom.fr/Service-des-publications – [email protected]
et chez de Boccard Édition-Diffusion, 11 rue de Médicis, F-75006 Paris
TRAVAUX DE LA MAISON DE L’ORIENT ET DE LA MÉDITERRANÉE
N° 54
espace civil, espace religieux
en égée durant la période mycénienne
Approches épigraphique, linguistique et archéologique
Actes des journées d’archéologie et de philologie mycéniennes
tenues à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux
les 1er février 2006 et 1er mars 2007
édités par
Isabelle Boehm et Sylvie Müller-Celka
Ouvrage publié avec le concours de
l’Association des Amis de la Maison de l’Orient (AAMO)
HiSoMA, UMR 5189 (CNRS – Université Lumière-Lyon 2)
et Archéorient, UMR 5133 (CNRS – Université Lumière-Lyon 2)
SOMMAIRE
Présentation
Sylvie Müller-Celka et Isabelle Boehm
Espace civil, espace religieux en Grèce mycénienne. Apports et limites d’une approche
interdisciplinaire ................................................................................................................................... 9
I – Organisation territoriale : palais et sanctuaires à la période mycénienne
Julien Zurbach
Les prérogatives foncières du temple mycénien ............................................................................ 21
Cécile Boëlle
Po-ti-ni-ja…dans tous ses États ..................................................................................................... 35
II – L’espace urbain et la question religieuse à Thèbes
Vassilis Aravantinos
Mycenaean Thebes : old questions, new answers .......................................................................... 51
José Luis García Ramón
Espace religieux, théonymes, épiclèses. À propos des nouveaux textes thébains ......................... 73
Nicole Guilleux
La religion dans les nouvelles tablettes de Thèbes. Réflexions complémentaires . ....................... 93
Yves Duhoux
Espace civil ou espace religieux en linéaire B ? Comment les départager ? ................................. 103
III – Lieux de culte et administration religieuse en Crète
Helena Tomas
Linear A versus Linear B administrative systems in the sphere of religious matters .................... 121
Ilse Schoep
Les tablettes en linéaire A et l’identification des espaces civils et religieux dans la
Crète néopalatiale (MR I, ca 1650-1470 av. J.-C.) . ....................................................................... 135
IV – Civil, religieux, rituel ? Espaces intérieurs et iconographie
Fritz Blakolmer
La peinture murale dans le monde minoen et mycénien : distribution, fonctions des espaces,
déclinaison du répertoire iconographique ...................................................................................... 147
Andreas Vlachopoulos
L’espace rituel revisité : architecture et iconographie dans la Xestè 3 d’Akrotiri, Théra ............. 173
8
sommaire
Annexes
Table des illustrations .......................................................................................................................... 201
Cartes des sites minoens et mycéniens mentionnés . ........................................................................... 205
Indices .................................................................................................................................................. 209
Coordonnées des contributeurs ............................................................................................................ 221
Planches couleurs . ............................................................................................................................... 223
Espace civil, espace religieux en Égée durant la période mycénienne
TMO 54, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, 2010
ESPACE RELIGIEUX, THÉONYMES, ÉPICLÈSES
À PROPOS DES NOUVEAUX TEXTES THÉBAINS
Jose Luis García Ramón *
Résumé
Les nouveaux textes thébains de la Rue Pelopidou s’inséreraient, d’après les éditeurs, V. Aravantinos,
L. Godard et A. Sacconi (AGS 2001), dans un contexte religieux. On pourrait y reconnaître une triade
formée par Zeus, Déméter et Korè, mentionnés au datif : o-po-re-i , ma-ka et ko-ra. Même sans entrer dans
la question de savoir si le contexte est religieux ou profane, on constate que la plupart des interprétations de
détail proposées par les éditeurs sont insoutenables et en contradiction flagrante avec la grammaire du grec,
comme le montre à l’évidence l’analyse, entre autres, des tablettes Fq 130, Fq 254[+]255. C´est bien le cas,
par exemple, des interprétations de o-te o-je-ke-te-to comme « lorsque fut faite la révélation » (ou « lorsque
fut faite l’ouverture de la fête »), de a-pi-e-qe … pa-ta (qui, d’après les éditeurs, correspond sans doute à
ἀμφι-επω… « préparer la viande pour la table »), ou o-po-re-i comme « (Zeus) protecteur des fruits », qui
défient tout ce que nous savons sur l’étymologie et la formation des mots en grec. En tout cas, l’hypothèse
d’une triade ne se laisse pas justifier ni contextuellement (les trois prétendues divinités ne sont pas mentionnées
en contiguïté, au moins dans Fq 229 et Fq 258), ni dans le cadre des mentions religieuses mycéniennes, où
les dieux olympiens sont mentionnés par leurs noms, et non pas par leurs épiclèses. Il ne suffit pas qu´une
interprétation soit attractive, voire spectaculaire, pour être crédible : si elle n’opère pas avec des formes
assurées, ou au moins possibles, du point de vue du grec, le tableau qui en résulte est illusoire. C’est un excès
d’optimisme que de supposer que le cadre général demeure vraisemblable dans l’essentiel même si le détail
de l’argumentation s’avère erroné.
Abstract
According to the editors V. Aravantinos, L. Godard et A. Sacconi (2001), the new texts from Thebes
( Pelopidou Street) belong to a religious context, and allow to identifiy a triad formed by Zeus, Demeter
and Kore, mentioned in the dative: o-po-re-i, ma-ka and ko-ra. Irrespective of the context being a religious
or a profane one, the fact is that most of the interpretations proposed by the editors are untenable and
not compatible with Greek grammar. This is evident in the light of an analysis of the tablets Fq 130, Fq
254(+)255 and Fq 130, among others. This is, for instance, the case for the interpretation of o-te o-je-kete-to as “lorsque fut faite la révélation” (ou “lorsque fut faite l’ouverture de la fête”), of a-pi-e-qe… pa-ta
(which, following the editors, correspond sans doute à ἀμφι-έπω… “préparer la viande pour la table”), or of
o-po-re-i as “(Zeus) protecteur des fruits”. All these interpretations defy all we know about Greek etymology
and word-formation. In any case, the hypothesis of a triad cannot be proved either by the context (the three
alleged deities do not occur together, at least not in Fq 229 and Fq 258) or by the frame of the Mycenaean
religious mentions, where the Olympian gods are mentioned by their names, not by their epiclesis. The fact
that a given interpretation is attractive, even spectacular, does not make it believable: if it is not based on
*
Université de Cologne (Allemagne).
74
j.l. garcía ramón
forms which are reliable, or at least possible, from the point of view of Greek grammar, the whole hypothesis
remains illusory. To assume that a general framework may remain plausible even if the details are wrong is
a matter of plain optimism.
§ 1. L’interprétation des textes mycéniens, on le sait, présuppose une collaboration interdisciplinaire :
c’est bien la conjonction de l’épigraphie, de la philologie et de la linguistique qui permet d’éclairer les
textes dans leur contexte archéologique et historique. On s’accorde bien sur le fait que l’approche sur la
base d’une seule de ces disciplines ne permet pas d’attendre des résultats fiables. Il n’est que trop évident
que l’étude des documents en Linéaire B n’est pas possible sans le travail acribique de la fixation des
textes par les épigraphistes, condition préalable à l’analyse contextuelle, et l’application de la méthode
combinatoire. Or, il n’est pas moins vrai que l’identification et l’interprétation des mots, qui ne sont pas
toujours aisées, ne sont possibles que dans le cadre de ce qu’on connaît de la langue dans laquelle ils sont
écrits. La délimitation de l’espace religieux dans les textes en Linéaire B se heurte à une série de difficultés
qui sont communes à tout autre domaine de la philologie mycénienne : dans l’interprétation des textes et
des séries il faut déceler si le contexte est religieux ou non, et, dans l’affirmative, préciser les destinataires
divins et enfin, le cas échéant, les identifier avec des dieux ou des épithètes divins connus au Ier millénaire 1.
Dans ce domaine, comme dans tout autre, les interprétations de détail et les visions d’ensemble qui peuvent
en résulter ne sont susceptibles d’être acceptables que si elles opèrent avec des formes assurées, ou au moins
compatibles avec la phonétique, la morphosyntaxe et la formation de mots de la langue dans laquelles elles
sont écrites, telles qu’on les connaît à l’intérieur du grec ou à l’aide de la comparaison.
L’apport de la philologie et de la linguistique ne permet pas, évidemment, de tout expliquer :
très souvent on ne trouve pas de solution satisfaisante pour telle forme ou telle phrase et il faut se résigner,
en l’état actuel de nos connaissances, au non liquet. La linguistique permet, néanmoins, d’écarter des
explications erronées avec un haut degré de certitude, c’est-à-dire de reconnaître comme non grammaticale
(et aberrante) l’interprétation de telle forme, aussi attractive puisse-t-elle être pour l’interprétation globale
qui en résulte. Les interprétations erronées peuvent toucher un aspect partiel du texte ou bien l’interprétation
du texte tout entier : dans ce dernier cas, il est illusoire de croire que tel cadre général peut tenir bon, même
si le détail des interprétations est réfutable.
La présente contribution a pour but de présenter quelques réflexions de méthode dans l’étude du
domaine religieux, y compris l’onomastique, à l’aide de cas significatifs. Ils sont tirés pour l’essentiel des
nouveaux textes thébains de la Rue Pelopidou, qui nous sont aujourd’hui accessibles grâce à l’inestimable
édition (2001) de Vassilis Aravantinos, Louis Godard et Anna Sacconi (AGS 2001 dans ce qui suit). Les
éditeurs considèrent que les textes s’insèrent dans un contexte religieux, ce qui est possible, et qu’ils
permettent de reconnaître une triade identifiable dans l’essentiel avec la triade éleusinienne. Les deux points
ont été et continuent d’être l’objet de discussions, trop souvent éparpillées de références bibliographiques
qui, citées comme critère d’autorité, donnent l’impression que toute explication est justifiée, ce qui n’est
pas toujours le cas. Dans ce qui suit, j’essayerai de montrer que, indépendamment de la question du contexte
général, qu’il soit religieux ou profane, une partie des éléments prétendument éleusiniens des textes sont
fondés sur des interprétations insoutenables du point de vue de la grammaire du grec et que l’hypothèse
d’une triade ne se laisse pas justifier. C’est par convention et dans le souci d’information, nullement comme
critère d’autorité, que la bibliographie, surtout celle qui est récente, sera citée.
§ 2. Il n’est que trop évident que l’approche linguistique n’est pas possible sans prendre en
compte les données fournies par l’épigraphie, l’archéologie et l’histoire. L’exemple du nom a-re-ku-turu-wo/Alektruōn/, gén. -wo-no, dat. -wo-ne (PY) sert bien à le prouver : le nom, attesté aussi chez Homère
1.
La rédaction finale de ce travail a largement profité des remarques précieuses de Birgitta Eder (Freiburg i. Br.) et de
Yves Duhoux (Louvain-la-Neuve), ainsi que de José Luis Melena (Vitoria), Françoise Rougemont (Paris-Nanterre) et
Ana Vegas Sansalvador (Köln), qui ont eu l’obligeance de lire et commenter le manuscrit. Je tiens à les remercier
vivement. Pour le contenu du texte je suis naturellement seul responsable.
Pour l’essentiel des données mycéniennes, on renverra, à part Documents 2, p. 125 sq., 275 sq., aux aperçus précis de
Baumbach 1979, Chadwick 1986, Boëlle 2004 ou Rougemont 2005, ainsi que Weilhartner 2005.
espace religieux, théonymes, épiclèses. à propos des nouveaux textes thébains
75
(gén. Ἀλεκτρύονος, Il. 17. 602) correspond parfaitement au zoonyme ἀλεκτρυών, « coq », ce qui suggère
en principe qu’il s’agit d’un sobriquet, même si le porteur du nom avait un patronymique fort distingué
(e-te-wo-ke-re-we-i-jo /Etewoklewehios/). Or, on a objecté avec raison que le coq domestique n’apparaît pas
en Grèce avant l’époque classique 2. Le nom. a-re-ku-tu-ru-wo / Alektruōn/ doit donc être un sobriquet du
type ἀλκύων, bâti sur la racine de hom. ἀλέγω, ἀλέξω, « défendre », « écarter » et doit être compris comme
« défenseur », comme le souligne Ernst Risch 3, de même que les autres anthroponymes, appartenant à la
racine : (dat.) a-re-ko-to-re (KN) : Ἀλέκτωρ (Od. 4. 10) cf. l’épithète ἠλέκτωρ (Il. 5. 511, 19. 498), d’une
part, de l’autre a-re-ki-si-to (PY, KN) et a-re-ke-se-u, qui sont des formes « courtes » de noms composés à
premier membre */Alks (i)º/ (Ἀλξ(ι)º). Le caractère apotropaïque bien connu du coq rend compréhensible sans
difficulté le développement sémantique à partir de « protecteur », tout comme dans le cas de ἤλεκτρον, -ος,
« ambre » (*ἀλέκτωρ Gloss.), qui est, lui aussi, apotropaïque, comme l’a montré M.S. Ruipérez 4.
C’est donc le contexte archéologique qui paraît invalider l’équation formelle et sémantique avec le
zoonyme attesté en grec classique et c’est lui qui restera valable tant que le matériel archéologique n’aura
pas livré d’indication de la présence de l’animal à l’époque mycénienne ou antérieure. Or, des poules
domestiques sont attestées dans les niveaux du Bronze moyen à Lerne en Argolide 5 : si la chronologie
des archéologues est exacte, voilà qui rend presque certain que le coq et la poule domestique existaient
aussi à l’époque mycénienne et que, pour en revenir à a-re-ku-tu-ru-wo, le nom désignait son porteur non
seulement comme quelqu’un qui écartait les dangers, mais aussi comme « Coq ».
§ 3. Inversement, il va sans dire que tout essai d’interprétation du contenu des tablettes, dans le
détail ou dans un cadre général incluant les données archéologiques et historiques, ne peut nullement être
fondé sur des analyses qui soient en contradiction avec ce que nous savons du grec, soit parce que la
forme proposée est incompatible avec la graphie, soit parce qu’elle s’avère aberrante du point de vue de
la morphologie ou de la formation des mots du grec. Autrement dit, il ne suffit pas qu’une interprétation
soit attractive, voire spectaculaire, pour qu’elle devienne crédible : si elle n’opère pas avec des formes
assurées, ou au moins possibles, en grec, le tableau qui en résulte est sans fondement. Oublier cela est une
erreur de méthode récurrente. On évoquera un cas très significatif tiré des nouveaux textes thébains, celui
de o-je-ke-te-to dans Fq 130.1
o-te , o-je-ke-te-to ma-ka HORD T 2[
que les éditeurs traduisent par « Lorsque fut faite la révélation (ou lorsque fut faite l’ouverture de la fête),
pour la Mère Terre, ORGE 19, 2[l. » 6.
Cette traduction va au-delà du scepticisme explicite de Michel Lejeune, pour qui « en Fq 123 retrouver
θέτο est tentant mais indémontrable aussi longtemps que l’on n’aura pas rendu compte de ce qui précède » 7. La
traduction proposée correspond à une célébration religieuse, qui s’insère bien dans le contexte éleusinien que
les éditeurs voient dans ces textes : le parallélisme avec la fête des Πιθοιγία renforcerait cette interprétation 8.
S’appuyant sur le parallèle de TH Fq 126, les éditeurs voient dans o-je-ke-te-to « l’agrégat de deux
termes, o-je-ke et te-to ». L’analyse est, en soi, fort raisonnable. C’est l’interprétation linguistique comme
*ὀείγης θέτο « quand fut faite l’ouverture de la fête » ou encore « quand fut faite la révélation », qui est
surprenante : « o-je-ke serait le substantif *ὀείγης avec le yod utilisé comme phonème de transition (glide)
entre o et e … Le terme *ὀείγης signifierait donc “ouverture” ou “révélation” … Un tel terme appartiendrait
au groupe des substantifs en -ης qui font partie de la famille des noms avec suffixe -s-, la même famille à
2.
Duhoux 1997, p. 173 sq. ; Risch 1990, p. 234 sq.
3.
Risch 1990, p. 237 sq.
4.
Ruipérez 1972, notamment p. 206 sq.
5.
Cf. Gejvall 1969 (indication de Hara Prokopiou et Françoise Rougemont).
6.
Pour la discussion du texte, on renverra une fois pour toutes à AGS 2001, p. 195 sq.
7.
Lejeune 2007, p. 274 (article écrit en 1996).
8.
Chadwick 1996-1997, p. 296 (suivant une indication de J.T. Killen) ; AGS 2001, p. 196 ; 2003, p. 17.
76
j.l. garcía ramón
laquelle appartiennent les neutres en -ος et les adjectifs en -ης, -ες » (sic). Cela est impossible pour plusieurs
raisons : (a) le verbe οἴγω relève de gr. comm. *oeig-/*oig- avec un --, comme il est évident par l’hiatus
de lesb. ὀείγην et par la comparaison, cf. v.-angl. vīcan « céder », v.-haut-all. wihhan « id. » 9 ; (b) un glide
entre /o/ et /e/ ne peut nullement être noté avec <o-je>, comme il est bien connu 10 ; (c) les prétendus
substantifs en -ης n’existent pas en grec 11.
Une fois que le terme *ὀείγης s’avère être un « ghost word », les parallèles de sens avec le prétendu
syntagme *ὀείγης θέτο invoqués par les éditeurs, comme la πιθοιγία des Anthestéries, sont sans valeur
pour le texte thébain. L’alternative proposée par J. Chadwick 12, qui lit /oie(i)khthēto/, se heurte à une
double difficulté : elle ignore le -- et admet un aoriste en -θη- avec des désinences moyennes, ce qui n’est
point attesté en grec. La séquence o-je-ke-te-to demeure donc énigmatique, et il n’est pas facile d’être plus
optimiste que Lejeune ne l’était. Il va sans dire que l’explication insoutenable des éditeurs, bien qu’elle
puisse s’insérer dans le prétendu contexte éleusinien des tablettes thébaines, ne fait qu’exemplifier les
inconvénients qu’il y a à vouloir interpréter des textes en grec sans tenir compte de la phonétique, de la
formation des mots et, somme toute, de la grammaire de cette langue.
Deux alternatives, ingénieuses et cohérentes dans l’essentiel avec ce que l’on connaît du grec, ont
été proposées par Y. Duhoux et Cornelis J. Ruijgh 13. Le premier, s’appuyant sur l’acception « enterrer »
de τίθημι, interprète comme « lorsque o-je-ke- fut enterré », avec sens passif de /theto/. Pour Ruijgh,
o-je-ke-te-to noterait ὄyα + ἔκσθετο « when he (the priest) had exposed (placed outside) the tree fruits »
(ὄy’ serait la forme élidée du ὄyα (= att. ὄα) « service berries » (cf. Pollux 6.80). On n’arrive pourtant pas
à se défaire de l’impression que le dernier mot sur o-je-ke-te-to n’a toujours pas été dit.
§ 4. Il faut, en tout cas, souligner l’existence de cas où l’on tire inutilement du côté de la linguistique,
notamment quand on attend des noms d’origine pré-grecque une régularité qui ne peut être attendue que
dans les noms proprement grecs. Un cas très significatif est celui du toponyme contenu dans l’ethnique
u-ru-pi-ja-jo attesté à Pylos, qui serait noté *u-ru-pi-ja. La forme a été interprétée dans les premières années
de la mycénologie comme /Ulumpiā-/ 14 puis comme /Wrupiā-/. La première interprétation est aujourd’hui
tombée en disgrâce : on considère qu’elle est fondée uniquement sur la similitude formelle. Mais le
toponyme du Linéaire B n’aurait-il vraiment pas de rapport avec l’Olympia du Ier millénaire ? S’il est
pré-grec, et ceci n’est que trop évident, une fluctuation o / u est parfaitement possible, quoique non attestée
de façon absolument sûre : on rappellera l’existence bien attestée de fluctuations e / i dans les voyelles
antérieures (cf. myc. qe-to / gr. alph. πίθος). En réalité, la forme u-ru-pi-ja ne parle point, par elle même,
contre l’identification avec le toponyme Ὀλυμπία attesté en grec alphabétique : aux archéologues donc de
réfléchir sur l’u-ru-pi-ja* des tablettes, en se demandant si elle pouvait être celle de l’Élide. Le fait est que,
du point de vue linguistique et compte tenu de l’évident caractère non grec du toponyme u-ru-pi-ja* qui
apparaît dans les textes de Pylos, celui-là peut bien correspondre à l’Olympia de l’Élide au Ier millénaire. Je
me permets de renvoyer à un travail en cours de Birgitta Eder 15 qui me communique obligeamment que, à
son avis, la frontière nord de Pylos peut bien s’étendre jusqu’à la hauteur du Samikon et que même au-delà,
il y aurait des contacts avec des habitants de la vallée de l’Alpheios. Dans ce cadre spatial, le toponyme
9. Cf. en dernier lieu, Forssman 2005, en part. p. 112. Le scepticisme de Chadwick 1996-1997, p. 295 ne saurait être retenu.
10. Duhoux 2002-2003, p. 203 sq. ; Ruijgh 2006, p. 164.
11. AGS 2001, p. 95 n. 77 renvoient à E. Schwyzer, Gr. Gr. I, p. 511-512, 578-580. Or, dans ces pages on ne reconnaît que
l’existence des adjectifs composés en -ής, -ές et il n’y a la moindre allusion à des noms en -ης.
12. Chadwick 1996-1997, p. 295.
13. Ruijgh 2006, p. 165.
14. Cf. Ventris-Chadwick, Documents1, p. 190 (commentaire de PY An 519 : « A form Ylympos is mentioned as Aeolic for
Olympos by a grammarian »). Aliter Documents2, p. 430 (contre tout rapport avec Olympia).
15. Dans le cadre de son projet en cours « Zwischen Olympos und Parnassos : Die nördlichen und westlichen Regionen der
mykenischen Welt » dans lequel elle s’occupe de la problématique du Péloponnèse nord-occidental, notamment de la
frontière nord du royaume de Pylos et de la vallée de l’Alphée.
espace religieux, théonymes, épiclèses. à propos des nouveaux textes thébains
77
u-ru-pi-ja* et l’ethnique u-ru-pi-ja-jo, désignant probablement une communauté en marge du territoire
contrôlé par le royaume de Pylos, seraient en rapport avec Olympia et Olympos.
§ 5. En ce qui concerne la délimitation de l’espace religieux, la reconnaissance et l’interprétation
des termes appartenant à la sphère religieuse et celle des théonymes et épithètes divins, la situation est
bien connue : ce n’est qu’une fois que le statut d’une forme a été reconnu grâce au contexte que le point
de vue linguistique peut entrer en jeu, tout d’abord en ce qui concerne la translittération du nom, puis son
identification (ou, au moins, son rapprochement avec un mot attesté en grec alphabétique et, en somme, son
interprétation à tous points de vue). Il va sans dire que l’identification ne peut pas être en contradiction avec
les rapports entre graphie et phonétique, ni, en général, avec ce que nous savons de la grammaire du grec. Il
n’est que trop évident qu’opérer avec des formes qui n’existent pas (et qui, de plus, sont impossibles), rend
gratuite toute interprétation qui se fonde sur elles.
Cela ne veut naturellement pas dire que le témoignage du mycénien ne puisse (et ne doive !) obliger
à reconsidérer les étymologies que l’on admettait comme assurées avant le déchiffrement. C’est bien le cas
de la préposition ἕνεκα et des noms d’Héra et de Poséidon, qui ont été reconnus au-delà de toute réserve
dans les textes mycéniens :
La préposition ἕνεκα, « à cause de », qui est bien attestée à Pylos (et une fois à Cnossos) sous la
forme e-ne-ka, dément absolument la theoria recepta, qui partait de *eneka : cette forme aurait été notée
**e-ne-we-ka ou **e-nu-we-ka, ce qui oblige à reconstruire en grec commun *eneka 16.
Le datif e-ra /hĒra-/ (Ἥρα) exclut une forme originaire *ser-ā- (IE *ser- « observer »), qui aurait
été notée **e-wa. La forme, attestée à Cnossos et à Pylos, ne peut relever que de *ser-ā- ou de *(H)ēr-ā-.
La dernière possibilité est largement plus plausible : *Hēr-ā- (cf. v.-angl. gear « année » de *Hēr-ó-,
Gr. ὥρα, printemps), représenterait l’individualisation de l’âge fleurissant, comme il été si bien montré
par Fr. R. Schröder et W. Potscher 17. Le parallèle de contenu avec lat. Iūnō (formation en -on- sur *iūn,
(cf. Lat. iūnī-x, « génisse » Persius, 2, 47) 18, qui vient à l’appui de cette hypothèse, comme j’ai essayé de
le montrer 19, est concluant : lat. Iūnon- « douée de jeunesse », i.e. « de force vitale ».
Le nom de Poséidon, attesté sous plusieurs variantes et dérivés, ne laisse aucun doute sur l’absence
de /w/, comme le montre à l’évidence, parmi d’autres formes, le dat. po-se-da-o-ne /Poseidā honei/ : il n’y
a donc pas de suffixe *-on-, ce qui revient à dire que le digamma de la forme Ποτειδαϝoνει à Corinthe
(ve s.) est secondaire.
Il faut souligner, en tout cas, que dans le cas de e-ne-ka et de celui des deux divinités, l’identification
en est absolument assurée : c’est un cas évident de faits nouveaux qui modifient l’état de nos connaissances
et obligent conséquemment à modifier des interprétations qui paraissaient assurées.
 
§ 6. On ne saurait pourtant pas insister assez sur le danger de considérer comme des « faits nouveaux »
ce qui ne correspond qu’à de simples lectures hypothétiques … surtout si elles se fondent sur des erreurs
manifestes. C’est le cas de l’interprétation de o-po-re-i, souvent attesté dans les nouveaux textes thébains
(dans la série Fq), comme « (Zeus) protecteur des fruits » que les éditeurs des textes postulent, en
supposant que ce qu’ils prétendent être une épithète divine, Ὀπώρης, repose sur ὀπώρα, « automne » et
qu’il correspond au ΤΟΙΔΙΤΟΠΟΡΕΙ (τōι Δι τōπōρει) d’une dédicace béotienne (Acraiphia, fin vie s. ou
début ve) 20. À l’appui de cette interprétation les éditeurs évoquent des épithètes et/ou épiclèses de Zeus du
type Ἐπικάρπιος, Καρποδότης et sim. 21 Sur la base de cette équivalence, qu’ils postulent comme la seule
possibilité envisageable, les éditeurs proposent une nouvelle étymologie :
16. De *h1nek-, acc. d’un nom racine « à l’obtention de » (+ gén.), cf. García Ramón 2007.
17. Schröder 1956, spécialement p. 67 (« Jahr, Blühezeit »), Pötscher 1961 (« die zur Ehe reife Frau »). L’interprétation alternative
comme *serā- (Janda 2005, p. 213 sq., avec discussion d’autres interprétations) ne sera pas discutée ici.
18. García Ramón 2001, p. 115. De fém. *h2 u-h3n-ih2, féminin de IE *h2 é-h3on- (lat. iuuen : véd. yuván-, av. yuuan-), comme
montre Rix 1981, p. 107 sq. (= Kl. Schr., p. 275 sq.), avec une présentation pénétrante des faits latins et védiques.
19. García Ramón 2001, p. 115 sq. ; 2003 (à paraître) § 3.3.
20. AGS 2001, p. 190 sq.
21. AGS 2001, p. 190 sq., 317 sq.
78
j.l. garcía ramón
« Notre interprétation de la forme mycénienne comme le datif d’un dérivé du mot ὀπώρης implique
que l’étymologie *ὀπ-ο(σ)άρα n’est pas correcte. Mis à part le fait que ce ne serait pas la première fois
qu’un mot mycénien nous oblige à revoir une étymologie proposée précédemment… »
Il faut souligner une fois pour toutes que l’étymologie de ὀπώρα à partir de *op-osar-ā‚ est hors de
doute, car elle s’appuie sur des faits incontestables : gr. ὀπ-ώρα (*°os-arā de *°os-ā) est un dérivé en -ā- d’un
hétéroclitique IE °os-r / n- « été », dont l’existence est assurée par des formes germanique (got. asans, « moisson,
été »), baltique (v.-pruss. assanis) et slave (v.-slav. jesenb, « été »). Bien entendu, que cette explication constitue
la theoria recepta n’est pas un argument en soi : or, le fait est qu’elle est la seule qui rende compte des faits.
Conséquemment, la forme mycénienne correspondante, */op-oharā /, aurait été notée **<o-po-a(2)-ra> ; le
datif d’un adjectif en -es- de */op-oharā / « automne » aurait été */opohareh/e /i /, noté **<o-po-a-re-i> (non pas
<o-po-re-i>) 22.
En somme, l’interprétation de o-po-re-i (que l’on admette ou non que la forme recouvre un théonyme)
comme reflétant un nom dérivé de ὀπ-ώρα est à écarter et ne peut nullement ébranler une étymologie qui,
elle, est bien assurée. Elle relève d’une erreur, signalée à plusieurs reprises, qui illustre fort bien une erreur
de méthode : on invoque une interprétation (erronée), on l’élève au rang de fait et on s’en sert pour infirmer
une étymologie qui, elle, est garantie par des faits incontestables.
Il est significatif que deux auteurs qui sont bien prêts à accepter la connection entre o-po-re-i et
ὀπ-ώρα n’ont jamais mis en question l’existence d’un hétéroclitique. C.J. Ruijgh opère avec degré long
*°ṓs- : or, on voit mal comment justifier l’existence d’un type anormal d’hétéroclitique qui n’est attesté,
pour ce lexème, nullement ailleurs 23. De son côté, l’explication de o-po-re-i et de ὀπώρα à partir de
*op-osrā- que propose M. Meier Brügger 24 se heurte à la difficulté évidente que cette forme aurait donné
en ionien-attique (et chez Homère) ** ὀπούρα [-ōrā], non ὀπώρα.
Il va sans dire que l’interprétation plus simple de o-po-re-i (que ce soit un théonyme ou un anthroponyme,
répétons-le) est /Op-ōre hi /, de *Op-ōrēs, composé avec ὀπ° (= ἐπὶ) et °ὄρος « montagne » (cf. Il. 5. 523
ἐπ᾽ ἀκροπώλοισιν ὄρεσσιν). Pour le second membre cf. l’anthroponyme me-to-re /Metōrēs / (KN),
dat. me-to-re-i /Metōrehi / (TH), ainsi que ὑπώρεια (Il. première attest.) « pied de la montagne », παρώρεια
(Pol.) et ethn. Παρώρεια (Hdt.) On rappellera les épiclèses Ἐπάκριoς Ζεύς (Hsch., Eust.), ἀκρώρεια (Xen.
première attest.), Ἀκρωρείτης 25.
On conclura en signalant que, en dépit de l’interprétation erronée que les éditeurs font de o-po-re-i,
le <Δι τōπōρει> d’Acraiphia peut être aussi bien le Zeus « sur les montagnes » (descendant donc du même
nom que o-po-re-i) que « celui de l’automne » (de *op-os-ā, car béot. <ōπōρει> peut bien recouvrir tant le
traitement phonétique de *op-ōs-es- que celui de *op-ōres-).
§ 7. Il faut donc admettre que, d’une part, le préalable indispensable à la reconnaissance et à l’interpré­
tation des textes appartenant à la sphère religieuse est d’opérer avec des formes assurées et que, d’autre
part, les questions qui se posent dans l’essentiel pour chaque cas sont au nombre de trois : (a) la forme
translitérée est-elle possible du point de vue strictement grammatical au sens premier du mot ? On doit
se le demander, indépendamment de la question de savoir si elle est adéquate dans le contexte ; (b) si elle
est possible, est-ce la seule ou la meilleure des alternatives ? À ceci il ne peut être répondu qu’à l’aide de
la prise en compte du contexte et du grec au Ier millénaire ; (c) se laisse-t-elle insérer dans le cadre d’une
explication globale de tout le texte ou, au moins, de l’essentiel ?
22. García Ramón (à paraître) 2003 ; De Lamberterie 2003 ; Rougemont 2005, p. 334 ; Palaima 2006, p. 141.
23. Le nom Ὠαρίων (Pind.), que Ruijgh 2006, p. 160, invoque, avec référence à un travail de J.-M. Renaud (non uidi), en
faveur d’une forme originaire *ōs- n’est pas probant : il s’agit d’un dérivé en -ion- pour lequel le degré long de la racine
(vddhi) est possible (cf. ὦια de *ṓiā- « peau d’agneau », dérivé de ὄις : grec comm. *oi- « agneau »). Or, le degré
long se limite aux dérivés et est absent du mot base, cf. Forssman 1985.
24. Meier-Brügger 2006, p. 115 (« warum denn überhaupt ein r  ? »).
˚
25. Cf. le dossier de De Lamberterie 2003 ; cf. aussi le nom héroïque Ὠρίων (Ὠαρίων Pind. première attest.), sur lequel
cf. Forssman 1985.
espace religieux, théonymes, épiclèses. à propos des nouveaux textes thébains
79
§ 8. Essayons d’appliquer le premier de ces critères à deux des nouvelles tablettes de Thèbes, notamment
Fq 254[+]255 et Fq 130, dont le contenu est très controversé. Tout d’abord, la tablette Fq 254[+]255
1.
2.
3.
4.
de-qo-no H Ọ R D T 1 V 2 Z 3 o-te , a-pi-e-qe ˻ ˼ ke-ro-t ạ
pa-ta , ma-ka ΗORD T 1 V 2 Z 2 a-ko-da-mo V 2
o-po-re-i[ ]m ạ -d ị -je V 1 [ ]1 k ạ -ne-jo V 3
k ọ -wa Z 2 a-pu-wa Z 2 ko-ru Z 2
Les éditeurs 26 proposent la traduction suivante :
– 1-2 « Pour le “banquetier” (sic) ORGE 14 l. : lorsque Kerota ? a dressé la purée d’orge, pour Mère
Terre ORGE 13,6 l. pour le rassembleur de fidèles 3,2 l.
– 3 pour (Zeus) protecteur des fruits [ ] pour Madije ? 1,6[ l. ]0,4 l. pour le gardien des oies ? 3,2 l. »
Passons au détail de chaque forme :
de-qo-no : L’interprétation comme « préposé au banquet » 27 est inacceptable. On sait bien qu’en
grec, comme dans les autres langues IE, les formations agentives de structure CoC-ó- (et ºCóC-o- dans
des composés) sont fondées exclusivement sur la racine et sont incompatibles avec des dérivés nominaux
(type *dek̑u -no-). La forme de-qo-no ne peut recouvrir que /deikwno-/ : δεῖπνον, « banquet ». La forme
po-ro-de-qo-no /prodeikwno-/ « qui s’occupe du banquet », « banquetier » 28 dans KN F(1) 51 est certes
un titre en parallèle avec wa (pour wa-na-ka-te) et di-we 29, mais elle n’est nullement un support pour
l’interprétation de de-qo-no comme « banquetier » : /pro-deikwno-/ est un composé du type πρό-εδρος‚
« président de séance » qui se trouve par rapport avec /deikwno-/ dans le même rapport que πρό-εδρος
« président » avec ἕδρα, « session ». Le prétendu parallélisme de po-ro-de-qo-no et de-qo-no avec po-roko-re-te et ko-re-te 30 est illusoire, car ko-re-te /korētēr/ est un nom d’agent, à suffixe /-ter-/, ce qui n’est
point le cas pour de-qo-no 31.
a-pi-e-qe : D’après les éditeurs, la forme « correspond sans doute à ἀμφι-έπω… “préparer la viande
pour la table” et donc … “dresser la table”. L’équation (à l’imparfait ou à l’aoriste) nous oblige à revoir
l’étymologie proposée pour ἕπω… Il nous faut en effet renoncer à l’étymologie par *sep- pour poser un
*sek- ». Les éditeurs renvoient à M. Lejeune : « mais invoquer hom. ἀμφιέπω n’est possible qu’en acceptant
un *sek- qui ne serait ni voué à la voix moyenne ni cantonné dans le sens de “suivre” et en renonçant pour
ἕπω à l’étymologie par *sep- et en posant un *sek- » 32. L’explication, soit dans la variante nuancée de
Lejeune ou dans celle, explicite, des éditeurs, est à écarter. On ne peut nullement opérer avec ἀμφι-έπω,
car dans ce verbe la labiale est hors de doute : garantie par la comparaison (lat. sepel-iō ; véd. sapar-yá-),
elle est, de plus, attestée en mycénien dans o-pa /hopā/, avec notation attendue de la labiale : a-pi-e-qe,
avec son -qe ne peut pas y appartenir 33. Ce n’est donc pas à l’étymologie acceptée (et confirmée par myc.
o-pa) de ἕπω qu’il faut renoncer, mais plutôt à voir dans a-pi-e-qe une forme appartenant à la dite racine :
autrement dit, il faut opérer avec une racine *sek-, dont il faudrait préciser le sens et la diathèse. On
peut, en tout cas, renoncer à *sek- « suivre, accompagner » qui est medium tantum tant en grec que dans
26. AGS 2001, p. 224 sq.
27. AGS 2001, p. 225 ; Ruijgh 2006, p. 166 ; Weilhartner 2005, p. 197.
28. Non « vice-banquetier » (pace AGS 2001, p. 225) car de-qo-no n’est point « banquetier ».
29. Weilhartner 2005, p. 197 [« “Bankettbeauftragter”, (kultische) Titelbezeichnung »].
30. AGS 2001, p. 225.
31. Aliter Palaima 2006, p. 143 (πρόδειπνον « preliminary meal » besides de-qo-no « meal »). L’interprétation étant
formellement acceptable, elle n’est pas valable pour po-ro-de-qo-no en KN F(1) 51.
32. Lejeune 1997a, p. 275. On n’entrera pas ici dans une discussion sur l’affirmation des éditeurs, qui suivent Lejeune
« l’explication du mot e-qe-ta avec ἕπομαι, cf. ἑπέτης (Pi., Pyth. 5.4) est effectivement remise en cause », dont la raison
d’être dans ce contexte m’échappe. Certes, on peut penser que e-qe-ta peut être « celui qui parle emphatiquement »
(cf. *sek- « dire », myc. e-qo-te, hom. ἐννέπω), mais le rapport avec ἕπομαι est satisfaisant de tous points de vue,
compte tenu aussi du rang des e-qe-ta (cf. Jalkotzy 1978, avec l’excursus de Mayrhofer 1978).
33. On aurait certainement du mal à accepter la tentative (Chadwick 1996-1997, p. 296 sq.) pour trouver des attestations de
ἕπω chez Homère correspondant à ἕπομαι et permettant de voir dans hom. ἕπω une collision entre *sep- et *sek-.
80
j.l. garcía ramón
d’autres domaines (cf. lat. sequitur, véd. sácate, v.-av. hacaitē, v.-irl. sechithir « suit ») 34 : l’explication de
u
C.J. Ruijgh à partir de *se-sk-o
̑ /e-, qu’il postule comme causatif (et actif), i.e. αμφίhεσκε (« when he –the
priest– had made all the Elders follow him on both sides ») 35 a une logique interne, mais se heurte à la
difficulté qu’un tel causatif n’a pas de parallèle ni en grec ni hors du grec. C’est donc plutôt avec la racine
*sek- (hom. ἐννέπω « dire, annoncer », aor. *ἐν-(σ)πεῖν, impér. ἔσπετε, v.-lat. insece : hom. ἔννεπε, lat.
inquam, lit. sekù, sèkti « raconter ») qu’il faut opérer. Le verbe est bien attesté en mycénien, comme l’a
montré Ernst Risch pour e-ko-te /hekwontes/ « (eine Zahlung : o-no) leisten », « feierlich-offiziell (eine
Leistung oder Zahlung…) verkünden » 36, ce qui rend plausible une interprétation comme celle proposée
par M. Meier-Brügger « als man alle alt(ehrwürdig)en (sc. Sachen, Dinge) ausführlich besprach », « als
man alle Gerontes feierlich die Alten verkündete » 37. L’interprétation du verbe est inséparable de celle de
ke-ro-ta et pa-ta, qui ont de fortes chances de recouvrir /gerontas pantas / « tous les Anciens (respectables) »
(= membres de la ke-ro-si-ja) ou bien /geronta … panta / « toutes les vieilles choses » (= prescriptions ?,
formules ?) 38. C’est la première possibilité qui me paraît préférable. Le verbe ἐννέπω « annoncer / indiquer
quelqu’un » est très bien attesté avec des personnes comme objet, cf. Il. 2.761 τίς τὰρ τῶν ὄχ᾿ ἄριστος ἔην
σύ μοι ἔννεπε Μοῦσα « qui d’entre eux était nettement le meilleur, dis-le-moi, Muse » 39. Décisif pour
l’interprétation de a-pi-e-qe est le fait que le verbe ἐννέπω est attesté deux fois dans les Hymnes homériques
avec un préverbe ἀμφί, justement comme dans myc. a-pi-e-qe :
h.Pan 19.1 Ἀμφὶ Ἑρμείαο φίλον γόνον ἔννεπε Μοῦσα
h.Diosc. 17.1-2 Ἀμφὶ Διὸς κούρους ἑλικώπιδες ἔσπετε Μοῦσαι.
Le préverbe ἀμφί soulignerait la diffusion de la réponse à l’auditoire. On remarquera que ἐν° est
soudé au verbe (comme en latin inquit), comme le montre à l’évidence le fait que, sauf dans le cas de
e-qo-te, il n’y pas d’attestation du verbe simple. Que ἐν° n’était plus senti comme un préverbe est suggéré
aussi par l’existence de formes avec préverbe ἐπ° en laconien (au thème de présent) et en éléen (au thème
d’aoriste) 40. La forme laconienne εφ-εν-εποντι SEG 12.368 (a. 242) [ep-hen-eponti] (= ἐπαγγέλλουσι)
est particulièrement intéressante car elle reflète le déplacement de l’aspiration à partir de *ep-en-héponti.
En éléen (dialecte psilotique !), l’optatif επενποι et l’impératif επενπετō, Schw. DGE 409.5.6 (vie s.), de
*ep-en-skw-o/e-, ne permettent pas de savoir s’il y a eu déplacement d’aspiration. Voilà qui nous conduit
à voir dans a-pi-e-ke un composé de /amphi°/ et de la forme d’aoriste sans augment /°en-skw-e/ 41, donc
a-pi-e-qe /amphi-he(n)-skwe/ « on fit mention de tous les honorables de la ke-ro-si-ja » 42.
ke-ro-ta et pa-ta sont interprétés par les éditeurs comme respectivement sujet et objet de a-pi-e-qe. L’inter­
pré­tation de pa-ta comme « purée d’orge » 43 à la lumière de (τὰ) παστά (Corp. Hipp. première attest. ; Ael. Dion. ;
Hsch. πάστα· βρῶμα ἐκ τυροῦ ἀνάλου μετὰ σεμιδάλεως καὶ σησαμίου σκευαζόμενον. οἱ δὲ ἔτνος ἀλφίτοις) ne
poserait pas de problème comme objet de ἀμφ(ι)έπω. Les éditeurs font bien de chercher un correspondant en
34. Lit. sekù (inf. sèkti) « (pour-)suivre » reflète la perte régulière du moyen en baltique. Got. saiƕan « voir »
(*« suivre / accompagner avec la vue ») est un développement secondaire.
35. Ruijgh 2006, p. 165 sq.
36. Risch 1987.
37. Meier-Brügger 2006, p. 111 sq.
38. Dans ce cas, on interpréterait le texte thébain comme « quand on mentionna toutes les vieilles prescriptions »
(cf. Soph. fr. 794.1 σὺ γὰρ γέροντα βουλεύεις). On rappellera que ke-ro-ta est attesté comme qualificatif de pa-we-a2
(et de TELA à Cnossos).
39. Cf. aussi Od. 1.1 Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλά…, Hés., Th. 369 ; « mentionner » Hés., Op. 2 ;
Sappho fr. 15b.10 ; Eur. Supp. 610.
40. Cf. en dernier lieu Risch 1987, p. 528 sq. avec des références.
41. Cf. hom. ἔσπετε (Il. 5.484 = 11.218 = 14.508 = 13.112).
42. L’interprétation comme imparfait /amp hi-hek we/ que propose M. Meier-Brügger 2006, p. 112, ne saurait être retenue au
vu du fait que les deux autres phrases temporelles introduites par o-te ont le verbe à l’aoriste te-to /t he(n)to/ (Panagl 2006,
p. 153 sq.) dans les nouveaux textes thébains (Fq 126, Fq 130) et qu’il en est de même pour PY Ta 711.1 o-te … te-ke /
h
ote … t hēke/ : le parallélisme exclut la possibilité d’un imparfait.
43. AGS 2001, p. 226.
espace religieux, théonymes, épiclèses. à propos des nouveaux textes thébains
81
grec, même en grec tardif. Mais ils ont tort d’essayer d’y voir l’objet d’ἀμφιέπω et de voir des parallélismes
avec les expressions homériques pour « préparer le banquet » (cf. supra) car ἀμφ(ι)έπω n’a rien à voir avec
a-pi-e-qe.
ma-ka peut bien être lu avec les éditeurs comme (dat.) Μᾷ Γᾷ, qu’ils interprètent comme « pour la
Mère Terre » (avec référence à μᾷ γᾷ chez Eschyle) 44. La forme μᾶ est possible (cf. μαῖα < *meh2-iḭǝ2 ),
et elle se laisse bien associer avec μάτηρ 45, comme γᾶ (= γῆ) est inséparable de γαῖα, indépendamment de
l’étymologie du mot 46. On reviendra sur ce point.
a-ko-da-mo : L’interprétation « rassembleur de fidèles » 47 /agoro°/, que les éditeurs postulent à partir du
terme ἄγορος (3 fois comme synonyme d’ἀγορά chez Euripide, dont Andr. 1037, πολλαὶ δ’ ἀν’ Ἑλλάνων ἀγόρους
στοναχὰς / μέλποντο δυστάνων τεκέων, dont Hsch. ἄγορος˙ ἅθροισμα. στρατὸς ἢ καὶ δημηγόρος 48) contredit
tout ce que nous savons sur le grec. À part le problème de la graphie (a-ko- pour /agoro°/?), un composé non
onomastique /agoro-dāmos / est impossible 49 : on s’attendrait soit à un premier élément /ag(e)re°/, notamment
*a-ke-re-da-mo /ag(e)re-dāmos / (du type φερέ-οικος, type peu fréquent et limité à l’onomastique) soit à
*da-ma-ko-ro /dām-āgoros / (du type θεο-τόκος cf. δημηγόρος Hdt.). C’est justement cette forme à laquelle l’on
s’attendrait pour un « rassembleur du dāmos » (i.e. de la communauté). Sur ce point le mycénien ne laisse pas de
doute, comme le montrent to-ko-do-mo /toik ho-domo- / « constructeur de murs », ka-ra-wi-po-ro / klāwi-p horo- /
« porteur de clés », pu-ka-wo / pūr-kawo-/ « allumeur du feu », ta-pa-po-ro / ta-pa-p horo- / « porteur de ta-pa ».
On trouve aussi /ºāgoros / au moins dans ri-na-ko-ro PY An 129.5 /līnāgoro- / « cueilleurs de lin » 50. D’ailleurs
on peut voir dans a-ko-da-mo, comme dans a-ko-ro-da-mo, deux anthroponymes composés plutôt qu’un titre 51.
o-po-re-i : Le rapport étymologique avec ὀπώρα « automne » est exclu (cf. supra § 5). La seule
interprétation possible est /Opōre hi / (ὀπι°, °ὄρος « montagne ») : elle n’exclut pas la possibilité d’une
épiclèse, au moins du point de vue strictement formel (sur les inconvénients que cette interprétation soulève
dans le cadre des mentions religieuses en mycénien, voir § 14-16).
ka-ne-jo : L’interprétation comme « nom de métier dérivé en -ειος de χάν, χανός » « celui qui s’occupe
des oies » 52 est à écarter. En mycénien les formations en /-eio- / ne sont pas des noms de métier, mais des
pertinentifs ajoutés normalement à des noms propres, mais aussi à des appellatifs communs 53. Si ka-ne-jo
recouvre /k hāneio- / (vraisemblablement un datif /-ōi /, à en juger par le contexte), son signifié serait celui
de gr. class. χήνειος, ion. χήνεος « propre à une oie », « d’oie » 54. Une interprétation comme datif d’un
sobriquet /Khāneios / est plus vraisemblable, cf. l’adjectif de matière ka-ne-ja « en jonc » (ka-ne-jo wo-roma-ta- /kaneia wlōmata / « franges en jonc » ,PY Ub 318), cf. κάνειον (Hom. première attest.), -εον (Hdt.)
« corbeille de jonc », comme le suggère Th. Palaima 55.
44. AGS 2001, p. 188 sq. et passim ; Lejeune 1997b ; Ruijgh (en dernier lieu 2006, p. 160 sq.) ; Weilhartner 2005,
p. 196 sq.
45. Cf. le tableau chez Meier-Brügger 2006, p. 114.
46. Le fait que le parallèle invoqué μᾶ γᾶ est une invocation plutôt qu’une épithète ou une épiclèse n’est pas une difficulté
insurmontable.
47. AGS 2001, 170 sq. Idée acceptée par Boëlle 2004, p. 190 (« l’étymologie … semble valide … sans aucun arrière-plan
religieux »). 
48. Aussi Eur. El. 723, Iph. Taur. 1096… Herc. 412.
49. Ceci même si le quasi-hapax euripidéen ἄγορος était un terme courant pour « rassemblement » comme le prétend
Panagl 2006, p. 155 sq.
50 Cf. aussi l’obscur te-u-ta-ra-ko-ro (PY An 424.1, Eo 276.1), peut-être te-ụ.[-]ta-ko-ro (KN Uf 837.b).
51. J’ai proposé d’y voir deux noms différents et d’interpréter a-ko-da-mo comme /Arkhodāmo-/ et a-ko-ro-da-mo comme /
Akrodāmo-/ (García Ramón 2006, p. 48 sq.).
52. AGS 2001, p. 226, 322 sq.
53. Killen 1983.
54. cf. e.g. Hdt. 2.37 … καὶ κρεῶν βοέων καὶ χηνέων πλῆθός τι… γίνεται πολλόν…, 2.68 τὰ μὲν γὰρ ὠᾲ χηνέων οὐ πολλῷ
μέζονα τίκτει (aussi Diod. Sic. 1.35.3).
55. Palaima 2006, p. 139 sq. Il s’agirait d’un dérivé diminitif de pré-gr. κάννα « roseau », lexicalisé comme appellatif.
82
j.l. garcía ramón
ko-wa : L’interprétation des éditeurs comme datif de Κόρη ne pose point de problème morphologique.
Le terme est bien attesté en mycénien comme appellatif désignant une jeune femme, tout comme en grec
alphabétique. Le terme ko-wa /korwāi/ dans les nouveaus textes thébains désigne-t-il vraiment une déesse, et,
concrètement, Perséphone ? Voilà une question à laquelle il ne peut être répondu qu’à l’aide de la philologie
des textes mycéniens et, en partie, à la lumière des attestations de Κόρη en grec alphabétique (cf. § 17).
a-pu-wa (aussi TH Fq 229.3 et al.) : Le rapprochement avec Ἅρπυια est mentionné comme possible par
les éditeurs 56. Le destinataire était-il divin ou humain ? Le contexte ne permet pas de trancher : étant attesté
inmédiatement après o-po-re-i et avant ou après ko-wa, on peut bien conclure que a-pu-wa a le même statut que
ces deux formes. En tout cas la forme n’est pas directement identifiable avec hom. Ἅρπυια : dans ce cas, on aurait
évidemment a-pu-ja (ou a2-pu-ja), cf. a-ra-ru-ja (ἀραρυῖα). Si l’on veut conserver l’identification avec la Harpie,
il faut admettre un remaniement formel, en tout cas non phonétique stricto sensu, de date post-mycénienne
(/-uwă / → gr. alph. -υῖα), quelle que ce soit l’étymologie du mot 57 : un tel remaniement est certes possible, mais
demeure, en tout cas, indémontrable, car il s’appuie sur l’obscurité des termes non-grecs. Or, le fait est que a-puwa peut bien être un nom de personne, et en particulier */Āpuwās/, comme le propose Günter Neumann 58 : il
s’agirait d’un dérivé nominal en /-ās/ du type Ἀρτύας (Ἀρτυ°) bâti sur *āpu-, cf. hom. ἠπύτα κῆρυξ.
En somme, le contexte éleusinien que suggère la traduction donnée par les éditeurs de Fq 254[+]255 est
une illusion qui s’appuie sur la prétendue existence de formes qui ne sont pas attestées ni même possibles en
grec : il n’y a pas de « purée d’orge », ni de « rassembleur de fidèles », ni de Zeus « protecteur des Fruits »,
ni de « gardiens des oies ». D’ailleurs, les membres intégrés à la prétendue triade (ma-ka, o-po-re-i, ko-wa)
ne sont pas mentionnés en contiguïté.
§ 9. Passons à la tablette Fq 130, suivie de la traduction des éditeurs 59,
1. o-te , o-je-ke-te-to ma-ka
HORD T 2[
2. o-po-re-i
V 2
ko-wa Z 2[
3. ka-wi-jo FAR
V 1
re-wa-ko a-me[-ro
4. ]ạ-ke-ne-u-si V 2
ku-si
V 2[
5.
] vestigia [
« 1. Lorsque fut faite la révélation (ou lorsque fut faite l’ouverture de la fête), pour la Mère Terre
ORGE 19,2[ l.
2. pour (Zeus) protecteur des fruits 3,2 l. pour Korè 0,8[ l.
3. pour le desservant de la Terre FARINE 1,6 l. pour Rewako pour Amero ?[
4. pour les purs 3,2 l. pour les chiens 3,2[ l. »
o-je-ke-te-to : La traduction « fut faite la révélation / l’ouverture » est gratuite (cf. § 3).
ka-wi-jo (aussi Fq 123.1 et al. et PY An 192.14) : L’interprétation comme « un nom de fonction
masculin … “le desservant de la terre” » 60 est phonétiquement insoutenable, car il n’y a pas le moindre
indice de l’existence d’une protoforme *gaa- (la variante γαῖα de γῆ s’explique par croisement avec αἶα
et peut-être μαῖα : aucune de ces formes ne permet de supposer un --). Même si l’explication n’achoppait
pas sur le plan de la phonétique, il faut souligner qu’un dérivé en -ios aurait eu le sens « terrestre », et non
« desservant de la terre ». Il s’agit plutôt d’un anthroponyme : on penserait à une forme « courte » de
ka-wa-do-ro (PY), probablement /Gawandros/, donc dat. ka-wi-jo /Gawiōi/ (hom. κύδει γαίων) 61.
56. AGS 2001, p. 214.
57. Probablement un mot du type ἄγυια, que ce soit un ancien part. parfait ou non, cf. Neumann 2006, p. 126.
58. Neumann 2006, p.135 sq. avec référence à l’interprétation de l’anthroponyme na-pu-ti-jo /Nāputios/ et de hom. νήπιος
(*nāpo-) et βρι-ήπυος, épithète d’Arès, proposée par Alfred Heubeck à partir de *āpu- « crier fort » (1970, p. 70).
59 AGS 2001, p. 195 sq.
60. AGS 2001, p. 182 et 323.
61. D’après Neumann 1995, p. 140.
espace religieux, théonymes, épiclèses. à propos des nouveaux textes thébains
83
re-wa-ko (Fq 130.3 et al.) : L’interprétation comme Λέαρχος 62 est insoutenable : l’équivalent mycénien de
ion. λεώς étant /lāwo-/, il n’est que trop évident que la forme correspondante aurait été *ra-wa-ko- /Lāwarkhos /.
Le nom doit être interprété comme (dat.) /Leiwakōi/ (nom. */Leiwakās /, correspondant à λείαξ « (jeune)
imberbe », cf. la glose λείαξ · διὰ τῆς ει διφθόγγου. παρὰ γὰρ τὸ λεῖον γέγονε λείαξ (Herod. EM 562,19),
λίαξ· παῖς ἀρχιγένειος (Hsch.) : il s’agit de dérivés en -āk(-o)- formés sur λεῖος « plat, lisse » 63 (IE *leiο-,
cf. lat. lēuis), et aussi « sans poil » (Arst. Hist. Anim. 583a6 λειότατον τῶν ζώων ἐστὶν ἄνθρωπος).
a-me-ro : on adhère volontiers à l’interprétation des éditeurs /hĀmero-/ (Ἥμερος) 64.
a-ke-ne-u-si : L’interprétation comme dat. plur. de *ἁγνεύς « celui qui est purifié », « pur » 65 peut être
admise, faute de mieux, sur la base de ἁγνεύω « être pur(ifié) » (Aesch., Hdt. premières attest.), comme le
suggère Günter Neumann 66. Je penserais plutôt à une formation dénominale (et non déverbale) en -εύς bâtie
sur ἁγνός (ou ἁγνο°, premier membre de composé) pour désigner un groupe social du type ἀριστεύς (ἄριστος),
ἀγχιστεύς (ἄγχιστος) 67 : ce serait donc un groupe humain, comparable à des groupes de personnes déguisées en
animal (et mentionnées par des zoonymes) dans l’interprétation séduisante de J. Weilhartner 68.
En somme, dans Fq 130 rien ne laisse reconnaître un contexte éleusinien : la forme énigmatique
o-je-ke-te-to n’indique pas qu’une révélation fut faite ni que l’ouverture d’une fête a eu lieu. Il n’y a pas
de « desservants de la terre », ni d’initiés (« purs »). La prétendue triade (ma-ka, o-po-re-i, ko-wa) est
apparemment mentionnée en contiguïté mais à la fin de la ligne 1 il y a une place suffisante pour un autre
mot, qui peut bien être a-ko-da-mo (cf. § 12). L’interprétation de re-wa-ko, bien que fausse, ne change rien
à la structure et au contenu de la tablette.
§ 10. Revenons sur les possibles théonymes des tablette de la Odos Pelopidou. Dans le cadre de leur
interprétation dans un contexte religieux, les éditeurs des tablettes de Thèbes considèrent comme des théonymes
assurés ma-ka, o-po-re-i et ko-wa : ils y reconnaissent une triade correspondant à celle d’Éleusis, et voient aussi
dans di-wi-ja-me-ro et si-to des mentions des déesses di-wi-ja (attestée déjà à Pylos) et Déméter, qui serait
aussi mentionnée sous la forme si-to-po-ti-ni-ja à Cnossos 69.
L’interprétation de di-wi-ja-me-ro dans Gp 109 comme Διϝίας μέρος « la part de la di-wi-ja », que
proposent les éditeurs et est admise par M. Lejeune 70, n’est pas impossible du point de vue morphologique.
Cela justifierait, pour le texte de Gp 109,
1. *63-te-ra-de, di-wi-ja-me-ro, qe-te-jo,
2. VIN 2 V 5
la traduction des éditeurs : « vers *63terade : part de la Diwija à payer : 2. VIN 65,5 l. ». Dans ce cas, on
aurait à Thèbes la même déesse, celle qui est attestée Pylos, ce qui n’aurait rien d’étonnant.
62. AGS 2001, p. 396.
63. García Ramón 2006, p. 44.
64. AGS 2001, p. 389.
65. AGS 2001, p. 180.
66. Neumann 2006, p. 136, qui interprète *ἁγνεύς comme « jemand, der Reinheit (im kultischen Sinne) hatte oder in einem
kultisch-reinen Bereich tätig war, wie ein ἱερεύς der ist, der ἱερά besorgt ».
67. Aliter Palaima 2006, p. 142 sq. qui lit /akhneusi/ ou /akneusi/ « winnowers », « vanneurs » et invoque ἄχνη, « balle
de grain », ἄχυρον, « paille » (normalement au pluriel), ἄχωρ, « teigne ». La formation de ces mots ne pose pas de
problème majeur : ἄχνη (Hom. première attest.) ; */akhnēus/ seraient dans le même rapport que ἄγρα, « chasse » :
ἀγρεύς, « chasseur » (Pind. première attest.), πομπή, « procession » : πομπεύς, « guide » (Hom.), σκάφη, « fosse » :
σκαφεύς, « fossoyeur » (Alcm., Eur.), κώπη, « rame » : κωπεύς, « rameur ». Dans ce cas */akhnēus/ pourrait être « celui
qui travaille le grain ». Or, la difficulté phonétique soulignée par C.J. Ruijgh (apud Palaima, p. 142 sq.) demeure. Ἄχνη
semble présupposer proto-gr. *akh-snā-, qui serait noté **a-ka-sa-na. On aurait du mal à invoquer une racine à aspirée
gr. *akh-, d’où *akh-nā- sur la base de ἄχυρον, ἄχωρ, où l’aspirée peut bien être secondaire.
68. Weilhartner 2005, p. 198 sq., et 2007.
69. Cf. la synthèse dans AGS 2001, p. 317 sq.
70. AGS 2001, p. 277 sq. ; 2003, p. 21 ; Lejeune 1997c, p. 289 ; Boëlle 2004, p. 192.
84
j.l. garcía ramón
Or on peut bien interpréter di-wi-ja-me-ro comme /dwi(y)āmeron / « période de deux jours » 71, composé
du type att. πενθήμερον « période de cinq jours » 72. Les éditeurs 73 insistent sur le fait que di-wi-ja est une
déesse et donnent comme arguments la présence de di-wi-ja[ en Gp 313.2 et les quantités de vin qui seraient
trop considérables pour une attribution pour deux jours. Le premier argument s’appuie sur un texte mutilé
et le deuxième n’est pas décisif, car la quantité dépend des destinataires et de l’importance de la fête, s’il
s’agit bien de cela 74.
On soulignera, en tout cas, que le mot mycénien attesté pour « partie, portion » (d’un territoire, proba­
blement aussi d’un allotement) n’est pas */meros / (μέρος 399 h.Cer. première attest.), mais plutôt un des
synonymes /morrˊa /, /morrˊon / ou /moron / (μοῖρα, μόρος Hom. première attest., μόριον Hdt. première attest.) :
il se laisse reconnaître dans le premier membre du composé mo-ro-qa 75 /mo(i)ro-kkwā-s / « celui qui obtient
(ou “a”) une portion », dont le second membre est /ºkkwā-s / (cf. πάομαι, synonyme de κτάομαι). On observe que
PY Aq 64 et Jo 438, deux textes où apparaît mo-ro-qa, rapportent les donations de quantités d’or pour un temple
de la part d’une série de fonctionnaires (plusieurs fois un ko-re-te, une fois un po-ro-ko-re-te et un qa-si-re-u),
ce qui rappelle la livraison de quantités de vin dans TH Gp 109. Le composé myc. mo-ro-qa reflète le syntagme
μοῖραν κτήσασθαι de la prose classique (Hdt. 1.73 καὶ γῆς ἱμέρῳ προσκτήσασθαι πρὸς τὴν ἑωυτοῦ μοῖραν),
ainsi que μοῖραν / μόρον (Od. 20.281/2 μοῖραν… / ἴσην, ὡς αὐτοί περ ἐλάγχανον, Hdt. 7.23 ἀπολαχόντες γὰρ
μόριον), qui est à la base de l’anthroponyme λαχέμοιρος (Attique). En tout cas, le fait que /morrˊa /, /morrˊon /
ou /moron / désignent une part dans les tablettes n’est pas un argument définitif contre la possibilité de lire
un synonyme /meros / dans di-wi-ja-me-ro. De fait, en grec classique, on trouve aussi μέρος comme objet de
κτάομαι et de λαγχάνω (Xén. Œc. 2.9.9 μέρος … κεκτῆσθαι, Théogn. 453 εἰ γνώμης ἔλαχες μέρος, Hdt. 4.114
ἀπολάχετε τῶν κτημάτων τὸ μέρος), ce qui permet de supposer que le terme aurait pu exister en mycénien.
Or, le fait est que μέρος n’est attesté pour la première fois que dans l’Hymne homérique à Déméter, et dans
un sens tout différent de celui de la portion que reçoit une déesse (v. 399-400 οἰκήσεις ὡρέων τρίτατο μέρ[ος
εἰς ἐνιαυτόν] / τὰς δὲ δύω παρ’ ἐμοί τε καὶ [ἄλλοις ἀθανά]τοισιν « tu habiteras la troisième partie des stations
chaque année, et les deux autres avec moi et avec les autres immortels »), et que, à ma connaissance, dans ce
sens, on emploie plutôt μοῖρα (cf. Aesch. Suppl. 1041 δέδοται δ' Ἁρμονίᾳ μοῖρ' Ἀφροδίτας).
En revanche, un composé /dwyāmeron / ne pose pas de problème du point de vue de la formation des
mots : la coexistence de o/āmeron / (non attesté jusqu’à présent en linéaire B) avec */āmar / (et collectif
*/āmōr /, cf. a-mo-ra-ma /āmōrāmar /, « jour par jour », KN Am (1)600, 601) 76 entre bien dans le schéma
adj. -ero- (abstrait -erā-) : neutre -ar, cf. hom. ἡμέρα : ἦμαρ. L’interprétation « (pour) deux jours », même
si elle reste simplement possible, me semble préférable.
§ 11. La forme si-to dans les séries TH Ft (1) et Av 100 et 101 est interprétée comme nom d’une
déesse, qui serait la même divinité que la si-to-po-ti-ni-ja de Mycènes (Oi 701) et la ma-ka thébaine,
et qui serait formellement identique à Σιτώ, épithète de Déméter en Sicile 77. Par le même biais, les
si-to-ko-wo de TH Av 104[+]191 et de PY An 292 sont interprétés comme « ceux qui s’occupent de Σιτώ »,
« les desservants du sanctuaire de Σιτώ » 78. En fait, les tablettes en question, notamment la série Ft de
Thèbes, qui reflète des allotements d’olives à des destinataires (humains, animaux), et la série Av montrent
71. Ch. de Lamberterie 1999 ; Melena 2001, p. 50 sq. (« para dos días ») et p. 151 ; Palaima 2001-2002, p. 479 sq. ;
Weilhartner 2005, p. 200, n. 523 (« jeden zweiten Tag ») ; Killen 2006, p. 98 (« [for] a two days period » : l’idée a été
partagée par J. Chadwick) ; Meier-Brügger 2006, p. 114.
72. Cf. aussi Pind. Ol. 5.6 ἀέθλων τε πεμπαμέροις ἁμίλλαις et chypr. (to-)pe-pa-me-ro-ne /tō pempāmerō(n)/).
73. AGS 2003, p. 7.
74. Aliter Melena et Palaima, loc. cit.
75. Le terme (PY An 519.2, Aq 64.2-5, Jo 438.5.6.17 ; KN C 954.1 ; et aussi Xd 7586 sans contexte) désigne des fonctionnaires
de haut rang à Pylos et à Cnossos (dans PY An 519 et KN C 954.1-2 mo-ro-qa peut être un anthroponyme).
76. Leukart 1987, p. 356 sq. ; Killen 2000, p. 141 sq.
77. AGS 2001, p. 271, avec référence aux sources anciennes.
78. AGS 2001, p. 174 sq. Boëlle 2004, p. 189, qui ne voit pas une déesse dans si-to, accepte le lien suggéré avec κοέω et
propose « peut-être donc des “boulangers” ».
espace religieux, théonymes, épiclèses. à propos des nouveaux textes thébains
85
à l’évidence que si-to explicite la désignation plus générale ka-pa /karpā/, collectif de καρπός, « fruit » 79,
et correspond formellement à gr. alph. σῖτον :
Ft 219
1. ka-pạ s ị t ọ , ko-ro-qe[
2. a-ko-da-mo
V 2 ka-si[
(311)
(AGS 2001 : « 1. Pour le récipient à offrandes, pour Sito ? et pour le porc[/2. pour le rassembleur de fidèles
3,2 l. pour les oies[ ») 80.
Ft 220[+]248
1. ka-pa / si-to OLIV T 3 V 4 // ko-ro T [ ]V 2
2. a-ko-da-mo V 4 ka-si ˻ ˼ te-de-ne-o OLIV T 1
Ft 234
1. ka-pa , ko-ro OLIV T 4 V [
2. a-ko-da-mo V 4 ka-si
T [
(311)
(311)
Comme terme apposé à ka-pa, si-to désigne le « grain », i.e. la nourriture humaine (Od. 8.222 ὅσσοι
νῦν βροτοί εἰσιν ἐπὶ χθονὶ σῖτον ἔδοντες, 9.89 οἵ τινες ἀνέρες εἶεν ἐπὶ χθονὶ σῖτον ἔδοντες), vis-à-vis de
ko-ro, qui doit désigner un autre type de nourriture 81, et non un porc, comme le soutiennent les éditeurs.
Il n’y a donc pas de raison de voir dans si-to une déesse ni de l’identifier ni avec la si-to-po-ti-ni-ja ni
avec la Déméter Σιτώ sicilienne : la si-to-po-ti-ni-ja /Sītōn Potnia / est certainement une déesse souveraine
du grain, comme on l’a souvent souligné 82, ancêtre de la Déméter homérique et classique, tandis que Σιτώ
est une forme courte d’un composé épithète de Déméter, à premier membre σιτοo. Pour ce qui est des
si-to-ko-wo, il est préférable d’y voir des /sītokhowoi / « distributeurs de (qui versent des) céréales », avec
un second membre /°khowo-/ : χέω, « verser ») : il y a des parallèles plus qu’évidents en grec et hors du grec
(lat. segetem fundere, hitt. kar(a)š išḫu[a]-ḫḫi ) 83.
On ajoutera que myc. ko-ro /koros / (si-to ko-ro-qe Ft 219.1) désigne, à mon avis, « le fourrage pour
des animaux » et correspond à κόρος, attesté depuis Homère avec le sens figuré de « satiété », cf. κορέννυμι
« se rassasie » 84. Le verbe est bien attesté avec des animaux comme objet : Il. 11.562, σπουδῇ τ' ἐξήλασσαν,
ἐπεί τ' ἐκορέσσατο φορβῆς « (des enfants) qui le poussent dehors avec difficulté, quand il (un âne) se
rassasie de fourrage », Il. 13.831-832 …ἀτὰρ Τρώων κορέεις κύνας ἠδ' οἰωνοὺς / δημῷ καὶ σάρκεσσι
« … et tu rassasieras les chiens et les oiseaux de proie des Troyens de graisse et de morceaux de chair »,
Théogn. 2.1269 (ἵππος) … κριθαῖσι κορεσθείς. Cela permet de supposer que myc. /koros/ était l’abstrait
correspondant à ce sens, soit « le fourrage pour des animaux », avant d’acquérir le sens métaphorique
de « arrogance » et « satiété » qui est déjà attesté chez Homère, cf. Il. 13, 634-6 … οὐδὲ δύνανται / φυλόπιδος
κορέσασθαι ὁμοιΐου πτολέμοιο./ πάντων μὲν κόρος ἐστὶ καὶ ὕπνου καὶ φιλότητος « ils ne réussissent pas à
se rassasier de la rivalité du combat, qui est égal pour tous. De tout il y a une satiété, même du sommeil et de
l’amour ». Cette interprétation n’est certes pas infirmée par le fait qu’en mycénien on a au moins un autre
terme pour le fourrage animal, notamment po-qa /phorgwā/ (φορβή), qui n’est pas forcément un synonyme.
79. Le type collectif en -ā- est bien connu (cf. en dernier lieu Meier-Brügger 2006, p. 116) et remonte à l’indo-européen,
cf. heth. alpāš « nuage » et collectif alpa « (groupe de) nuages ».
80. AGS 2001, p. 271 sq.
81. Cf. Fischer 2003, p. 178, 191 et n. 77, qui voit dans ko-ro la désignation d’un type d’olives.
82. Cf. en dernier lieu Boëlle 2004, p. 186 sq. ; Rougemont 2005, p. 348 sq. ; Weilhartner 2005, p. 195 et 199.
83. Bien que le syntagme [verser le grain] ait toutes les chances d’être à la base du composé si-to-ko-wo, il n’est pas exclu du
point de vue formel que le second membre soit /ºkowo-/ (cf. κοέω « observer ») du type pu-ko-wo /pūrkowos/ « gardien
du feu » (AGS 2001, p. 174), mais nullement avec un théonyme Σιτώ.
84. Sur l’étymologie de κόρος, cf. *k̂erh1- « nourrir, faire grandir », lit. šėr-ti « nourrir les bêtes », et le nom de tribu ionienne
Αἰγικόρος, avec l’éponyme Αἰγικορεύς, (Hdt., Eur., inscr.), ainsi que Αἰγικόρος, épiclèse de Pan (Nonn. 14.s75). Cette
idée sera développée en détail ailleurs.
86
j.l. garcía ramón
§ 12. Les éditeurs identifient ma-ka, o-pe-re-i et ko-wa comme respectivement Μᾶ Γᾶ (Déméter),
Ὀπώρης (Zeus « des récoltes ») et Κόρη, et y voient une « triade thébaine… composé de la Terre Mère (ou
Déméter), de Zeus protecteur des fruits et de Korè. La référence au cycle des saisons et aux récoltes est donc
évidente. On en trouve des références très explicites dans les rites et les mystères éleusiniens » 85. Or, le fait,
maintes fois signalé 86, est que les trois noms n’apparaissent pas une seule fois en contiguïté immédiate. Dans
TH Fq 126 et 130 ma-ka, o-po-re-i et ko-wa pourraient donner l’impression d’être attestés en contiguïté, mais
cela est en fait dû au caractère lacunaire des tablettes, à en juger par leurs dimensions. Ainsi, dans Fq 126 :
.1 a
.1 o-te , tu-wo-te-to , ma-ka , HORD T 1 V[
.2 o-po-re-i
V 1 Z 2
ko-wa Z[
Z 1 [
à la ligne 1, il y a assez de place après ma-ka pour un destinataire, qui peut bien être l’anthroponyme
a-ko-da-mo, à en juger par la ligne 1 d’autres textes (Fq 117, 240, 241, 253, 258, 275) 87. De plus, et ceci
est définitif, il y a des tablettes dans lequelles les mots en question apparaissent séparés par d’autres mots,
évidemment d’autres destinataires. Ainsi, dans Fq 254[+]258.1-4, dont le texte rend tout commentaire superflu :
.1
.2
.3
.4
de-qo-no H Ọ R D T 1 V 2 Z 3 o-te , a-pi-e-qe ˻ ˼ ke-ro-t ạ
pa-ta , ma-ka HORD T 1 V 2 Z 2 a-ko-da-mo V 2
o-po-re-i[ ]m ạ -d ị -je V 1 [ ]1 k ạ -ne-jo V 3
k ọ -wa Z 2 a-pu-wa Z 2 ko-ru Z 2
Il en est de même pour Fq 229, où il y a largement la place, à la fin des lignes 1 et 2, pour au moins un
autre mot :
.1 ma-k ạ [
.2 o-po-re-i
.3 a-pu-wa Z 2
[
ko-w ạ [
Dans des tablettes où seulement deux des prétendus théonymes sont attestés, ils n’apparaissent pas
non plus en continuité. C’est le cas de Fq 258, où ma-ka et ko-wa sont séparés par plusieurs mots :
.2 ma-ka HORD T 1 V 3 Z 1 a-ko[-da-mo
.3 ma-di-je V 3 Z 2 ko-wa Z [
Une telle distribution des membres de la prétendue triade est en contradiction totale avec ce à quoi l’on
s’attend pour une triade, à savoir la contiguïté, comme le montre à l’évidence la triade composée par Zeus, Héra
et Drimios, fils de Zeus, dans la tablette PY Tn 316, dont le contraste avec Fq 254[+]258 ne saurait être plus net :
v. 9
v. 10
di-we aur * 213 VAS 1 vir 1 e-ra aur * 213 VAS 1 mul 1
di-ri-mi-jo ˻ ˼ di-wo , i-je-we , aur * 213 VAS 1 [ ] vacat
Ce fait, n’étant que trop évident, rend inutile d’entrer dans la question de savoir si l’existence de la
prétendue triade pourrait être défendue avec d’autres arguments. On peut pourtant prendre en considération
la possibilité que les trois mots ou l’un d’entre eux au moins soient des théonymes, même s’ils ne forment
évidemment pas la dite triade.
§ 13. Un fait constaté doit être retenu en tout cas : l’indication de quantités considérables d’orge (après
l’idéogramme HORD) destinées à ma-ka sont largement supérieures à celles destinées à o-pe-re-i et ko-wa,
ce qui peut être interprété comme indice de la supériorité du rang de ma-ka par rapport aux autres, que ce fût
une déesse (la Mère Terre) ou une personne, voire que ma-ka désignât un type de repas, d’où l’importance
85. AGS 2001, p. 317 (et passim) ; 2003, p. 20.
86. Pour ne citer que la bibliographie récente, cf. Duhoux 2002-2003, spécialement p. 174 sq. ; Weilhartner 2005, p. 197 ;
Killen 2006, p. 102 sq.
87. Killen 2006, p. 102.
espace religieux, théonymes, épiclèses. à propos des nouveaux textes thébains
87
des quantités mentionnées. Dans ce qui suit on soulignera les difficultés essentielles, maintes fois signalées
par d’autres, dans l’interprétation de ma-ka, o-po-re- et ko-wa comme des dieux.
On a vu que l’interprétation de ma-ka comme (dat.) Μᾶ Γᾶ « pour la Mère Terre » 88 pourrait être
linguistiquement défendable. Or, c’est le contexte qui empêche d’écarter les réserves que l’interprétation
du terme comme théonyme soulève, comme le souligne le bilan pondéré de J.T. Killen au Colloque de
Vienne 89. L’indication de quantités considérables d’orge destinées à ma-ka peut bien, comme le précisent
les éditeurs, être un indice en faveur de l’interprétation du mot comme théonyme de divinité importante,
mais n’est pas définitif. En réalité, l’argument fondamental qui va en faveur de l’interprétation de ma-ka
comme théonyme est fourni par la tablette cnossienne F(1) 51,
v. 1.
wa HORD T 1 V 3 po-ro-de-q o -no V 2 Z 2
2.
di-we HORD T 1 HORD T 4 Z 1 ma-q ẹ HORD V 6
(ma-q ẹ peut être corrigé en ma-ḳạ).
Le parallélisme entre di-we et ma-ḳạ, suivis de l’idéogramme de l’orge et de l’indication de quantité,
est évident. Or, la lecture du dernier signe comme -ka fait toujours l’objet de discussion, si bien que
ma-qẹ n’est toujours pas à exclure 90. Tant que la lecture ma-ka n’est pas définitivement éclairée par les
épigraphistes, le parallèle avec le texte cnossien ne saurait être concluant : si la forme est vraiment ma-qe,
on y verrait volontiers /Māi-kwe/ en corrélation avec /Diwei-kwe/ : dans ce cas, */Mā/ serait une forme
courte du théonyme qu’on a voulu voir dans la première syllabe de la ma-ka thébaine 91.
Si cette interprétation est possible, il néanmoins vrai que les attestations de ma-ka dans la série Fq se
trouvent à côté de (et en parallèle avec des) récipiendaires humains, des animaux (ou des groupes d’humains
désignés par des zoonymes), voire un /deikwnōi/ « banquet » (§ 8). On ne peut donc nullement exclure que
ma-ka désigne une personne 92 (e.g. /Margāi/ de */Margās/ : *Μαργᾶς, sobriquet bâti sur μάργος‚ « avide »,
cf. les anthroponymes Μάργος, Μαργύλος et Μαργίτης‚ « glouton ») ou un type de repas (comme
de-qo-no), ce qui expliquerait la quantité qui lui est destinée. De fait, la séquence ma-ka se trouve en
parallèle avec de-qo-no dans TH Fq 254, où il est remarquable que les deux formes sont suivies de HORD
avec indication de quantité considérable (T 1 V 2 Z 3 pour de-qo-no, HORD T 1 V 2 Z 2 pour ma-ka) :
1. de-qo-no HỌRD T 1 V 2 Z 3 o-te , a-pi-e-qe˻ ˼ke-ro-tạ
2. pa-ta , ma-ka HORD T 1 V 2 Z 2 a-ko-da-mo V 2
On pourrait donc proposer l’alternative suivante : ma-ka recouvrirait /margāi/, forme d’un féminin
*marg (apparenté à μάργος, « avide », Μαργίτης‚ « glouton », cf. supra) 93.
§ 14. Quant à o-po-re-i, qui est à séparer de gr. ὀπώρα et n’est certainement pas « celui des récoltes »
ni le « protecteur des récoltes », il doit être interprété comme « celui qui est sur (ὀπί) les montagnes (ὄρος) »
(cf. § 6). Il pourrait bien s’agir d’une épiclèse de Zeus, si elle accompagnait le théonyme du dieu et fonctionnait
comme une épiclèse descriptive : c’est le cas des épiclèses Ἀκραῖος, Ἐπάκριος, Κορυφαῖος ou ῎Ορειος, qui
sont attestés comme des épithètes attachées au théonyme. Ce n’est nullement le cas dans les textes thébains,
où l’épithète apparaît seule. Les éditeurs supposent que l’épithète désigne Zeus, mais l’hypothèse se heurte
au manque de parallèles, comme on l’a souligné avec raison 94 : il serait anormal en grec qu’une épiclèse
descriptive prenne la place d’un théonyme quand il s’agit de dieux du panthéon, et le fait est que dans les
tablettes mycéniennes il n’y a pas un seul cas de divinité olympienne attestée exclusivement au moyen
d’une épithète descriptive. Les divinités du panthéon sont attestées par leur nom (comme c’est le cas de
88. Cf. μᾷ γᾷ (Eschl. Supp. 890, 899) : AGS 2001 passim, Lejeune 1997a ; Milani 2003 ; Ruijgh 2006, p. 160 sq. ;
Weilhartner 2005, p. 196 sq.
89. Killen 2006, p. 102 sq. ; Duhoux 2003-2004, p. 234 sq.
90. Ainsi, en dernier lieu Duhoux 2006.
91. Ainsi Ruijgh 1996, p. 454.
92. Ainsi, Melena 2001, p. 50 qui opère avec la possibilité d’un anthroponyme /Malkā(s)/, /Margā/ ou /Makhā/ ; Duhoux
2003-2004, p. 234 sq.
93. Aliter Palaima 2006, p. 145, qui a pensé à μάζα, « masse d’orge ».
94. Palaima 2000-2001, p. 479 ; Boëlle 2004, p. 186 sq.
88
j.l. garcía ramón
Zeus à Pylos et à Cnossos) et, dans un seul cas, par le nom suivi d’une épithète, cf. e-ma-a2 a-re-ja PY Tn
316 v.7, cf. infra. Ce point est décisif pour l’interprétation de o-po-re-i et mérite d’être rappelé à la lumière d’un
court excursus sur les mentions des dieux olympiens dans les textes en Linéaire B.
§ 15. Dans l’essentiel, pour les mentions des dieux du Panthéon en Linéaire B, on trouve les
possibilités suivantes :
(1) des théonymes sans épiclèse : Zeus (dat. di-we /Diwei/, gén. di-wo /Diwos/) et Héra (dat. e-ra /hErāi/),
Arès (a-re, avec l’anthroponyme a-re-i-jo /Arehios/, a-re-ja épithète de e-ma-a2 cf. hom. Ἀρήιος, éol. lit. ἀρεύιος
et al., anthroponyme a-re-ị.-me-ne /Arehi-menēs/, a-re-me-ne), Artémis (gén. a-te-mi-to, dat. a-te-mi-te),
Dionysos (di-wo-nu-so[, gén. -o-jo), Héphaistos (Myc. /hĀphaistos/*, cf. l’anthroponyme a-pa-i-ti-jo), Hermès
(dat. e-ma-a2 /hErmāhāi/, gén. e-ma-a2-o), Poséidon (dat. po-se-da-o-ne, gén. -o-no, avec un correspondant féminin
po-si-da-e-ja ; cf. aussi po-si-da-i-je-u-si /Posidahiēusi/ « aux prêtres de P. »).
(2) un cas isolé de théonyme suivi d’épiclèse : l’épithète a-re-ja, qui est un dérivé d’Arès, apparaît comme
épithète de e-ma-a2 dans PY Tn 316.v7 (e-ma-a2 a-re-ja). Ce cas évident n’a pourtant pas de correspondant en
grec alphabétique : parmi les nombreux épithètes cultuels et littéraires d’Hermès il n’y en a à ma connaissance
aucun qui évoque ni Arès ni un caractère guerrier. On peut bien pourtant imaginer que le e-ma-a2 a-re-ja
mycénien était « /Hermahās/ sous l’aspect par lequel il ressemble le plus à Arès », pour reprendre la formulation
de R. Parker à propos de Zeus Arès et Athéna Areia 95.
On trouve aussi des théonymes qui sont associés depuis Homère à des dieux olympiens, soit comme des
épiclèses cultuelles ou littéraires, soit identifiés avec les dieux eux-mêmes. C’est bien le cas des théonymes
mycéniens (3) e-nu-wa-ri-jo (Ἐνυάλιος) et, probablement, e-ne-si-da-o-ne (cf. Ἐννοσίδας), si vraiment il
est représenté en grec alphabétique par Ἐννοσίδας, épithète de Poséidon (Pind., Stés.) et (4) pa-ja-wo-ne
(Παιᾶν, Παιήων).
(3) e-nu-wa-ri-jo (Ἐνυάλιος) et e-ne-si-da-o-ne (cf. Ἐννοσίδας) apparaissent depuis Homère comme
des épiclèses, très probablement inintelligibles pour les Grecs eux-mêmes, mais certainement distinctives,
respectivement d’Arès et de Poséidon, cf. par exemple Il. 17. 210-211, … δῦ δέ μιν Ἄρης / δεινὸς ἐνυάλιος
et Pind. Pyth. 4.173, Ἐννοσίδα γένος. On remarquera que e-nu-wa-ri-jo est parfois mentionné encore comme
un théonyme, voire accompagné d’une épithète chez Homère et Hésiode, cf. Il. 18. 309 ξυνὸς Ἐνυάλιος
(ainsi que Il. 13. 519, 20. 69) et Il. 22.132 ἶσος Ἐνυαλίῳ κορυθάϊκι πτολεμιστῇ (ainsi que Il. 2. 651
Μηριόνης τ’ ἀτάλαντος Ἐνυαλίῳ ἀνδρειφόντῃ). C’est sans doute une survivance de son ancien caractère de
dieu, même à une époque où il avait été absorbé par Arès.
(4) pa-ja-wo-ne (Παιᾶν, Παιήων), qui était indépendant à l’origine (et guérisseur divin depuis Homère,
cf. Il. 5. 401 première attest.), avait été absorbé par (et identifié avec) Apollon : le terme est attesté sans mention
d’Apollon (et comme son invocation) dans h.Ap. 517, Κρῆτες πρὸς Πυθὼ καὶ Ἰὴ Παιήον’ ἄειδον, et Pind. Pyth.
4.270 ἐσσὶ δ' ἰατὴρ ἐπικαιρότατος, Παι/άν τέ σοι τιμᾷ φάος 96. Le dieu Apollon n’étant pas mentionné dans les
tablettes, on peut bien penser que pa-ja-wo-ne  représente un dieu guérisseur préexistant à Apollon : ce serait son
prédécesseur mycénien, ou plutôt l’un de ses prédécesseurs, comme l’est aussi, à mon avis 97, le di-ri-mi-jo di-wo
i-je-we /Drimiōi, Diwos hiēwei/ « pour Drimios, le fils de Zeus » de la triade pylienne mentionnée en Tn 316.
En tout cas, ce qui n’est nullement attesté en Linéaire B, c’est l’épiclèse d’un dieu du panthéon à
la place du théonyme du dieu correspondant 98. Conséquemment, l’hypothèse d’un o-po-re-i (Ὀπώρης)
95 Parker 2005, p. 225.
96. Dans sa fonction de guérisseur divin, il peut même être attesté avec une épithète, cf. Solon fr. 13.58 West ἄλλοι Παιῶνος
πολυφαρμάκου ἔργον ἔχοντες ἰητροί.
97. Apollon est aussi mentionné comme Διὸς υἱóς chez Homère (Il. 22.302, Ζηνί τε καὶ Διὸς υἷι ἑκηβόλῳ, Il. 7.23 et 37 ἄναξ Διὸς
υἱòς Ἀπόλλων). Le théonyme di-ri-mi-jo est fondé sur (ou associé à) δριμύς, « âcre, piquant, perçant » (dit, parmi d’autres,
de βέλος, « trait » Il. 11, 269-270), une arme très caractéristique d’Apollon, plutôt que sur gr. δρυμά (collectif, neutre pl.,
avec ū secondaire : Hom. première attest.), δρυμός, « bois, bosquet, terrain bien boisé », malgré le caractère silvestre du
dieu. Pour la formation du mot, δριμύς, et /Drimios/ sont dans le même rapport que βαρύς « lourd » et l’anthroponyme
Βάριος, εὐθύς « droit » et l’anthroponyme Εὔθιος ou θρασύς « hardi » et l’anthroponyme Θράσιος.
98. On ne saurait accepter avec Del Freo 1996-1997, spécialement 153 sq., que ko-ma-we /Komawēns / PY Aq 218.10
serait « probabilmente un’epiclesi di Poseidon » (p. 156 sq.), dont le correspondant féminin serait ko-ma-we-te-ja /
espace religieux, théonymes, épiclèses. à propos des nouveaux textes thébains
89
thébain employé au lieu de *di-we comme désignation de Zeus serait une anomalie absolue, fort difficile à
imaginer. On remarquera que o-po-re-i ne se laisse insérer dans aucun de ces groupes, même pas dans (4),
car, à la différence d’Apollon, Zeus est bien attesté par son nom, sans épiclèse 99.
Les éditeurs n’acceptent pas le fait que « une épiclèse n’est pas attestée en Linéaire B pour désigner une
divinité » en invoquant po-ti-ni-ja : « Cette affirmation … est fausse, car po-ti-ni-ja, grec Πότνια, est bel et bien
une épiclèse, parfois accompagnée par d’autres épithètes, pour désigner une ou plusieurs divinités » 100. Une
telle affirmation reflète une confusion entre deux concepts fort différents : d’un côté, les épiclèses (ἐπικλήσεις :
epitheta deorum) au sens propre du mot, qui ont une fonction distinctive et descriptive, de l’autre, les épithètes
génériques, qui soulignent le caractère divin de la divinité : c’est le cas de πότνια (po-ti-ni-ja /Potnia-/)
« souveraine, maîtresse » (véd. patnī- « id. »), ou ἄνασσα (myc. *wa-na-sa cf. dat. duel wa-na-so-i), voire de
δῖα (myc. di-wi-ja, di-u-ja). Pour nous borner à po-ti-ni-ja : πότνια, elle peut désigner une déesse sans épithète
(ainsi en mycénien), ou souligner son excellence (type hom. πότνια θεάων ou δῖα θεάων), mais normalement
elle est accompagnée d’un déterminatif (un adjectif, aussi en composition, ou un génitif), qui remplit une
fonction distinctive et descriptive (indication de lieu ou d’une caractéristique spécifique). Ainsi, les po-ti-ni-ja
mycéniennes 101 (on aurait du mal à imaginer une seule po-ti-ni-ja), sans épithète ou explicitées par une épithète
ou un adjectif (ou faisant partie d’un composé), peuvent correspondre à des divinités féminines mycéniennes ou
pré-mycéniennes qui seraient à l’origine de déesses attestées au Ier millénaire, qui, elles, ne sont pas mentionnées
par leur nom en Linéaire B. Ainsi, la si-to-po-ti-ni-ja « Souveraine du Grain (ou des Grains) » est bien l’ancêtre
(ou un ancêtre) de Déméter, cf. πότνια Δημήτηρ h.Cer. 5.54, πότνια Δηώ, ibid. 47 πότνια … Δηοῖ ἄνασσα ; le
nom mycénien survit dans la Σιτώ de Sicile. La po-ti-ni-ja i-qe-ja /(h)ikkweiā / « Souveraine des chevaux » peut
avoir été absorbée par Artémis (mentionnée comme ἱπποσόα Pind. Ol. 3. 46). Quant aux épithètes toponymiques,
on pensera par exemple à da-pu2-ri-to-jo po-ti-ni-ja /Daphurinthoio Potnia / « Souveraine du Labyrinthe » ou
po-ti-ni-ja a-si-wi-ja /Potnia Aswiā/ (probablement « de Lydie »), à la différence des épithètes génériques,
comme po-ti-ni-ja, qui par elles-mêmes ne sont pas descriptives et n’indiquent pas de trait spécifique de la
divinité. Les épiclèses sensu stricto du type « protecteur des fruits » ou « qui est dans la montagne », pour
nous limiter aux sens que l’on a pu attribuer à o-po-re-i, ont une fonction distinctive et descriptive spécifique :
l’épiclèse peut être intelligible en grec, ou ne pas l’être, mais la divinité devient distincte et reconnaissable grâce
à elle. Les épiclèses font référence soit à un lieu (grec ou non-grec), soit à une particularité culturelle, soit à une
caractéristique de la personnalité, cultuelle ou même littéraire, de la divinité.
§ 16. Pour revenir sur o-po-re-i, la situation en mycénien est relativement claire, au moins pour ce qui
est des dieux à qui l’on reconnaît une continuité avec des divinités du Ier millénaire : o-po-re-i (qui serait,
dans le meilleurs des cas, une épiclèse descriptive, de type différent de l’épithète générique, non spécifique,
po-ti-ni-ja) ne peut nullement être considéré comme épiclèse de Zeus désignant le dieu lui-même, car ce
procédé est absolument étranger aux mentions des dieux olympiens dans les textes mycéniens.
En tout cas, il faut signaler que o-po-re-i est, à mon avis, un anthroponyme, comme les destinataires qui
sont attestés à côté de lui ou dans son voisinage. Deux faits semblent conforter cette interprétation : d’un côté,
la quantité fort modeste qui leur est attribuée ; de l’autre, l’existence d’un nom de structure rigoureusement
Komāwenteiāi/ (« qui appartient à Komāwens », ainsi déjà Leukart 1994, p. 65 n. 53) dans PY Tn 316 et TH Of 35.1.
L’explication de ko-ma-we (interprété de façon unanime comme nom de personne) comme épiclèse de Poséidon n’est pas
fondée et n’a de support ni dans les textes ni dans le sens même de la prétendue épiclèse : Poséidon n’est pas qualifié de
« chevelu » ; d’ailleurs, l’adjectif ne fonctionne ni comme épiclèse ni comme épithète littéraire : l’épithète κυανοχαίτης,
invoquée comme parallèle sémantique (p. 156), n’est jamais appliquée à Poséidon.
99. L’existence de divinités nommées « l’invisible » ou « le/la puissant(e) » peut être conjecturée à partir de deux teophorica
à deuxième élément °do-to, notamment a-wi-to-do-to /Awisto-dotos/ KN Fh 348.1 (cf. ἄ-ιστος « invisible ») et i-su-ku-wodo-to /Iskhuo-dotos/ KN Fh 348.141 (cf. ἰσχύς, « pouvoir, force », adjectif à l’origine), cf. García Ramón 2008. Que ce soient
des épithètes descriptives ou des entités divines appartenant à l’univers religieux d’époque mycénienne, elles ne sont
devenues des épiclèses qu’au Ier millénaire et ne sont pas l’équivalent du prétendu dieu *o-po-re.
100. AGS 2003, p. 20.
101. On trouvera une discussion approfondie des po-ti-ni-ja mycéniennes chez Boëlle 2004, p. 23 sq. et Rougemont 2005, p. 344 sq.
90
j.l. garcía ramón
parallèle, qui est généralement reconnu comme anthroponyme, notamment me-to-re-i (dat.) Fq 132.[5] et al.
(nom. me-to-re KN, PY) et qui ne peut être que /Metōrēs / « Transmontānus » 102.
§ 17. Pour ce qui est de ko-wa, la question ne se laisse pas trancher : Kόρη n’est pas attesté comme
théonyme avant Archiloque (fr. 321 West Δήμητρος ἁγνῆς καὶ Κόρης τὴν πανήγυριν σέβων), tandis que dans
l’Hymne à Déméter le nom est explicité par gén. Δημήτερος (439 κόρην Δημήτερος ἁγνῆς) et chez Homère et
Hésiode on n’emploie que le théonyme Περσεφόνεια. Or ceci n’exclut pas que dans la Thèbes mycénienne on
pourrait appeler /Korwā / une divinité mineure, ancêtre de la Koré postérieure. Le contexte, notamment le fait
que ko-wa apparaît entouré d’anthroponymes, fait penser que ko-wa désignait aussi une personne.
§ 18. En conclusion : l’interprétation des nouveaux textes thébains demeure problématique sur bien
des aspects. En tout cas, l’interprétation religieuse dans le cadre d’un contexte de type éleusinien s’appuie
sur des interprétations de mots et de phrases qui sont, pour la plupart, linguistiquement insoutenables.
Ce serait un excès d’optimisme que d’y voir des cas où plusieurs interprétations possibles sont en légitime
concurrence ou de supposer que le cadre général demeure vraisemblable dans l’essentiel, même si, dans le
détail, l’argumentation s’avère erronée.
BIBLIOGRAPHIE
AGS 2001 = Aravantinos V.L., Godart L. et Sacconi A. 2001, Thèbes. Fouilles de la Cadmée I. Les tablettes en
Linéaire B de la Odos Pelopidou. Édition et commentaire, Pise – Rome [noté AGS 2001].
AGS 2003 = Aravantinos V.L., Godart L. et Sacconi A. 2003, « En marge des nouvelles tablettes en Linéaire B de
Thèbes », Kadmos 42, p. 15-30.
Baumbach L. 1979, « Greek Religion in the Bronze Age », SMEA 20, p. 143-160.
Boëlle C. 2004, Po-ti-ni-ja. L’élément féminin dans la religion mycénienne (d’après les archives en linéaire B), Nancy.
Chadwick J. 1985, « What Do We Know About Mycenaean Religion? », in A. Morpurgo Davies et Y. Duhoux (éds),
Linear B: A 1984 Survey. Proceedings of the Mycenaean Colloquium of the VIIIth Congress of the International
Federation of the Societies of Classical Studies (Dublin, 27 August-1st September 1984), Louvain-la-Neuve,
p. 191-202.
Chadwick J. 1996-1997, « Three Temporal Clauses », Minos 31-32, p. 293-301.
Deger-Jalkotzy S. 1978, E-qe-ta. Zur Rolle des Gefolgschaftswesens in der Sozialstruktur mykeni­scher Reiche, Vienne.
Deger-Jalkotzy S., Hiller St. et Panagl A. (éds) 2006, Die neuen Linear B-Texte aus Theben. Ihr Aufschlußwert
für die mykenische Sprache und Kultur. Akten des Internationales Forschungskolloquium, 5.-6. Dez. 2002,
Österreichische Akademie der Wissenschaften, Vienne.
Duhoux Y. 1997, « Aux sources du bestiaire grec : les zoonymes mycéniens », Les zoonymes, Actes du colloque
international, Nice, 23-25 janvier 1997, Nice, p. 173-202.
Duhoux Y. 2002-2003, « Dieux ou humains ? Qui sont ma-ka, o-po-re-i et ko-wa dans les tablettes du Linéaire B ? »,
Minos 37-38, p. 173-253.
Duhoux Y. 2006, « Adieu au ma-ka cnossien. Une nouvelle lecture en KN F 51 et ses conséquences pour les tablettes
en linéaire B de Thèbes », Kadmos 45, p. 1-19.
Fischer J. 2003, « Nahrungsmittel in den Linear B-Texten », Chiron 33, p. 175-194.
Forssman B. 1985, « Der altgriechische Name Orion », in E. Eichler et al. (éds), Der Eigenname in Sprache und
Gesellschaft, XV Internationaler Kongress für Namensforschung, Leipzig 1984, p. 81-86.
102. García Ramón 2003 à paraître ; 2006, p. 39. Pour le premier membre du composé, cf. le toponyme me-ta-pa (Μέταπα ;
ºαπα reflète IE *h2ep-: véd. áp- « eau », lat. amnis « fleuve »).
espace religieux, théonymes, épiclèses. à propos des nouveaux textes thébains
91
Forssman B. 2005, « Das Verbum οἰγ- öffnen », in G. Meiser et O. Hackstein (éds), Sprachkontakt und Sprachwandel.
Akten der XI. Fachtagung der Indogermanischen Gesellschaft, Halle, 17-23 septembre 2000, Wiesbaden, p. 105-115.
Del Freo M. 1996-1997, « Osservazioni su miceneo KO-MA-WE-TE-JA », Minos 31-32, p. 145-158.
García Ramón J.L. 1998, « Götternamen », DNP IV, coll. 1127-1130.
García Ramón J.L. 2001, « Onomástica y cultura clásica », EClás 120, p. 105-118.
García Ramón J.L. 2005, « Anthroponymica Mycenaea 5. a-wi-to-do-to /Awisto-dotos/ und die unsichtbaren Götter
im Alph.-Griechischen. 6. we-re-na-ko und Myk. */wrēn/ : alph.-gr. °ρρην-, ἀρήν », ZAnt 55, 2006 (Festschrift
H.P. Ilievski), p. 85-97.
García Ramón J.L. 2006, « Zur Onomastik der neuen Linear B Texte aus Theben », in S. Deger-Jalkotzy, St. Hiller
et O. Panagl (éds), Die neuen Linear B-Texte aus Theben. Ihr Aufschlußwert für die mykenische Sprache
und Kultur. Akten des Internationales Forschungskolloquium, 5.-6. Dez. 2002, Österreichische Akademie der
Wissenschaften, Vienne, p. 37-52.
García Ramón J.L. 2007, « Langue poétique, hyperdialectalismes et langue de chancellerie : le cas des textes thessaliens
et l’origine de ἕνεκα », in A. Blanc et E. Dupraz (éds), Procédés synchroniques de la langue poétique, Colloque
de l’Université de Rouen, 13-14 octobre 2005, Rouen, p. 77-94.
García Ramón J.L. 2008, « Mykenische Personennamen und griechische Dichtung und Phraseologie : i-su-ku-wo-do-to
und a-re-me-ne, a-re-ị-me-ne », in A. Sacconi, M. del Freo, L. Godard, M. Negri (éds), Colloquium Romanum. Atti
del XII Colloquio Internazionale di Micenologia, Roma, 20-25 février 2006, Rome, p. 323-336.
García Ramón J.L. (à paraître), « Onomastics », in Y. Duhoux et A. Morpurgo Davies (éds), A Companion to Linear B.
Mycenaean Greek Texts and their World, Louvain-la-Neuve.
Gejvall N.-G. 1969, Lerna, a Preclassical Site in the Argolid: Results of Excavations Conducted by the American
School of Classical Studies at Athens I, The Fauna, Princeton.
Heubeck A. 1970, « Griechisch-mykenische Etymologien », SMEA 11, p. 63-72.
Hiller St. 1999, « Homerische und mykenische Phrasen », in S. Deger-Jalkotzy, St. Hiller, O. Panagl, G. Nightingale,
Th. Lindner (éds), Floreant Studia Mycenaea, Akten des X. Internationalen Mykenologischen Colloquiums in
Salzburg, 1-5 Mai 1995, Vienne, p. 289-298.
Janda M. 2005, Elysion, Innsbrück.
Killen J.T. 1983, « Mycenaean Possessive Adjectives in -e-jo », TPhS 113, p. 66-99.
Killen J.T. 1987, « Piety Begins at Home: Place-Names on Knossos Records of Religious Offerings », in P.H. Ilievski
et L. Crepajac (éds), Tractata Mycenaea. Proceedings of the 8th International Colloquium on Mycenaean Studies
Held in Ohrid, 15-20 September 1985, Skopje, p. 163-177.
Killen J.T. 2000, « Two notes on Linear B », ZAnt 50, p. 141-148.
Killen J.T. 2006, « Thoughts of the functions of the new Thebes tablets », in S. Deger-Jalkotzy, St. Hiller et
O. Panagl (éds), Die neuen Linear B-Texte aus Theben. Ihr Aufschlußwert für die mykenische Sprache und
Kultur. Akten des Internationales Forschungskolloquium, 5.-6. Dez. 2002, Österreichische Akademie der
Wissenschaften, Vienne, p. 79-110.
Lamberterie Ch. de 1999, « Compte-rendu de M. Lejeune, Mémoires de Philologie Mycénienne IV (1969-1996) »,
BSL 94/2, p. 148-152.
Lamberterie Ch. de 2003, « ὀπώρα : “arrière-saison”, ὄρος : “montagne” », Chronique étymologique grecque 8,
RPh 77, p. 129-131.
Lejeune, M. 1997a, « Bureaucratie thébaine : intitulés et sommations », Mémoires de Philologie Mycénienne IV
(1969-1996), Rome, p. 273-276.
Lejeune, M. 1997b, « Sur les offrandes thébaines à la Terre Mère », Mémoires de Philologie Mycénienne IV (1969-1996),
Rome, p. 277-281.
Lejeune, M. 1997c, « Anatomie de la série thébaine Gp », Mémoires de Philologie Mycénienne IV (1969-1996), Rome,
p. 285-292.
92
j.l. garcía ramón
Leukart A. 1987, « Po-ro-qa-ta-jo, to-sa-pe-mo, a-mo-ra-ma and others: Further Evidence for Proto-Greek Collective
Formation in Mycenaean and in Early Alphabetic Greek », in J.T. Killen, J.L. Melena et J.-P. Olivier (éds),
Studies in Mycenaean and Classical Greek Presented to John Chadwick, Minos 20-22, Salamanca, p. 343-365.
Leukart A. 1994, Die frühgriechischen Nomina auf -tās und -ās. Untersuchungen zu ihrer Herkunft und Ausbreitung
(unter Vergleich mit den Nomina auf -eus), Vienne.
Mayrhofer M. 1978, « Exkurs über die Wortbildung von /hekwetās/ apud Jalkotzy 1978 », in S. Deger-Jalkotzy 1978,
E-qe-ta. Zur Rolle des Gefolgschaftswesens in der Sozialstruktur mykeni­scher Reiche, Vienne, p. 196-197.
Meier-Brügger M. 2006, « Sprachliche Beobachtungen », in S. Deger-Jalkotzy, St. Hiller et O. Panagl (éds), Die neuen
Linear B-Texte aus Theben. Ihr Aufschlußwert für die mykenische Sprache und Kultur. Akten des Internationales
Forschungskolloquium, 5.-6. Dez. 2002, Österreichische Akademie der Wissenschaften, Vienne, p. 111-118.
Melena J.L. 2001, Textos griegos micénicos comentados, Vitoria.
Milani C. 2003, « La Madre Terra nei nuovi testi micenei di Tebe », Aevum 77, p. 3-8 (= Varia Mycenaea, Milan, 2005,
p. 43-49).
Neumann G. 2006, « Gans und Hund und ihresgleichen », in S. Jalkotzy, St. Hiller et O. Panagl (éds), Die neuen
Linear B-Texte aus Theben. Ihr Aufschlußwert für die mykenische Sprache und Kultur. Akten des Internationales
Forschungskolloquium, 5.-6. Dez. 2002, Österreichische Akademie der Wissenschaften, Vienne, p. 125-138.
Palaima Th.G. 2000-2001, « Compte-rendu d’Aravantinos, Godart et Sacconi 2001 », Minos 35-36, p. 475-486.
Palaima Th.G. 2006, « FAR ? or jus ? and other interpretative conundra in the new Thebes tablets », in S. Jalkotzy,
St. Hiller et O. Panagl (éds), Die neuen Linear B-Texte aus Theben. Ihr Aufschlußwert für die mykenische
Sprache und Kultur. Akten des Internationales Forschungskolloquium, 5.-6. Dez. 2002, Österreichische Akademie
der Wissenschaften, Vienne, p. 139-148.
Parker R. 2005, « Artémis Ilythie et autres : le problème du nom divin utilisé comme epiclèse », in N. Belayche,
P. Brulé, G. Freyburger, Y. Lehmann, L. Pernot et F. Prost (éds), Nommer les dieux. Théonymes, epithètes,
épiclèses dans l’Antiquité, Turnhout, p. 219-226.
Pötscher W. 1961, « Hera und Heros », RhM 104, p. 302-355.
Risch E. 1987, « Mykenologie und historisch-vergleichende Sprachwissenschaft: Betrachtungen zu myk. e-qo-te »,
Minos 20-22, p. 521-532.
Risch E. 1990, « Zu Wackernagels Einleitung in die Lehre von Genus (Syntax 1.1ff.) : Die Bezeichnung des Haushahns »,
in H. Eichner et H. Rix (éds), Jakob Wackernagel und die Indogermanistik heute (Basel 1988), Wiesbaden,
p. 234-249.
Rix H. 1981, « Rapporti onomastici fra il panteon etrusco e quello Romano », in Gli Etruschi a Roma. Incontro di studio
in onore di Massimo Pallotino, Pise – Rome, p. 107-126 (= Kl. Schr., p. 272-294).
Rougemont F. 2005, « Les noms des dieux dans les tablettes inscrites en linéaire B », in N. Belayche, P. Brulé, G. Freyburger,
Y. Lehmann, L. Pernot et F. Prost (éds), Nommer les dieux. Théonymes, epithètes, épiclèses dans l’Antiquité,
Turnhout – Rennes, p. 325-388.
Ruijgh C.J. 1996, « La “déesse mère” dans les textes mycéniens », in E. de Miro, L. Godart et A. Sacconi (éds), Atti e memorie
del secondo congresso internazionale di micenologia I, Rome – Naples, 14-20 octobre 1991, Rome, p. 453-457.
Ruijgh C.J. 2006, « The Three Temporal Clauses (TH Fq 126 ; 130 ; 254) », in S. Deger-Jalkotzy, St. Hiller et O. Panagl (éds),
Die neuen Linear B-Texte aus Theben. Ihr Aufschlußwert für die mykenische Sprache und Kultur. Internationales
Forschungskolloquium, 5.-6. Dez. 2002, Österreichische Akademie der Wissenschaften, Vienne, p. 159-172.
Ruipérez M.S. 1972, « Ἠλέκτωρ et ἤλεκτρον, “amber” », Mélanges de linguistique et de philologie offerts à Pierre
Chantraine, Paris, p. 231-241 (= Opuscula selecta, p. 197-207).
Schröder Fr. R. 1956, « Hera », Gymnasium 63, p. 57-78.
Weilhartner J. 2005, Mykenische Opfergaben nach Aussage der Linear B-Texte, Vienne.
Weilhartner J. 2007, « Die Tierbezeichnungen auf den neuen Linear B-Texten aus Theben », in E. Alram-Stern et
G. Nightingale (éds), Keimelion, Elitenbildung und elitärer Konsum von der mykenischen Palastzeit bis zur
Homerischen Epoche : Akten des internationalen Kongresses vom 3. bis 5. Februar 2005 in Salzburg, Vienne,
p. 339-351.