Charles Baudelaire : Les Fleurs du Mal
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Charles Baudelaire : Les Fleurs du Mal
CHARLES BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal Du 2 novembre 2012 au 17 et 24 février 2013 prendront place, au Musée de Mariemont, deux expositions, intitulées « Ecrivains : mode d’emploi. De Voltaire à bleuOrange », et « Henry Bauchau. L’épreuve du temps ». Le sujet de cette fiche pédagogique est la célèbre œuvre de Baudelaire, Les Fleurs du Mal, qui sera présentée dans la première exposition. Ce dossier a pour but de présenter de manière concise cette œuvre et son auteur tant controversés. piste pédagogique 1 Fiche Technique Auteur : CHARLES BAUDELAIRE Titre : Les Fleurs du Mal Maison d’édition : Alençon-Paris, Poulet-Malassis et De Broise Année d’édition : texte datant 1857 (édition d’origine) Description de l’objet : demi-maroquin moutarde à coins et filets dorés ; dos à 5 nerfs perlés et 6 compartiments dont un pour le titre et l'auteur, les autres ornés d'une fleur dorée et mosaïquée dans un double encadrement de filets dorés ; tranche de tête dorée ; couverture de papier jaune clair conservée ; reliure de Victor Champs réalisée entre 1868 et 1876 Illustration : frontispice de Félicien Rops datant de 1866 ajouté au moment de la reliure ; gravure intitulée Les Épaves représentant un tronc-squelette illustrant la déchéance humaine piste pédagogique 2 Page de la 1ère édition des Fleurs du Mal de CHARLES BAUDELAIRE, annotée par l’auteur Biographie de l’artiste 1821 1827 1828 1837 1841 1844 1845 1846 1848 1856 9 avril, naissance de Charles Baudelaire à Paris Mort de son père Joseph François Baudelaire alors âgé de 68 ans Remariage de sa mère Caroline Defayis avec le chef de bataillon Aupick Voyage familial dans les Pyrénées duquel Baudelaire revient avec ses premiers poèmes Baudelaire est envoyé par son beau-père aux Indes pour le responsabiliser, mais il refusera de poursuivre le voyage et rentrera à Paris en 1842 Baudelaire est mis sous tutelle après avoir dilapidé l’héritage paternel ; c'est pour lui une grande humiliation dont il souffrira toute sa vie et qui le poussera à une tentative de suicide Publication du Salon de 1845 (Baudelaire est d’abord connu comme critique d’art avant d’être écrivain) Publication du Salon de 1846. Mouvements révolutionnaires en Europe ; Baudelaire participe aux Journées de Février qui instaure la deuxième République Publication de la traduction des Histoires extraordinaires d'E. A. Poe, dont Baudelaire est le traducteur, suivront les Nouvelles Histoires extraordinaires (1857), les Aventures d'Arthur Gordon Pym (1858) et les Histoires grotesques et sérieuses (1865) 1857 25 juin, publication des Fleurs du mal chez Poulet-Malassis et De Broise 20 août, procès des Fleurs du mal, et condamnation de l'auteur et de ses éditeurs 1859 Publication du Salon de 1859 1860 Publication des Paradis artificiels 1861 Baudelaire pose sa candidature à l’Académie française et cherche le soutien de Sainte-Beuve ; il retirera sa candidature l’année suivante 1863 Baudelaire écrit Le Peintre de la vie moderne, dans Le Figaro. 1864 Six poèmes en prose sont publiés dans Le Figaro sous le titre Le Spleen de Paris ; Baudelaire s'installe à Bruxelles, mais n’y rencontrera pas l’attention espérée et s’en offusquera dans l’un de ses ouvrages Pauvre Belgique ! 1866 Photo de Charles Baudelaire par NADAR Publication des Épaves qui renferment ses poèmes condamnés ; Baudelaire est victime d'un malaise à Namur ; premiers symptômes La construction du recueil reflète un cheminement, une quête. Spleen et idéal constitue une forme d'exposition : c'est le constat du monde réel tel que le perçoit l'écrivain. Les deux sections suivantes sont des tentatives de réponse au spleen, des essais pour atteindre l'idéal. Le poète s'aventure à cette fin dans les paradis artificiels que sont les drogues (Le Vin) avant de se tourner vers le sexe et les plaisirs physiques (Fleurs du mal). Après ce double échec vient la révolte contre l'absurdité de l'existence (Révolte) qui, s'avérant vaine elle aussi, se solde par La Mort. d'aphasie ; le 2 juillet, il est ramené à Paris. 1867 31 août, mort de Baudelaire. Itinéraire des Fleurs du Mal Le recueil poétique Les Fleurs du Mal de Charles Badelaire a connu un itinéraire assez mouvementé. Cet ouvrage a longtemps été mûri par l’auteur, il a connu une évolution au fil des temps avec des censures, des rajouts, des rééditions. Avant sa première édition, cette œuvre avait déjà été annoncée à plusieurs reprises avec des titres différents, tels que Les Lesbiennes en 1845, Les Limbes en 1848 et enfin Les Fleurs du Mal en 1855. 1855 : apparition de l’intitulé « Les Fleurs du Mal » Le1er juin 1855, Baudelaire publie dans La Revue des Deux Mondes un ensemble de 18 poèmes sous le nom Les Fleurs du Mal. Lors de cette publication, une note de prudence avait été écrite par la rédaction de la revue concernant ces poèmes. 1857 : 1ére édition Le 30 décembre 1856 Baudelaire signe le contrat d’édition des Fleurs du Mal avec la maison d’édition PouletMalassis et De Broise. Le manuscrit est soumis à la maison d’édition le 4 février 1857. Le 25 juin, le premier tirage de 1100 exemplaires en mis en vente. Sur les 100 poèmes que compte cette première édition seuls 52 sont inédits, les autres ayant déjà fait l’objet d’une publication dans différentes revues. Cette édition présente une œuvre divisée en cinq sections : Spleen et Idéal composé de 77 poèmes, Fleurs du Mal composé de 12 poèmes, Révolte composé de 3 poèmes, Le Vin composé de 5 poèmes et La Mort composé de 3 poèmes. Cet ouvrage reçut un accueil mitigé ; tandis que Le Figaro critique l’œuvre, Le Moniteur Universel en fait l’éloge. Mais cela n’empêchera pas l’ouvrage de comparaitre en justice sous les accusations d’outrage à la religion et aux bonnes mœurs. Le procès, qui eut lieu le 20 août 1857 devant la 6e Chambre correctionnelle, condamne l’auteur et les éditeurs à verser une amende et à supprimer six poèmes jugés les plus outrageux (Les Bijoux, Le Léthé, À celle qui est trop gaie, Lesbos, Femmes damnées et Les Métamorphoses du vampire). 1861 : 2e édition La vente rapide de la première édition malgré ou grâce au choc créé par sa condamnation ainsi que la suppression de 6 poèmes poussera Baudelaire à écrire de nouveaux poèmes afin de combler les trous et à rééditer son œuvre. Cette seconde édition sera publiée en 1861 par la même maison d’édition à 1500 exemplaires. Les poèmes censurés seront remplacer par 35 autres poèmes mais dont un seul est inédit (La fin de la journée). Une nouvelle division est créée dans le recueil intitulée Tableaux parisiens. 1866 : Les Épaves Baudelaire décide, malgré la condamnation dont il avait fait l’objet, de faire paraitre les poèmes censurés dans un nouvel ouvrage intitulé Les Épaves, qu’il fera publier en Belgique en 1866 dans l’espoir d’y être mieux accueilli. Ce recueil publié à 260 exemplaires est composé de 23 poèmes répartis en six sections, dont la deuxième est consacrée aux poèmes précédemment condamnés par la censure française. 1868 : 3e édition - édition posthume Une troisième édition des Fleurs du Mal verra le jour en 1868, soit après le décès de Baudelaire. Cette nouvelle édition, publiée à Bruxelles par la maison d’édition Lévy, comprend 151 poèmes pour six sections. Cette nouvelle publication reprenait la totalité de l’édition de 1861 ainsi que douze poèmes provenant de l’ouvrage Les Épaves et dix nouveaux poèmes dont un seul est inédit (À Théodore de Banville). piste pédagogique 3 La Censure L’édition de 1857 des Fleurs du Mal, mis en vente le 25 juin, a reçu un accueil mitigé. Admiré par certains, critiqué par d’autres, il s’en suit que l’œuvre a été attaquée en justice pour outrage à la morale. Le 20 août 1857 eut lieu le procès devant la 6e Chambre correctionnelle. L’œuvre fut jugée coupable, ce qui eut pour conséquence que Baudelaire et ses deux éditeurs furent condamnés à payer une amende et que six poèmes durent être supprimés du recueil. Cette interdiction de la publication d’écrits est ce que l’on appelle de la censure. Cette dernière peut se définir comme une limitation de la liberté d’expression. Dans ce sens, la censure s’oppose à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. L’article 10 de cette déclaration annonce que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Quant à l’article 11, il proclame que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En effet, après la Révolution française de 1789, les hommes de lettres et les scientifiques ont revendiqué le droit de s’exprimer librement. Ils considéraient que la recherche de la liberté ou des valeurs esthétiques mérite d’être poursuivie pour elle-même et qu’aucun pouvoir ne peut lui assigner une limite. Cependant, au début, le ministère public de la République française a essayé de censurer des écrivains. Le cas du procès de Baudelaire en 1857 pour Les Fleurs du Mal en est un exemple frappant, ainsi que le cas de Madame Bovary de Flaubert, qui fut condamné la même année. Les chefs d’accusations contre Les Fleurs du Mal étaient l’outrage à la morale publique et religieuse ; ils concernaient 13 des 100 poèmes du recueil. L’accusation d’outrage à la morale religieuse a été abandonnée. Cependant, l’œuvre a été condamnée pour offense à la morale publique et aux bonnes mœurs. Selon le jugement : « l’erreur du poète, […], ne saurait détruire l’effet funeste des tableaux qu’il présente au lecteur, et qui, dans les pièces incriminées, conduisent nécessairement à l’excitation des sens par un réalisme grossier et offensant pour la pudeur ». Le réquisitoire à l’encontre de l’œuvre Les Fleurs du Mal avait mis en avant des poèmes « ou le sens de la pudeur n’existe pas, ou la limite qu’elle impose a été audacieusement franchie » en citant des extraits de textes. Dans une lettre envoyée à son avocat, Baudelaire se défend. Pour lui, « le livre doit être jugé dans son ensemble » et non pas poème par poème. Il ressort de l’ensemble de son œuvre une terrible moralité dont l’unique tort « a été de compter sur l’intelligence universelle, et de ne pas faire une préface où j’aurais posé mes principes littéraires et dégagé la question si importante de la morale ». Baudelaire explique aussi que le prix élevé de son livre fait que celui-ci n’est pas accessible à la foule et est donc réservé à une élite Les Épaves, Gravure de FÉLICIEN ROPS comprenant l’idée de l’œuvre. De plus, il se défend en argumentant que deux des morceaux incriminés avaient déjà été publiés (Lesbos et Le reniement de Saint Pierre) et qu’ils n’avaient pas été condamnés. Baudelaire clame l’injustice, car selon lui, il y eut de nombreuses œuvres littéraires modernes susceptibles d’aller à l’encontre de la morale publique et religieuse, et n’ayant pourtant pas fait l’objet d’une condamnation. Baudelaire a tenté d’échapper à sa condamnation. Il a notamment écrit à l’impératrice Eugénie, femme de Napoléon III et grande protectrice des arts, afin que celle-ci intervienne en sa faveur. Cette lettre permit la réduction de l’amende du poète. Afin d’échapper à cette censure, Baudelaire s’exilera en Belgique où les lois françaises ne sont pas d’application. Là, il publiera Les Épaves, œuvre dans laquelle il inclura les six poèmes censurés. Il faudra attendre le 13 mai 1949 pour que la censure qui touchait l’œuvre de Charles de Baudelaire soit enlevée par un Arrêt de la Cour de cassation. piste pédagogique 4 et 5 « le livre doit être jugé dans son ensemble » ; « l’unique tort a été de compter sur l’intelligence universelle » Courant artistique Les Fleurs du Mal est une œuvre très particulière, qu’on ne peut pas inscrire dans un seul courant artistique. Charles Baudelaire est le reflet de la littérature de son époque, durant laquelle celle-ci est partagée entre le déclin du romantisme et les théories du réalisme. Il est également considéré comme l’initiateur de la poésie moderne. L’esthétique de Baudelaire rompt avec les conventions passées pour rechercher une certaine vérité. Selon Théophile Gautier (poète, romancier et critique français du XIXe siècle) l’œuvre de Baudelaire a une âme romantique tout en ayant un côté réaliste que ce dernier refuse. Charles Baudelaire est considéré, selon Claude Pichois (érudit français du XXe siècle), comme un lien entre le passé et l’avenir ; il est « le dernier classique et tout à la fois le premier moderne ». On retrouve dans les œuvres de Baudelaire à la fois un substrat de son époque mais surtout une originalité propre qui les mène vers la modernité. En cela, Baudelaire se trouve en quelque sorte entre la tradition et la modernité. piste pédagogique 6 Lien avec d’autres artistes Baudelaire lui-même considérait l’importance de mettre la poésie en correspondance avec d’autres genres d’expression artistique. Effectivement, Baudelaire a délibérément associé à ses œuvres, et particulièrement aux Fleurs du Mal, des créations d’autres artistes tels que Rubens, Delacroix, ou même le célèbre compositeur Wagner. Ainsi, même s’il semble vouloir rejeter l’esthétique traditionnelle, Baudelaire recherche dans les arts plastiques une nouvelle manière d’exprimer sa vision du monde. Il va notamment vouloir exprimer sa propre idée de l’Art en consacrant plusieurs poèmes à des artistes particuliers dans Les Phares. Dans Les Fleurs du Mal, Baudelaire va assez clairement adapter des œuvres visuelles d’autres artistes. On peut citer notamment son poème intitulé Don Juan aux Enfers, qui a été écrit sur base d’une lithographie de l’artiste Guérin. Il y a également Le Masque et Danse macabre qui ont été réalisés d’après deux sculptures d’Ernest Christophe. Son poème Bohémiens en voyage s’inspire d’une estampe de Jacques Callot, tandis qu’il a écrit Duellum en regard du Caprice 62 de l’artiste peintre Goya. De plus, une eau-forte de John Hamilton Mortimer lui a inspiré Une gravure fantastique. Les Fleurs du Mal peuvent également être mises en relation avec Félicien Rops. Effectivement, associé à l’éditeur français Poulet-Massis, l’artistepeintre et illustrateur Félicien Rops réalise le frontispice du poème Les Épaves de Baudelaire. Le travail de Baudelaire peut également être associé au célèbre critique Charles-Augustin Sainte-Beuve. En effet, Charles Baudelaire semblait tenir en haute estime l’avis de Sainte-Beuve car il lui soumettait chacune de ses œuvres et chercha son approbation et à son soutien pour sa candidature à l’Académie française, ce qu’il n’obtiendra jamais. piste pédagogique 7 Pistes pédagogiques : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Visite de l’exposition « Écrivains : mode d’emploi, De Voltaire à bleuOrange » afin de comprendre qu’es qu’un écrivain Dessiner l’objet (le livre) à partir de la description de celui-ci dans la fiche technique Interprétation orale d’un poème au choix À partir de la mise en situation de base, le procès des Fleurs du Mal de Baudelaire, faire un débat oral opposant la liberté d’expression et le respect des bonnes mœurs Rédaction d’un texte argumentatif pour ou contre la publication des Fleurs du Mal Effectuer une recherche synthétique sur les différents courants en lien avec l’œuvre de Baudelaire et écrire une synthèse à ce sujet en critiquant les sources et en élaborant une bibliographie rigoureuse Mise en relation de poèmes avec des œuvres d’art Bibliographie sélective • Pichois C., 1996. Baudelaire. Les Fleurs du Mal, Paris. (édition Gallimard). œuvre complète • Richter M. 2001. Baudelaire. Les Fleurs du Mal. Lecture intégrale, Genève. édition commentée • Crepet E. et J., 1906. Baudelaire, Paris. biographie • Pichois C., 2002. Dictionnaire Baudelaire, Tusson. biographie • Austin L.-J., 1956. L’Univers poétique de Baudelaire, Paris. étude critique • Brunel P., 2007. Baudelaire antique et moderne, Paris. étude critique • Ruff M.-A., 1955. L’Esprit du Mal et l’esthétique Baudelairienne, Paris. étude critique • Carlier M., 1988. Baudelaire. Les Fleurs du Mal. 10 poèmes expliqués, Paris. étude critique Travail réalisé dans le cadre du cours de Médiation Muséale et Patrimoniale LHAGI 2550 par P.Orlans et V. Matterne, UCL, année académique 2011-2012