Art Lovers - MB-XL

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Art Lovers - MB-XL
GALERIES | BRUXELLES par Viviane Eeman
Art Lovers
MB-XL s’ouvre à Ixelles
© José-Noël Doumont
MB-XL, qui ouvrira ses portes le 29 mai, a l’ambition d’afficher des artistes contemporains ainsi
que des œuvres inédites ou oubliées de la seconde moitié du xx e siècle. Mais pas seulement. Elle
se veut aussi un laboratoire d’expériences et un lieu de rencontre. Regards croisés entre Patrice et
Paloma de Boismorel, un père et sa fille, directrice de la galerie.
L’Eventail – Quelle est la spécificité de
MB-XL ?
Paloma de Boismorel – L’idée est de se
détacher de la mode, de l’éphémère, de
s’intéresser à la fois à l’art contemporain,
mais aussi aux artistes qui ont peut être été
sous-évalués et n’ont pas connu le succès
auquel ils avaient droit. Fouiller dans les archives de l’art moderne pour faire émerger
des talents oubliés. Selon nous, le fait de
classer l’art par période et en catégorie est
dépassé. Un certain recul est nécessaire.
Patrice de Boismorel – Nous nous sommes
particulièrement intéressés au sculpteur
italien Fabio de Sanctis, une grande figure
historique de l’art surréaliste de la seconde
moitié du xxe siècle et ami d’André Breton,
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qui connut le succès à l’époque. Il est mort
en 2009. Ses œuvres remarquables sont
dans de nombreux musées – dont le celui
d’Ixelles et le MoMA – et nous allons assurer
sa promotion.
– Rester en dehors des tendances, seraitce également un atout ?
Patrice de B. – C’est certain. En parlant
d’art, on n’énonce plus que des records.
On le réduit à une loterie de surenchères. Je
pense que ce principe peut en détourner les
gens alors que celui-ci concerne chacun.
Paloma de B. – C’est un marché très manipulé qui mise sur un nombre restreint d’artistes et qui se livre une concurrence médiatique sans égal. Ce n’est pas notre concept.
Nous venons par exemple de rentrer d’un
voyage en Roumanie où nous avons pu
rencontrer de jeunes artistes talentueux de
la très productive école de Cluj-Napoca. Il
y a un beau travail à mener pour les faire
connaître en Belgique après leurs succès
à l’étranger. À côté de toutes les œuvres
à la mode, il y en a aussi pas mal qui sont
sous-évaluées et sur lesquelles il est intéressant d’investir. Aujourd’hui, on peut acquérir des œuvres de niveau muséal à des
prix peu élevés et constituer une collection
de très haut niveau à un prix abordable.
– Pourquoi avoir choisi d’ouvrir une galerie ?
Paloma de B. – À dix-huit ans, je pensais
suivre une école d’art, mais je me suis inscrite en histoire de l’art et j’ai prolongé avec
un master en sciences politiques et un master en littérature. Si je ne suis pas une créatrice, j’ai cependant continué à me passionner pour cette branche en travaillant comme
journaliste et j’ai rencontré de très nombreux
artistes. Aujourd’hui, ce qui m’intéresse vraiment, c’est de les promouvoir.
Patrice de B. – J’exerce en tant qu’avocat
d’affaires, mais j’ai toujours eu la passion de
l’art et c’est un monde que je connais bien,
ce qui peut être un apport pour soutenir le
projet de ma fille. Nous pensons que nous
avons notre rôle à jouer avec aussi cette différence de génération qui autorise une offre
variée.
– Vous avez élu Ixelles pour vous implanter.
Un choix stratégique ?
Paloma de B. – C’est le choix que font les
galeries d’art contemporain et nous bénéficions ici d’un très bel espace de 400 m2
à côté de l’université avec un magnifique
éclairage zénithal.
Fauteuil de lune (1989) et Cielo, mare, terra (1964), deux œuvres de Fabio de Sanctis. © photos : DR
Les œuvres de Tara van Neudorf (à gauche)
et Georges Carrey (à droite) feront l’objet des
prochaines expositions à la galerie MB-XL.
© photos : Alain Speltdoorn, MB-XL
– Comment concevez-vous ce métier de
galeriste ?
Paloma de B. – Le galeriste est une personne qui doit, d’une part établir une relation
de confiance avec les artistes et d’autre part,
avec les collectionneurs. Pour moi aussi, en
tant qu’ex-journaliste, il doit savoir communiquer sa passion et son enthousiasme,
transmettre les émotions qu’il ressent. Je
vois également cet espace dans un sens
large, très documenté et j’envisage d’y organiser des déjeuners culturels, des débats et
des conférences. Ce sera à la fois un laboratoire d’expériences et un lieu de rencontre.
Patrice de B. – Il est suffisamment grand
pour pouvoir stocker nos archives et surtout
juxtaposer plusieurs manifestations. Nous
présenterons de façon permanente Fabio de
Sanctis. À côté, nous proposerons un oneman show, un focus sur un artiste particulier
et enfin, une exposition collective autour d’un
thème, un courant de l’art ou correspondant
à une zone géographique. Nous disposons
d’un vaste stock de plusieurs centaines
d’œuvres confiées par des collectionneurs
avec un éventail artistique très large et de
qualité. Grâce à Jan De Maere, notre directeur artistique, professeur à la VUB, nous
bénéficions aussi d’une grande expérience
et d’un réseau qui nous permettra également
de développer une activité de courtage.
– À quel public vous adressez-vous particulièrement ?
Paloma de B. – Nous nous adressons aussi
bien à de jeunes collectionneurs trentenaires qui n’ont pas forcément les moyens
d’acquérir des œuvres à la mode, comme
à ceux qui sont extrêmement pointus et
savent ce qu’ils veulent. Dans notre prochaine programmation, nous aurons notamment le dessinateur belge Armand Simon
et le peintre franco-belge Georges Carrey,
ami de Nicolas de Staël, Dorel Topan, Dado,
Michel Moskovtchenko, Antoni Taulé.
– Quel conseil donneriez-vous à l’amateur
d’art ?
Paloma de B. – De beaucoup regarder et de
choisir ce qui lui plaît. Là, vous ne pouvez
pas vous tromper, indépendamment de la
cote de l’artiste et du marché de l’art, vous
réalisez toujours un bon investissement.
Patrice de B. – Pour moi, l’art est une question de sensibilité et d’émotion. Une phrase
résume bien ce que l’on pense : “Acheter
l’art avec ses yeux, jamais avec ses oreilles.”
MB-XL
537 CHAUSSÉE DE BOONDAEL, IXELLES
TÉL. 0498 59 37 84 – WWW.MB-XL.COM
[email protected]
PROCHAINES EXPOSITIONS :
•A
n antipolitical lesson of History, une
exposition solo de Tara von Neudorf.
• Georges Carrey et les artistes de la réalité
déstructurée.
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