Thèse médecine générale Laura FEDERICI 2013
Transcription
Thèse médecine générale Laura FEDERICI 2013
THESE PRESENTEE A L’UNIVERSITE PIERRE & MARIE CURIE (PARIS VI) FACULTE DE MEDECINE PIERRE & MARIE CURIE ANNEE 2013 N°PA0G072 Par Laura FEDERICI, née le 15 Mai 1985 à Ivry-Sur-Seine (94) POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR EN MEDECINE SPECIALITE : MEDECINE GENERALE « La prise en charge des patients migrants en médecine générale : soigner mieux en connaissant plus » Directrice de thèse : Madame le Docteur Gaëlle JUILLIEN Présentée et soutenue publiquement le 8 Octobre 2013, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière Devant la commission d’examen formée par : Président de jury : Monsieur le Professeur Pierre HAUSFATER Membres du jury : Monsieur le Professeur François-Xavier BLANC, Monsieur le Professeur Enrique CASALINO, Monsieur le Professeur Christos CHOUAID, Monsieur le Professeur Patrick RAY & Monsieur le Docteur David ABOUCAYA 1 PROFESSEURS DES UNIVERSITES-PRATICIENS HOSPITALIERS UFR MEDICALE PIERRE & MARIE CURIE – SITE PITIE-SALPETRIERE ACAR Christophe CHIRURGIE THORACIQUE ET CAPRON Frédérique ANATOMIE ET CARDIO-VASCULAIRE CYTOLOGIE PATHOLOGIQUE AGID Yves FEDERATION DE NEUROLOGIE CARPENTIER Alexandre NEUROCHIRURGIE (surnombre) CATALA Martin CYTOLOGIE ET HISTOLOGIE AGUT Henri BACTERIOLOGIE-VIROLOGIE- (département de génétique) HYGIENE CATONNE Yves CHIRURGIE ORTHOPEDIQUE ALLILAIRE Jean-François PSYCHIATRIE ET TRAUMATOLOGIQUE D’ADULTES CAUMES Eric MALADIES INFECTIEUSES - AMOURA Zahir MEDECINE INTERNE MALADIES TROPICALES ASTAGNEAU Pascal EPIDEMIOLOGIE/SANTE CESSELIN François BIOCHIMIE et BIOLOGIE PUBLIQUE MOLECULAIRE AURENGO André BIOPHYSIQUE et MEDECINE CHAMBAZ Jean BIOLOGIE CELLULAIRE NUCLEAIRE CHARTIER-KASTLER Emmanuel UROLOGIE AUTRAN Brigitte IMMUNOLOGIE CHASTRE Jean REANIMATION MEDICALE BARROU Benoît UROLOGIE CHERIN Patrick MEDECINE INTERNE BASDEVANT Arnaud NUTRITION CHIGOT Jean-Paul CHIRURGIE GENERALE BAULAC Michel ANATOMIE / NEUROLOGIE (surnombre) BAUMELOU Alain NEPHROLOGIE CHIRAS Jacques RADIOLOGIE et IMAGERIE BELMIN Joël MEDECINE INTERNE Ivry MEDICALE III BENHAMOU Albert CHIRURGIE VASCULAIRE CLEMENT-LAUSCH Karine NUTRITION BENVENISTE Olivier MEDECINE INTERNE CLUZEL Philippe RADIOLOGIE ET IMAGERIE BERTRAND Jacques-Charles STOMATOLOGIE ET MEDICALE II CHIRURGIE MAXILLO-FACIALE COHEN David PEDO-PSYCHIATRIE BITKER Marc Olivier UROLOGIE COHEN Laurent NEUROLOGIE BODAGHI Bahram OPHTALMOLOGIE COMBES Alain REANIMATION MEDICALE BOISVIEUX Jean-François BIOSTATISTIQUES et CORIAT Pierre ANESTHESIOLOGIE et INFORMATIQUE MEDICALE (surnombre) REANIMATION CHIRURGICALE BOURGEOIS Pierre RHUMATOLOGIE CORNU Philippe NEURO-CHIRURGIE BRICAIRE François MALADIES INFECTIEUSES - COURAUD François BIOCHIMIE et BIOLOGIE MALADIES TROPICALES MOLECULAIRE BRICE Alexis GENETIQUE DANIS Martin PARASITOLOGIE (surnombre) BRUCKERT Eric ENDOCRINOLOGIE ET DAUTZENBERG Bertrand PNEUMOLOGIE MALADIES METABOLIQUES DAVI Frédéric HEMATOLOGIE BIOLOGIQUE CABANIS Emmanuel RADIOLOGIE et IMAGERIE DEBRE Patrice IMMUNOLOGIE MEDICALE - (surnombre) DELATTRE Jean-Yves NEUROLOGIE (Fédération CACOUB Patrice MEDECINE INTERNE (Chef de Mazarin) service par intérim) DERAY Gilbert NEPHROLOGIE CALVEZ Vincent VIROLOGIE ET DERENNE Jean-Philippe PNEUMOLOGIE BACTERIOLOGIE (surnombre) 2 DOMMERGUES Marc GYNECOLOGIE - ISNARD Richard CARDIOLOGIE et MALADIES OBSTETRIQUE VASCULAIRES DORMONT Didier RADIOLOGIE ET IMAGERIE ISNARD-BAGNIS Corinne NEPHROLOGIE MEDICALE JARLIER Vincent BACTERIOLOGIE-HYGIENE DUBOIS Bruno NEUROLOGIE JOUVENT Roland PSYCHIATRIE D'ADULTES DURON Jean-Jacques CHIRURGIE DIGESTIVE KATLAMA née WATY Christine MALADIES (surnombre) INFECTIEUSES ET TROPICALES DUGUET Alexandre PNEUMOLOGIE KHAYAT David ONCOLOGIE MEDICALE DUYCKAERTS Charles ANATOMIE et KIEFFER Edouard CHIRURGIE VASCULAIRE CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES KLATZMANN David IMMUNOLOGIE EYMARD Bruno NEUROLOGIE KOMAJDA Michel CARDIOLOGIE et MALADIES FAUTREL Bruno RHUMATOLOGIE VASCULAIRES FERRE Pascal BIOCHIMIE et BIOLOGIE KOSKAS Fabien CHIRURGIE VASCULAIRE MOLECULAIRE LAMAS Georges OTO-RHINO-LARYNGOLOGIE FONTAINE Bertrand FEDERATION DE LANGERON Olivier ANESTHESIOLOGIE NEUROLOGIE LAZENNEC Jean-Yves ANATOMIE / FOSSATI Philippe PSYCHIATRIE D’ADULTES CHIRURGIE ORTHOPEDIQUE FOURET Pierre ANATOMIE et CYTOLOGIE LE FEUVRE Claude DEPARTEMENT DE PATHOLOGIQUES CARDIOLOGIE GANDJBAKHCH Iradj CHIRURGIE LEBLOND née MISSENARD Véronique THORACIQUE et CARDIO-VASCULAIRE HEMATOLOGIE CLINIQUE (surnombre) LEENHARDT Laurence ENDOCRINOLOGIE / GIRERD Xavier THERAPEUTIQUE / MEDECINE NUCLEAIRE ENDOCRINOLOGIE LEFRANC Jean-Pierre CHIRURGIE GENERALE GOROCHOV Guy IMMUNOLOGIE LEHERICY Stéphane RADIOLOGIE et IMAGERIE GRENIER Philippe RADIOLOGIE et IMAGERIE MEDICALE III MEDICALE II LEHOANG Phuc OPHTALMOLOGIE GRIMALDI André ENDOCRINOLOGIE ET LEMOINE François IMMUNOLOGIE MALADIES METABOLIQUES LEPRINCE Pascal CHIRURGIE THORACIQUE HAERTIG Alain MEDECINE LEGALE / LUBETZKI ép. ZALC Catherine FEDERATION DE UROLOGIE NEUROLOGIE HANNOUN Laurent CHIRURGIE GENERALE LYON-CAEN Olivier FEDERATION DE HAUW Jean-Jacques ANATOMIE et CYTOLOGIE NEUROLOGIE6 PATHOLOGIQUES (surnombre) MALLET Alain BIOSTATISTIQUES ET HELFT Gérard DEPARTEMENT DE INFORMATIQUE MEDICALE CARDIOLOGIE MARIANI Jean BIOLOGIE HERSON Serge THERAPEUTIQUE /MEDECINE CELLULAIRE/MEDECINE INTERNE INTERNE MAZERON Jean-Jacques RADIOTHERAPIE HEURTIER Agnès ENDOCRINOLOGIE ET MAZIER Dominique PARASITOLOGIE MALADIES METABOLIQUES MEININGER Vincent NEUROLOGIE (Fédération HOANG XUAN Khê NEUROLOGIE Mazarin) MENEGAUX Fabrice CHIRURGIE GENERALE 3 MERLE-BERAL Hélène HEMATOLOGIE ROBAIN Gilberte REEDUCATION BIOLOGIQUE FONCTIONNELLE -- Ivry METZGER Jean-Philippe CARDIOLOGIE et ROUBY Jean-Jacques ANESTHESIOLOGIE ET MALADIES VASCULAIRES REANIMATION CHIRURGICALE MONTALESCOT Gilles CARDIOLOGIE ET SAMSON Yves NEUROLOGIE/URGENCES MALADIES VASCULAIRES CEREBRO-VASCULAIRES OPPERT Jean-Michel NUTRITION SIMILOWSKI Thomas PNEUMOLOGIE PASCAL-MOUSSELLARD Hugues CHIRURGIE SPANO Jean-Philippe ONCOLOGIE MEDICALE ORTHOPEDIQUE ET TRAUMATOLOGIQUE THOMAS Daniel CARDIOLOGIE ET MALADIES PAVIE Alain CHIR. THORACIQUE et CARDIO- VASCULAIRES VASCULAIRE. TOUITOU Yvan NUTRITION / BIOCHIMIE PERRIGOT Michel REEDUCATION (surnombre) FONCTIONNELLE TOURAINE Philippe ENDOCRINOLOGIE ET PETITCLERC Thierry BIOPHYSIQUE / MALADIES METABOLIQUES NEPHROLOGIE VAILLANT Jean-Christophe CHIRURGIE PIERROT-DESEILLIGNY Charles NEUROLOGIE GENERALE PIETTE François MEDECINE INTERNE - Ivry VAN EFFENTERRE Rémy NEURO-CHIRURGIE PIETTE Jean-Charles MEDECINE INTERNE VERNANT Jean-Paul HEMATOLOGIE CLINIQUE POIROT Catherine CYTOLOGIE ET HISTOLOGIE VERNY Marc MEDECINE INTERNE (Marguerite POYNARD Thierry HEPATO-GASTRO- Bottard) ENTEROLOGIE VIDAILHET Marie-José NEUROLOGIE PUYBASSET Louis ANESTHESIOLOGIE VOIT Thomas PEDIATRIE NEUROLOGIQUE REANIMATION CHIRURGICALE WILLER Jean-Vincent PHYSIOLOGIE RATIU Vlad HEPATO - GASTRO - ZELTER Marc PHYSIOLOGIE / EXPLORATIONS ENTEROLOGIE FONCTIONNELLES RICHARD François UROLOGIE RIOU Bruno ANESTHESIOLOGIE/URGENCES MEDICO-CHIRURGICALE PROFESSEURS DES UNIVERSITES-PRATICIENS HOSPITALIERS UFR MEDICALE PIERRE & MARIE CURIE – SITE SAINT-ANTOINE AMARENCO Gérard Rééducation fonctionnelle et ARLET Guillaume Bactériologie Hôpital TENON neurologique Hôpital ROTHSCHILD ARRIVE Lionel Radiologie Hôpital AMSELEM Serge Génétique Hôpital TROUSSEAU SAINT‐ANTOINE ANDRE Thierry Cancérologie Hôpital La Salpêtrière AUCOUTURIER Pierre INSERM U 712 Hôpital ANTOINE Jean Marie Gynécologie Obstétrique / Saint‐Antoine Médecine de la Reproduction Hôpital TENON AUDRY Georges Chirurgie viscérale infantile Hôpital ARACTINGI Sélim Unité de Dermatologie Hôpital TROUSSEAU TENON 4 BALLADUR Pierre Chirurgie générale et digestive CAPEAU Jacqueline Inserm U.680 Faculté de Hôpital SAINT‐ANTOINE Médecine P. & M. Curie BARDET Jean (surnombre) Cardiologie Hôpital CARBAJAL SANCHEZ Ricardo Urgences SAINT‐ANTOINE pédiatriques Hôpital TROUSSEAU BAUD Laurent Explorations fonctionnelles CARBONNE Bruno Gynécologie obstétrique Hôpital multidisciplinaires Hôpital TENON SAINT-ANTOINE BAUDON Jean Jacques (surnombre) Néonatologie CARETTE Marie France Radiologie Hôpital TENON Hôpital TROUSSEAU CASADEVALL Nicole Hématologie biologique BEAUGERIE Laurent Gastroentérologie et Nutrition Hôpital SAINT-ANTOINE Hôpital SAINT‐ANTOINE CAYRE Yvon Hématologie immunologie Hôpital BEAUSSIER Marc Anesthésie – Réanimation Hôpital DEBRE SAINT‐ANTOINE CHAZOUILLERES Olivier Hépatologie BENIFLA Jean Louis Gynécologie Obstétrique gastroentérologie Hôpital SAINT-ANTOINE Hôpital ROTHSCHILD CHOSIDOW Olivier Dermatologie – Allergologie BENSMAN Albert Néphrologie, Dialyses et Hôpital TENON transplantations pédiatriques Hôpital TROUSSEAU CHOUAID Christos Pneumologie Hôpital SAINT- BERENBAUM Francis Rhumatologie Hôpital ANTOINE SAINT‐ANTOINE CHRISTIN-MAITRE Sophie Endocrinologie Hôpital BEREZIAT Gilbert (surnombre) UMR 7079 SAINT-ANTOINE Physiologie et physiopathologie Campus Jussieu CLEMENT Annick Pneumologie Hôpital BERNAUDIN Jean François Histologie biologie TROUSSEAU tumorale Hôpital TENON CLERGUE François Détaché au Ministère des BILLETTE DE VILLEMEUR Thierry Affaires Etrangères : Hôpital Cantonal / Neuropédiatrie Hôpital TROUSSEAU Anesthésiologie 24, rue Micheli-du-Crest Genève 14 - BOCCON GIBOD Liliane (surnombre) Anatomie Suisse pathologique Hôpital TROUSSEAU COHEN Aron Cardiologie Hôpital SAINT- BONNET Francis Anesthésie réanimation Hôpital ANTOINE TENON CONSTANT Isabelle Anesthésiologie réanimation BORDERIE Vincent Ophtalmologie CNHO des Hôpital TROUSSEAU 15/20 COSNES Jacques Gastro-entérologie et nutrition BOUCHARD Philippe Endocrinologie Hôpital Hôpital SAINT-ANTOINE SAINT-ANTOINE COULOMB Aurore Anatomie et cytologie BOUDGHENE STAMBOULI Franck Radiologie pathologiques Hôpital TROUSSEAU8 Hôpital TENON DAMSIN Jean Paul Orthopédie Hôpital BREART Gérard Gynécologie obstétrique Hôpital TROUSSEAU TENON DARAI Emile Gynécologie obstétrique Hôpital CABANE Jean Médecine interne Hôpital SAINT- TENON ANTOINE DE GRAMONT Aimery Oncologie médicale Hôpital CADRANEL Jacques Pneumologie Hôpital TENON SAINT-ANTOINE CALLARD Patrice Anatomie pathologique Hôpital DENOYELLE Françoise ORL et chirurgie cervico- TENON faciale Hôpital TROUSSEAU 5 DEVAUX Jean Yves Biophysique et médecine GRIMFELD Alain (surnombre) Pédiatrie orientation nucléaire Hôpital SAINT-ANTOINE pneumologie et allergologie Hôpital TROUSSEAU DOUAY Luc Hématologie biologique Hôpital GRIMPREL Emmanuel Pédiatrie générale Hôpital TROUSSEAU TROUSSEAU DOURSOUNIAN Levon Chirurgie orthopédique GRUNENWALD Dominique Chirurgie thoracique Hôpital SAINT-ANTOINE Hôpital TENON DUCOU LE POINTE Hubert Radiologie Hôpital GUIDET Bertrand Réanimation médicale Hôpital TROUSSEAU SAINT-ANTOINE DURON Françoise Endocrinologie Hôpital SAINT- HAAB François Urologie Hôpital TENON ANTOINE HELARDOT Pierre Georges Chirurgie viscérale DUSSAULE Jean Claude Physiologie Hôpital infantile Hôpital TROUSSEAU SAINT-ANTOINE HOURY Sidney Chirurgie digestive et viscérale FAUROUX Brigitte Gastro-entérologie et nutrition Hôpital TENON pédiatriques Hôpital TROUSSEAU HOUSSET Chantal Biologie cellulaire – Inserm U. FERON Jean Marc Chirurgie orthopédique et 680 Faculté de Médecine P. & M. Curie traumatologique Hôpital SAINT-ANTOINE JAILLON Patrice Pharmacologie clinique Faculté de FLEJOU Jean François Anatomie pathologique Médecine P. & M. Curie Hôpital SAINT-ANTOINE JOUANNIC Jean-Marie Gynécologie obstétrique FLORENT Christian Hépato gastro-entérologie Hôpital TROUSSEAU Hôpital SAINT‐ ANTOINE JUST Jocelyne Pneumologie et allergologie FRANCES Camille Dermatologie – Allergologie pédiatriques Hôpital TROUSSEAU Hôpital TENON LACAINE François Chirurgie digestive et viscérale FUNCK BRENTANO Christian Pharmacologie Hôpital TENON clinique Hôpital SAINT-ANTOINE LACAU SAINT GUILY Jean ORL Hôpital TENON GARABEDIAN Eréa Noël ORL et chirurgie cervico- LACAVE Roger Histologie biologie tumorale Hôpital faciale Hôpital TROUSSEAU TENON GARBARG CHENON Antoine Bactériologie LANDMAN-PARKER Judith Hématologie et virologie Hôpital TROUSSEAU oncologie pédiatriques Hôpital TROUSSEAU GATTEGNO Bernard (surnombre) Urologie Hôpital LAROCHE Laurent Ophtalmologie CHNO des SAINT-ANTOINE Quinze-Vingts GENDRE Jean Pierre (surnombre) Gastro-entérologie LE BOUC Yves Explorations fonctionnelles Hôpital et nutrition Hôpital SAINT-ANTOINE TROUSSEAU GIRARD Pierre Marie Maladies infectieuses et LEBEAU Bernard Pneumologie Hôpital SAINT- tropicales Hôpital SAINT-ANTOINE ANTOINE GIRARDET Jean Philippe Gastro-entérologie et LEGRAND Ollivier Hématologie oncologie médicale nutrition pédiatriques Hôpital TROUSSEAU Hôpital HOTEL DIEU GIROT Robert Hématologie biologique Hôpital LEVERGER Guy Hématologie et oncologie TENON pédiatriques Hôpital TROUSSEAU GOLD Francis Néonatologie Hôpital TROUSSEAU LEVY Richard Neurologie Hôpital SAINT- GORIN Norbert Hématologie clinique Hôpital ANTOINE SAINT-ANTOINE LIENHART André Anesthésie – Réanimation Hôpital GRATEAU Gilles Médecine interne Hôpital TENON SAINT-ANTOINE 6 LOTZ Jean Pierre Cancérologie Hôpital TENON PETIT Jean Claude Bactériologie virologie Hôpital LOUVET Christophe Oncologie médicale Hôpital SAINT-ANTOINE SAINT-ANTOINE PIALOUX Gilles Maladies infectieuses et tropicales MARIE Jean Pierre Hématologie Hôpital HOTEL- Hôpital TENON DIEU POUPON Raoul Hépatologie et gastro-entérologie MARSAULT Claude Radiologie Hôpital TENON Hôpital SAINT-ANTOINE MASLIAH Joëlle Inserm U.538 Faculté de Médecine RENOLLEAU Sylvain Réanimation néonatale P. & M. Curie9 Hôpital TROUSSEAU MAURY Eric Réanimation médicale Hôpital SAINT- RODRIGUEZ Diana Neuro-pédiatrie Hôpital ANTOINE TROUSSEAU MAYAUD Marie Yves Pneumologie Hôpital RONCO Pierre Marie Néphrologie et dialyses Hôpital TENON TENON MENU Yves Radiologie Hôpital SAINT-ANTOINE RONDEAU Eric Urgences néphrologiques – MEYER Bernard ORL et chirurgie cervico-faciale Transplantation rénale Hôpital TENON Hôpital TENON ROSMORDUC Olivier Hépato gastro-entérologie MEYOHAS Marie Caroline Maladies infectieuses et Hôpital SAINT‐ ANTOINE tropicales Hôpital SAINT-ANTOINE ROUGER Philippe I.N.T.S. 6, rue Alexandre Cabanel MICHEL Pierre Louis Cardiologie Hôpital TENON 75739 Paris cedex 15 MILLIEZ Jacques Gynécologie obstétrique Hôpital ROUZIER Roman Gynécologie obstétrique Hôpital SAINT-ANTOINE TENON MIMOUN Maurice Chirurgie plastique Hôpital ROZENBAUM Willy Maladies infectieuses et ROTHSCHILD tropicales Hôpital SAINT-LOUIS MITANCHEZ Delphine Néonatologie Hôpital SAHEL José Alain Ophtalmologie CHNO des 15/20 TROUSSEAU SAUTET Alain Chirurgie orthopédique Hôpital MONTRAVERS Françoise Biophysique et médecine SAINT-ANTOINE nucléaire Hôpital TENON SEZEUR Alain Chirurgie générale Hôpital des MURAT Isabelle Anesthésie réanimation Hôpital DIACONESSES TROUSSEAU SIFFROI Jean Pierre Génétique et embryologie NICOLAS Jean Claude Virologie Hôpital TENON médicales Hôpital TROUSSEAU OFFENSTADT Georges Réanimation médicale SOUBRIER Florent Département de génétique Hôpital SAINT-ANTOINE Groupe Hospitalier PITIE SALPETRIERE PAQUES Michel Ophtalmologie CHNO des 15/20 TALBOT Jean Noël Biophysique médecine nucléaire PARC Yann Chirurgie générale et digestive Hôpital Hôpital TENON SAINT-ANTOINE THIBAULT Philippe (surnombre) Urologie Hôpital PATERON Dominique Service dʹAccueil des TENON Urgences Hôpital SAINT-ANTOINE THOMAS Guy Psychiatrie d’adultes Hôpital SAINT- PAYE François Chirurgie générale et digestive ANTOINE Hôpital SAINT-ANTOINE THOUMIE Philippe Rééducation neuro-orthopédique PERETTI Charles-Siegfried Psychiatrie d’adultes Hôpital ROTHSCHILD Hôpital SAINT-ANTOINE TIRET Emmanuel Chirurgie générale et digestive PERIE Sophie ORL Hôpital TENON Hôpital SAINT-ANTOINE 7 TOUBOUL Emmanuel Radiothérapie Hôpital VALLERON Alain Jacques Unité de santé publique TENON Hôpital SAINT-ANTOINE TOUNIAN Patrick Gastro-entérologie et nutrition VAYSSAIRAT Michel Cardiologie Hôpital TENON pédiatriques Hôpital TROUSSEAU VAZQUEZ Marie Paule Chirurgie maxillo-faciale et TRAXER Olivier Urologie Hôpital TENON stomatologie Hôpital TROUSSEAU TRUGNAN Germain Inserm U538 Faculté de WENDUM Dominique Anatomie pathologique Médecine P. & M. Curie Hôpital SAINT-ANTOINE TUBIANA Jean Michel (surnombre) Radiologie WISLEZ Marie Pneumologie Hôpital TENON Hôpital SAINT-ANTOINE UZAN Serge Gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction Hôpital TENON 8 1- SOMMAIRE 1- SOMMAIRE 9 2- REMERCIEMENTS 13 3- ABREVIATIONS 15 4- RESUME 16 5- INTRODUCTION 17 6- LES INEGALITES SOCIALES DE SANTE 20 A- DEFINITIONS 1) LA PRECARITE 2) LA PAUVRETE B- LES DETERMINANTS SOCIAUX DE LA SANTE C- LA COUVERTURE MALADIE 1) LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE Présentation La couverture maladie universelle complémentaire Description de la population bénéficiant de la CMU 2) L'AIDE POUR UNE COMPLEMENTAIRE SANTE 3) L’AIDE MEDICALE D’ETAT Présentation Description de la population bénéficiant de l’AME 4) PATIENTS SANS COUVERTURE MALADIE D- LES STRUCTURES D’ACCUEIL DES SOINS 1) LES CONSULTATIONS DE PERMANENCES D’ACCES AUX SOINS DE SANTE Présentation Evaluation de leur activité Exemple de la consultation « Verlaine » à l’hôpital Saint-Louis 2) LES CENTRES MEDICO-SOCIAUX 3) LES CENTRES DE PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE 4) LES ASSOCIATIONS CARITATIVES, LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES Le Comité Médical pour les Exilés Médecins du monde Médecins sans frontières La Croix rouge E- A L’ECHELLE DU MEDECIN GENERALISTE 9 21 21 22 22 23 24 24 25 25 28 28 28 29 31 32 32 32 33 35 36 37 37 37 38 40 40 41 7- LES MIGRANTS 44 A- CADRE THEORIQUE : DEFINITION DU TERME « MIGRANT » B- QUI SONT LES « MIGRANTS » EN ILE DE FRANCE ? C- LES SPECIFICITES DES PATIENTS MIGRANTS 1) UN ETAT DE SANTE ALTERE ET DEGRADE L’enquête « Trajectoire et origine » 2) DES PATIENTS VULNERABLES Vulnérabilité juridique et administrative Vulnérabilité psychologique Vulnérabilité socio-professionnelle Cas particulier des femmes et des enfants D- A L’ECHELLE DU MEDECIN GENERALISTE A) DIFFICULTES D’ORDRE RELATIONNEL Communication verbale et non verbale La représentation de la santé 2) DIFFICULTES D’ORDRE ORGANISATIONNEL Le cadre de la consultation L’aspect financier : retard des paiements, absence de ressources L’isolement du médecin généraliste 8- L’ETUDE 44 45 48 49 49 52 53 53 54 54 56 57 58 58 59 59 60 60 60 A- INTRODUCTION ET OBJECTIFS B- MATERIEL ET METHODE 1) L’ELABORATION DU QUESTIONNAIRE 2) LA POPULATION ETUDIEE 3) LE LIEU DE L’ETUDE L’hôpital Bichat L’environnement du circuit court 4) LE RECUEIL DES DONNEES Questionnaires non remplis 5) LE TRAITEMENT DES DONNEES C- RESULTATS 1) DESCRIPTION DE LA POPULATION La population totale Age et sexe Répartition géographique La population migrante Age et Sexe Histoire migratoire Domaine socio-professionnel 10 60 61 61 62 62 62 63 65 66 68 68 68 68 68 69 70 70 70 73 Caractéristiques sanitaires Etat de santé ressenti Satisfaction des patients Les femmes migrantes Migrants en situation irrégulière Tableau récapitulatif 2) LE SUIVI PAR LE MEDECIN GENERALISTE La population migrante ayant recours aux soins de médecine générale Age et sexe Histoire migratoire Domaine socio-professionnel Caractéristiques sanitaires Etat de santé ressenti La déclaration d’un médecin généraliste traitant à la sécurité sociale L’itinéraire thérapeutique des patients migrants Un recours direct au SAU Les inconvénients du généraliste, les avantages des urgences D- ANALYSE ET DISCUSSION 1) ANALYSE COMPARATIVE Comparaison avec la population non migrante de l’étude Age et sexe Caractéristiques socio-professionnelles Caractéristiques sanitaires Facteurs liés au suivi par un médecin généraliste chez les patients migrants Age et sexe Caractéristiques socio-professionnelles Caractéristiques sanitaires Histoire migratoire Etat de santé ressenti Tableau récapitulatif Comparaison avec les études précédentes 2) POINTS FORTS ET LIMITES DE L’ETUDE Le questionnaire La population étudiée Le temps et le lieu 3) DISCUSSION La population migrante a moins recours au médecin généraliste Comment faciliter son accès aux soins de médecine générale ? Eduquer les patients et diffuser l’information Minimiser l’impact des difficultés financières et administratives Organiser la consultation Maintenir une densité médicale suffisante 11 74 76 77 78 80 81 82 82 82 83 83 84 85 85 86 87 88 91 91 91 91 92 94 97 98 98 98 99 101 102 102 105 105 106 106 107 107 108 108 108 109 110 Une formation en médecine transculturelle justifiée E- PERSPECTIVES DE L’ETUDE F- CONCLUSION DE L’ETUDE 9- LA DIMENSION SOCIO-CULTURELLE 110 110 111 112 A- LA CULTURE ET SON IMPLICATION DANS LE DOMAINE DE LA SANTE 1) LA CULTURE Définition Fonctions 2) L’ANTHROPOLOGIE APPLIQUEE AUX SCIENCES MEDICALES 3) LE METISSAGE CULTUREL DES MIGRANTS B- L’APPROCHE TRANSCULTURELLE 1) DEFINITIONS La clinique transculturelle Le contre transfert Le décentrage 2) SES LIMITES C- A L’ECHELLE DU MEDECIN GENERALISTE 112 112 112 113 113 115 116 116 116 117 117 118 118 9- CONCLUSION 120 10- BIBLIOGRAPHIE 122 11- ANNEXES 128 A- QUESTIONNAIRE B- SERMENT D’HIPPOCRATE 128 130 12 2- REMERCIEMENTS Je remercie sincèrement : Le Professeur HAUSFATER, pour m’avoir fait l’honneur d’accepter la présidence de mon jury, pour ton enseignement et ton attention, Le Docteur JUILLIEN, pour m’avoir dirigée si attentivement dans mon travail et m’avoir guidée dans mes premiers pas d’urgentiste, être ton interne puis ta thésarde ont été une grande fierté, Le Professeur BLANC, dont l’engagement et le dévouement forcent mon admiration la plus sincère, Le Professeur CASALINO & le Docteur CHOQUET, pour m’avoir encadrée dans l’élaboration de mon travail et m’avoir permis de réaliser mon étude au sein de leur service, Le Professeur CHOUAID, pour avoir honoré sa promesse « d’être là pour moi aussi après » faite au coin d’un couloir du service de pneumologie, Le Professeur RAY, pour ce que tu m’as appris, pour ta disponibilité et ta sympathie, Le Docteur ABOUCAYA, pour avoir accepté de faire partie de mon jury, Mme Annabel OLIVER, pour avoir enrichi mon travail par tes compétences, & Le Docteur Alain EPELBOIN, qui me fascine par son éloquence et me passionne par son travail. Merci de m’avoir ouvert votre porte. Je dédie par ailleurs ce travail à ceux sans qui je serais « bien peu de chose » : Mon père, pour l’amour qu’il me porte et l’exemple qu’il me donne, Ma mère, pour son soutien inconditionnel et pour m’avoir guidée vers « ce qu’il se passait ailleurs », Mon frère et ma sœur, pour cette histoire de vie qui nous appartient, Julien, pour tout ce que je lui ai déjà dit et pour qui la pudeur me limite à ces quelques mots, Mes grands-parents, pour ce qu’ils m’ont transmis, Mon petit neveu chéri, Mes amis : Fanny, Charlotte & Elisa, pour l’évidence de nos moments et la force de notre amitié. Léonore, pour m’avoir montrée que l’envie de gagner doit vaincre la peur de perdre. 13 Mes études qui se terminent m’ont offert de précieuses rencontres, qui ont largement dépassé les portes de l’hôpital : Mes amis de la fac, Céphise, Romain, Priscille, Coumba & les autres. Mes co-internes, actuels de réanimation et bien sûr mes compagnons de route : Mathilde, ma force fragile, ma PIM Léa, Anne-Laure, Guillaume, Neetish, Clémence & Marine pour ce qu’on a partagé ensemble et qui nous lie à jamais, pour avoir été là dans les moments de doutes et de … décompression ! Merci à Laure, Mariane et Claire pour leur aide « statistiquement significative » ! Enfin Mes « chefs », pour ce qu’ils m’ont enseignée, médicalement et humainement, dont je m’inspire chaque jour : Virginie, Céline, Valérie & l’équipe des urgences pédiatriques de Bicêtre. Et bien entendu le Dr Cécile THORETTE, « ma chef », pour son soutien, son écoute et ses précieux conseils. Je n’oublie rien de notre rencontre ni de ton enseignement. 14 3- ABREVIATIONS ACS : aide pour une complémentaire santé ALD : affection longue durée AME : aide médicale d’état ASE : aide sociale à l’enfance CASO : centres d’accueil, de soins et d’orientation CMU : couverture médicale universelle CMUc : couverture médicale universelle avec complémentaire santé CNAMTS : caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés CNLE : Comité Nationale de Lutte contre les Exclusions COMEDE : comité médical pour les exilés CPAM : caisse primaire d’assurance maladie CRR : commission des recours des réfugiés DHOS : direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins DOM : département d’outre-mer DRESS : direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques HAS : haute autorité de santé INED : institut national d’études démographiques INPES : institut national de prévention et d’éducation pour la santé INSEE : institut national de la statistique et des études économiques MdM : médecins du monde MG : médecin généraliste NSP : « ne sait pas » OFPRA : office français de protection des réfugiés et apatrides OMS : organisation mondiale de la santé PASS : permanence d’accès aux soins PMI : protection maternelle et infantile PNUD : programme de nations unies pour le développement PRAPS : programmes régionaux d’accès à la prévention des soins SAU : service médical d’urgence SS : sécurité sociale UNESCO : united nations educational, scientific and cultural organization 15 4- RESUME Un paradoxe est né : les formidables progrès de la médecine créent des inégalités. La lutte contre les inégalités revêt un aspect politique mais ceci ne libère pas le secteur sanitaire de la poursuite d’objectifs d’équité ni chaque médecin qui est et doit se sentir concerné. Parmi les personnes touchées, la population migrante voit son état de santé affecté et des études convergent vers l’idée d’un moindre recours au généraliste. L’OMS signale une pénurie d’information sur leur santé ce qui rend difficile une analyse approfondie des problèmes. J’ai donc choisi de réaliser une étude descriptive de la population migrante consultant à l’hôpital Bichat et de réaliser un recueil d’information. Je les ai interrogés sur leur parcours et leurs difficultés afin de proposer des plans d’action adaptés. Il en ressort que la population migrante de mon étude est vulnérable et présente un moindre recours au médecin généraliste : elle a une couverture maladie plus faible, un niveau d’étude et une catégorie socioprofessionnelles moins élevés. Seuls 60% déclarent avoir un généraliste. Les raisons de cette carence sont l’absence de médecin référent, une méconnaissance du système et des problèmes liés à la prise de rendez-vous. Il convient donc de renforcer les capacités d’action pour élargir l’accès aux soins de médecine générale. Ceci doit s’organiser à partir d’une réflexion précise en adéquation avec la réalité des besoins. L’organisation de formations est indispensable : elle permet de sensibiliser les professionnels et développer leurs compétences. L’acquisition de notions de clinique transculturelle par exemple s’avère bénéfique car elle permet à chaque patient d’intégrer notre système. Mots-clés : Immigrés - Santé Médecin généraliste Inégalité sociale Communication interculturelle Titre en anglais : “The coverage of the migrant patients in general medicine: look better by knowing more” 16 « C'est dans le rapport à autrui que l'on prend conscience de soi ; c'est bien ce qui rend le rapport à autrui insupportable. » Michel Houellebecq 5- INTRODUCTION En France, nous ne sommes pas tous égaux devant la mort, ni devant la maladie, ni devant la guérison. Un paradoxe est né dans notre société : les formidables progrès de la médecine et le développement de la prévention créent des inégalités. Triste mais réel constat étayé par de nombreuses enquêtes de terrain, dans notre pays qui possède la réputation d’avoir « un des meilleurs systèmes de santé au monde » (1). A l’heure où la prospérité économique de la France évolue sur un fil d’équilibriste et où les expressions « restrictions budgétaires » et « réduction de la dette » envahissent nos journaux, tout pousse à croire que ces inégalités en matière de santé toucheront un champ plus large de catégories sociales dans les années à venir. Qu’en est-il alors de la promotion de la santé accessible à tous ? De l’utopique espoir que nous naissions et mourions libres et égaux? Les premières conclusions des travaux de la commission des déterminants sociaux (2) avancent que les principaux facteurs qui façonnent les inégalités de santé ont des origines extrêmement variées et se trouvent bien souvent à l’extérieur du domaine d’action qui lui est traditionnellement dévolu. La lutte contre ces inégalités revêt entre autre un aspect politique : en effet, elle ne pourra fonctionner que dans un contexte où les conditions de vie des individus seront assez solides pour rendre possibles leurs préoccupations en matière de santé. C’est donc l’ensemble de l’appareil administratif qui doit être interpellé par cette question mais ceci ne libère pas pour autant le secteur sanitaire de la poursuite d’objectifs d’équité ni chaque médecin qui, individuellement, est et doit se sentir concerné : sa mise en œuvre requiert bien entendu des moyens mais avant tout et surtout une volonté. Dans son rapport de 2008 (3), l’OMS reconnait que certaines populations ont été « laissées sur le côté de la route ». Parmi elles, la population migrante, sur qui j’ai choisi de me pencher dans une première partie, fait le lit de nombreux facteurs de vulnérabilité et voit son état de santé très affecté. Cependant, l’OMS signale qu’il existe peu d’informations sur elle et ceci ne permet pas d’analyser de manière approfondie les principaux problèmes rencontrés. La synthèse des enquêtes sur les inégalités montre pourtant bien que la détection des causes et des facteurs aggravants est indispensable au déclenchement de plans d’action visant à les réduire. 17 J’ai donc choisi de réaliser une étude descriptive de la population migrante consultant au circuit court de l’hôpital Bichat : j’ai recueilli des informations sur ses caractéristiques socio-culturelles, professionnelles et sanitaires. Mon objectif était de pouvoir aborder les problèmes de manière compréhensive et proposer des mesures adaptées. Ma démarche répond à l’un des items caractérisant le rôle du médecin généraliste énoncé par la Société Européenne de Médecine générale qui préconise l’utilisation d’ « un mode de consultation spécifique » et la construction « dans la durée d’une relation médecin-patient basée sur une communication appropriée » (4). S’inscrivant dans le concept des soins primaires et étroitement associé aux notions de justice sociale, ce suivi en médecine générale a d’ailleurs été récemment défini comme un des principaux objectifs en matière de lutte contre les inégalités. En Aout 2004, la loi de réforme de l’assurance maladie (5) instaure le concept de médecin traitant dans le cadre du parcours de soins coordonnés qui « a vocation à être le plus souvent un médecin généraliste ». Outre son objectif premier qui était de rationaliser les soins et réduire les dépenses, il a semblé exister une volonté de réaffirmer son rôle « pivot » en rejoignant la proposition de l’Organisation mondiale des médecins de famille (WONCA) selon laquelle la médecine générale « doit être fermement reconnue comme constituant le cœur du système, autour duquel évoluent toutes les disciplines médicales et paramédicales formant une équipe coopérant au service de l’individu, de la famille et de la société » (4). De larges justifications avaient été annoncées: une meilleure qualité de la prise en charge, une meilleure équité de traitement et surtout la promotion de la prévention. Mais quelle population a vraiment été concernée par cette réforme ? Est-ce que les personnes les plus touchées par les difficultés d’accès aux soins et leur manque de coordination ont pu bénéficier d’un médecin traitant ? Ou bien est ce que des facteurs socio-économiques défavorables demeurent encore une fois un frein à une prise en charge optimale ? D’après le rapport de l’Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé (IRDES) ce dispositif a rapidement pris place dans la vie des assurés puisque début 2006, 70% des patients avaient déclaré leur médecin traitant et que ce nombre s’élevait à 85% en 2008. Parmi eux, 98% avaient opté pour un médecin généraliste (6). Il montre également que le facteur le plus déterminant est la présence d’un médecin de famille. Ces résultats positifs recouvrent néanmoins une situation très hétérogène avec de fortes disparités notamment dans la population migrante pour laquelle plusieurs études françaises (7) convergent vers l’idée d’un moindre recours aux soins de médecine générale. Il m’a donc paru intéressant de m’interroger sur les facteurs susceptibles d’avoir un lien avec cette tendance préjudiciable pour leur suivi. Plusieurs travaux s’étant déjà appliqué à décrire les difficultés ressenties par les praticiens, j’ai préféré me placer du 18 côté des patients : je les ai ainsi invités à citer les obstacles rencontrés lors leur parcours afin de pouvoir nourrir ma réflexion de données issues de leurs expériences de vie. Enfin, dans une société qui nous offre un panel de cultures diverses et variées, il est parfois difficile d’appréhender toutes leurs facettes. Différentes représentations de la vie, du vivant, de la maladie, de la mort déplacent nos repères et peuvent conduire à des ruptures et des situations d’impasse. J’ai été plusieurs fois confrontée, au cours de mon expérience, à des difficultés lors de la prise en charge de patients ayant une culture différente de la mienne. C’est pour ces raisons que j’ai choisi d’aborder, dans une dernière partie, l’application des principes de la médecine transculturelle au champ de la médecine générale, bien peu enseignés sur les bancs de la faculté. Cette discipline utilise l’anthropologie pour décoder les sens culturels des dires de patients n’appartenant pas à la même culture que le thérapeute. Nos pratiques médicales ont besoin de cette investigation pour développer une approche compréhensive. Aucun problème du savoir humain, du réel, ne peut se passer du rapport à son histoire et du contexte social de sa production, car dans la maladie, ce n’est pas seulement un organe ou une fonction qui sont touchés mais un homme en rupture avec sa relation familière au monde. Elle touche un acteur inséré dans une trame de sens et de valeurs, un tissu relationnel. Celui-ci est malade dans sa chair mais aussi dans son histoire et dans son existence. Je souhaite donc confirmer ma première impression, qui est qu’au-delà de ses connaissances médicales scientifiques, le médecin se doit d’avoir des connaissances anthropologiques et sociologiques sur la population qu’il fréquente afin d’entretenir une relation médecin malade de qualité. Le médecin généraliste occupe lui une position favorable pour « rencontrer l’homme derrière sa plainte et agir en profondeur en ne méconnaissant pas la singularité de son patient » (8). Il s’agit donc de montrer que des formations sur la médecine transculturelle et une réflexion sur les inégalités sociales de santé seraient bénéfiques à l’amélioration des soins de médecine générale car fondamentales pour faciliter le transfert de connaissances et ainsi contribuer au développement des capacités pour agir. Peut-être alors pourrons-nous un jour nous permettre de remplacer la célèbre phrase « soigner mieux en dépensant moins » par un slogan aux accents plus fraternels et tourné vers l’altérité : « soigner mieux en connaissant plus ». 19 6- LES INEGALITES SOCIALES DE SANTE «Réduire les inégalités de santé est un impératif éthique. L’injustice sociale tue à grande échelle», OMS Les inégalités sociales de santé font référence à la relation étroite entre la santé et l’appartenance à un groupe. Par position sociale, on entend la situation d’un individu sur l’échelle sociale, considérée le plus souvent en termes d’âge, de profession, d’éducation ou de niveau de revenu. Indépendamment des caractéristiques propres de chaque individu, elle renvoie à un niveau de ressources matérielles, comportementales, psychosociales, ainsi qu’à l’exposition à certains facteurs de risques qui produisent un niveau de santé. Elles décrivent les écarts de santé qui existent entre ces différents groupes de population et touchent un vaste éventail d’indicateurs allant des facteurs de risque aux résultats de soins. Si l’espérance de vie a considérablement augmenté dans les pays industrialisés au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, on observe encore de très fortes inégalités face à la mort, à la maladie, au handicap et à l’accès aux soins, en fonction de l’origine sociale des individus. Malgré les progrès de la médecine, elles n’ont pas régressé au cours des dernières décennies. En France par exemple, l’espérance de vie continue de croître mais les iniquités sociales restent aujourd’hui parmi les plus élevées d’Europe. La santé ressort évidemment d’inégalités naturelles fondées sur une irréductible disparité biologique entre les êtres humains. Cependant, nos sociétés présentent une organisation qui les favorise: celles-ci s’expriment par des différences mesurables par des indicateurs et suivent un gradient social qui persiste après avoir pris en compte l’exposition individuelle aux facteurs de risque comportementaux et professionnels. Le rapport du Haut Conseil de Santé Publique paru en décembre 2009 (9) évoque le rôle des multiples déterminants participant à la genèse des inégalités sociales de santé. Dans un premier temps, seules les associations humanitaires ont dénoncé ses exclusions sanitaires et œuvré pour ces personnes défavorisées. Ce n’est que dans les années 1990 que s’est opérée une prise de conscience nationale avec la volonté de les combattre, car plaider en faveur des patients particulièrement vulnérables en tant que médecin revêt un aspect éthique ayant pour but qu’une « médecine de qualité soit prodiguée sans exception ». 20 Le 29 juillet 1998, une loi est promulguée (10) : elle définit les éléments pouvant être facteur d’exclusion pour l’individu et va être à l’origine de mesures visant à diminuer les inégalités sociales de santé. Parmi elles : la mise en place de deux prestations de solidarité pour permettre d’élargir l’accès aux soins en France : la couverture maladie universelle (CMU) et l’aide médicale d’état (AME). En effet, une enquête réalisée dans les suites de la loi du 29 Juillet 1998, révélaient que 150 000 personnes ne possédaient aucune couverture maladie. L’institution des programmes régionaux d’accès à la prévention des soins (PRAPS) qui comprennent une analyse des besoins, la définition de priorité, d’objectifs et la mise en route de plans d’action visant à améliorer l’accès aux soins des personnes précaires. Le contexte socio-économique actuel laisse présager une augmentation du nombre de personnes en situation de précarité et les enquêtes d’évaluation des pratiques confirment que le chemin est encore long : en novembre 2009, le Comité Nationale de Lutte contre les Exclusions (CNLE) rappelle que la part de la population déclarant avoir renoncé à des soins pour raisons financières au cours des 12 derniers mois était de 14,3% (contre 11,2% en 2002) (11). L’absence de couverture par une complémentaire maladie est le principal facteur lié au renoncement. Quant aux PRAPS, le manque de moyen est évident et freine ses initiatives. A- Définitions 1) La précarité La précarité fait appel aux notions d’instabilité et de fragilité des situations de vie. Dans le rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » (12) rendu en 1987 par le père Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement des Droits de l'Homme, la précarité est définit comme « l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer des responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible». 21 2) La pauvreté L’état de pauvreté concerne les personnes dont les ressources matérielles, culturelles et sociales sont si faibles qu’elles sont excluent des modes de vie minimaux acceptables dans l’Etat dans lequel elles vivent. La pauvreté dépasse la notion du revenu monétaire seul. Le programme de nations unies pour le développement (PNUD) a mis en place un indicateur de pauvreté humaine en 1997. Il mesure le taux de pauvreté au sein d’une société et inclus des enjeux complémentaires aux critères financiers, comme l’accès à la santé, à l’éducation ou à l’emploi. En France, un individu est considéré comme pauvre s’il vit en dessous du seuil de pauvreté, que l’'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) définit à 50% du niveau de vie médian de la population (1610 euros par mois en 2011). B- Les déterminants sociaux de la santé Les déterminants sociaux de la santé sont les circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent ainsi que les systèmes mis en place pour faire face à la maladie. Ces circonstances, qui reflètent des choix politiques, dépendent de la répartition du pouvoir, de l'argent et des ressources à tous les niveaux. Ce sont l’une des principales causes des inégalités en santé, c'est à dire des écarts injustes et importants que l'on enregistre au sein d'un même pays ou entre les différents pays du monde. Afin de répondre aux inquiétudes grandissantes concernant leur persistance et leur aggravation, l’OMS a établi en 2005 la commission des déterminants sociaux de la santé pour les réduire. Présidée par l’épidémiologiste britannique Michael Marmot, l’objectif est d’étudier les données disponibles pour en en tirer des recommandations relatives aux interventions et aux politiques efficaces afin d’améliorer la santé des populations. Ces déterminants sociaux, décrits comme « causes des causes » des inégalités sociales de santé, sont énumérés dans le tableau ci-dessous : 22 Les déterminants sociaux de la santé selon l’OMS Par ailleurs, pour documenter les disparités sociales en intégrant dans son anamnèse les différentes dimensions des déterminants sociaux de la santé, L’OMS crée également le score EPICES, calculé à partir de questions simples du patient. Score EPICES C- La couverture maladie 23 1) La couverture maladie universelle Présentation Crée par la loi du 27 juillet 1999, le dispositif de la CMU prend effet le 1er Janvier 2000 et a pour objet l’harmonisation de l’assurance maladie. Elle concerne « toute personne requérant des soins et ayant des ressources inférieures à 634 euros pour une personne isolée ». La CMU de base permet donc à toute personne résidant en France de manière stable et régulière, qui ne peut s’ouvrir des droits à l’Assurance Maladie à un autre titre, de bénéficier des prestations en nature du régime général. Elle est gérée uniquement par les caisses primaires d’assurance maladie. La seule CMU de base (sans assurance complémentaire) engendre les mêmes obligations que l’Assurance Maladie. Le bénéficiaire est redevable du ticket modérateur et du forfait journalier, c'est-à-dire de la part non prise en charge par l'Assurance Maladie. En outre, il est tenu de faire l’avance des frais, est soumis au paiement de la participation forfaitaire de 1 € ainsi qu’aux franchises médicales portant sur les médicaments, les transports sanitaires et les actes réalisés par un auxiliaire médical. En fonction de ses revenus, l’intéressé peut être redevable d’une cotisation. Le revenu pris en compte est le revenu fiscal de référence de l’année civile précédente. Au-delà de 9 164 € de ressources annuelles (plafond fixé pour la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012), la cotisation due s’élève à 8 %. Elle est assise sur la part des revenus excédant le plafond de 9 164 €. 24 La couverture maladie universelle complémentaire La CMU-C offre une protection complémentaire santé gratuite aux demandeurs dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond fixé annuellement par décret et dont le montant varie en fonction de la composition du foyer. Au 1er juillet 2011, en métropole, le plafond annuel pour une personne seule est de 7 771 €. Ce plafond est majoré de 11,3 % dans les départements d’Outre-mer. La CMU-C est accordée pour un an, elle prend en charge le ticket modérateur pour les soins de ville et hospitaliers ainsi que le forfait journalier. Au-delà des tarifs de l'Assurance Maladie, des forfaits de dépassements pour les lunettes, les prothèses dentaires, les dispositifs médicaux, les audioprothèses sont également pris en charge. Le bénéficiaire de la CMU-C est exonéré de la participation forfaitaire de 1 € et des franchises médicales. En l’absence de dispositions réglementaires, les majorations pour non-respect du parcours de soins sont à la charge des organismes gestionnaires. Ces prestations sont prises en charge à hauteur de 100 % du tarif de sécurité sociale et sans avance des frais, sachant que les professionnels de santé doivent respecter les tarifs opposables, les dépassements d’honoraires étant prohibés. La CMU-C est gérée soit par l’organisme d’assurance maladie qui est en charge de la protection obligatoire, soit par un organisme complémentaire agréé inscrit sur la liste nationale des organismes participant à la CMU-C. Description de la population bénéficiant de la CMU Tous les 2 ans, un rapport d’évaluation d’application de la loi est rédigé par le Gouvernement (13). Au 31 décembre 2011, le nombre de bénéficiaire de la CMU-C est estimé à 3 851 634 individus en métropole et 562 713 personnes dans les départements d’outre-mer. Les effectifs totaux ont progressé de 2% par rapport au 31 décembre 2010.Cependant, la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) et l’INSEE ont montré que près de 16% des bénéficiaires potentiels n’auraient pas fait valoir leurs droits à la CMU-C en 2011. 25 Répartition des bénéficiaires de la CMU-C par âge et sexe, Métropole et Dom, estimation au 31 déc 2011 Les bénéficiaires de la CMU-C se déclarent en plus mauvais état de santé que le reste de la population.Il faut noter la prévalence des maladies cardiovasculaires et des facteurs de risque comme le tabagisme, retrouvés plus fréquemment dans cette population.L’enquête sur la santé et la protection sociale 2010 (14) permet aussi de constater leur moindre recours aux soins ophtalmologiques et dentaires. Courbe d’évolution de l’écart de non recours au médecin et au dentiste entre bénéficiaires et non bénéficiaires de la CMU-C, 2000-2010, données non redressées et données redressées Les dépenses par les bénéficiaires de la CMU-C sont plus importantes par rapport à la population couverte par le régime général : le graphique ci-dessous montre que cet écart tend à s’accentuer . Evolution de l’écart de la dépense de ville de 2006 à 2011 sur les 9 premiers mois de chaque année 26 Plusieurs explications peuvent être avancées : comme nous l’avons vu précedemment, les bénéficiaires de la CMU-C sont en moins bon état de santé que les assurés du régime général. Or, la plus forte consommation de soins porte principalement sur les classes de médicaments destinés aux maladies graves. Cette évolution peut aussi être vue comme un signe positif dans le sens ou elle traduit une augmentation du recours et donc de l’accès aux soins de cette population. Toutefois, les différentes études tendent à démontrer que les bénéficiaires de la CMU-C auraient tendance à sous consommer des soins par manque d’information . Les assurés de la CMU-C sont soumis, comme les autres assurés sociaux, au respect du parcours de soins instauré par la loi relative à l’Assurance Maladie du 13 Aout 2004. Les écarts de déclaration entre ces deux groupes affichent une évolution favorable puis ils ne cessent de se resserrer : en 2011, 89% des CMU-C avaient déclarés un médecin traitant contre 89,4% des non assurés CMU-C. Proportion de personnes ayant déclaré un médecin traitant L’évolution de l’écart du score EPICES entre les deux populations parait plutôt encourageant : Evolution de l’écart entre le score EPICES des bénéficiaires de la CMU-C et celui de non bénéficiaires, 2000-2010 27 2) L'Aide pour une Complémentaire Santé L'Aide pour une Complémentaire Santé (ACS) a été créé par la loi du 13 août 2004 pour atténuer l’effet de seuil de la CMU-C (15). Elle consiste en une aide financière au paiement d’un contrat d’assurance maladie complémentaire de santé. Jusqu’au 31 décembre 2010, cette aide s’adressait aux personnes dont les revenus se situaient entre le plafond de la CMU-C et ce même plafond majoré de 20 %. Depuis le 1er janvier 2011, le plafond de revenus permettant d’accéder à l’ACS a été revalorisé à 26 % au-dessus du plafond d’attribution de la CMU-C.763 079 personnes ont bénéficié d’une attestation de droits au mois de décembre 2011, soit une progression en glissement annuel de 20,8%. 3) L’aide médicale d’état Présentation L’aide sociale relevant de l’Etat couvre quant à elle les étrangers en situation irrégulière présents depuis au moins trois mois sur le territoire français et les personnes soignées sur le territoire national pour des raisons humanitaires. Elle prend en charge sans avance de frais l’ensemble des soins et prescriptions sur la base d’un 100% de sécurité sociale. A long terme, elle a pour objectif de rendre plus aisé l’accès à la médecine de ville pour les étrangers en situation irrégulière. En 2011, un droit d’entrée de trente euros avait été discuté pour les postulants à l’AME : ceci a finalement été abandonné. 28 Description de la population bénéficiant de l’AME En 2006, près de 200 000 personnes bénéficient de l’AME (16). Les dépenses par un bénéficiaire de l’AME est quasiment superposable à celles des assurés sociaux : entre 1800 et 2300 euros pour les premiers contre un peu moins de 1800 euros pour les seconds. L’écart peut être expliqué par un recours plus prononcé aux soins hospitaliers par les bénéficiaires de l’AME, en raison d’un accès limité aux soins de médecine libérale et également par une durée d’hospitalisation plus longue, un nombre d’accouchement plus important. L’évolution de son nombre de bénéficiaire suit une courbe ascendante depuis 2000 (17). La hausse récente peut aussi bien s’expliquer par un recours accru aux soins dû à une meilleure information de la population éligible, par l’aggravation de l’état de santé général de la population en situation irrégulière (d’où un recours aux soins par un nombre plus élevé d’étrangers irréguliers) ou encore par une augmentation du nombre de personnes en situation irrégulière sur le territoire. Evolution du nombre de bénéficiaire de l’AME entre 2000 et 2006 Si le nombre de bénéficiaires et leur consommation médicale sont connus, on ne sait en revanche pas grand-chose de leurs caractéristiques sociodémographiques ou de leur condition d’existence. C’est pour cela que la DREES a réalisé en 2007 une enquête auprès des bénéficiaires de l’AME en contact avec le système de soins en Ile de France, région qui concentre ¾ des bénéficiaires. Celle-ci n’est pas représentative des patients dans leur ensemble mais des bénéficiaires de l’AME dans les structures de soin étudiées. Les résultats sont présentés ci-dessous : 29 Caractéristiques sociodémographiques des bénéficiaires de l’AME en contac avec une structure de soins ou un médecin libéral La population de cette étude est majoritairement féminine (mais biais de recrutement important car les femmes consultent majoritairement pour leur suivi de grossesse) et se compose de jeunes adultes âgés de 20 à 39 ans, de la même manière que l’ensemble des bénéficiaires de l’AME. Un bénéficiaire sur deux est originaire d’Afrique hors Maghreb et un sur cinq du Maghreb. Six personnes sur dix résident en France depuis moins de cinq ans. Le niveau scolaire approché à partir de l’âge de fin d’étude est relativement élevé et correspond à un niveau de secondaire pour une personne sur deux. 17% n’ont jamais été scolarisé. La majorité des hommes et des femmes travaillent ou ont travaillé en France. Les conditions de migration sont différentes pour les hommes et les femmes : les femmes rejoignent le plus souvent leur conjoint et vivent rarement 30 seules, contrairement aux hommes qui cohabitent le plus souvent ou vivent en foyer ou en centre d’accueil. 55% d’entre eux déclarent se sentir très ou plutôt seuls. En consultation, un patient sur cinq se déclare en mauvaise santé et un patient sur quatre avoir renoncé aux soins pour des raisons financières ces douze derniers mois. Les médecins estiment que 15% des recours concernaient des motifs urgents avec un retard dans l’accès aux soins signalé dans 5% des cas. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) possède quant à elle des informations datant de 2005 sur l’accès à la médecine de ville pour les patients bénéficiaires de l’AME : 64% des généralistes voient au moins un patient couvert par l’AME dans l’année. 5,5% des médecins parisiens ont réalisé plus de 100 actes pour un patient couvert par l’AME en une année. L’accès à la médecine ambulatoire reste problématique pour cette population. Le test de discrimination effectué récemment par Médecins du monde indique un taux de refus global de 37%, soit près de quatre fois supérieur au refus de soins pour les patients bénéficiaires de la CMU. Ce taux atteint 59% pour les généralistes de secteur 2. Les enquêtes par entretien expliquent ces refus par des modalités administratives très lourdes et des retards de paiement par la CPAM. Au sein de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, les patients bénéficiaires de l’AME représentent moins de 3% de l’ensemble des patients hospitalisés. Il reste un nombre de personnes éligibles à l’AME qui ne font pas valoir leurs droits, très difficile à chiffrer et donc pour lequel peu de données existent. Ceci constitue un obstacle à l’évaluation et l’analyse des mesures. 4) Patients sans couverture maladie La loi du 11 mai 1998 (18) relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pour l’étranger « résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement dans le pays dont il est originaire ». Cette disposition permet ainsi à certaines personnes éligibles à l’AME de voir leur situation régularisée du fait de leur état de santé. Cependant, une loi promulguée en juin 2011 a vidé de 31 son contenu le droit au séjour pour raison médicale en conditionnant son obtention à l’absence du traitement dans son pays d’origine et non plus à son accès effectif. En 2003, a été mis en place un dispositif qui concerne les soins délivrés en urgence, uniquement à l’hôpital, à des personnes qui ne remplissent pas les conditions d’obtention de l’AME (notamment celle de résidence ininterrompue de trois mois) : il couvre les soins « dont l’absence mettait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou de l’enfant à naître » (19). Pour ces personnes dépourvues de couverture sociales ou qui n’ont aucun droit, les urgences hospitalières ou certaines structures (Protection maternelle et infantile, Médecins du monde, Médecins sans frontière, COMEDE) leur assurent une prise en charge médico-sociale. Il convient aussi de préciser que plusieurs médecins libéraux reçoivent des patients sans couverture sociale et donc soignent gratuitement des patients en situation précaire. L’ampleur de cette pratique n’a pas été évaluée. Dans cette situation, les actions d’information et l’accompagnement des personnes dans les démarches de reconnaissance de leurs droits sont déterminantes : c’est souvent l’ignorance du droit de la protection maladie qui alimente le recours aux dispositifs de « soins gratuits ». Or en l’absence d’une protection maladie intégrale, ces dispositifs ne peuvent assurer une continuité audelà des premiers soins. D- Les structures d’accueil des soins 1) Les consultations de permanences d’accès aux soins de santé Présentation La loi de lutte contre les exclusions, du 29 juillet 1998, définit le caractère « prioritaire de la politique d’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies » (9). La traduction opérationnelle de cette loi a été la mise en place d’un programme régional d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS). C’est dans ce cadre qu’ont vu le jour les consultations de permanences d’accès aux soins de santé (PASS). Elles répondent à l’application de l’article L6112-6 du code de 32 santé publique qui dispose que « les établissements publics de santé [...] mettent en place les Permanences d’accès aux soins de Santé, qui comprennent notamment des permanences d’orthogénie adaptées aux personnes en situation de précarité, visant à faciliter leur accès au système de santé et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits. Ils concluent avec l’État des conventions prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques ainsi que des traitements qui sont délivrés gratuitement à ces personnes » (20). Ces cellules de prise en charge médicale et sociale sont destinées au public en situation de précarité. Elles permettent de faciliter l’accès aux soins, assurent un travail d’information, d’orientation, d’aide dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits. Le fil moteur de cette organisation est de garantir un accès de soins à tous quel que soit le niveau social et la complexité des problèmes. Les objectifs sont nombreux : Proposer une orientation adaptée aux patients dans le parcours de soins. Proposer des solutions aux situations complexes grâce à une approche globale des patients et à une gestion au cas par cas. Limiter les dépenses de santé en privilégiant une prise en charge ambulatoire des patients. Proposer une alternative pertinente à l’accès souvent injustifié aux urgences. Missions de prévention et de dépistage. Remettre les patients dans un circuit de soins de droit commun. La circulaire met en garde contre la création d’un dispositif discriminatoire : « Les PASS pourront être situées à proximité ou dans les services d’urgence pour lesquelles elles serviront de relais. Il ne s’agit, en aucun cas, de créer au sein de l’hôpital des filières spécifiques pour les plus démunis. Au contraire, ceux-ci doivent avoir accès aux soins dans les mêmes conditions que l’ensemble de la population, notamment dans le cadre de consultations de médecine générale à horaires élargis ». Il existe au moins une PASS par département et on en compte environ 400 en France. Evaluation de leur activité Le premier rapport d’évaluation de l’activité des PASS date de 2003 (21).Le bilan est positif. En 2010, Médecins du monde publie son rapport (22), qui est la synthèse d’une étude faite dans 23 villes différentes. Ils réaffirment la nécessité de garantir l’existence et la pérennité des PASS. De nombreux points sont à améliorer et les structures sont souvent ralenties par le manque de moyens. Pourtant en 2009, la circulaire de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation 33 des soins (DHOS) rappelait qu’un des principaux axes était de « renforcer les principes d’organisation efficiente d’une PASS pour rendre effectif l’accès aux soins des publics en situation de précarité ». (23) En 2008, une étude descriptive a été menée dans 5 centres de PASS parisiens (24) : 581 patients ont été inclus. On retrouve une moyenne d’âge de 46 ans avec une majorité d’hommes (65%). 80% des patients sont nés hors de France, avec une majorité de patients originaires d’Afrique subsaharienne. Sur les 27% de patients adressés par une autre structure, seulement 7% sont adressés par un médecin de ville. 62% déclarent ne pas avoir déclaré leur médecin traitant à la sécurité sociale. La principale raison de recours à la PASS est financière. Motif de venue à la consultation de PASS Consultation sans rendez-vous avec PASS à l’APHP (2008) : caractéristiques démographiques des patients 34 Consultation sans rendez-vous avec PASS à l’APHP (2008) : parcours de soin des patients Exemple de la consultation « Verlaine » à l’hôpital Saint-Louis Le Dr Georges-Tarragano présente en 2010 les objectifs et perspectives de la consultation de PASS installée à l’hôpital Saint-Louis, dans le nord de Paris (25). L’équipe est composée de deux praticiens hospitaliers à temps partiels, de huit praticiens attachés qui réalisent des vacations, d’une à deux infirmières, de deux assistances sociales. Le schéma suivant illustre le mode de fonctionnement de la consultation : La plupart des patients sont en grande précarité sociale, sans aucune couverture maladie : 35 Compte-rendu d’activité de la PASS de Saint-Louis, 2009 :Pourcentage de patients sans couverture maladie couverture sociale des patients de la consultation selon les sites Des réunions d’éthique sont organisées et permettent une évaluation des pratiques professionnelles en prenant en compte les éléments extra-médicaux. Parmi les nombreux avantages de cette consultation, il y a celui de proposer une alternative à des recours aux urgences souvent non justifiés. Par ailleurs, elle offre le terrain de nombreuses enquêtes médico-sociales. Malheureusement, l’enthousiasme de cette initiative est souvent freiné par l’insuffisance des moyens et entraine une fermeture fréquente de cette consultation. 2) Les centres médico-sociaux L'établissement médico-social local est un équipement de proximité du conseil général. Il est constitué d'une équipe pluridisciplinaire de professionnels chargée : d'informer, accompagner et protéger les personnes et les familles (enfants, adultes, personnes âgées et handicapées). de mettre en œuvre des actions de prévention et d'insertion adaptées à chacun dans le cadre de la lutte contre les exclusions. de mener des actions de santé en direction des familles, des enfants, des femmes enceintes. Les équipes travaillent en étroite collaboration avec les acteurs locaux (associations, acteurs publics, institutions). Elles participent à des démarches de réflexion et de diagnostics afin d'apporter les meilleures réponses aux besoins des publics rencontrés. 36 3) Les centres de protection maternelle et infantile Souvent située dans les centres médico-sociaux, les missions de la PMI sont définies par la loi de 1989 et concernent la « protection et la promotion de la santé de l’enfant et de la famille » (art.L.2111-1 du Code de la santé publique). C’est un service public et gratuit pour l’usager. Elle favorise un travail en étroite collaboration entre puéricultrices, psychomotriciennes, médecins, sages-femmes et assistants sociaux. Répartis sur l’ensemble du territoire, les centres organisent une ou plusieurs des activités suivantes : consultations médicales de suivi de grossesse, consultations post-natales et visites à domicile des sages-femmes pour les femmes enceintes particulièrement vulnérables. consultations de suivi médical préventif des enfants de moins de 6 ans (examen médical, vaccinations, bilans de santé en école maternelle…). bilans de santé pour les enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et coordination de leur prise en charge médicale. conseil conjugal, consultations et animations autour de la sexualité, de la contraception, de la prévention des infections sexuellement transmissibles dont le Virus de l’immunodéficience humaine (VIH), et de la prévention des violences. rencontres et échanges entre les futurs parents, les enfants et les professionnels. entretiens psychologiques et bilans psychomoteurs. 4) Les associations caritatives, les organisations non gouvernementales Le Comité Médical pour les Exilés Le Comité médical pour les exilés (COMEDE) a été créé en 1979 par la Cimade, Amnesty international et le groupe accueil solidarité pour promouvoir la santé des exilés en France. En 30 ans, le COMEDE a accueilli 100 000 patients de 150 nationalités différentes, réfugiés, demandeurs d’asile, mineurs isolés et autres migrants étrangers en situation précaire de séjour et a assuré des services spécialisés en matière de prévention, de bilan de santé, d’accès aux soins, d’expertise médico-juridique et de formation professionnelle. 37 Extraits des statuts du COMEDE Article 2 - Buts L’Association a pour but : d’assurer une prise en charge médicale, sociale et psychologique des exilés dans les cas où elle est inexistante ou inadéquate et d’agir en faveur de celle-ci ; de participer à la réflexion et à la mise en œuvre d’actions permettant d’améliorer l’insertion des exilés dans le pays d’accueil ou de les aider à envisager leur retour librement consenti au pays d’origine ; de porter témoignage sur leur situation dans les limites du secret professionnel ; de gérer toute structure ou établissement dont l’activité est en rapport avec les buts de l’association. Article 3 - Définition Le COMEDE est un organisme humanitaire. Son action est dirigée vers les exilés, sans distinction de nationalité, de race, de religion ou d’opinion. Article 4 - La Charte La présente charte définit l’éthique de l’Association vis à vis des personnes envers lesquelles elle agit, ainsi que les modalités d’action envisagées. Tous les membres de l’association à quelque titre que ce soit sont liés par cette charte et devront s’y conformer tant au niveau de leur action que de leur prise de parole au nom de l’Association. Dans le cadre des activités de soins prises en charge par le COMEDE, il devra être apporté une attention particulière, une écoute spécifique vis à vis des problèmes rencontrés par les patients qu’il s’agisse de ceux dus à la répression, aux traitements inhumains, cruels ou dégradants dans leur pays d’origine ou des difficultés inhérentes à l’exil. Considérant que la problématique des consultants forme un tout, les membres du COMEDE s’engagent à ne pas en stigmatiser un aspect particulier. Le COMEDE travaillera en étroite collaboration avec les organismes d’accueil des réfugiés, de défense des droits de l’homme à l’échelon national et international et participera à l’échange d’informations médicales, psychologiques, sociales et légales dans les limites déontologiques professionnelles. Le COMEDE fera bénéficier de son expérience les professionnels de la santé et du secteur social par le biais de rencontres et publications. Le COMEDE informera l’opinion publique dans l’intention de promouvoir la reconnaissance aussi large que possible de la problématique de l’exil. Le COMEDE se situe à l’hôpital Kremlin Bicêtre. Son site internet (www.comede.org) est une source d’information exhaustive sur la prise en charge des patients en situation précaire. Médecins du monde 38 Depuis 30 ans Médecins du Monde (MdM) est une organisation non gouvernementale dont le champ d’action est national et international qui s'engage à : Soigner les populations les plus vulnérables. Témoigner des entraves constatées quant à l’accès aux soins. Obtenir des améliorations durables des politiques de santé et des pratiques médicales afin d’obtenir un égal accès aux soins pour tous. En France, le premier centre de santé pour les plus démunis ouvre à Paris en 1986. En 2000, MdM créé l’observatoire de l’accès aux soins. Depuis, chaque année MdM publie un rapport présentant l’état des lieux en matière de santé des plus précaires en France. En 2011, 21 centres d’accueil, de soins et d’orientation (Caso) fonctionnent et reçoivent près de 30 000 patients chaque année : plus de 98% vivent sous le seuil de pauvreté et 38% auraient dû être soignés plus tôt. MdM est donc en première ligne pour constater la dégradation des conditions de santé et d’accès aux soins des patients précaires. A l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère en octobre 2011, MdM publie son baromètre annuel de l’accès aux soins en France : ils parlent de « krach sanitaire ».L’année 2010 a été marquée par une dégradation de la qualité de vie des gens : seuls 23% ont un logement stable. Les consultations ont augmenté de 10% entre 2008 et 2010 (64). Près des 75% des personnes s’adressant aux Caso souhaitent rencontrer un médecin et une personne sur quatre a besoin d’une aide d’ordre juridique ou sociale. La population est jeune (60% ont moins de 40 ans) et dans sa grande majorité d’origine étrangère (93%) avec une majorité de roumains et d’algériens. MdM relève trois principaux obstacles pour les populations précaires : La complexité et la méconnaissance des droits et des structures délivrant des soins suivies de difficultés administratives. 39 Le critère de résidence de 3 mois en France avec des difficultés pour fournir des attestations. La barrière de la langue qui met en lumière l’importance de l’accompagnement. Par ailleurs, le contexte répressif et législatif auquel on a assisté lors de ces dernières années a indéniablement éloigné les personnes de structures de santé : plus de la moitié des patients déclarent limiter leurs déplacements par peur de représailles. Ainsi, MdM conclue que « la complexité de l’ensemble du système et la succession des réformes en 2011 freinent l’accès aux soins de premiers recours des populations précaires, les conduisant souvent à un véritable parcours du combattant, au mépris des droits humains et des impératifs de santé publique ». Médecins sans frontières Médecins Sans Frontières (MSF) est une association médicale humanitaire internationale, créée en 1971 à Paris par des médecins et des journalistes. MSF intervient dans des situations d’exception (conflits, épidémies, catastrophes naturelles) et de grande précarité, afin de porter assistance à ceux dont la vie ou la santé est menacée. La Croix rouge La Croix-Rouge est un mouvement humanitaire international présent dans 186 pays. Elle ouvre son premier dispensaire en 1989 et compte aujourd’hui plus de 600 établissements. Institution privée du secteur médico-social et sanitaire, la Croix Rouge française se définit «autonome et auxiliaire » des pouvoirs publics et répond à cinq missions fondamentales : Urgence et secourisme. Action sociale. Formation. 40 Santé. Action internationale. E- A l’échelle du médecin généraliste Les médecins généralistes bénéficient d’un large accès aux différentes catégories sociales de la population et s’inscrivent en témoins privilégiés des inégalités sociales de santé. Ils peuvent et devraient être des acteurs importants en vue de les réduire. Les inégalités font appel à un jugement de valeur sociétal mais aussi probablement personnel : en effet, la notion d’équité nous renvoie à des aspects normatifs qui déterminent le caractère juste ou injuste des écarts observés entre les sous-groupes et qui rendra acceptables ou pas certaines différences. Ceci n’exclut pas le fait qu’elles répondent également à des écarts d’indicateurs de santé et qu’il est nécessaire de s’y référer. Pour en comprendre le déroulement, les inégalités de santé doivent être considérées comme composées de plusieurs processus. Lombrail adapte la description donnée par l'équipe de Nutting :" elles se produisent aux différentes étapes qui vont du "contact" avec le système de soins (professionnel/institution), voire en amont de son éventuel déclenchement, jusqu'à la délivrance du soin nécessaire (provision), en passant par l'identification du besoin de soin (recognition)" (26). De la même façon, nous pouvons décomposer l’accessibilité aux soins en deux niveaux : L’accès primaire qui représente le premier contact avec le système de soin. L’accès secondaire qui concerne la reconnaissance d’un besoin et la délivrance de soin. Les soins primaires, vers lesquels s’oriente la médecine générale, sont définis comme " le premier niveau de contacts des individus, de la famille et de la communauté avec le système national de santé » (27). 41 Définition des soins primaires d’après STARFIELD (70) La société Européenne de Médecine Générale caractérise le rôle du médecin généraliste de la manière suivante : « La médecine générale est (…) habituellement le premier contact avec le système de soins, permettant un accès ouvert et non limité aux usagers, prenant en compte tous les problèmes de santé, indépendamment de l’âge, du sexe, ou de toutes autres caractéristiques de la personne concernée (…) Elle favorise la promotion et l’éducation pour la santé par une intervention appropriée et efficace, (elle) a une responsabilité spécifique de santé publique dans la communauté » et « répond aux problèmes de santé dans leurs dimensions physique, psychologique, sociale, culturelle et existentielle. » (6) A) « La médecine générale est une spécialité clinique orientée vers les soins primaires. Elle est habituellement le premier contact avec le système de soins, permettant un accès ouvert et non limité aux usagers, prenant en compte tous les problèmes de santé, indépendamment de l’âge, du sexe, ou de toutes autres caractéristiques de la personne 32concernée. B) Elle utilise de façon efficiente les ressources du système de santé par la coordination des soins, le travail avec les autres professionnels de soins primaires et la gestion du recours aux autres spécialités, se plaçant si nécessaire en défenseur du patient. C) Elle développe une approche centrée sur la personne dans ses dimensions individuelles, familiales, et communautaires. D) Elle utilise un mode de consultation spécifique qui construit dans la durée une relation médecin-patient basée sur une communication appropriée. E) Elle a la responsabilité d’assurer des soins continus et longitudinaux, selon les besoins du patient. F) Elle base sa démarche décisionnelle spécifique sur la prévalence et l’incidence des maladies en soins primaires. G) Elle gère simultanément les problèmes de santé aigus et chroniques de chaque patient. H) Elle intervient à un stade précoce et indifférencié du développement des maladies, qui pourraient éventuellement requérir une intervention rapide. 42 I) Elle favorise la promotion et l’éducation pour la santé par une intervention appropriée et efficace. J) Elle a une responsabilité spécifique de santé publique dans la communauté. K) Elle répond aux problèmes de santé dans leurs dimensions physique, psychologique, sociale, culturelle et existentielle. » Items caractérisant le rôle du médecin généraliste, Société Européenne de médecine générale Cependant, dans son rapport de 2011 (28), Médecins du Monde note que dans près de 45% de leurs consultations, les patients auraient besoin d’un suivi à long terme et signale que l’absence de consultation de médecine générale au sein des PASS compte parmi les freins au développement de ce dispositif. Tout ceci renforce l’idée que le médecin généraliste peut et doit être un acteur inséré dans la lutte contre les inégalités sociales de santé. Dans son article «Le dilemme de la médecine générale face aux inégalités : faire partie du problème ou contribuer à la solution ? » (29) et après revue de la littérature, H.Falcoff dégage six items qui permettraient au médecin généraliste d’engager son action : l’éducation des patients ou des professionnels. les outils informatiques incluant des rappels destinés aux professionnels et/ou aux patients. la modification du déroulement des consultations. l’intervention de nouveaux acteurs et la réorganisation des soins. l’utilisation d’indicateurs de qualité des soins. les démarches d’amélioration continue de la qualité. Ainsi, le médecin généraliste dispose à son niveau de plusieurs stratégies visant à rendre plus équitable la distribution des soins. Il doit en prendre conscience et ceci passe par l’assimilation de modèles bio-médico-sociaux et donc de formations spécifiques. La première étape est surement de nous poser des questions sur notre pratique et sur certains traits qui contribuent malgré nous à aggraver les inégalités. Les conditions sociales, environnementales et économiques sont aussi susceptibles de modifier la distribution des risques à la santé. L’analyse de notre société est indispensable pour mieux comprendre comment se produisent et surtout se reproduisent les inégalités. L’étape suivante nous conduira à réfléchir sur les enjeux pratiques et méthodologiques liés au développement de projets dans notre domaine, leur mise en œuvre ainsi que sur leur évaluation. 43 Ce long processus est indispensable car l’existence d’un gradient social de santé ne peut être tolérée dans un pays qui revendique l’adoption de la déclaration universelle des droits de l’Homme. 7- LES MIGRANTS A- Cadre théorique : définition du terme « migrant » La définition de « migrant » n’est pas clairement définie. Selon l’United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO), il peut-être définit comme « toute personne qui vit de façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel et il n’est pas né et qui a acquis d’importants liens sociaux avec ce pays » (30).Le COMEDE regroupe les termes « immigré » et « migrant » sous la définition suivante : « personne résidant en France née étrangère dans un pays étranger ». Le terme « étranger », concerne quant à lui les « personnes résidant en France qui n’ont pas la nationalité française » (31). Un migrant peut donc être étranger ou avoir acquis la nationalité française. La migration concerne le passage des frontières politiques et administratives pour un minimum de temps. Le petit Larousse la définit comme un « déplacement volontaire d'individus ou de populations d'un pays dans un autre ou d'une région dans une autre, pour des raisons économiques, politiques ou culturelles ». (32) D’après la convention de Genève, est réfugiée toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou ses opinions politiques ». Les demandeurs d’asile sont « des étrangers entrés en France, en séjour régulier dans l’attente de la réponse à leur demande de statut de réfugié. Les demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire ou déboutés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou la Commission des recours des réfugiés (CRR) sont en séjour irrégulier »(31). Les autorisations provisoires de séjour sont délivrées à l’étranger « qui n’a pas vocation à demeurer sur le territoire français, mais ne peut le quitter pour des motifs d’ordre humanitaire », dont les demandeurs d’asile en début de procédure et certaines personnes régularisées pour raison médicale. La validité est supérieure à 6 mois et elle comprend ou pas une autorisation de travail. 44 Dans mon travail, je désigne par le terme « migrant », une personne née étrangère à l’étranger, vivant en France, de nationalité française ou étrangère, réfugiée ou demandeuse d’asile. J’exclue de ce groupe les personnes qui viennent en France pour des raisons touristiques. B- Qui sont les « migrants » en Ile de France ? En 2010, la France a accueilli 6.7 millions d’immigrés (33), ce qui représente 11% de la population. Elle se situe au 6ème rang mondial. Ils sont principalement originaires d’Afrique (41% dont 30% du Maghreb et 11% d’Afrique subsaharienne), de l’Union européenne (34 %) et d'Asie (14%). Les Algériens sont les plus nombreux. Cette répartition est stable par rapport à l’année précédente (voir tableau ci-dessous). Il faut noter que ces chiffres ne sont pas strictement exacts car ils ne comptabilisent pas la migration clandestine. 2009 en % effectifs Europe 38,4 2 046 Europe des 27 34,1 1 814 Espagne 4,7 252 Italie 5,8 311 Portugal 11,0 584 Royaume-Uni 2,8 151 Autres pays de l'UE 27 9,7 516 Autres pays d'Europe 4,4 232 Afrique 43,2 2 303 Algérie 13,5 721 Maroc 12,5 664 Tunisie 4,4 236 Autres pays d'Afrique 12,8 682 Asie 14,4 768 Turquie 4,5 242 Cambodge, Laos, Vietnam 3,0 161 Autres pays d'Asie 6,9 365 Amérique, Océanie 3,9 208 Total 100 5 325 Champ : France métropolitaine. Source : Insee, recensement 2009, exploitation principale Répartition des immigrés par pays de naissance en France, en 2009 45 La carte ci-dessous montre les trente premiers pays d’exilés en France. On retrouve, en tête, l’Algérie, suivie de l’Angola et du Bangladesh. Source : guide COMEDE, 2008 Les trente premiers pays d’éxilés en France en 2008 Certaines études incluent dans le terme« migrant » les générations issues de l’immigration. L’INSEE, en 2009, déclarait que sur 824 641 naissances, 130 822 enfants avaient un de leurs deux parents né hors de France. En Ile-de-France, le métissage de la population est particulièrement important. Au recensement de 2006, près de 40% des immigrés vivant en France résident en Ile-de-France. Les immigrés de 1ère génération représentent 16.9 % de la population francilienne soit près de 2 millions de personnes. Parmi eux, 48% est originaire d’Afrique, dont 61% du Maghreb et 38% d’Afrique Noire (34). Origine Afrique Ile de France/ Reste de la France (%) 2004 48/39 Maghreb 30/31 Reste de l’Afrique 18/8 Europe(hors Turquie) 30/47 Europe des 15 23/39 Reste de l’Europe 7/8 Amérique et Océanie 4/3 Asie (avec Turquie) 18/11 46 Source : recensement, INSEE Répartition de la population immigrée, en Ile de France et par région française On remarque d’après les précédentes figures qu’en 2004, l’Ile-de-France présente 48% d’immigrés originaires d’Afrique contre 39% et 8% dans le reste de la France. Enfin, le graphique ci-dessous montre que Paris accueille 22,4% des immigrés franciliens. Répartition des immigrés et descendants d’immigrés en Ile de France en 2006 Depuis 1975, les observations de l’INSEE indiquent que la part des migrants dans la population générale en France est restée stable, mais les formes de migrations se sont transformées ; les entrées pour motif familial ont augmenté et la population migrante s’est féminisée. 47 C- Les spécificités des patients migrants L’étude de la santé des migrants s’inscrit dans un large dispositif de réflexion sur le droit à la santé énoncé par l’OMS après la seconde guerre mondiale et ouvre le champ à de nombreux débats : le partage et la diffusion des connaissances scientifiques, la notion d’humanité, d’hospitalité, de justice. Elle fait appel à des enjeux éthiques, collectifs et personnels mais aspire surtout à une justice universelle, à une cohésion sociale renforcée dans une société où l’Homme serait au centre de nos représentations. Les rappels historiques donnent profondeur au droit à la santé et à l’aide aux plus démunis qui s’inscrit dans l’histoire de nos sociétés : des écrits datant de la Révolution français revendiquent que « le pauvre a le droit de recevoir des soins médicaux rapides, gratuits et convenant à son état ». Ce sont les frontières qui créent le migrant. Bien plus que de simples limites géographiques, elles définissent également un gradient de droit, de possibilité, de liberté. Le rapport citoyen-étranger a traversé les siècles, d’Orient en Occident. La question de l’ouverture et de l’accès aux soins a toujours été au centre des préoccupations mais il fut une époque où les hôpitaux étaient fiers de recevoir des étrangers. Aujourd’hui, le droit à la santé est affaibli et ceci nous pousse malheureusement à nous demander si le terme privilège n’est pas plus approprié. Plaider en faveur des patients issus de la migration, particulièrement vulnérables, permet de conjuguer responsabilité professionnelle et convictions humanistes. Cependant, il est important de rappeler, que, comme l’explique le Pr Bouchaud, il serait éthiquement incorrect de faire une prise en charge réservée aux migrants. Il ne s’agit pas ici de les stigmatiser et de ranger les patients dans des cases. La maladie reste la même pour tous et le migrant est avant tout un homme ou une femme, ayant son parcours de vie et des représentations qui lui sont singuliers. La démarche que je souhaite défendre, qui consiste à adapter notre pratique à la réalité de chaque patient s’applique à tous, migrant ou non, et est nécessaire pour que l’alliance médecin-patient fonctionne. 48 1) Un état de santé altéré et dégradé La comparaison de l’état de santé des Français à celui des étrangers à l’aide de l’enquête « Santé protection sociale » (35) conduite en 2000-2002 montre que, quels que soient l’âge et le sexe, il est plus altéré chez les étrangers en termes de santé subjective et de déclaration de maladie chronique . Cette étude confronte ses résultats à ceux basés sur l’enquête « Décennale santé » menée en 1980 puis en 1991.A ces deux périodes, les étrangers déclaraient moins de maladies chroniques que l’ensemble des Français. Ceci témoigne d’une dégradation de l’état de santé des immigrés entre 1980 et 2002. On retrouve cette même évolution à l’échelle européenne: ces dernières années, les taux de mortalité des étrangers semblent, à l’exception de certains groupes ethniques, toujours plus élevés que ceux de la population native en France (37,38), en Écosse, au Danemark, en Angleterre et au Pays de Galles (36), contrairement à la période des années 1980 où le rapport était inversé (39,40). Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer le revirement de situation en 20 ans : la sélection des immigrés bien portants, plus aptes à migrer de leur pays d’origine. un biais du au retour au pays des immigrés vieillissants au moment de leur retraite ou en fin de vie. un effet protecteur des habitudes de vie. Cependant, même si les immigrés bénéficient à l’arrivée d’un meilleur état de santé, certains facteurs liés aux conditions socio-économiques ou à la perte de lien social, contribuent à sa détérioration. L’enquête « Trajectoire et origine » Cette enquête, représentative de la population vivant en ménages ordinaires en France métropolitaine, a été réalisée en 2008 par Institut national d’études démographiques (INED) et l’INSEE auprès d’un échantillon d’environ 22 000 personnes âgées de 18 à 60 ans (41). L’enquête explore l’état de santé à partir des trois questions du mini-module européen de santé, qui appréhendent les dimensions subjectives, médicales et fonctionnelles de la santé. Elle décrit les caractéristiques de la migration ainsi que les conditions de vie des enquêtés. Elle a été conduite non seulement auprès des personnes immigrées, mais aussi des enfants d’immigrés nés 49 en France, des personnes nées dans un département d’outre-mer (DOM) et leurs enfants nés en métropole, ainsi que des personnes dites « de la population majoritaire » (ni immigrées, ni enfants d’immigrés, ni originaires d’un DOM). Le tableau 1 montre que parmi les hommes de 18 à 60 ans, 18% des immigrés et autant chez les natifs d’un DOM déclarent un état de santé altéré, contre 15% dans la population majoritaire. Parmi les femmes ces taux et leurs écarts sont plus marqués . Tableau 1 : Fréquence de la déclaration d’un état de santé altéré, Enquête « Trajectoire et origines », 2008 L’état de santé étant très dépendant de l’âge et des conditions de vie, l’explication des différences observées se situe en partie dans leur plus forte concentration au sein de certains groupes plus âgés (51 à 60 ans). Pour affiner la comparaison, des régressions logistiques ont été utilisées. Le modèle 1du tableau 2 permet de déterminer si, à âge identique, les personnes d’une origine donnée déclarent plus souvent que les personnes de la population majoritaire un état de santé altéré. Le modèle 2 poursuit cette comparaison en ajoutant diverses caractéristiques individuelles (le diplôme, la taille de la fratrie, le nombre d’enfants), ainsi que divers indicateurs de conditions de vie actuelles et passées : 50 Tableau 2 : Probabilité de se déclarer en mauvaise santé, Enquête « Trajectoires et origines », 2008 Une fois neutralisé l’effet d’âge sur la probabilité de déclarer une santé altérée plutôt qu’une bonne santé, il se confirme qu’hommes et femmes originaires de Turquie se perçoivent plus souvent en mauvaise santé que leurs homologues de la population majoritaire. La surdéclaration d’une santé altérée se maintient aussi chez les immigrés originaires d’Asie du Sud-Est, du Portugal et du Maghreb mais elle est moins forte. Outre l’âge, les trois facteurs les plus fortement associés à une santé altérée sont le fait d’éprouver des difficultés financières, l’absence d’emploi et le défaut de qualification mesuré par le niveau de diplôme. 51 La prise en compte des conditions de vie actuelles et passées dans la modélisation réduit en grande partie les différences de déclaration de l’état de santé entre origines, notamment pour la population masculine. Mais dans certains groupes, une sur-déclaration d’une santé altérée subsiste. C’est le cas pour les immigrés de Turquie et du Portugal. Chez les femmes, la plupart des probabilités restent significatives. Ainsi, à âge et conditions de vie identiques, les femmes immigrées du Portugal ont encore une probabilité 1,6 fois supérieure à celle des femmes de la population majoritaire de se déclarer en mauvaise santé. C’est aussi le cas pour celles originaires de Turquie, d’Asie du Sud- Est et du Maroc ou de Tunisie mais dans une moindre mesure. Les comportements addictifs (alcool, tabagisme) et les habitudes alimentaires (prévalence de l’obésité) peuvent constituer une explication à ces sur-déclarations. Ceci nous ramène aux questions de prévention et au moindre accès des immigrés à ces mesures : plusieurs études ont montré que les barrières qu’ils rencontrent dans leur parcours de soins les font en effet plus souvent rencontrer les professionnels de santé tardivement, dans une démarche plutôt curative que préventive. 2) Des patients vulnérables Les observations montrent que le profil socio-économique des migrants est souvent marqué par la précarité et des conditions de vie difficiles. Ceci peut constituer un obstacle à leur parcours de soin et ainsi avoir des conséquences sur leur morbidité et leur mortalité. La migration est un acte sociologique inscrit dans un contexte historique et politique. Les raisons de migrer sont nombreuses : socio-économique, politique, psychologique. Que la migration soit voulue ou non, il existe toujours des motifs ambivalents. Partir n’est jamais simple car dans tous les cas, elle introduit la notion de changement et d’adaptation : la migration expose chaque individu à un phénomène psychologique complexe consécutif à un irrémédiable sentiment de rupture par rapport à son cadre culturel et familial. Il va alors s’agir d’opérer un véritable travail de changement devant ce passage d’un univers à l’autre : « Comment continuer à être soi-même tout en se modifiant, comment maintenir le sentiment de continuité de soi, de son rapport aux autres, lorsque la réalité n’est que rupture ? » (42). Le professeur de psychologie T.Nathan va plus loin et parle de « traumatisme migratoire » car il considère que la migration entraine « une perte du cadre culturel interne, permettant le décodage de la réalité externe » (43). Mais malgré toutes les difficultés et les remises en question que l’acte de migration entrainent, il convient ici de rappeler qu’elle peut aussi être révélatrice de potentialités encore non explorées, 52 qui pourront s’exprimer dans le nouvel environnement et ainsi permettre des réussites spectaculaires. La vulnérabilité des migrants est ressentie dans plusieurs domaines : Vulnérabilité juridique et administrative Les barrières administratives et juridiques semblent figurer au premier plan. Certains migrants ont une situation juridique très précaire et les rend vulnérables, en particulier sur le plan socioprofessionnel : exploitation au travail, exercices illégaux etc. A la complexité structurelle de la justice, s’ajoutent souvent pour eux des difficultés linguistiques : le manque de connaissance du jargon juridique et administratif contribue à renforcer son image nébuleuse et rend son accès difficile. Vulnérabilité psychologique L’acte de migration en lui-même peut être vécu comme un déracinement et entrainer un choc culturel. Les raisons de la migration sont déterminantes pour son vécu : en cas de migration contrainte, l’exil génère une vulnérabilité particulière avec une diminution des défenses psychologiques et une souffrance sur laquelle d’autres viendront se révéler ou s’amplifier. Quoiqu’il en soit, on peut retrouver dans toute migration une sensation de rupture, source de déséquilibre de tout ordre. Elle peut, sur certains points, s’apparentée à un deuil. Le migrant a perdu sa famille, ses relations, son environnement familier, ses activités. Tout ce qu’il avait construit et qui définissaient son rapport au monde et aux autres disparait. Dans ses écrits sur la vulnérabilité des enfants de migrants, M-R Moro parle de « clivage entre le monde de dedans et le monde du dehors » (44). On retrouve cet affrontement dans le domaine de la justice ou de l’école. De l’impossibilité d’établir des médiations entre deux référentiels culturels, il peut en résulter une « rupture douloureuse avec un monde sans véritable possibilité de s’inscrire dans l’autre ». Il s’ensuit alors un double travail d’élaboration psychique avec un travail de deuil et un travail de « reliaison post traumatique ». La reconnaissance de la souffrance passe par l’incorporation progressive d’éléments de la nouvelle culture et d’une levée du clivage entre les deux univers : est alors introduit la notion de « métissage culturel » qui permet à l’individu de fonctionner dans plusieurs logiques culturelles sans avoir besoin de renoncer à l’une d’entre elles. 53 Vulnérabilité socio-professionnelle Les études montrent que les migrants ont des revenus en moyenne inférieurs de 32%, un niveau de vie inférieure de 26%, un risque de chômage plus élevé et des conditions de logement moins favorables. Cas particulier des femmes et des enfants La santé materno-infantile est un secteur lourdement touché par les inégalités d’accès aux soins. Les femmes représentent environ la moitié de la population migrante. Si ce taux semble rester stable ces dernières années, le motif de migration a évolué : bien que la raison du rapprochement familial reste en tête, les femmes migrent de plus en plus indépendamment de leur famille, pour raison professionnelle ou de formation. D’après l’enquête Elipa en 2010, la répartition entre les motifs d’admission au titre de séjour est différente selon le sexe : Tableau : Le motif d’admission au séjour L’exil et la migration ont un retentissement sur la sexualité, la relation de couple et le désir d’enfant. Chez de nombreuses femmes, en particulier africaines, l’exil renforce le désir d’enfant. Se posent alors les questions de l’accompagnement de ces femmes dont la prise en 54 charge médico-sociale en périnatal est entravée des difficultés de logement, de communication, l’absence de couverture maladie, des carences nutritionnelles. La fonction maternelle et paternelle peut être touchée par des souffrances anciennes non apaisées ravivées lors de la période périnatale. La vulnérabilité de toutes les mères et aussi des pères est maintenant conceptualisée par la notion de « transparence psychique ». Pour M-R Moro, l’exil ne fait que renforcer ce phénomène et le traumatisme de la migration et expose ces parents à des difficultés supplémentaires qu’il faut savoir détecter : « L'objectif est de permettre à ce parent de passer du dedans à ce dehors qui lui fait peur et d'être, selon la belle métaphore de Michel Serres, « le tisserand qui travaille à recoudre localement deux mondes séparés [...] par un arrêt subit, la césure métastrophique accumulant les morts et les naufrages : la catastrophe ». Ainsi, cet ouvrier tisserand « entrelace, tord, assemble, passe dessus, dessous et renoue, le rationnel et l'irrationnel, le dicible et l'indicible, la communication et l’incommunicable ». » (45). Il apparait donc indispensable d’étudier les situations de migration car elles entrainent pour certains parents des modifications rendant plus compliquée la période de périnatalité et la construction d’une relation avec son enfant. Dans ses nombreux travaux sur la parentalité et la migration, M-R. Moro décrit cet état comme un mélange d’ingrédients complexes : certains sont collectifs, d’autres appartiennent à l’ordre privé. Elle rejette l’idée « d’une universalité vide et d’une éthique réductionniste » qui consiste à dire « ce qu’il faut faire » et « comment il faut le faire », car « en niant l’impact culturel, nous n’intégrons pas les logiques socio-culturelles dans nos dispositifs de soins et empêchons ces personnes de rentrer dans nos systèmes et de se familiariser avec nos techniques ». Concernant les enfants, la migration n’est pas un phénomène nouveau. Il existe des estimations du nombre d’enfants migrants mais aucune n’a la prétention de chiffrer précisément ce phénomène. Les mineurs représentent 12% des consultants des Caso de Médecins du Monde et ne cessent d’augmenter : parmi eux, moins de 11% bénéficient d’une couverture sociale (46). Ils migrent souvent avec leurs parents mais l’on retrouve de plus en plus de mineurs seuls, non accompagnés (« children on the move »). Ils bénéficient de la protection offerte par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant de 1989 (47) : en vertu de son article 2, elle s’applique « à tout enfant relevant de sa juridiction », et inclus tous les enfants « vivant sur le territoire de l’Etat, y compris les visiteurs, les réfugiés, les enfants de travailleurs migrants et ceux qui sont en situation irrégulière ». La migration des enfants est rattachée à plusieurs problématiques : Accès à la santé et l’éducation. Conflits de valeur. 55 Exclusion sociale. Pauvreté. Discrimination. Travail des enfants, esclavage. Trafic d’enfants. Exploitation sexuelle. Enfants en situation de rue. « Mieux comprendre, mieux soigner, mieux accueillir les migrants et leurs enfants en Europe, tel est l’enjeu d’une prévention et d’une clinique précoce engagée dans la société telle qu’elle est », Marie-Rose Moro. D- A l’échelle du médecin généraliste En raison des phénomènes liés à leur situation économique souvent défavorable et à l’acte de migration, la population immigrée présente donc un état de santé et un recours aux soins différents de ceux de la population autochtone. L’expérience de l’exil et de la violence consécutifs à l’acte de migration modifient la perception des risques de santé et peut diminuer la réceptivité aux messages sanitaires, notamment de prévention, ce d’autant plus que l’information est délivrée dans une langue qui n’est pas familière. Il convient donc de s’intéresser à la santé des migrants en termes de diagnostic de situation et de mise en place de mesures préventives et curatives adaptées. Le médecin généraliste, fort de la relation de confiance qu’il a construit avec son patient, doit développer un environnement propice à une prise en charge sanitaire optimale. Or, la prise en charge des patients migrants est délicate. Travailler avec des patients de cultures diverses requiert des compétences et un savoir-faire appropriés. Plusieurs études ont interrogé les médecins généralistes sur leur ressenti. Documenter et analyser leurs difficultés ayant pour but d’améliorer la santé de cette population désavantagée. Au cours des Journées de médecine générales en 2011, un débat avait été proposé lors d’un atelier : chaque participant devait écrire sur un bout de papier les hics qu’il rencontrait dans son exercice à propos de la prise en charge d’un patient migrant. Il en ressortait que les médecins étaient souvent déstabilisés par l’incompréhension et le manque de repères face à ces patients qui possèdent des référentiels souvent éloignés des nôtres. Le manque de temps a aussi été cité à 56 plusieurs reprises tout comme le sentiment d’être contraint à effectuer un suivi haché chez ces patients dont l’assiduité était décrite comme bancale. C.Matz (48), dans le cadre de sa thèse, a représenté par un graphique la répartition des différentes contraintes citées par les médecins généralistes lors de la prise en charge d’un patient précaire : on remarque que les problèmes relatifs aux représentations de santé arrivent au premier plan. Principales difficultés rencontrées par le médecin généraliste lors de la prise en charge d’un patient migrant précaire Ces contraintes peuvent être analysées sous deux angles : les difficultés d’ordre relationnel et organisationnel. a) Difficultés d’ordre relationnel La relation médecin-patient, en l’occurrence ici médecin-patient migrant, est particulière. Ce sont ses spécificités qui la rendent complexe mais aussi génératrice de potentiels intellectuels très enrichissants. Elle requiert de la part du médecin des compétences qui lui permettront de réaliser une analyse profonde de la situation et d’adopter une attitude empathique, adaptée à son patient. La démarche que nous développons ici peut s’appliquer à tous les patients, pas seulement aux patients migrants. Elle s’appuie sur une éternelle remise en question de soi et de ses pratiques, auxquelles chaque patient doit pouvoir accéder, sans crainte d’être jugé, rejeté ou incompris. 57 Communication verbale et non verbale Les difficultés de communications relèvent à la fois du registre linguistique et culturel. Nous connaissons l’importance des regards et de la gestuelle lors d’une consultation. La différence de langue, citée à plusieurs reprises, peut devenir un véritable obstacle lors d’une consultation si les deux interlocuteurs ne se comprennent pas du tout. L’établissement d’une véritable relation semble périlleux sans cet outil majeur de communication. J’ai observé lors de mes stages que la plupart des patients non francophones sont accompagnés par un membre de leur famille ou un de leur ami. Il existe aussi des logiciels sur internet, permettant une traduction instantanée et de bonne qualité. Je l’ai personnellement utilisé, à plusieurs reprises, et l’échange a été enrichi par cette méthode ludique, renforcée par des mimiques, des sourires, des regards. Les médecins généralistes ont également accès à des abonnements téléphoniques payants avec des traducteurs 24h sur 24 (« inter service migrantinterprétariat ») mais ceci fait intervenir une tierce personne étrangère à l’entretien. Il existe également des livres de traduction bilingues, disponibles sur le site de l’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (49). La représentation de la santé Les patients migrants qui ont une origine autre que la nôtre présenteront inéluctablement des référentiels, des façons d’agir, de réagir, différents. Ceci peut avoir des conséquences sur les comportements d’observance, la notion d’urgence, l’assiduité du suivi. La problématique de la représentation de la santé semble occuper une place prépondérante dans les difficultés de leur prise en charge. Elle inclue des éléments en rapport avec leurs conditions souvent précaires qui rendent difficiles la perception du risque et les préoccupations en matière de santé. Dans les études, les médecins généralistes évoquent leurs difficultés de suivi par les termes « vagabondage médical », « manque de compliance », « retard de prise en charge », allant jusqu’à employer le terme « négligence » (48). 58 Ceci peut alors conduire à une certaine forme de lassitude et de découragement des médecins qui seront frustrés des soins prodigués. Mais cette insatisfaction est la conséquence d’un raisonnement erroné qui consiste à préjuger de l’existence d’une norme universelle et empêche la projection vers l’autre. C’est justement à ce titre que nous discuterons des bénéfices de la clinique transculturelle dans une dernière partie. Par ailleurs, il est intéressant de souligner que le COMEDE a montré que dès lors que la prise en charge proposée intègre le contexte social et juridique et que la survie est assurée au quotidien, les patients sont demandeurs de conseils de prévention et de dépistage, conseils mis en pratique de manière souvent plus importante que dans la population générale. L’exemple du recours à la médecine traditionnelle est éloquent : il s’explique par le fait que les explications scientifiques (biomédicales, statistiques, génétiques, psychologiques) ne répondent pas de façon satisfaisante à toutes les questions que se posent l’individu confronté à la maladie : pourquoi moi ? Quel est le sens de ce mal ? Ces formes de médecines peuvent alors offrir au patient d’autres modèles explicatifs et sont souvent sources d’apaisement et de rassurance pour le patient. Il est donc intéressant de ne pas opposer ces pratiques et de les intégrer dans l’itinéraire thérapeutique du patient. J’exclue de ce cadre les méthodes sectaires et intégristes où notre démarche dans ces cas serait bien entendu différente et consisterait à protéger le patient de ces pratiques nuisibles. 2) Difficultés d’ordre organisationnel Le cadre de la consultation Plusieurs médecins évoquent un « manque de temps » car les problèmes souvent complexes et les difficultés de compréhension allongent la durée de consultation et augmentent leur fréquence. Il existe également une lourde charge administrative. Par ailleurs, la condition des patients migrants rendra plus fréquente la présence d’un tiers lors de la consultation. Se posent alors les problèmes de secret médical, de confiance, d’intimité. L’organisation familiale et la notion de « clans » que l’on retrouve dans certaines ethnies africaines diffèrent de notre schéma traditionnel de relations sociétales et peuvent, si l’on ignore ces particularités, alimenter un climat d’incompréhension, lorsqu’il s’agit par exemple de désigner une personne de confiance ou prendre une décision importante. 59 L’aspect financier : retard des paiements, absence de ressources Selon une étude de 2009, 22% des spécialistes de secteur 2 avec un taux atteignant 41% chez les psychiatres (50) refusent les patients bénéficiaires de la CMU et près de 30% des médecins généralistes étudiés (51) refusent les patients possédant l’AME. Outre cette attitude qui va à l’encontre du serment d’Hippocrate, il serait hypocrite de ne pas soulever le problème de l’impossibilité pour certaines personnes migrantes, en situation de grande précarité, non assurées, de régler la consultation chez le médecin généraliste. A ce jour, aucune étude n’a quantifié la proportion de consultations « gratuites » qu’effectuent certains médecins généralistes. Ceci, réalisable au cas par cas, n’est pas une solution satisfaisante. Il est légitime que les praticiens se voient régler leur consultation, d’autant plus que les problèmes financiers se représenteront par la suite lors du règlement des actes complémentaires, des frais des médicaments, du paiement des dépassements des consultations spécialisées. Ceci engendre un retard de prise en charge et rend compliqué un suivi ambulatoire au long cours de qualité. L’isolement du médecin généraliste Des difficultés de rapport avec les services sociaux sont rapportées. Elles sont liées en partie à une méconnaissance des structures : d’après le travail d’A.Aubry (52), 64% des médecins généralistes de son échantillon déclarent ne pas connaître de dispositifs d’aide aux personnes en situation de précarité. D’où l’intérêt de campagnes d’information et de la mise en place de partenariats médico-sociaux avec les médecins de ville. 8- L’ETUDE A- Introduction et objectifs Une étude grenobloise a montré qu’une connaissance approfondie des conditions de vie et de l’histoire de chaque patient était indispensable pour prodiguer des soins de qualité. Or, l’OMS signale une pénurie d’information sur la population migrante: il n’existe en effet pas de vision d’ensemble de la santé de cette population. Si les entraves au développement de ce champ sont en 60 partie idéologiques, il y a lieu de souligner la difficulté de l’exercice. L’étude de la santé des migrants est pourtant intéressante à plus d’un titre : en épidémiologie descriptive, elle relève d’une démarche d’investigation utilisée autrefois pour apprécier la part de l’environnement dans la genèse des maladies chroniques ; en santé publique, elle relève de l’intérêt traditionnel pour les populations vulnérables. L’hypothèse principale de mon étude était que les patients migrants étaient moins suivis par un médecin généraliste. L’objectif était de comprendre les mécanismes de ce manquement et de proposer des solutions pour le combler. Pour cela, il m’a paru nécessaire d’étudier dans un premier temps leurs caractéristiques socioprofessionnelles, démographiques et sanitaires afin de mieux appréhender leurs spécificités. J’ai ainsi pu recueillir un ensemble de données sur la population migrante de mon échantillon. Je les ai également interrogés sur les désagréments rencontrés lors de leurs parcours de soins, leur ressenti, afin que mes pistes de réflexion visant à améliorer leur suivi soient en adéquation avec la réalité de leur état. Mon étude a été réalisée au sein du circuit court du service d’accueil des urgences de l’hôpital Bichat, à Paris. Celui-ci a été créé pour faire face à l’engorgement des services d’urgences. Plusieurs études ont d’ores et déjà montré l’effet bénéfique de ce dispositif en termes de délais d’attente et de satisfaction des usagers, quel que soit leur niveau de gravité (53). Par ailleurs, en 2010, Boeke et al (54) ont observé que le taux de déclaration du médecin traitant avait augmenté de 17% au décours de la mise en place de cette consultation : elle pourrait alors par ce biais contribuer à l’amélioration du suivi de ses patients. B- Matériel et méthode 1) L’élaboration du questionnaire Cette étude est une enquête prospective, quantitative et qualitative. Les données ont été recueillies à partir d’un questionnaire, élaboré en collaboration avec Gaëlle Juillien, ma directrice de thèse, Christophe Choquet, chef d’unité du SAU Bichat et Annabel Oliver, l’assistance sociale du service. Nous nous sommes appuyés sur des enquêtes médico-sociales précédentes. Les différentes parties du questionnaire, élaborées en vue des objectifs de l’étude, sont les suivantes : 61 Caractéristiques sociales, culturelles et démographiques du patient. Caractéristiques sanitaires : état de santé, itinéraire thérapeutique, suivi. Une dernière question de satisfaction sur la consultation du jour. Une de nos préoccupations principales a été de ne pas rendre ce questionnaire intrusif et stigmatisant pour les patients. Nous ne voulions pas qu’ils ressentent un sentiment d’insécurité. La clause de confidentialité était rappelée par écrit sur chaque questionnaire. 2) La population étudiée La population de cette étude a inclus toute personne consultant aux urgences de l’hôpital Bichat, triée par l’infirmière d’accueil et d’orientation en « tri 5 » et dirigée vers le circuit court, du lundi 1er Juillet 2012 au vendredi 5 Juillet 2012, de 8 heures 30 à 20 heures. Ont été exclus les mineurs. Le sous-groupe « migrant » a regroupé les patients migrants de première génération « nés étrangers à l’étranger », excluant donc les migrants de deuxième génération et les touristes. 3) Le lieu de l’étude L’hôpital Bichat L’hôpital Bichat est un centre hospitalier universitaire situé dans le nord de Paris, dans le 18ème arrondissement. Il dispose de près de 1000 lits d’hospitalisation. Son SAU est l’un des plus importants de l’agglomération parisienne. Durant la semaine de mon étude, il a accueilli 985 patients dont 287 patients au circuit court soit en moyenne 200 patients par jour. L’hôpital Bichat propose une PASS mais il n’y a pas de médecin à temps plein dédié à la consultation. En revanche, l’assistance sociale du service des urgences est quotidiennement présente. Elle propose son aide pour l’ouverture des droits sociaux, les démarches administratives et ouvre l’accès aux consultations des praticiens hospitaliers dans le cadre de la permanence d’accès aux soins. Chaque patient, lors de son passage aux urgences, peut la solliciter et la rencontrer à l’issue 62 de la consultation avec le médecin. En dehors de ses horaires de présence, une fiche lui sera remise avec ses coordonnées et il pourra se représenter dès le lendemain pour la voir. Un accompagnement est également proposé aux patients pour qui un diagnostic de maladie chronique est posé et qui nécessitera donc un traitement au long cours. Annabel OLIVER gère ainsi 1000 dossiers par an, soit 4-5 dossiers par jour en moyenne. En 2012, 200 dossiers concernaient uniquement une demande d’accès à la PASS. En avril 2013, il existe d’ores et déjà 220 requêtes de ce type : ceci confirme l’accroissement du nombre de personnes touchées par la précarité. Il existe notamment une augmentation du nombre de patients rattachés au régime général de la sécurité sociale mais qui n’ont pas les moyens pour payer leurs médicaments. Enfin, elle souligne que les patients en situation irrégulière sont parmi les plus vulnérables et pour qui les recours restent très limités. L’environnement du circuit court A l’arrivée au SAU, les patients sont évalués par l’infirmière d’accueil et d’orientation qui va trier les patients en cinq catégories, en fonction des paramètres vitaux, des antécédents et du motif de consultation. A chaque tri, correspond une durée d’attente idéale à respecter par l’équipe médicale. Tri 1 : urgence vitale Tri 2 : durée d’attente inférieure à 20 minutes Tri 3 : durée d’attente inférieure à 1 heure Tri 4 : durée d’attente inférieure à 2 heures Tri 5 ou circuit court : durée d’attente inférieure à 4 heures -> consultation circuit court L’hôpital Bichat est largement concerné par la problématique d’engorgement des urgences. Son taux annuel de passage est en constante augmentation. C’est pourquoi en 2008, un circuit alternatif a été mis en place. Un médecin urgentiste y est posté chaque jour de 8heures à minuit. Il accueille les patients qui consultent pour des motifs simples de recours aux soins dont la prise en charge ne nécessite peu ou pas d’examen complémentaire. Une fois dirigés vers le circuit court par l’infirmière d’accueil et d’orientation, les patients prennent donc place dans la salle d’attente des urgences. Celle-ci est située au rez-de-chaussée de l’hôpital et a donc un accès direct sur l’extérieur. Des bancs de chaises sont disposés en ligne au centre la pièce et sur les côtés de cette pièce rectangulaire. Sur la droite en entrant, on retrouve 63 une pièce séparée par une vitre de la salle d’attente où le personnel d’accueil des urgences réceptionnent et enregistrent les données administratives des patients. Salle d’attente des urgences Mon travail m’a immergée pendant une semaine au sein du SAU de l’hôpital Bichat et ma localisation m’a permis d’observer les patients dans la salle d’attente : l’atmosphère qui y règne est froide. Les gens ne conversent pas entre eux, ne lisent pas. Ils attendent, figés et restent à l’affût de l’appel de leur nom qui les mènera dans le bureau de consultation. Un épisode a confirmé cette ambiance atone : un homme, sans domicile fixe, bien connu du service et présentant une pathologie psychiatrique, s’allonge brutalement au sol, criant qu’il ne partira pas d’ici. Les autres patients n’ont aucune réaction, exceptés quelques regards vides vers cette scène qui se déroule devant leurs yeux. Rapidement le personnel des urgences intervient et relève le monsieur pour le rasseoir. Un autre jour, une femme hurle de douleur dans la salle d’attente, elle s’agite, se roule par terre : même réaction ou plutôt même inertie, du côté des patients. Cette expérience m’a permis de bénéficier d’un recul que je n’ai habituellement pas quand je suis aux urgences en position de soignant et de m’interroger sur mon propre rapport avec les patients. Le stress que j’ai ressenti dans la salle d’attente m’a rappelé que l’accueil occupait une place essentielle car il a pour objectif d’initier un rapport de confiance avec le patient nécessaire au bon déroulement de la prise en charge ultérieure. En effet, il constitue le premier contact des patients avec l’équipe hospitalière. Chaque mot, chaque attitude sont ressentis et interprétés par le patient. A l’hôpital Bichat, le personnel des urgences est en contact avec une population précaire souvent concernée par des difficultés administratives ou financières dont la barrière de la langue rend parfois incertaine la compréhension. Leur fragilité les rendra plus sensibles à nos attitudes et à notre gestuelle. Bien que les conditions de travail soient difficiles et exposent souvent le personnel à des situations complexes, l’adoption d’une attitude rassurante et empathique est probablement la clé d’une relation qui permettra aux patients de nous confier en toute sérénité les maux dont ils souffrent. 64 4) Le recueil des données J’ai donc passé une semaine dans le service d’urgence de l’hôpital Bichat, du lundi 1er Juillet 2012 au vendredi 5 Juillet 2012, de 8h30 à 20h. Nous souhaitions nous superposer aux horaires moyens d’un médecin de ville car un des objectifs de l’étude était de savoir pourquoi les patients ne consultaient pas leur généraliste et se situer en dehors de ces plages horaires aurait entrainé un biais important. Par ailleurs, comme le montre le graphique ci-dessous, ce créneau couvre la plupart des passages aux urgences : on voit aisément que la majorité des passages s’effectue entre 10 heures et 18 heures. Répartition horaire des passages aux urgences des hôpitaux de Paris Je me suis donc installée à côté de l’accueil, derrière une vitre. A chaque nouvelle inscription que je suivais sur le logiciel informatique Urqual, je me rendais dans la salle d’attente afin de remettre le questionnaire papier au patient. Je me présentais à eux comme médecin et je leur expliquais que nous réalisions en ce moment une étude dans le but de caractériser la population qui consulte aux urgences de Bichat. Je leur proposais donc de répondre à quelques questions par écrit sur leur parcours, leur vie sociale et culturelle. Je tenais à préciser que ceci n’était en aucun cas obligatoire et qu’il pouvait tout à fait refuser de participer. Je précisais enfin que ce questionnaire était 65 anonyme et qu’aucune donnée ne serait utilisée à d’autre fin que celle de mon étude. Je les invitais donc à me remettre le questionnaire rempli sur le comptoir de l’accueil ou bien en main propre. Je ramassais également les questionnaires régulièrement lors de mes passages en salle d’attente. La majorité des patients remplissait le questionnaire seuls dans la salle d’attente. J’avais cependant à disposition un bureau fermé où je pouvais remplir en toute confidentialité les questionnaires avec les personnes illettrées ou non francophones. Bien évidemment génératrice de biais, cette méthode m’a néanmoins permis d’échanger davantage et d’avoir un contact privilégié. Une partie du questionnaire se basait donc sur les informations fournies par le patient. L’étiquette d’identification y a été apposée afin de retrouver les dossiers médicaux dans l’ordinateur, de les étudier et de pouvoir éliminer les doublons. Lors de la saisie et de l’analyse sur support informatique, les données ont ensuite été traitées de manière anonyme. Les médecins en charge du circuit court durant cette semaine étaient informés du déroulement de l’étude mais ignoraient que la satisfaction des patients était évaluée. Il m’a semblé que le questionnaire était facilement compréhensible. Une seule question est restée problématique : « Etes-vous satisfait de la consultation ? » : en effet, plusieurs personnes répondaient avant d’avoir terminé la consultation avec le médecin malgré mes consignes. Par conséquence, j’ai rapidement décidé de décaler cette question sur une feuille à part afin que les personnes me rendent dans un premier temps le questionnaire puis avant de quitter les urgences, répondent à la question de satisfaction. Questionnaires non remplis 189 questionnaires ont été distribués soit une moyenne de 37 questionnaires par jour. Parmi les questionnaires remplis, certains items n’ont pas été cochés. Ces réponses ont été classées en « NSP ». 49 questionnaires (23%) pour différentes raisons regroupées dans le tableau ci-dessous : la majorité des blancs s’expliquent par une fugue des patients du service des urgences. TOTAL 49 Fugue 14 (28%) Refus 9 (18%) Troubles du 7 (14%) 66 comportement Problème de langue 4 (8%) Fatigue, stress 4 (8%) Perdus de vue 4 (8%) Peur 2 (4%) Seconde consultation 2 (4%) Certificat de police 2 (4%) Pédiatrie 1 (2%) Réorienté 1 (2%) Répartition des causes de non remplissage du questionnaire (NSP) L’enfant de 10 ans n’a pas rempli le questionnaire. En revanche, les deux autres mineurs (16 et 17 ans) l’ont rempli mais ont été exclus de l’étude. 18% des patients ont refusé pour des raisons qui leur appartenaient. Je ne leur ai pas demandé de justification par respect de leur choix. Une seule femme a eu une réaction agressive : elle a exprimé son mécontentement qui portait principalement sur la nature des questions qu’elle jugeait intrusive et inappropriée dans le contexte de consultation pour soins. J’ai tenté de lui expliquer calmement les objectifs de ces questions mais elle semblait très remontée. Elle est revenue me voir et m’a montrée ses papiers d’identité en m’indiquant fermement qu’elle avait une situation régulière et que ce n’était pas pour cette raison qu’elle n’avait pas rempli le questionnaire. Cette réaction est restée isolée. 4 personnes ne l’ont pas rempli pour des difficultés de langue. Cependant, la majorité des patients qui ne parlait pas français était accompagnée et nous remplissions le questionnaire à l’aide du traducteur avec bien entendu l’accord de la personne concernée. D’autres entretiens ont été réalisés en anglais. Deux personnes n’ont pas souhaité répondre par crainte de représailles. Nous avions évidement anticipé cette situation pendant l’élaboration du questionnaire : les questions portant sur les caractéristiques sociales et culturelles, nous craignons que certains patients soient gênés d’y répondre. C’est pour cette raison que je précisais expressément que le questionnaire resterait anonyme et que cette enquête était médicale, destinée à améliorer la prise en charge aux urgences. Face au refus craintif de ces deux personnes, sans papier, je n’ai pas insisté. Globalement, j’ai été surprise par la gentillesse des gens et leur volonté d’aider et de répondre au questionnaire. Quelques-uns m’ont posée des questions sur l’étude, sur les objectifs précis. La plupart des questionnaires ont été remplis avec soin et application. 67 5) Le traitement des données Une analyse descriptive statistique a été réalisée avec des variables exprimées en nombre absolu ou en pourcentage. J’ai comparé les groupes à l’aide du test du Chi2 (Yates ou Pearson) et du test de probabilité exacte de Fisher bilatéral dès que les effectifs le permettaient. Les résultats ont été considérés comme significatif si p<0,05. Secondairement, nous avons collecté les informations médicales du patient grâce aux données informatiques du logiciel Urqual : les antécédents, les traitements, les diagnostics posés, les examens complémentaires prescrits et les ordonnances de sortie. C- Résultats 1) Description de la population La population totale Age et sexe Parmi les 189 questionnaires distribués, il y a 74 femmes (40%) et 115 hommes (60%), 91(48%) migrants et 60 (29%) non migrants. Répartition de la population migrante et non migrante 68 Le patient le plus âgé a 87 ans. L’âge moyen est 38 ans. La médiane est de 36 ans. Le graphique ci-dessous illustre la répartition des patients en fonction de l’âge : 20% des personnes ont moins de 25 ans. 25% ont entre 25 et 34 ans. 40% ont entre 35 et 54 ans. 14% ont entre 55 et 70 ans. 1% a plus de 70 ans. Répartition des patients de l’étude selon l’âge Répartition géographique La majorité des patients résident dans le 18ème, en Seine-Saint-Denis (93) et « autre département que ceux proposés ». La répartition peut être schématisée de la façon suivante : Distribution du lieu de résidence de la population 69 La population migrante Age et Sexe Nous avions donc 91 personnes migrantes, nées étrangères à l’étranger, 29 femmes (32%) et 62 hommes (68%), soit deux fois plus d’homme que de femme. Ils représentent 62% de l’échantillon. La moyenne d’âge est de 40ans et la tranche d’âge la plus représentée est celles des 35-54 ans. Histoire migratoire La répartition par pays d’origine montre une majorité de personnes originaires d’Algérie, suivies du Mali puis du Maroc. Au total, trente pays sont représentés. Répartition des patients migrants de l’échantillon en fonction de leur origine Concernant la nationalité au moment de l’étude, une majorité de migrants est originaire du continent africain (région du Maghreb suivie de l’Afrique sub-saharienne). La seconde position est occupée par les migrants d’origine européenne. Ceci se traduit graphiquement de la manière suivante : 70 Répartition géographique des nationalités à la naissance des patients migrants (en pourcentage, par région) 1% 11% 34% 7% 7% 3% 26% 5% Répartition géographique des nationalités à la naissance des patients migrants (en nombre absolu, par région) 12 migrants ont acquis la nationalité française. Ils sont pour la plupart arrivés en France dans les années 1980. La comparaison entre des données nationales relévées par l’INSEE en 2009 et celles de mon étude, en ce qui concerne le pourcentage de migrants en fonction de leur nationalité à la naissance, retrouve des données comparables pour l’Amérique, l’Océanie, l’Asie, le MoyenOrient et le Maghreb. En revanche, on retrouve plus de migrants originaires du continent Européeen et moins d’Afrique sub-saharienne dans la population nationale que dans la population de mon étude. 71 Régions d’origine des migrants en France en 2009 (INSEE) comparées à celles de la population de l’étude On découvre également que la plupart des patients ont migré pour des raisons familiales, principalement avant 1990. 7% ont migré pour des raisons médicales. 40% des patients n’est jamais retourné dans leur pays d’origine et 55% y retournent au moins une fois par an. Raisons de migration et nombre de retour au pays d’origine 72 Ainsi, notre échantillon contient des migrants relativement « anciens» car la moitié est en France depuis plus de 20 ans avec une moyenne de 16 ans. Néanmoins, un quart des patients est arrivé en France récemment, il y a moins de 2 ans, et 5% depuis moins d’un an. Répartition des migrants en fonction de leur année d’arrivée en France Enfin, si nous étudions les raisons de migration par rapport à l’ancienneté du temps de séjour en France, aucune différence n’apparait statistiquement significative entre les migrants arrivés avant et après 1990. Domaine socio-professionnel Concernant la couverture maladie des patients migrants : 45% des patients migrants ont au moins une couverture par le régime général (30% avec la mutuelle). 9% ont la CMU+/- CMUc. 14% ont l’AME. ¼ des patients n’a aucune couverture maladie. On retrouve dans ce dernier groupe une quasi-totalité de patients en situation irrégulière, arrivée en France récemment. La personne en situation régulière est arrivée en France il y a moins d’un an. Chaque patient a également été interrogé sur son mode de vie. Il en ressort que la plupart des patients migrants vit en appartement avec 2 à 4 autres personnes. 22% vivent seuls. 9% déclarent partager leur foyer avec plus de 5 personnes. 9% vivent à l’hôtel. 1% en foyer. 73 11% sont sans domicile fixe. Enfin, la majorité des patients migrants est célibataire. Parmi ceux qui ont des enfants, près de la moitié sont séparés d’eux. Sur le plan professionnel, la majorité des patients appartient à la catégorie socioprofessionnelle « employée », suivi de près par la catégorie « ouvrière ». Il y a 7 étudiants. 17.5% des migrants sont au chômage ce qui est supérieur au taux de chômage national (10%). Caractéristiques sanitaires Les migrants consultent pour des symptômes qui évoluent depuis en moyenne 54 jours, avec une médiane de 2 jours et demie. 33% consultent pour des symptômes qui évoluent depuis moins de 24 heures. 25% pour des symptômes qui évoluent depuis plus d’un mois. Date de début d’évolution des symptômes motivant le recours aux urgences Par ailleurs, on remarque que les patients qui consultent pour des symptômes datant de plus d’un mois sont moins souvent suivis par un médecin généraliste par rapport à ceux qui consultent pour des symptômes apparus récemment (p= 0.04). 74 Pourcentage de patients suivis par un médecin généraliste selon la date d’apparition de leurs symptômes (moins de 3 jours ou plus d’un mois) 23% des patients migrants disent avoir une maladie chronique (15% ont une hypertension artérielle déclarée) 28% ont un traitement au long cours. 8% ont déjà été hospitalisés. Les antécédents des patients migrants, relevés d’après le dossier Urqual ont été relevés cidessous : Antécédents des patients migrants (d’après les dossiers urqual) 75 Concernant le motif de consultation, les migrants expriment le plus souvent une plainte douloureuse, essentiellement d’origine traumatique, ce qui rejoint l’échantillon général. En seconde position, viennent les signes fonctionnels respiratoires. Motifs de consultation des patients migrants à la consultation du circuit court A noter, deux demandes de dépistage pour le VIH et un diagnostic de grossesse. 30% des patients ont bénéficié d’examen complémentaire, ce qui est similaire aux résultats de l’ensemble des patients de la consultation. 2 patients migrants ont été hospitalisés : Une crise d’angoisse. Un surdosage en paracétamol dont le motif de consultation était une douleur du bras. 18 patients ont été adressés chez un médecin généraliste à la sortie de la consultation mais 5 d’entre eux déclaraient ne pas en avoir. Etat de santé ressenti Les patients migrants qualifient leur état de santé avec la répartition suivante : 22% s’estiment en « très bonne » santé. 35% en « bonne » santé. 10% ressentent un état de santé « moyen ». 76 10% « très moyen ». 23% utilisent le qualificatif « passable » pour décrire leur état de santé. Etat de santé ressenti des patients migrants Ci-dessous, nous comparons l’état de santé ressenti chez les moins de 30 ans et les plus de 60 ans : ces derniers ne se déclarent apparemment pas en plus mauvais état de santé, contrairement à la population générale où l’on observait des différences significatives entre ces deux tranches d’âge. Etat de santé ressenti chez les patients migrants en fonction de l’âge Satisfaction des patients A la fin de la consultation, 82% de migrants et 88% des non migrants se disent satisfaits sans qu’il n’y ait de différence significative entre ces deux groupes (p>0,05). 77 Les femmes migrantes Ces dernières années, les études ont remarqué une féminisation de la population migrante et un nombre croissant de mineurs. Dans mon étude, elles représentent 32% des patients migrants. L’âge moyen est de 42 ans et l’âge médian est de 36 ans. Elles sont donc sensiblement plus âgées que le reste de la population. Il y a autant de femmes mariées que célibataires. Les femmes migrantes ont plus souvent des enfants par rapport aux hommes (p=0,05). Elles travaillent majoritairement comme « employées », avec un taux de chômage élevé (17%). Une seule femme est cadre. La majorité a un niveau d’étude secondaire. 14% d’entre elles déclarent ne jamais être allée à l’école (p=0.006 lors de la comparaison avec les hommes migrants). Globalement, on constate dans mon échantillon que les femmes migrantes présentent des catégories socio-professionnelles moins élevées, une formation plus courte et une absence totale de scolarisation plus fréquente par rapport aux hommes. Niveau d’étude des populations : non migrante, migrante féminine, , migrante masculine Concernant leur couverture maladie, la répartition est sensiblement la même que celle de la population migrante masculine. 78 Couverture maladie des populations : non migrante, migrante féminine, migrante masculine L’étude de leur histoire migratoire montre qu’elles sont arrivées plus tardivement en France : 65% sont arrivées après 1990 et 13% sont de très jeunes migrantes, présentes depuis moins d’un an et demi. La majorité a migré pour des raisons familiales puis pour des raisons professionnelles et économiques. Raisons de migration des femmes migrantes 72% sont suivies par un médecin généraliste et 28% l’ont consulté avant de venir aux urgences. La médiane d’évolution de leurs symptômes est de 2 jours et on retrouve la douleur comme première plainte. 79 Enfin, la majorité d’entre elle se déclare en « bon état de santé ». Migrants en situation irrégulière Ils représentent 25% de la population migrante et 11% de la population totale. 3 femmes sont présentes dans ce groupe, soit 13%. L’âge moyen est de 35 ans. Il y a un mineur de 16 ans. Ils recouvrent15 nationalités différentes sans qu’une se détache particulièrement. Leur date d’arrivée en France est en moyenne beaucoup plus récente (2007) et 60% sont en France depuis moins de 2 ans. Leur principale raison de migration est professionnelle et économique suivie de près par la demande d’asile politique. Une personne est venue pour les études. Cette personne, arrivée dans les années 1990 est allée à l’université et est sans emploi actuellement. Moins d’un tiers d’entre eux est couvert par l’AME et seuls 31% des patients se disent suivis par un médecin généraliste. Répartition des patients suivis et non suivis chez les non migrants et les migrants Un quart des patients en situation irrégulière a consulté un généraliste avant de venir au SAU. Les autres justifient leur recours direct aux urgences par les raisons suivantes : Nombre de réponses Raisons évoquées Problème financier 6 Carence d'information 5 Sur conseils d'un tiers 2 Problèmes liés à la prise de rdv 1 Douleur intense, médicaments inefficaces 3 80 Total réponses 15 Raisons de l’absence de consultation préalable chez le médecin généraliste déclarées par les patients en situation irrégulière On retrouve en tête les problèmes financiers et le manque d’information sur les systèmes de soins accessibles. Tableau récapitulatif Les caractéristiques des patients migrants sont résumées dans le tableau suivant : Caractéristiques Nombre (%) Sexe Caractéristiques Nombre(%) Caractéristiques Nombre(%) Suivi par médecin généraliste Lieu d'habitation Homme 62 (69%) SDF 10 (12%) Oui 55 (62%) Femme 29(30%) Appartement 61 (63%) Non 34 (38%) Foyer 1 (1%) Couverture maladie Age <25 ans 20(36%) Hôtel 7 (9%) aucune 16(18%) 25-34 12(21%) Maison 10 (11%) 12(14%) 35-54 19(35%) Situation maritale AME CMU et CMUc 55-70 3(0,6%) Marié/e 29 (31%) SS 13(15%) >70 ans 1(0,1%) Célibataire 37 (40%) SS+MUT 27(30%) Moyenne 40 ans Divorcé/e 8 (8%) 3(4%) Pacsé/e 0 (0%) ALD Etat de santé ressenti Veuf (ve) 1 (1%) très bon 13 (22%) bon 21 (35%) 41 (77%) moyen 6 (10%) 12 (22%) très moyen 6 (10%) 11 (20%) passable 14 (23%) Continent d'origine Afrique dont Maghreb dont Afrique subsaharienne 57(62%) 34% Enfant 29% Sans enfant 9(9%) Asie 7(8%) Proche Orient 7(8%) Avec enfant Séparé(e) de ses enfants Europe 10(11%) Nombre d'habitant Amérique du Nord 1(1%) Vit seul 17 (22%) Oui 21 (23%) Amérique du Sud 5(5%) Vit > 5personnes 7 (9%) Non 68 (76%) Amérique centrale 3(3%) CSP Raison migration Maladie chronique Traitement au long cours 20 (22%) Oui 25 (28%) Familiale Professionnelleéconomique 28 (34%) Cadre Employé 4 (4%) 25 (30%) Artisan 2 (2%) Non Déclaration médecin 63 (71%) d’un traitant Etude 8 (10%) Ouvrier 14 (16%) Oui 41 (66%) Médicale 6 (7%) Chômeur 15 (17%) Non 62 (44%) Politique, asile Politique, Economique 14 (17%) Retraité arrêt maladie, 1 (1%) sans emploi 5 (6%) 2 (2%) 81 Situation Etudiant 7 (8%) Régulière 63 (86%) Intermédiaire 5 (6%) Irrégulière 23 (26%) Militaire 1 (1%) Date d'arrivée en France Avant 1990 Niveau d'étude 25 (29%) jamais d'école 2 (3%) Entre 1990 et 2005 31 (36%) primaire Depuis plus de 10 ans 32 (37%) secondaire 17 (18%) Après 2005 Depuis moins de 2 ans Depuis moins d'1 an 22 (24%) 45 (46%) 31 (36%) université 22 (25%) 12 (15%) Caractéristiques des patients migrants de l’étude 2) Le suivi par le médecin généraliste La place du secteur de soins primaires et l’importance d’un suivi personnalisé par un médecin généraliste référent ne semblent plus être discutées dans notre système de santé actuel. Promouvoir la santé d’une population vulnérable passe inéluctablement par une réflexion sur leur niveau d’accès aux dispositifs de santé et sur les moyens d’adapter l’offre à la demande. J’ai donc relevé les caractéristiques des patients suivis en ville dans mon étude, qui représentent 70% de l’échantillon, afin de discuter des facteurs susceptibles d’interagir avec un recours au médecin généraliste. La population migrante ayant recours aux soins de médecine générale Age et sexe La moyenne d’âge atteint 42 ans chez les patients suivis migrants. Il y a 40% de femmes et 60% d’hommes. 82 Répartition des patients migrants déclarant être suivis par un médecin généraliste par tranche d’âge Histoire migratoire La médiane de la date d’arrivée des patients en France est 2001, la moyenne est 1991. 30% des patients résident en France depuis plus de 20 ans. 20% depuis moins de 5 ans. La moitié des patients a migré pour des raisons familiales. 13% des patients déclarent être en situation irrégulière. 20% des patients ont acquis la nationalité française. Domaine socio-professionnel La majorité des patients migrants suivis appartiennent à la catégorie d’employée, suivie par ouvrier et chômeur. Il y a 5% de cadres. 83 Répartition des patients migrants déclarant être suivis par un médecin généraliste par catégorie socio professionnelle Caractéristiques sanitaires 83% des patients migrants déclarant être suivis par un médecin généraliste connaissent son nom et près de 40% l’a déclaré comme médecin traitant auprès de la sécurité sociale. Les patients le consultent en moyenne 5 à 6 fois par an. 26% d’entre eux sont suivis par un spécialiste. Pour ce qui est de leur parcours thérapeutique, ¼ des patients consultent pour la première fois aux urgences. 30% viennent accompagnés. Ils consultent en moyenne pour des symptômes évoluant depuis deux mois avec une médiane à 5 jours. La répartition des patients selon leur durée d’évolution des symptômes est plutôt éparse : la moitié consulte pour des symptômes évoluant depuis moins de 3 jours, 20% pour des symptômes évoluant depuis plus d’un mois. 32% déclarent avoir un recours direct aux urgences, sans consulter au préalable leur médecin et les justifications sont détaillées dans le tableau ci-dessous : Nombre de patient Raisons évoquées médecin généraliste absent problème de rendez vous échec prise en charge 84 8 4 4 précédente proximité des urgences adressé par un autre médecin l'avait déjà consulté la veille accès au spécialiste douleur trop intense difficultés financières veut une radiographie via pompiers hors capacité médecin traitant 3 2 2 2 2 2 2 1 1 Raisons évoquées par les patients migrants suivis de l’absence de consultation préalable chez leur médecin généraliste Etat de santé ressenti Les patients migrants suivis déclarent plus souvent un très bon état de santé que les patients migrants non suivis (p=0.04). Comparaison de l’état de santé entre les patients migrants suivis et non suivis par un médecin généraliste La déclaration d’un médecin généraliste traitant à la sécurité sociale Le taux de déclaration d’un médecin traitant à la sécurité sociale dans la population migrante est de 66%. Parmi les patients suivis, ce taux est à 75%. A noter que le taux de réponse à cette question est de 65%. Parmi les patients concernés par la réforme du médecin traitant, 80% des patients répondeurs savent que la déclaration est obligatoire : 74% des migrants et 89% des non migrants. Cette différence n’est pas significative. A noter que 50% des bénéficiaires de la CMU ont déclaré un médecin traitant alors que ce n’est pas obligatoire. 85 Parmi les personnes qui ignoraient que la déclaration est obligatoire, la moitié a un médecin généraliste et 4 l’ont choisi comme médecin traitant. Savez-vous que la déclaration du médecin traitant est obligatoire ? L’itinéraire thérapeutique des patients migrants En moyenne, les patients consultent leur médecin 4 fois par an. Dans mon échantillon de patients migrants, 27% personnes déclarent consulter pour la première fois aux urgences. Par ailleurs, 75% des patients migrants se rendent aux urgences sans avoir consulté au préalable leur médecin traitant, contre 85% des patients non migrants (p>0.05). La durée d’évolution des symptômes semble avoir un lien avec cet accès direct aux urgences : en effet, les patients dont le problème évolue depuis peu (moins de 3 jours) a moins souvent consulté au préalable son médecin généraliste que ceux dont le symptôme dure depuis plus de deux semaines (p=0.006). Présence d’une consultation préalable chez le médecin généraliste en fonction de la durée d’évolution de symptômes 86 Un recours direct au SAU Le taux de réponse à la question « pourquoi n’avez-vous pas consulté votre médecin généraliste avant de venir aux urgences ? » est de 80%. Il s’agit ici d’essayer de déterminer pourquoi ces personnes triées en bleu clair, donc ne nécessitant pas de plateau technique hospitalier, consultent dans un service d’accueil des urgences plutôt que chez leur généraliste. Ceci n’a pas pour but de les exclure de ce réseau mais en consultant aux urgences pour des motifs simples et souvent chroniques, ils s’exposent malgré eux à une prise en charge inadaptée qui peut être préjudiciable pour leur suivi futur. Il s’agit en réalité de les guider et de les orienter correctement afin qu’ils puissent bénéficier d’une prise en charge optimale et adaptée à leurs besoins. Les patients migrants justifient leur venue directe aux urgences par les raisons suivantes : N’a pas de médecin généraliste traitant ou méconnait le système de soins (29%). Problème financier ou administratif (19.5%). Absence physique du médecin généraliste (17%). Caractère urgent ressenti de leur motif de consultation (12%). Sur les conseils d’une tierce personne (10%). Le rendez-vous chez leur médecin généraliste est trop tardif, l’horaire ne convient pas (7%). Souhaite réaliser une radio (5%). La contrainte de la prise de rendez-vous chez le médecin généraliste (5%). A déjà consulté son médecin généraliste pour un autre symptôme (5%). Proximité des urgences (5%). Souhaite voir un spécialiste (2.5%). Est amené par les pompiers (2.5%). 87 Raisons justifiant l’absence de consultation préalable chez le généraliste pour les migrants (en %) Les inconvénients du généraliste, les avantages des urgences Une question proposait aux patients de citer les défauts d’une consultation chez le médecin généraliste et les avantages perçus lors d’une consultation au sein d’un service hospitalier d’accueil des urgences. Le principal défaut que les personnes relèvent dans le circuit du cabinet du généraliste est en rapport avec la prise de rendez-vous. Le fait de ne pas avoir à prendre rendez-vous est d’ailleurs, selon la majorité, le principal avantage des urgences. 88 Les réponses des patients migrants aux questions « Quels sont les défauts d’une consultation chez le médecin généraliste ? » et « Quels avantages trouvez-vous à consulter aux urgences ? » sont illustrées par les graphiques ci-dessous : Problèmes recontrés lors des consultations de médecine générale par les patients migrants Avantages d’un SAU pour la population migrante Des réponses se démarquent : Les problèmes liés à la prise de rendez-vous : Ce critère semble déterminant dans le choix du recours au système de soin. 89 30% des patients mettent d’ailleurs en avant l’avantage d’une disponibilité des urgences 24h sur 24. Des difficultés d’ordre financier ou administratif : 19.5% des patients déclaraient ne pas avoir consulté au préalable leur médecin généraliste pour des raisons financières ou administratives. On retrouve cet item dans près de 20% des réponses concernant les défauts des consultations de médecine générale. 7% des personnes disent avoir été refusé par un médecin en ville à cause de leur couverture par la CMU ou l’AME. Enfin, 4% des patients soulève l’importance de la présence d’une assistante sociale aux SAU. Difficultés de communication : Le troisième problème évoqué chez le médecin généraliste est lié aux problèmes de langue donc de communication. En revanche, la communication ne semble pas particulièrement facilitée aux urgences. Lors de mon étude, j’ai été confronté à des personnes ne parlant peu ou pas français. Trois questionnaires n’ont pas été remplis à cause de cela : le refus est quelques fois venu du patient luimême qui ne préférait pas participer à l’étude. Sur les 5 personnes ne parlant pas français, 2 étaient accompagnées, tout comme chez les 6 personnes qui signalaient cette difficulté lors des consultations de médecine générale. Proximité du système de soin : Le critère géographique apparait comme un élément important dans le choix du système de soin : 15% des patients mettent en avant la proximité du service d’urgence et 4% regrettent que leur médecin généraliste soit éloigné de leur lieu de travail ou de leur domicile. Le tableau suivant met en parallèle les défauts de la consultation de médecine générale et les avantages du service d’accueil des urgences exprimés par les patients de l’échantillon. Avantages Défaut MG SAU 41% 46% financier 18% 4% Critère géographique 4% 18% Communication 15% 0% Durée de consultation 9% 5% Lié à la prise de RDV Aspect administratif et/ou 90 Accès au plateau technique 2% 1% Accueil, écoute 0% 5% Accès service social 0% 4% Les défauts du médecin généraliste et les avantages du SAU cités par les patients migrants D- Analyse et discussion 1) Analyse comparative Comparaison avec la population non migrante de l’étude Age et sexe La répartition selon l’âge diffère légèrement entre les groupes « migrants » et « non migrants ; la majorité des migrants appartient à la tranche d’âge 35-54 ans et est en moyenne plus âgée (40 ans) que la population non migrante (33 ans) et totale (38 ans). Néanmoins, un seul patient migrant a plus de 70 ans. 91 Une différence discrète existe également dans la répartition des sexes : les femmes sont plus représentées dans la population non migrante mais elle est toute juste significative (p=0,05). Caractéristiques socio-professionnelles Les observations tirées de la comparaison entre les modes de vie des patients migrants et non migrants sont représentées dans le tableau suivant : 9% des migrants déclarent partager leur foyer avec plus de 5 personnes contre aucun patient non migrant (p=0.04) Caractéristiques Migrant Non migrant p Pas d'enfant 44 (54%) 23 (50%) 0.1 Enfant(s) 39 (48%) 23 (51%) 0.4 enfants 11(47%) 5(50%) 0.6 Célibataire 37 (40%) 30(58%) 0.7 Marié 29 (31%) 15(30%) 0.5 Vit seul 17 (22%) 16 (33%) 0.4 Vit > 5 personnes 7 (9%) 0 0.04 Séparé(e) de tous ses Mode de vie des patients migrants et non migrants Du point de vue de la couverture maladie, les figures suivantes montrent que les migrants présentent un pourcentage plus faible de bénéficiaires (80%) par rapport aux non migrants (p=0.02). 92 Couvertur e maladie Population CMU AME SS +/- Mut ALD Patients couverts Touriste Patients non couverts Totale 86% 19 12 75 6 1 113 18 Migrante 80% 9 12 41 3 0 65 17 Non migrante 95% 8 0 34 3 1 46 2 0,5 0,004 0,03 0,66 1 0,01 0,02 P IC 5-16 0,19-0,88 13-168 1,3-27 Répartition des couvertures maladie dans les différents groupes de l’étude On remarque parmi les personnes se déclarant chômeuses que 58% sont migrants sans qu’il n’y est de différence significative avec les non chômeurs (p>0.05). Il n’y a non plus pas de différence significative pour le taux de chômage entre les migrants et les non migrants. En revanche, les cadres sont plus fortement représentés dans le groupe non migrant (p=0,05). Les patients ont également été interrogés sur leur formation professionnelle. Le graphique comparant le niveau d’étude entre migrants et non migrant est exhaustif : plus on va vers un niveau d’étude élevé, plus la proportion des migrants diminue. Les non migrants vont plus souvent à l’université. Aucun d’eux ne déclare n’être jamais allé à l’école (p=0,0002). 93 Répartition de migrants selon leur niveau d’étude Niveau Non d'étude Migrant migrant p IC jamais 4 0 0,0002 O,04-0,003 pas de chi NSP 2 3 2 0,005-0,06 primaire 17 2 0,01 0,07-0,18 secondaire 45 23 0,3 0,40-0,60 université 22 27 0,003 0,26-0,42 Répartition des migrants et des non migrants en fonction de leur niveau d’étude Caractéristiques sanitaires 21% des patients migrants déclarent avoir une maladie chronique et 28% prendre un traitement au long cours, contre respectivement 14% et 22% des patients non migrants. Dans les deux groupes, le principal antécédent déclaré est l’hypertension artérielle. 18% des patients migrants ont déjà été hospitalisés contre 12% des patients non migrants. Enfin, environ 20% des répondeurs de chaque groupe disent être suivis par un spécialiste. Aucune de ces différences n’apparait statistiquement significative. 94 La durée d’évolution des symptômes motivant les patients à consulter aux urgences est comparable dans les deux groupes. Cependant, on remarque des différences significatives pour les deux bornes extrêmes : Les migrants consultent plus souvent pour des symptômes évoluant depuis des mois. On retrouve plus de migrants dans le groupe consultant pour des symptômes existant depuis moins de 24 heures. p=0,05 p=0,01 Durée d’évolution des symptômes motivant la consultation aux urgences : migrants et non migrants Concernant l’état de santé ressenti, nous n’observons pas de différence entre les migrants et les non migrants pour les réponses « très bien », « bien », « moyen » et « très moyen ». En revanche, les migrants utilisent davantage l’adjectif « passable » pour qualifier leur état de santé (p=0.006). Très moyen 95 Etat de santé ressenti par les populations Passable Enfin, l’étude des réponses à propos de l’itinéraire thérapeutique des patients montre que 75% des patients migrants se rendent directement aux urgences sans avoir consulté au préalable leur médecin traitant, contre 85% des patients non migrants (p>0.05). Si l’on compare les justifications de ce recours direct à celles des non migrants, les remarques découlent : Les non migrants sont plus souvent insatisfaits d’une prise en charge précédente par le médecin généraliste (p=0.006) et souvent par un temps Passable d’attente trop long (p=0.004) ou un rendez-vous proposé qui ne leur convient pas : trop éloigné, horaires non compatibles (p=0.02). Les non migrants consultent également plus souvent aux urgences pour accéder à un avis spécialisé (p=0.009). Le délai d’attente aux urgences n’est pas évoqué par les migrants. Il n’y a pas de différence significative pour les motifs d’ordre financiers ou administratifs entre les deux populations. Aucun patient non migrant ne déclare de problèmes secondaires au manque d’information sur le fonctionnement du système de soin (p=0.05). 96 Réponses des patients migrants et non migrants à la question : « Pourquoi n’avez-vous pas consulté votre médecin généraliste pour ce symptôme ?» Facteurs liés au suivi par un médecin généraliste chez les patients migrants 97 Age et sexe L’âge moyen est similaire chez les patients migrants suivis et non suivis. La différence entre les deux sexes n’est pas significative. Caractéristiques socio-professionnelles 68% des chômeurs sont suivis contre 91% des cadres. Cependant cette différence n’est pas significative, ni avec les cadres, ni avec l’ensemble des personnes actives. Caractéristiques sanitaires Le graphique ci-dessous illustre les résultats suivants : 67% des patients suivis par un médecin généraliste bénéficie de la sécurité sociale + /mutuelle contre 37% des patients non suivis (p=0.002) Les patients non suivis sont plus nombreux à ne bénéficier d’aucune couverture maladie (p=0.0001) Distribution des couvertures maladies dans les groupes suivis et non suivis 98 Le facteur « couverture par la sécurité sociale » semble donc lui aussi lié au suivi par le médecin généraliste. Par ailleurs, la comparaison des bénéficiaires des différentes couvertures maladie montre que c’est le groupe ALD qui détient la proportion la plus importante de patients suivis (83%). Arrivent ensuite et sont relativement proches, les groupes « sécurité sociale » (78%) et « CMU » (73%). Les patients bénéficiaires de l’AME présentent moitié moins (38%) de bénéficiaires suivis par un médecin généraliste. Histoire migratoire Répartition des patients suivis et non suivis par un médecin généraliste Nous voyons que 80% des patients non migrants sont suivis contre 60% des patients migrants (p=0,009) et 30% des personnes en situation irrégulière (p=0,02). Mes données vont dans le même sens que les précédentes études : être migrant et en situation irrégulière sont des facteurs de mauvais pronostic pour le suivi par un médecin généraliste. 99 Répartition des patients suivis et non suivis chez les migrants, les non migrants, les patients en situation irrégulière L’ancienneté de la résidence sur le territoire français favorise par contre un suivi par un médecin généraliste : 80% des patients arrivés avant 1990 sont suivis contre 50% des arrivés après 1990 (p=0,006). Le graphique suivant permet d’observer la répartition par nationalité des patients suivis ou non suivis. Les groupes sont de taille réduite mais on remarque pour les 3 principales nationalités de mon étude que : les algériens ont dans plus de 90% des cas un médecin généraliste. les maliens et les marocains approchent les 50% de taux de suivi. 100 Répartition des patients suivis et non suivis par un généraliste en fonction de leur nationalité Etat de santé ressenti Les patients non suivis se ressentent plus souvent en « très bon » état de santé ou au contraire, lui attribuent plus fréquemment le qualificatif « passable » mais ces résultats ne sont pas significatifs. Pourtant, il apparait que les patients suivis : déclarent être plus souvent porteurs d’une maladie chronique (p=0.44). ont 4 fois plus souvent un traitement au long cours (p=0.02). ont 6 fois plus souvent été déjà hospitalisés (p=0.04). Ceci diffère de la population générale, où les patient suivis se ressentaient en meilleur état de santé (p<0.05). 101 Tableau récapitulatif Caractéristiques patient suivis non suivis p IC migrant 54 34 0,0099 0,62;0,77 non migrant 45 9 migrant arrivé avant 90 22 4 0,006 0,5;0,71 migrant arrivé après 90 31 30 nationalité française 53 9 0,006 0,73;0,87 nationalité étrangère 47 15 Couverture maladie 86 5 0,0001 3.1-32 Sans couverture maladie 19 11 Femme 44 12 Homme 57 31 chômeur 18 8 non chômeur 79 23 cadre 11 1 0,3 chômeur 18 8 0.4 état de santé « très bon » 9 10 0.18 état de santé « passable » 9 10 0.18 Maladie chronique 14 6 0.44 Pas de maladie chronique 50 35 Traitement au long cours 33 4 Pas de traitement 65 29 0.09 0,5 0.02 0.62-0.77 Résumé des caractéristiques des patients migrants suivis par un médecin généraliste Comparaison avec les études précédentes J’ai réalisé une comparaison avec trois autres populations : La population migrante consultant à la Polyclinique de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, d’après le travail de thèse de Lucie Mathieu-Zahzam en 2011 (55). La population de la polyclinique Verlaine à l’hôpital Saint-Louis d’après le rapport d’activité de 2010 (56). La population des consultations d’accueil et d’orientation (Caso) de médecins du monde d’après le rapport d’activité de 2011 (47). 102 Le tableau ci-dessous illustre que ces populations présentent des caractéristiques semblables. Cependant, quelques particularités sont identifiables : les populations de Verlaine et des Caso sont plus souvent originaires d’Europe et moins d’Afrique par rapport à ma population. La première raison de migration est professionnelle et économique pour les migrants de Saint Antoine et non pas familiale. La situation des personnes est plus souvent irrégulière pour les patients de Saint-Antoine et Verlaine et surement plus précaire à l’hôpital Saint-Louis car les patients sont plus isolés et très nombreux à ne pas être suivis par un médecin généraliste. Polyclinique Consultation Caso Mon étude St Antoine Verlaine MDM homme 62 (69%) 62,50% 65% 60% femme 29(30%) 37,50% 35% 40% 40 ans 45 ans 46 ans 33 ans Afrique 57(62%) 68% 45% 46% dont Maghreb 34% 21% 18% 22% saharienne 29% 47% 27% 24% Asie 7(8%) 3,20% 14% 4,30% Proche Orient 7(8%) 4,70% 4% 4,80% Europe 10(11%) 15% 28% 31% Amérique du Nord 1(1%) 4% (Amer) Amérique du Sud 5(5%) Amérique centrale 3(3%) Caractéristiques Sexe Age Moyenne Continent d'origine dont Afrique sub- 4,3% 1% Raison migration Familiale (Amer) 28 (34%) 19% économique 25 (30%) 39% Etude 8 (10%) 6% Médicale 6 (7%) 9% Politique, asile 14 (17%) Politique, économique 1 (1%) Professionnelle- 16% politique Situation 103 Régulière 63 (86%) 48,90% 39% Irrégulière 23 (26%) 49,60% 61% Avant 1990 25 (29%) 23,00% Depuis plus de 10 ans 32 (37%) 33,00% Depuis moins de 2 ans 22 (25%) 24,80% Depuis moins d'1 an 12 (15%) 32% SDF 10 (12%) 14% Appartement 61 (63%) Foyer 1 (1%) Hotel 7 (9%) Maison 10 (11%) 14% Date d'arrivée en France Lieu d'habitation Enfant Sans enfant 41 (77%) 60% Avec enfant 12 (22%) 39% Séparé(e) de ses enfants 11 (20%) 12% Vit seul 17 (22%) 75% Vit > 5personnes 7 (9%) Nombre d'habitant Catégorie socio profesionnelle Employé 20 (22%) Cadre 4 (4%) Artisan 2 (2%) Ouvrier 14 (16%) Chomeur 15 (17%) 4,60% Retraité 5 (6%) 9,40% arrêt maladie, sans emploi 2 (2%) 12,60% Etudiant 7 (8%) Intermédiaire 5 (6%) Militaire 1 (1%) Niveau d'étude jamais d'école 4 (6%) 7,50% primaire 17 (18%) 25% secondaire 45 (46%) 42% université 22 (24%) 19% Suivi par médecin généraliste Oui 55 (62%) Non 34 (38%) 85% 104 Couverture maladie aucune 16(18%) 7,30% 64% 22% AME 12(14%) 28% 14% 9% CMU et CMU-c 9(9%) 16% 16% SS 13(15%) 29% rég gen 1% SS+MUT 27(30%) 2% ALD 3(4%) 2% 50%,17 % Maladie chronique Oui 21 (23%) 55% Non 68 (76%) 46% 55% Comparaison des patients de 3 sites de consultations : MdM, Hôpital Saint Louis, Hôpital Saint Antoine, Hôpital Bichat 2) Points forts et limites de l’étude Le questionnaire La plupart des enquêtes sur les migrants sont qualitatives. Mon choix s’est orienté vers des questions fermées qui me permettaient d’augmenter la taille de mon échantillon et gagner en terme de représentativité. De plus, cette méthode évite le biais dû à la subjectivité de l’enquêteur. Cependant, certaines réponses ont laissé libre cours à l’expression des patients, ce qui a permis de bénéficier également des avantages d’une approche qualitative. Certains questionnaires ont été incomplètement remplis donc plusieurs items restent classés en « NSP ».La durée de réponse était relativement courte donc le temps ne semble pas incriminé dans ces réponses blanches. Les questionnaires n’ont pas été repris avec chaque patient pour compléter les réponses manquantes car je ne voulais pas être trop intrusive. Certaines questions ont pu être imprécises ou mal comprises, notamment celle qui concernait le suivi par le médecin généraliste car celui-ci n’était pas clairement défini. Cependant, des questions subsidiaires ont pu préciser ce qu’il représentait chez les patients (connaissance du nom du médecin, nombre de consultation par an). Les questions sur la satisfaction, les défauts des systèmes de soin et encore plus sur la situation administrative peuvent présenter un biais dans leurs réponses car les patients pouvaient craindre un retour négatif en me rendant le questionnaire bien que je me sois efforcée de préciser à chaque fois que l’étude était anonyme. 105 Certains patients m’ont demandé de remplir le questionnaire à leur place en raison d’illettrisme ou de difficulté de langue: ceci engageait donc un biais supplémentaire appelé « biais de courtoisie », où le patient n’ose pas tout révéler. Cependant, j’ai pu partager des moments avec ces patients et apprendre davantage sur leurs histoires. Un questionnaire traduit en différentes langues aurait pu être envisagé. Plusieurs questionnaires n’ont pas été rendus, sans doute quelques fois oubliés. Je pense que ma méthode ne facilitait pas le recueil des questionnaires : la mise en place d’une « boite » destinée à récupérer les questionnaires et visibles avant la sortie des patients, permettrait d’améliorer le rendement. La population étudiée Le recrutement des patients s’est réalisé sur 5 jours aux urgences de l’hôpital Bichat. L’échantillon n’est donc pas représentatif de la population française. Cependant, cette étude était descriptive et ses objectifs étaient l’analyse d’une population ciblée, consultant en secteur bleu clair aux urgences de Bichat. Ce manque de représentativité ne permet pas de tirer des conclusions définitives mais ouvre la voie à une réflexion et à des discussions intéressantes. Par ailleurs, la plupart des études sur les difficultés de prise en charge des migrants en médecine générale interrogeaient les soignants : j’ai volontairement choisis d’interroger les patients. Le temps et le lieu J’ai choisi les urgences de Bichat pour avoir accès des patients d’origine sociale et culturelle variées. Mais ceci entraine également un biais avec une très probable surreprésentation de la population migrante. De même, le pourcentage de patients non suivis par un médecin généraliste tend à être surestimé car on peut penser que les patients qui ont un médecin généraliste traitant se rendent moins aux urgences pour des motifs simples de recours aux soins. L’étude du suivi par un médecin généraliste étant envisagée, les heures et les jours de l’étude correspondaient à des plages horaires ouvrables des cabinets de médecine générale. 106 Durant la période d’élaboration de ma thèse, j’ai pensé faire un recrutement auprès de différents médecins généralistes ; j’aurai pu décrire de la même façon les caractéristiques sociodémographiques et sanitaires des patients migrants et non migrants, leur demander de décrire leur ressenti lors de la consultation. Mais mon échantillon aurait été composé de personnes suivies donc déjà intégrées dans le système de soins primaires. Or, un des objectifs de mon étude était d’essayer de déterminer les facteurs liés à l’absence de suivi par un médecin généraliste afin de proposer des solutions adaptées visant à l’amélioration de l’offre et de l’accès aux soins primaires. Il me paraissait alors plus adapté de choisir une population composée de personnes suivies et non suivies par un médecin généraliste, qui consultait pour un motif relevant de la médecine générale un médecin non généraliste. 3) Discussion La population migrante a moins recours au médecin généraliste Dans mon étude, la population migrante est moins suivie par un médecin généraliste que la population non migrante et le taux de déclaration d’un médecin traitant à la sécurité sociale est inférieur au taux national. Cette population, qui doit déjà faire face à de nombreux facteurs de vulnérabilité, a donc moins accès au réseau de soins primaires, qui représente pourtant la cible clé en matière de lutte contre les inégalités sociales de santé. En 2008, l’OMS rappelle que : « la justice sociale, le droit à la santé pour tous ainsi que la participation et la solidarité sont étroitement associées au concept de soins de santé primaire et c’est par eux que ces valeurs prennent corps et permettent la réduction des inégalités sociales de santé ». (3) Les raisons de cette déficience sont multiples et souvent complexes. Cependant, il est important de les étudier pour engager des actions. Favoriser un suivi par un médecin généraliste pour la population migrante est doublement bénéfique : d’un point de vue individuel, il améliore leur état de santé, et d’un point de vue collectif car palier aux difficultés des uns contribue à mieux adapter l’offre à la demande et ainsi améliorer la prise en charge des autres. 107 Comment faciliter son accès aux soins de médecine générale ? Mon étude a permis de dégager des pistes de réflexion susceptibles d’améliorer l’accès aux soins de médecine générale pour les patients migrants grâce à l’étude des caractéristiques des patients se déclarant suivis par un médecin généraliste et l’interrogatoire sur leur ressenti et les difficultés rencontrées lors de leur parcours de soins. Eduquer les patients et diffuser l’information Dans le cadre du parcours de soins, la présence d’un médecin généraliste référent pour chaque patient facilite la coordination et l’organisation de son suivi. La consultation aux urgences peut être l’occasion de rappeler aux patients sa nécessité. Il a d’ailleurs été montré dans une étude de 2010 que le taux de déclaration du médecin traitant avait augmenté de 17% au décours de la mise en place d’une consultation de ce type (54). La question « Quel est le nom de votre médecin traitant ? » prend là tout son sens et doit, en cas de réponse négative, déclencher une discussion argumentant les bénéfices d’un suivi personnalité et rapproché. Plusieurs patients nous ont confié qu’il connaissait mal l’organisation du système de santé français et que le seul recours aux soins connus était l’hôpital. L’information du patient au sens large est déterminante : elle concerne à la fois le domaine administratif, social, thérapeutique et la prévention des maladies. Plusieurs études ont d’ailleurs déjà montré que la diffusion de documents adaptés aux patients a permis d’obtenir leur adhésion à des programmes de prévention (cancer du col utérin par exemple). De la même manière et en accord avec les médecins du quartier, une distribution de plaquettes à la sortie de la consultation du SAU avec leurs coordonnées, encouragerait peut être le patient à prendre un premier contact afin d’organiser son suivi futur. Il convient également de répertorier les autres structures de soins disponibles et préciser leurs rôles (SOS médecins, maisons médicales de garde etc..). Minimiser l’impact des difficultés financières et administratives Dans la thèse de C. Matz, 92% des médecins déclarent présenter des difficultés lors de la prise en charge des patients précaires, qui résident dans 62% des cas dans les contraintes financières. 108 Pour ce qui est des patients à faibles revenus, la pratique du non dépassement s’impose de toute évidence, pour permettre un accès égal et juste aux soins de médecine générale. En revanche, il parait malheureusement difficile d’envisager un suivi en ville pour un patient dépourvu de ressource financière. Aucune étude n’a quantifié la proportion de consultation « gratuite » qu’effectuent certains médecins généralistes pour des patients très précaires. Ceci, réalisable au cas par cas, n’est pas une solution satisfaisante. Il est d’autre part légitime que les généralistes se voient régler leur consultation, d’autant plus que les problèmes financiers se représenteront par la suite lors des explorations complémentaires. Pour ces patients extrêmement précaires, des organisations dédiées sont donc recommandées : le COMEDE ou Médecins du monde par exemple, où ils peuvent bénéficier d’un suivi personnalisé par un médecin généraliste. Cela requiert de la part du médecin généraliste la nécessité de s’informer sur les structures environnantes et de développer des partenariats avec ces structures d’aide au plus défavorisés, afin d’orienter correctement les patients concernés. En ce qui concerne les problèmes administratifs, leur résolution semble passer par la mise en place d’un partenariat médico-social. Toujours dans un esprit d’approche globale du patient, le recours aux équipes psychosociales est indispensable pour aider cette population précaire à améliorer sa situation ; établir un environnement stable est une indispensable. Dans son étude, A.Aubry montre que 58% de son échantillon de médecin généraliste du 13ème arrondissement parisien évoque des problèmes dus à l’isolement de leur pratique associé à un manque de connaissances des structures relais existantes (52). Ici encore, nous voyons que l’amélioration de la prise en charge des patients se fera au prix d’une collaboration interdisciplinaire et que le développement des voies de communication ville-hôpital est inhérent à l’optimisation des systèmes de santé. Le médecin généraliste est ainsi encouragé à s’entourer de professionnels aux compétences variées (associations, praticiens hospitaliers, ethnopraticiens, groupe d’éthique, assistance sociale) et mutualiser les moyens disponibles afin de créer une dynamique de groupe qui augmentera les chances de réussite de ses projets. Organiser la consultation 109 Une des principales contraintes citées par les patients migrants lors d’une consultation de médecine générale concerne la prise de rendez-vous. Ceci se comprend aisément dans le sens où cette population présente souvent des difficultés de communication et d’accès aux informations. Je conviens bien qu’il soit compliqué pour un médecin généraliste de gérer tous ces problèmes organisationnels, professionnellement et personnellement, mais il paraitrait intéressant d’organiser des plages horaires de consultation sans rendez-vous : au cabinet ou en collaboration avec l’équipe hospitalière, en créant par exemple des créneaux à l’hôpital avec une équipe de médecin généraliste volontaires. Des difficultés de communication pour les patients non francophones sont également signalées par les patients migrants. Il existe des outils à disposition du médecin : traducteur via un abonnement téléphonique, carnet de l’HAS, logiciels informatiques etc. Maintenir une densité médicale suffisante Le critère géographique apparait en effet comme un critère de choix majeur dans l’itinéraire thérapeutique des patients. Le maintien d’une médecine de proximité est donc essentiel. Une formation en médecine transculturelle justifiée Notre échantillon comporte 91 migrants originaires de 30 pays différents. L’origine socioculturelle des patients est variée. Ceci permet d’introduire la notion qu’une formation à l’approche transculturelle serait bénéfique pour tout le personnel qui travaille au contact de ces patients. E- Perspectives de l’étude Les caractéristiques sociales démographiques et culturelles des patients ont une influence sur leur parcours de soin : l’ouverture et l’approfondissement de nos connaissances peut permettre d’améliorer leur prise en charge. Ceci encourage donc la poursuite d’étude, à plus large échelle et multicentrique. 110 Ce constat introduit également le débat actuel sur la légitimité de l’inscription des critères socioculturels des patients dans le dossier médical informatisé. Des études pourraient être menées avec pour objectif l’évaluation du point de vue de différents protagonistes : patients, médecins, anthropologues. Ceci requiert dans tous les cas un questionnement d’ordre éthique qu’il convient de confier à des professionnels. Quoiqu’il en soit, le maniement et l’étude des caractéristiques socio-culturelles sont périeux. Chaque acteur doit être rigoureux afin d’éviter des dérives stigmatisantes et la bascule dans l’hyperculturalisme. Enfin, afin d’évaluer l’impact des mesures préventives proposées ci-dessus, il conviendra de réaliser une étude à distance et de comparer le taux de patients suivis par un médecin généraliste. F- Conclusion de l’étude La population migrante est fortement touchée par les inégalités sociales de santé. La précarité sociale et économique auxquelles elle doit souvent faire face est un obstacle à l’accessibilité aux soins et à l’optimisation de sa prise en charge. Mon étude montre que les patients migrants sont significativement moins suivis par un médecin généraliste, et ce d’autant plus que leur précarité est importante. La médecine générale est pourtant un vecteur incontournable pour la coordination des soins et elle se doit d’assurer un accès ouverts et égalitaire pour tous les usagers : le praticien doit donc adopter une attitude active pour lutter contre les inégalités de santé. C’est dans cette optique que j’ai étudié le ressenti de la population migrante face aux difficultés qu’elle rencontre. Les résultats ont permis d’élaborer des pistes de réflexion autour de mesures potentiellement susceptibles d’améliorer leur accès aux soins: j’ai notamment relevé que les problèmes relatifs à la prise de rendez-vous, les difficultés financières et le manque d’information conduisent souvent les migrants à consulter aux urgences pour des motifs inadaptés. Indépendamment de leur volonté, ils rendent alors difficile la construction d’une relation médecin-patient inscrite dans la durée. Par ailleurs, mon analyse sociodémographique de la population consultant aux SAU de l’hôpital Bichat a permis d’étoffer les données locales sur la santé de la population migrante : elle a montré une population précaire, composée de jeunes adultes masculins, employés et majoritairement originaires du Maghreb. La plupart est célibataire sans enfant, en France depuis plus de 10 ans et 111 a migré pour des raisons familiales. Leurs caractéristiques sont comparables aux populations des Caso de Médecins du Monde ou des polycliniques de deux hôpitaux parisiens. Enfin, la diversité culturelle retrouvée dans notre échantillon a confirmé la tendance de notre société à se métisser et donc l’indiscutable nécessité de s’interroger sur les dimensions sociales et culturelles de nos patients qui interfèrent de manière significative lors de toutes les étapes du parcours de soin. C’est à cette condition que l’alliance thérapeutique se formera et qu’il s’établira une relation médecin-malade de qualité. A ce titre, des formations d’initiation sur l’approche transculturelle pourront contribuer à améliorer la prise en charge de tous les patients dans leur globalité. 9- LA DIMENSION SOCIO-CULTURELLE « Chaque personne est une histoire sacrée », Proverbe africain A- La culture et son implication dans le domaine de la santé 1) La culture Définition « La culture, c'est ce qui demeure dans l'homme lorsqu'il a tout oublié », Edouard Herriot La notion de culture est l’une des plus vastes qui soient dans le domaine des sciences sociales et l’une des moins bien définies. Taylor est un des premiers à la définir en 1871, comme étant « l’ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes, ainsi que les autres capacités et habitudes acquises par l’Homme en tant que membre d’une société » (57). Beaucoup de sociologues admettent la définition proposée par G.N Fisher en 1990 : «La culture est l'ensemble des modalités de l'expérience sociale, construites sur des savoirs appris et organisés comme des systèmes de signes à l'intérieur d'une communication sociale qui fournit aux membres d'un groupe un répertoire et constitue un modèle de significations socialement partagées, leur permettant de se comporter et 112 d'agir de façon adaptée au sein d'une société » (58). La culture est donc un véritable système « constitué d’une langue, d’un système de parenté, d’un corpus de techniques et de manières de faire ». (59) Il faut garder en tête qu’elle est un ensemble dynamique de représentations en continuelle transformation et que rien n’est figé. Elle s’oppose au naturel car cette culture est en fait un ensemble de transformations par l’homme de la nature. Certains défendent l’idée de l’existence d’une culture universelle qui représenterait l’ensemble des transformations de la nature par l’homme, et d’une culture particulière qui correspondrait au mode de vie global d’un peuple où l’homme doit s’adapter et trouver des solutions pour son espace et son époque. Cette universalité doit être pensée comme riche des singularités qu’elle englobe et qu’elle met en interaction. Fonctions La culture remplie plusieurs fonctions : collectivement, elle permet d’identifier les membres d’une société à travers leurs manières de penser, de vivre, qui leur sont communes et qui leur confère une identité collective. Individuellement, elle donne une cohérence à nos conduites, en nous « conférant une personnalité de base constituée par l'ensemble des éléments culturels qui vont façonner les traits de personnalité de chacun » (58). Ainsi, elle est composée de systèmes de pensées en vertu desquels nous agirons sur la réalité et permet le codage de l’ensemble de l’expérience vécue par un individu : selon M.R Moro et Baubet, elle « met à disposition de l’individu une grille de lecture du monde qui lui permet d’anticiper le sens de ce qui peut survenir et donc de maitriser la violence de l’imprévu » (60). Elle dynamise les conduites de l’homme et lui permet de résister à certaines angoisses. Ce qui est dans tous les cas généralement admis est qu’il n’existe pas d’homme sans culture : « il n’existe pas d’homme sans culture, c’est cela qui fonde son humanité, sa singularité et son universalité de même que le langage et le fonctionnement psychique » (60) .Les différentes fonctions qu’elle endosse la rendent inéluctablement indispensable et l’absence de culture plongerait notre société dans un gouffre dénué de sens qui serait composé de clones identiques et ennuyeux. 2) L’anthropologie appliquée aux sciences médicales Dans le domaine médical, chaque acteur est animé par sa culture, consciemment ou inconsciemment. Comme nous l’avons vu ci-dessus, elle va configurer nos comportements à 113 travers des valeurs, des usages et des représentations qui nous sont propres. L’anthropologie médicale est une discipline qui va attirer l’attention sur le fait que la culture du soignant et du soigné peut jouer un rôle essentiel et pointer du doigt le piège qui consiste à s’enfermer dans un ethnocentrisme réducteur pour s’efforcer à comprendre le point de vue de l’autre sans le juger. Le Larousse la définit comme une « étude de l’homme et des groupes humains » ou encore une « théorie philosophique qui met l’homme au centre de ses préoccupations » (32). Elle se décline en plusieurs sousgroupes, parmi eux l’anthropologie culturelle qui est « l’étude des croyance et des institutions d’un groupe, conçues comme fondement des structures sociales et envisagées dans leurs rapports avec la personnalité ». Dans le champ de la santé, elle concerne l’étude des représentations s’extériorisant ou non chez le malade et le médecin. Pour A.Epelboin, le rôle de l’anthropologue est alors de « décaler le regard, de penser la culture des soignés autant que celles des soignants, d’amener ces derniers à comprendre (ce qui ne signifie pas approuver) le point de vue de l’autre, à s’imaginer à sa place » (61). L’anthropologue est un « traducteur culturel, un transporteur de la parole de l’autre ». L’autre est « cet étrange étranger » qui va à certains moments révéler des émotions et des angoisses latentes du personnel médical, verbalisées ou non, et des dysfonctionnements de l’institution médico-sociale qui passent inaperçus en cas de proximité sociale et culturelle. Lorsque le comportement de l’autre semble faire problème, il faut essayer de réfléchir sur ce que cela interpelle en nous par rapport à nos propres représentations sociales et culturelles, c’est-à-dire toute une série de théories et de pratiques qui nous habitent et nous imposent des normes relatives à des domaines variés de notre vie. Quand des situations sont sources de souffrance pour le patient, quand la perte de contrôle est imminente, il est important d’en prendre conscience et il convient de faire appel à des spécialistes de la traduction culturelle (ethnopsychiatres, anthropologues), qui pourront donner du sens à des comportements jugés aberrants par une logique médicale classique. A travers notre métier de médecin, nous sommes invités à rencontrer des personnes aux origines sociales, culturelles, aux modes de pensées très variés. Chaque consultation est un échange véritable au titre du soin et il va s’ensuivre une série de réactions implicites et explicites, conscientes et inconscientes, que l’on va avoir à l’égard de notre patient. Bien loin de l’idée de se prétendre anthropologue ou ethnologue, le rôle de médecin est selon moi d’acquérir un niveau de connaissance minimal afin d’éviter le dogme qui parle de « deux mondes qui cohabitent sans jamais se rencontrer » (59). Ceci répond aux principes fondamentaux de la relation médecin-malade qui nous invitent à nous interroger sur « l’autre », le soigné, que l’on rencontre, car des informations sur lui vont se révéler indispensables dans le sens où ses réactions et ses attitudes 114 seront conditionnées par son histoire et sa culture. La maladie ne se résume pas à une entité biologique ou physiologique ; elle se réfère à des modèles d’interprétation enracinés dans un réseau complexe de signes, structurés autour de formes culturelles et qui seront exprimés à travers un langage de la souffrance par le patient. Or, il importe de penser que dans tous les domaines, et encore plus celui de la maladie, plusieurs ordres et règles sont possibles et qu’il n’existe pas de modèle universel auquel chaque individu doit se rallier. Le refus, conscient ou inconscient, de la différence, cette non-curiosité pour l’altérité, cette rigidité intellectuelle, mène à l’ethnocentrisme et à l’incapacité de se détacher de nos propres règles. On ne soignera pas un homme contre son gré en lui imposant des soins qui heurtent sa conscience, bouleversent ses traditions et détruisent l’idée qu’il se fait des choses qui l’entoure. N’imposons surtout pas au patient de nous ressembler pour le soigner. 3) Le métissage culturel des migrants Les éléments culturels s’imbriquent avec les éléments individuels et familiaux de manière précoce. Ils vont resurgir de manière inopinée aux grandes étapes de la vie sans que nous y soyons préparés. Sur le plan psychologique, ceci peut engendrer une certaine forme d’instabilité que l’individu sera en mesure d’appréhender s’il repose dans un cadre rassurant et stable. Or, l’exil et la migration rendent les patients fragiles : comment peuvent-ils alors se protéger ? Il est essentiel d’intégrer la dimension culturelle à notre pratique médicale. Nier son implication revient à nier l’altérité et ne permet pas de laisser libre cours à l’échange et la communication. L’exemple de la grossesse est cité à de nombreuses reprises car il illustre l’implication de la culture dans des étapes essentielles de notre vie et rend compte des résurgescences mythiques et culturelles : « Là, il ne faut pas annoncer sa grossesse, ailleurs, il faut éviter de manger certains poissons ou des tubercules qui ramollissent à la cuisson. Ailleurs encore, il ne faut pas que le mari mange certains types de viande pendant que sa femme est enceinte... Plus loin, il faut garder ses rêves, les interpréter et respecter les demandes qui sont faites dans le rêve car c'est l'enfant qui parle... » (45). Ces éléments peuvent s’opposer aux logiques médicales, psychologiques et sociales, communément admises et appliquées dans les hôpitaux français. L’accouchement est lui aussi un moment où des représentations parfois dormantes que l’on croyait dépassées peuvent être ravivés : « là encore, il y a mille et une façons d'accoucher, d'accueillir l'enfant, de lui présenter le monde puis de penser son altérité, parfois même sa souffrance » (45). Si le personnel médical et paramédical ignorent ces singularités et reste 115 obstinément hermétique face à des manières de faire et de penser différentes des leurs, le patient peut s’exclure du parcours de soin et mettre en jeu sa vie et en l’occurrence ici celle de son bébé. Un autre exemple est éloquent et concerne cette fois les bilans sanguins. Selon plusieurs sociétés traditionnelles africaines, l’être vivant est constitué de trois entités que sont le corps, l’énergie ou « l’âme vitale » et « l’âme libre ». Ainsi, une plaie du corps entrainera une perte de sang donc un affaiblissement de l’âme vitale suivi par une faiblesse du corps. Il parait donc pour ces patients illogique, voire angoissant, de se faire prélever du sang si on est malade et déjà en état de faiblesse. Sans compter en plus que certains patients détiennent la notion que l’on peut « lire » dans le sang et donc sont inquiets de l’utilisation qui va en être faite. Avoir une notion de cette croyance peut aider à résoudre certaines situations conflictuelles où le patient refuse par exemple un bilan sanguin. Le patient migrant a la particularité de vivre entre deux mondes : celui de « dedans » qu’il a quitté mais au sein duquel il s’est construit et celui de « dehors » au sein duquel il vit et auquel il doit s’habituer. La migration entraine une nécessité de changement et investir le monde extérieur n’est pas chose aisée. M.R Moro parle de « clivage », présent également chez les enfants des migrants : le contact avec le monde extérieur, de l’école, se fait parfois de manière brutale et traumatique si l’enfant, initialement protégé par le monde maternel, n’est pas préalablement préparé à ce contact. Ce métissage culturel impacte de manière certaine dans la vie des patients et est à ne pas méconnaitre. Quant à son mépris, s’il existe, nul doute qu’il ne soit réservé aux esprits pauvres et étroits. B- L’approche transculturelle 1) Définitions La clinique transculturelle C’est dans cette optique et en associant plusieurs approches, pour comprendre et soigner, que la clinique transculturelle a été développée. On retrouve des consultations de médecine transculturelle à l’hôpital de Bobigny bien sûr, sous la supervision de M-R Moro (62).Certains 116 spécialistes se déplacent également dans les services hospitaliers pour apporter leur aide, comme à l’hôpital Bichat. Les compétences cliniques transculturelles sont un ensemble d’attitudes, de connaissances et de savoir-faire permettant de prodiguer des soins de qualité à des patients d’origine socioculturelles et linguistiques diverses. La clinique transculturelle s’inscrit dans le domaine de l’ethnopsychanalyse dont G.Devereux (63) est un des pionniers; cette pratique a été construite à partir du principe de complémentarisme et combine deux corpus, celui de la psychanalyse et de l’anthropologie, pour comprendre et soigner, en tenant compte des éléments culturels : ce courant « ne s’intéresse pas exclusivement à la représentation de la maladie en soi mais analyse comment les interprétations de la maladie agissent parallèlement aux processus sociaux, psychologiques et physiologiques pour produire des formes et des trajectoires distinctes de la maladie » (64). Le contre transfert Pour M-R Moro, le contre-transfert concerne la manière dont le thérapeute se positionne intérieurement par rapport à l’altérité du patient ; il s’agit de ses réactions explicites et implicites, conscientes et inconscientes aux affiliations de son patient, en situation clinique. Il est donc lié à « l’histoire personnelle du thérapeute, à son âge, son sexe, son identité professionnelle, son appartenance culturelle et sociale et emprunte à l’histoire, la politique et la géographie ». (65) Le décentrage Il est important pour tout clinicien de prendre conscience de cette notion de contre transfert pour atténuer ses conséquences négatives. C’est là qu’entre ne jeu le processus de « décentrage » (66), parcours long et difficile mais inhérent à une bonne pratique de la médecine transculturelle car il a pour visée de réduire la distance avec l’autre, de réunir patient et thérapeute. Encore une fois, il est établi que pour un médecin généraliste sans formation psychanalytique et anthropologique, il est très délicat, individuellement, d’objectiver son contre transfert. D’autant plus que celui-ci est plus facile d’accès avec une référence tierce et donc des consultations de thérapeute en groupe. La pratique de la clinique transculturelle est émaillée de théories psychanalytiques et de définitions complexes. Il ne s’agit pas là de réciter des dires empruntés à de grands noms de la 117 psychiatrie mais bien d’appréhender, en tant que médecin généraliste, avec un souci permanent de modestie, des principes de base de la clinique transculturelle ; l’objectif du médecin généraliste lui est propre et est avant tout d’éviter des situations « d’aporie » contre lesquelles se bat le Dr A. Epelboin (67), fruits d’une ignorance égocentrique et d’une incapacité de sortir de ses propres représentations. aporie [ap!"i] nom féminin étym. avant 1789. Du latin ecclésiastique aporia, mot grec. Difficulté d'ordre rationnel paraissant sans issue => antinomie, paradoxe. 2) Ses limites Toute la difficulté de l’approche culturelle, c’est que l’on n’a pas forcément envie d’être traité avec une différence qui peut être stigmatisante. Nous avons le droit d’être ambivalent, de vouloir être traité comme tout le monde, de ne pas être rapporté à une altérité que nous n’avons pas forcément envie de subir et en même temps de vouloir faire respecter notre différence et notre sensibilité. Certaines précautions restent donc indispensables vis-à-vis des patients migrants ou d’origine étrangère. En effet, il est préférable de ne pas tomber dans une prise en charge « hors norme » avec des différences trop marquées. Il ne s’agit pas non plus d’adopter une attitude curieuse excessive envers l’environnement culturel du patient. Certaines personnes reprochent à l’anthropologie médicale un certain culturalisme mais nier la différence est aussi une erreur et conduit à se priver d’outils pour améliorer la prise en charge des patients. Le défi de la médecine transculturelle est donc trouver un juste milieu entre le déni de la différence culturelle et un hyper intéressement malsain. Par ailleurs, la culture sert trop souvent d’alibi pour masquer des réalités sociales et économiques, que sont la misère et la précarité d’une catégorie de la population, ainsi que le manque de moyens et le dysfonctionnement de nos institutions médico-sociales. A.Epelboin écrit que « l’invocation de la culture est souvent un écran de fumée qui empêche de penser une médecine humaniste ordinaire, qui considère la personne et pas seulement les organes ou des agents infectieux, qui sépare le corps et l’esprit » (68) C- A l’échelle du médecin généraliste 118 La clinique transculturelle permet donc d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients migrants ou d’origine étrangère et de limiter le risque d’inégalités en termes d’accès et de qualité des soins. Elle se justifie d’un point de vue démographique car la population migrante représente une part importante de notre société et d’autre part d’un point de vue moral car il s’y rattache une certaine vulnérabilité, tenant à ses expériences de rupture et à ses conditions sociales souvent précaires. Les mouvements migratoires qui parcourent nos sociétés nous « invitent au métissage des dispositifs de soins » (62). Nous nous devons d’enrichir notre pratique quotidienne en nous interrogeant sur les dimensions culturelles et les représentations des populations que l’on fréquente et intégrer que les sciences sociales sont indispensables au fonctionnement des institutions de soins. Leur articulation à notre savoir biomédical ne devrait plus être discutée dans notre société actuelle. Cela implique de se donner les moyens d’appréhender l’autre dans ses différences : nous décentrer, complexifier nos modèles et nous défaire de nos jugements hâtifs. Le médecin généraliste s’inscrit au centre de cette démarche ; aucune technique n’est dépourvue d’impact culturel donc en intégrant ces logiques complexes dans ses dispositifs de soins, en pensant l’altérité, le praticien permettra à chaque patient d’intégrer notre système de santé. Il faut noter que les bénéfices de l’acquisition de ces compétences ne se limitent pas à la prise en charge des patients ayant un passé migratoire : elle permet d’améliorer la prise en charge de l’ensemble des patients car elle invite le médecin à s’interroger sur sa pratique et elle requiert de sa part un questionnement sur sa propre identité, sa culture, son histoire personnelle. Au cours de mon parcours, j’ai rencontré des difficultés dans l’approche de certains patients appartenant à une culture différente de la mienne : que répondre à cette maman malienne qui refuse que sa fille aille au centre de rééducation et préfère l’intervention d’un tradipraticien car elle croit sa fille envoutée si je n’ai aucune notion de la médecine traditionnelle ? Comment expliquer à cette seconde maman qu’il ne faut pas contrarier son fils gaucher si j’ignore ce que représente la main gauche dans sa tradition ? Malheureusement, il n’existe pas de module dédié aux sciences sociales et à la clinique transculturelle dans le cursus universitaire des études médicales, ce qui constituerait pourtant un moyen de lutte contre les inégalités de santé. Dans les suites de notre exercice, quelques programmes d’enseignement existent. 119 Il est donc urgent d’élargir l’horizon de la santé publique et d’accompagner le développement de compétences par des formations adaptées pour tous les professionnels de santé. 9- CONCLUSION « De toutes les formes d’inégalité, l’injustice en matière de soins médicaux est la plus révoltante et la plus inhumaine», Martin Luther King La légitimité du défi que constitue la réduction des inégalités sociales de santé fait en réalité face à peu de protestataires. Les données dont nous disposons actuellement ont permis de faire état des disparités qui existent et il semble aujourd’hui admis que ce combat est une priorité. Mais plus qu’un support aux envolées lyriques des discours humanistes ou qu’un engagement moral, son accomplissement requiert une promesse d’action. Il repose sur un cadre de réflexion précis élaboré grâce au développement de connaissances solides. Mon travail, dont l’échelle force l’humilité, est né de mon interpellation face aux décalages que nous observons chaque jour et qui rendent parfois grinçant l’exercice de notre métier. Le fait que certains groupes de population, en l’occurrence ici les patients migrants, affichent un moindre accès au médecin généraliste constitue une inégalité, au sens que l’écart qui existe avec d’autres sous-groupes est considéré comme injuste. A l’heure actuelle, l’intention des programmes de lutte ne semble malheureusement pas toujours en adéquation avec les intérêts des acteurs clés et les conditions des populations concernées. L’étude des caractéristiques et l’interrogatoire des patients migrants de mon échantillon a permis de recueillir des données spécifiques reflétant la réalité de leur état. Ceci a permis d’alimenter la réflexion sur les moyens visant à améliorer leur suivi de manière adaptée. D’un point de vue collectif, je pense que la qualité de vie des migrants est incluse dans la société française et n’est que le reflet de nos propres maux et incertitudes. Les différentes politiques menées en terme d’immigration, la crise économique, la rupture de la solidarité et la promotion de l’individualisme ont fragilisé le droit à la santé des plus démunis mais sont surtout l’illustration parfaite de l’abandon de l’altruisme, qui consistait à considérer l’autre comme soi, comme son égal. 120 Pourtant, la confrontation avec l’autre est enrichissante. Elle nous renvoie à « notre propre étrangeté » et son appréhension passe par la connaissance de soi. S’ensuit donc une série d’interrogations sur notre personne : pourquoi avons-nous souhaité être médecin ? L’illusion de mieux contrôler la vie atténue-t-elle notre peur de la mort ? Pourquoi avoir choisi comme sujet la prise en charge des patients migrants ? Qu’est ce qui nous passionne dans ces cultures que le conformisme écrase à grands pas ? Ce long cheminement et tous ces questionnements, même s’ils n’apportent pas de réponses immédiates, constituent une étape indispensable et l’on retrouve la notion de « décolonisation de soi » qui s’impose et se réimpose sans cesse. Oscillant sur un fil fragile, notre parcours sera complexe et souvent instable : cependant, toute la jouissance engendrée par la richesse des rencontres nous permettra de maintenir le cap. Le renforcement des capacités pour agir se fera également à travers le développement de l’offre de formation, passerelle incontournable au transfert des connaissances et à la prise de conscience qui doit s’opérer pour chaque acteur du système de santé. Il convient donc de s’intéresser à l’étoffement des programmes et à la sensibilisation du personnel dans le domaine bio-médicosocial. La proposition d’une initiation aux pratiques de la clinique transculturelle en est une application : en visant une approche globale et centrée sur la personne, en intégrant les dimensions socio-culturelles à notre pratique médicale, cette discipline permet de rendre accessible à tous notre système de santé. Pour conclure, la question des inégalités sociales de santé et la prise en charge des patients migrants restent des équations complexes et mon travail ne prétend pas posséder les formules pour les résoudre. Cependant, il était selon moi important de réaffirmer le rôle du généraliste dans ce combat car c’est bien notre responsabilité de médecin et d’acteur du secteur sanitaire qui entre en jeu : elle nous engage à nous sentir concernés et à nous mobiliser afin de contribuer à l’amélioration de la santé, mais d’une santé pour tous, répondant aux valeurs d’équité et de solidarité. 121 « Chacun cherche sa route ; nous cherchons la nôtre et nous pensons que le jour où le règne de la liberté et de l’égalité sera arrivé, le genre humain sera heureux », Louise Michel 10- BIBLIOGRAPHIE 1. Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour un système de santé plus performant. Rapport d’observation 2000. Genève : OMS ; 2000. 237p. 2. Organisation mondiale de la santé (OMS). Combler le fossé en une génération: instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé. Rapport final de la commission OMS des déterminants sociaux de la santé. Genève : OMS ; Aout 2008. 36p. 3. Organisation mondiale de la santé (OMS). Les soins de santé primaire : maintenant plus que jamais. Rapport sur la santé dans le monde. Genève : OMS ; Avril 2008. 127p. 4. Allen J, Gay B, Crebolder H, Heyrman J, Svab I, Ram P. Les définitions européennes des caractéristiques de la discipline de médecine générale du rôle du médecin généraliste et une description des compétences fondamentales du médecin généraliste – médecin de famille. Europe : Wonca ; 2002. 52p 5. République française. Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Journal officiel de la république française, 17 Aout 2004. Disponible à http://www.legifrance. gouv. fr/affichTexte.do?cidTexte= JORFTEXT00 000 0625158 6. Dourgnon P, Guillaume S, Naiditch M, Ordonneau C. Les assurés et le médecin traitant : premier bilan après la réforme. Questions d’économie de la santé. Irdes n°124, 2007. 4p 7. Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire. Numéro thématique - Santé et recours aux soins des migrants en France. n°2-3-4, Janvier 2012. 52p. Disponible à : http://www.invs.sante.fr/Publications-et-outils/BEH-Bulletinepidemiologique-hebdomadaire 8. Hirsch E. Traité de bioéthique. 2ème édition. Paris : Eres ; 2010 9. Haute autorité de santé publique. L’évaluation des aspects sociaux : une contribution sociologique à l’évaluation en santé. Décembre 2009. Disponible à : http://www.hassante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2011-12/ synthese_levaluation_des_ aspects_sociaux.pdf 10. République française. Loi d’orientation n°98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Disponible à : http://www.legifrance.gouv.fr/affich Texte.do? cidTexte= JORFTEXT00000 0206894 122 11. Després C, Dourgnon P, Fantin R, Jusot F. Le renoncement aux soins : une approche socioanthropologique. Irdes, Questions d’économie de la santé n° 169, octobre 2011 12. Wresinski, J. Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Journal Officiel de la République Française : Avis et Rapports du Conseil Économique et Social, Année 1987(6), pp. 3104 13. Rapport n°V d’évaluation de la loi CMU. Novembre 2011. Disponible à : http://www.cmu.fr /fichier -utilisateur/fichiers/RAPPORT_EVALUA TION% 20_2011.pdf 14. Dourgnon P, Guillaume S, Rochereau T. Enquête sur la santé et la protection sociale en 2010. Paris: Institut de recherche et documentation en économie de la santé; 2012. 15. http://vosdroits.service-public.fr 16. Boisguerin B, Haury B. Les bénéficiaires de l’AME en contact avec le système de soin. Paris : Institut de recherche et documentation en économie de la santé ; 2008. 17. Gissler R, Azoulay J, Havard H, Sourlas P, Chambaud L, Corlay D. Rapport sur la gestion de l’Aide Médicale d’Etat. Paris ; 2007. 183p. Disponible à : http://www.ladocumentation francaise.fr/var/storage/rapports-publics/ 074000345/0000.pdf 18. République française. Loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile. Disponible à : http://www.legifrance.gouv.fr/ affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT 000000191302&dateTexte= 19. République française. Article L254-1 crée par la Loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003. Disponible à : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode Article.do?cidTexte= LEGITEX T 000006074069&idArticle=LEGIARTI000006797164&dateTexte=&categorieLien=cid 20. Code de santé publique. Article L6112-6 modifié par l’ordonnance du 23 février 2010. Disponible à : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode Article.do?cidTexte= LEGITEXT 000006072665&idArticle=LEGIARTI000006690691&dateTexte=&categorieLien=cid 21. Fabre C, Baudot V, Toulemonde S. Evaluation des permanences d’accès aux soins de santé : rapport final. Paris, Commande Direction des Hôpitaux et de l’Organisation des Soins ; 2003. Disponible à : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/evaluation_des_pass_rapport_complet.pdf 22. Médecins du monde. Etat des lieux des permanences d’Accès aux Soins de Santé dans 23 villes où Médecins du Monde est présent. Paris, Médecins du Monde ; Aout 2010. Disponible à : http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/MdM_Etat_des_lieux_de_PASS_2010.pdf 23. Circulaire DHOS –Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins)/RH4 n°2009-215 du 15 Juillet 2009 24. Gatin B, Aparicio C, Carron A, Chauvin P, De Champs Leger H, De Gennes C , Lebas J, Platon J ,Georges-Tarragano C. Analyse descriptive des patients de 5 consultations sans rendezvous avec PASS intégrée à l’APHP. Revmed 2009 ; 2 : 1-5 123 25. Tarragano-Georges C. Consultation sans rendez-vous avec PASS de l’hôpital Saint-Louis (consultation Verlaine) : bilan et perspectives. Disponible à : http://www.jiqhs.fr /wp-content/uploads/2010/12/Consultation-Verlaine-PASSH-St-Louis-C.-Georges-2010.pdf (page consulté le 15 février 2013) 26. Nutting PA, Shorr G I, Barton R. Burkhalter, Assessing the Performance of Medical Care Systems: A Method and Its Application, Medical Care, Vol. 19, No. 3 (Mar., 1981), pp. 281-296 27. Déclaration d’Alma-Ata (OMS, 12 septembre 1978) 28. Médecins du monde. L’accès aux soins des plus démunis, 2011 ; 11 p. Disponible à : http://www.medecinsdumonde.org/Presse/Dossiers-de-presse/France/L-accesaux-soins-des-plus-demunis-en-2011 29. Potvin L, Moquet M.-J., Jones C. Réduire les inégalités sociales en santé.Saint-Denis : INPES, coll. Santé en action, 2010 : 380 p. 30. Unesco, International Migration and Multiculturalism [consulté le 26/02/2013]. Disponible à : http://www.unesco.org/most/migration/glossary_migrants.htm 31. Le Comité médical pour les exilés. Guide de prise en charge médico-psycho-sociale des migrants/ étrangers en situation précaire. Saint-Denis : Editions Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, 2008 ; 568 p. Disponible à : http://www.COMEDE.org/-Guide-COMEDE-2008 32. Le petit Larousse illustré. Dictionnaire encyclopédique. Paris: Larousse, 1993 : 1783p Wresinski J. Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Paris, Journal officiel de la république française n°6.1987 ;104 p. 33. Organisation internationale pour la migration (OIM). L’état de la migration dans le monde 2010, l’avenir des migrations. Renforcer les capacités face aux changements. Genève : OIM; 2010. 295 p. Disponible à : http://publications.iom.int/bookstore/free/WMR_2010_ FRENCH. pdf 34. Insee - Résultats du recensement de la population – 2009 [consulté le 26/02/2013]. Disponible à : http://www.recensement.insee.fr 35. Mizrahi A. Morbidité et soins médicaux aux personnes nées à l’étranger. Journal d’Economie Médicale, 2008, 26(3), pp. 159-76 36. Solé-Auro, Crimmins EM. Health of Immigrants in European countries. Int Migr Rev, 2008, 42(4), pp. 861-76 37. Jusot F, Silva J, Dourgnon P, Sermet C. État de santé des populations immigrées en France. Document de travail. Paris: Institut de recherche et documentation en économie de la santé; 2008. 22 p. Disponible à : http://www.irdes.fr/EspaceRecherche/Documents DeTravail /DT14EtatSante PopuImmigr.France.pdf 124 38. Berchet C, Jusot F. Inégalités de santé liées à l’immigration et capital social : une analyse en décomposition. Économie publique. 2009;24-25(1-2):73-100. 39. Wanner P, Bouchardy C, Khlat M. Causes de décès des immigrés en France 1979-1985. Migration Santé, 1997, 91, pp. 9-38 40. Brahimi M. La mortalité des étrangers en France. Population, 1980, 3, pp. 603-22 41. Beauchemin C, Hamelle C, Simon P. Trajectoires et origines. INED 2008, 168. 42. Baubet T, Moro M.R. Psychiatrie et migrations. Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française. Paris : Masson ; 2003 43. Nathan T. La folie des autres. Traité d’ethnopsychiatrie clinique, Paris : Dunod ; 1986 44. Moro M.R. Enfants d’ici venus d’ailleurs, naître et grandir en France. Paris : La Découverte ; 2002 45. Moro MR, Les parents migrants sont aussi de bons parents…, [s.d], in : http://www.marierosemoro.fr/ 46. Médecins du monde. Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France de Médecins du Monde. Paris, Médecins du Monde, 2011. Disponible à : http://www.medecinsdumonde.org /Publications /Les-Rapports/En-France/ Observatoire-de-l-acces-aux-soins-de-la-mission-France 47. Convention internationale des droits de l'enfant .Adoptée et ouverte à la signature, ratification et adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989. Disponible à : http://www2.ohchr.org/french/law/crc.htm 48. Matz c. Enquête sur les difficultés de prise en charge des patients précaires et migrants précaires ressenties par les médecins généralistes de Meurthe et Moselle. Thèse de médecine, faculté de médecine de Nancy, université Henri Poincaré Nancy 1. 2011 49. http://www.inpes.sante.fr 50. CISS (Collectif Iner-Associatif sur la santé), FNATH (Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des handicapés), UNAF (Union Nationale des Associations Familiales), Actions contre les refus de soins : dossier de presse. Paris, 25 Mai 2009 51. Médecins du Monde. Testing sur les refus de soins des médecins généralistes aux bénéficaires de la CMU ou de l’AME dans dix villes de France. Coordination Mission France. Paris, Médecins du Monde, Septembre 2006. 52. Aubry ., Prise en charge des patients précaires par les médecins généralistes de ville. Intérêt d’un réseau médecine de ville-PASS. thèse de médecine, faculté de médecine Paris Descartes, université Paris Descartes paris 5. 2011 53. Khelifi G. Evaluation de l’intérêt de l’ouverture d’une consultation de médecine générale dans le service d’accueil des urgences du CHU Pitié Salpétrière – Paris. Thèse de médecine, 125 faculté de médecine Pierre & Marie Curie, université de médecine Pierre & Marie Curie paris 6. 2011 54. Boeke, A.J., et al., Effectiveness of GPs in accident and emergency departments. Br J Gen Pract, 2010. 60(579): p. e378-84 55. Mathieu-Zahzam L. Etude sur la santé des migrants consultant en médecine générale hospitalière. Thèse de médecine, faculté de médecine Pierre & Marie Curie, université Pierre & Marie Curie Paris 6. 2011 56. Georges-Tarragano C. Consultation sans rendez-vous avec PASS de l’hôpital Saint Louis (consultation Verlaine) : Bilan et perspectives. Février 2010. Disponible à : http://www.jiqhs.fr/wp-content/uploads/2010/12/Consultation-Verlaine-PASSH-St-Louis-C.-Georges-2010.pdf 57. Taylor E. 1920 [1871]. Primitive Culture. New York: J.P. Putnam’s Sons. 58. Fischer, G. N. (1990). Les domaines de la psychologie sociale : Le champ du social. Paris : Dunod 59. Moro M-R. Psychiatrie transculturelle de l’enfant et de l’adolescent. Paris : Dunod ; 2004 60. Rohem G. Origine et fonction de la culture. Paris : Gallimard ; 1972 61. Epelboin A. L’anthropologue dans la réponse aux épidémies : science, savoir-faire ou placebo ? Bulletin Amades [En ligne], 78 | 2009, mis en ligne le 01 septembre 2010, Consulté le 01 mars 2013. Disponible à : http://amades.revues.org/index1060.html 62. Moro M-R, Baubet T. Un lieu métissé d’accueil et de soins des migrants : le dispositif de psychiatrie transculturelle à l’hôpital Avicenne. Psychiatrie et migration. Masson ; 2003 63. Devereux G. Ethnopsychanalyse complémentariste. Paris : Flammarion ;1985 64. Taieb O, Heidenreich F. Notions d’anthropologie de la maladie. In Moro MR, Baubet T Eds. Psychiatrie et migrations. Paris : Masson ; 2003 65. Moro MR, Baubet T. Psychiatrie et migrations. Paris : Masson ; 2003 66. Moro MR, Moro Gomez I et coll. Avicenne l’andalouse. Devenir thérapeute en situation transculturelle. Grenoble : la pensée sauvage ; 2004 67. Epelboin A. De l’anthropologie du corps à l’anthropologie du malheur : du déchet aux virus émergents. DIU de médecine tropicale et santé internationale. Paris ; 2012. Disponible à : http://www.imea.fr/imea-fichiersjoints/programme11_12/COURS%20A.% 20 EPELBOIN %20%20DIU%20MED%20TROP%206-10-2011.pdf 68. Epelboin A. Cultures des soignants et cultures des soignés : approche anthropologique de situations d'aporie à propos de patients africains dans des services de soins palliatifs parisiens. In : réseau SPES, dir. Diversité culturelle : les incidences sur les pratiques des soins palliatifs ; 25 novembre 2010 ; Evry. 126 Disponible à : http://www.reseau-spes.com/pdf/annonces_colloques/cultures_des _soignants_cultures_des_soignes.pdf 127 11- ANNEXES A- Questionnaire Date : ………………………………………… Etiquette du patient Bonjour, Je suis médecin et je réalise une étude aux urgences. Le but est de mieux connaitre les personnes qui consultent aux urgences afin d’améliorer leur prise en charge. J’ai besoin pour cela que vous répondiez à quelques questions. Si vous avez des difficultés à répondre ou si certains points ne vous semblent pas clairs, nous pourrons revoir cela ensemble après votre consultation avec le médecin. Ce questionnaire est bien entendu confidentiel. Je vous remercie d’avance pour votre participation. Vous pourrez me remettre le questionnaire après votre consultation avec le médecin. PRESENTATION Etes-vous : un homme une femme Votre âge : 18-24 ans 25-34 ans 35-54 55-70 >70 Où habitez-vous ? 17ème 18ème 19ème 20ème 8ème autre : 93 92 autre Où vivez-vous ? en appartement si oui, nombre de pièces : …………………….. en maison en foyer en hôtel en caravane sans domicile fixe Nombre de personnes vivant avec vous ? vit seul(e) 1-3 3-5 >5 Nombre d’enfant ? 0 1-3 >3 Combien vivent avec vous ? ……………………….. Etes-vous : célibataire marié(e) pacsé(e) divorcé(e) veuf(ve) Quel est votre pays d’origine ? France ; si non, précisez le pays :……………………………………… Quelle est votre nationalité actuelle ? française si non, précisez : …………. Quelle était votre nationalité à la naissance ? française si autre, laquelle :…………………….…….. Où êtes- vous né ? France si autre, lequel :…………….. Si vous êtes né(e) à l’étranger, en quelle année êtes-vous arrivé en France ?........................ Combien de fois êtes-vous retourné dans le pays dont vous êtes originaire ? 128 Jamais entre 1-5 fois >5 fois au moins une fois par an Quelle est la raison de votre venue en France ? rapprochement familial professionnelle/économique médicale étude autre Situation en France : Quel est votre niveau d’étude ? secondaire (collège, lycée) politique/asile régulière irrégulière jamais allé à l’école école primaire université Quel est votre emploi ? réponse : …………………………… Chômeur(se) étudiant(e) retraité(e) VOTRE SANTE Quelle est votre couverture maladie ? Sécurité sociale Sécurité sociale + mutuelle 100% longue durée AME CMU CMU+CMU complémentaire aucune je ne sais pas Avez-vous une maladie chronique ? oui non Prenez-vous un traitement tous les jours ? oui non Avez-vous déjà été hospitalisé en 2011 ou 2012 ? oui non Comment trouvez-vous votre état de santé ? (cochez la bonne réponse) Très bon Bon Passable Mauvais Très mauvais VOTRE SUIVI MEDICAL Avez-vous un médecin généraliste ? oui non Quel est son nom ?...................................................................... je ne sais pas Si vous avez un médecin généraliste, l’avez-vous déclaré à la sécurité sociale ? oui Combien de fois par an voyez-vous votre médecin généraliste ? ……………………… Savez-vous que la déclaration d’un médecin traitant est obligatoire ? oui non non Etes-vous suivi par un médecin spécialiste ? oui non Avez-vous déjà consulté aux urgences ? oui non Quelles contraintes/désavantages rencontrez-vous chez le médecin généraliste ? (cochez la ou les cases pour répondre oui) Problème de langue Trop loin de chez vous Il faut prendre rendez-vous Difficultés administratives Problèmes d’argent Vous avez été refusé car vous avez la CMU/AME 129 Autre : ……………………………………………………………… Quels avantages trouvez-vous à consulter aux urgences ? (cochez la ou les cases pour répondre oui) Vous n’avancez pas l’argent Présence de l’assistante sociale Les urgences sont près de chez vous Ouvertes 24h/24 Pas besoin de prendre rendez-vous Autre : …………………………………………………………………………………. AUJOURD’HUI Depuis quand évoluent vos symptômes ? …………………………………………………. En avez-vous déjà parlé à votre généraliste ? oui non Avez-vous déjà consulté votre généraliste pour ce problème ? oui non Pourquoi n’avez-vous pas vu votre généraliste aujourd’hui ? …………………………………………………………………………………………………………… Etes-vous satisfait(e)de votre consultation aujourd’hui aux urgences ? oui non CE QUESTIONNAIRE EST CONFIDENTIEL . AUCUNE INFORMATION NE SERA COMMUNIQUEE Accepteriez-vous que je vous rappelle pour discuter avec vous ? oui non Si oui, numéro de téléphone : …………………………………………………………… B- Serment d’Hippocrate « Au moment d’être admise à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. 130 Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admise dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçue à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonorée et méprisée si j’y manque. » 131