Ventura - SEGUIN.CHP

Le commerce du sport,
un secteur en forme
Sébastien Seguin, division Commerce, Insee
L
e commerce d’articles de sport et
loisir profite de l’engouement actuel des Français pour le sport :
son activité progresse de façon soutenue
depuis le début des années quatre-vingtdix. Le nombre de magasins de sport et
loisir a doublé en 25 ans et leurs effectifs
ont été multipliés par quatre. L’essor de
ce commerce spécialisé, très concentré,
est avant tout celui de deux géants succursalistes. Proposant un large choix de
produits sur de grandes surfaces, ils occupent une part croissante du marché des
articles de sport. Ils dominent à la fois
leurs concurrents directs, les commerces
organisés en réseau et les magasins indépendants, ainsi que les hypermarchés et
les autres commerces généralistes. Le
match n’est cependant pas terminé.
Le commerce d’articles de sport n’a pas
attendu le formidable impact du déroulement de la Coupe du Monde en France en
1998 pour être en forme. La clientèle s’est
élargie depuis une dizaine d’années et ne
se limite plus aux sportifs réguliers, majoritairement masculins, à la recherche de
matériel technique fiable et fonctionnel. La
pratique sportive s’est intensifiée : un tiers
des Français déclarent pratiquer un sport
au moins une fois par semaine, contre
seulement un sur cinq il y a dix ans. Les
femmes et les personnes âgées achètent
davantage d’articles de sport pour leur bienêtre physique, leur confort ou leur santé. Par
ailleurs, de plus en plus de gens, et pas seulement les jeunes, recherchent un style décontracté et s’habillent en vêtements et
chaussures de grandes marques de sport à
la mode. En moyenne, un ménage français
a acheté pour 1 170 francs d’articles de
sport en 1995 : c’est plus que dans les autres pays européens (cf. Pour comprendre
ces résultats).
Un doublement de l’emploi en 10 ans
Porté par le fort dynamisme de la demande,
le commerce d’articles de « sport et loisir »
( encadré) progresse fortement depuis le début des années 1990 : le chiffre d’affaires du
secteur a augmenté de 20 % en cinq ans
( graphique 1 ). Durant la même période, les
ventes de l’ensemble des commerces de détail non alimentaire spécialisés ne croissaient que de 10 %. Le commerce de « sport
et loisir » se démarque ainsi des marchés
assez atones du meuble ou de l’habillement : il croît de 4 % par an en moyenne
depuis 1995. Seul le secteur du bricolage
fait mieux sur la période.
Le nombre de magasins d’articles de sport
et loisir a doublé en 25 ans. On en dénombre
près de 11 000 en 1996, détenus par environ 9 000 entreprises. On compte ainsi aujourd’hui un magasin pour 5 300 habitants.
Le secteur emploie 45 000 personnes, dont
37 000 salariés, soit 2,4 % des effectifs du
commerce de détail (tableau 1). Le nombre
d’emplois a presque quadruplé en 25 ans et
doublé depuis dix ans. Cette augmentation
est surtout due à l’émergence de grandes
surfaces « multispécialistes », qui offrent à
la fois matériels et tenues vestimentaires.
Les 6 000 magasins « d’articles de sport »
( encadré) concentrent les trois quarts des effectifs du secteur. Ils emploient en moyenne
cinq salariés. Le recours au temps partiel y
➀
Taux de croissance du chiffre d’affaires
du commerce de sport et loisir (1)
(1) taux en %, chiffre d’affaires en valeur TTC
Source : Insee, Comptes du commerce
INSEE
PREMIERE
N° 597 - JUILLET 1998
PRIX : 15 F
➊
Le commerce spécialisé d’articles de sport et loisir en quelques chiffres
Nombre de magasins
Spécialité
Nombre
d’entreprises
Multispécialiste
dont
plus de 400 m2
Total
Surface
moyenne par
magasin (m2)
Salariés
Personnes
occupées
Total
dont à temps
partiel (%)
Chiffre
d’affaires
(milliards
de francs HT)
809
1 226
305
480
19 008
18 132
47
14,7
Matériel
2 344
2 609
87
145
7 814
6 191
22
5,2
Vêtements
1 342
1 568
70
145
5 186
4 070
14
3,6
Chaussures
218
479
18
110
1 725
1 555
37
1,3
Magasins d’articles
de sport
4 713
5 882
480
210
33 733
29 948
35
24,8
Pêche, tir et chasse
2 445
2 605
21
80
5 203
3 033
24
3,6
Cycles
1 550
1 641
29
105
3 735
2 232
14
2,4
582
701
61
200
2 510
1 909
18
2,8
4 577
4 947
111
105
11 448
7 174
19
8,8
Articles nautiques
Magasins d’articles
de loisir
Source : Insee, enquête annuelle d’entreprises (EAE) Commerce 1996
Les 6 000 magasins d’articles de
sport se répartissent en 2 600 magasins de matériel de sport ou de
campement, 2 000 magasins de vêtements ou de chaussures de sport
et 1 200 multispécialistes. L’essen-
tiel de leurs ventes se partage entre le
matériel (34 %), les articles textiles
(32 %), les chaussures (19 %) et les
cycles (7 %) ( graphique 2 ) . Ces parts
sont restées assez stables ces dernières années.
Les multispécialistes réalisent plus
de la moitié du chiffre d’affaires de
l’ensemble des commerces d’articles
de sport. Ils se distinguent par des effectifs de 15 personnes en moyenne
sur d’assez grandes surfaces : un quart
ont une dimension supérieure à 400 m2,
alors que c’est le cas de moins de 5 %
des autres catégories de magasins.
Les 2 600 magasins spécialisés
dans la vente de matériel de sport,
plus nombreux que les multispécialistes, ont des surfaces beaucoup plus
petites. Un tiers d’entre eux se trouvent dans les départements monta-
➁
➂
est très élevé : un salarié sur trois. Il
est encore plus important dans les entreprises « multispécialistes » où il
concerne près de 50 % des salariés.
Par comparaison, ce taux n’est que de
18 % dans le secteur du bricolage et
de 31 % dans l’habillement.
Les 5 000 magasins « d’articles de loisir » (pêche, tir et chasse, cycles et activités nautiques) emploient rarement
plus de deux salariés.
Les multispécialistes
dominent le jeu
Structure du chiffre d’affaires
des magasins d’articles de sport
Parts de marché selon
l’organisation du commerce
d’articles de sport
24 %
25 %
32 %
22 %
Source : Insee, EAE Commerce 1996
51 %
Sources : Insee, EAE Commerce et Fédération nationale
du commerce d’articles de sports et loisirs (FNCASL)
gnards des Alpes, des Pyrénées et du
Jura, où sont situées les stations de
sport d’hiver.
Les 5 000 magasins d’articles de loisir sont spécialisés dans la pêche, le
tir et la chasse (2 600 magasins), les
cycles (1 600) et les sports nautiques
(700). Dans les deux premières activités, les magasins sont pour la plupart
de petite taille : ils emploient en
moyenne deux personnes sur une surface très souvent inférieure à 100 m 2.
Seules trois entreprises emploient
chacune plusieurs dizaines de personnes. Les commerces d’articles nautiques ont nécessairement une surface
de vente plus élevée (200 m 2 en
moyenne) souvent complétée par des
surfaces d’exposition en plein air.
Deux géants succursalistes
et trois groupements
Trois acteurs se disputent la distribution spécialisée des articles de
sport : les magasins succursalistes,
les magasins franchisés ou affiliés à
une centrale d’achat de groupement
(commerce organisé en réseau) et
les commerces indépendants isolés
(cf. Pour comprendre ces résultats ).
Le commerce d’articles de sport est
fortement concentré. Les huit entreprises réalisant plus de 100 millions de
francs de chiffre d’affaires totalisent
en effet 50 % du marché spécialisé ;
elles sont toutes succursalistes. En y
ajoutant les trois groupements qui dominent le commerce organisé, les onze
premières enseignes du commerce
d’articles de sport réalisent ainsi les
trois quarts du chiffre d’affaires du
secteur.
En dix ans, le commerce à succursales a plus que doublé sa part du marché des articles de sport : il représente
aujourd’hui 51 % du chiffre d’affaires
du secteur contre 22 % en 1988 ( graphique 3). Les entreprises succursalistes se sont développées en créant
le plus souvent de grandes surfaces
de vente : en moyenne 900 m 2 et 30
personnes. Elles proposent un large
choix de produits pour toutes les disciplines sportives. La forte croissance
de ce type de commerce est principalement due aux deux géants que sont
Décathlon et Go Sport. Les autres
grandes entreprises succursalistes
constituent un ensemble hétérogène.
La plupart cherchent à se démarquer en
se spécialisant (tableau 2).
La part de marché du commerce organisé en réseau a baissé régulièrement face à la concurrence des
grands distributeurs : elle est d’un
quart du marché environ contre un
tiers il y a dix ans. Intersport, Sport
2000 et Technicien du Sport sont les
trois plus grandes enseignes de réseau (tableau 2) . Les 1 350 magasins
adhérents à ces trois groupements,
plus souvent situés en centre-ville que
les succursalistes, sont aussi de plus
petite taille : ils emploient en moyenne
huit personnes sur une surface de
vente de 330 m 2. Les commerces indépendants isolés, en perte de vitesse, ont tendance à rallier ces
réseaux.
Faible concurrence
des hypermarchés
sauf sur les cycles
Sur le marché de détail du matériel
(hors cycles), le commerce spécialisé
d’articles de sport et de loisir est très
largement en tête, avec 79 % de part
de marché (tableau 3) . Celle-ci augmente régulièrement depuis 1988 où
elle s’élevait à 65 %. Attirés par la rentabilité de ces produits et leur pouvoir
d’attraction auprès de la clientèle, les
commerces généralistes (hypermarchés, magasins populaires, grands
magasins et vente par correspondance) sont également présents sur
ce marché. Mais leur position recule,
avec 12 % des ventes totales au détail
en 1996 contre 25 % huit ans plus tôt.
LE COMMERCE DE DÉTAIL SPÉCIALISÉ
D’ARTICLES DE SPORT ET LOISIR
Classé sous le code 52.4W de la nomenclature d’activité NAF, le commerce de
détail spécialisé d’articles de sport et loisir regroupe les commerces d’articles de
sport, de cycles, de matériel de campement, d’articles nautiques, d’articles de
pêche, de tir et de chasse. Il ne comprend
ni les commerces exerçant principalement
la réparation de cycles et d’articles de sport
et de campement, ni les services de location de matériel de sport (skis, vélos...).
Les quatre premières catégories forment
le commerce d’articles de sport :
Une entreprise du commerce de détail appartient à ce secteur si elle réalise plus de
la moitié de son chiffre d’affaires dans la
vente de produits appartenant à l’une des
six grandes familles suivantes : matériel de
sport et de campement ; vêtements de sport ;
chaussures de sport ; cycles et accessoires
associés ; articles nautiques ; armes, articles de pêche et de chasse. Ces produits
constituent les articles de sport et loisir.
- les commerces spécialisés dans les
chaussures de sport.
Dans le cadre de cette étude, les entreprises et magasins d’articles de sport et
loisir ont été classés en sept catégories
suivant leur spécialisation ou non dans
l’une de ces familles de produits (il y a
spécialisation lorsque le produit représente plus de la moitié des ventes).
- les commerces d’articles nautiques (bateaux de plaisance, planches, voiles et
gréements) ;
➋
- les « multispécialistes » vendent à la
fois matériels et tenues vestimentaires ;
- les commerces spécialisés dans le matériel de sport et de campement ;
- les commerces spécialisés dans les vêtements de sport ;
Les entreprises ou magasins appartenant aux trois dernières catégories
sont répertoriés dans le commerce
d’articles de loisir :
- les commerces de cycles et accessoires
associés ;
- les commerces d’armes, d’articles de
pêche et de chasse (y compris les munitions).
Les onze géants du sport
Groupements et entreprises d’articles de sport ayant réalisé
plus de 100 millions de francs de chiffre d’affaires en 1996
Enseigne
Spécialité
Huit entreprises succursalistes
Au Vieux Campeur
Nombre de magasins
457
multispécialiste
4
chaussures
75
vêtements
10
chaussures
104
multispécialiste
138
chaussures
27
Go Sport
multispécialiste
76
Super Sport
multispécialiste
23
Chausport
City Sport Center
Courir
Décathlon
Foot Locker
Trois groupements d’achat
1 351
Intersport
multispécialiste
481
Sport 2000
multispécialiste
430
Technicien du Sport
multispécialiste
440
Source : Fédération nationale du commerce d’articles de sports et loisirs (FNCASL)
➌
La répartition du marché des articles de sport et loisir
entre les différentes formes de ventes en 1996
En milliards de francs TTC
Produits
Secteurs
Commerces de sport et loisir
Matériel
et articles divers
Montant
%
Cycles
Montant
Vêtements
de sport
Location,
réparation
Chiffre d’affaires
40,4
%
14,5
79
4,6
47
Commerces généralistes
2,1
12
4,9
Autres formes de vente
1,6
9
0,3
18,3
100
9,8
100
Total des ventes
Chaussures
de sport
9,6
5,6
6,1
50
n.d.
n.d.
n.d.
3
n.d.
n.d.
n.d.
Source : Insee, Comptes du commerce, 1996
Les hypermarchés n’ont pas entamé
la suprématie du commerce spécialisé
sur ces articles. Les consommateurs
recherchent des produits techniques,
des services et des conseils susceptibles d’améliorer leurs performances, à
l’image des champions. La demande
d’un très grand choix et l’exigence de
qualité sont difficilement satisfaites
par les grandes surfaces à prédominance alimentaire, qui reculent sur
ces produits comme l’ensemble des
commerces généralistes. Leur offre
est principalement constituée d’articles textiles et chaussures bas de
gamme. Seule exception : les cycles,
dont ils réalisent près de la moitié des
ventes au détail, grâce à leurs prix attractifs. Les grands groupes de la distribution alimentaire ont privilégié
une stratégie de croissance externe
en entrant dans le capital des distributeurs spécialisés, plutôt que de développer les rayons dédiés au sport.
De nouveaux créneaux
Les commerces spécialisés dans l’habillement et la chaussure profitent
également de l’engouement des consommateurs pour les vêtements et
chaussures de sport. Ces articles à caractère fonctionnel (survêtements, polos, baskets...) ont un usage de plus
en plus souvent extra-sportif. Ils représentaient un marché d’environ 20 milliards de francs (TTC) en 1996,
d’après des estimations du Centre textile de conjoncture et d’observation
économique (CTCOE) et de la Fédération française des industries du sport
et du loisir (FIFAS).
D’autres motivations dans la consommation des produits sportifs laissent
augurer une nouvelle évolution du secteur du sport et loisir. De nouveaux
concepts de magasins continuent
d’apparaître. De grands groupes de
distribution, des spécialistes de l’habillement et de grands fabricants
d’articles de sport affichent leur ambition de se positionner sur des créneaux
inexplorés par les commerces de sport
traditionnels, comme le « sportmode », le « sport-passion » pour les
fans ou le « sport-spectacle » avec projections sur écrans et démonstrations
dans le magasin.
Pour comprendre
ces résultats
Une entreprise succursaliste (ou commerce
intégré) est une entreprise gérant au moins
cinq magasins propres sous la même enseigne dont elle est propriétaire.
des groupements d’achat et des réseaux de
franchise (plus rares dans le commerce de
sport). Les groupements sont des réseaux
constitués de détaillants qui se sont regroupés autour d’une centrale d’achats dont ils
sont les adhérents.
Les chiffres de pratique sportive des Français sont issus de l’enquête permanente
Conditions de vie de mai 1997 (population
de 15 ans et plus) et de l’enquête Pratiques
de loisir (1987-1988, sur les 14 ans et plus).
Les dépenses des ménages en articles de
sport proviennent de l’enquête Budget de
famille de 1995.
Pour en savoir plus
« Le commerce en 1997 », Insee Première n° 574, avril 1998.
« Formes de vente et conquêtes de marché : 25 ans d’évolution de la distribution », Insee Première n° 437, mars
1996.
« Les entreprises du commerce en
1996 », Insee Résultats (à paraître au
troisième trimestre 1998).
La Fédération nationale du commerce
d’articles de sports et de loisirs
(FNCASL) publie chaque année Le marché des articles de sports et de loisirs.
Le commerce organisé en réseau est formé
Direction Générale :
A RETOURNER A : INSEE-CNGP, B.P. 2718, 80027 AMIENS CEDEX 01
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ISSN 0997 - 3192
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