Tensions de surface

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Tensions de surface
Tensions de surface
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Phénomènes capillaires
Lors de son voyage lunaire, le Capitaine Haddock fait une expérience remarquable. Il observe
qu’une goutte d’eau (certes, un peu alcoolisée) est sphérique en apesanteur (Fig. 1) : le liquide
minimise ainsi son énergie de surface. Les molécules d’une phase condensée (solide ou liquide)
sont en effet soumises à des forces cohésives avec leurs voisines. Créer une interface revient
donc à perdre une partie de cette énergie de cohésion. Cette énergie à payer est l’énergie de
surface Es ; elle est proportionnelle à l’aire de l’interface A et à un coefficient γ dénommé
tension de surface :
Es = γA
La tension de surface est à l’origine des phénomènes capillaires qui sont omniprésents à
l’échelle submillimétrique: formation des gouttes de pluie, imprégnation des matériaux poreux
ou sustentation d’insectes à la surface d’une mare. L’objectif de ce TP est de mesurer cette
quantité par les techniques les plus courantes. En toute rigueur, une tension de surface met
en jeu les deux composés présents de part et d’autre de l’interface, liquide/gaz, liq.1/liq.2,
liquide/solide ou solide/gaz (pour simplifier, la tension de surface entre un liquide et l’air est
en général notée simplement γ). Son unité de mesure est le N/m (ou J/m2 ).
Figure 1: Expérience du Capitaine Haddock
Note sur les angles de contact
Généralement une goutte de liquide déposéé sur un solide ne s’étale pas complétement : on
parle dans ce cas de mouillage partiel. La calotte sphérique observée est caractérisée par un
angle de contact θ (Fig. 2). Cet angle est lié aux tensions de surfaces entre le liquide, l’air et
le solide, via la relation de Young :
cos θ =
γsol/air − γsol/liq
γ
θ
Figure 2: Angle de contact en mouillage partiel
1
Cet angle de contact complique la détermination d’un tension de surface. Cependant, dans
le cas où γ < γsol/air − γsol/liq , le liquide s’étale complétement sur le solide : θ = 0 (la valeur
du cosinus de l’angle reste en effet bornée à 1). Nous chercherons à assurer cette situation de
mouillage total pour effectuer nos mesures.
2
2.1
Montée capillaire
Hauteur d’équilibre : loi de Jurin
Lorsqu’un tube capillaire est plongé dans un liquide mouillant, une colonne de liquide monte
dans le tube par capillarité (Fig. 3). À l’équilibre, le niveau atteint par le liquide est donné
par la loi de Jurin :
2γ cos θ
h=
ρgr
Si le liquide mouille parfaitement la paroi du tube (θ = 0). La valeur de la tension de surface
peut ainsi être facilement déterminée.
Déduire une estimation de la tension de surface des liquides proposés au moyen de ce dispositif. Les rayons des tubes successifs sont 510 µm, 234 µm et 144 µm (et les densités de
l’éthanol et du dodécane sont respectivement 789 et 755 kg/m3 ). Quels sont les avantages et
les inconvénients de cette technique?
R
θ
h
Figure 3: Montée d’un liquide dans un tube capillaire
2.2
Dynamique de l’ascension : loi de Washburn
Mettons un morceau de papier buvard en contact avec un réservoir de liquide mouillant. Un
front d’imprégnation monte le long du papier : le liquide est aspiré par capillarité. Nous
nous intéressons ici à la dynamique de ce phénomène (son importance pratique est grande :
traitements de surfaces, imprégnations de matériaux poreux).
Déterminer expérimentalement la dynamique d’ascension du dodécane sur un morceau de papier filtre gradué (l’avantage du dodécane, c’est qu’il est peu volatil). Une mesure visuelle
au chronomètre est probablement la plus adaptée. Quelle serait la cinétique de montée à
l’intérieur d’un tube capillaire lorsque la gravité est négligeable? Déduire une taille caractéristique des pores du papier. Pour info, la viscosité dynamique du dodécane est de
1.34 mPa.s.
2
3
Mesures de forces
Un autre principe consiste à mesurer la force capillaire qu’exerce un ménisque sur un solide.
Cette force est proportionnelle à la tension de surface et permet ainsi de la mesurer. Deux
types de géométries sont courament utilisées : la plaque et l’anneau. Il faut à nouveau
s’assurer que le liquide mouille parfaitement le solide (les géométries sont en platine qui,
propre, est mouillé par tous les liquides usuels).
3.1
Méthode de Wihelmy (plaque)
On affleure délicatement la surface d’un liquide avec une lame verticale. Au moment du
contact, un liquide monte brutalement (Fig. 4). La force fw exercée par ce ménisque sur la
plaque est donnée par la relation :
fw = p · γ cos θ,
où p est le périmètre de la ligne de contact du liquide sur le solide (cette force correspond au
poids du liquide dans le ménisque). Le tensiomètre mesure cette force (on fait un ”zéro” par
rapport au poids de la plaque) et affiche la tension de surface correspondante (en mN/m).
Cette mesure suppose que l’angle de contact est nul, ce que l’on assure en nettoyant la lame
de platine par pyrolyse.
Déterminer par cette méthode la tension de surface des liquides proposés. Quels sont les
avantages et les inconvénients de cette technique?
fw
Figure 4: Ménisque sur une plaque
3.2
Méthode de du Noüy (anneau)
Une technique proche de la précédente consiste à retirer un anneau d’un bain de liquide. La
force requise par cette opération passe par un maximum fm que le tensiomètre détermine.
fm est proportionnelle à la tension de surface et la géometrie de l’anneau :
fm = 2π(Rin + Rext )γ/c,
où Rin et Rext sont les rayons intérieur et extérieur de l’anneau et c un léger facteur correctif
dépendant de la géométrie particulière de l’anneau et de la densité du liquide. Le tensiomètre
est calibré pour l’anneau utilisé, cependant la tension de surface affichée ne tient pas compte
du facteur correctif c. Pour une mesure absolue de la tension de surface il conviendra donc
3
de déterminer ce facteur correctif afin de corriger la valeur affichée par l’appareil. Pour le cas
particulier de l’anneau utilisé, ce facteur correctif vaut approximatievment :
r
γ∗
c = 0.776 + 0.4621 · 10−3 + 0.0147,
ρ
où γ ∗ est la tension affichée (en mN/m) et ρ la densité du liquide en g/cm3 . La valeur absolue
de la tension est alors donnée par :
γ = cγ ∗ .
Déterminer la tension de surface des liquides proposés par cette méthode. Quels sont les
avantages et les inconvénients de cette technique?
3.3
Tensio-actifs
Les tensio-actifs (ou surfactants) sont des molécules amphiphiles qui possédent à la fois une
partie hydrophile (une tête ionique par exemple) et une partie hydrophobe (une chaı̂ne aliphatique). Cette double affinité attire ces composés vers les interfaces eau/huile ou eau/air
(Fig.5). Les tensio-actifs sont le principal ingrédient des lessives, savons ou liquides vaisselle.
Ils sont également largement utilisés pour stabiliser suspensions et émulsions. Nous étudierons
ici des solutions de SDS (sodium docécyl sulfate) qui est l’un des tensio-actif les plus courants.
Mesurer l’évolution de la tension de surface d’une solution d’eau savonneuse en fonction de la
concentration en tensio-actifs. Qu’observe-t-on? Que se passe-t-il lorsque la solution devient
concentrée?
Les tensio-actifs adsorbés à la surface de l’eau se comportent comme un gaz 2D. Dans
l’hypothèse d’un gaz parfait, la tension de surface du liquide s’écrit ainsi :
γ = γ0 − Γs kT,
où γ0 est la tension de surface de l’eau pure et Γs la concentration surfacique des molécules
tension-actives.
Déduire la concentration surfacique typique en tensio-actifs d’une eau savonneuse. Comparer
le nombre de surfactants en surface par rapport aux surfactants en solution pour une eau
savonneuse contenue dans un bêcher de 10 ml et d’une section de 10 cm2 . Les molécules
amphiphiles sont-elles complétement adsorbées?
Figure 5: Molécules tensioactives à l’interface entre l’eau et l’air
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4.1
Goutte pendante
Stalactites
Les forces capillaires permettent également de maintenir une goutte de liquide à l’extrémité
d’une pipette verticale (Fig. 6). La forme de la goutte résulte d’un équilibre entre capillarité
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et gravité. Un tel équilibre n’est cependant réalisable tant que la goutte n’est pas trop lourde.
Le volume maximum Vmax d’une telle goutte est ainsi donné par :
Vmax ρg = 2πγR · c,
où R est le rayon extérieur du tube et c un nouveau facteur correctif lié au fait qu’une partie de
la goutte reste attachée à l’embout après son détachement. Le coefficient c est lié au rapport
1/3
R/Vmax et sa valeur peut être estimée grâce au tableau de la figure 7. Afin d’estimer plus
précisemment Vmax , on mesurera le volume moyen correspondant à une dizaine de gouttes.
Il faut en outre prendre soin d’augmenter très progressivement le volume de la goutte afin de
réaliser une condition d’équilibre à chaque instant.
Déterminer la tension de surface de l’un des liquides proposés par cette méthode (l’embout de
la seringue a un rayon extérieur de 1mm). De nombreuses applications pratiques mettent en
jeu de très petites gouttes (injection du carburant dans un moteur par exemple). Est-it si aisé
de faire de petites gouttes?
Figure 6: Goutte pendant à l’extrémité d’un tube
Figure 7: Facteur correctif pour la méthode ”stalactite”
5
4.2
Profil de la goutte
La forme globale d’une goutte pendante dépend d’un équilibre entre gravité et capillarité. Il
est ainsi possible de comparer le profil de la goutte obtenu sur un cliché photographique à un
profil issu de la résolution numérique de l’équation de Laplace qui dicte la forme de la goutte
axisymétrique (cette équation non linéaire ne possède pas de solution générale analytique) :
1
1
2
γ
+
= ρgz + γ ,
R1 R2
R0
d2 z/dr2
1
dz/dr
1
1
=
=
,
3/2
R1
R2
r [1 + (dz/dr)2 ]1/2
[1 + (dz/dr)2 ]
où R1 et R2 désignent les rayons de courbure principaux de l’interface et R0 la courbure
à l’extrémité inférieure de la goutte. Pour un liquide d’une tension de surface donnée, une
famille de solutions est possible en fonction du volume de la goutte (le paramètre R0 permet
de recouvrer cette famille). Avant sa résolution numérique, l’équation est d’abord adimensionnalisée par le longueur capillaire lc = (γ/ρg)1/2 . Afin de simplifier la comparaison entre
les différentes courbes, leur coordonnées sont renormalisées par rapport au rayon maximal
(Fig.8a) et le facteur de renormalisation de chaque courbe est stocké en mémoire (Fig.8b).
3.0
2.5
2.0
0.8
1.5
Rmax / lc
0.7
1.0
0.6
0.5
0.5
0.4
0.0
0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
5
10
15
20
25
30
1.2
Numro courbe
Figure 8: (a) Superposition du profil de la goutte aux profils calculés. (b)Rapport Rmax /lc
en fonction du numéro de la courbe.
En pratique, le profil de la goutte sera capturé avec une caméra CCD ou un réflex
numérique doté d’un objectif macro. Les images seront analysées avec le logiciel ImageJ afin
d’extraire le contour de la goutte (utiliser pour cela les fonctions : Image/Adjust/Brightness,
Process/Find edges, Analyse/Tools/Save XY coordinates). Le profil extrait sera traité avec
IgorPro : renormalisation des coordonnées par rapport à Rmax , superposition avec les solutions calculées afin de déterminer la courbe théorique la plus proche, extraction du rapport
Rmax /lc correspondant, détermination de lc et finalement de γ.
Déterminer la tension de surface de l’un des liquides proposés (l’embout a un rayon extérieur
de 1mm). À quelle condition cette méthode permet-elle de mesurer la tension interfaciale
entre deux liquides? Déterminer la tension interfaciale entre de l’eau (savonneuse ou pas) et
une huile.
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