entretien avec le professeur keyvan mazda chef du
Transcription
entretien avec le professeur keyvan mazda chef du
N°4 Septembre 2014 “Les gens considèrent la richesse et le pouvoir comme le plus grand des destins, mais dans ce monde un moment de santé est le meilleur des états” Soliman le Magnifique Sommaire ENTRETIEN AVEC LE PROFESSEUR KEYVAN MAZDA CHEF DU SERVICE D’ORTHOPÉDIE PÉDIATRIQUE DE L’HÔPITAL ROBERT DEBRÉ, PARIS. À PROPOS DES MISSIONS HUMANITAIRES EN IRAN ENTRETIEN ENTRETIEN AVEC LE PROFESSEUR KEYVAN MAZDA, CHEF DU SERVICE D’ORTHOPÉDIE PÉDIATRIQUE DE L’HÔPITAL ROBERT DEBRÉ, PARIS. À PROPOS DES MISSIONS HUMANITAIRES EN IRAN CYRIL DAUZAC CYRIL DAUZAC CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE, CENTRE DU RACHIS, 25, BOULEVARD VICTOR HUGO, 92200 NEUILLY-SUR-SEINE, FRANCE P. 1 ARTICLES ORIGINAUX VISSAGE TRANS DISCAL (C2/C3) D’UNE FRACTURE DE L’ODONTOÏDE À DÉPLACEMENT ANTÉRIEUR. NOTE TECHNIQUE À PROPOS D’UN CAS. G. NOROTTE, T. CRAVIAIRI, L. GAROTTA, R. HAMMAMI, S. PRECUP P. 6 TEXTILOME PARAVERTÉBRAL RÉVÉLÉ PAR DES LOMBALGIES 14 ANS APRÈS UNE DISCECTOMIE LOMBAIRE SIDI SALEM-MEMOU, DAVID MEYRONET, AFIF AFIF, THIEBAUD PICART, BERNARD VALLÉE P. 7 HÉMORRAGIE CÉRÉBRO MÉNINGÉE APRÈS CHIRURGIE VERTÉBRALE LOMBAIRE DIDIER PIERRON, CYRIL DAUZAC, JONATHAN EZRA, HECTOR RANDRIANANJA P. 9 ANATOMIE ANGIOGRAPHIQUE DU SYSTÈME VEINEUX MÉDULLAIRE PHILIPPE GAILLOUD P. 12 TECHNIQUE CHIRURGICALE DE LA VOIE D’ABORD ANTÉRIEURE DU RACHIS LOMBAIRE OLIVIER VAN LAERE P. 18 De gauche à droite : Dr Reza Merpour (assistant professor, université de Téhéran), Dr Cyril Dauzac (Centre du Rachis, Neuilly, France), Pr Keyvan Mazda (Robert Debré, Paris, France), Dr Zarei et Dr Arash (fellow, université de Téhéran), Dr Tarif Masri Zada (Neurologue électrophysiologiste, Robert Debré, Paris, France). LE RACHIS RACHIS RHUMATISMAL : QUAND DOIT-ON OPÉRER ? THIBAUT LENOIR Professeur MAZDA, vous faites régulièrement des missions humanitaires en Iran où vous opérez quasi-exclusivement des scolioses de l’enfant et de l’adolescent. Comment s’est montée cette mission et dans quel cadre ce déroule-t-elle ? P. 22 Professeur MAZDA CONGRÈS, COURS Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 J’ai fait de nombreuses missions humanitaires avec au départ Médecin sans Frontière puis la Chaîne de l’espoir dans diverses régions du monde, que ce soit en Afrique ou en Asie. P. 24 1 DIGITAL CREATION ©KARIM BOUKARABILA - WWW.BOUKARABILA.COM RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS La revue LE RACHIS est consacrée à la publication de travaux se rapportant essentiellement à la pathologie vertébromédullaire : articles spécifiques originaux, notes techniques, faits cliniques, perspectives technologiques, actualité. Tous les textes reçus à la Rédaction sont soumis, de façon anonyme, à l’approbation de deux membres au moins du Comité Rédactionnel afin que puissent être respectées les normes de publication. Les opinions exprimées dans les articles n’engagent que leurs auteurs. Les textes doivent être adressés à la Rédaction. Les Editions LE RACHIS informent leurs lecteurs que toutes personnes souhaitant publier dans ses pages des articles adressés à la rédaction ainsi que des photographies et illustrations éventuellement jointes, sont présumées détenir seules à ce titre les droits de parution et d’exploitation. En adressant pour parution un article à la rédaction, les candidats à la publication autorisent les Editions LE RACHIS à publier tout ou partie de cet article dans leurs colonnes, à le reproduire dans toute autre revue y compris après traduction éventuelle dans la langue de la dite revue. Dans cette éventualité, les articles concernés seront publiés avec le nom de l’auteur et la référence de parution dans les Editions LE RACHIS. TITRE : Le titre doit indiquer explicitement le sujet du travail. Les noms et références du ou des auteurs doivent figurer impérativement. PRÉSENTATION DES TEXTES : Les textes doivent être présentés uniquement en fichiers Word, en format A4, chaque page comprenant en moyenne 35 lignes. BIBLIOGRAPHIE : Elle se limite aux articles cités dans le texte. Les références sont classées par ordre alphabétique, avec une numérotation permettant un rappel dans le texte, et doivent être conformes aux normes internationales (Index Medicus). Dans les références bibliographiques, la liste des auteurs doit être exhaustive. Les formules «et al.» et «et coll.» sont proscrites. Abstract submission deadline Sept 26th, 2014 ICONOGRAPHIE : Les figures et tableaux sont présentés séparément en mentionnant de façon précise, le numéro d’ordre, l’orientation et toutes les indications utiles. Une légende succincte s’impose en français. Les fichiers iconographiques doivent être envoyés en format JPEG haute qualité afin de permettre d’obtenir une qualité optimale de reproduction. spinal surgery: Societal impact & added value th TIRÉS À PART : Des tirés à part des articles peuvent être adressés gratuitement, par internet, au format PDF, à leurs auteurs sur demande. Tout texte ou matériel d’illustration provenant d’une publication antérieure doit être accompagné d’une autorisation écrite de l’auteur et de l’éditeur concernés. th January 29 -30 , 2015 Maison des Arts & Métiers, Paris FRANCE Plenary sessions, workshops, posters and oral presentations, interactive voting, networking Christian Mazel (Paris, France) ArgoSpine President Wilco C. Peul (Leiden, The Netherlands) ArgoSpine Symposium President Co-Fondateurs : P. ANTONIETTI ✝, D. PIERRON - Directeur de la publication : D. PIERRON. Rédacteurs en Chef : D. PIERRON,C. DAUZAC, T. LENOIR. Rédacteurs associés : R. CAVAGNA, B. EDOUARD, G. GAGNA, L. GHEBONTNI, P. KEHR, F. LISOVOSKI, Ch. MAZEL, D. ROBINE. Chargé des relations avec le GIEDA : D. GASTAMBIDE (Paris). Chargé des relations avec le GES : Jean-Paul STEIB (Strasbourg). Chargé des relations avec l'Amérique du Nord : Fabien BITAN (New York). Publicité : M. FOURNET (06 14 74 07 58) - Secrétariat de rédaction : F. ANTONIETTI. Maquette : ORBIEL Imprimerie : ROTIMPRES, C/Pla de l’Estany - 17181 Aiguaviva (Girona), Espagne. Bimestriel (6 n°/an). Tirage 5.000 exemplaires routés. Consultable en ligne. Siège social : 5, rue Blondeau - 92100 Boulogne Billancourt Tél : 06 19 71 76 39 - E-mail : [email protected]. SARL au capital de 34.000 Euros - SIRET 483 032 231 00019 - APE 221E Numéro de commission paritaire : 0108 T 87683 - ISSN 0997-7503 - Dépôt légal 3 ème trimestre 2014 www.argospine.org Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 2 ENTRETIEN rences à l’Université de Téhéran. Elle m’a demandé : Professeur MAZDA, pourquoi ne pouvonsnous pas soigner tous les enfants en Iran tel que vous le faites ici ? Ne voudriez-vous pas venir vous occuper des enfants qui en ont besoin en Iran ? Figure 1 : Cyphoscoliose congénitale chez un garçon de 13 ans, avec hémivertèbre, déjà opéré avec épiphysiodèse antérieure et postérieure. Figure 4 : Résection de l’hémivertèbre et d’un corps vertébral, réduction sur une cage antérieure, montage court par vis. Je lui ai répondu qu’on pouvait éventuellement monter une mission avec la Chaîne de l’Espoir dont j’étais membre actif. En effet, une sécurité sociale de base existe en Iran. Cependant, les seuils de remboursement sont dérisoires pour les opérations chirurgicales importantes (10 à 35%). Les familles en difficulté sociale n'ont pas accès à ce type de soins. De plus, même si la médecine iranienne a un bon niveau, ils souffrent du manque d’échange hors de leur pays. Cette personne, très dynamique, a alors monté tout le dossier et préparé une série de conventions. Ainsi en 2007, l’Institut de charité de Zanjireh Omid, autrement dit La Chaîne de l’Espoir Iran a vu le jour. Nous avons ainsi pu mettre en place cette mission très spécialisée rachis en Iran, mais également dans d’autres domaines spécifiques : la chirurgie cardiaque et la chirurgie réparatrice notamment de la face ou des membres supérieurs. LE RACHIS Quelles sont les pathologies que vous voyez et comment sont sélectionnés les patients ? Figure 2 : Contrôle post-opératoire, résection de l’équivalent de 3 corps vertébraux, réduction sur une cage antérieure de reconstruction. Saignement 1500 cc, pas de modification per opératoire des potentiels, pas de trouble neurologique. Professeur MAZDA Figure 5 : Scoliose dans le cadre d’un syndrôme polymalformatif. Déjà opérée deux fois du cœur. Pas de trouble neurologique. Figure 3 : Le Professeur Mazda examinant un jeune garçon de 8 ans présentant une cyphoscoliose congénitale avec hémivertèbre. Aucun trouble neurologique. Ce sont quasiment exclusivement des problèmes du rachis chez des mineurs qui viennent de diverses régions d’Iran. Il n’est pas rare de voir des familles venir de provinces très éloignées à deux jours de bus de Téhéran. L’information de notre consultation se divulgue très vite et il est fréquent de voir arriver au cours de notre mission des patients qui ont appris notre venue et viennent nous montrer leurs enfants. Nous voyons beaucoup de scolioses congénitales, jamais suivies ni traitées, des échecs d’épiphysiodèses antérieures et/ou postérieures, aboutissant à des cyphoses angulaires majeures, des cyphoses post laminectomie dans le cadre de tumeurs médullaires par exemple ou des scolioses jamais traitées arrivant à des angulations de plus de 120° avec des retentissements respiratoires sévères. LE RACHIS Dans quelle structure allezvous opérer ? Professeur MAZDA Il y a environ 8 ans, une personne très influente en Iran est venue en France pour que je prenne en charge Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 sa fille atteinte d’une scoliose. Elle m’avait déjà rencontré car j’étais allé donner des confé- Figure 6 : Arthrectomies étagées et réduction sur 2 tiges montées en cadre d’abord fixées sur la pince supérieure protégée par des clamps, puis amenées en lombaire et translation postéro médiale à l’aide des clamps de la concavité. Pas de trouble neurologique. 3 Nous opérions au départ dans l’un des 3 hôpitaux universitaires de Téhéran et depuis peu un hôpital plus récent, appartenant au Croissant Rouge, nous met à ENTRETIEN Professeur MAZDA En effet d’ailleurs nous allons certainement travailler là-dessus afin de publier nos résultats. Ceci sera d’ailleurs possible car nous avons un assez bon suivi de ces patients qui sont très fidèles et malgré souvent de très importantes distances, ils ne ratent jamais leur rendez-vous de contrôle lors de notre mission suivante. LE RACHIS Vous nous avez parlé également d’une mission humanitaire avec un but d’enseignement pour former les chirurgiens iraniens mais, n’avez-vous pas envie également de former des chirurgiens français à ce type de chirurgie qui n’est pas forcément aussi courante en France ? Professeur MAZDA Figure 7 : Noorafshar hospital, nord Téhéran. Figure 8 : Laura, interne de Paris, en tenue de bloc iranienne. disposition ses équipes et ses locaux pour les missions. C’est un hôpital moderne. LE RACHIS Avez-vous tout le matériel dont vous avez besoin pour traiter ces cas complexes ? Professeur MAZDA Il est certain qu’il faut, comme souvent dans ce genre de situation et de mission humanitaire, de grandes capacités d’adaptation mais nous avons du matériel assez performant notamment au point de vue de l’instrumentation ou implants rachidiens. Nous effectuons toutes les interventions sous neuromonitorage. C’est le Dr Masri, electrophysiologiste de l’hôpital Robert Debré qui nous accompagne. Il forme également un neurologue Iranien à la surveillance per-opératoire des potentiels. Sur le plan anesthésique, il est vrai que le Cell-Saver et les médicaments modernes permettant de diminuer le saignement sont les choses les plus manquantes. LE RACHIS Comment est assuré le suivi des patients une fois que vous repartez en France ? Professeur MAZDA La mission humanitaire que nous avons mise en œuvre en Iran a un Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 double objectif, à la fois de traiter les patients nécessiteux avec des pathologies rachidiennes complexes et également une mission de formation. Nous avons des accords avec la faculté de Téhéran et des internes et des jeunes assistants professeurs de l’Université de Téhéran viennent nous aider lors des interventions afin que nous puissions leur enseigner certaines techniques. Ce sont ces jeunes praticiens qui assurent ensuite le suivi. Bien sûr nous communiquons par mail si nécessaire. Par ailleurs, ces jeunes praticiens viennent parfois en France poursuivre leur formation et nous les avons déjà accueillis que ce soit à l’Hôpital Robert Debré ou dans d’autres centres parisiens, pendant un mois ou deux. Si exactement, et nous tirons déjà nous même beaucoup d’enseignement et je vais probablement emmener à chaque mission un interne ou un chef de clinique en formation, afin de les former à des chirurgies complexes et également leur donner goût à la chirurgie humanitaire. LE RACHIS Figure 9 : Livraison de matériel manquant... Merci Professeur MAZDA pour cet entretien et bonne continuation. LE RACHIS Professeur MAZDA, raconteznous votre emploi du temps sur une mission. Professeur MAZDA Les missions durent une semaine, à raison de 2 missions par an. Elles démarrent toujours la première journée par une consultation où en général nous voyons au moins 50 patients. Nous avons souvent déjà pré-établi un programme opératoire avec les patients vus lors d’une consultation précédente et nous rajoutons les cas les plus urgents. Par exemple, lors de notre dernière mission en août 2014, nous avons effectué 18 interventions sur 5 jours, dont 6 VCR ! (Vertebral Column Resection). Comme il y a de plus en plus de cas à chaque mission, Le Dr Dauzac m’accompagne depuis 1 an ½, nous faisons ensemble les cas les plus difficiles, puis nous nous partageons les autres interventions afin d’en faire jusqu’à 4 par jour. LE RACHIS Si vous faites plusieurs VCR à chaque mission, vous allez bientôt avoir une belle série. 4 La Chaîne de l'Espoir, « Enfants de Perse » 96, rue Didot - CS 11 417 - 75993 Paris Cedex 14 www.chainedelespoir.org SOLUTIONS AGING SPINE*: VERTECEM V+ CORTICAL FIX CONFIDENCE * Solutions pour le traitement du rachis vieillissant Dispositifs médicaux. Pour plus d’information, consultez les notices spécifiques à chacun ou l’équipe technique. www.depuysynthes.com Depuy France 7 allée Irène Joliot Curie 69800 SAINT-PRIEST Depuy Synthes 143, Avenue de Verdun 92130 ISSY LES MOULINEAUX Synthes France 1078 Av. Oehmichen, 25461 ETUPES SYNFLATE VBS / VBB Avril 2014 – dispositifs médicaux Depuy Synthes UNE GAMME COMPLETE POUR LE TRAITEMENT DES PATHOLOGIES DU RACHIS CHEZ LE SUJET AGE. ARTICLE ORIGINAL VISSAGE TRANS DISCAL (C2/C3) D’UNE FRACTURE DE L’ODONTOÏDE À DÉPLACEMENT ANTÉRIEUR NOTE TECHNIQUE À PROPOS D’UN CAS. G. NOROTTE, T. CRAVIAIRI, L. GAROTTA, R. HAMMAMI, S. PRECUP CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DES ALPES DU SUD, 1, PLACE A. MURET, 05000 GAP e vissage de l’odontoïde est habituellement proposé dans les fractures de C2 à déplacement postérieur. Nous rapportons ici une situation clinique exceptionnelle qui a justifié l’emploi de cette technique modifiée pour une fracture à déplacement antérieur. L CAS CLINIQUE Mme B. Eléonore, 26 ans, (100 kg/1,65 m) est victime d’un accident de la voie publique. Elle présente un polytraumatisme sévère associant un traumatisme crânien avec perte de connaissance et plaie du scalp, une fracture de clavicule, une fracture du sternum, des fractures de côtes multiples avec contusion pulmonaire, une fracture de l’odontoïde à déplacement antérieur, et surtout un hémopéritoine. Elle est opérée en urgence par laparotomie pour fracture du foie complexe avec péritonite biliaire et fracture splénique. La précarité de son état pulmonaire et hémodynamique, le draînage de sa fistule biliaire explique une contre indication temporaire à mobiliser la patiente en décubitus ventral, pour une éventuelle fixation postérieure de sa fracture de C2. Il est donc décidé d’opérer cette fracture par voie antérieure plutôt que de la traîter par halocast compte tenu de la gravité de l’état pulmonaire et de la plaie du scalp, afin de faciliter le nursing en service de réanimation où elle restera intubée 1 mois. RÉSULTAT La patiente est revue à 3 mois. Sa fracture est solide. La contention est enlevée et la patiente laissée en autoréeducation. A six mois, la mobilité cervicale est normale en rotation et en flexion extension, aucune douleur n’est signalée. La vis ne montre pas de mobilité anormale justifiant son ablation à ce jour. TECHNIQUE DISCUSSION La réduction du déplacement antérieur est maintenue par l’étrier de Gardner en extension en traction à 2 kg. L’abord pré-sternocléoidien droit donne accès sans difficulté à C3, malgré un cou “court”. La visée du vissage s’effectuera à travers le corps vertébral de C3 et du disque C2/C3 sans difficulté particulière sous ampli de brillance. Une vis (type UNIMA, 45 mm) permet d’obtenir une compression de la fracture, tout en maintenant sa réduction. Un collier type Phyladelphia sera laissé 45 jours. Les fractures à déplacement antérieure se prètent mal à un vissage direct de C2. L’insuffissance osseuse (trait oblique en bas en avant , parfois comminutif) du corps de C2 entraîne un balayage antérieure de la vis, ce qui ne permet pas de maintenir l’apophyse en place, lors de la flexion du cou. L’utilisation d’une vis/plaque a parfois été proposée mais cela oblige à aborder le foyer de fracture pour éviter un cal vicieux en flexion. Ici, l’utilisation d’une vis à compression type UNIMA a trois objectifs : - Comprimer le foyer de fracture sans perdre la réduction axiale en extension malgré l’obliquité du trait en bas en avant. - Eviter l’abord du foyer de fracture pour faciliter sa consolidation. - Eviter le balayage antérieur de la vis. En effectuant une visée en transcorporéale de C3 et trans discale C2C3, on utilise les corticales des plateaux supérieur de C3 et inférieur de C2 pour maintenir l’axe de l’apophyse en extension et ainsi neutraliser les mouvements en flexion. La morphologie du rachis cervical autorisait la visée dans ce cas. L’évolution radiologique a été rapide avec ce type de vis à compression. L’absence de mobilité axiale de la vis lors des mouvements du cou assure une fusion en moins de deux mois comme dans les lésions à déplacement postérieur (1). Le sacrifice de la mobilité du disque C2/C3 paraît donc acceptable au vu de la normalité des mobilités, même si l’ablation de la vis pourrait s’envisager. Un autre cas présentant un bloc congénital osseux C2/C3 avait également pu bénéficier de cette technique mais les documents radiologiques et la patiente n’ont pu être retrouvés. CONCLUSION Cet artifice technique du vissage trans discal C2/C3 pour une fracture de l’odontoïde à déplacement antérieur, nous a permis de faciliter le nursing d’une patiente intubée en USI, et d’obtenir un excellent résultat radioclinique. Cela pourrait être une alternative dans la pratique courante pour les fractures de l’odontoide à déplacement antérieur, qui recquièrent habituellement, soit des techniques postérieures plus iatrogènes, soit le recours au halocast. RÉFÉRENCE 1- NOROTTE G, CRAVIARI, GAROTTA L, HAMMAMI R. Intérêt de la vis à compression type UNIMA dans les fractures de l’odontoïde : à propos de 15 cas. Revue RACHIS 2008. LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS Radio préopératoire et controle à 6 mois. Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 6 TEXTILOME PARAVERTÉBRAL RÉVÉLÉ PAR DES LOMBALGIES 14 ANS APRÈS UNE DISCECTOMIE LOMBAIRE SIDI SALEM-MEMOU 1, DAVID MEYRONET 2, 3, AFIF AFIF 1, THIEBAUD PICART 1, BERNARD VALLÉE 1 1- DÉPARTEMENT DE NEUROCHIRURGIE B, HÔPITAL NEUROLOGIQUE ET NEUROCHIRURGICAL PIERRE WERTHEIMER, GROUPEMENT HOSPITALIER EST, HOSPICES CIVILS DE LYON, 69677 BRON CEDEX, FRANCE 2- INSERM U1028; CNRS UM5292; LYON NEUROSCIENCE RESEARCH CENTER, NEURO-ONCOLOGY AND NEURO-INFLAMMATION TEAM, LYON, F-69000, FANCE 3- HOSPICES CIVILS DE LYON, CENTRE DE PATHOLOGIE ET DE NEUROPATHOLOGIE EST, LYON, F-69003 FANCE e terme de “textilome” désigne communément un corps étranger (compresse, coton ou champ opératoire) laissé involontairement au cours d'une intervention chirurgicale. Il s’agit d’une complication rare de la chirurgie lombaire postérieure. De 1965 à nos jours, moins de 50 cas de textilomes lombaires ont été rapportés [1, 2, 3]. Leur présentation clinique et radiologique n'est pas spécifique et peut mimer une pathologie infectieuse ou tumorale. A travers un cas découvert 14 ans après une chirurgie lombaire pour hernie discale, nous revisitons les caractéristiques de cette complication iatrogène, de plus en plus à l’origine de déclarations en responsabilité professionnelle. L Figure 3 : Photographie peropératoire. A) montrant la masse paravertébrale. B) textilome après ablation en bloc, C) après section montrant bien la couronne granulomateuse. Figure 1 : IRM sagittale en séquence T1 avant injection de gadolinium objectivant une lésion en regard de L5-S1, hypointense au centre avec une épaisse couronne isointense. CAS CLINIQUE Il s’agissait d’un homme de 33 ans, aux antécédents de chirurgie lombaire pour hernie discale L5S1 gauche il y a 14 ans, qui présentait depuis 2 ans des lombalgies rebelles au traitement médicamenteux et qui s’aggravaient progressivement. A l’examen clinique, le patient avait un bon état général hormis un indice de masse corporel élevé (à 30,313). L’examen neurologique était normal. L’inspection de la région lombaire révélait une cicatrice propre sans tuméfaction et dont la palpation était indolore. L’IRM du rachis lombaire objectivait une image arrondie de 4 cm de diamètre, enkystée au niveau de la gouttière paravertébrale gauche, en regard de L5S1. Elle était hypointense en séquence pondérée T1 avec une épaisse couronne périphérique Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 Figure 2 : IRM lombaire en coupes axiales. A) séquence T2 objectivant au niveau de la gouttière paravertébrale gauche, une masse arrondi, hyperintense au centre avec une épaisse couronne périphérique hypointense. B) séquence T1, Fat-Sat après injection de gadolinium montrant la lésion en hypointense avec une prise de contraste périphérique. tense (figure 2A). Les examens biologiques étaient normaux. Une ponction biopsie echoguidéé était réalisée. L’analyse histopathologique montrait un tissu fibreux au sein duquel des fibres textiles polarisant la lumière, étaient entourées d’un infiltrat inflammatoire granulomateux macrophagique, histiocytaire et giganto-céllulaire sans nécrose (figure 4). Une reprise chirurgicale pour l’ablation de la masse a été décidée. La dissection des masses musculaires permettait de mettre en évidence une masse enchâssée dans les muscles paravertébraux (figure 3A). L’ablation en monobloc était obtenue après dissection et clivage de la masse des fibres musculaires. La pièce était adressée au laboratoire d’anatomie pathologique ainsi qu’en bactériologie (figure 3 B et C). L’examen histopathologique montrait un aspect superposable à ce qui avait été observé sur la biopsie sans signe d’inflammation aigu, ni de surinfection (figure 4). L’examen bactériologique n’a pas objectivé d’agent pathogène. L’évolution clinique était marquée par une disparition rapide des lombalgies. DISCUSSION isointense (figure 1) qui se rehausse après injection de gadolinium (figure 2B). En séquence pondérée T2 le signal était hyperintense avec une épaisse couronne hypoin- 7 Le terme de “textilome” désigne communément un corps étranger (compresse, coton ou champ opératoire) laissé involontairement au cours d'une intervention chirurgicale et découvert après la fermeture de la plaie opératoire. Cependant, il y a une nuance qui mérite d’être soulignée. Strictement parlant, le terme textilome doit être réservé pour décrire un corps étranger constitué d’une compresse ou d’un coton chirurgical, alors que le terme gossypiboma (des AngloSaxons), permet de décrire la masse constituée par le corps étranger et la réaction granulomateuse qui l’entoure [4, 5, 6]. L’incidence des textilomes est difficile à estimer. Les auteurs s’accordent pour dire que c’est une complication rare. Les spécialités les plus concernées sont celles qui abordent les grandes cavités. De 1965 à nos jours, moins de 50 cas de textilomes lombaires ont été rapportés [1, 2, 3]. Ces chiffres sont forcément en dessous de la réalité en raison des implications médico-légales. En dépit d’une extrême prudence, les compresses et cotons chirurgicaux peuvent être oubliés facilement dans la région paravertébrale en raison de leur utilisation fréquente, de leur petite taille et parce qu’un coton ou une compresse imbibée de sang dans un champ opératoire hémorragique peut être difficile à distinguer du sang et des muscles paravertébraux [7]. Les facteurs classiquement incri- ARTICLE ORIGINAL Elles font l’objet de protocoles écrits et concernent tous les temps opératoires : avant l’incision, pendant l’intervention, après le dernier point de suture. L’utilisation systématique de compresses marquées, le compte systématique des compresses, sont quelque unes des mesures qui peuvent essayer de maîtriser le risque d’erreur humaine. Mais aucune ne peut formellement et à coup sûr éviter ce risque. CONCLUSION Figure 4 : L’étude anatomopathologique de la lésion sur les colorations standards (Hémateine, Phloxine, Safran (HPS)) montrait un tissu fibreux ponctué de nombreuses fibres textiles (flèches). De nombreuses cellules géantes multinuclées étaient présentes au contact des fibres textiles. minés dans l’oubli des corps étrangers sont : la chirurgie urgente, un IMC élevé, un événement imprévu survenant lors de la chirurgie, les distractions pendant la chirurgie ainsi que le non-respect des procédures de contage [8]. Notre patient avait comme seul facteur de risque avéré, un IMC élevé. L’histoire naturelle d’un textilome dépend surtout de la réaction de l’organisme contre le corps étranger. Les compresses et cotons chirurgicaux ne se décomposent pas du fait de leur inertie. Sur le plan anatomopathologique, deux types de réaction immunitaire se produisent, la forme aigue nécrotique et la forme chronique. La forme aigue nécrotique est caractérisée par la prédominance des réactions exsudatives responsables de manifestations cliniques et biologiques. Dans la forme chronique une capsule fibreuse aseptique se constitue autour du corps étranger limitant ainsi la réaction inflammatoire, dans ce cas les manifestations sont frustes et le “textilome” agit comme un processus tumoral à évolution lente [9] . Comme dans notre cas, la forme chronique peut être de découverte tardive, plusieurs années voir décennies après l’intervention chirurgicale [7]. La plupart des textilomes lombaires publiés ont été révélés par des lombalgies [3, 10, 11]. Des déficits moteurs et/ou sensitifs et des fuites de liquide séreux ont également été rapporLe Rachis - N° 4 - Septembre 2014 tés comme mode de révélation [12] . Notre patient nous a été adressé pour douleurs lombaires persistant depuis 2 ans. Le diagnostic de textilome laisse une large place à l’imagerie. Au scanner, la densité est fonction de la nature du corps étranger et de la présence ou non de granulome ou d’abcès. Classiquement le textilome apparait comme une masse hétérogène hypodense contenant des bulles de gaz en son centre (aspect spongiforme), avec une couronne périphérique hyperdense qui se rehausse après injection de produit de contraste [13, 14, 15] . Dans la forme chronique, les bulles de gaz peuvent manquer, car elles sont généralement résorbées au bout de quelques années [14, 16]. A l’IRM, le textilome se présente comme une masse bien limitée, mais le signal peut varier en fonction de la composition histologique, du stade et du contenu liquide de la lésion [4, 17]. En général, les formes exsudatives sont hypointense en T1, hyperintense en T2, tandis que les formes fibreuses présentent un signal intermédiaire en T1 et un hyposignal en T2 [13]. La capsule est généralement hypointense en T1 et T2 et se rehausse après gadolinium. D’autres aspects a l’IRM sont décrits [4, 18]. Les diagnostics différentiels d’un textilome paravetébral sont : l’abcès, l’hématome, la fibrose cicatricielle et les tumeurs (en particulier le fibrosarcome et le rhabdomyosarcome) [1, 3, 11, 13]. Les séquences de diffusion permettent de faire le diagnostic différentiel avec un abcès. Le textilome présente une augmentation de la diffusion, alors que celle-ci est abaissée en cas d’abcès [16]. Le diagnostic préopératoire de textilome peut être fait chez un patient ayant des antécédents de chirurgie rachidienne, si on y pense. Malgré l’importance de l’imagerie, la diversité des aspects radiologiques, fait que la démarche diagnostique doit être orientée par l’anamnèse. La confirmation ne viendra que par les constatations peropératoires et par l’histologie. La ponction biopsie échoguidée peut parfois aider au diagnostic si la quantité de matériel biopsiée est suffisante. Dans notre cas, elle a permis de confirmer le diagnostic avant l’intervention. Dès que le diagnostic est fait, le textilome paravertébral doit être retiré. Une antibiothérapie appropriée est recommandée lorsqu’une complication septique est présente ou soupçonnée [7]. Le textilome est source de nombreux problèmes médico-légaux. Il est fréquemment à l’origine de déclarations en responsabilité professionnelle. Il s’agit d’une complication non voulue et prévisible de la chirurgie qui nécessite la mise en œuvre de tous les moyens possibles pour la prévenir. Des procédures, universellement reconnues et habituellement respectées, sont censées éviter cet oubli. 8 Le textilome est une complication iatrogène grave par ses conséquences cliniques et ses répercussions médico-légales. Sa découverte est généralement tardive. Devant la diversité des aspects radiologiques et l’absence de signes cliniques spécifiques, la démarche diagnostique doit être orientée par l’anamnèse. La prévention passe par un respect strict des protocoles en vigueur. RÉFÉRENCES 1. Kucukyuruk B, Biceroglu H, Abuzayed B, Ulu MO, Kafadar AM. Paraspinal gossypiboma: a case report and review of the literature. J Neurosci Rural Pract 2010 1:102-104. 2. Marquardt G, Rettig J, Lang J, Seifert V. Retained surgical sponges, a denied neurosurgical reality? Cautionary note. Neurosurg Rev 2001. 24:41-43, 3. Okten AI, Adam M, Gezercan Y. Textiloma: a case of foreign body mimicking a spinal mass. Eur Spine J 2006. 15:5626-5629, 4. Kim HS, Chung TS, Suh SH, Kim SY. MR imaging finding of paravertebral gossypiboma. AJNR Am J Neuroradiol 2007; 28:709-13. 5. Williams RG, Bragg DG, Nelson JA. Gossypiboma: the problem of the retained surgical sponge. Radiology 1978; 129:323-26 6. Sheward SE, Williams AG Jr, Mettler FA Jr, et al. CT appearance of a surgically retained towel (gossypiboma). J Comput Assist Tomogr 1986;10:343-45 7. Akhaddar A. Boulahround O, Naama O, Al-boizidi A, Boucetta M. Paraspinal texiloma after Posterior Lumbar Surgery: A Wolf in sheep’s Clothing. World Neurosurgery 2012;2:375-80 8. Gawande AA, Studdert DM, Orav EJ, et al. Risk factors for retained instruments and sponges after surgery. N Engl J Med 2003; 348:229–35. 9. Olnick HM, Weens SH, Rogers JR JV. Radiologic diagnosis of retained surgical sponges. JAMA 1995; 159:1525-7. 10. Bani-Hani KE, Gharaibeh KA, Yaghan RJ. Retained surgical sponges (gossypiboma) Asian J Surg. 2005; 28:109–15. 11. Aydogan M, Mirzanli C, Ganiyusufoglu K, Tezer M, Ozturk I. A 13-year-old textiloma (gossypiboma) after discectomy for lumbar disc herniation: a case report and review of the literature. Spine J. 2007; 7:618–21. 12. Marquardt G, Rettig J, Lang J, Seifert V. Retained surgical sponges, a denied neurosurgical reality. Cautionary note ? Neurosurg Rev. 2007; 24:41–3. 13. Atabay C, Turgut M, Ilica AT. Retained surgical sponge in differential diagnosis of paraspinal softtissue mass after posterior spinal surgery: report of eight cases. Neurol India 2009.57:320323, 14. Kopka L, Fischer U, Gross AJ, Funke M, Oestmann JW, Grabbe E. CT of retained surgical sponges (textilomas): pitfalls in detection and evaluation. J Comput Assit Tomogr 1996. 20:919923, 1996. 15. Van Goetem JW, Parizel PM, Perdieus D, Hermans P, de Moor J. MR and CT imaging of paraspinal textiloma (gossypiboma). J Comput Assist Tomogr 1991 15:1000-1003, 16. Erdem G, Ates O, Kocak A, Alkan A. Lumbar gossypiboma. Diagn Interv Radiol 2010.16:10-12, 17. Manzella A, Filho PB, Albuquerque E, Farias F, Kaercher J. Imaging of gossypibomas: pictorial review. Am J Roentgenol 2009; 193: S 94-101. 18. Kuwashima S, Yamato M, Fujioka M, Ishibashi M, Kogure H, Tajima Y. MR findings of surgically retained sponges and towels: report of two cases. Radiat Med 1993.11:98-101 LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS HÉMORRAGIE CÉRÉBRO MÉNINGÉE APRÈS CHIRURGIE VERTÉBRALE LOMBAIRE DIDIER PIERRON 1, CYRIL DAUZAC 1, JONATHAN EZRA 2, HECTOR RANDRIANANJA 1 1- PÔLE DE CHIRURGIE, CENTRE DU RACHIS, 25 BOULEVARD VICTOR HUGO, 92200 NEUILLY SUR SEINE 2- PÔLE DE RADIOLOGIE, CENTRE DU RACHIS, 25 BOULEVARD VICTOR HUGO, 92200 NEUILLY SUR SEINE a chirurgie du rachis est à risque de nombreuses complications per et post-opératoires, hématome, lésion nerveuse, vasculaire, brèches durales, méningocèle, etc... La survenue d’hémorragie intracrânienne se développant à distance du site chirurgical est un événement rare et potentiellement grave, dont le mécanisme exact est peu connu. Les cas décrits après chirurgie rachidienne compliquent toujours une brèche durale, connue ou occulte. Dans la littérature, le siège de ces hémorragies est presque toujours cérébelleux. Nous rapportons ici 2 observations d’hémorragie intracrânienne, de siège différent, l’une temporale, l’autre méningée, compliquant une chirurgie lombaire. L Une HBPM à dose iso coagulante est débutée le lendemain. 24 heures après l’intervention elle présente une brutale céphalée. La tension artérielle est à 16. Le flacon de redon contient 500 cc d’un liquide sanglant non évocateur de LCR, mais un tiers s’est rempli dans les heures précédant la céphalée, de ce fait on en réalise l’ablation plus tôt que prévu. Le 16 novembre la patiente est somnolente mais communique et répond parfaitement aux questions ; un scanner cérébral retrouve un hématome intra temporal droit (figure 1), un scanner lombaire n’objective aucune collection (figure 2). L’examen neurologique est normal, il n’y a pas d’aphasie, la patiente étant droitière ; elle est surveillée 48 heures en réanimation puis regagne l’étage d’hos- pitalisation le 18 novembre. L’évolution est favorable en quelques jours. Un scanner réalisé le 26 novembre montre une résorption partielle de l’hématome intra cérébral et la sortie est envisagée pour le 2 décembre. La veille, un écoulement clair est noté au niveau de la cicatrice. Une IRM lombaire met en évidence une collection post opératoire dont il est difficile d’affirmer la nature. On met un point supplémentaire sur la cicatrice afin de stopper l’écoulement ; la patiente rentre à domicile 48 heures plus tard du fait de l’absence de toute symptomatologie évocatrice d’une brèche durale. Elle est revue régulièrement en consultation avec à chaque fois un scanner cérébral de contrôle qui objective, à terme, la résorption complète de l’hématome. Elle ne garde aucune séquelle. CAS CLINIQUE 2 Mme V…. 71 ans, sans antécédent particulier, notamment non hypertendue artérielle présente depuis septembre 2012 une sciatique droite qui limite le périmètre de marche et résiste à un trai- tement classique, ayant notamment compris six infiltrations. Chez cette patiente de 1,66 m pour 50 kg il n’y a ni lasègue, ni anomalie neurologique ; à l’EMG une radiculopathie L5 droite et à moindre degré L4, aux radiographies un glissement L4 L5, au scanner une sténose modérée au même étage. Elle bénéficie le premier août 2014 d’une laminectomie L4 avec recalibrage, arthrodèse L4 L5 bilatérale et ostéosynthèse. Aucune brèche durale n’est observée pendant l’intervention, la patiente aura donc un redon aspiratif ; la prescription d’une HBPM à dose iso coagulante est débutée le lendemain. Dans la nuit du 2 au 3 août la patiente présente une céphalée brutale. Le flacon de redon est à 600 cc depuis le début de l’intervention et bien qu’il n’existe pas de contenu liquidien clair dans le bocal on décide d’en faire l’ablation. Le 4 août du fait de la persistance de la céphalée la patiente bénéficie d’un scanner cérébral (figure 3) qui retrouve des signes d’hémorragie méningée ainsi que la trace d’un hématome sous dural chronique ancien. Un scanner lombaire (figure 4) CAS CLINIQUE 1 Mme A …. 72 ans, sans antécédent particulier, notamment non hypertendue artérielle présente des lombalgies depuis 2 ans avec depuis 6 mois des douleurs des deux membres inférieurs, limitant le périmètre de marche à 15 minutes ; la symptomatologie résiste à du repos, des ains, une infiltration épidurale; chez cette patiente de 1,51 m pour 56 kg on retrouve un lasègue bilatéral à 50°, un examen neurologique normal ; à l’EMG une radiculopathie bilatérale L4 avec réduction axonale et au myéloscanner un glissement L4 L5 avec une sténose L2 L3, L3 L4 et L4 L5. La patiente bénéficie le 14 novembre 2013 d’une laminoarthrectomie L2 L3 et L4 avec recalibrage bilatéral et arthrodèse L4 L5 bilatérale par voie postérieure avec ostéosynthèse. L’intervention ne comporte aucune brèche durale, un redon aspiratif est mis en place. Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 Figure 3 : Hémorragie méningée et hématome sous dural chronique. Figure 1 : Hématome temporal droit. Figure 4 : Pas de collection évidente au scanner lombaire à J2. Figure 2 : Pas de collection évidente sur le scanner post-opératoire. 9 ARTICLE ORIGINAL reprise chirurgicale est préconisée. De façon préventive, une brèche peropératoire requiert une réparation soigneuse, un drainage non aspiratif et une surveillance accrue. RÉFÉRENCES Figure 5 : Scanner de contrôle à J7 : évolution favorable. Figure 6 : IRM avant reprise chirurgicale, importante collection de LCR à J10. est pratiqué dans le même temps qui ne retrouve aucune collection liquidienne au niveau de l’intervention. La patiente bénéficie d’une angio IRM qui élimine une malformation artérielle ou artérioveineuse. L’évolution est marquée par la persistance d’une céphalée modérée et après 10 jours d’évolution favorable, on réalise un scanner cérébral (figure 5) avant le retour à domicile. La veille de la sortie, on constate lors des soins infirmiers un écoulement liquidien clair goutte à goutte, par la cicatrice; une IRM lombaire (figure 6) objective une importante collection. Devant cette forte présomption de brèche secondaire la patiente est réopérée. A noter que la biologie retrouve 21.800 leucocytes avec 600.000 plaquettes et une CRP à 5, la patiente est apyrétique. On constate lors de l’intervention la présence de LCR ; plusieurs prélèvements à visée bactériologique sont réalisés avant démarrage d’une antibioprophylaxie, comprenant Vancomycine, Gentamicine. Il existe au niveau de la méninge une petite déhiscence longitudinale de 2 mm environ qui pourrait correspondre à une fragilisation de la dure mère lors de la première intervention, secondairement ouverte par l’effet aspiratif du redon ; on met un point sur la méninge renforçée par un dépôt de bériplast, on referme sans drainage. Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 La patiente n’est levée qu’à la 48ème heure post opératoire. Les céphalées disparaissent ; les suites post opératoires sont simples. Le scanner cérébral de contrôle montre la résorption complète de l’hémorragie méningée. DISCUSSION Les hémorragies intracrâniennes les plus décrites après chirurgie du rachis sont les hémorragies cérébelleuses. Elles sont plus fréquentes après chirurgie supra-tentorielle et craniotomies (0,2 – 4,9 %) (1-2). Il n’existe pas de taux précis après chirurgie du rachis, il y a moins de 20 cas décrits dans la littérature (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8). Le mécanisme exact de leur survenue n’est pas précisément connu, mais le facteur constant est la présence d’une fuite de liquide céphalo-rachidien (LCR). En chirurgie du rachis, une brèche durale n’est pas un évènement rare, survenant dans 1 à 17% des cas (5). TK Nam (2) rapporte les résultats de l’étude de l’Health Insurance Review and Assessment Service of Korea de 2007 ayant porté sur 149.525 procédures rachidiennes. Les taux de brèche étaient de 3,5% en cas de chirurgie discale simple, 8,5% en cas de libération pour sténose lombaire et 13,2% en cas de chirurgie pour récidive de hernie discale. Dans les cas décrits d’hémorra- gies intracrâniennes compliquant une intervention rachidienne, le type de chirurgie et la localisation sont variables, semblant corrélés à la fréquence du type de chirurgie pratiquées. La localisation la plus fréquente est lombaire, de la simple discectomie à l’arthrodèse pour scoliose. Il existe des cas après chirurgie cervicale et plus rarement thoracique. L’âge de survenue est plus fréquemment au dessus de 50 ans, mais des cas en dessous de 30 ans ont été décrits (5). Le siège des hémorragies est presque constamment cérébelleux, avec 3 cas (1, 2) plus rares d’hémorragie intra temporale associée comme dans notre cas. L’équipe de Khalatbari (5), rapporte 4 cas d’hématome sous dural, alors qu’il semblait auparavant exister seulement 3 cas dans la littérature. Cet auteur décrit également le premier cas d’hématome extra dural après discectomie compliquée d’une brèche. Toutes les études s’accordent pour confirmer le rôle prépondérant d’une fuite de LCR dans la survenue de ces complications hémorragiques intracrâniennes. La physiopathologie exacte reste cependant méconnue. Plusieurs mécanismes sont possibles. 10 L’hypotension intracrânienne engendrée par la fuite de LCR augmente la pression intra-veineuse, aboutissant à la rupture de celles-ci. Une autre hypothèse est avancée (2, 5), ce serait l’étirement des veines due à la traction caudale des structures cérébrales et du cervelet, entraînant soit leur occlusion avec des infarctus veineux hémorragiques, soit leur rupture. CONCLUSION Au vu de la littérature et de ces 2 observations, la survenue d’hémorragie cérébro méningée après chirurgie du rachis semble toujours consécutive à une fuite de LCR. La présence de céphalées postopératoire est classique si une brèche est connue, il faut être très attentif à l’aspect du redon afin d’éviter les fuites importantes de LCR et bien sur surveiller l’examen neurologique. Ces céphalées ne doivent pas persister plus de 24h. Un scanner cérébral doit être prescrit en cas de céphalée persistante, afin de dépister ces hémorragies secondaires. La recherche d’une fuite de LCR doit être effectuée en cas de brèche méconnue, l’IRM semble alors plus sensible. En cas de méningocèle avéré, la 1. You SH, Son KR, Lee NJ, Suh JK. Remote cerebral and cerebellar hemorrhage after massive cerebrospinal fluid leakage. J Korean Neurosurg Soc. 2012 Apr;51(4):240-3. doi: 10.3340/jkns. 2012.51.4.240. Epub 2012 Apr 30. 2. Nam TK, Park SW, Min BK, Hwang SN. Remote cerebellar hemorrhage after lumbar spinal surgery. J Korean Neurosurg Soc. 2009 Nov;46(5):501-4. doi: 10.3340/jkns.2009.46.5.501. Epub 2009 Nov 30. 3. Yoo JC, Choi JJ, Lee DW, Lee S. Remote cerebellar hemorrhage after intradural disc surgery. J Korean Neurosurg Soc. 2013 Feb;53(2):118-20. doi: 10.3340/jkns.2013.53.2.118. Epub 2013 Feb 28. 4. Friedman JA, Ecker RD, Piepgras DG, Duke DA. Cerebellar hemorrhage after spinal surgery: report of two cases and literature review. Neurosurgery. 2002 Jun;50(6):1361-3; discussion 13634. Review. 5. Khalatbari MR, Khalatbari I, Moharamzad Y. Intracranial hemorrhage following lumbar spine surgery. Eur Spine J. 2012 Oct;21(10):2091-6. doi: 10.1007/s00586-012-2187-1. Epub 2012 Feb 16 6. Konya D, Ozgen S, Pamir MN. Cerebellar hemorrhage after spinal surgery: case report and review of the literature. Eur Spine J. 2006 Jan;15(1):95-9. Epub 2005 Jul 9. Review. 7. Cavanilles-Walker JM, Tomasi SO, Sgier F, Kröber M. Remote cerebellar haemorrhage after lumbar spine surgery: case report. Arch Orthop Trauma Surg. 2013 Dec;133(12):1645-8 8. Castle M, Barrena C, Samprón N, Arrese I. Remote cerebellar haemorrhage after lumbar arthrodesis: case report and literature review]. Neurocirugia (Astur). 2011 Dec;22(6):574-8 LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS LE RACHIS rès g n o c e l us sur -no z e v u o yon r L t à Re E N I UROSP 014 2 de l’ E e r b o t er 3 oc u a 1 du w w w . l d r m e d i c a l . c o m Hôtel de Bureaux 1, 4 rue Gustave Eiffel, 10430 Rosières Près Troyes - Mailing Address: Technopole de l’Aube, BP 2, 10902 Troyes Cedex 9, France, Tel: +33(0)3 25 82 32 63, Fax: +33(0)3 25 82 33 71 09/2014 1 2 B ° N STAND 0459 Document destiné exclusivement aux professionnels de Santé. Avant toute opération chirurgicale, lisez attentivement la notice d’utilisation et la technique opératoire. MOBI-C - prothèse de disque cervical stérile - est un dispositif médical marqué CE de classe IIb fabriqué par la société LDR Médical S.A.S. et dont l’évaluation de la conformité a été réalisée par l’organisme notifié G-Med N°0459. Il est destiné à remplacer un disque intervertébral cervical (C3/C4, C4/C5, C5/C6, C6/C7) en vue de restaurer de la mobilité segmentaire ainsi que de la hauteur au disque. MOBI-C® est un dispositif médical non pris en charge par l’Assurance Maladie. MOBIDISC® - prothèse de disque lombaire stérile - est un dispositif médical marqué CE de classe IIb fabriqué par la société LDR Médical S.A.S. et dont l’évaluation de la conformité a été réalisée par l’organisme notifié G-Med N°0459. Il est destiné à remplacer un disque intervertébral lombaire en vue de restaurer une hauteur et une cinétique normale au disque. MOBIDISC® est un dispositif médical pris en charge par l’Assurance Maladie. ® ARTICLE ORIGINAL ANATOMIE ANGIOGRAPHIQUE DU SYSTÈME VEINEUX MÉDULLAIRE PHILIPPE GAILLOUD DIVISION OF INTERVENTIONAL NEURORADIOLOGY, THE JOHNS HOPKINS HOSPITAL, BALTIMORE, MARYLAND (USA) ien que l’angiographie conventionnelle reste la modalité de référence pour l’exploration de la vascularisation spinale, l’évaluation fine du système veineux médullaire continue de représenter un important challenge technique. Cette situation explique en grande partie la persistance d’une relative méconnaissance de la pathologie veineuse médullaire, en dépit des espoirs suscités dans les années soixante-dix et quatre-vingts par la publication d'importants travaux dans ce domaine [1-6]. L’apparition récente de l’angiotomographie à panneaux plats (ATPP) [7, 8], adoptée dans notre pratique d’angiographie spinale depuis environ quatre ans [9], offre finalement un équivalent médullaire à la phase veineuse cérébrale. Cette technique nous a permis d’imager de nombreuses structures veineuses normales ou pathologiques, certaines jusquelà uniquement connues par le biais de matériel anatomique, d’autres apparemment non encore décrites. Cet article propose un bref aperçu de cette nouvelle anatomie angiographique du système veineux médullaire. L’information présentée ici reste préliminaire, son but est d’illustrer l’apport potentiel de l'ATPP à notre connaissance de la pathologie veineuse médullaire. B bas débits, entourés d’une colonne osseuse dense), et d’autre part à cause de difficultés d’acquisition propres au patient (constitution physique, artéfacts de mouvements respiratoires et intestinaux). Si ces obstacles n’ont pas empêché la publication de travaux fondamentaux au sujet du temps veineux médullaire [3, 6, 10], l’information fournie par une phase veineuse spinale classique, même de bonne qualité, est limitée, bien inférieure par exemple à celle recueillie durant une phase veineuse cérébrale (figure 1A, B). L'ATPP, une forme d’angiotomo- graphie d’apparition récente obtenue durant une angiographie spinale conventionnelle mais bénéficiant de l’introduction de détecteurs de radiographie numérique à panneaux plats [7, 8], autorise une véritable redéfinition de la phase veineuse médullaire [9]. Elle fournit en particulier des reconstructions multiplanaires en haute-résolution peu ou pas altérées par les mouvement respiratoires et intestinaux (figure 1C, D). Le protocole d’acquisition est simple, il consiste en une angiographie sélective rotationnelle d’une durée de 20 secondes, Figure 2 : Anatomie du système veineux intramédullaire et périmédullaire 1 - veine spinale anteromédiane, 2 - veine spinale posteromédiane, 3 - veine spinale postérolatérale, 4 - plexus coronaire veineux, 5 - veines radiculomédullaires antérieure et postérieure, 6 - veine centrale (sulco-commissurale), 7 - veine septale, 8 - anastomose périmédullaire, 9 - anastomose intramédullaire, 10 - anastomose longitudinale sulcale, 11 - anastomose longitudinale paracentrale ANGIOGRAPHIE DU SYSTÈME VEINEUX MÉDULLAIRE Lors d’une angiographie spinale, l’obtention d’une phase veineuse de qualité reste difficile, d’une part en raison de l’architecture du système veineux médullaire (vaisseaux de petites tailles et à Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 Figure 1 : Angiographie et ATPP sélectives L1 droites chez un homme de 40 ans A. angiographie, temps artériel, projection antéropostérieure; l'artère d'Adamkiewicz (grande flèche noire) et l'axe artériel spinal antérieur (petites flèches noires) sont opacifiés. B. angiographie, temps veineux, projection antéropostérieure; la veine spinale antéromédiane (petites flèches blanches) et une veine radiculomédullaire antérieure (grande flèche blanche) se drainant vers L2 gauche sont visibles. C. ATPP, reconstruction coronale; les structures artérielles et veineuses décrites ci-dessus sont démontrées simultanément. D. ATTP, reconstruction sagittale; la position ventrale de l'axe veineux opacifié lors de cette injection est confirmée. 12 durant laquelle le patient reste immobile mais respire normalement. Le choix de l’artère injectée dépend de la question clinique ayant conduit à l’examen, mais se porte généralement sur la branche intersegmentaire fournissant la principale contribution radiculomédullaire, i.e., l’artère d’Adamkiewicz. L’injection d’une mixture de contraste (25%) et de solution saline (75%) permet d’obtenir une excellente opacification vasculaire avec un volume de contraste restreint. Ce volume est typiquement de 7.5 millilitres, soit un quart des 30 millilitres administrés durant une acquisition de 20 secondes couplée à un délai radiographique de 10 secondes. L’ensemble des données obtenues durant l’angiographie rotationnelle, soit 512 images, est ensuite reconstruit en mode multiplanaire non soustrait. La résolution finale des images ainsi obtenues dépend du volume d’intérêt choisi pour la reconstruction, la taille des voxels pouvant atteindre 0.1 mm3. ANATOMIE ANGIOGRAPHIQUE DU SYSTÈME VEINEUX MÉDULLAIRE Figure 3 : Angiographie sélective L1 gauche chez une femme de 28 ans souffrant d’un syndrome d’hypertension veineuse spinale associé à une dérivation réno-azygo-lombaire de large calibre (canal de sureté de Lejars) [4, 26]. Cette entité sera discutée dans la seconde partie de notre revue. A. ATTP, reconstruction sagittale. Les veines centrales, dont certaines sont indiquées par des têtes de flèche blanches, sont identifiables. Noter la position généralement profonde de la veine spinale antéromédiane (large flèche blanche) par rapport à l’artère spinale antérieure (petite flèche noire). La veine du filum terminale (petite flèche blanche) est la prolongation caudale de la veine spinale antéromédiane. B. ATTP, reconstruction axiale, même légende. Il est important de noter que, bien que l’injection soit relativement longue et concerne le plus souvent un vaisseau critique, notre expérience avec cette nouvelle technique s’est révélée sure, aucune complication, neurologique ou autre, n’ayant été constatée à ce jour pour environ 150 examens ATTP spinaux obtenus. Il faut mentionner que si l'ATTP spinale offre une information morphologique de haute qualité, elle n'amène en revanche aucun renseignement sur les caractéristiques hémodynamiques des structures investiguées, un aspect qui reste entièrement dépendant de l'analyse angiographique classique. Par ailleurs, en vertu de son mode d'acquisition (longue injection de 20 secondes), l'ATTP montre simultanément les structures artérielles et veineuses. Bien que des protocoles d'acquisition plus courts soient possibles (huit secondes par exemple), le gain en résolution temporelle ne justifie en général pas l'importante perte de résolution spatiale liée à la réduction du nombre d'image acquises durant la rotation. Le développement d'équipements angiographiques permettant des vitesses d'acquisition rotationnelle plus élevées devrait permettre de résoudre cet inconvénient. Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 Figure 4 : Angiographie sélective vertébrale droite chez un homme de 52 ans investigué pour une fistule artérioveineuse épidurale au niveau de C4. La reconstruction sagittale de l’ATTP démontre une chaine anastomotique dans la profondeur du sillon médian antérieur (petites flèches) établie entre plusieurs veines sulcales dilatées, dont certaines sont indiquées par des têtes de flèches. La grande flèche montre la veine spinale antéromédiane. 13 Le système veineux médullaire sera ici divisé en systèmes intrinsèque et extrinsèque. Il est généralement admis que le système intrinsèque, décrit en détail par Kadyi [11], comprend le réseau veineux intramédullaire ainsi que les veines centrales (ou sulco-commissurales). Le système extrinsèque inclut le plexus coronaire veineux, les axes veineux périmédullaires longitudinaux (notamment les veines spinales anteromédiane et postéromédiane), les veines radiculaires vraies, et les veines radiculomédullaires (figure 2). Les veines radiculaires vraies s’étendent du ganglion rachidien au réseau veineux périmédullaire. Elles ne participent pas au drainage du parenchyme médullaire, et ne seront pas discutées plus en détail dans cette revue. Figure 5 : Illustration originale d'une anastomose intramédullaire par Kadyi en 1889 [11]. Le texte accompagnateur (p. 146) décrit une coupe médiane au niveau de la portion thoracique de la moelle épinière, au sein de laquelle "une large connexion anastomotique est établie entre une des veines centrales et une de la face postérieure de la moelle épinière. Le tronc indiqué par "v" ne parcourt pas le septum médian, mais s'oriente vers la gauche pour rejoindre la surface de la moelle près de la ligne d'émergence des racines postérieures gauches.". Plus loin, il ajoute que "l'anastomose veineuse "a" forme une boucle dont les deux versants cheminent parallèlement au canal central: l'une descend, l'autre remonte suivant une courbe en "S" avant de rejoindre le tronc de la veine centrale correspondante "c"." ARTICLE ORIGINAL fondeur du sillon (figure 4). Les veines périphériques sont courtes, et adoptent une disposition radiaire qui les mène au réseau coronaire veineux superficiel. Celles situées au niveau des faisceaux radiculaires antérieurs et postérieurs peuvent être plus développées [13]. Les veines septales, ou médianes postérieures, sont à la fois plus constantes et plus robustes. Similairement aux veines centrales, les veines septales naissent de la confluence de racines droites et gauches au contact de la commissure grise. B. Anastomoses intramédullaires Figure 6 : Deux types d’anastomoses intramédullaires sont classiquement reconnus. L’anastomose centrodorsolatérale (haut) relie une veine centrale à un canal veineux situé au niveau de la corne postérieure, qui rejoint généralement une veine spinale postérolatérale. L’anastomose antéropostérieure médiane (bas) établit, par le biais d'une connexion entre une veine centrale et une veine septale, un lien antre les axes veineux antéromédian et postéromédian. L’existence d’anastomoses traversant le parenchyme médullaire pour relier les axes veineux spinaux antérieur et postérieurs fut découverte par Kadyi en 1889 [11]. Kadyi décrivit en particulier la déviation formée par ces anastomoses autour du canal central, qui s'accompagne généralement d'une boucle longitudinale parallèle au canal (figure 5). Deux types d’anastomoses intramédullaires sont reconnus : l’anastomose centrodorsolatérale observée par Kadyi et décrite plus avant par Herren and Alexander en 1939 [14], et l’anastomose antéropostérieure médiane illustrée par Crock et Yoshizawa [15] en 1977 (figure 6). LE SYSTÈME VEINEUX INTRINSÈQUE A. Veines intramédullaires et anastomoses longitudinales sulcales Figure 8 : Anastomoses intramédullaires atypiques documentées chez un homme de 52 ans (même patient que pour la Figure 4). A. ATTP, reconstruction axiale, montrant une double anastomose antéropostérieure médiane (têtes de flèches blanches) et centrodorsolatérale (petite flèche blanche), reliant la veine spinale antéromédiane (flèche grise) aux veines spinales postéromédiane (grande flèche blanche) et postérolatérale droite (petite flèche blanche) B. ATTP, reconstruction axiale, sur laquelle on peut voir une anastomose antéropostérieure médiane (petite flèche) constituée par la jonction de deux veines centrales (têtes de flèches) provenant d'un segment dédoublé de la veine spinale antéromédiane (petites flèches). La grande flèche indique la veine spinale postéromédiane. Le réseau veineux intramédullaire est divisé, de la même façon que le système artériel intrinsèque, en compartiments central et périphérique. Les veines centrales, normalement de petit calibre, sont rarement observées durant une angiographie spinale, même complétée par une ATPP. Les deux exemples présentés ciaprès furent observés chez des patients souffrant d’hypertension veineuse médullaire. Les veines centrales participent au drainage de la portion médiane et antérieure de la moelle épinière [12], et se jettent dans la veine spinale antéromédiane (figure 3). Les veines centrales établissent des anastomoses longitudinales (ou intersegmentaires) au niveau de la matière grise centrale ainsi que dans le sillon antérieur [12]. Ces dernières peuvent parfois gagner en taille et prendre l’aspect d’une chaine anastomotique longitudinale dans la proLe Rachis - N° 4 - Septembre 2014 Bien que ces deux types d’anastomoses soient d’observation fréquente sur pièces anatomiques [16], la seconde est dans notre expérience plus souvent imagée que la première ; nous n’avons en effet pu documenter qu’un seul cas d’anastomose centrodorsolatérale, au niveau cervical, contre six cas d’anastomoses antéropostérieures médianes, plus fréquemment localisées au niveau thoracique bas (T11-T12) (figure 7). Cette différence pourrait être liée au calibre généralement inférieur des anastomoses centrodorsolatérales [16]. Enfin, deux variantes d’anastomose intramédullaire non encore documentées furent observées chez un même patient, l’une combinant une anastomose antéropostérieure médiane à une Figure 7 : Anastomose intramédullaire documentée chez une femme de 60 ans. A. ATTP, reconstruction axiale, montrant une anastomose antéropostérieure médiane reliant les veines spinales antéromédiane (grande flèche noire) et postéromédiane (grande flèche blanche). Noter la déviation du segment anastomotique autour du canal central (petite flèche blanche). B. ATTP, reconstruction sagittale (même légende). Le trajet de l'anastomose est bien apprécié, y compris la boucle longitudinale parallèle au canal central décrite par Kadyi. 14 Figure 9 : Voie de dérivation intramédullaire A. Représentation artistique d'un cas de voie de dérivation intramédullaire associée à un hémangiome caverneux médullaire (5). Une arborescence veineuse en "tête de méduse" (1) se continue par un tronc collecteur intramédullaire parallèle au canal central (3), qui se jette dans la veine spinale antéromédiane (4) par le biais d'une veine centrale élargie. La veine spinale postérolatérale gauche est absente, alors que droite est bien visible (2). Le segment proximal d'une veine radiculomédullaire (6) ainsi qu'un second canal intramédullaire situé à la limite du champ investigué (7) sont également indiqués. B. ATTP, reconstruction sagittale, montrant le tronc collecteur intramédullaire (petite flèche blanche) se jetant dans la veine spinale antéromédiane (grandes flèches blanches). La veine spinale postérolatérale droite est partiellement située dans le plan de coupe (petites têtes de flèches blanches), alors qu'un second canal intramédullaire est visible à la limite inférieure de la zone explorée (grande tête de flèche blanche). C. ATTP, reconstruction coronale (même légende). Noter l'arborescence veineuse intramédullaire en "tête de méduse" occupant la moitié gauche de la moelle épinière ainsi que l'absence de veine postérolatérale gauche. anastomose centrodorsolatérale (figure 8A), l’autre montrant une double origine centrale d’une anastomose antéropostérieure médiane (figure 8B). C. Voie de dérivation intramédullaire L’existence d’une voie de dérivation intramédullaire, dont l’an- gioarchitecture rappelle fortement celle d’une anomalie veineuse de développement cérébrale, a été récemment démontrée grâce à l’ATPP [17]. Cette structure, soit variante anatomique, soit séquelle d’une altération précoce du système veineux superficiel, se présente sous la forme d'une arborescence veineuse “en tête de méduse” se drainant dans un canal collecteur intramédullaire parallèle au canal central (anastomose paracentrale). Dans l’unique cas documenté à ce jour, cette voie de dérivation était associée à l’absence de la veine spinale postérolatérale gauche au niveau correspondant, ainsi qu’à un hémangiome caverneux intramédullaire (figure 9). LE SYSTÈME VEINEUX EXTRINSÈQUE A. Les axes veineux longitudinaux Les axes veineux longitudinaux principaux sont essentiellement représentés par les veines spinales antéromédiane et postéromédiane. Les veines antérolatérales et postérolatérales, de petit calibre et irrégulières, ont un rôle accessoire, les premières en particulier, qui ne seront plus mentionnées dans cette revue. Le système périmédullaire postérieur présente un aspect nettement plus plexiforme que la Figure 10 : Anastomose périmédullaire documentée chez une femme de 36 ans. A. ATTP, reconstruction sagittale, montrant une anastomose périmédullaire gauche (petite flèche blanche) reliant les veines spinales antéromédiane (grande flèche noire) et postéromédiane (grande flèche blanche). La tête de flèche blanche indique une veine centrale située au même niveau. B. ATTP, reconstruction axiale (même légende). Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 15 ARTICLE ORIGINAL Figure 11 : Anastomose périmédullaire documentée chez une femme de 60 ans. Dans ce cas, l'anastomose (petite flèche blanche) constitue une continuation à plein canal de la veine spinale anteromédiane (grande flèche blanche) vers la veine spinale postéromédiane (grandes flèches noires). Noter également la tortuosité typiquement plus marquée du réseau veineux postérieur. veine spinale antéromédiane, qui est relativement rectiligne et habituellement recouverte de l’artère spinale antérieure (voir figure 3A) [3]. Le diamètre de la veine spinale postéromédiane est par contre plus marqué et plus régulier que celui de son homologue antérieur, dont la taille, généralement inférieure, peut varier d’un niveau vertébral à l’autre. La veine spinale antéromédiane atteint généralement son développement maximum au niveau lombosacré, alors qu’elle peut être absente au niveau thoracique moyen [13]. Elle se continue caudalement par la veine du filum terminale, alors que la veine spinale postéromédiane se prolonge rarement au delà du cône médullaire. Cranialement, la veine spinale antéromédiane est connectée au réseau veineux du tronc cérébral, alors que les veines de la face dorsale se draine plus volontiers par le bais de veines radiculomédullaires cervicales. Le calibre des veines superficielles tend à augmenter avec l’âge [16], au niveau de la surface dorsale en particulier. Cette évolution semble due autant à un effet gravitationnel qu’à un appauvrissement progressif du drainage médullaire résultant de la raréfaction des Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 quentes, leur nombre étant généralement restreint à une ou deux par patient dans notre expérience ; elle semblent prédominer au niveau thoracique bas et lombaire. Dans certains cas, plus qu’une simple connexion “en passant” entre les axes veineux antérieur et postérieur, une anastomose périmédullaire peut représenter la principale voie de drainage d’un axe vers l’autre (figure 11). Un type particulier d'anastomose périmédullaire est formé par le réseau veineux plus dense qui engaine le cône médullaire, réseau similaire aux rameaux arqués qui constituent le cercle anastomotique artériel du cône. A l'état normal, ces anastomoses de petit calibre sont peu visibles [19], même avec l'ATPP (figure 12). Le cercle anastomotique veineux du cône médullaire tend par contre à devenir proéminent lorsqu'il est associé à certaines pathologies vasculaires, telles que des fistules ou malformations artérioveineuses notamment (figure 13). C. Les veines radiculomédullaires Figure 12 : Cercle anastomotique veineux du cône médullaire normal documenté chez une femme de 32 ans. A. ATTP, reconstruction coronale légèrement oblique passant par la surface ventrale de la moelle, montrant la veine spinale antéromédiane (petite flèche blanche) se continuant caudalement par la veine du filum terminale (grande flèche blanche). B. ATTP, reconstruction coronale légèrement oblique passant par la surface dorsale de la moelle, sur laquelle on peut voir le réseau veineux dorsal (petites flèches noires) se connecter au segment proximal de la veine du filum terminale (grande flèche blanche). C. ATTP, reconstruction secondaire en résolution augmentée, qui permet de mieux apprécier le fin réseau veineux postérieur et les anastomoses le liant à la veine du filum. Les veines radiculomédullaires antérieures et postérieures drainent le sang veineux du système périmédullaire en direction du plexus veineux vertébral interne (ou épidural). veines radiculomédullaires liée au vieillissement [18]. Il est ainsi parfois difficile de différentier une proéminence veineuse “normale”, en rapport avec l’âge du patient, d’une turgescence pathologique, secondaire par exemple à une compression médullaire ou à une fistule artérioveineuse spinale à petit débit. Le problème des varices piemériennes, qui constituent une sorte d’état intermédiaire mal connu entre anatomie normale et pathologique, sera considéré dans la seconde partie de cet article. B. Anastomoses périmédullaires Le réseau veineux périmédullaire établit de nombreuses connections fines entre les différents axes veineux longitudinaux recouvrant la surface de la moelle épinière. Certaines de ces anastomoses, rendues visibles par leur calibre plus important, joignent la veine spinale antéromédiane à la veine spinale postéromédiane ou à l’une des veines spinales postérolatérales (figure 10). Ces anastomoses périmédullaires de large calibre semblent peu fré- Figure 13 : Cercle anastomotique veineux du cône médullaire pathologique documenté chez une femme de 48 ans avec une fistule artérioveineuse périmédullaire (Merland Type 1) du cône médullaire. A. angiographie 3D, reconstruction sagittale. La petite flèche noire indique le niveau du shunt artérioveineux liant l'artère spinale antérieure à la veine spinale antéromédiane, shunt de localisation établie grâce aux données dynamiques d'une angiographie classique préalable. De larges anastomoses transversales sont présentes, à gauche (petite flèche blanche) comme à droite (grande flèche blanche) du cône médullaire. De nombreuses anastomoses longitudinales, certaines indiquées par des têtes de flèches, sont également visibles. B. angiographie 3D, reconstruction axiale (même légende), illustrant l'aspect circonférentiel du réseau anastomotique veineux du cône médullaire. 16 bles à l’artère radiculomédullaire principale d’Adamkiewicz [13]. Cette grande veine semble à la fois plus constante et plus volumineuse postérieurement qu'antérieurement [3]. Les veines radiculomédullaires se terminent au niveau du plexus épidural. De là, le sang veineux gagne le plexus veineux vertébral externe (par exemple les veines lombaires ascendantes ou le système azygos) par le biais de veines émissaires passant par les trous de conjugaison (figure 14). D. Le mécanisme anti-reflux Figure 14 : Anatomie vasculaire du trou de conjugaison documentée par ATPP (reconstruction coronale) chez une femme de 23 ans. L'opacification artérielle est légèrement plus prononcée que celle des veines. Le réseau intriqué formé par les veines émissaires au niveau du trou de conjugaison est bien visible. Une veine radiculomédullaire (petites flèches blanches) se termine au niveau d'une poche veineuse épidurale (grande flèche blanche). Le sang veineux se draine ensuite dans le plexus veineux vertébral extradural, dans ce cas une veine lombaire ascendante (astérisque). L'artère d'Adamkiewicz est indiquée par de petites flèches noires. Le trajet de ces veines est indépendant de celui des artères radiculomédullaires ou des racines nerveuses. D’autre part, plusieurs troncs veineux peuvent converger vers un segment distal unique. Cette configuration est parfois prise à tort pour une anastomose inter-radiculaire intradurale “en tête de flèche”, en particulier lorsque le segment distal commun est occlu ou de petite taille [20]. Il est estimé que les veines radiculomédullaires sont plus fréquentes que les artères homonymes; l’analyse de littérature proposée par Jellinger en 1966 en dénombrait de 11 à 40 antérieurement, et de 12 à 42 postérieurement [21]. D’autres auteurs ont offert des chiffres plus modestes, par exemple entre 8 et 14 antérieurement et postérieurement pour Gillilan [12] , voire même sept pour chaque distribution d’après Suh et Alexander [22]. La réduction progressive du nombre de veines radiculomédullaires avec le vieillissement semble expliquer en partie au moins les écarts notés entre ces auteurs. La plupart des travaux classiques s’accordent sur l’existence quasiconstante de grandes veines radiculomédullaires au niveau du renflement lombosacré, une antérieure et une postérieure, comparaLe Rachis - N° 4 - Septembre 2014 De nombreux auteurs ont noté l’impossibilité de faire progresser un matériel d’injection anatomique dans le système veineux intradural par la canulation de vaisseaux extraduraux, telles que les veines intersegmentaires thoraciques ou lombaires, par exemple. Cette observation mena à l’assomption que les veines périmédullaires étaient protégées par la présence de valves, dont la morphologie et la localisation restaient toutefois peu claires [22, 23]. Dommisse est, à notre connaissance, le premier auteur à mentionner, dès 1975, l’existence d’un mécanisme protecteur dépendant de “pseudo-valves”: “[…] the axillary pouches of the dural sac, at which the veins make their exit in the company of the segmental nerve roots, appear to serve the function of venous valves. (p. 88)” [24]. La morphologie des structures responsables de ce mécanisme de protection anti-reflux fut ensuite clarifiée par les travaux de Crock [15], de Tadié [1-3], et de van der Kuip [25]. Les “pseudo-valves” semblent constituées principalement d'un rétrécissement fusiforme de la veine radiculomédullaire lorsqu'elle perfore le sac dure-mérien pour se jeter dans le plexus épidural [3, 15, 25]. Des facteurs accessoires ont également été impliqués dans le mécanisme protecteur, tels que la présence de repli duraux intraluminaux ou d'une augmentation focale des fibres musculaires intrapariétales [25]. Grâce à l'ATPP, la configuration du système anti-reflux, jusqu'ici appréciée uniquement sur matériel anatomique, peut maintenant être imagée en pratique clinique (figure 15). Le mécanisme anti-reflux contrôle la direction du flot sanguin au sein des veines radiculomédullaires. Il en prévient en particulier le remplissage rétrograde lors d'une élévation physiologique de la pression aux niveaux des plexi veineux vertébraux internes et externes, par exemple de façon aigue lors d'une manœuvre de Valsalva ou de manière plus prolongée durant la grossesse. Ce mécanisme joue à notre avis un rôle important dans la pathogenèse de certaines pathologies vasculaires de la moelle épinière, les fistules artérioveineuses durales et l'insuffisance veineuse médullaire notamment. CONCLUSION L'anatomie radiologique et la pathologie des veines de la moelle épinière restent peu connues de nos jours, une situation résultant en grande partie des difficultés importantes présentées par l'imagerie clinique de ce système veineux. L'ATPP est une technique d'angiographie conventionnelle d'apparition récente, dont l'application au domaine spinal devrait permettre de porter un regard neuf sur l'anatomie et la pathologie veineuses médullaires. Cette brève revue a pour but d'illustrer l'apport de cette nouvelle technique à l'appréciation de structures veineuses jusqu'ici peu ou pas accessibles à l'imagerie radiologique. La seconde partie de ce travail discutera du rôle que l'ATTP peut jouer dans l'évaluation de la pathologie des veines médullaires. RÉFÉRENCES 1. Tadié, M., et al., Le dispositif protecteur anti-reflux des veines de la moelle. Neuro-Chirurgie, 1979. 25: p. 28-30. 2. Tadié, M., et al., Les veines radiculaires de drainage de la moelle ont-elles un dispositif de sécurité anti-reflux ? Bulletin de l'Académie nationale de médecine, 1978. 162(6): p. 550-554. 3. Tadié, M., et al., Morphological and functional anatomy of spinal cord veins. J Neuroradiol, 1985. 12(1): p. 3-20. 4. Pierron, D., Les myélopathies chroniques par stase veineuse intrarachidienne. 1982, Thesis, Paris VI - SaintAntoine. 5. Djindjian, R., M. Hurth, and R. Figure 15 : Angiographie du mécanisme anti-reflux A. représentation artistique du mécanisme anti-reflux (adaptée de Crock et Yoshizawa [15]). 1 - veine radiculomédullaire, 2 - veines émissaires du trou de conjugaison, 3 - plexus épidural, 4 - mécanisme anti-reflux B. ATTP, reconstruction coronale chez un homme de 49 ans, montrant un rétrécissement focal de la veine radiculomédullaire (flèche blanche) correspondant à son passage oblique entre les feuillets interne et externe du sac dural. C. ATTP, reconstruction coronale chez un homme de 74 ans. Dans ce cas, le rétrécissement est si prononcé que la lumière de la veine radiculomédullaire n'est pas angiographiquement détectable. Bien qu'il soit encore trop tôt dans notre expérience pour affirmer la nature pathologique d'un tel rétrécissement, l'hypothèse qu'une exagération du mécanisme anti-reflux puisse être à l'origine de certaines pathologies du système veineux médullaire (insuffisance de drainage ou fistules artérioveineuses, par exemple) est séduisante. 17 Houdart, L'Angiographie de la Moelle Epiniere. 1970, Paris: Masson. 6. Launay, M., J. Chiras, and J. Bories, Angiography of the spinal cord: venous phase. Normal features. Pathological application. J Neuroradiol, 1979. 6(4): p. 287-315. 7. Akpek, S., et al., Three-dimensional imaging and cone beam volume CT in Carm angiography with flat panel detector. Diagn Interv Radiol, 2005. 11(1): p. 103. 8. Zellerhoff, M., et al. Low contrast 3D reconstruction from C-arm data in SPIE. Medical Imaging 2005: Physics of Medical Imaging. 2005. 9. Chen, J., T. Ethiati, and P. Gailloud, Flat panel catheter angiotomography of the spinal venous system: an enhanced venous phase for spinal digital subtraction angiography. AJNR Am J Neuroradiol, 2012. 33(10): p. 1875-81. 10. Willinsky, R., et al., Angiography in the investigation of spinal dural arteriovenous fistula. A protocol with application of the venous phase. Neuroradiology, 1990. 32(2): p. 114-6. 11. Kadyi, H., Über die Blutgefässe des Menschlichen Rückenmarkes. 1889, Lemberg, Poland: Gubryonowisz & Schmidt. 12. Gillilan, L.A., Veins of the spinal cord. Anatomic details; suggested clinical applications. Neurology, 1970. 20(9): p. 860-8. 13. Lazorthes, G., A. Gouaze, and R. Djindjian, Vascularisation et circulation de la moelle épinière. 1973, Paris: Masson & Cie. 14. Herren, R.Y. and L. Alexander, Sulcal and intrinsic blood vessels of the human spinal cord. Arch Neurol Psychiatry, 1939. 41(4): p. 678-687. 15. Crock, H.V. and H. Yoshizawa, The Blood Supply of the Vertebral Column and Spinal Cord in Man. 1977, New York: Springer-Verlag. 16. Thron, A., Vascular Anatomy of the Spinal Cord. Neuroradiological Investigations and Clinical Syndromes. 1988, Wien New York: Springer-Verlag. 17. Pearl, M.S., et al., Angiographic detection and characterization of "cryptic venous anomalies" associated with spinal cord cavernous malformations using flat-panel catheter angiotomography. Neurosurgery, 2012. 71(1 Suppl Operative): p. 125-32. 18. Merland, J.J., M.C. Riche, and J. Chiras, Intraspinal extramedullary arteriovenous fistulae draining into the medullary veins. Journal of neuroradiology Journal de neuroradiologie, 1980. 7(7276996): p. 271-320. 19. Djindjian, M., et al., The normal vascularization of the intradural filum terminale in man. Surg Radiol Anat, 1988. 10(3): p. 201-9. 20. Gailloud, P., The arrow-tipped loop is a marker of radiculomedullary vein thrombosis linked to the anti-reflux mechanism-angiographic anatomy and clinical implications. Neuroradiology, 2014. 21. Jellinger, K., Zur Orthologie und Pathologie der Rückenmarksdurchblutung. 1966, Wien, New York,: Springer. 212 p. 22. Suh, T. and L. Alexander, Vascular System of the Human Spinal Cord. Arch Neurol Psychiatry, 1939. 41: p. 659-677. 23. Clemens, H.J. and H. von Quast, Untersuchugen über die Gefässe des menschlichen Rückenmarkes. Acta Anat (Basel), 1960. 42: p. 277-306. 24. Dommisse, G.F., The arteries and veins of the human spinal cord from birth. 1975, Edinburgh ; New York: Churchill Livingstone. 104 p. 25. van der Kuip, M., P.V. Hoogland, and R.J. Groen, Human radicular veins: regulation of venous reflux in the absence of valves. Anat Rec, 1999. 254(2): p. 173-80. 26. Lejars, F., Les voies de sûreté de la veine rénale. Bulletins de la Société Anatomique de Paris, 1888(63): p. 504511. ARTICLE ORIGINAL TECHNIQUE CHIRURGICALE DE LA VOIE D’ABORD ANTÉRIEURE DU RACHIS LOMBAIRE OLIVIER VAN LAERE CHIRURGIE VASCULAIRE, CLINIQUE AMBROISE PARÉ, 25 BOULEVARD VICTOR HUGO, 92200 NEUILLY-SUR-SEINE, FRANCE ette chirurgie nécessite une salle opératoire spacieuse pour pouvoir mettre en place l’appareil de radiologie, le matériel d’ostéosynthèse du côté chirurgical et les appareils de monitoring habituels et le cell saver du côté anesthésique. C Le patient est installé en décubitus strict sur la table sans aucun billot. Les membres inférieurs sont écartés de 20 à 30° avec le bassin du patient positionné le plus bas possible au bord de la table. Ceci permet à l’opérateur de venir au plus près du patient et d’être en regard direct de la zone opératoire. Le patient doit être sondé pour avoir une vessie toujours vide puisque l’acte chirurgical se déroule le plus souvent dans le petit bassin. Le patient doit avoir le pubis rasé et la préparation cutanée concerne l’ensemble de l’abdomen ainsi que les deux scarpa. Le patient est badigeonné à la betadine alcoolique en incluant les deux scarpa. Ceci permet le cas échéant d’avoir un abord vasculaire fémoral. Quand l’hémostase chirurgicale est difficile à obtenir dans le cas de plaies veineuses, la mise en place de stent couverts peut parfois rendre service. Cet abord fémoral peut aussi permettre un clampage endovasculaire artériel à l’aide d’un ballon. La disposition des champs opératoires incluent la possibilité de mobiliser l’arceau de radiologie pendant l’intervention. La zone opératoire délimitée par le positionnement des champs reste assez large et libère le bord supérieur du pubis et en haut la partie haute de l’abdomen. La mise en place de l’écarteur est importante. Les deux piliers qui Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 Attention aux points d’appui de l’écarteur qui doivent être protégés par des champs ! L’arceau doit être fixé à une hauteur faible par rapport a l’abdomen pour ne pas approfondir le champ opératoire. soutiennent l’arceau ne doivent pas venir parasiter les différents contrôles radiologiques. Ils seront donc fixés le plus haut possible sur la table. Cet écarteur permet à l’opérateur de réaliser seul cet abord antérieur. De plus le champ opératoire est trop petit pour qu’un aide opératoire puisse intervenir. Une fois le patient installé sur la table et avant que les champs ne soient mis en place, l’espace intervertébral concerné est repéré à l’aide de l’amplificateur de brillance. Un tracé au crayon démographique est réalisé. L’opérateur aura toujours tendance à inciser trop bas. L’incision est médiane sous ombilicale sur environ 5 centi- Vue de la zone opératoire. Vue générale avec l’arceau radiologique. 18 mètres. S’il s’agit d’une chirurgie pour un double étage, l’incision sera bien sûr agrandie en fonction du repérage réalisé. Il est parfois nécessaire d’inciser en péri ombilical chez les sujets brévilignes. L’incision cutanée est réalisée au bistouri lame 23, l’hémostase des tissus sous cutanés est réalisée par thermo coagulation. Un écarteur de type Beckman petit format est installé de manière à maintenir les berges de la paroi abdominale écartées (anneaux vers le haut). Parfois la quantité de graisse est telle que deux écarteurs sont nécessaires. Le fond de l’incision est abrasé avec une compresse tissée pour bien faire apparaître la ligne blanche de l’abdomen. ARTICLE ORIGINAL Suivant l’étage abordé, l’incision de la paroi va être faite à droite (L5-S1) ou à gauche (L4-L5) de la ligne blanche. Parfois, s’il existe des antécédents de péritonite appendiculaire un abord du disque L5-S1 peut être réalisé en passant à gauche de la ligne. L’incision est décalée de quelques millimètres par rapport à la ligne blanche. L’ouverture de l’aponévrose permet de visualiser le bord médial du muscle grand droit correspondant. A l’aide d’un écarteur de faraboeuf pour soulever le muscle grand droit. Aide indispensable de l’écarteur de Beckman. Très peu d’instruments sont nécessaires pour la réalisation de cet abord. Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 Dissection de sa face postérieure à l’aide d’un tampon monté. En effet à ce niveau l’ensemble des aponévroses des muscles de la paroi antéro latérale de l’abdomen passent en avant du corps musculaire du muscle grand droit (arcade de Douglas). La face postérieure du muscle repose donc directement sur le fascia transversalis par l’intermédiaire d’un fin tissu graisseux. La dissection doit être douce pour ne pas arracher les pédicules vasculaires qui pénètrent le muscle grand droit. En particulier prendre soin de ne pas léser l’artère épigastrique ou dans tous les cas d’en faire l’hémostase soigneuse (hématome de paroi). valves seront mobilisées pour agrandir le champ opératoire. La dissection au tampon monté est débutée en regard du pubis car c’est dans cette région que le péritoine se décolle le plus facilement puis elle est poursuivie latéralement. le patient doit impérativement être parfaitement curarisé. Pour être bien exposé, il faut savoir profiter de l’écarteur autostatique et placer une valve de 30 mm qui soulève la paroi abdominale et le bord médial du muscle grand droit concerné. La dissection de l’étage L5S1 est la plus facile car la dissection n’intéresse pas les vaisseaux. Lorsque l’opérateur est seul, cela permet d’avoir une main qui empaume le sac péritonéal et l’autre main qui décolle le sac à l’aide du tampon. Le principal repère rétropéritonéal à rechercher est le bord médial du muscle psoas. Plus la dissection est poursuivie en haut plus il faut décoller le sac de la face postérieure de l’aponévrose musculaire. Cette aponévrose sera incisée le plus latéralement possible pour faciliter la mise en place des écarteurs. La palpation du relief osseux du rachis permet de repérer le niveau supérieur de dissection nécessaire. Il faut ensuite mettre en place les valves de l’écarteur. Deux valves seront mises en place latéralement et une valve dans l’angle supérieur de l’incision. Au fur et à mesure de la dissection du rétropéritoine, les 20 Il faut faire attention de ne pas choisir des valves trop longues qui risquent d’approfondir le champ opératoire. Les valves trop longues perdent également en efficacité de traction. Elles peuvent devenir des instruments traumatisants (dilacération) si mal positionnées. Il faut savoir limiter le nombre de valves pour ne pas gêner les différents contrôle radio en per opératoire. Si l’abord est réalisé du côté droit, le décollement est mené de bas en haut le long du paquet vasculaire iliaque droit du patient à l’aide d’un tampon monté. La valve droite mise en place contient ce paquet vasculaire sans trop l’étirer. La dissection se poursuit vers le coté opposé et décolle progressivement le sac péritonéal avec l’uretère droit qui reste collé à sa face postérieure. La valve controlatérale est mise en place et contient le sac péritonéal. La valve supérieure est placée sous l’angle de bifurcation aortique. La face antérieure du disque L5S1 est visible a travers le tissu cellule graisseux. section du paquet vasculaire iliaque gauche doit être prudente pour ne pas traumatiser les plexus hypogastriques responsables d’éjaculation rétrograde en cas de lésion. En cas d’hémorragie, il faut utiliser des ligatures de prolène plutôt que des clips mis à la “volée”. L’utilisation dans ce cas d’un cell saver est impératif. La présence d’un aide est dans ce cas plus confortable pour tenir l’aspiration. La réparation des plaies veineuses est difficile, la paroi étant très fragile et se déchirant aisément à la traction du fil. Veine ilio lombaire ascendante sur le bord latéral de L5. Dissection et section entre deux clips de l’artère sacrée moyenne. Mobilisation de la veine iliaque gauche en cas de confluence basse de la veine cave pour la libérer de la face antérieure du rachis. Les deux valves latérales sont mobilisées de manière à être positionnées sur les bords latéraux du rachis. Aucune ligature de collatérale veineuse n’est nécessaire à cet étage. Le jour obtenu est suffisant avec une incision cutanée minimale. Suivant la technique employée, la valve mise en place contient l’ensemble des axes vasculaires ou son extrémité discale vient s’insinuer entre artère et veine. Il est nécessaire de repérer la veine ilio lombaire qui est ascendante sur le bord latéral de L5. Elle doit être disséquée puis sectionnée entre deux clips. La veine sacrée moyenne rejoint la veine iliaque primitive à son bord médial. Elle doit être ligaturée par un clip discal et une ligature prolène 5.0 sur la veine iliaque. Il ne faut pas mettre de clip sur la veine iliaque car lors de la mobilisation de cet axe ces clips risquent d’être arrachés. Il ne faut pas hésiter à prendre la veine à pleine pince si une hémostase est nécessaire. La dissection de l’étage L5L4 nécessite la mobilisation de la veine iliaque gauche. Elle est plus longue que la veine iliaque droite du fait de la confluence cave située à droite du rachis. De la même manière, la dissection est menée de bas en haut avec un tampon monté le long du paquet vasculaire iliaque gauche. Il faut choisir de mobiliser l’ensemble du paquet vasculaire en haut et en dehors ou de passer Espace de dissection entre veine iliaque gauche et artère iliaque. entre l’artère et la veine iliaque. Cette décision dépend du niveau de bifurcation de la veine cave qui est plus sujet à variation que la bifurcation aortique. Si la bifurcation cave est haut située, il est intéressant d’aborder le disque L4L5 entre artère et veine. Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 21 La veine iliaque est ensuite abaissée en la décollant doucement de la face antérieure de L5 puis du disque L4L5. Les valves sont mobilisées en fonction de l’avancement de la dissection. Il faut également repérer l’artère sacrée moyenne pour la ligaturer cette fois à son origine. Une fois que la veine iliaque est libérée soit elle est étirée vers le haut avec l’artère soit elle est abaissée en la stabilisant avec l’extrémité de la valve controlatérale. Lors de la mise en place des valves toujours vérifier qu’il existe un pouls dans l’axe artériel coincé derrière la valve. Si la veine iliaque primitive est assez longue, il est possible en l’abaissant, de libérer les disques L4L5 et L5S1. Cette disposition est très pratique pour les interventions à double étage. La dis- Cette chirurgie doit être prudente car l’espace opératoire est étroit et donc la correction d’une hémorragie peut s’avérer difficile. Il faut savoir en cas de plaie veineuse tamponner la veine, préparer calmement son fil, prévenir l’anesthésiste d’une possible perte de sang importante. En fin d’intervention il faut palper les pouls dans les deux artères iliaques. Parfois les tissus en avant du rachis sont très inflammatoires, il ne faut pas hésiter à emporter le périoste dans la dissection pour mobiliser les vaisseaux sans les individualiser. Il existe sur le marché des éclairages LED sous formes de lames malléables qui viennent se mouler sur les valves des écarteurs. Ils sont très confortables et permettent un éclairage direct de la zone opératoire. La fermeture de la paroi est classique (fil non résorbable) avec mise en place d’un redon qui sera retiré rapidement. ARTICLE ORIGINAL RACHIS RHUMATISMAL : QUAND DOIT-ON OPÉRER ? THIBAUT LENOIR CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE, CENTRE DU RACHIS, 25, BOULEVARD VICTOR HUGO, 92200 NEUILLY-SUR-SEINE, FRANCE CLINIQUE DROUOT, 75009 PARIS CHIRURGIE RACHIDIENNE DANS LE CADRE DE LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE Polyarthrite rhumatoïde et rachis cervical supérieur : instabilité C1-C2 et invagination basilaire. Deux types d’atteinte rhumatismale du complexe C0-C2 sont caractéristiques de la polyarthrite rhumatoïde : l’invagination basilaire et l’instabilité atlanto-axoidienne. L’invagination basilaire est secondaire à l’érosion progressive des masses latérales de C1 due à l’arthrite érosive des articulations latérales C0-C1 et C1C2. Elle est responsable d’une instabilité verticale. L’instabilité atlanto-axoidienne est secondaire à la destruction du complexe ligamentaire C1-C2 par le pannus inflammatoire et entraine une instabilité sagittale C1-C2. L’évolution se fait vers la compression de la jonction bulbo-médullaire par un effet coupe-cigare de l’arc postérieur de C1 associé à une compression antérieure par le pannus inflammatoire situé entre la dent et le ligament transverse. L’expression clinique de la compression médullaire ou bulbomédullaire peut associer des douleurs et des déficits neurologiques qui peuvent aller jusqu’à une tétraparésie ou une mort subite. Le dépistage radiologique de ces lésions repose sur des clichés du rachis cervical de profil et de face dont un cliché bouche ouverte. Les clichés dynamiques en flexion permettent de démasquer une instabilité du rachis cervical supérieur (figure 1). En cas de symptômes neurologiques, l’IRM, parfois aidée de séquences en flexion, permet de mettre en évidence une compression médullaire (figure 2). Le scanner permet de préciser la part de compression liée au pannus et celle qui est due à la compression osseuse (figure 2). La mesure combinée de plusieurs indexes sur les radiographie simples semble la meilleure méthode pour dépister l’invagination basiLe Rachis - N° 4 - Septembre 2014 laire, en particulier l’association des mesures des index de Ranawat et de Redlund-Johnell ainsi que celle de l’ascension de la dent au dessus de la ligne de McGregor [1] (pour le détail de ces mesures, voir dans ce même numéro, le chapitre sur le rachis cervical et la charnière cervicooccipitale par V. Chicheportiche et F Lioté). En IRM, il est possible de mesurer l’angle bulbo-médullaire formé par le grand axe du tronc cérébral et celui de la moelle. Un angle inferieur à 135° est prédictif du risque d’apparition de troubles neurologiques [2]. En ce qui concerne l’instabilité C1-C2, la mesure de la distance atlanto-axoidienne antérieure ne doit pas excéder 3.5 mm (5 mm chez l’enfant). La distance atlanto-axoidienne postérieure, mesurée entre la face postérieure de l’odontoïde et l’arc postérieur de l’atlas, correspond à l’espace “utile” restant pour le névraxe. Elle est corrélée au risque de myélopathie. Elle ne doit pas être inférieure à 14 mm. Les objectifs du traitement chirurgical des atteintes du rachis cervical supérieur dues à la polyarthrite rhumatoïde sont de décomprimer l’axe neurologique et de fusionner les zones d’instabilité. Dans la plupart des cas, la décompression postérieure associée à l’arthrodèse des niveaux instables permet de réduire de façon importante le pannus inflammatoire et d’éviter de recourir à une décompression par voie antérieure transorale ou endoscopique. De nombreuses techniques chirurgicales ont été décrites pour traiter l’instabilité atlanto-axoidienne. Le but de ces interventions est de fusionner les articulations C1-C2, ce qui permet de réduire le pannus et de décomprimer cet étage, en réduisant la translation C1-C2. Un greffon iliaque est utilisé pour obtenir l’arthrodèse postérieure C1-C2 après avivement des arcs postérieurs de C1 et C2. Plusieurs moyens d’ostéosynthèse sont utilisés pour protéger la greffe osseuse : laçage C1-C2, mise en place d’une pince par deux paires de crochets sus-lamaire C1 et sous-lamaire C2 (figure 1). Certains associent à la stabilisation C1-C2 par laçage ou pince, un vissage de Magerl (figure 2) [3] ou un vissage pédiculaire de C2 associé à un vissage des masses latérales de C1 (technique de Harms) [4]. Dans le cas de l’invagination basilaire, le but de l’intervention est de réduire la déformation, de décomprimer le névraxe et de Figure 1 : Ligne de mac Gregor-pointe de C2 impression basilaire si >4.5mm. 22 Figure 2 : Index de Redlund Johnell. Distance tangeante au plateau inferieur de C2 À la ligne de Mac gregor <34mm chez l’homme,<28mm chez la femme. fusionner l’occiput au rachis (figure 3). La fusion est confiée à une greffe osseuse massive appuyée sur l’occiput et sur l’arc postérieur de C2. En cas d’irréductibilité de la translation C1C2, une laminectomie de C1 doit être associée. Dans certains cas, l’agrandissement du foramen magnum est rendue nécessaire par l’ascension de l’odontoïde (figure 4). Les complications postopératoires sont fréquentes chez ces patients porteurs de polyarthrite rhumatoïde. L’ostéopénie induite par la maladie rhumatismale et par le traitement corticoïde au long cours entraine un risque accru de complications mécaniques. Par ailleurs, les biothérapies accroissent le risque infectieux. Polyarthrite rhumatoïde et rachis cervical inférieur L’atteinte du rachis cervical inferieur est une manifestation relativement tardive de la polyarthrite rhumatoïde. Elle siège préférentiellement en C2-C3 et C3-C4. Les atteintes les plus sévères combinent atteintes du rachis cervical supérieur et du rachis cervical inferieur sous la forme d’une déformation en col de cygne (figure 4). A partir d’un suivi de cohorte de patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde, Fujiwara et al rapportent que l’atteinte du rachis cervical inférieur apparait 13.4 ans en moyenne après le début de la maladie [5]. Une hypothèse est que l’atteinte du rachis cervical inférieur constituerait un syndrome de jonction inférieur secondaire à l’ankylose et la déformation de la charnière cervico-occipitale adjacente. Dans le même esprit, Matsunaga et al. [6] ont démontré l’importance, lors du traitement du rachis cervical supérieur, de la correction de la cyphose crânio-cervicale afin de prévenir la dégradation du rachis cervical inférieur. Pour cet auteur, la mesure de l’angle formé par la ligne de mac Gregor et la base du corps de C2 est corrélée au risque de dégradation sous jacente dans les suites d’une fusion occipito-cervicale. Dans les fusions occipito-cervicales, cette mesure pourrait être ainsi une aide à la décision dans le choix de la limite inférieure de fusion. Figure 3 : Index de Ranawat. Distance Centre de la projection des pédicule de C2 À l’arc de C1<17mm chez l’homme, <15mm chez la femme. Figure 4 : Angle bulbo-medullaire <135°. Augmentation du risque de myelopathie. Dans le cadre des atteintes limitées au rachis cervical inferieur, les indications du traitement chirurgical sont l’existence d’un déficit neurologique, des signes de myélopathie ou des douleurs cervicales en rapport avec des anomalies radiologiques patentes. Les principes du traitement chirurgical sont calqués sur le traitement des myélopathies : décompression médullaire associée à une arthrodèse instrumentée des niveaux instables. La réalisation du traitement par voie antérieure, postérieure ou combinée est décidée au vue du bilan préopératoire comprenant IRM, clichés dynamiques et scanner (figure 4). Polyarthrite rhumatoïde et rachis lombaire L’atteinte du rachis lombaire par la polyarthrite rhumatoïde est rare. Les indications du traitement chirurgical ainsi que l’évaluation de son résultat sont anecdotiques. Des cas de spondylite, de pincements discaux parfois asymétriques et parfois très érosifs, de kystes articulaires, voire de réelles scolioses sont rapportés [7]. L’association à l’ostéoporose peut conduire à des fractures ostéoporotiques. Les différentes séries de traitement chirurgical sont très hétérogènes et se sont intéressées au traitement des fractures, des sténoses canalaires, des instabilités vertébrales et des scolioses. Le point commun à ces différentes séries est la fréquence élevée des complications infectieuses, mécaniques et surtout la constitution de syndromes de jonction en limite d’arthrodèse [8]. Malgré ces difficultés, si l’on parvient à respecter les trois objectifs de cette chirurgie qui sont la décompression des niveaux sténosés, l’arthrodèse des niveaux instables et le respect de l’équilibre sagittal, les résulLe Rachis - N° 4 - Septembre 2014 tats cliniques sont bons et comparables à ceux des séries de patients indemnes de polyarthrite rhumatoïde (figure 5) [9]. CHIRURGIE DES DÉFORMATIONS RACHIDIENNES DE LA SPONDYLARTHRITE ANKYLOSANTE Hormis les fractures sur rachis ankylosé, que nous ne traiterons pas, les patients atteints de spondylarthrite ankylosante posent le difficile problème de déformation du rachis. En effet, les patients atteints de spondylarthite ankylosante présentent une ossification et un enraidissement progressif du rachis en cyphose. Le rachis cervical est une zone prédominante d’ankylose. Toute douleur brutale ou apparition d’une flexion aigue du rachis cervical doit faire évoquer une fracture. Le diagnostic en est souvent difficile, et devant un tel tableau un scanner ou une IRM doivent être réalisés à la recherche d’un trait de fracture ou de signes indirects de fracture [10]. Ce sont des fractures très instables et leur prise en charge est primordiale afin d’éviter l’apparition d’une déformation génératrice de troubles de posture et de complications neurologiques (figure 6). Avec la progression de la maladie, la perte de lordose lombaire et cervicale et l’accentuation de la cyphose thoracique, les patients ont tendance à compenser par une hyperextension des hanches et une flexion des genoux. Dans les formes les plus avancées, l’ankylose du rachis cervical se traduit par l’impossibilité de maintenir le regard horizontal, par une difficulté à l’ouverture buccale et parfois des difficultés de déglutition. Ces situations sont à l’origine d’handicaps majeurs et peuvent amener à proposer des gestes de correction dont l’objectif est de corriger le déséquilibre antérieur et la perte de l’horizontalité du regard. Il est important d’apprécier l’ensemble de la déformation, d’en localiser le sommet et de bien comprendre l’interaction hanchebassin-rachis. En effet, la prise en charge de ces déformations commence par l’appréciation clinique de la “réserve d’extension de hanche”, mécanisme compensateur majeur du déséquilibre antérieur. En cas de raideur de hanche et de perte de cette capacité à l’hyperextension de hanche due à une coxite, le premier temps du traitement chirurgical doit être une arthroplastie de hanche (figure 7). L’appréciation radiologique de ce déséquilibre peut être faite par la mesure de la gîte sagittale en T9, de la “C7 plumb-line” (verticale abaissée à partir de C7) et de l’angle formé par l’axe front-menton et la verticale. Il est important lors de la réalisation de ce bilan radiologique, de mettre en évidence et, si possible, de corriger les mécanismes de compensation du déséquilibre antérieur que sont la flexion de hanches et de genoux. Il peut être nécessaire de faire deux séries de clichés du rachis entier, une première série avec hanches et genoux fléchis dans la position spontanée du patient et une seconde série de radiographies avec hanches et genoux en extension (figure7). Le traitement chirurgical de ces déformations vise à corriger le déséquilibre antérieur, à redonner l’horizontalité du regard et à maintenir cette position dans le temps. La correction de cette déformation est obtenue grâce à une ostéotomie vertébrale de fermeture postérieure au niveau de déformation maximale. Ces techniques d’ostéotomie, décrites en premier lieu par Smith-Peterson [11], consistent à enlever tout l’arc postérieur de la vertèbre choisie puis, après avoir contourné le sac dural à enlever un coin vertébral corporéal à sommet antérieur dont la base est en regard des pédicules. La correction est achevée par manœuvres de la table opératoire ou grâce à l’instrumentation pédiculaire. Elle permet de gagner de 25 à 40° de déformation sagittale. Le choix du niveau vertébral et du nombre de niveaux à corriger est fonction du planning préopératoire (radiographie du rachis grand format de profil, hanches en extension) [12] et peut être aidé par la réalisation de calques. Une déformation située principalement au niveau lombaire et entrainant un déséquilibre antérieur sera traitée par ostéotomie transpédiculaire lombaire. Une déformation siégeant à la charnière cervico-tho- 23 EVALUATION DE LA DOULEUR DU RACHIS CERVICAL SELON RANAWAT STADE 0 pas de douleur. STADE I antalgiques simples, douleurs intermittentes. STADE II immobilisation par collier, douleurs intermittentes, incomplètement calmée par les antalgiques usuels. STADE III Douleur invalidante, permanente non calmée par les antalgiques. Figure 5. EVALUATION DE L’ATTEINTE NEUROLOGIQUE SELON RANAWAT Classe I pas d’atteinte neurologique Classe II faiblesse musculaire subjective et dysesthésie, hyper réflexivité ostéotendineuse Classe IIIA déficit musculaire objectif modéré, patient autonome Classe IIIB déficit sévère responsable d’un état grabataire Figure 6. CALSSIFICATION DE FRANCKEL Frankel A : Paralysie motrice et sensitive complète. Frankel B : Sensibilité sous lésionnelle conservée. Frankel C : Motricité partielle, non fonctionnelle, majorité des muscles côtés à moins de 3. Frankel D : Motricité fonctionnelle permettant la déambulation, majorité des muscles côtés à plus de 3. Frankel E : motricité et sensibilité normales, réflexes pouvant être anormaux. Figure 7. racique entrainant une perte du regard horizontal, et même, dans certains cas, un contact mentonpoitrine (chin on chest position) mais qui ne s’accompagne pas d’un déséquilibre antérieur notable sera au mieux prise en charge par une ostéotomie de la charnière cervico-thoracique. Dans le cas des déformations de la charnière cervico-thoracique, le site préférentiel de correction est la vertèbre C7 du fait de la largesse du canal à ce niveau et de la relative distance de l’artère vertébrale (figure 7) [13]. Bien que ces techniques soient des techniques exigeantes et comportent des risques, la correction de ces déformations parfois très handicapantes donne de bon résultats. Leurs buts sont la correction d’un déséquilibre sagittal et l’obtention d’un regard horizontal. Il est fondamental de prévoir le site de l’ostéotomie et le degré de correction à obtenir par un planning préopératoire précis. Dans le cadre de cette planification, la réalisation de calques permet de localiser le meilleur site vertébral de correction et son effet sur l’équilibre global et la position du regard. Il faut pour terminer insister sur l’importance du dépistage des fractures du rachis, cervical en particulier chez ces patients. Leur diagnostic est difficile et l’évolution parfois dramatique du fait de l’aggravation constante de la déformation et de l’apparition potentielle de troubles neurologiques. RÉFÉRENCES 1. Riew Hilibrand AS, Palumbo MA, Sethi N, Bohlman HH. Diagnosing basilar invagination in the rheumatoid patient: the reliability of radiographic criteria. JBJS 2001 ;83A :194-200. 2. Bundschuh, Modic MT, Kearney F, Morris R, Deal C. Rheumatoid arthritis of the cervical spine: surface-coil MR imaging. AJR Am J Roentgenol 1988 ;151 :181-187 3. Jeanneret B, Magerl F. Primary posterior fusion C1-C2 in odontoid fractures : indications, technique, and results of transarticular screw fixation. J spinal disord 1992 ; 5 :464-475 4. Harms F, Melcher RP. Posterior C1C2 fusion with polyaxial screws. Spine 2000 ;26 ,2467-2471 5. Fujiwara Owaki H, Fujimoto M, Yonenobu K, Ochi T. A long term followup study of cervical lesions in rheumatoid arthritis. J spinal disord 2000;13(6) :51926 6. Matsunaga S, Ijiri K, Koga H. Results longer than 10 year follow-up of patients with rheumatoid arthritis treated with occipito-cervical fusion. Spine 2000 ; 25 :17491754 7. Kawaguchi Matsuno H, Kanamori M, Ishihara H, Ohmori K, Kimura T. Radiographic findings of the lumbar spine in patients with rhumatoid arthritis, and a review of pathologic mechanisms. J Spinal Disorder Tech 2003 ;16(1) :3843 8. Inoka M, Tada K, Yonenobu K. Problems of PLIF for rhumatoid spondylitis of the lumbar spine. Arch Orthop Trauma Surg 2002 ;122 :73-79 9. Crawford CH, Carreon LY, Djurasovic M, Glassman SD. Lumbar fusion outcomes in patients with rhumatoid arthritis. Eur Spine J 2008 ;17 :822825 10 Wang YF, Teng MM, Chang CY, Wu HT, Wang ST. Imaging manifestations of spinal fractures in ankylosing spondylitis. AJNR Am J Neuroradiol 2005;26(8) :2067-76 11. Smith-Petersen Larson CB, Aufranc OE. Osteotomy of the spine for correction of flexion deformity in rheumatoid arthritis. Clin Orthop 1969 ;66 :6-9 12. Van Royen Scheerder FJ, Jansen E, Smit TH. Deformity planning for sagital plane corrective osteotomies of the spine in ankylosing spondylitis. Eur Spine J. 2000 ;9(6) :492-8 13. Langeloo Journee HL, Pavlov PW, de Kleuver M. Cervical osteotomy in ankylosing spondylitis: evaluation of new developments. Eur Spine J. 2006 ;15(4) :493500 CONGRÈS - COURS DIGITAL CREATION ©KARIM BOUKARABILA - WWW.BOUKARABILA.COM 6 Février 2015 - Paris, France 10-13 Novembre 2014 - Paris, France Abstract submission deadline Sept 26th, 2014 spinal surgery: Societal impact & added value January 29th-30th, 2015 Maison des Arts & Métiers, Paris FRANCE Plenary sessions, workshops, posters and oral presentations, interactive voting, networking Christian Mazel (Paris, France) ArgoSpine President Wilco C. Peul (Leiden, The Netherlands) ArgoSpine Symposium President www.argospine.org Le Rachis - N° 4 - Septembre 2014 24