SEM à tous vents de Danielle BORIEL et Vincent DUVILLE

Transcription

SEM à tous vents de Danielle BORIEL et Vincent DUVILLE
… SEM à tous vents !
L’Hôtel-Club des Trois Îlets et l’hôtel Diamond – Rock, tous deux fermés à cause de difficultés
financières, rendant impossible le maintien de l’activité de ces structures hôtelières dans des
conditions décentes et ce malgré la patience des employés qui ont travaillé deux mois sans salaires,
alimentent la triste actualité de la gestion catastrophique des SEM (Société d’Economie Mixte) en
Martinique.
Ces deux hôtels sont gérés par la SEM, SEMAVIL et il convient de rapprocher cette actualité avec
celle de la nuit du 26 Juillet dernier, à l’heure très avancée de 2 heures (donc au petit matin du 27),
au Conseil Régional de Plateau ROY.
Cette nuit –là, à la fin de la Plénière qui avait débutée avec plus de deux heures de retard et dont les
travaux de l’après-midi ont recommencé vers 17h, à l’exemple des pratiques de l’Assemblée
Nationale française, les élus majoritaires, ont fait « passer », deux dossiers sensibles.
Ces dossiers sensibles sont ceux de la SEMAVIL présidée par Pierre SAMOT et de la SEMAFF
présidée par Serge LETCHIMY. Chacune de ces deux SEM a obtenu un apport en compte -courant,
destiné à être intégré au capital, c’est-à-dire à ne jamais être remboursé, de 600 000 €. La majorité
régionale a donc voté, sans disposer de toutes les informations comptables et financières, sans
discussions, sans commentaires, un total de 1 200 000 € pour les deux SEM du centre qui sont en
grande difficulté financière.
Les dossiers de la SEMAVIL et de la SEMAFF étaient accompagnés par celui de la SEMSUD et
celui de la SEMA (SEM du Nord) remis au cours de la plénière. Ces deux SEM, dont la situation
financière semble moins compromettante, n’ont obtenu chacune que 250 000 € à titre d’avance
remboursable.
Toutes ces demandes d’argent à la Région, sont initialement présentées comme devant aider à la
réalisation de nouveaux projets, mais devant quelques questions très embarrassantes des élus de
l’opposition, le Président de Région annonce qu’il s’agit de financements destinés à la restructuration
de ces SEM et qui ne seront débloquées que dans ce cadre et seulement dans ce cadre.
En réalité, il ne s’agit ni d’aider au financement de nouveaux projets, ni d’accompagner une
restructuration en cours d’étude et pas encore finalisée, mais de combler à la va-vite, des déficits,
alimenter des besoins de trésorerie résultant d’une gestion aventureuse et catastrophique,
caractéristique de la « gouvernance » de ces structures par certains responsables politiques.
La nouvelle gouvernance à la Région est véritablement disposée à semer à tous vents, les ressources
de la Collectivité, sur la bande la plus étroite du territoire de la Martinique, pour permettre à ces
SEM moribondes de « tenir le coup » !
1 La Situation financière de la SEMAFF et de la SEMAVIL en quelques chiffres :
Capitaux Propres
Dettes auprès des
banques
Dettes fiscales et
sociales
Dettes fournisseurs
Stock
Créances Clients
Trésorerie
Résultat
d’exploitation
Résultat financier
Résultat
exceptionnel
Résultat Global
SEMAVIL
2010
2 091 985 €
6 502 307 €
SEMAFF
2010
1 918 273 €
22 188 233 €
1 789 614 €
1 160 317 €
4 892 669 €
12 387 174 €
9 169 420 €
8061 €
- 106 258 €
12 603 108 €
-272 550 €
-342 920 €
319 466 €
840 719 €
721 727 €
-594 461 €
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11 946 045 €
1 113 443 €
-1 754 646 €
Les élus de la majorité ont accordé 1 200 000€ à ces deux SEM, au vu de quelques chiffres de
l’année 2010. S’il s’était agi d’une entreprise privée, elle aurait été contrainte de fournir, l’ensemble
des informations comptables les plus récentes, c'est-à-dire, tous les chiffres des années 2011 et
2010 !
L’information comptable partielle, fournie aux élus, résultent d’une dégradation continue, depuis de
nombreuses années, des indicateurs de gestion de ces SEM :
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Une dégradation continue des capitaux propres,
Des niveaux d’endettement de plus en plus extravagants,
Une trésorerie de plus en plus exsangue,
Des résultats se dégradant jusqu’au niveau d’une exploitation déficitaire, indicateur qui
aurait déjà conduit à la liquidation d’une entreprise du secteur privé,
De plus, ces SEM travaillent à Fonds perdus pour des clients « indélicats » qui n’honorent
pas leurs dettes…
Les fournisseurs qui ont travaillé pour ces SEM, ne sont pas payés, à hauteur de 213 années
de SMIC chargé pour la SEMAVIL et 549 années de SMIC chargé pour la SEMAFF !!
L’argument qui est avancé pour justifier les dons financiers de la Région au bénéfice de ces SEM est
la préservation des emplois (pour qui ?), mais dans le même temps, il faut dire que le non paiement
des fournisseurs est destructeur d’emplois (pour qui ?).
2 Panorama des SEM de Martinique
Il existe en Martinique de nombreuses SEM qui œuvrent dans des secteurs divers et variés :
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la SIMAR dans le domaine du logement social avec un statut spécial,
la SEMAM qui gère l’abattoir départemental,
la SAEM du Galion qui gère notre production résiduelle de sucre et de rhum industriel,
d’autres gèrent le transport public de passagers comme la CFTU avec Mozaïk
sans oublier nos trop nombreuses SEM d’aménagement :
SODEM, SEMAFF, et la SEMAVIL qui non contente de s’occuper bon an, mal an
d’aménagement et de logements, a rajouté à sa carte de visite la gestion hôtelière,
SEMA, SEM SUD, SEM de Case Pilote…
La nécessité d’un secteur d’économie mixte ou publique est incontestable. Ce secteur positionné
entre le tout public et le tout privé est composé d’entreprises commerciales à capital majoritairement
ou exclusivement public ; SEM ou SPL (Société Publique Locale) ou SPLA (Société Publique
Locale d’ Aménagement) contrôlées par les collectivités publiques et qui ont une double vocation :
1) être au service des collectivités locales et de leurs habitants,
2) privilégier les ressources locales. En un mot, faire mieux et moins cher que le privé !
Dans notre économie insulaire, la coexistence d’un secteur d’économie mixte ou publique à côté du
secteur privé dont la finalité principale est la rentabilité peut contribuer à une certaine efficacité
économique.
Certaines des sociétés publiques locales martiniquaises sont correctement gérées et rendent au
quotidien des services à la population martiniquaise, par exemple dans le domaine du logement
social. D’autres sont structurellement déficitaires mais rendent des services irremplaçables aux
administrés, c’est le cas de la SEM abattoir départemental et de la SAEM usine du Galion. Les
subventions d’exploitation dont bénéficient ces SEM ont pour but de maintenir ces activités
indispensables pour notre pays, et de contenir les pertes d’exploitation au plus juste.
Concernant les SEM d’aménagement, elles sont trop nombreuses sur le territoire, sous dotées en
moyens humains hautement qualifiés et expérimentés. L’étroitesse du marché, les comptes publics
dégradés des collectivités locales n’offrent pas la visibilité propice à de tels recrutements ce qui les
privent d’atouts précieux, lors des mises en concurrence obligatoires sur les marchés substantiels.
Les SEM notoirement mal gérées, le sont par des responsables politiques ou par des administratifs
convertis en gestionnaire inamovibles qui en réalité ne rendent de compte à personne sur les
conséquences de leurs choix gestionnaires.
La question se pose de savoir, si la gestion des SEM qui sont des outils industriels et commerciaux
régis par des règles de droit privé et commercial, doit continuer à être exercée par des responsables
politiques. Le rôle des politiques devraient se limiter à formaliser des objectifs politiques et ce sont
des professionnels de la gestion, en capacité de traduire les objectifs politiques en stratégies
entrepreneuriales qui devraient les mettre en œuvre avec quelques chances de succès. Les
3 gestionnaires devraient toujours être en situation de gérer ces structures, en faisant abstraction de
toute considération électoraliste totalement improductive au plan collectif.
Quelles perspectives pour les SEM de Martinique ?
Les SEM présentées par l’actuel Président de Région, comme un outil de développement très
important, suscite chez ce dernier une véritable frénésie de création, au point qu’il est envisagé la
création d’une SEM énergie, la Création d’une SEM-mère pour regrouper et préserver toutes les
SEM d’aménagement déjà existantes même si ces dernières sont qualifiées de « cadavres » par la
première-vice présidente de la Région lors de la Plénière du 27 Juillet dernier, au vue de leur
situation financière extrêmement dégradée.
Les SEM, objets de toutes les sollicitudes du Président de Région n’ont pas fait leur preuve en
matière de performance, mais qu’importe ! Puisque les fonds publics de la Région, de la municipalité
du Lamentin et de Fort-de-France, peuvent les maintenir en vie (voir les ressusciter) contre vents et
marées.
On peut légitimement s’interroger sur l’engouement des tenants de la nouvelle gouvernance pour les
SEM ; structures anciennes, pas très modernes, même quand elles sont à l’état de « cadavre », que
l’on pense pouvoir ressusciter en les arrosant de millions d’euro prélevés sur les contribuables
martiniquais. En la circonstance un essai d’arrosage à l’eau bénite pourrait se révéler plus efficace!
L’opacité voulue, par le manque de communication, des états comptables de ces SEM ainsi que des
conclusions de l’audit dont elles ont fait l’objet, est suspecte.
Une vaste réflexion, une analyse stratégique fine, s’impose sur la situation et l’évolution des SEM de
Martinique. Il convient dans ce cadre de tenir compte de :
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L’état financier de ces structures, par une analyse rétrospective de leurs comptes,
Des conclusions de l’audit déjà réalisé,
De l’environnement économique de ces structures : par exemple la DDST ( Direction
Départementale des Services Technique du Conseil Général) intervient en concurrence sur
les mêmes marchés (construction d’écoles…)…
De l’existence d’outils plus modernes. En effet, depuis 2010, le champ de compétence des
SPL et SPLA a été élargi et ces structures ne sont pas soumises aux règles de la concurrence,
à condition de ne travailler que pour les collectivités actionnaires. Il suffirait de leur donner
les moyens de mener à bien leurs missions face à des multinationales peu scrupuleuses et
expertes en contentieux !
Les options possibles, résultant de cette analyse stratégique objective, devront ensuite faire l’objet
d’une discussion démocratique au sein de l’Assemblée Plénière de la Région. C’est la seule
alternative, de nature à permettre une prise de décisions pertinentes et efficientes concernant ces
SEM, dans l’intérêt des martiniquais et des deniers publics de plus en plus rares. Les martiniquais,
eux, ont déjà compris qu’il faut moins, mais mieux dépenser !!
Danielle BORIEL, Louis-Félix Vincent DUVILLE
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