Le Vote normal Les élections présidentielle et législatives
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Le Vote normal Les élections présidentielle et législatives
Le Vote normal Les élections présidentielle et lpJLVODWLYHVG·DYULO-juin 2012. Sous la direction de Pascal Perrineau Coll. Chroniques électorales, Presses de Sciences Po. 1 INTRODUCTION 2 LES CAMPAGNES 3 Les figures contemporaines du leader au prisme de la campagne présidentielle française de 2012 Laurence Morel -DPDLVGDQVXQHFDPSDJQHSUpVLGHQWLHOOHQ·DYDLW-on autant débattu du style des candidats. Dans les médias, les réseaux sociaux, ou les échanges politiques inter-individuels, le style de chaque prétendant est passé au crible, guetté dans ses moLQGUHVQXDQFHVHWUHWRXFKHVREMHWG·XQH LQODVVDEOH H[pJqVH HW VHPEOH GHYRLU O·HPSRUWHU DX ILQDO VXU WRXWH DXWUH FRQVLGpUDWLRQ 3OXVLHXUV explications peuvent être avancées de ce phénomène. La première renvoie à la personnalisation de la politique, traduiWHDXQLYHDXGXYRWHSDUO·LPSRUWDQFHGHODSHUVRQQDOLWpGDQVODGpFLVLRQGH O·pOHFWHXU 8QH SHUVRQQDOLVDWLRQ WUDGLWLRQQHOOHPHQW SURQRQFpH GDQV OH FDV GH O·pOHFWLRQ SUpVLGHQWLHOOH IUDQoDLVH HW TXL V·HVW HQFRUH DFFUXH GDQV OD SpULRGH UpFHQWH21. Or, « le styOH F·HVW O·KRPPH ªGLVDLW%XIIRQ&·HVWOXLTXLUpYqOHODSHUVRQQHHWFRPSWHGHSOXVHQSOXVSRXUJDJQHU O·pOHFWLRQ $LQVL OD © fabrique du style ª D SULV OH SDV DXMRXUG·KXL VXU FHOOH GX SURJUDPPH HW FRQVWLWXHO·REMHWGHWRXWHVOHVIDVFLQDWLRQV8QHVHconde explication, également pertinente, est le changement du style présidentiel avec Nicolas Sarkozy, tout au moins durant la première partie de son mandat. « /DUXSWXUHVDUNR]\HQQHF·HVWOXL-même», écrivait Marcel Gauchet au lendemain GH O·pOHFWLRQ GH 00722. Les Français attachant une importance particulière à la façon dont la FKDUJHVXSUrPHHVWLQFDUQpHMDPDLVDXSDUDYDQWVRXVOD9H5pSXEOLTXHQ·DYDLW-on autant parlé du style du président en exercice23. Et le style des candidats étant dans une large mesure une représentation, une mise en scène, de celui du futur président, il a ainsi tenu une place prépondérante dans la chronique de cette campagne. Ces deux explications sont sans doute valables. Il en est cependant une troisième, essentielle à nos yeux poXU FRPSUHQGUH O·DWWHQWLRQ LQpGLWH SRUWpH GXUDQW FHWWH FDPSDJQH DX VW\OH GHV FDQGLGDWV F·HVW OD GLIILFXOWp j FHUQHU FH VW\OH QRWDPPHQW FKH] OHV GHX[ SULQFLSDX[ FDQGLGDWV TXL SURORQJH O·ambiguïté du style présidentiel de Nicolas Sarkozy, et qui aura entreWHQXMXVTX·DXERXWXQIORWGHFRPPHQWDLUHVHWG·DUWLFOHV/HVSRVWXUHVDGRSWpHVSDUOH candidat socialiste et le président sortant apparaissent en effet comme particulièrement mouvantes, en perpétuelle redéfinition, « zappant ª FRQWLQXHOOHPHQW G·XQ UHJLVWUH j O·DXWUH SDU H[HPSOH GH OD UKpWRULTXH GX JUDQG KRPPH j FHOOH GH O· « homme normal », de la distance à la SUR[LPLWpGHODWHFKQLFLWpjODGpPDJRJLHHWF«/H mot qui décrit le mieux ces oscillations est « ambivalence ». Une ambivalence qui ne fait pas que refléter la variété des attentes des différents ƉƵďůŝĐƐ ĂƵdžƋƵĞůƐ ůĞƐ ĚĞƵdž ĐĂŶĚŝĚĂƚƐ Ɛ͛ĂĚƌĞƐƐĞŶƚ͕ ŽƵ ƋƵ͛ŝůƐ ĐŚĞƌĐŚĞŶƚ ă ĐŽŶƋƵĠƌŝƌ͕ ĐŽŶĐĞƌŶĂŶƚ ůĂ Voir Daniel Boy, Jean Chiche, « /·LPDJHGHVFDQGLGDWVGDQVOHWHPSVGe la décision électorale » (dans Pascal Perrineau (dir.), Le YRWH GH UXSWXUH /HV pOHFWLRQV SUpVLGHQWLHOOH HW OpJLVODWLYHV G·DYULO-juin 2007, Paris, Presses de la FNSP, 2008, pp.77-96) ;; et « /·LPDJH GHV candidats dans le contexte pré-électoral de 2012 » (Elections 2012, note n°1, 4 p, CEVIPOF, nov. 2011) 22 Entretien avec Christian Makarian, Blog Marcel Gauchet, Août 2007 23 Parmi les innombrables articles de presse sur le « sarkozysme ªRQFLWHUDODVpULHG·DUWLFOHVSDUXHGDQV Le Monde sur le thème « Mais TX·HVW-ce que le sarkozysme? » (rubrique DébatsDLQVLTXHO·DUWLFOHGH3DVFDO3HUULQHDX ´/H6DUNR]\VPHHVW un Bonapartisme moderne », Building, n°1, pp. 69-73. Parmi les ouvrages, voir par exemple Alain Duhamel, La marche consulaire, Paris, Plon, 2009. 21 28 fonction présidentielle PDLV TXL UHQYRLH j O·DPELYDOHQFH GHV pOHFWHXUV HX[-mêmes, de plus en plus nombreux à remettre en question le modèle classique de présidence hérité de de Gaulle, sans SRXUDXWDQWOHUHMHWHUFRPSOqWHPHQWDXSURILWG·XQHSUpVLGHQFHPRLQVGUDPDWLVpH /·pWXGHGRQWQRXVUHQGURQVFRPSWHGDQVOHVSDJHVVXLYDQWHVV·HVWDWWDFKpHjPLHX[IDLUH reVVRUWLU OH VW\OH GH )UDQoRLV +ROODQGH HW 1LFRODV 6DUNR]\ DX UHJDUG G·XQ FHUWDLQ QRPEUH GH critères étant apparus pertinents tout au long de la campagne. Nous montrerons que les variations et hésitations de ce style se situent entre deux pôles: celui du leader charismatique wébérien, qui renvoie au président-fondateur de la Ve République, et représente indiscutablement un point de référence de la culture politique française24;; et celui, aux qualités diamétralement opposées, de O· « anti-leader wébérien», qui FRQFXUUHQFH DXMRXUG·KXL FH PRGqOH25 /·DSSOLFDWLRQ GH FHWWH JULOOH aux quatre autres principaux candidats mettra en évidence des styles plus nets mais également HPSUXQWV G·XQH FHUWDLQH DPELJXLWp FKH] 0DULQH /H 3HQ HW -HDQ-Luc Mélenchon, tandis que François %D\URXHW(YD-RO\V·DYqUHQWOHVFDQGLGDWVOHVSOXVSURFKHVGHVGHX[S{OHVGXOHDGHUHW O·DQWL-leader. Les deux figures de leader en présence Le leader wébérien, ou le leader moderne Le leader wébérien est un individu exceptionnel, doté de certaines qualités rares qui sont la marque du « grand leader » et forment le « charisme » (du grec khàrisma : « grâce accordée par Dieu ª GRQW OD UHFRQQDLVVDQFH SHXW DOOHU MXVTX·j susciter un engouement de type religieux et fonde la « légitimité charismatique »26&·HVWGDQVOHVpFULWVSROLWLTXHVGXVRFLRORJXHDOOHPDQGTX·LO faut aller chercher la description des qualités du grand leader, en particulier dans Le métier et la YRFDWLRQ G·KRPPH SROLWLque27. Dans ce texte, Weber dépeint ces qualités comme un mélange de passion et de raison OHJUDQGOHDGHUGRLWDYRLUXQHYLVLRQXQSURMHWTX·LOPHWDXSUHPLHUUDQJGH ses ambitions. Homme politique vocationnel, par opposition au politicien professionnel (dont la figure extrême est le «politicien épris de puissance »), il est passionnément engagé pour une cause (éthique de la conviction). Mais la passion ne doit pas pour autant lui faire ignorer les conséquences de ses actes (éthique de la responsabilité)͕ ŽƵ ů͛ĂǀĞƵŐůĞƌ : ainsi la « qualité Jean Garrigues, /HVKRPPHVSURYLGHQWLHOV+LVWRLUHG·XQHIDVFLQDWLRQIUDQoDLVH, Paris, Seuil, 2012. Nous nous sommes basés pour réaliser cette étude sur les discours, déclarations, postures, gestuelles, tenues vestimentaires, slogans et affiches de campagne des candidats ou futurs candidats à partir de septembre 2011;; ainsi que sur leurs professions de foi exposant leur conception de la fonction présidentielle. 24 25 Weber développe sa conception du charisme surtout dans Economie et Société ([1922], trad. de Julien Freund, Paris, Plon, 1971), en particulier aux pp. 249-261 et 275-278 et dans les deux avant-derniers chapitres de la seconde partie. 27 Voir Max Weber, Le savant et le politique. Une nouvelle traduction [1919], trad., préf., et notes de Catherine Colliot-Thélène, Paris, La Découverte, 2003. 26 29 SV\FKRORJLTXH GpFLVLYH GH O·KRPPH SROLWLTXH » est-elle pour Weber la clairvoyance, définie comme la GLVWDQFHjO·pJDUGGHVKRPPHVHWGHVpYpQHPHQWV /H OHDGHU ZpEpULHQ V·RSSRVH DXVVL DX EXUHDXFUDWH FRPPH OH SROLWLTXH V·RSSRVH DX technicien. Contrairement à ce dernier, il sait parler au peuple dans des termes simples, et au besoin le flatter, pour emporter son adhésion F·HVWXQJUDQGGpPDJRJXHXQOHDGHU© césariste » WHUPH TXL Q·HVW SDV SpMRUDWLI FKH] :HEHU )LJXUe classique du passé, il est aussi le leader PRGHUQHSDUH[FHOOHQFHUHQGXLQFRQWRXUQDEOHSDUO·H[SDQVLRQGHODEXUHDXFUDWLHGRQWLOHVWVHXO DSWHjFRQWUHUOHSRXYRLUHWO·HQWUpHGHVPDVVHVHQSROLWLTXHV6·LOPRELOLVHGDQVOHVGpPRFUDWLHV modernes, « par le canal de la machine », ce «dictateur du champ de bataille électoral ªQ·HQHVW pas moins « au-dessus des partis », dans une posture de rassembleur qui transcende les clivages WUDGLWLRQQHOVDXQRPGHODJUDQGH±XYUHjDFFRPSOLUDSSHOVjO·XQLWpQDtionale), posture qui lui UpXVVLWG·DXWDQWPLHX[TXHVRQFKDULVPHOXLFRQIqUHXQHLPPHQVHFDSDFLWpGHVpGXFWLRQ Enfin, envisagé dans le cadre institutionnel moderne, le leader wébérien doit disposer de pouvoirs importants, condition indispensable à la rpDOLVDWLRQ GH VRQ SURMHW 6·DJLVVDQW GX président de la République, dont Weber trace le modèle pour Weimar, il doit concentrer entre ses PDLQV G·LPSRUWDQWHV SUpURJDWLYHV PrPH VL OD YLVion institutionnelle de Weber reste équilibrée, avec un gouvernement qui gouverne et un parlement conçu comme un puissant organe de FRQWU{OHGHO·H[pFXWLI28. 2QDGLWVRXYHQWTX·DYHFGH*DXOOHGDQVOHFDGUHGHVLQVWLWXWLRQVGHOD9H5pSXEOLTXH FHV FRQGLWLRQV pWDLHQW WRXWHV UpXQLHV PDLV TX·HQVXLWH HOOHV OH IXUHQW PRLQV SDUce que les VXFFHVVHXUV GX JpQpUDO Q·DYDLHQW SDV DXWDQW GH FKDULVPH RX SDUFH TXH O·DYqQHPHQW GX présidentialisme majoritaire a réduit au minimum le rôle du gouvernement et du parlement, et UHQGXGLIILFLOHOHFKDULVPHGHUDVVHPEOHPHQW/jQ·HVWFHSHQGDQWSDV la question. Ce qui compte est que le mythe du leader wébérien, incarné par de Gaulle, reste un marqueur puissant de la Ve 5pSXEOLTXHMXVTX·jDXMRXUG·KXLDXVHQVRLOFRQVWLWXHXQHDVSLUDWLRQWUqVUpSDQGXHGDQVODFODVVH politique et dans les attentes des Français, à gauche comme à droite. Il en résulte, chez les candidats à la fonction présidentielle, une mise en scène du charisme assez unique dans les démocraties, qui confine souvent à la caricature ;; et qui ne signifie pas évidemment que ces candidats aient effectivement du charisme, au sens des qualités exceptionnelles du grand leader à SHLQHpYRTXpHVPrPHV·LOVSHXYHQWUpXVVLUjHQFRQYDLQFUHOHVpOHFWHXUVHWjHQWLUHUDXPRLQV temporairement, une légitimité charismatique29. 28 Voir Le Président du Reich, dans Max Weber, ¯XYUHVSROLWLTXHV-1919)WUDGG¶(OLVDEHWK.DXIIPDQQHWDOLQWUR de Catherine Colliot-Thélène, Paris, Albin Michel, 2004. 29 :ĞŵĞƉĞƌŵĞƚƐĚĞƌĞŶǀŽLJĞƌŝĐŝăŵŽŶĂƌƚŝĐůĞ;>ĂƵƌĞŶĐĞDŽƌĞů͕͞>ĂsĞZĠƉƵďůŝƋƵĞĞƚůĂĚĠŵŽĐƌĂƚŝĞƉůĠďŝƐĐŝƚĂŝƌĞĚĞDĂdž Weber », Jus Politicum, n°2, 2010, pp. 203-‐247), qui analyse la proximité de la Ve République avec le modèle de « démocratie plébiscitaire » tracé par Weber dans ses écrits politiques et évoque la question du charisme, réel ou supposé, des présidents successifs. 30 /· « anti-leader wébérien », ou le leader post-moderne Pour autant, la « prosopopée » du leader charismatique wébérien commence à être FRQFXUUHQFpHjSDUWLUGHO·pOHFWLRQSUpVLGHQWLHOOHGHSDUXQHDXWUHILJXUHDX[DQWLSRGHVGHFH modèle : celle du candidat « normal », « comme les autres », refusant la posture autoproclamatrice du grand leader au-GHVVXVGXFRPPXQGHVPRUWHOV&·HVWj6pJROqQH5R\DOTXHO·RQ GRLW FH FKDQJHPHQW GH VW\OH DYHF VD UHYHQGLFDWLRQ G·XQH FRQFHSWLRQ SOXV © féminine » du leadership, en phase avec certaines aspirations nouvelles de la société30 6L O·RQ YRXODLW DOOHU chercher plus loin certains signes avant-coureurs, largement passés inaperçus, de cette remise en cause du style présidentiel classique, il faudrait cependant probablement remonter à la campagne présidentielle de Lionel Jospin en 1995. Cette mise en scène, cette fois, de la « normalité », culmine en 2012 avec François Hollande, qui en fait un slogan de campagne, même si le candidat VRFLDOLVWH FRPPH RQ YHUUD V·HIIRUFH HQ PrPH WHPSV G·DGRSWHU XQ VW\OH SOXV UpJDOLHQ FHQVp OH qualifier comme « présidentiable ». Au-delà de la question de la « normalité », qui interpelle la stature « hors-normes » du leader wébérien, les principales caractéristiques de ce leader apparaissent comme renversées. Ainsi O·HQJDJHPHQWSRXUXQHJUDQGHFDXVH- ODJUDQGHXUHWO·LQGpSHQGDQFHGHOD)UDQFHFKH]GH*DXOOHV·HVWRPSH-t-LOGHUULqUHO·DUWLFXODWLRQGHSURSRVLWLRQVFRQFUqWHVFHQVpHVUpSRQGUHjGHVSUREOqPHV SUpFLV PDLV Q·REpLVVDQW SDV IRUFpPHQW j XQ SODQ JpQpUDO YRLUH O·DEVHQFH GH SURJUDPPH revendiquée chez Ségolène Royal en 2007 dans le cadre de son appel à la démocratie participative. 'HPrPHO·DWWLWXGHGHUHFXOSDUUDSSRUWjODFRQMRQFWXUHJDUDQWHGHODGLVWDQFHLQWHOOHFWXHOOHHVWHOOHUHPSODFpHSDUO·RPQLSUpVHQFHHWO·K\SHU-réactivité aux événements et prises de position des acteurs, typique du « sarkozysme ª 2X HQFRUH O·HPSDWKLH DYHF OH SHXSOH HW OD YDORULVDWLRQ populiste du « bon sens populaire », se substituent au savoir technicien de facture élitiste. Le charisme de rassemblement, fondé sur la négation ou la réconciliation des divisions, est quant à OXL UHMHWp j OD PDUJH DX SURILW G·XQ GLVFRXUV FOLYDQW SUHQDQW DSSXL VXU GHV FOLYDJHV FODVVLTXHV comme le clivage gauche-droite, ou inventés pour la circonstance, dans un contexte G· « autonoPLVDWLRQ GH O·RIIUH pOHFWRUDOHª31 (QILQ O· « hyperprésident ª V·LQFOLQH GHYDQW XQ président collégial, critiquant la concentration excessive de pouvoir entre les mains du président sous la Ve et affichant une volonté de compétences plus partagées (notamment avec le premier ministre). Sur ce point voir par exemple Jane Mansbridge, « Reconstructing Democracy », in N.J. Hirschmann et C. Di Stefano (dir.), Revisioning the Political : Feminist Reconstructions of Traditional Concepts in Western Political Theory, Boulder, Colo., Westview Press, pp. 117-138. 30 31 Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995 31 Ce président « normal ª UHOHYDQW SOXV GX SUHPLHU PLQLVWUH HQJDJp GDQV O·DFWLRQ TXRWLGLHQQHTXHGXJUDQGVHLJQHXUGHO·KLVWRLUHUHIXVDQWODWHQWDWLRQSRSXOLVWHHWFKHUFKDQWSOXVj affirmer sa compétence et sa crédibilité sur un programme précis que sa stature, ou un projet flou GHGpIHQVH G·XQHFDXVHV·DGUHVVDQWjGHVpOHFWRUDWVFLEOpVSOXW{WTX·jODQDWLRQV·DIILFKDQWDYHF son équipe et rejetant comme anachronique toute idée de pouvoir personnel, est-il un leader « post-moderne », caractéristique des sociétés complexes et de la gouvernance 32? Ou un leader « post-matérialiste ª DX VHQV R LO WUDGXLUDLW OH UHMHW GH O·DXWRULWp KLpUDUFKLTXH HW OHV DVSLUDWLRQV participatives du citoyen des sociétés post-LQGXVWULHOOHV" 2Q V·HQ Wiendra dans ce chapitre à la TXDOLILFDWLRQG· « anti-leader wébérien », avant de revenir sur ces questions en conclusion. 6L[GLPHQVLRQVG·DQDO\VH Ainsi peut-on tracer dans le tableau ci-dessous deux profils de leader entre lesquels hésitent les principaux candidats durant la campagne présidentielle de 2012, au regard de six critères qui sont apparus pertinents à la fois dans le modèle wébérien et dans le style affiché par ces candidats : LES DEUX FIGURES DE LEADER EN CONCURRENCE DURANT LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE DE 2012 LEADER WÉBÉRIEN IMAGE DE SOI DISTANCE PROJET RELATION AVEC PEUPLE IDÉOLOGIE LEADERSHIP individu exceptionnel en retrait grande cause démagogue rassembleur hyperprésident Les deux principaux candidats François Hollande : le leader syncrétique 32 &·HVWODWKqVHGH0DUFHOGauchet, op. cit. 32 ANTI-LEADER WÉBÉRIEN individu normal GDQVO·DUqQH propositions technicien clivant collégial François Hollande est le candidat qui incarne le plus la tension entre le leader wébérien et O·DQWL-OHDGHU&·HVWOHOHDGHUV\QFUpWLTXHTXLV·HIIRUFHGHUpXQLUWRXWHVOHVTXDOLWpVDXULVTXHGH ILQLUSDUDSSDUDvWUHFRPPHO· « homme sans qualités »). François HOLLANDE33 LEADER WÉBÉRIEN IMAGE DE SOI DISTANCE PROJET RELATION AVEC PEUPLE IDÉOLOGIE LEADERSHIP individu exceptionnel en retrait grande cause démagogue rassembleur hyperprésident ANTI-LEADER WÉBÉRIEN individu normal GDQVO·DUqQH propositions technicien clivant collégial /·LPDJHGHVRL O·DPELYDOHQFH /D FDQGLGDWXUH GH )UDQoRLV +ROODQGH UHVWHUD GDQV O·KLVWRLUH GHV FDPSDJQHV SUpVLGHQWLHOOHV IUDQoDLVHV FRPPH FHOOH GH O· « homme normal », en tous cas la première en la matière. Pour DXWDQW OH FDQGLGDW VRFLDOLVWH DXUD FXOWLYp MXVTX·DX ERXW XQH DPELYDOHQFH Irappante. Il se UHYHQGLTXH GqV O·DQQRQFH GH VD © candidature à la candidature », donc bien avant les primaires, comme un « homme normal ª'DQVXQHODUJHPHVXUHRQSHXWGLUHTX·LOIDLWGHQpFHVVLWpYHUWX Le but est de se valoriser par rapport à ses deux concurrents principaux, Dominique StraussKahn et Nicolas Sarkozy, qui sont chacun à leur manière des individus hors-normes: par leur PRGHGHYLHH[FHVVLIJRWGHO·DUJHQW© bling-bling », penchant sulfureux chez le premier);; mais aussi et surtout par lHXU FKDULVPHDORUVTX·RQ VRXOLJQHGHWRXVF{WpVDYHF XQFHUWDLQPpSULV \ compris dans le camp socialiste, le manque de stature de François Hollande, que ce soit du point GHYXHGHVDFDSDFLWpGHVpGXFWLRQGHO·pOHFWRUDWFRQVLGpUpHFRPPHQXOOHSDUUDSSRUt à celle du SUpVLGHQWVRUWDQWRXGHVHVTXDOLWpVGHJRXYHUQDQWOHSDWURQGX)0,MRXLVVDQWLFLG·XQSUHVWLJH LQpJDOpDORUVTXHO·RQUHSURFKHj)UDQoRLV+ROODQGHVRQPDQTXHG·H[SpULHQFHJRXYHUQHPHQWDOH Le candidat socialiste mise ici sur une coïncidence de sa personnalité avec un nouveau style de leader, apte à susciter XQ UpIOH[H G·LGHQWLILFDWLRQ HW TXL QH VH SUpVHQWHUDLW SOXV FRPPH OH « sauveur ªRXO· « homme providentiel », en qui les Français croient de moins en moins. 33 /HVFDUDFWpULVWLTXHVHQJUDVV·DSSOLTXHQWDX[FDQGLGDWV 33 Mais François Hollande VHYHXWDXVVLO·KRPPHGHOD© présidence normale », en fait, du retour à une présidence ordinaire, ce qui signifie le rétablissement de la dignité et de la hauteur de OD IRQFWLRQ SUpVLGHQWLHOOH TXH OH SUpVLGHQW VRUWDQW HVW DFFXVp G·DYRLU EDIRXpHV ,O FKHUche ici à H[SULPHUO·DWWDFKHPHQWSHUVLVWDQWGHV)UDQoDLVjODSUpVLGHQFHG·H[FHSWLRQTXLFRH[LVWHDXULVTXH GH OD FRQWUDGLFWLRQ DYHF O·DVSLUDWLRQ j XQH SUpVLGHQFH G·LGHQWLILFDWLRQ &H Q·HVW SDV O·LPDJH G· « homme normal ª VRXV O·DQJOH GX PRGH GH YLH TXi est ici en cause. Tant la présidence G·LGHQWLILFDWLRQ TXH OD SUpVLGHQFH G·H[FHSWLRQ O·H[LJHQW &·HVW XQH FHUWDLQH WULYLDOLWp TXL V·HVW attachée à la présidence de la Ve République sous Nicolas Sarkozy, malgré les efforts pour redresser le tir dans la seconde partie du quinquennat. Pour rehausser la présidence, François +ROODQGH YD GHYRLU HQ TXHOTXH VRUWH PLPHU OH FKDULVPH TXL OXL PDQTXH ,O V·\ HPSORLHUD HQ adoptant une posture de grandeur et de supériorité, ou encore de sérénité et de distance, dans laTXHOOHLODSSDUDvWVRXYHQWJXLQGp&HWWHSRVWXUHPDUTXpHG·DERUGSDUXQHJHVWXHOOHSDUWLFXOLqUH et parfois assimilée à un « effort de captation du personnage mitterrandien »34, coexiste dès la primaire avec le « look ª PRGHVWH G·KRPPH QRUPDO GX FDQGLGDW En synthèse, le candidat VRFLDOLVWH FKHUFKH j OD IRLV j V·DIILFKHU HQ © homme normal » pour une « présidence anormale » G·LGHQWLILFDWLRQHWHQ© homme hors-normes » pour une « présidence normale ªG·H[FHSWLRQ De la distance ostentatoire au président-bis Ce deuxième registre est intimement lié au premier ODIDEULTXHGHO·KRPPHH[FHSWLRQQHOHVW WULEXWDLUH HQ HIIHW GH O·DIILFKDJH RVWHQWDWRLUH GH OD GLVWDQFH HW GH OD KDXWHXU 6RXV OD 9H République, le modèle esWVDQVGRXWHLFLOHSUHPLHUWRXUGHO·pOHFWLRQSUpVLGHQWLHOOHGHDYHF un général de Gaulle refusant délibérément de « V·DEDLVVHU » à faire campagne35. La posture du retrait, revendiquée par François Hollande, relève ainsi de son effort pour se construire une image GHSUpVLGHQWLDEOH/HEXWHVWDXVVLGHQHSDVWURSV·H[SRVHUGDQVFH TXLV·DQQRQFHFRPPH XQH FDPSDJQHDXORQJFRXUV/·HIIRUWGHGLVWDQFHV·H[SULPHVXUWRXWGDQVOHUHIXVGXFDQGLGDWGHUpDJLU DX[ SURYRFDWLRQV RX DJUHVVLRQV G·DERUG GH 0DUWLne Aubry, sa concurrente principale lors des primaires, puis de Nicolas Sarkozy, qui ironise en permanence sur sa stature et sa capacité à le EDWWUHDX[ XUQHV$LQVL ORUVGXGpEDWGHO·HQWUH-deux tours de la primaire, le candidat socialiste aura cette petLWHSKUDVHTXLHQGLWORQJVXUODJXHUUHG·LPDJHVTX·LOHQWHQGPHQHU© L'autorité, ce n'est pas l'agressivité ». La distance est cependant une position difficile à tenir dans une campagne, qui est par définition un moment de propulsion en avant des candidats. Progressivement, François Hollande tend à JOLVVHU GDQV O·DUqQH (Q IDLW SOXV TXH G·XQ JOLVVHPHQW LO V·DJLW G·XQ FKDQJHPHQW PDvWULVp GH VWUDWpJLH TXL HVW XQH DXWUH PDQLqUH SRXU OH SUpVLGHQW YLUWXHO G·DIILUPHU VD FDSDFLWp j GLULJHU OH pays, en jouant à « coller » au vrai président. Ainsi fait-il entendre sa musique sur tous les sujets, réagit-il à tous les propos et prises de position de Nicolas Sarkozy, et parfois même le court 34 Françoise Fressoz, Le Monde, 20/02/2012. 35 ,OV·HQPRUGUDOHVGRLJWVOHVFRUHREWHQXpWDQWELHQLQIpULHXUjVHVDWWHQWHVHWQHUpLWqUHUDSDVO·HUUHXUDXVHFRQGWRXU 34 circuite-t-il dans son traitement GH O·DFWXDOLWp SDU H[HPSOH HQ pWDQW Oe premier à annoncer O·LQWHUUXSWLRQGHVDFDPSDJQHDSUqVODWXHULHGH7RXORXVH$ORUVTXHODFDPSDJQHEDWVRQSOHLQ le candidat socialiste commence aussi à réagir de plus en plus aux attaques du président sortant, QRWDPPHQW j WUDYHUV O·KXPRXU VRQ DUPH IDYRULWH TX·LO VHPEODLW DYRLU UHOpJXpH GDQV XQ SDVVp révolu. En fait, il apparaît dans une large mesure que les deux poses alternatives - la distance KLpUDWLTXH HW O·LPSOLFDWLRQ GDQV OD EDWDLOOH - SOXV TX·DOWHUQpHV FRUUHVSRQGHQW j GHV VWUDWpJLHV successives de la recherche de présidentialité : du « présidentiable » au « président-bis », en quelque sorte. Deux « grandes causes » avec programme Le candidat socialiste revendique haut et fort son engagement pour une « grande cause ». Il XWLOLVHjPDLQWHVUHSULVHVO·H[SUHVVLRQ(QIDLWVRQSURMHWV·DYqUHDUWLFXOpDXWRXUGHGHX[JUDQGHV FDXVHVODMHXQHVVHHWFHTX·LOQRPPHsuscitant de nombreuses polémiques, « le redressement de la France ª(QYXHGHODUpDOLVDWLRQGHFHVGHX[REMHFWLIVLOSUHQGVRLQG·DUWLFXOHUXQSURJUDPPH SUpFLVTX·LOGpYRLOHDXSXEOLFHQMDQYLHUTXLWWHjSkWLUHQVXLWHGHFH© carcan » TXLO·HQWUDYHUDYHUV la fin de la campagne dans sa volonté croissante de réagir aux annonces du candidat Sarkozy. 3RXUELHQVHGpPDUTXHUGHFHGHUQLHULOGpQRQFHO·LPSURYLVDWLRQDXWUDYHUVG·DQQRQFHVDXMRXUOH jour, de son programme. Surtout, François Hollande affirme sa « vocation » à servir son pays : comme François %D\URX HW SRXU UpSRQGUH j OD GpFODUDWLRQ GH 1LFRODV 6DUNR]\ DQQRQoDQW TX·LO TXLWWHUDLW OD SROLWLTXHDXFDVRLOQHVHUDLWSDVUppOXOHFDQGLGDWVRFLDOLVWHDGRSWHODSRVWXUHZpEpULHQQHGHO· homme politique vocationnel, qu·XQpFKHFQHGpWRXUQHUDSDVGHO·DPELWLRQGHFRQWLQXHUj±XYUHU pour le bien public. Expertise et respect des corps intermédiaires Le style affiché est celui du technicien, de la compétence pour résoudre les problèmes du pays. François Hollande cultive très tôt cette image dans le cadre de sa quête de présidentialité, pour « inspirer confiance » (son leitmotiv HQGpEXWGHFDPSDJQHOXLTXLQ·DMDPDLVpWpPLQLVWUH HWQRWDPPHQWSRXUV·DIILUPHUSDUUDSSRUWj'RPLQLTXH6WUDXVV-.DKQGRQWO·H[SHUWLVHUHFRQQue VHPEODLW DWWLUHU OHV VXIIUDJHV GHV )UDQoDLV 3DU DLOOHXUV )UDQoRLV +ROODQGH V·LQVFULW KDXW HW IRUW contre la tentation populiste de court-FLUFXLWHU OHV FRUSV LQWHUPpGLDLUHV ,O SURSRVH G·LQVFULUH O·REOLJDWLRQ GH ODFRQFHUWDWLRQ DYHF OHV V\QGLFDWV GDQV la Constitution et se prononce en faveur G·XQXVDJHH[FHSWLRQQHOGXUpIpUHQGXP,OFKHUFKHLFLjVHGpPDUTXHUGHODFDPSDJQHDX[DFFHQWV SRSXOLVWHVGH1LFRODV6DUNR]\FHTX·LOUpXVVLWG·DXWDQWPLHX[TX·LOV·HVWIRUJpjODWrWHGX36XQH UpSXWDWLRQG·KRPPe de la concertation et de la synthèse). 35 « Le rassembleur clivant » Rassemblement de la gauche contre la droite, rassemblement de tous ceux qui ne veulent plus GH1LFRODV6DUNR]\OHUDVVHPEOHPHQWHVWELHQOHPRWG·RUGUHGH)UDQoRLV+ROODQGHPDLVLOVe fait FRQWUHXQHQQHPLDXWUHPHQWGLWLOQ·H[FOXWSDVOHFOLYDJHELHQDXFRQWUDLUHLOSUHQGDSSXLVXUOXL La référence au clivage gauche-GURLWH FRUUHVSRQG SOXV j O·HQWUpHHQ VFqQH GX FDQGLGDW ORUV GHV primaires. Son but est alors de se positionner clairement à gauche, alors que Martine Aubry O·DFFXVHG·rWUHXQVRFLDOLVWH© mou ªWRXUQpYHUVOHFHQWUHPRLQVDSWHTX·HOOH-même à rassembler O·HQVHPEOH GH OD JDXFKH GHUULqUH VD FDQGLGDWXUH 'XUDQW OD FDPSDJQH FHWWH UpDIILUPDWLRQ GX clivage gauche-droite cXOPLQHUD GDQV O·HQJDJHPHQW GH )UDQoRLV +ROODQGH j QH SDV SUDWLTXHU O· « ouverture ª V·LO HVW pOX DXWUHPHQW GLW j QH SDV IDLUH HQWUHU GHV SHUVRQQDOLWpV GH O·RSSRVLWLRQ GDQV VRQ JRXYHUQHPHQW FRPPH O·DYDLW IDLW 1LFRODV 6DUNR]\ HQ /·H[KRUWDWLRQ DX rassemblement contre le président sortant a cependant constitué le discours mobilisateur le plus FRQVWDQW GX FDQGLGDW VRFLDOLVWH GHSXLV VRQ HQWUpHHQ VFqQHFRPPH SRVVLEOH FDQGLGDW MXVTX·j OD veille du second tour. De toute évidence, il pense « ratisser plus large » sur ce terrain que sur celui GXUHMHWGHODGURLWH/·LPLWDWLRQJDXOOLHQQHHVWLFLSUHVTXHSDUIDLWH)UDQoRLV+ROODQGHHQappelant à un large rassemblement anti-sarkozien pour la défense de la République (maître-mot de sa FDPSDJQHGHO·DYHQLUGHO·HVSRLU« /DFULWLTXHGHO· « hyperprésidence » Le discours est ici en revanche sans ambigüité. François Hollande critique O· « hyperprésidence ªVDUNR]LHQQHHWQHVHODVVHGHUpSpWHUTX·LOQHJRXYHUQHUDSDVVHXOGHPrPH TX·LOQHIDLWSDVFDPSDJQHVHXO : dès Novembre, il dévoile son équipe de campagne, qui ne cessera SOXV GH O·DFFRPSDJQHU GDQV VHV GpSODFHPHQWV HW GH O·pSDXOHU GDQV VHV SULVHV GH SRVLWLRQ VXU O·DFWXDOLWp&HWWHpTXLSHIRUPHjODIRLVXQHVRUWHGHJRXYHUQHPHQW-ombre et de preuve tangible GHODYRORQWpGXFDQGLGDWVRFLDOLVWHG·LQYHUVHUODWHQGDQFHGHODSUpVLGHQFHIUDQoDLVHjXQH[HUFLce VROLWDLUHGXSRXYRLUWHQGDQFHTX·LODFFXVH1LFRODV6DUNR]\G·DYRLUSRXVVpjO·H[WUrPH Nicolas Sarkozy : le leader hybride /HSUpVLGHQWVRUWDQWHVWDXVVLGDQVOHUHJLVWUHGHO·ambigüité. Mais là où François Hollande tend à cumuler les attributs du leader webérien et celles de son antagoniste, il réalise plutôt une figure « hybride » empruntant à chaque modèle certaines de ses caractéristiques. 36 Nicolas SARKOZY LEADER WÉBÉRIEN IMAGE DE SOI DISTANCE PROJET RELATION AVEC PEUPLE IDÉOLOGIE LEADERSHIP individu exceptionnel en retrait grande cause démagogue rassembleur hyperprésident ANTI-LEADER WÉBÉRIEN individu normal GDQVO·DUqQH propositions technicien clivant collégial /DWHQWDWLYHGHUpFXSpUDWLRQG·XQVW\OHJDXOOLHQ En 2009, Pascal Perrineau, citant la théorie des deux corps du roi de Kantorowicz, remarquait à quel point le « corps naturel ª TXL PDUTXH OD SUR[LPLWp G·XQ SUpVLGHQW VXUDFWLI DYDLW HQYDKL OH « corps politique », hiératique, qui symbolise la distance et la solennité de la République. « Pour O·LQVWDQW OH SUHPLHU FRUSV O·HPSRUWH VXU OH VHFRQG /D © personne » a envahi la « fonction » et a perturbé le cérémonial, davantage solennel, auquel la République gaullienne nous avait habitués », écrivait-il. Et de rattacher ce phpQRPqQH j O·pYROXWLRQ GHV DWWHQWHV GHV )UDQoDLV YLV-à-vis de la fonction présidentielle: « Les électeurs hésitent entre un président en pleine « capacité », sachant PDQLHU O·DXWRULWp HW pYHQWXHOOHPHQW OD GLVWDQFH TXL VLHG j WRXW SRXYRLU VXSUrPH HW XQH DXWre ILJXUHFHOOHG·XQSUpVLGHQWSOXVSURFKHSOXV© ordinaire », « sans qualités ». Ces deux figures de la « capacité » et de la « proximité ª VH VRQW DIIURQWpHV HQ HOOHV VRQW WRXMRXUV j O·±XYUH HQ 2009 »36. Pour autant, dans la deuxième partie de son mandat, Nicolas Sarkozy va tenter de reconstruire une image présidentielle de « grandeur » et de faire oublier la présidence « décomplexée » des débuts, marquée par un style informel « jO·DPpULFDLQH ªHWO·H[KLELWLRQGHVDYLHSULYpH2QSHXW même diUHTX·jSDUWLUGHODQRPLQDWLRQGH)UDQoRLV+ROODQGHLOHQUDMRXWHGDQVFHVW\OHJDXOOLHQ UpKDELOLWpSRXUWHQWHUG·pFUDVHUOHFDQGLGDWVRFLDOLVWHTX·LOMXJHjO·LQVWDUGHEHDXFRXSG·DXWUHV déficitaire en stature présidentielle. Son affiche de campagne, qui ne cherche à masquer ni rides ni cheveux blancs, témoignent de sa maturité et de son expérience (alors que François Hollande se teint les cheveux) ;; ses costumes, rigoureusement bleu encre, visent à lui conférer une allure grave ;; ses discours se concluent par la formule « )UDQoDLVHV)UDQoDLVM·DLEHVRLQGHYRXV » suivie 36 Pascal Perrineau, « Nicolas Sarkozy ou le présidentialisme assumé », Le Figaro, 02/06/2009 37 de la Marseillaise, ou par le « aidez-moi » du général de Gaulle ;; et dans sa déclaration de candidature, il se présente, sur un ton martial, comme le capitaine du navire dans la tempête, le président-protecteur de la nation, le grand pédagogue qui explique la crise aux Français. Même ses échecs deviennent matière à une auto-exaltation héroïque : « Ce qui me fascine dans tous les grands SHUVRQQDJHVGHO·KLVWRLUHF·HVWFHTX·LOVont raté », révèle-t-il sur le ton de la confidence à un journaliste37. ([SORLWDQW O·DYDQWDJH TXH OXL FRQIqUH VD IRQFWLRQ LO VH SRVH HQILQ HQ SUpVLGHQW-acteur contre le candidat-spectateur que serait François Hollande et cherche à incarner le volontarisme politique. /DWXHULHGH7RXORXVHELHQTX·KDELOHPHQWH[SORLWpHSDUVRQULYDOVRFLDOLVWHYRLUSOXVKDXWYDOXL SHUPHWWUHG·DIILUPHUHQFRUHSOXVFHWWHLPDJHHQFHVHQV7RXORXVHPDUTXHPRLQVXQWRXUQDQWTXH O·DSSURIRQGLVVHPHQWG·XQHVWUDWpJLHGHUHWRXUjune présidence classique. &HWWHUpFXSpUDWLRQGXP\WKHGXJUDQGKRPPHH[LJHDXVVLO·DIILUPDWLRQG·XQVW\OHGHYLH plus sobre, registre dans lequel François Hollande apparaît ici plus crédible. Nicolas Sarkozy va chercher à se faire pardonner les excès des premiers mois de sa présidence, à effacer les stigmates du « bling bling », ainsi que le souvenir de ses démêlés conjugaux et de sa consolation rapide, GLJQHV G·XQH VWDU G·+ROO\ZRRG GDQV OHV EUDV GH OD FKDQWHXVH &DUOD %UXQL 'DQV FHWWH QRXYHOOH posture, OHSUpVLGHQWUHSHQWLUDFRQWHjVHVLQWHUORFXWHXUVO·KLVWRLUHG·XQKRPPHWUDQVIRUPpSDUOH pouvoir et apaisé par une vie personnelle épanouie. « -·DL FKDQJp » répète-t-LO j O·HQYL FRPPH XQ acte de contrition. Il reconnaît ses erreurs, les regrette, admet qX·LO HVW IDLOOLEOH IDLW VRQ © mea culpa » public. Cette insistance à affirmer son nouveau style de vie ressemble encore il est vrai à XQ pWDODJH GX SULYp /H SUpVLGHQW HQ H[HUFLFH YHUVH GDQV O·LQWLPLVPH ELHQ TX·LO Q·DLOOH SDV DXVVL loin dans ce sens que FHTX·LODYDLWHQYLVDJpV·LOHVWYUDLTX·XQHSUHPLqUHYHUVLRQGHVRQOLYUHDXUDLW été jugée trop intime par ses conseillers). De plus, en se posant en homme rangé, aux goûts simples, menant une vie ordinaire (voire « austère ªG·DSUqVFHUWDLQHVGpFODUDWLRns de Carla Bruni ou Claude Guéant), QRQVHXOHPHQWLOHQIDLWWURSPDLVLOILQLWDXVVLSDUGUHVVHUOHSRUWUDLWG·XQH sorte de Monsieur tout le monde, en porte-à-IDX[DYHFO·LPDJHGHJUDQGKRPPHTX·LOFKHUFKHSDU DLOOHXUVjFRQVWUXLUH,OQ·HQUHVWHSDVPRins que la campagne de Nicolas Sarkozy sera largement GRPLQpHSDUFHWWHUpFXSpUDWLRQG·XQVW\OHSOXVJDXOOLHQ /·LPSRVVLEOHGLVWDQFH La difficulté à incarner ce style a plutôt concerné la distance qui sied au leader wébérien. Celui qui DYDLW UHYHQGLTXp HW PLV HQ SUDWLTXH SHQGDQW FLQT DQV O·RPQLSUpVHQFH HW O·K\SHUDFWLYLWp SUpVLGHQWLHOOHV VH GHYDLW LFL G·RSpUHU XQ YLUDJH j GHJUpV 1LFRlas Sarkozy cherche bien à prendre de la distance, en retardant sa déclaration de candidature pour continuer à apparaître comme « le président ªFHOXLTXLMRXHGDQVODFRXUGHVJUDQGVHWQHV·DEDLVVHSDVjHQWUHUGDQVOD lice électorale. Pour autant, il nHSHXWV·HPSrFKHUG·LQWHUYHQLUFRQWLQXHOOHPHQWGDQVODFDPSDJQH pour critiquer ses adversaires, à commencer par François Hollande, envers qui il se montre particulièrement agressif et ironique. En outre, comme président, il continue à gouverner « ostensiblement ª HW j rWUH HQ SUHPLqUH OLJQH GH O·DFWLRQ JRXYHUQHPHQWDOH PrPH V·LO pYRTXH SDUIRLVVDYRORQWpG·rWUHXQSUpVLGHQWGLIIpUHQWSOXVHQUHWUDLWORUVG·XQVHFRQGPDQGDW : « Je serai 37 cf Le Monde, 27/01/2012 38 un président différent «un président qui aura plus de recul par rapport à l'actualité et qui se préoccupera des grandes réformes qu'il y a à mener »38. /·pJUHQDJHGHSURSRVLWLRQVDXMRXUOHMRXU Nicolas Sarkozy est très loin de la posture du leader vocationnel : point de grande cause à O·KRUL]RQ HW VXUWRXW LO UpSqWH j TXL YHXW O·HQWHQGUH VRQ LQWHQWLRQ GH TXLWWHU GpILQLWLYHPHQW OD SROLWLTXHHQFDVG·pFKHF/HSUpVLGHQWVRUWDQWDQQRQFHVRQSURJUDPPHWUqVWDUGLYHPHQWHQDYULO HWUHYHQGLTXHRXYHUWHPHQWODOLEHUWpGHIDLUHMXVTX·DXERXWGHVSURSRVLWLRQVDXMRXUOHMRXU Il est GDQV XQH VWUDWpJLH GH PDvWULVH GH O·DJHQGD GHVWLQpH j UHQGUH LQDXGLEOHV OHV FULWLTXHV GH VHV DGYHUVDLUHVjOHVREOLJHUjVHSRVLWLRQQHUVXUGHVWKqPHVTX·LOFKRLVLWOXL-même et à empêcher la discussion de son bilan. Bertrand et Missika décrivent bien cette stratégie : « chaque thématique QRXYHOOHHQVXUJLVVDQWIDLWpFUDQSDUVDSUpVHQFHjFHOOHTXLODSUpFqGH«/HMHXFRQVLVWHjIDLUH GHO·RXEOL XQPpFDQLVPHFHQWUDOGXPHVVDJHSROLWLTXH «$ORUVSHXWVH GpSOR\HUFHTXLIDLWOD force de la rhétorique sarkozienne ODVLQFpULWpGHO·LQVWDQW«8QHQRXYHOOHSDVVLRQSROLWLTXH V·LPSRVH OH FXORW « /H UpVXOWDW GX MHX ORUVTXH FHV UqJOHV VRQW DSSOLTXpHV HVW OD GpVWUXFWXUDWLRQ GX GpEDW « FH TXL SHUWXUEH OD FRPSUpKHQVLRQ SDU O·RSLQLRQ GHV HQMHux de la SUpVLGHQWLHOOH«&HFKDRVIDLWGHO·LQFRKpUHQFHXQpOpPHQW-clé de la communication, une arme SOXW{WTX·XQKDQGLFDS«&HWWHVWUDWpJLHJpQqUHXQHK\SHUYRODWLOLWpGHO·DJHQGDGHODFDPSDJQH «8QHFDPSDJQHjO·pWDWJD]HX[HQTXHOTXHVRUWH$XULVTXHGHO·H[SORVLRQ ? » 39. Le « candidat du peuple contre le candidat du système » De tous les candidats, Nicolas Sarkozy est probablement celui qui a la meilleure FRQQDLVVDQFHGHVGRVVLHUVFDULODO·DYDQWDJHGHO·H[SpULHQFHJRXYHUQHPHQWDOH0DLVSOutôt que le U{OHGHO·H[SHUWLOSUpIqUHinterpréter celui du tribun qui exprime les attentes concrètes du peuple et propose des mesures-choc dictées par le « bon sens », ou le « sens commun » ;; et il évite le terrain économique, trop technique, pour occuper celui des « valeurs ». Dès octobre, le président DQQRQFHTX·LOHVWOH© candidat du peuple » contre le « candidat du système », François Hollande, promu par les élites et les médias40. Il tente ainsi de passer pour le « challenger » du pouvoir en SODFHHWG·pYLWHUODGLVFXVVLRQVXUVRQELODQ HQG·DXWUes termes, de jouer la rupture, comme en 8QHWDFWLTXHGRQWQRPEUHG·REVHUYDWHXUVVRXOLJQHQWOHFDUDFWqUHSDUDGR[DOHWLQpGLWSRXU un président-sortant. Paris Match, 29/03/2012 Denis Bertrand et Jean-Louis Missika, « Prédominante logique du spasme », Le Monde, 13/03/2012 40Le Monde 01/02/2012. Même Carla Bruni devient populiste: « /·DQWLVDUNR]\VPHHVWXQSKpQRPqQHG·pOLWHSDULVLHQQH » (05/04/2012) 38 39 39 Cette posture populiste revient en force dans la déclaration officielle de candidature du 15 IpYULHU(OOHUpSRQGGHWRXWHpYLGHQFHjXQHWHQWDWLYHSRXUFDSWHUO·pOHFWRUDWGH0DULQH/H3HQ cette « France du non » que le président sortant ne cessera plus de courtiser. Nicolas Sarkozy va O·DVVRUWLU G·XQH VWLJPDWLVDWLRQ GHV FRUSV LQWHUPpGLDLUHV HW G·XQH FRQYHUVLRQ DX UpIpUHQGXP /D UKpWRULTXHGHO·DSSHODXSHXSOHFRQWUHOHVpOLWHVEDWVRQSOHLQ : « ,O \ D XQH LGpH FHQWUDOH GDQV PRQ SURMHW F·HVW UHGRQQHU OD SDUROH DX SHXSOH IUDQoDLV SDU OH référendum « ,O \ D EHDXFRXS GH )UDQoDLV TXL RQW OH VHQWLPHQW DX IRQG G·rWUH GpSRVVpGpV GH OHXU SRXYRLUSDUOHVpOLWHVOHVV\QGLFDWVOHVSDUWLVSROLWLTXHV«FKDTXHIRLVTX·LO\DXUDXQEORFDJHMHIHUDL trancher le peuple français (..) les grands arbitrages seront tranchés par les Français, pas dans un coin »41 Séduction des électeurs du Front national oblige, le pas est vite franchi du populisme de YDORULVDWLRQGXSHXSOHDXSRSXOLVPHG·exaltation G·XQSHXSOHSDUWLFXOLHUOH© peuple de France »: « Je veux être le candidat du peuple de France et non celui G XQHSHWLWHpOLWH«-HVXLVYHQX parler de la )UDQFH2QQHSDUOHSDVDVVH]GHOD)UDQFH« Jeune, j'ai aimé la France sans le savoir. (...) J'aimais la France comme on aime l'air qu'on respire. J'ai mis du temps pour mesurer à quel point la France UHVWDLWVLYLYDQWHGDQVPRQF±XU«,OQ·\ DSDVXQVHXOFRPEDWTXLVRLWVXSpULHXUjFHOXLTX·RQPqQH pour son pays. »42 « Être le candidat du peuple ne veut pas dire que je suis comme le peuple »43, prend cependant soin GHSUpFLVHU1LFRODV6DUNR]\WRXMRXUVLQFHUWDLQHQWUHO·LQWHUSUpWDWLRQGX)UDQoDLVFRPPHOHVDXWUHV HW FHOOHGHO·LQGLYLGXKRUVGXFRPPXQ HWQHO·HPSrFKHSDVGHGpQRQFHUOHSRSXOLVPH FKH] OHV autres : ainsi par exemple le PDUV Q·hésite-t-il pas à affirmer que « le degré de populisme et de démagogie est dépassé » à propos de la baisse des taxes sur le prix de l'essence proposée par le candidat socialiste. Le contraste avec François Hollande est pourtant ici on ne peut plus net: le président-candidat invoque une relation directe avec le peuple par-dessus les corps intermédiaires, tandis que son adversaire socialiste qualifie les acteurs de terrain de « vecteurs irrésistibles de la victoire ». Ces deux stratégies opposées reflètent bien sûr les spécificités des parcours politiques des deux hommes, DLQVL TXH OD UHODWLRQ GLIIpUHQWH TX·HQWUHWLHQQHQW OD GURLWH HW OD JDXFKH DYHF OHV V\QGLFDWV $ FHOD près, tout de même, que le choix de la démocratie référendaire par Nicolas Sarkozy contre la GpPRFUDWLH VRFLDOH GH )UDQoRLV +ROODQGH FRQWUHGLW FH TXH OH SUHPLHU DYDLW DIILUPp HW V·pWDLW HIIRUFp GH PHWWUH HQ SUDWLTXH GXUDQW VRQ PDQGDW $LQVL GDQV VHV Y±X[ GH DYDLW-il fait un éloge appuyé de la démocratie sociale RX HQFRUH Q·DYDLW-il pas toujours été favorable au référendum: en 2007 il théorisait même son opposition à ce procédé contre Ségolène Royal, 41 Déclaration de candidature, 15/2/2012. 42 Discours de Marseille, Le Monde 19/02/2012 RMC, 08/03/2012 43 40 érigée en chantre de la démocratie participative, en tenant un discours proche de celui de François Hollande en 201244. Un charisme de clivage « Les notions de droite et de gauche sont dépassées », affirme souvent le président sortant. Au-delà de quelques figures de style obligées de président-rassembleur, dans des commémorations (par H[HPSOH FHOOH GH -HDQQH G·$UF RX GHV pYpQHPHQWV FRPme la tuerie de Toulouse, Nicolas Sarkozy ne renonce pas pour autant à être clivant. Il joue sur deux clivages: le clivage SHXSOHpOLWHVRQYLHQWGHOHYRLUHWTXRLTX·LOHQGLVHOHFOLYDJHJDXFKHGURLWHHQVHpositionnant nettement à droite à partir de sa déclaration de candidature, dans le but évident de séduire O·pOHFWRUDW GX )URQW 1DWLRQDO © sur le terrain des valeurs » revendique-t-il). Enfin le 12 avril, dans O·pPLVVLRQ© Des paroles et des actes », le président-FDQGLGDWODQFHXQDSSHOjO· « union nationale » contre « Hollande-Joly-Mélenchon ». Malgré son effort pour récupérer un style gaullien, Nicolas Sarkozy adopte donc un discours très clivant, qui perpétue une posture plutôt caractéristique des successeurs de de Gaulle, substituant un « charisme de clivage » au « charisme de rassemblement ». /· « hyperprésident » 1LFRODV6DUNR]\pYRTXHSDUIRLVRQO·DGLWVDYRORQWpGHVHWHQLUSOXVHQUHWUDLWORUVG·XQ second mandat. Ce qui est une manière de rehausser son personnage, en renonçant à être le SUpVLGHQW TXL GpFLGH WRXW VXU WRXW PDLV QH YD SDV MXVTX·j XQH UHPLVH HQ FDXVH H[SOLFLWH GH O·K\SHUSUpVLGHQFH $X FRQWUDLUH FHOOH-ci paraît plutôt confortée par la critique des corps intermédiaires à laquelle se livre le président sortant, balayant ce faisant toute idée de collégialité RX GH FRQFHUWDWLRQ GDQV O·H[HUFLFH GX SRXYRLU /D FRQFHQWUDWLRQ GHV SRXYRLUV HQWUH OHV PDLQV G·XQFKHIHVWHQHIIHWFRQVXEVWDQWLHOOHDXSRSXOLVPH Les quatre principaux « challengers » Marine Le Pen : le leader plébiVFLWDLUHG·H[WUrPH-droite 44 cf Le Monde 16/02/2012 : « Quand Sarkozy théorisait son opposition au référendum ». 41 La candidate du Front National affiche un style qui est une sorte de caricature de celui de 1LFRODV6DUNR]\QRWDPPHQWVXUOHYHUVDQWGHODGpPDJRJLH$UPpHG·XQSURMHWGpWDLOOpDUWLFXOp DXWRXU G·XQH JUDQGH FDXVH © la priorité nationale ª WpPRLJQDQW G·XQ HIIRUW SURJUDPPDWLTXH largement supérieur à celui réalisé par son père dans les campagnes précédentes, elle peut sembler SOXVSURFKHTXHOHSUpVLGHQWVRUWDQWGHODILJXUHGXOHDGHUZHEpULHQTXLVHFRQWHQWHRQO·DYXGH propositions au jour le jour). Mais elle étire cette figure vers un plébiscitarisme aux accents DXWRULWDLUHVHWV·HQpORLJQHUpVROXPHQWGHSDUVRQSRVLWLRQQHPHQW© GDQVO·DUqQH », à la recherche G·XQHIRUWHFRXYHUWXUHPpGLDWLTXHDLQVLTXHVDWHQGDQFHjVWLJPDWLVHUO·DGYHUVDLUHjUHERXUVGH tout discours rassembleur et de pacification . Marine LE PEN LEADER WÉBÉRIEN IMAGE DE SOI DISTANCE PROJET RELATION AVEC PEUPLE IDÉOLOGIE LEADERSHIP individu exceptionnel en retrait grande cause démagogue rassembleur hyperprésident ANTI-LEADER WÉBÉRIEN individu normal GDQVO·DUqQH propositions technicien clivant collégial 6·DJLVVDQWGHO·LPDJHTX·HOOHV·HIIRUFHGHGRQQHUG·HOOH-même, on pourrait dire de Marine /H3HQTX·HOOHMRXHVXUGHX[WDEOHDX[ : là où son pqUHFKRLVLVVDLWVDQVpWDWVG·kPHODSRVWXUHYLULOH du leader charismatique, elle exploite sa féminité dans sa revendication de normalité, de proximité avec les gens, ou encore pour rassurer et apparaître plus modérée. Mais la candidate du Front QDWLRQDOQ·est jamais autant elle-même que dans le rôle du chef adulé par ses troupes, déclamant DYHFHPSKDVHVXUOHWKqPHGHO·DSSHOVROHQQHODX[GpoXVGHWRXVERUGVRXGHO·pYRFDWLRQGH© la France éternelle ª(QILQGHFRPSWHF·HVWFHWWHILJXUHWRQLWUXDQWHGXgrand leader autoproclamé, WDLOOpSRXUO·K\SHUSUpVLGHQFHTXLGRPLQH6HXOHjRVHUVHTXDOLILHUGH© candidate populiste », se UHYHQGLTXDQWFRPPHO·XQLTXHFDQGLGDWHDQWL-système, protectrice du petit peuple contre les élites FRUURPSXHV HW SURPRWULFH G·XQH République référendaire, elle se situe enfin clairement dans le FDPS GH OD GpPDJRJLH &H TXL QH O·HPSrFKH SDV GH FKHUFKHU DXVVL j DIILUPHU VD FDSDFLWp j JRXYHUQHUHWGHWURTXHUSDUIRLVVHVKDELWVGHGpPDJRJXHFRQWUHFHX[GHO·H[SHUW$LQVLIDLW-elle le choix de quitter le terrain purement sécuritaire et xénophobe pour affronter les sujets pFRQRPLTXHVVRUWLH GHO·HXUR ;; et dans son livre, « Pour que vive la France », elle multiplie les SDJHV DULGHV UHPSOLHV GH GRQQpHV pFRQRPLTXHV&RPPH SRXU O·LPDJH TX·HOle cherche à donner G·HOOH 0DULQH /H 3HQ HVW GRQF LFL GDQV XQH FHUWDLQH GXDOLWp PrPH VL OD GpPDJRJLH UHVWH VRQ habitat préféré. 42 Jean-Luc Mélenchon OHOHDGHUSOpELVFLWDLUHG·H[WUrPH-gauche Le parallélisme des styles du candidat du Front de gauche et de la candidate du Front national a été souvent souligné, à juste titre, durant cette campagne. On retrouve chez les deux candidats « frontistes », du reste en concurrence flagrante pour capter un électorat populaire tenté par les extrêmes, la même grandiloquence: grand orateur, à la voix de stentor, personnage haut en couleur, orgueilleux, impérieux, passionné, solennel, souvent gaullien, se référant aux grandes ILJXUHV GH O·KLVWRLUH GpWHVWDQW OHV pOLWHV PDLV UpYpUDQW OHV JUDQGV KRPPHV ILQLVVDQW VHV Giscours SDUO·,QWHUQDWLRQDOHSXLVOD0DUVHLOODLVHLURQLVDQWVXUOHPDQTXHGHVWDWXUHGHVDXWUHVFDQGLGDWVHQ particulier François Hollande, traité de « capitaine pédalo dans la tempête») : tel est en effet JeanLuc Mélenchon. En même temps, il interprète parfois, comme Marine Le Pen, la normalité, par H[HPSOHGDQVFHWWHVpULHZHEGRQWLOHVWOHKpURVHWRLOFKHUFKHjGRQQHUO·LPDJHG·XQ candidat DFFHVVLEOH HQWRXUp GH JHQV RUGLQDLUHV (W LO Q·HVWSDV KDXWDLQ PDLV SOXW{WGDQV OH UHJLVWUH GH OD familiarLWpDYHFVHVLQWHUORFXWHXUV&·HVWWRXWHIRLVODSRVWXUHGXOHDGHUFKDULVPDWLTXHTXLGRPLQH nettement. Jean-Luc MÉLENCHON LEADER WÉBÉRIEN IMAGE DE SOI DISTANCE PROJET RELATION AVEC PEUPLE IDÉOLOGIE LEADERSHIP individu exceptionnel en retrait grande cause démagogue rassembleur hyperprésident ANTI-LEADER WÉBÉRIEN individu normal GDQVO·DUqQH propositions technicien clivant collégial Les deux aspirants à la présidence de la République ne diffèrent vraiment que par leurs idéologies, encore que celles-FLQHVRLHQWSDVWRWDOHPHQWGpQXpHVGHSRLQWVGHFRQWDFWV·DJLVVDQW de deux extrémismes j O·LQWHQWLRQ GHV PrPHV FRXFKHV VRFLDOHV HW SDU leur conception du leadership présidentiel, ambiguë chez Jean-Luc Mélenchon : campé dans la posture du leader SOpELVFLWDLUH VH ODLVVDQW SDUIRLV DOOHU MXVTX·à vanter les mérites de certains « leaders massimo » G·$PpULTXH/DWLQHOHFDQGLGDWGX)URQWGHJauche Q·HQFULWLTXHSDVPRLQVle « césarisme » de la Ve République, taxé de ridicule, dépassé, antidémocratique, et préconise le passage à une VIe 5pSXEOLTXHTXLVHUDLWXQHVRUWHGHUpJLPHG·DVVHPEOpH3DUDLOOHXUVELHQTXHV·HQSUHQDQWFRPPH Marine Le Pen, aux élites, Jean-Luc Mélenchon Q·HVW SDV SRXU DXWDQW KRVWLOH DX[ FRUSV LQWHUPpGLDLUHV (Q VD TXDOLWp G·H[-WURVWN\VWH HW G·H[-socialiste, il croit au parti, et surtout aux syndicats, cultivant des rapports privilégiés avec certaines figures du syndicalisme qui se 43 retrouvent au sein du « Front des luttes » (la structure de campagne du candidat). (QILQ V·LO revendique un projet global articulé autour de grands enjeux, il ne prend pas autant que la candidate du Front national la peine de décliner ce projet en mesures concrètes, et ironise sur les SURSRVLWLRQV TXRWLGLHQQHV GH 1LFRODV 6DUNR]\ GH PrPH TX·LO WRXUQH HQ GpULVLRQ OD © dérive techno » de la campagne et les experts en tous genres (agences de notation, bureaucrates EUX[HOORLV«MXVTX·DXMRXUQDOLVWH)UDQoRLV/HQJOHWHWVHV© petits schémas ªGDQVO·pPLVVLRQ« Des paroles et des actes »45), poussant les autres candidats à abandonner progressivement chiffres et tableaux pour aller, comme lui, communier avec le peuple46&HTXLQHO·HPSrFKHSDVjO·RFFDVLRQ de tomber sa cape de tribun SRSXODLUHSRXUDSSDUDvWUHDYHFO·KDELWpWURLWGHO·H[SHUWGRQQDQW des FRQIpUHQFHV VXU O·pFRQRPLH OD GpIHQVH O·HQYLURQQHPHQW OH QXFOpDLUH -DPDLV QH VHPEOH-t-il DXWDQW j VRQ DLVH G·DLOOHXUV TXH TXDQG LO FXPXOH OH 0pOHQFKRQ SRSXOLVWH HW OH 0pOHQFKRQ tecKQLFLHQ SDU H[HPSOH ORUVTX·LO UpFODPH XQ UpIpUHQGXP VXU OH QXFOpDLUH HQ VH SRVDQW HQ spécialiste de la question. Comme Marine Le Pen, Jean-/XF0pOHQFKRQFXPXOHGRQFQRPEUHG·DWWULEXWVGXOHDGHU wébérien et ne déroge que sur deux points G·XQHSDUWVDforte implication dans la campagne et XQH YpULWDEOH RPQLSUpVHQFH PpGLDWLTXH /H FDQGLGDW G·H[WUrPH-gauche est dans le coup permanent et le « coup pour coup ªDXWUDYHUVG·XQHVWUDWpJLHG·DWWDTXHHWGHGpIHQVHMXELODWRLUH '·DXWUH SDUW XQ GLVFRXUV G·XQH Einarité absolue, calé sur les clivages gauche/droite, pro-/antiSarkozy et surtout le clivage peuple/élites, qui montre les limites de sa capacité à incarner un véritable « charisme de rassemblement ». François Bayrou : le leader « wébéro-gaullien » De tous les candidats, François Bayrou est probablement le seul qui interprète sans états G·kPHXQSHUVRQQDJH© wébéro-gaullien ªVDQVYHUVHUFRPPHVHVDGYHUVDLUHVGDQVO·DPELYDOHQFH François BAYROU LEADER WÉBÉRIEN IMAGE DE SOI DISTANCE PROJET RELATION AVEC PEUPLE IDÉOLOGIE LEADERSHIP individu exceptionnel en retrait grande cause démagogue rassembleur hyperprésident 45 46 Émission du 12/04/2012. 9RLUVXUFHSRLQWO·DUWLFOHGH)UDQoRLVH)UHVVR]©/ HIIHW0pOHQFKRQªLe Monde, 06/04/2012 ) 44 ANTI-LEADER WÉBÉRIEN individu normal GDQVO·DUqQH propositions technicien clivant collégial Ainsi le candidat centriste ne se décline-t-il pas du tout en « homme normal ª,OQ·KpVLWH SDVjVHGpSHLQGUHFRPPHFHOXLTXLVDLWTXLDFRPSULVDYDQWOHVDXWUHVTXLDOHVHQVGHO·(WDWHWOD stature présidentielle les plus élevés;; au risque de paraître prétentieux, ou paternaliste. Sa posture HPSUXQWHFODLUHPHQWDXIRQGDWHXUGHOD9H5pSXEOLTXHTX·LOFLWHDERQGDPPHQW,OXVHHWDEXVH du répertoire du « moi, ou le chaos » en se présentant comme le seul recours de la nation. Il en appelle aux Français, aX UDVVHPEOHPHQW j O·XQLWp QDWLRQDOH j OD GpIHQVH GH OD 5pSXEOLTXH HW manie volontiers la métaphore militaire (« vaincre la guerre », « résister »), ou de la crise (« Etat G·XUJHQFH », titre de son ouvrage paru en 2011). Il soigne une image de distance, de hauteur, de UHWUDLWORLQGHODPrOpHGHVWLQpHjFRQWUDVWHUDYHFO· « hyperprésence » du président en exercice. Il UHYHQGLTXHXQH JUDQGHFDXVHXQSURMHWXQFDSGRQWLO Q·HQWHQGSDVGpYLHUG·XQPLOOLPqWUHHW UHIXVHG·HQWUHUWURSGDQVOHGpWDLOGHVHVSURSRVLWLRQVGHPrPHTX·LOFULWLTXHOHVDQQRQFHVWURS WHLQWpHVG·DFWXDOLWpHWOHVUpDFWLRQVjFKDXGGHVHVDGYHUVDLUHVFRPPHODGpFLVLRQGHVXVSHQGUHOD FDPSDJQH DSUqV OD WXHULH GH 7RXORXVH ,O QH TXLWWHUD SDV OD SROLWLTXH HQ FDV G·pFKHF pFXHLO infinLWpVLPDO VXU OH ORQJ FKHPLQ TX·LO SDUFRXUW DX VHUYLFH GH VRQ SD\V $LQVL V·DIILUPH-t-il en politicien vocationnel, par opposition au « politicien épris de puissance ». 6·DJLVVDQWGHVDUHODWLRQDYHFOHSHXSOH)UDQoRLV%D\URXWHQWHHQUHYDQFKHGHMRXHUsur les deux tableaux en revendiquant une sorte de populisme «raisonnable» : il est le candidat antisystème «modéré ª TXL QH V·HQ SUHQG SDV DX[ FRUSV LQWHUPpGLDLUHV IRQGDPHQWDX[ j VHV \HX[ mais seulement à « certaines élites qui ne font pas correctement leur travail ». Il revendique le droit de prononcer le mot « peuple » sans être taxé de « populisme », de parler au nom des « petits, des obscurs, des sans-grade » (citant Edmond Rostand), et dénonce le « gouffre entre le peuple et ceux qui sont censés le représenter ». Enfin il ironise sur le « techno-politico-blabla » de François Hollande et évite lui-PrPH G·rWUH WURS WHFKQLTXH PrPH V·LO SUHQG YRORQWLHUV OH WRQ GX SURIHVVHXU GX VDYDQW SpGDJRJXH FKHUFKDQW DLQVL j DIILUPHU VD FUpGLELOLWp HQ WDQW TX·DVpirant aux plus hautes fonctions gouvernantes. Le candidat centriste est aussi de tous les candidats celui qui a le discours le moins clivant. Il apparaît comme le plus crédible dans sa capacité à ressusciter une sorte de « charisme de rassemblement ». Cherchant à se situer au-delà des clivages, il ne cesse de répéter que O·DIIURQWHPHQWHQWUHODJDXFKHHWODGURLWHHVWGpSDVVpHWVXUWRXWFRQVWLWXHODSODLHGHODSROLWLTXH IUDQoDLVH6·LOpYRTXHHQFUHX[XQFOLYDJHF·HVWFHOXLTXLRSSRVH OHVPRGpUpV de tous bords, de JDXFKH FRPPH GH GURLWH TX·LO YHXW UDVVHPEOHU DX[ H[WUrPHV TXH YHXW UDVVHPEOHU 0DULQH /H 3HQ0DLVVRQGLVFRXUVHVWFRPSOqWHPHQWD[pVXUOHUDVVHPEOHPHQWO·XQLWpQDWLRQDOH(« une France unie, rien ne lui résiste »), la réprobation de ceux qui attisent les tensions. La pose gaullienne « audessus des partis ª DX QRP GH OD UHFKHUFKH GH O·LQWpUrW JpQpUDO HVW FRPSOqWHPHQW DVVXPpH HW soulignée dans le choix de ne pas se présenter comme le candidat du MODEM (dont le logo Q·DSSDUDvWSDVVur les affiches de campagne) 45 De même François Bayrou développe une conception de la fonction présidentielle héritée du général de Gaulle, avec « un président qui décide mais ne gouverne pas ». Il a toujours été dans la FULWLTXHGHO·K\SHUSUpVLGHQFHVDUNR]LHQQHjODTXHOOHLOFRQVDFUHXQOLYUHHQAbus de pouvoir ). Au-delà, il dénonce la concentration des pouvoirs au niveau local et régional au profit des socialistes (« la privilégiature socialiste »RXUpVXOWDQWGXPRQRSROH GX36HWGH O·803GDQVODYLH politique («la Sarkhollandisation du débat politique »HWVHIDLWO·DYRFDWGHUpIRUPHVTXLLQVWLOOHUDLHQW une dose majeure de pluralisme dans le système politique français. Il propose un « nouveau pacte démocratique »VXUOHTXHOOHV)UDQoDLVDXURQWjVHSURQRQFHUSDUUpIpUHQGXPOHMXLQV·LOHVWpOX DQWLFLSDQWO·DEVHQFHGHPDMRULWpSDUOHPHQWDLUHOHVRXWHQDQWGDQVFHWWHK\SRWKqVH'pIHQVHXUGHV FRUSV LQWHUPpGLDLUHV LO Q·HVW GRQF SDV QRQ SOXV KRVWLOH j XQ XVDJH SRQctuel de la démocratie directe. Eva Joly O· « anti-leader wébérien » ? Eva Joly représente enfin la figure qui de plus en plus concurrence le leader wébérien dans le paysage politique français : celle du leader dédramatisé, démystifié, très proche au final G·XQSUHPLHUPLQLVWUHGHVGpPRFUDWLHVSDUOHPHQWDLUHVYRLVLQHVWHOXQH0HUNHOHQ$OOHPDJQHRX XQ5DMR\HQ(VSDJQH/DFDQGLGDWHG·(XURSH(FRORJLH- Les Verts (EE-LV) joue beaucoup de ce profil « normalisé ª HW Q·KpVLWH SDV j UDLOOHU OD FDPSDJQH GHs « grands » candidats, marquée du « sceau du sauveur suprême ». Ce qui, notons-le au passage, ne semble pas constituer un atout DX[\HX[GHVpOHFWHXUVTXLVRQWG·DSUqV la troisième vague « Présidoscopie ªGHO·,)23MDQYLHU 2011), 91% à la juger « dépourvue de stature présidentielle ». Eva JOLY LEADER WÉBÉRIEN IMAGE DE SOI DISTANCE PROJET RELATION AVEC PEUPLE IDÉOLOGIE LEADERSHIP individu exceptionnel en retrait grande cause démagogue rassembleur hyperprésident ANTI-LEADER WÉBÉRIEN individu normal GDQVO·DUqQH propositions technicien clivant collégial Ainsi Eva Joly cumule-t-HOOHWRXWHVOHVFDUDFWpULVWLTXHVGHO·© anti-leader » dans le tableau ci-dessus. Elle évite toute mise en scène charismatique, ou gonflement de la personnalité, ce TX·XQPLOLWDQWUpVXPHDLQVLORUVG·XQPHHWLQJj5RXEDL[ : « Eva Joly n'est pas une oratrice, mais je me retrouve dans son message. A quoi bon les trémolos et les allures de tribuns que prennent les autres candidats ? 46 Elle a parlé d'une manière posée, elle a dit l'essentiel, enfin un discours naturel ! »47. La candidate écologiste préfère « jouer » la sincérité et la simplicité. Le titre de son livre, Sans tricher, est on ne peut plus explicite. « Eva ne mime personne, elle reste elle-même », souligne-t-RQVRXYHQWDXWRXUG·HOOH&HTXLQH O·HPSrFKHSDVGHVRLJQHUVRQLPDJHIW-HOOHGHO·DXWKHQWLFLWpHWPrPHGHFKHUFKHUjODFRUULJHU : mais toujours dans le sens de la « normalité ª (YD -RO\ YHXW V· « humaniser », afficher un personnage en roQGHXUDLPDQWOHVSODLVLUVGHODYLHV\PSDHWGpFRQWUDFWpORLQGHO·LPDJHGH© la MXJHHQDFLHUWUHPSpGpEDUTXDQWFKH]OHVSXLVVDQWVjO DXEHªTXHOHV)UDQoDLVRQWG·HOOH 48. « On ne me connaît pas : je suis rigolote et bonne vivante», confie-t-elle à un journaliste dans le train Paris0DUVHLOOH ORUV GH O·XQ GH VHV GpSODFHPHQWV HQ SURYLQFH49. Sa revendication de naturel et de proximité avec les Français exclut toute GLVWDQFHIHLQWHTXLYLVHUDLWjO·LQVWDOOHUVXUXQTXHOFRQTXH Olympe : ainsi est-elle résoluPHQWGDQVO·DUqQHpOHFWRUDOHHWQ·KpVLWH-t-elle pas à répondre au coup par coup aux attaques ou propos de ses adversaires. Sur le plan programmatique, elle privilégie les SURSRVLWLRQV FRQFUqWHV HW RQ OXL UHSURFKHUD GH PDQTXHU G·XQH OLJQH GLUHFWULFH IpGpUatrice, et PrPHG·HQWUHWHQLUXQHFHUWDLQHFRQIXVLRQLGpRORJLTXHUHIOpWDQWODGXDOLWpLQWULQVqTXHG·((-LV), RXHQFRUHGHQHFHVVHUG·RVFLOOHUHQWUHVHVGHX[JUDQGVWKqPHVGHFDPSDJQHODPRUDOLVDWLRQGHOD vie politique et la défense de la planète, sans jamais réussir à les fusionner dans une vision globale. 6·DJLVVDQW GH VD UHODWLRQ DYHF OH SHXSOH OHV UpWLFHQFHV DIILFKpHV j O·pJDUG GX UpIpUHQGXP © Par tradition, nous, les écologistes, sommes très réticents vis-à-vis de la voie référendaire »50), et la parole systématiquement donnée aux associations et intermédiaires de la société civile (révélant une FRQFHSWLRQ WUqV FROOpJLDOH GH O·H[HUFLFH GX SRXYRLU WpPRLJQHQW GH O·pORLJQHPHQW GH WRXWH tentation populiste de la candidate. « Son refus de la démagogie plaît, car les gens comprennent qu'elle, au moins, ne va pas les tromper »DVVXUHO HXURGpSXWp<DQQLFN-DGRW&HTXLQHO·HPSrFKHSDVGHFXOWLYHU une certaine proximité avec le peuple, alternant « la compassion naturelle envers les plus faibles, qui s'exprime sur un mode affectif et intimiste lors d'apartés, et des moments de très grande technicité », que sa formation de juriste et la volonté de conquérir une crédibilité gouvernementale aiguisent ultérieurement51 (QILQ ORLQ G·HQ DSSHOHU j GHV ILJXUHV GH UDVVHPEOHPHQWLPSUREDEOHVOHGLVFRXUVGHO·H[-MXJHG·LQVWUXFWLRQV·HVWFODLUHPHQWLQVLQXpGDQVOH clivage gauche-GURLWHHWODWHQGDQFHVRXYHQWDFFXVDWULFHGHVHVSURSRVO·DUpVROXPHQWpORLJQpHGH WRXWH SRVWXUH GH GpSDVVHPHQW GHV FRQIOLWV RX G·DSDLVHPHQW GDQV OH VW\OH SDU H[HPSOH G·XQ François Bayrou. Conclusion : A la croisée de deux crises La campagne électorale 2012 illustre une crise de la fonction présidentielle française. La présidence « wébérienne » forgée par de Gaulle se caractérisait par un cumul en la personne du FKHI GH O·(WDW GH OD IRQFWLRQ KLpUDWLTXH LQFDUQDWLRQ VROHQQHOOH GH OD QDWLRQ HW GH OD IRQFWLRQ JRXYHUQDQWH DYHF XQ SUHPLHU PLQLVWUH FDQWRQQp GDQV XQ U{OH G·H[pFXWDQW Oj R OHV DXWUHV démocraties connaissent une dissociation des deux fonctions, incarnées respectivement par le FKHI GH O·(WDW HW OH 3UHPLHU PLQLVWUH UpJLPHV SDUOHPHQWDLUHV RX O·DEVHQFH G·XQH YpULWDEOH fonction hiératique (régime présidentiel). Cette « exception française », parfois assimilée à un Cité dans Le Monde, 12/02/2012 Le Monde, 09/09/2011 49 07/09/2011 50 Citée dans Le Monde du 11/02/2012 51 Le Monde, 09/10/2011 47 48 47 reliquat de la fonFWLRQ UR\DOH HVW DXMRXUG·KXL EDWWXH HQ brèche par une remise en cause de la fonction hiératique du président. Bien que restant très ambivalents sur la question, les Français paraissent de plus en plus tentés par une présidence « dédramatisée », limitée à la fonction gouvernante, dont le modèle réalisé le plus proche serait le président américain. Le président EDWWX HQ PDL DYDLW WHQWp PDODGURLWHPHQW G·LQFDUQHU FH QRXYHDX VW\OH SHXW-être en partie pour répondre aux attentes des Français, et en partie poussé par la logique du quinquennat. Mais il reviendra à une conception plus classique de la présidence dans la deuxième phase de son mandat HW DGRSWHUD GXUDQW OD FDPSDJQH XQH SRVWXUH TXH O·RQ D TXDOLILpH LFL G· « hybride », empruntant certains traits au leadeU ZpEpULHQ HW G·DXWUHV j VRQ LPDJH LQYHUVpH WDQGLV TXH VRQ SULQFLSDO FRQFXUUHQWWHQWDLWSOXW{WGHFXPXOHUOHVDWWULEXWVGHO·XQHWO·DXWUHPRGqOHV Marquée par une profonde ambivalence du style des deux principaux candidats, la campagne présidentielle 2012 est donc le parfait reflet de la tension entre ces deux modèles de OHDGHUVKLSTXLV·HVWLQVLQXpHGDQVODYLHSROLWLTXHIUDQoDLVH ;; de même peut-être que le résultat de O·pOHFWLRQDYHFODYLFWRLUHGX© leader syncrétique », ce qui supposerait toutefois ici pour être vrai TXH OH VW\OH O·DLW HPSRUWp VXU OHV DXWUHV FRQVLGpUDWLRQV FRPPH OH SURJUDPPH O·LGpRORJLH RX OH rejet du président sortant, dans le choix des électeurs. Mais la campagne française illustre une crise du leadership qui va bien au-delà du seul contexte français, aussi particulier soit-il. Le PRGqOHGHO· « anti-leader wébérien » progresse en effet dans toutes les démocraties, la France se GLVWLQJXDQWVHXOHPHQWSDUXQHUpVLOLHQFHPDMHXUHGXOHDGHUZpEpULHQjO·RULJLQHG·XQHSOXVIRUWH ambivalence des aspirations. /·DUULYpH DX SRXYRLU GH OHDGHUV WHOV TXH =DSDWHUR HW 5DMR\ HQ Espagne, Merkel en Allemagne, Monti en Italie, ou même Cameron en Angleterre, après Gonzales, Aznar, Schroeder, Berlusconi ou Blair, a ainsi marqué la relève des leaders charismatiques, ou assimilés, par des leaders répondant beaucoup plus au profil de O· « homme normal » (ou de la « femme normale »), même si là encore il convient de ne pas surestimer O·LPSRUWDQFH GX VW\OH GDQV OD YLFWRLUH GH FHV SHUVRQQDOLWpV 6L O·DIIDLblissement du mythe du sauveur paraît une explication valide de la remise en cause de la « SUpVLGHQFH G·H[FHSWLRQ » en France52, on peut toutefois dénombrer plusieurs explications communes aux démocraties de cette évolution du style de leadership : une explLFDWLRQ FXOWXUHOOH G·DERUG UHQYR\DQW j OD PDWXULWp démocratique des citoyens et aux valeurs post-PDWpULDOLVWHV GH UHIXV GH O·DXWRULWp HW G·LGHQWLILFDWLRQHQWUHOHVJRXYHUQDQWVHWOHVJRXYHUQpV ;; et une conscience, ensuite, de la difficulté à perdurer du modèle de leadership wébérien dans le contexte post-moderne de la gouvernance. Ainsi cette demande de leaders compétents au profil bas, sérieux et honnêtes, marque-t-elle peutrWUH OH GpEXW G·XQH UpFRQFLOLDWLRQ GH OD GpPRFUDWLH DYHF O·H[SHUWLVH H[SHUWV pOXV HW O·DSSDULWLRQ G·XQ© post-populisme ªjO·KRUL]RQGHVGpPRFUDWLHV© matures », même si le populisme imprègne encore fortement la vie politique de ces pays, comme en témoigne la dernière campagne présidentielle française. Mais il y a peut-rWUHO·DPRUFHG·XQYLUDJH 52 Cf Jean Garrigues, op. cit. 48