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La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 25— 12 septembre 2015
Youth — Les Chansons que mes frères m’ont apprises
Pat Garrett et Billy le Kid
Le film mystère
En bref — Prochains rendez-vous à l’Eldo
YOUTH
un film de Paolo Sorrentino
À l’instar du rocker Cheyenne de This Must Be the Place (2011) ou de l’écrivain Jep Gambardella de La grande
bellezza (2013), le compositeur et chef d’orchestre à la retraite Fred Ballinger vit des rentes, tant financières
qu’en termes de notoriété, d’un moment de succès passé. Derrière une posture misanthrope qui lui permet
de décliner une invitation de la reine d’Angleterre ou de traiter d’imposteur un lama censé léviter, le maestro
observe le monde comme s’il en était étranger, se protégeant des autres comme de ses propres sentiments.
Depuis vingt ans, il passe l’été dans un hôtel de luxe suisse fréquenté par une clientèle sélecte. Séjournant
autrefois avec son épouse, il y vient désormais seul et y retrouve son ami le réalisateur Mick Doyle entouré
d’une nuée de scénaristes. À l’opposé du musicien, le cinéaste est toujours dans l’action, il ne vit que pour le
futur : il veut croire que sa meilleure œuvre sera la prochaine et il ne veut retenir du passé que le meilleur, en
le réinventant si besoin.
Comme dans les films précédents de Paolo Sorrentino, Youth est une suite de rencontres, de rêveries et de
réflexions. Le réalisateur n’hésite pas à user de grandiloquence pour dénoncer la vanité du monde, sa superficialité. Nous ne pouvons que rire à cette armée de domestiques mise en branle pour satisfaire les besoins
dérisoires de quelques privilégiés sans imagination, qui obéissent aux ordres donnés tel un troupeau de
vaches. La raillerie de Sorrentino serait vaine s’il ne s’attachait pas à montrer les failles de ses personnages, la
lutte qu’ils mènent contre eux-mêmes. Chaque éclat de rire est empreint de tristesse, chaque larme d’ironie.
De film en film, Paolo Sorrentino construit son propre style, un style parfois déroutant qui en agace plus d’un.
Il est capable de passer du clinquant au bouleversant, et par un simple geste, un simple mot, d’émouvoir. Dans
Youth plus que dans ses précédents films, il démontre qu’il est un excellent directeur d’acteur. Les second
rôles, en particulier Paul Dano, sont formidables. Je ne me rappelle pas depuis quand je n’avais vu Michael
Caine aussi impressionnant, et les deux scènes avec Jane Fonda resteront pour moi parmi les grandes
prestations de l’actrice.
Youth (Italie, France, Suisse, Royaume-Uni ; 2015 ; 118’ ; couleur, 2.35:1 ; Dolby Atmos), écrit et réalisé par Paolo Sorrentino, produit par
Nicola Giuliano, Francesca Cima et Carlotta Calori ; musique de David Lang, image de Luca Bigazzi, montage de Cristiano Travaglioli, casting
de Shaheen Baig, Laura Rosenthal et Anna Maria Sambucco ; avec Michael Caine (Fred Ballinger), Harvey Keitel (Mick Boyle), Rachel Weisz
(Lena Ballinger), Paul Dano (Jimmy Tree), Jane Fonda (Brenda Morel). Distribué par Pathé Distribution. Rubans d’argent du meilleur film, de
la meilleure photographie et du meilleur montage 2015 ; Prix du public au Festival international du film de Karlovy Vary 2015.
LES CHANSONS
QUE MES FRÈRES M’ONT APPRISES
un film de Chloé Zhao
C’est l’histoire d’une petite Chinoise qui voulait faire du cinéma et qui, devenu adulte, découvre une réserve
indienne dans le Dakota. Chloé Zhao sait qu’elle tient son sujet, ses acteurs — des enfants. Elle trouve un peu
d’argent mais pas assez : qui financerait un premier long métrage sans stars dans un endroit où personne ne
voudrait vivre ? Alors, voyant ses deux acteurs principaux grandir, la jeune cinéaste décide de retourner à Pine
Ridge avec une équipe très réduite, sacrifiant le scénario original, trop onéreux. Ainsi est né Les Chansons que
mes frères m’ont apprises.
Le film reflète la vie à Pine Ridge. Lors de l’ultime cours de leur scolarité dans la réserve, le professeur demande
aux élèves ce qu’ils veulent faire plus tard, faire du rodéo et avoir un ranch sont les réponses les plus fréquentes. Johnny veut être boxeur. Il veut surtout quitter la réserve, suivre sa petite amie qui va faire médecine
à Los Angeles. « Comment iras-tu ? Où logeras-tu ? Qui te donnera du travail ? » Johnny ne sais pas répondre
mais il est déterminé et débrouillard. Il n’a jamais connu que Pine Ridge, l’absence des parents ou leur alcoolisme, l’ennui du quotidien et les petits trafics pour ramener quelques sous. Son seul remord est de laisser sa
sœur Jashaun, presque douze ans. La mort de son père, qui a eu vingt-cinq enfants avec neuf femmes, lui
permet de rencontrer ses demi-frères et demi-sœurs, en tout cas ceux qui ne sont pas au pénitencier ou qui
ne se sont pas suicidés…
Les Chansons que mes frères m’ont apprises est marqué par l’ombre du chef Sitting Bull, prédisant que le
peuple sioux se relèverait à la septième génération, justement celle de Johnny et Jashaun. Le film décrit la
découverte par le frère et la sœur d’une culture presque évanouie et l’amorce d’une fraternité qui pourrait
être la première étape vers le renouveau. Si l’image évoque un peu trop le cinéma de Terrence Malick, ce
premier long métrage laisse surtout entrevoir une sensibilité. La cinéaste filme Pine Ridge et ses habitants avec
empathie, mais se refuse au pathos et au misérabilisme. Elle s’interroge sur le rapport des hommes aux lieux,
sur l’importance de l’héritage. Malgré quelques maladresses et un budget fauché, Chloé Zhao signe avec Les
Chansons que mes frères m’ont apprises un premier film fort.
Les Chansons que mes frères m’ont apprises (Songs My Brothers Taught Me ; États-Unis ; 2015 ; 98’ ; couleur), écrit et réalisé par Chloé Zhao,
produit par Chloé Zhao, Angela C. Lee, Mollye Asher, Nina Yang Bongiovi et Forest Whitaker ; musique de Peter Golub, image de Joshua
James Richards, montage d’Alan Canant, son de Bob Edwards ; avec John Reddy (Johnny), Jashaun St John (Jashaun), Taysha Fuller (Aurelia),
Eleonore Hendricks (Angie), Travis Lone Hill (Travis), Cat Clifford (Cat Clifford), Irene Bedard (Lisa). Distribué par Diaphana.
Redécouvrir Peckinpah
PAT GARRETT ET BILLY LE KID
à l’Eldorado à partir du 23 septembre 2015
Projection du film et rencontre avec François Causse
le jeudi 17 septembre, 20 h
Tarifs ordinaires — Prévente des places à l’accueil du cinéma
Sam Peckinpah est de ces réalisateurs dont je n’ai vu les films que dans un téléviseur, jamais sur grand écran, et je
me fais une vraie joie de découvrir La Horde sauvage (1969), Guet-apens (1972), Pat Garrett et Billy le Kid (1973) et
Croix de Guerre (1977) à l’Eldorado où ils seront repris à partir du 23 septembre, tant il est évident qu’ils n’ont pas
été pensés pour le petit écran. Pendant sa « rentrée », l’Eldo nous propose une première séance de Pat Garret et
Billy le Kid en compagnie de François Causse, auteur d’un des rares ouvrages français consacrés au réalisateur américain, un livre qui fait référence.
L’histoire est bien connue : après une vie de hors-la-loi, Pat Garrett est élu shérif du comté de Lincoln. Il arrête un
ancien compagnon, Billy le Kid, qui réussit à s’évader. Pat Garrett se lance alors à sa poursuite… Pat Garret et Billy
le Kid n’est pas la lutte du Bien contre le Mal, il est d’ailleurs difficile de trouver le Bien dans ce film. Les raisons qui
ont poussé Garrett à rentrer dans le droit chemin ne sont pas morales : il s’agit de « devenir riche et faire de vieux
os », car dit-il « d’un côté ou de l’autre, on a toujours raison ». Le combat des deux hommes n’est pas un affrontement mais l’accomplissement du destin. Comme Achille qui savait qu’il devait mourir au pied de Troie pour être
chanté à jamais par les aèdes, Pat Garrett et Billy le Kid n’ont pas le choix pour entrer dans la légende de l’Ouest,
et être immortalisés par la caméra de Sam Peckinpah et les chansons de Bob Dylan.
Un film à (re)voir sur grand écran, en attendant les trois autres du cycle, et en espérant que le reste de l’œuvre —
en particulier Les Chiens de paille (1971) et Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia (1974) — suivra.
Pat Garrett et Billy le Kid (Pat Garrett & Billy the Kid ; États-Unis ; 1973 ; 115’ ; Metrocolor, 2.35:1; mono), réalisé par Sam Peckinpah, écrit
par Rudy Wurlitzer, produit par Gordon Carroll ; musique de Bob Dylan, image de John Coquillon, montage de David Berlatsky, Garth Craven,
Tony De Zarraga, Richard Halsey et Roger Spottiswoode ; avec Kris Kristofferson (Billy the Kid), James Coburn (Pat Garrett). Distribué par
Action Cinémas / Théâtre du Temple.
François Causse, Sam Peckinpah. 224 p., ill. Dreamland, 2001.
Au vendredi 11 septembre,
550 spectateurs ont donné 43 277 €.
Et vous ?
Informations et modalités de la souscription sur le site Web de l’Eldorado
Le film mystère
Dans Les Cadeaux d’Aston (Astons presenter, 2012), premier des courts métrages composant Petites Casseroles, programme
collectif actuellement à l’Eldorado dans la sélection Ciné-mômes, nous pouvons distinguer des poupées à l’image de deux
personnages, héros de plusieurs livres illustrés et de courts métrages d’animation. Reconnaitriez-vous le programme récemment diffusé à l’Eldo dont le photogramme qui suit est extrait ?
La première personne qui me communiquera le titre du film mystère et le nom de ses deux réalisateurs gagnera deux invitations valables à l’Eldorado pour le film (ou les films) de son choix. La réponse doit être remise soit par mail à [email protected], soit sur papier libre à l’accueil du cinéma (dans ce cas, noter la date et l’heure, ainsi qu’un
nom et une adresse mail ou postale).
Le film mystère précédent
La semaine dernière, il fallait reconnaître Amnesia (2015) que son réalisateur, Barbet Schroeder, était venu présenter à l’Eldorado cet été. C’est Jo (Max Riemelt) qui s’amuse à faire des ombres chinoises, Nosferatu pour commencer, puis des animaux ;
Martha (Marthe Keller) le rejoint pour les oiseaux (le photogramme). Le film est encore à l’affiche tous les jours à 16 h jusqu’à
mardi. Félicitations à tous ceux qui ont reconnu Amnesia, tout particulièrement à Isabelle H. qui a été la première à répondre
et qui gagne donc les deux places gratuites en jeu.
En bref
 L’Eldo fait sa rentrée : à partir de mercredi prochain, pendant une semaine, toutes les séances sont à 4 €, l’occasion
de voir (ou de revoir) Au plus près du soleil, Cemetery of Splendour, Les Chansons que les frères m’ont apprises,
Dheepan, Nous venons en ami, The Program et Youth. Trois soirées spéciales sont proposées aux mêmes conditions :
jeudi Pat Garrett et Billy le Kid, lundi Dans la Maison radieuse et mardi Nous venons en ami.
 Les enfants aussi auront leur rentrée à l’Eldo mais celle-ci n’aura lieu qu’à partir du 30 septembre. Ils pourront découvrir (et nous avec) Les Animaux farfelus, Anina, Petites Casseroles, Phantom Boy, Les Salsifis du Bengale et Le
Voyage de Tom Pouce à 4 € la séance, y compris pour les grands.
 Cette année, l’Eldorado participe pour la première fois aux Journées européennes du patrimoine des 19 et 20 septembre. Le matin uniquement, de 9 h à 11 h 30, vous pourrez découvrir les coulisses du cinéma accueillis par Collectif
Eldo et accompagnés dans votre visite par l’architecte Maxime Lecuyer et l’équipe du cinéma.
 Merci à Didier L. qui m’a communiqué l’adresse de l’article en ligne consacré à l’Eldorado par France 3 avec le sujet
diffusé le 26 août dernier au 19/20 : http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne/cote-d-or/dijon/dijon-lecinema-eldorado-pourra-t-il-survivre-800957.html.
Prochains rendez-vous à l’Eldo
Septembre
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Jeudi 17, 20 h : Projection de Pat Garrett et Billy le Kid, suivie d’une rencontre avec François Causse (4 €).
Lundi 21, 20 h 15 : Projection de Dans la Maison radieuse, suivie d’un débat sur Le Corbusier avec Jean-Charles
Jacques, architecte-urbaniste (4 €).
Mardi 22, 20 h 15 : Projection de Nous sommes venus en amis, en présence du réalisateur Hubert Sauper (4 €).
Mardi 29, 20 h 15 : Projection de Fatima, en présence du réalisateur Philippe Faucon.
Octobre
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Vendredi 2, 20 h 15 : Projection de La Vierge, les Coptes et moi, en présence du réalisateur Namir Abdel Messeeh.
Lundi 5, 20 h 15 : Dans le cadre du festival ATTAC%, projection de 108, Cuchillo de Palo, suivie d’une discussion.
Jeudi 8, 20 h 15 : Dans le cadre du festival ATTAC%, projection d’On est vivants, en présence de la monteuse Eva
Fegeiles-Aimé.
Vendredi 9, 19 h 30 : Diptyque Michael Cacoyannis : projection de Stella, femme libre et de Zorba le grec (8 €).
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
Site web : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre — Courriel : [email protected]

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