L`île de - Magazine Racines

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L`île de - Magazine Racines
Par
L’île de
Christine Grandin
Noir moutier
Quatre communes pour une grande île qui multiplie
l'été sa population par dix. L'économie touristique y a le vent en poupe,
avec des enjeux stratégiques de taille dans les dix ans à venir.
C
omment réduire la voile du
paquebot touristique sans
laisser de passagers à terre ?
Quelles manœuvres à la barre pour
conserver des emplois et un toit aux
enfants du pays ? Quel cap tenir
pour préserver l'environnement
insulaire, son micro-climat, ses
marais salants, ses oiseaux migrateurs ?
Toutes ces questions et quelques
autres, les élus au gouvernail de la
Communauté de communes de l'île
de Noirmoutier viennent de se les
poser, dans une enquête sur les
actions à mener dans les dix ans à
venir(1). ”Il faut prendre le taureau
par les cornes aujourd'hui, avant
qu'il ne soit trop tard, car cela
demandera de gros efforts financiers”, affirme Yves Gaudebert,
adjoint au maire de Noirmoutieren-l'Île pour les affaires économiques, et vice -président de la
structure intercommunale.
Comme tous les territoires du littoral vendéen où l'attractivité touristique se mesure en foule de
vacanciers chaque saison et en villégiatures à demeure des retraités,
avec toutes les conséquences positives mais aussi négatives que l'on
connaît, l'île de Noirmoutier doit
amorcer aujourd’hui le virage qui
tracera la route de son avenir. Les
10 099 habitants du cru sur Barbâtre, La Guérinière, L'Épine et
Noirmoutier-en-l'Île s'enflent autant
que la grenouille de la fable pour
friser certains jours d'été, les
120 000 personnes.
Depuis trente ans, la commune
de Noirmoutier-en-l'Île demeure le
pôle urbain de l'île (60 % des résidences principales). Sol d'asile par
excellence des continentaux,
d'abord avec le bac et le passage
du Gois, puis au bout du pont, Barbâtre affiche 70 % de son habitat
en résidences secondaires, comme
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sa voisine La Guérinière. La petite
commune de L'Épine, reste aussi
ancrée par les îliens, puisque plus
de 50 % de ses habitants y vivent à
l'année. Si on les additionne, les
chiffres parlent : 63 % de l'habitat,
sur l'ensemble des communes, sont
des résidences secondaires.
Entre emplois
et précarité
Qui dit tourisme dit emplois, et
c'est, on s'en doute, la première économie de l'île. “Nous sommes aussi
confrontés à de l'emploi saisonnier,
avec des problèmes pour loger les
salariés venus de l'extérieur alors que
les prix des locations sont vertigineux.”
Et aussi un taux de chômage des îliens
un peu plus important que la moyenne vendéenne (10,2 % contre 7,4 %),
à cause de la saison creuse.
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(Photo J.M. Laurence/Communauté de communes de l’île de Noirmoutier)
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous
Alors que les prix des terrains
flambent, “ils varient de 250 € à
450 € le m2 pour l'achat d'un terrain, et pas face à la mer !”, s’exclame l’élu noirmoutrin. Comment
redonner de l'espoir aux jeunes du
pays qui veulent s'y installer, ou rester y vivre ? “Au bout de la quatrième génération, les terrains familiaux
ont déjà tous été partagés et les jeunes générations n'ont pas les moyens
de construire au prix du marché.”
Remède de cheval : la communauté noirmoutrine va être la première à mettre en place en Vendée
un Plan social de location acquisition (PSLA) prévu dans les directives de la loi Borloo. “On peut y
construire sa maison librement sur
des terrains achetés et viabilisés par
la municipalité avec la possibilité
d'acquérir son terrain au bout de
vingt ans.” Une crèche de quarante places, au cœur de Noirmoutieren-l'Île, permet aussi aux jeunes
familles des quatre communes de
rester travailler au pays dans de
bonnes conditions. Jouxtant la maison de retraite, elle initie des activités intergénérationnelles entre les
aînés et les bambins.
micro-entreprises :
“le Noirmoutrin préfère, par tradition,
être son propre
patron. Ici les plus
gros employeurs
sont France-Turbot
(120 salariés, aquaculture) et la fonction
territoriale (120 emplois, dont 50 pour
la Communauté de
communes). Notre
seule industrie c'est CNB (groupe
Benéteau) à L'Herbaudière, qui y
construit des vedettes pour la gendarmerie (50 salariés)”.
Les entreprises artisanales du
bâtiment ou de services, surfent sur
la vague de la construction ou de
l'entretien (paysager ou autre) de
l'immense parc des maisons secondaires ! La multiplication exponentielle des bateaux de plaisance (500
places à L'Herbaudière et 800 au
nouveau port de Morin à L'Épine)
dopent les petits sous-traitants du
nautisme (charpenterie et électricité marines, équipements, etc.)
Sauvegarder
l'authenticité
Le boum de l’artisanat
(Photo : archives Racines)
Le côté face de la médaille de
l'économie, c'est aussi le nombre et
la diversité des petites, voire des
Les 40 dernières exploitations agricoles
noirmoutrines produisent essentiellement de la
pomme de terre, en créant 300 emplois saisonniers
chaque année de mars à juin.
Le commerce local est aussi un
gros pourvoyeur d'emplois en saison, et les deux supermarchés viennent d'endosser la veste de l'hyper,
pour mieux répondre à la demande estivale. “Il faut faire attention,
bien sûr, à ne pas le faire au détriment de notre petit commerce. Mais
il ne faut pas oublier que nous sommes sur une île et que ce que les
gens ne trouvent pas ici, ils vont
l'acheter à Challans ou ailleurs.” Les
petits bourgs de l'île l'ont aussi compris : la municipalité de La Guérinière a réhabilité des locaux pour
le commerce de proximité et repeint
de jeune le cœur du village.
Et puis, l'île demeure une formidable vitrine de produits : “Quand
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(Photo : multi-accueil Les poissons Clowns)
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La crèche permet aux jeunes
familles de l'île de rester travailler
au pays, tout en cultivant l'intergénération
avec la maison de retraite voisine.
les gens entendent parler de Noirmoutier, tout de suite leur viennent
à l'esprit, la pomme de terre et le
sel, les deux emblèmes de notre
notoriété.” L'agriculture, représentée essentiellement par les quarante dernières exploitations qui
cultivent Bonnotte, Charlotte et autre
Sirtema au nord de l'île, recrute chaque année 300 saisonniers de mars
à juin. Quant au métier ancestral
de saunier, il remonte la pente, malgré des années météo fluctuantes :
la Communauté de communes
ouvre son bas de laine pour former
les jeunes. Et 2 000 œillets dans les
marais salants sont aujourd'hui
récoltés sur les 4 000 que compte
l'île.
N’oublions pas non plus les huîtres d'appellation Vendée-Atlantique dont les claires d'affinage sont
renommées, les 400 t de soles
annuelles, spécialité des pêcheurs
du port de L'Herbaudière avec le
bar de l i gne . “Nous voulons
conserver toutes nos identités, celles des hommes et des métiers, sauvegarder l'authenticité naturelle de
notre île qui charme tant ceux qui
viennent y séjourner. Sans oublier
de consolider les digues d'un territoire qui peut être envahi par les
eaux(2).”
(1) Programme d'actions du Schéma de
cohérence territoriale (Scot) de février
2006.
(2) Les deux tiers des terres de l'île sont sous
le niveau de la mer… Un vaste programme
de consolidation des digues vient de commencer par celle de Grisfer à Barbâtre.
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(Photo : multi-accueil Les poissons Clowns)
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s
r
n
e.
GRAND ANGLE…
L’enfant
Le canton de Noirmoutier comprend quatre communes sur la Communauté de communes
de l'Île de Noirmoutier avec 10 099 habitants résidents (aux dernières estimations) : le chef-lieu Noirmoutier-en-l'Île (5 001 Noirmoutrins)(1), Barbâtre
(1 442 Barbâtrins), L'Épine (1 688 Épinerins) et La
Guérinière (1 509 Guernerins).
Philippe Gautier, le saunier
Il raconte que c'est
sans doute son arrière grand-mère, rebaptisant familièrement ses
trois enfants, d'un Jeannot pour Petit Jean et d'un
Gino, bientôt transformé
en “Ginotte” qui aurait
donné son surnom à leur
famille de sauniers, dont
la saga continue encore
aujourd'hui. “Nous le sommes de père en fils depuis
plusieurs générations
directement ou indirectement: moi, mon frère avec
sa fille, ma sœur, et un
autre neveu…”
Dans ces petits bassins à fond argileux,
créés à la main par le saunier, se déposera le précieux or blanc, par
évaporation. “Le métier est
resté très manuel, avec les
gestes d'antan, à l'ételle
pour former les mulons
(tas de sel), même si on
se sert maintenant de
moto-pompes pour faire
circuler l'eau de mer
venue des étiers.” La saison commence par un
grand nettoyage de printemps des salines, avant
la saison du sel, qui
débute normalement en
juin. La récolte reste
cependant tributaire des
aléas de la météo…
À 45 ans, Philippe
Gautier, cultive 62 œillets du côté du marais de
Müllembourg, sur la commune de Noirmoutier-enl'Île. “J'ai été élevé dedans,
j'ai choisi de continuer le
métier par goût. Mon père
(1) les chiffres par commune datent du recensement de 1999.
À voir
- Le passage du Gois qui relie le continent
entre Beauvoir-sur-Mer et Barbâtre sur 4,150 km.
- Le bois de la Chaise, sa plage des Dames
et son estacade.
- L'alignement des quatre moulins de la
Court, à La Guérinière.
- Le nouveau port de
plaisance de Morin à
L'Épine et les ports de
pêche et de plaisance
à L'Herbaudière (commune de Noimoutieren-l'Île).
- 64 espèces d'oiseaux à Fort Larron dans
la réserve naturelle de Müllembourg et sur la zone naturelle du polder de Sébastopol bientôt classée réserve
naturelle régionale.
À visiter
- Le panorama des marais salants ou des
côtes littorales par les 80 km de pistes cyclables
ou les six boucles balisées de sentiers pédestres.
- Le château de Noirmoutier-en-l'île et son
musée.
- Le musée de la construction navale à
Noirmoutier-en-l'Île (ouvert de Pâques à septembre).
- Le musée des arts et traditions populaires à La Guérinière.
Festivités en 2007
- La fête de la Bonnotte, le 5 mai.
- Les foulées du Gois, le 9 juin.
- Festival de Théâtre du 6 au 19 août.
- Régates du Bois de la Chaise du 10 au 14 août.
Pour tous renseignements : office de tourisme
de Noirmoutier - 02 51 39 80 71
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du pays
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n'était pas trop décidé à
nous faire reprendre tout
ça. Certaines années, il ne
gagnait pas assez sa
vie…” Comme d'autres
sauniers de l'île, Philippe
a conservé une autre activité d'appoint: avant, il cultivait aussi des pommes de
terre. Depuis un an, il s'est
mis à la pêche à pied professionnelle.
Président, depuis le
début 2006, de l'association Les saveurs de l'île(1),
notre saunier est convaincu qu'il faut conserver ces
métiers traditionnels :
“C'est notre passé, mais
c'est notre avenir aussi. Si
on ne garde pas tout ça en
place, que deviendront nos
enfants plus tard ?”
Les deux petites filles de
Philippe seront-elles la
relève de la famille “Ginotte” : “Pour l'instant, elles
viennent ramasser la fleur
de sel, le soir, avec moi…”
(1) Association de professionnels pour promouvoir les produits de terroir des producteurs
locaux comme le sel, la
pomme de terre, le turbot ou le
poisson.
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