Les verres à couches, 1ère partie

Transcription

Les verres à couches, 1ère partie
Les verres à couches, 1ère partie
Par Serge ETIENNE
Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Sommaire
1 - Introduction
1.1 - Définition d’un verre à couches
1.2 - Les fonctions d’un verre à couches
Les fonctions optiques
Les fonctions chimiques
Les fonctions électriques
Les fonctions multiples
1.3 - Structure d’un verre à couches
1.4 - Nature des couches, procédés de dépôt
1.5 - Tests, normalisation des verres à couches pour l’architecture
2 - Normes et classification des vitrages pour le bâtiment
2.1 - Le rôle des couches
Le coefficient de transparence, ou de transmission lumineuse (TL ou t)
Le facteur solaire (FS ou g)
Le facteur gain solaire
L’émissivité e
Le coefficient de transfert thermique U
La couche autonettoyante
2.2 - La classification des verres à couches dans le bâtiment
2.3 - La numérotation des faces d’un vitrage simple ou multiple
2.4 - Les normes pour vitrages dans le bâtiment
3 - Traitement de surface hydrophobe
3.1 - Surface hydrophobe : définition
3.2 - Réalisation et usages de surfaces de verre hydrophobes
3.3 - Aspects théoriques
4 - Dépôt transparent conducteur de l’électricité
4.1 - Nature du dépôt : ITO (oxyde d’étain et d’indium)
4.2 - Elaboration du dépôt ITO
4.3 - Utilisations
5 - Verres à couches pour protection contre les incendies
5.1 - Définition
5.2 - Structure et fonctionnement d’un verre à couches intumescentes
5.3 - Les verres à couches réfléchissantes
5.4 - Les classes et normes pour vitrages de protection anti-incendie
5.5 - Quelques produits industriels
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
1 - Introduction
1.1 - Définition d’un verre à couches
Par définition, les ‘verres à couches’ sont des produits verriers de types industriels (très
généralement des produits élaborés à partir de verre ‘float’) qui sont revêtus d’une couche
mince, en général composée d’oxydes métalliques. L’épaisseur de cette couche est de l’ordre
de 10 nanomètres (soit un centième de micromètre) à 800 nanomètres (0,8 μm). Pour
optimiser les performances, la couche peut être constituée d’un empilement de plusieurs souscouches.
Le rôle de cette couche est de modifier le comportement optique (exemples : les vitrages antireflet, les vitrages réfléchissants utilisés pour réduire le facteur solaire), chimique (exemples :
les vitrages ‘autonettoyants’, vitres hydrophobes), électrique (dépôts conducteur électrique et
transparent) ou encore mécanique (exemple : les traitements contre les rayures).
Bien que ce dossier concerne les verres à couches dont la couche est inférieure à 1
micromètre, certains vitrages fonctionnels comportant des couches plus épaisses comme les
vitrages anti-incendie, les vitrages électrochromes etc… sont présentés. Il est possible
d’améliorer les propriétés acoustique et mécanique du verre (exemple : les vitrages feuilletés
utilisés pour la sécurité, l’antivandalisme, la sécurité d’exploitation comme les planchers en
verre, les parois d’aquarium les hublots de piscine). Cette application, qui fait intervenir des
couches épaisses, n’est pas considérée dans ce dossier.
1.2 - Les fonctions d’un verre à couches
Les fonctions optiques
La couche modifie le comportement optique du verre, dans le domaine visible et/ou dans le
domaine de l’infrarouge.
Les applications optiques d’un verre à couche intéressent d’une part les vitrages utilisés dans
le domaine de l’architecture et d’autre part le traitement du coefficient de réflexion.
Domaine de l’architecture
En architecture, il faut tenir compte de la répartition énergétique (ou spectrale) de l’énergie
solaire arrivant sur terre. La puissance du rayonnement solaire sur terre est constituée de 43%
de rayonnement InfraRouge, de 3 % de rayonnement UltraViolet, le reste (54 %) étant de la
lumière visible. Une application importante est apportée par une modification du
comportement vis-à-vis du rayonnement solaire en contrôlant d’une part l’énergie solaire
transmise et d’autre part la luminosité, conduisant ainsi à une économie de conditionnement
d’air (en été) et de chauffage (en hiver). Les caractéristiques d’un vitrage sont
principalement :
- le facteur solaire (noté g ou FS et variant de 0 à 1) qui représente la fraction de l’énergie
solaire transmise directement plus la chaleur absorbée par le vitrage et réémise vers l’intérieur
de la pièce.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
- la transmission lumineuse (notée TL et variant de 0 à 1) qui est la fraction de puissance
transmise dans la fraction du spectre comprise entre 0, 38 μm et 0,72 μm qui correspond aux
‘couleurs’ visibles par l’œil humain.
- le facteur U qui caractérise les échanges thermiques à travers le vitrage (unité = W/m2.°C).
- l’émissivité (notée e et variant de 0 à1) qui représente la fraction de puissance rayonnée
comparée à la puissance rayonnée par un ‘corps noir’ (dont l’émissivité est égale à 1 par
définition) à la même température.
Des couches sont capables de modifier les quantités g, e, TL et U, mais en général de façon
non indépendante.
Le secteur de l’automobile fait aussi maintenant de plus en plus appel au contrôle solaire,
d’autant plus que dans ce domaine, les vitrages ont des surfaces de plus en plus grandes et de
moins en moins verticales (exemple : les toits vitrés).
Outre ces applications pratiques, le traitement de surface peut présenter un intérêt esthétique
et de décoration (par exemple coloration par effet de réflexion interférentielle provoquée par
un dépôt transparent d’indice élevé comme l’oxyde de titane TiO2).
Le traitement du coefficient de réflexion
Il est souvent intéressant de contrôler le coefficient de réflexion sur un domaine spectral
étendu, comme la totalité du spectre visible par exemple. Des dépôts multicouches
diélectriques transparents d’indice de réfraction et d’épaisseurs judicieusement choisis
permettent d’obtenir des vitrages anti-réfléchissant, semi-réfléchissant ou super-réfléchissant.
Les applications se trouvent dans le secteur du bâtiment et de l’instrumentation optique.
Les fonctions chimiques
Il s’agit essentiellement de créer des vitres à propriétés hydrophobes ou au contraire
hydrophiles. Un exemple est donné par des verres à couches autonettoyantes à base d’oxyde
de titane.
Les fonctions électriques
Le but est d’obtenir un dépôt transparent à la lumière visible mais conducteur de l’électricité.
Les applications sont l’élimination de charges électrostatiques, mais surtout concernent la
réalisation de vitrages ‘intelligents’ de type électrochromes. Certains vitrages ‘dégivrants’
mettent à profit une fine couche transparente mais conductrice de l’électricité. L’exemple
typique d’une telle couche est l’oxyde mixte d’indium et d’étain appelé ITO.
Les fonctions multiples
Souvent, une combinaison de ces différentes propriétés est recherchée. Un exemple est donné
par les doubles vitrages autonettoyants et à isolation thermique renforcée. C’est le cas du
vitrage ‘Cool-Lite SKN 154 BioClean’ produit par Saint-Gobain Glass : ce vitrage comporte
une couche à faible émissivité déposée en face 2 et un dépôt autonettoyant en face 1.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
1.3 - Structure d’un verre à couches
Pour assurer de bonnes propriétés et une bonne durabilité, il est souvent indispensable de
déposer :
- une sous-couche assurant l’adhérence sur le verre.
- une couche (mais plus généralement plusieurs couches) pour donner au verre les
caractéristiques fonctionnelles recherchées.
- optionnellement, une couche de protection chimique et mécanique (dans le cas de verres à
faible émissivité, cette dernière couche peut être du nitrure de silicium).
1.4 - Nature des couches, procédés de dépôt
Il existe plusieurs techniques de formation de couches minces sur du verre :
- l’évaporation sous vide : la matière à déposer est chauffée sous vide, s’évapore puis se
dépose sur la surface du verre.
- la pulvérisation cathodique : les atomes d’un gaz sont ionisés sous champ électrique élevé,
sont accélérés et sont projetés sur une cible constituée du matériau à déposer. Les atomes
éjectés de la cible se déposent sur le substrat en verre. Cette technique est nommée selon le
sigle PVD (Physical Vapor Deposition). La température de la surface du verre n’est pas
élevée.
- la projection de composés sur la surface chaude du verre : les composés se transforment en
oxydes au contact de la surface chaude du verre : c’est la technique de dépôt chimique CVD
(Chemical Vapor Deposition).
- procédé ‘sol-gel’ : un composé organo-métallique est déposé sur le substrat immergé dans
une solution (‘dip coating’). Le composé est transformé en oxyde métallique par traitement à
haute température.
Si le dépôt de la couche a lieu ‘en ligne’ à haute température l’adhérence et la durabilité sont
assurées et il s’agit de ‘couche dure’ (typiquement la technique CVD).
La technique de dépôt à basse température (après élaboration du verre) produit des couches
appelées ‘couches tendres’ (typiquement PVD).
Les performances optiques en terme d’émissivité des couches ‘tendres’ sont meilleures que
celles des couches ‘dures’, mais leur durabilité mécanique et chimique est moindre. Par
exemple, l’émissivité de couches dures est de l’ordre de 0,2 tandis que l’émissivité des
couches ‘tendres’ peut être aussi basse que 0,04.
1.5 - Tests, normalisation des verres à couches pour l’architecture
Les verres traités utilisés pour les vitrages en architecture doivent répondre à certains critères,
concernant en particulier :
- la corrosion
- l’abrasion et la résistance aux rayures
- la résistance au brouillard salin
- la résistance au rayonnement UV
- la résistance à l’attaque chimique (solvants, agents nettoyants, bases et acides)
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
Une couche ‘dure’ est conforme à l’ensemble de ces tests.
Les verres à couches utilisés dans le secteur du bâtiment sont classés d’après la norme
européenne EN 1096 suivant le tableau :
classe de la couche
application possible
couche ‘A’
couche ‘B’
couche ‘C’
couche ‘D’
couche ‘S’
couche possible en extérieur
application possible vers l’intérieur seulement
application en (double) vitrage isolant
application en (double) vitrage isolant et élaboration immédiate
couche applicable en face 1 et 2 (anti-reflet).
Les différentes faces d’un vitrage sont repérées par un numéro depuis l’extérieur vers
l’intérieur selon la figure 1 :
1
2
extérieur
1
intérieur
2 3
4
Figure 1 : Numérotation des faces d’un vitrage à couches.
(simple et double vitrage).
La face 1 est dirigée vers l’extérieur.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
2 - Normes et classification des vitrages pour le bâtiment
2.1 - Le rôle des couches
Les couches déposées sur les vitrages ont plusieurs rôles : elles agissent sur la transmission
lumineuse, le contrôle solaire, le transfert thermique, l’émissivité. En outre, certaines couches
peuvent aussi avoir un rôle autonettoyant efficace. Ces caractéristiques sont traitées en détail
dans des chapitres séparés.
Le coefficient de transparence, ou de transmission lumineuse (TL ou t)
Ce coefficient de transparence caractérise la proportion de lumière visible (spectre de
longueurs d’onde comprises entre 0,38 μm et 0,78 μm) traversant le vitrage. Evidemment, le
coefficient TL est compris entre 0 (opacité complète) et 1 (transparence totale).
Le facteur solaire (FS ou g)
Le facteur solaire est la fraction de l’intensité du rayonnement solaire (visible et non visible)
traversant directement le vitrage ainsi que la fraction absorbée par le vitrage puis réémis vers
l’intérieur sous forme chaleur (InfraRouge).
Le facteur gain solaire
Le facteur de gain solaire est le rapport TL/g. Il définit la quantité de lumière visible transmise
par un vitrage sans apporter d’échauffement supplémentaire. Le choix de ce facteur est
important selon que le climat est froid ou chaud (voir vitrage à faible émissivité et à contrôle
solaire).
L’émissivité e
La chaleur est transmise par conduction, convection et radiation. Un vitrage simple non traité
perd une grande partie de ses propriétés d’isolation à cause de sa radiation d’énergie élevée.
Cette aptitude à rayonner la chaleur est caractérisée par l’émissivité e. L’émissivité la plus
élevée est celle d’un ‘corps noir’ pour lequel elle est égale à 1 alors que celle de l’argent
métallique poli est 0,02. L’émissivité d’un vitrage simple non traité est comprise entre 0,89 et
0,87. Un vitrage revêtu d’une couche métallique suffisamment mince pour rester transparente
à la lumière visible peut être réduite jusqu’à 0,04.
Le coefficient de transfert thermique U
Le coefficient U est la mesure de déperdition (ou de gain) de chaleur à travers un vitrage
provoquée par une différence de température d’air entre l’extérieur et l’intérieur.
La valeur du coefficient U est le résultat non seulement de la nature des couches déposées sur
les feuilles de verre, mais aussi de la structure du vitrage.
Le coefficient U s’exprime en W/m2.K (watts par m2 et par degré). Le coefficient U d’un
vitrage simple est de l’ordre de 6 W/m2.K, mais peut descendre à 1,1 pour un triple vitrage à
isolation renforcée. Des valeurs encore plus faibles sont obtenues si ces triples vitrages ont
des espaces remplis non pas d’air mais de gaz moins conducteurs de la chaleur comme l’argon
ou encore mieux le xénon.
L’inverse de U est la résistance thermique R=1/U.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
Les coefficients TL, U, g et e ne peuvent pas toujours être choisis séparément. Un compromis
est souvent à trouver. Par exemple, dans un pays froid, il vaut mieux avoir un contrôle solaire
g élevé pour profiter du chauffage par le rayonnement solaire pendant la journée.
En outre, il existe des combinaisons plus ou moins complexe comme des vitrages
autonettoyants, à isolation thermique renforcée (à faible émissivité) et à contrôle solaire.
La couche autonettoyante
Un vitrage autonettoyant est un vitrage revêtu d’une couche mince d’oxyde de titane
(généralement pyrolytique) sous forme cristalline anatase. Ce revêtement a des propriétés
semiconductrices et de superhydrophilicité. Ces deux propriétés permettent au revêtement
placé en extérieur d’assurer la dégradation photocatalytique (sous l’effet du rayonnement
solaire) des salissures déposées sur la vitre (car il est semiconducteur) puis le lavage avec la
pluie (car il est superhydrophile).
2.2 - La classification des verres à couches dans le bâtiment
Selon la méthode de dépôt des couches, la durabilité et résistance mécanique de celles-ci
seront plus ou moins grandes. Par exemple, un dépôt pyrolytique (souvent appelé dépôt CVD
pour Chemical Vapor Deposition) qui présente une plus grande durabilité, pourra être placé
en face externe. Par contre une face traitée par un dépôt obtenu par évaporation sous vide ou
pulvérisation cathodique (souvent appelé PVD pour Physical Vapor Deposition), qui présente
de meilleures performances mais aussi une résistance moindre aux agressions devra être placé
en face interne d’un double vitrage. Un tel dépôt demande aussi d’être manipulé avec
précaution. C’est pourquoi, en fonction de la nature des dépôts, les vitrages pour bâtiments
sont classés suivant différentes catégories.
Classe A
La surface revêtue peut être placée en surface interne ou externe
Classe B
La vitre revêtue peut être utilisée pour un vitrage simple mais la surface revêtue doit être
placée à l’intérieur (face 2 d’un vitrage simple)
Classe C
Le verre revêtu doit être utilisé uniquement pour des vitrages double (ou multiples) scellés et
la surface revêtue doit être située à l’intérieur de la cavité (faces 2 ou 3 pour un double
vitrage)
Classe D
Les verre revêtu doit être incorporé dans des ensembles scellés, avec la face revêtue placée à
l’intérieur de la cavité (faces 2 ou 3 pour un double vitrage) immédiatement après élaboration
de la couche. Ces verres ne sont pas utilisables pour des simples vitrages.
Classe S
La couche revêtue du verre peut être positionnée sur la face interne ou externe du bâtiment,
mais ces types de verres revêtus sont seulement employés pour des applications spécifiques.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
2.3 - La numérotation des faces d’un vitrage simple ou multiple
Par convention, les faces d’un vitrage sont repérées comme l’indique la figure 1 pour un
vitrage simple et double. La face extérieure est toujours numérotée 1. Ainsi, pour un triple
vitrage, les faces seront numérotées de 1 à 6.
1
2
extérieur
1
intérieur
2 3
4
Figure 1 : Numérotation des faces d’un vitrage à couches.
(simple et double vitrage).
La face 1 est dirigée vers l’extérieur.
2.4 - Les normes pour vitrages dans le bâtiment
Les verres utilisés dans le domaine du bâtiment sont classés suivant des normes. Les normes
européennes sont, pour l’essentiel :
EN 410 (détermination de la luminosité et caractéristique solaire du vitrage)
EN 572-2 (produits en verre silico sodo calcique, partie 2 : verre ‘float’))
EN 572-4 (produits en verre silico sodo calcique, partie 4 : feuilles de verre élaborées par
tirage)
EN 572-6 (produits en verre silico sodo calcique, partie 6 : verre contenant un réseau de fils)
EN 673 (détermination de la transmittance thermique (coefficient U), méthode de calcul
prEN1863 (verre renforcé thermiquement)
prEN 1250 (verre de sécurité renforcé thermiquement)
EN ISO 12543-2 (verre feuilleté et verre feuilleté de sécurité)
EN ISO 12543-3 (verre feuilleté et verre feuilleté de sécurité)
prEN 13023-1 (verre de sécurité borosilicaté renforcé thermiquement)
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
Une série de normes est spécifique aux verres à couches (série 1096)
EN 1096-1 : définitions et classifications
prEN 1096-2 : verres revêtus - partie 2 : méthodes de tests de durabilité pour les revêtements
de type A, B et S
prEN 1096-3 : verres revêtus – partie 3 : méthodes de tests de durabilité pour les revêtements
de type C et D
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
3 - Traitement de surface hydrophobe
3.1 - Surface hydrophobe : définition
Une surface hydrophobe a tendance à repousser les molécules d’eau. Ce caractère est l’opposé
de celui présenté par les surfaces hydrophiles (voir par exemple les verres ‘auto-nettoyants’
qui sont rendus ‘hyper-hydrophiles’ grâce à un dépôt d’oxyde de titane sous forme anatase).
Ainsi, une goutte d’eau a tendance à s’étaler sur une surface hydrophile, alors qu’elle a
tendance à rester sous forme de gouttelette sphérique au contact d’une surface hydrophobe
comme indiqué sur la figure 1.
a
b
Figure 1 : étalement d’un liquide sur une surface.
a ) sur une surface totalement hydrophobe: le liquide (l’eau)
est parfaitement non mouillant.
b ) sur une surface totalement hydrophile: le liquide (l’eau)
est parfaitement mouillant.
La nature nous donne des exemples de surfaces hydrophobes comme cette feuille où l’eau
reste sous forme de goutte sans s’étaler (figure 2) :
Figure_2
Figure 2 : la surface de cette feuille est de nature hydrophobe
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav,jan 09
La nature hydrophobe ou hydrophile d’une surface est caractérisée par la valeur de l’angle de
contact θ d’une goutte d’eau avec cette surface comme indiqué sur la figure 3. Si cet angle θ
est inférieur à 90°, il s’agit d’une surface hydrophile, tandis que si cet angle est supérieur à
90°, il s’agit d’une surface hydrophobe. Si l’angle de contact est supérieur à 150°, la surface
est qualifiée de ‘super-hydrophobe.
θFigure_3
θ
surface hydrophobe
surface hydrophile
Figure 3 : étalement d’une goutte d’eau sur une surface
hydrophobe ou hydrophile.
Une surface propre de verre est plutôt hydrophile : l’eau au contact d’une vitre en verre a
tendance à former des gouttes qui s’étalent et adhérent au verre. Ceci pose un problème car,
d’une part la visibilité est réduite à travers la vitre, et d’autre part des traces sont laissées sur
la vitre après séchage et évaporation. Si la nature ‘super-hydrophile’ apportée par un dépôt
d’oxyde de titane présente un intérêt dans le cas des vitrages ‘auto-nettoyants’, il peut être
intéressant de rendre la surface du verre hydrophobe.
3.2 - Réalisation de surfaces de verre hydrophobes
Une surface peut être de nature hydrophobe et même ‘super-hydrophobe’ à cause de sa
texture. C’est le cas de la surface des feuilles de lotus. La nature hydrophobe et superhydrophobe peut aussi être d’origine chimique. Nous traitons ici le cas des traitements
hydrophobes d’origine chimique.
Une surface est hydrophobe si elle a tendance à repousser les molécules d’eau plutôt que de
les attirer. Les molécules d’eau étant des molécules polaires, la surface de nature hydrophobe
doit être de nature non polaire. Les molécules d’eau ont tendance à s’attirer entre elles alors
qu’elles sont peu attirées par le substrat. L’eau forme alors une gouttelette qui ne s étale pas
sur le substrat de nature hydrophobe.
Ainsi, pour que la surface d’un matériau soit rendue hydrophobe, il faut déposer une couche
de faible épaisseur d’un matériau non polaire : typiquement des silanes fluorés. Un brevet
déposé par Saint-Gobain Vitrage (Courbevoie) décrit le procédé (Brevet : United States Patent
5800918). Tout d’abord le verre reçoit un premier dépôt appelé sous-couche. Ce dépôt
minéral pyrolitique à base d’oxydes (oxyde d’aluminium, oxyde d’étain …) de faible
épaisseur (8 à 500 nanomètres, soit 0,008 à 0,500 millièmes de millimètres) est transparent.
Enfin, un film très mince (1 à 5 nanomètres) hydrophobe est déposé sur cette sous-couche : il
s’agit d’un fluorosilane hydrolisable.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, jan 08
La vitre en verre est ainsi rendue hydrophobe. Si en outre la sous-couche est un oxyde dopé
(oxyde d’étain dopé au fluor ou oxyde d’indium dopé à l’étain appelé ITO par exemple), alors
le vitrage est hydrophobe, antistatique et à faible émissivité.
De tels vitrages sont commercialisés pour le bâtiment ainsi que pour les pare-brises
automobiles. Dans ce cas, la visibilité est très améliorée par temps de pluie diluvienne
(d’après documents Saint-Gobain) et on peut même envisager d’éviter l’emploi d’essuieglaces.
Si les vitrages sont déjà installés, il est possible de les rendre hydrophobes en déposant un
film par spray. De tels produits sont commercialisés (exemple le produit de marque RainX®), essentiellement pour application sur pare-brises automobiles. La durabilité n’est pas
infinie, mais de plusieurs semaines. Là encore, la surface rendue hydrophobe pourrait éviter
l’utilisation d’essuie glaces, à condition que la vitesse du véhicule soit suffisante (supérieure à
50 km/heure) pour chasser les gouttelettes d’eau (voir figure 4).
Figure 4 : gouttelettes d ’eau sur un pare brise ayant reçu un
traitement par spray hydrophobe (selon un document Rain-X).
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, jan 09
3.3 - Aspects théoriques
Nous avons vu que la valeur de l’angle de contact θ entre une goutte d’eau et la surface du
verre caractérise la nature hydrophobe ou hydrophile. La valeur de cet angle est calculée en
écrivant l’équilibre au point triple de contact entre le liquide (ici l’eau), l’atmosphère gazeuse
environnante (ici l’air) et la surface du solide (ici le verre) comme indiqué sur la figure 5.
σL
ga
θ
σS
liquid
σS
solid
Figure 5 : l’intersection des trois interfaces définit la ligne de contact
entre les trois phases (gaz/liquide/solide).
σSG, σLG, et σSL sont les tensions interfaciales solide/gaz, liquide/gaz
et solide/liquide, respectivement.
L’équilibre des forces au point triple donne la valeur de l’angle de
contact (équation de Young).
Soit σSL, σSG et σLG les tensions interfaciales solide/liquide, solide/gaz et liquide/gaz,
respectivement. L’unité de tension interfaciale est joule/m2 ou bien newton/m. La condition
d’équilibre du liquide à la surface du solide donne l’équation dite équation de Young :
σ SG = σ SL + σ LG cosθ
Dans le cas du système téflon/eau, nous avons :
σSG = σ(téflon/air) = 0,019 N/m
σLG = σ(eau/air) = 0,073 N/m
σSL = σ(téflon/eau) = 0,050 N/m
L’application numérique de l’équation de Young donne, pour le système eau/téflon un angle
de contact voisin de 115°. Le téflon est bien un matériau hydrophobe.
Par contre, l’application numérique dans le cas du système eau/verre donnerait un angle de
contact très inférieur à 90°. La surface d’un verre propre est bien de tendance hydrophile.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, jan 09
4 - Dépôt transparent conducteur de l’électricité
4.1 - Nature du dépôt : ITO (oxyde d’étain et d’indium)
Le matériau ITO est un mélange d’oxydes d’indium et d’étain. La composition typique en
poids est 90% In2O3 et 10% SnO2. L’ITO est donc de l’oxyde d’indium où une faible fraction
d’atomes d’indium est remplacée par des atomes d’étain : on peut dire qu’il s’agit d’oxyde
d’indium dopé à l’étain.
Cet oxyde mixte est un semi conducteur de type n (la conduction électrique a lieu par
électrons) fortement ‘dégénéré’. Ce matériau est faiblement conducteur électronique, mais
reste transparent à la lumière visible à condition qu’il soit sous forme de couche mince. Cet
oxyde est meilleur conducteur de l’électricité que d’autres oxydes transparents comme ZnO
etc … L’augmentation de la conductivité électrique par dopage entraîne une augmentation de
l’absorption de la lumière et la couche en ITO se colore en jaune.
Ce matériau est utilisé pour réaliser les électrodes transparentes dans les dispositifs
d’affichage à écrans plats (exemple : les écrans LCD) et les vitrages électrochromes.
4.2 - Elaboration du dépôt ITO
Les films en ITO sur plaques de verres sont obtenus par différentes techniques de dépôts et
généralement par pulvérisation (PVD par exemple).
4.3 - Utilisations
Les films ITO sont essentiellement utilisés comme électrodes transparentes pour les afficheurs
à écrans plats, écrans tactiles, cellules solaires, diodes électroluminesentes (LED) organiques
(OLED), certains revêtements antistatiques et écrans contre les radiations électromagnétiques
mais transparents à la lumière visible.
Le développement des vitrages électrochromes est rendu possible grâce à ce type d’électrodes
transparentes déposées sur verre.
Ce type de dépôt peut aussi être utilisé comme système de dégivrage. Pour une application
pare brise en verre feuilleté, ce dépôt est placé sur la face 2 ou 3 (naturellement, le dépôt est
réalisé avant assemblage des deux feuilles de verre).
Des feuilles de verres revêtues de films ITO transparents conducteurs de l’électricité sont
commercialisées.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
5 - Verres à couches pour protection contre les incendies
5.1 - Définition
Le rôle d’un vitrage de protection contre les incendies est d’avoir une bonne transparence en
période normale (c’est à dire de se comporter comme un vitrage usuel) mais d’assurer
automatiquement une isolation thermique en cas d’incendie par action sur la conduction et le
rayonnement.
Il existe plusieurs types de vitrages pour protection anti-feu :
- certains verres trempés et à couches réfléchissantes (surtout pour le rayonnement
InfraRouge).
- des verres à couches intumescentes.
Les verres dits ‘armés’ peuvent aussi assurer, mais dans une moindre mesure, un rôle de
protection anti-feu car les éclats de verre susceptibles de se former sous l’effet des flammes
restent reliés entre eux grâce aux fils métalliques. Ce chapitre concerne seulement les verres à
couches.
5.2 - Structure et fonctionnement d’un verre à couches intumescentes
Un verre à couches de protection contre les incendies est constitué d’un empilement de
feuilles de verre (verre ‘float’, éventuellement trempé) séparées par des couches de gel de
silicate intumescent. L’épaisseur de ces couches de gel est de l’ordre du millimètre. En
période normale, le vitrage est aussi transparent qu’un vitrage usuel. Si un incendie se déclare
dans une pièce d’un immeuble, la partie exposée du vitrage a tendance à s’échauffer. La
première couche de gel intumescent se transforme en ‘mousse’, assurant ainsi
automatiquement une isolation thermique en réduisant le transfert de chaleur par conduction
et rayonnement (voir figure 1). Si l’incendie persiste, une deuxième couche intumescente se
transforme, ce qui augmente l’efficacité de l’isolation et ainsi de suite.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
cadre antifeu
zone où
a lieu
l’incendie
ve
co
rre
uc
h
bri
tra
sé
ns e intu
for
mé mesc
ee
en
t
n‘
mo e
u
s se
par
’
enc tie du
ore
vi tr
inta age
cte
zone à
protéger
Figure 1 : structure et principe de fonctionnement d’un
vitrage antifeu.
Dans cet exemple, le vitrage, initialement transparent est
constitué de 4 feuilles de verre et de 3 couches intercalaires
de gel de silicate intumescent.
5.3 - Les verres à couches réfléchissantes
Une autre technique de protection anti-feu consiste à utiliser des vitrages de sécurité trempés
et comportant une couche réfléchissante (principalement dans l’InfraRouge). L’avantage de
ces vitrages est qu’ils restent transparents à la lumière visible, même soumis à des
températures élevées. L’inconvénient est une efficacité d’isolation thermique et de brise-feu
moindre que les vitrages à couches intumescentes.
5.4 - Les classes et normes pour vitrages de protection anti-incendie
Les vitrages résistant au feu sont classés en trois catégories selon la norme EN 13501-2. Le
classement est exprimé par une combinaison de lettres et de chiffres :
- les vitrages de classe E sont étanches aux flammes, aux fumées et aux gaz chauds. Ces
vitrages sont généralement constitués de verres borosilicates trempés.
- les vitrages de classe EW sont étanches aux flammes, aux fumées et aux gaz chauds. Ils sont
généralement constitués de feuilles de verre trempé revêtues de couches minces à faible
émissivité qui procurent une isolation thermique. Ce revêtement assure une limitation du
rayonnement thermique en dessous de la valeur nominative de 15 kW/m2.
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09
- les vitrages de classe EI sont étanches aux flammes, aux fumées et aux gaz chauds et en
outre il constitue une barrière thermique opaque aux rayonnements. Ces vitrages sont
constitués de feuilles de verre séparées par des couches intumescentes (gels silicatés).
Les chiffres indiquent la durée en minutes pendant laquelle le vitrage peut assurer la
protection (exemples EI 30, EI 60, EW 120 …).
5.5 - Quelques produits industriels
Classe E
Pyran® (Schott)
Interflam E (Interver)
SGG Pyroswiss (Vetrotech Saint Gobain)
Classe EW
Vetroflam® (SGG)
Interflam EW(Interver)
Classe EI (coupe feu)
Interfire® (Interver Sécurité SA)
Pyranova® (Schott)
Contraflam® (Vetrotech Saint Gobain)
SGG Swissflam® (Vetrotech Saint Gobain)
Les verres à couches, 1ère partie
Serge Etienne, Laboratoire de Physique des Matériaux, UMR CNRS 7756, Nancy
Pôle Verrier/Cerfav, janvier 09